Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/091-100

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Fascicules du tome 1
pages 081 à 090

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 091 à 100

pages 101 à 110


On l’a appelée tue-loup, étrangle-loup, tue-chien, à cause de ses effets. Aconitum Lycoctonum. Λυκοκτόνον, Κυοκτόνον. La première & la dernière de ces trois sortes d’aconit sont très-caustiques, très-âcres, & causent des convulsions mortelles, ou des inflammations suivies d’une gangrène prochaine. Ces effets, qui dépendent de leur âcreté, ont tellement surpris nos anciens, que la plûpart craignoient de toucher ces Plantes, & ont donné par-là occasion à tant de superstitions, & à des précautions ridicules pour les cueillir, ou pour les faire accompagner de leurs contrepoisons. La seconde n’est pas moins âcre que les deux autres ; ses racines cependant sont employées dans les fièvres malignes. On doit user de la poudre mêlée avec d’autres cordiaux ; même la dose en doit être médiocre, de crainte qu’elle n’irrite trop. Ses racines entrent aussi dans des orviétans, & autres compositions alexipharmaques.

On dit que son nom vient d’acone, ville de Bithynie, aux environs de laquelle il croît en abondance, quoique pourtant il croisse par-tout ailleurs, & surtout dans les montagnes de Trente. D’autres disent que ce nom vient d’ἀκόνη qui signifie chez les Grecs un rocher dénué de terre où l’aconit croît volontiers. On l’appelle aussi μυοκτονος, parce qu’il tue les rats par sa seule odeur, comme dit Pline. Les Poëtes feignent que cette herbe a été engendrée de l’écume que le chien Cerbère jeta, lorsque Hercule le tira des enfers par force : ce qui fait qu’on en trouve quantité auprès d’Héraclée de Pont, où est la caverne par où Hercule descendit. Les Anciens n’ont pas laissé de le faire servir de médecine contre la piqûre du scorpion, lequel s’amortit dès-lors qu’il touche l’aconit ; & qui au contraire en touchant l’ellébore reprend sa première vigueur, L’Aconit ne fait pas mourir, quand il trouve quelque autre poison dans le corps, parce qu’alors il le combat. La marque de ce poison est de faire venir les larmes aux yeux, de causer une grande pesanteur d’estomac, & de faire enfler le corps. Théophraste dit qu’on le prépare, ensorte qu’il fait mourir seulement au bout d’un an ou de deux. Les flèches trempées dans son jus font des plaies mortelles. Les Indiens emploient avec succès contre les fièvres l’aconit corrigé dans l’urine de vache. Lettr. ed.

ACONSUIVRE. v. a. Il veut dire, Atteindre, selon Nicod. Pertingere, pervenire, attingere.

☞ ACONSUIVI. part. qui a été poursuivi. Il ne faut pas lire Acomsiet dans Perceval, comme a fait Borel & M. Berthelin Editeur de ce Dictionnaire.

ACONTIAS. s. m. Espèce de serpent, qui a un peu plus d’un pouce de grosseur. Il est long de trois pieds. Sa tête est fort grosse & cendrée. Le reste du corps est d’une couleur fort obscure, excepté le ventre qui ne l’est pas tout-à-fait tant. Quelques-uns l’appellent Cenchrias, à cause qu’il tire sur la couleur du millet. Il y en a beaucoup en Calabre & en Sicile, où on l’appelle Saettone, parce qu’il s’élance sur un homme comme un trait. C’est pourquoi on l’appelle aussi Javelot : & c’est la même raison qui l’a fait nommer par les Grecs Acontias, du mot ἀκόντιον, qui signifie flèche, trait, javelot. Lucain, en parlant de cette sorte de serpens, les appelle volucres jaculos.

Acontias, est encore une espèce de comète dont la tête est quelquefois ronde, & quelquefois oblongue & grosse, & dont la queue est déliée, mais fort longue. Harr.

ACOPENDE, Ville nommée autrefois Olbia. Elle est dans l’Anatolie, sur le golfe de Satalie, & au nord-ouest de la ville de Satalie.

☞ ACOPIS. s. f. Pierre précieuse, transparente comme le verre, avec des taches de couleur d’or. On l’appelle Acopis, parce que l’huile dans laquelle on la fait bouillir, passe pour un remède contre les lassitudes.

☞ ACOPOS. s. m. Plante dont Pline fait mention, & que l’on prétend être l’Anagyris de Dioscoride.

ACOPUM. s. m. Terme de Pharmacie. Selon quelques Auteurs, c’est une fomentation composée de drogues chaudes & émollientes, propre à diminuer le sentiment de la lassitude contractée par un travail excessif, ou par un exercice violent. Harr. Ce mot vient de l’α privatif, & de κόπος, labor, peine, travail.

☞ ACOQUINANT & ACOQUINER. C’est ainsi qu’il faudroit écrire. Pour l’explication, Voyez Accoquiner.

ACORDE. Voyez Accorde.

AÇORES, ou AZORES. Açores, ou Azores, Cassiterides. Îles de l’Océan atlantique, qu’on nomme aussi Tercères, ou Flamandes. Elles sont entre les côtes d’Espagne & celles de Canada, & appartiennent aux Portugais. Elles ne sont habitées, selon Roterus, que depuis l’an 1439. Il n’y en avoit que sept d’abord comprises sous ce nom : aujourd’hui on en compte neuf, qui sont, Tercère, S. Michel, Ste. Marie, S. Georges, Pico, Fayals, Gratiosa, avec Floreo & Corvo, qui ont été découvertes les dernières. On les appelle Acores, du nom Espagnol & Portugais açor, qui signifie un faucon, ou un épervier, ou un autour, parce qu’on y en trouve beaucoup ; Tercères, du nom de la plus considérable ; Flamandes ; parce que ce fut un Flamand qui les découvrir le premier ; Cassitérides, ou Cattitérides, parce qu’on suppose que ce sont celles auxquelles Ptolomée & Pline ont donné ce nom. C’est dans Tercère la principale des Açores, qu’Alphonse Henri Roi de Portugal, fut envoyé en 1669, lorsqu’il fut déclaré incapable de gouverner. Voyez la description qu’en ont fait Louis de Tercera, Linschot, & l’Auteur anonyme de l’Histor. Orb. terr. Geogr. & Civil. & l’Hist. de la Comp. de Jes. T. v. L. 21. En 1720, entre l’île Tercère & l’île de Saint-Michel, deux des îles Açores, il s’éleva deux rochers très-considérables.

☞ ACORI. Nom qu’on donne au Corail blanc.

☞ ACORNA, ou ACORNUA. s. f. Espèce de chardon dont il est parlé dans Théophraste. Selon Pline, c’est une espèce de chêne vert, semblable au houx, ou au genevrier.

ACORUS. s. m. Plante médicinale. Plusieurs anciens Médecins ont confondu l’Acorus, avec le Calamus aromaticus, quoique ce soient deux plantes d’un caractère différent. Il y a deux Acorus, l’un vrai, dont il s’agit ici ; & l’autre faux, qu’on nomme Flambe de marais. Le caractère particulier qui distingue l’Acorus vrai de la Flambe & du Calamus, c’est qu’il sort du milieu environ de quelques-unes de ses feuilles une masse longue & grosse comme le petit doigt, semblable au Macropiper, ou poivre long. Cette masse est composée d’une infinité de petites fleurs, dont le pistil devient un fruit à quatre ou à cinq faces. Ces fleurs & ces fruits sont si étroitement unis, & rangés avec tant d’ordre, qu’on diroit que c’est un ouvrage à la Mosaïque. Ses feuilles, quoique semblables à celles de la Flambe de marais, sont beaucoup plus étroites, & donnent une odeur agréable, lorsqu’elles sont froissées. Ses racines ont aussi une bonne odeur, sont de couleur rougeâtre, genouillées, tracent & se replient comme celles de la Flambe. On emploie ses racines en Pharmacie ; elles entrent dans la composition de la Thériaque ; les parfumeurs s’en servent dans leurs parfums. Cette plante vient au bord des ruisseaux & des chaussées en Flandre.

ACOTER. Voyez Accoter.

ACOTÉ. Voyez Accoté.

ACOTEPOT. Voyez Accotepot.

ACOTOIR. Voyez Accotoir.

ACOUPI. Vieux s. m. Cocu.

ACOUPIE. Vieux s. f. Femme dont le mari est infidèle. Nous n’avons pas de terme propre pour les femmes, qui néanmoins ne sont pas moins exposées à cet accident que les maris. Glossaire du Rom. de la Rose.

☞ ACCOUPIR. Vieux v. a. Débaucher la femme d’autrui.

ACOUS. Bourg de Béarn. Aspaluca. Il est sur le Gave d’Aspe, dans la vallée d’Aspe, à quelques lieues au-dessous d’Oléron.

ACOUSMATE, ou AKOUSMATE. s. m. Terme nouvellement inventé, pour exprimer le phénomène d’un grand bruit semblable à celui de plusieurs voix humaines, & de différens instrumens, que des gens dont l’imagination est frappée, croient entendre dans l’air ; ce que l’on assure être arrivé au village d’Ansacq, près Clermont en Beauvoisis en 1730. On en trouvera la description dans les Mercures de Décembre 1730, Février, Juillet, Août, & Décembre 1731.

☞ ACOUSMATIQUES. adj. pris subst. ou ACOUSTIQUES. C’est ainsi qu’on appeloit ceux des disciples de Pythagore, qui restoient derrière le voile, & qui ne s’étoient pas encore tus assez long-temps pour mériter d’entrer dans le sanctuaire, & de voir leur Maître face à face. Ils recevoient ses leçons derrière un voile ; & il falloit acheter par un silence de cinq ans, le privilége de passer de l’autre côté du voile.

ACOUSTIQUE. adj. Terme de Médecine qui se dit des médicamens propres pour remédier aux incommodités de l’ouie. Ἀκοὴ, est un mot Grec, qui signifie, ouie. Il se dit encore des instrumens, dont ceux qui sont incommodés de la difficulté d’entendre, se servent pour y suppléer. On le dit généralement de tous les instrumens qui servent à augmenter le son. Cornet Acoustique. M. Moock Anglois, dit dans la Préface de sa Micrographie, qu’il n’est point impossible d’entendre d’une stade ; c’est-à-dire la huitième partie d’un mille, un petit murmure qu’une personne feroit entre ses dents ; qu’il sait un moyen par lequel il est aisé d’entendre quelqu’un parler au travers d’une muraille de trois pieds d’épaisseur, & que par le secours d’un fil d’archal bandé, le son peut être porté à une distance très-considérable presque dans un instant. Le Ch. 5. du I. Vol. des Transactions Philosophiques parle sur la fin, des sons, & de quelques instrumens Acoustiques. Voyez p. 593 & suiv.

Acoustique, se dit aussi du nerf qui va s’insérer dans l’oreille, qu’on appelle nerf Acoustique & du conduit externe de l’oreille, qui se nomme, le conduit acoustique.

Acoustique. s. f. Science qui traite de l’ouie & des sons. Acustice. C’est M. Sauveur, de l’Académie des Sciences, qui a appelé cette science Acoustique. Un grand nombre de découvertes curieuses & intéressantes a depuis accrédité cette nouvelle expression pour désigner la théorie des sons.

☞ L’Acoustique, est proprement la Théorie des sons en général, & de leurs propriétés, au lieu que la musique a pour objet le son en tant qu’il est agréable à l’ouie.

ACOUTER. v. a. Vieux mot, encore en usage en quelques Provinces, pour écouter. Pontus de Tyard, pag. 18 de son livre De recta nominum impositione, a reconnu qu’acouter étoit l’expression alors vulgaire en Bourgogne, où il écrivoit en 1603, à Châlons-sur-Saône : Ecoutez, dit-il, vulgò, acoutez. Ce mot avoit aussi cours ailleurs. Il est dans Nicot, mort à Paris l’an 1600, & dans Monet, qui fit imprimer à Lyon ses Dictionnaires plus de trente ans après. Acouter fait mieux sentir l’origine tirée du Latin auscultare, qu’écouter. Glossaire Bourguignon. Voyez écouter dans l’étymologique de M. Ménage, d’où il paroit que M. de la Monnoye a pris le commencement de sa remarque. Au reste, le verbe acouter n’est pas moins en usage en Champagne qu’en Bourgogne : mais ce n’est que parmi la populace. Tous les honnêtes gens disent écouter.

ACOUTI. s. m. Petit animal des îles de l’Amérique. Son poil est roux, & assez rude. Les habitans dressent des chiens pour chasser ces animaux, qui se retirent dans le creux des arbres. On les apprivoise, & on les accoutume à marcher sur les pattes de derrière, & à manger avec celles de devant à la manière des singes. Il a le corps, l’agilité, & les dents d’un lièvre ; mais il a la tête approchante de celle d’un rat, & les oreilles courtes & arrondies. Les jambes de derrière n’ont point de poil, & ont six ongles, celles de devant n’en ont que quatre. La femelle porte deux ou trois fois l’année. Quand elle est près de mettre bas, elle fait un petit lit d’herbe, ou de mousse, sous un buisson, & y fait les Petits, qui ne sont jamais plus de deux. Là elle les alaite deux ou trois jours, puis elle les transporte, comme les chattes font leurs petits, dans des creux d’arbres, où elles les nourrit, jusqu’à ce qu’ils soient en état de se pourvoir d’eux-mêmes. Le Père du Tertre écrit Acouty ; M. de Poinci Agouty.


☞ ACOUTREUR. s. m. Chez les Tireurs d’or, c’est l’ouvrier qui resserre & polit le trou du fer ou de la filière dans laquelle passe le trait, lorsqu’il s’agit de le tirer fin.

ACQ.

ACQS. Aquæ Augustæ, Aquæ Tarbellicæ, Tasta, Tarbellio, Vibio, ville épiscopale de Gascogne. Voyez Dax. C’est ainsi qu’on l’appelle communément.

AQUA CHE FAVELLA. C’est-à-dire, l’eau qui parle. Nom d’une Fontaine de la Calabre citérieure, au royaume de Naples. Thuria. Cette Fontaine est près de l’embouchure du Crate & des ruines qu’on appelle Sibari ruinata, c’est-à-dire, les ruines de l’ancienne Sybaris, cette ville voluptueuse, & renommée surtout pour l’appareil de ses festins, & qui fut détruite par les Croroniates. Le nom de cette Fontaine vient peut-être de ce que l’on crut que ce fut de cette fontaine que sortit l’Oracle, qui prédit la destruction des Sybarites, & qu’Etienne de Bysance a rapporté.

ACQUA-PENDENTE. Ville de l’Etat Ecclésiastique, en Italie. Aquæ Tarinæ. Elle est dans l’Orviétan, sur la rivière de Paglia, à l’occident d’Orviète. La multitude des eaux qui descendent de son territoire lui a fait donner ce nom.

ACQUARIA. Ville du duché de Modène, en Italie. Aquarium. Elle est à quelques lieues au midi de Modène, & est célèbre par les eaux minérales.

ACQUA SPARTA. Ville de l’Ombrie, province de l’Etat Ecclésiastique, Aqua Sparta. elle est à une lieue ou deux au nord d’Amelia.

ACQUA VIVA. Ville autrefois, maintenant village du royaume de Naples. Aqua Viva. Il est dans le comté de Molise, aux confins de l’Abruzze & de la terre de Labour.

ACQUERAUX. s. m. pl. Instrumens dont on se servoit autrefois pour jeter des pierres.

ACQUÉREUR. s. m. Emptor, partor. Il ne se dit que de celui qui acquiert des biens immeubles. C’est celui qui a acheté, échangé, prescrit ou reçu en payement un immeuble, ou bien à qui quelque chose est échu à quelque titre que ce soit, comme de donation, de legs, ou autrement. C’est celui qui a acquis une chose par un titre translatif de propriété. L’acquéreur évincé a recours contre son vendeur pour la restitution du prix de la chose. Quand l’acquéreur paye de ses deniers les créanciers de son vendeur, il n’est pas nécessaire de stipuler la subrogation, elle se fait de plein droit. L’acquéreur ne peut ôter les armes de l’Eglise dont le vendeur est fondateur. Un acquéreur de bonne foi (celui qui a acquis quelque chose de celui qui n’en étoit pas le propriétaire, mais qu’il croyoit tel) prescrit par la possession de 10 ans entre présens, & de 20 ans entre absens. L’acquéreur de mauvaise foi ne peut prescrire que par trente ans. On appelle ainsi celui qui a acquis de quelqu’un qu’il savoit n’être pas propriétaire. On dit au Palais, un tiers acquéreur, en parlant de celui qui a acquis un héritage hypothéqué à des créanciers privilégiés, ou qui prétendent avoir droit de le déposséder, quoiqu’il ne soit pas leur débiteur personnel.

ACQUÉRIR. v. a. Se procurer un titre qui donne droit de jouir d’une chose, ou en propriété ou en usufruit. Acquirere, consequi, comparare. On conjugue, j’acquiers, tu acquiers, il acquiert, nous acquérons, vous acquérez, ils acquièrent ; j’acquérois ; j’acquis, j’ai acquis, au futur, j’acquerrai, tu acquerras, il acquerra : au subjonctif, qu’il acquière, j’acquerrois, que j’acquisse. Corn. Le moyen d’acquérir le plus commun, de le plus naturel, c’est la cession, & le transport de la chose, par la personne à qui elle appartient. Il y a dans le Droit plusieurs titres qui expliquent les divers moyens légitimes d’acquérir. Les uns sont de Droit naturel, qu’on appelle Droit des gens, tels que sont l’occupation, la cession, la perception des fruits, & la tradition. Les autres sont de Droit civil, comme la donation, la prescription, le legs, les fidei-commis, les successions testamentaires & légitimes, Voyez les Inst. de Justinien, & Théophile.

On met aussi la guerre au nombre des moyens légitimes d’acquérir selon le droit des gens.

Acquérir, se dit aussi en choses morales, & de tout ce qui se peut mettre au nombre des biens, des avantages. Il vaut mieux acquérir le ciel que des richesses. La gloire ou la science ne s’acquiert qu’avec bien des peines. On s’acquiert difficilement des amis, & on les perd facilement. Une habitude ne s’acquiert que par une longue expérience. Nous n’acquérons jamais la sagesse ; nous n’acquérons que l’art de la feindre. Vill. La vertu qui n’est point soutenue par la gravité, n’acquiert point d’autorité parmi les hommes. S. Evr. La gloire des grands hommes se doit mesurer aux moyens dont ils se sont servis pour l’acquérir. Rochef. On le dit quelquefois absolument. Cet homme amasse de grands biens, il acquiert tous les jours. On dit aussi, Acquérir une fluxion. Le P. Bouh. soutient pourtant, & avec raison que ce terme ne doit point être employé dans un sens désavantageux.

☞ On dit proverbialement : qui bien acquiert, longuement possede ; pour dire qu’il faut acquérir légitimement. Un troisième héritier ne jouit point des biens mal acquis. On dit aussi par compliment, je vous suis tout acquis ; c’est-à-dire, je vous rendrai service en toutes occasions.

ACQUIS, ISE. part. Partus, comparatus. Ce sage Ministre avoit une prudence acquise par l’expérience, par la méditation. Balz.

Au Palais on dit, preuve acquise.

Acquis, est aussi substantif. Voyez plus bas.

ACQUET. s. m. Terme de Palais. Bien immeuble qu’on ne tient point par succession, qu’on a acquis, ou par achat ou par donation & généralement, autrement que par succession. Res parta, acquisita. Le Droit Civil ne fait point de distinction entre les propres & les acquêts. Il appelle à succéder le plus proche héritier indistinctement à tous les biens ; mais les Coutumes distinguent les biens en propres, & en acquêts. Dans la Coutume de paris tout homme peut disposer de tous ses acquêts ; mais il ne peut disposer par testament que du quint de ses propres. Entre personnes mariées les biens acquis avant la communauté, par l’un des conjoints, sont appelés spécialement acquêts ; ceux qui sont acquis pendant la communauté, conquêts. Ce qui est acquêt au père, ou à la mère, est propre naissant au fils. En ligne collatérale, toutes dispositions entre vifs, ou testamentaires, sont réputées acquêts. Les biens confisqués & donnés par le Roi aux héritiers présomptifs, de propres qu’ils étoient, deviennent acquêts. Les acquêts n’entrent point dans la communauté. Un héritage est présumé acquêt, & non propre, s’il n’appert du contraire.

Nouveaux acquêts. Terme de Finances, qui se joint d’ordinaire avec Francs-fiefs. C’est un droit dû au Roi, & au Seigneur par les Roturiers qui ont acquis nouvellement des Fiefs ; en payant ce droit ils ont le privilège de jouir du fief qu’ils ont acquis & qu’ils ne pouvoient posséder sans cela, parce que dans la rigueur les fiefs ne doivent être tenus que par des gens de condition noble. On en fait la recherche tous les 20 ans. Il est dû de trois années l’une ; mais il ne se paye qu’une fois par la même personne, pour le même Fief.

On dit proverbialement, il n’y a point de plus bel acquêt que de don ; pour signifier qu’il n’y a point de bien si agréablement acquis, que celui qui est donné.

Acquêt, signifie aussi, avantage, profit, ménage qu’on trouve à faire quelque chose. Commodum, fructus. Il n’y a point d’acquêt à acheter de mauvaises marchandises. Il n’y a point d’acquêt à plaider ; on se ruine de part & d’autre. On ne s’en sert que dans le langage commun.

ACQUETER. Vieux mot, qui se dit encore au Palais ; pour dire, acquérir de quelque manière que ce soit, excepté pourtant par succession. Acquirere, comparare.

ACQUI. Ville du Montferrat-Mantouan en Italie. Aquæ Statyellæ, ou Statellæ, ou Statelliæ. Elle est sur la rivière de Bormida, entre Alexandrie de la Paille & Savonne. Acqui a un évêché & des bains chauds & sulfureux fort fréquentés. Aquæ Bormiæ, ou Statelliæ.

ACQUIESCEMENT. s. m. Terme de Jurisprudence. Consentement que l’on donne à un acte, ou à une chose jugée. Assensus, assensio. On ne peut revenir contre une sentence après un acquiescement fait en cause d’appel. Une désertion d’appel est un tacite acquiescement. L’exécution d’un jugement, d’un contrat, est un vrai acquiescement.

Acquiescement, dans l’usage ordinaire, se dit de l’action de conformer son sentiment à la volonté d’un autre : c’est l’action par laquelle nous nous soumettons à ce qu’on nous propose, en l’acceptant & en nous y conformant. Cette femme a regagné l’esprit de son mari, par un acquiescement absolu à ces volontés. S. Evr. Acquiescement à la volonté de Dieu. La béatitude de l’homme consiste dans un acquiescement doux & paisible à la condition où l’on se trouve. S. Evr.

On le dit de même du consentement que l’on donne à une proposition certaine ou évidente. On ne peut réfuter son acquiescement à une proposition si bien démontrée. Les démonstrations mathématiques sont si évidentes, que les plus opiniâtres ne peuvent refuser leur acquiescement. Voyez Acquiescer.

☞ ACQUIESCER. v. n. Consentir, se soumettre à ce qu’on nous propose, en l’acceptant & en nous y conformant. Assentiri. C’est un homme facile & accommodant, qui acquiesce à tout ce qu’on lui propose. acquiescer aux sentiments, aux volontés d’autrui.

On dit aussi au Palais, qu’un homme acquiesce à un jugement, ou à une sentence, lorsqu’il l’exécute, ou qu’il renonce à l’appel qu’il en avoit interjeté. On acquiesce expressément par écrit en consentant à l’exécution d’un jugement, en renonçant à l’appel, ou en se désistant. On acquiesce aussi tacitement, quand on exécute en tout, ou en partie, la sentence. On peut néanmoins l’exécuter sans acquiescer, pourvû que dans l’acte qui contient l’acquiescement tacite, on proteste d’appeler des chefs qui font préjudice. On ne revient point contre un acquiescement.

Il semble, dit M. l’Abbé Girard, que le mot d’acquiescer emporte un peu de soumission. Les parties acquiescent au jugement d’un arbitre.

Son opposé est rebuter. On rebute les choses auxquelles on ne veut pas acquiescer. On s’oppose à celles auxquelles on ne veut pas consentir. Voyez encore Adhérer & Consentir.

ACQUIS. s. m. Connoissance, habileté, qui est le fruit de l’application, de l’industrie, & du travail. Doctrina, solertia, experientia parta, comparata. Cet homme a bien de l’acquis ; cela s’entend de la science, de la capacité, de l’expérience. Il n’a pas moins d’acquis que de naturel & d’agrément. S. Evr.

ACQUISITION. s. f. Achat, action par laquelle on acquiert la propriété d’une chose. Emptio, adoptio, comparatio. J’ai fait aujourd’hui une bonne acquisition. Les Financiers font tous les jours de grandes acquisitions. Je n’ai point eu de plus sensible plaisir dans cette nouvelle acquisition, que de voir combien mes amis s’y sont intéressés. Flechier.

Acquisition, se dit aussi de la chose acquise. Res comparata. Voilà mon acquisition d’aujourd’hui. Une acquisition de hasard. Je vais payer les lods & ventes de mon acquisition.

Acquisition, se dit aussi figurément. Je me tins hier au serein, j’ai fait acquisition d’un grand rhume. Cela ne peut se dire qu’en plaisantant.

ACQUIT. s. m. Billet de décharge, quittance, acte par lequel il paroit qu’on a payé. Solutio consignata scripto. On doit attacher la liasse des acquits au compte qu’on veut rendre. Quand on ne rapporte pas un acquit, il faut laisser la partie en souffrance, ou la rayer. Il faut se faire délivrer & expédier des acquits aux portes, aux Douanes, pour montrer qu’on a payé les droits.

On dit, qu’une caution paye à l’acquit d’un débiteur, qu’un payement va à son acquit ; pour dire qu’on paye pour lui, & à sa décharge.

☞ Dans ce sens l’on dit au figuré, faire une chose pour l’acquit, ou à l’acquit de sa conscience, c’est-à-dire afin de n’en avoir point la conscience chargée On dit de même faire une chose pour l’acquit de la charge, de son devoir. Il est impossible d’être Chrétien, si l’on n’est préparé de cœur à toutes les injures, puisqu’il y a mille occasions dans la vie, où, sous peine de damnation, l’on est obligé de s’y exposer pour l’acquit de sa conscience, & la sûreté de son salut. Bourdaloue. Exh. I.

Acquit, est aussi un terme de billard. C’est le premier coup que l’on joue pour se mettre en passe. Celui qui a le devant, ou qui fait sauter une bille, ou qui l’a fait, ou sur lequel on s’est perdu, fait, donne son acquit c’est-à-dire, qu’il joue sa bille, & la place où il veut, pour que sa partie joue dessus. Au jeu l’on dit, jouer à l’acquit ; c’est-à-dire, lorsque plusieurs personnes ont joué, les perdans jouent entr’eux à qui payera le tour.

On dit proverbialement, faire les choses par manière d’acquit ; c’est-à-dire, négligemment, & seulement parce qu’on ne peut pas s’en dispenser. Oscitanter, negligenter.

Acquit-A-Caution. C’est un billet que les Commis aux Bureaux des entrées dans le royaume délivrent à un particulier qui se rend caution qu’une balle de marchandise sera vue & visitée au bureau de la Douanne du lieu pour lequel elle est destinée ; & pour cet effet ils plombent la balle, afin qu’elle ne puisse être ouverte ni changée en chemin. Et lorsqu’elle est arrivée, vue & visitée, les Commis de la Douanne en donnent leur certificat au dos de l’acquit (ce qui s’appelle décharger l’acquit-à-caution) qui ensuite est renvoyé au particulier qui s’est porté caution, & qui en se représentant se fait décharger de son cautionnement.

L’acquit-à-caution de Transit, regarde certaines marchandises, ou choses servant aux ouvrages & fabrication d’icelles, qui sont exemptes des droits d’entrée & de sortie du royaume, même des péages, octrois & autres droits.

L’Acquit, ou Certificat de franchise, concerne l’exemption des droits de sortie des marchandises destinées pour envoyer hors du royaume, lesquelles sont achetées & enlevées pendant le temps des franchises des Foires.

Acquit de payement. Terme usité dans les Bureaux des cinq grosses fermes. Quand on paye les droits d’entrée ou de sortie, le Receveur du Bureau fournit un acquit sur du papier timbré, qu’on nomme Acquit de payement, & qui sert de quittance & de décharge. On dit, expédier un acquit, donner un acquit, rendre un acquit au Bureau. Voilà mon acquit de payement. Dict. des Fin.

Acquits de comptant, sont des Lettres-Patentes expédiées à la décharge du Garde du Trésor royal, pour certaines sommes remises comptant entre les mains du Roi. On dit:C’est un acquit de comptant. Les acquits de comptant ne sont point libellés; mais ce sont des lettres de validation, qui regardent certaines sommes données manuellement au Roi, & que Sa Majesté veut que l’on fasse passer en dépense à la Chambre des Comptes, sans qu’il soit fait aucune mention des emplois auxquels elles ont été destinées, imposant sur cela silence à ses Procureurs-Généraux. Dict. des Fin.

Acquit-patent, est un ordre ou mandement du Roi pour faire payer comptant par ses Trésoriers une certaine somme. L’Ordonnance de 1557 défend aux Trésoriers & Receveurs de payer aucunes sommes en vertu d’acquits-patens : toutefois ils ont encore lieu, quand ils sont en bonne forme, comme quand ils sont signés & contre-signés, vérifiés à la Chambre, contrôlés, &c. Les payemens doivent être endossés au dos des Lettres de l’acquit-patent. On se sert aussi figurément de ce mot dans la conversation. À combien d’acquits-patens il a mis votre liberté, Bussi.

ACQUITTER. v. act. Payer une dette. Solvere. J’ai acquitté cette promesse, cette obligation. On dit, acquitter des lettres & billets de change, des promesses, des obligations ; pour dire, les payer.

Acquitter, signifie aussi, libérer, décharger d’une hypothèque. Liberare ære alieno. J’ai acquitté ce fonds, je l’ai déchargé de toutes les dettes auxquelles il étoit hypothéqué. J’ai acquitté toute la succession de mon pere, elle est franche & quitte ; je me suis acquitté envers tous les créanciers.

Acquitter, signifie aussi, payer des droits pour des marchandises aux entrées & sorties du Royaume, aux entrées des Villes, & dans les Bureaux du Roi. Ce Marchand fait un gros commerce, il a acquitté, il a payé cette année pour plus de 10000. liv. de droits au Roi.

On le dit aussi avec le pronom personnel. S’acquitter d’une dette. On dit en proverbe, qui s’acquitte s’enrichit.

On dit figurément, s’acquitter envers quelqu’un ; pour dire, reconnoître par ses services les obligations qu’on lui a. Referre gratiam. Le trop grand empressement qu’on a de s’acquitter d’une obligation est une espèce d’ingratitude. Rochef. Rarement aime-t-on les gens à qui on est trop obligé ; & l’impatience de s’acquitter, si louable en apparence, n’est souvent qu’un dépit secret d’être trop long-temps redevable. Le Gend. La France entière a joui du fruit de ses travaux, & de ses exploits, (de M. le Maréchal de Luxembourg) mais la Normandie les a, pour ainsi dire, récompensés ; elle a été jugée digne d’acquitter la France envers ce Héros, & envers un fils qui lui a aidé à cueillir ces lauriers. M. Brunel.

Acquitter, se dit aussi en choses morales, en parlant des devoirs & des obligations de la vie ; c’est-à dire, y satisfaire, & les bien remplir. Officio, munere fungi. C’est un homme qui s’acquitte bien de tous les devoirs d’un chrétien, d’un ami. Il s’acquitte bien de son emploi, de sa charge. Chargez-le de cette harangue, de cette affaire, de cette négociation ; il s’en acquittera fort bien. En vérité on ne fait ici-bas que charger les comptes, & au lieu d’acquitter les dettes passées, l’on en contracte incessamment de nouvelles. Ab. de la Tr.

On dit aussi figurément, acquitter un autre de ce qu’il doit ; pour dire, faire pour lui ce qu’il devroit faire lui-même.

On dit encore, s’acquitter de sa promesse, s’acquitter d’un vœu ; pour dire, accomplir sa promesse, accomplir un vœu. Il faut être régulier à s’acquitter de sa promesse. Il vaut mieux ne point faire de vœu, que de s’en acquitter mal.

On dit figurément, acquitter sa conscience ; pour dire, faire ce qu’on croit être obligé de faire en conscience.

On dit au Jeu de Billard, s’acquitter, pour dire, jouer le premier coup pour se mettre en passe.

On dit par raillerie d’un homme qui a acheté une charge à crédit, qu’il s’acquitte bien de sa charge, quand il prend de l’argent pour rendre la justice. On dit encore, il se ruine à promettre, mais il s’acquitte à ne rien tenir. Ces façons de parler sont extrêmement populaires.

ACR.

ACRABATANE. Ancienne ville de la Terre-Sainte. Acrabatane. Cette ville étoit dans la partie méridionale de la Tribu de Juda, proche des montagnes de l’Idumée. Elle étoit située sur une montagne. Ce mot signifie, la montée du Scorpion. En effet עקרב Acrab en Hébreu signifie un scorpion : de là vient que les LXX. appellent quelquefois Acrabins, les scorpions.

ACRA SPANDONA. Cap de Thrace ou de la Romanie. Metopon. Il s’avance dans le Bosphore de Thrace, Son nom latin, & originairement grec, signifie Front.

☞ ACRATISME. s, m. Le premier des quatre repas des Grecs. Le déjeuner qu’ils appeloient Acratisma.

☞ ACRATUS. Génie de la suite de Bacchus.

ACRATOPHORE. adj. m. Surnom de Bacchus, sous lequel il étoit principalement honoré, selon Varron, à Phigalie, ville de l’Arcadie : il signifie celui qui donne le vin pur : ἄκρατος, pur, sans mélange.

ÂCRE. adj. m. & f. La première syllabe est longue. Piquant, mordicant, qui fait une impression désagréable, comme les pommes, les poires, & les fruits sauvages, sur-tout quand ils ne sont pas mûrs. Acer. Les Médecins appellent âcre, tout ce qui brûle, ou écorche la langue. Cela arrive parce que les corps âcres sont composés de parties qui ont une surface âpre & raboteuse, ou qui ont des angles & des inégalités qui blessent, & qui écorchent les corps auxquels elles s’appliquent. La saveur âcre est la troisième des sept saveurs principales. Elle a pour cause physique des molécules salines, très-subtiles & très aiguës. Voyez Saveurs.

Âcre, s’emploie quelquefois figurément en parlant d’un homme dont les manières sont rudes & choquantes ; qui est aigre & mordicant dans ses expressions. Asper, acerbus.

ACRE. s. m. La première syllabe est brève. Mesure de terre en usage particulièrement en Normandie, qui contient 160 perches. Acra. L’acre du bois est de 4 vergées, la vergée de 40 perches, la perche de 24 pieds, le pied de 24 pouces, le pouce de 12 lignes : mais tout cela differe selon les lieux. Voyez l’Ecole des Arpenteurs. C’est un Livre in-12. imprimé par les soins de M. de la Hire.

Dans un registre de la Chambre des Comptes il est dit que l’acre contient 4 vergées, dont il en faut deux pour l’arpent ; qu’une vergée contient 40 perches de terre, & chaque perche contient 24 semelles de pied. Chez les Anglois un acre contient quatre roods carrés, ou 160 perches carrées, ou 4840 verges carrées, qui font 43 560 pieds carrés. Harris.

Ce mot, selon Spelmannus, vient du Saxon acher, qui signifie ager, ou champ. Les Bollandistes sont de même sentiment. Act. Sanct. Jun. T. IV. p. 574. Fév. Saumaise tient qu’il vient du mot acra, qui a été dit pour akena, qui, selon Héron, étoit une mesure de terre des anciens de dix pieds.

ACRE, ou S. Jean d’Acre. Aca, Ace, Accon, Ptolemaïs. Ville de Syrie, sur les confins de la Phénicie & de la Palestine, sur un petit golfe de la Méditerranée, où elle a un assez bon port. L’Empereur Claude y envoya une Colonie ; c’est pour cela qu’elle fut nommée Colonie de Claude. Colonia Claudia. Sa situation avantageuse la rendit célébre sous le regne des Princes croisés. Baudouin la prit sur les Sarrasins en 1101. Saladin la reprit sur les Chrétiens. Philippe Auguste & Richard I, Roi d’Angleterre, la reprirent en 1191. Tant de Princes eurent part à cette conquête, qu’elle fut divisée entre eux en dix-neuf quartiers, ce qui causa bien des dissentions. Enfin, elle retomba au pouvoir des Sarrasins, qui la ruinerent entièrement, de sorte qu’elle ne s’en est point relevée. On prétend que ce nom est une corruption de celui que lui donna Hercule ; c’est-à-dire, d’Ace, ou Acon. Ptolomée Philadelphe dans la suite la fit appeler Ptolémaïde.

ACRE. s. m. Monnoie de compte de quelques endroits des Indes orientales. On le nomme plus communément Lacre. Voyez ce dernier mot.

Acre, que l’on appelle plus communément Rotte, est aussi un poids dont on se sert dans plusieurs Echelles du Levant. Voyez ROTTE.

ACREMENS. s. m. pl. On nomme ainsi à Constantinople une sorte de peaux de bœufs & de vaches qui y sont apportées de la Mer Noire. Les Acremens approchent assez des peaux qu’on appelle Premiers Coûteaux, & ne se vendent qu’environ un quart de piastre moins. Voyez COÛTEAUX.

ÂCRETÉ. s. f. Qualité de ce qui est âcre, qui pique la langue. Acrimonia. Quand les arbres sont greffés, les fruits qu’ils portent perdent beaucoup de leur âcreté. Les fruits que produisent les terres fortes & un peu grasses, sont plus long-temps à perdre la dureté, l’âcreté & l’insipidité ; défauts dont deux ou trois mois de serre achevent de les guérir. La Quint.

Âcreté & Acrimonie, ne sont synonymes que par l’idée générale que ces mots présentent d’une qualité active & mordicante. Le mot d’âcreté a un usage beaucoup plus étendu que celui d’acrimonie. Il s’applique non-seulement aux humeurs qui circulent dans le corps animal, mais encore à la qualité mordicante de certaines choses, que l’on distingue au goût. On dit l’âcreté du sang, de la bile, de l’humeur, comme on dit l’âcreté d’un fruit, l’âcreté du sel ; au lieu que le mot d’acrimonie ne s’applique guère qu’aux humeurs qui circulent dans l’animal. L’acrimonie des humeurs. Mais on ne diroit pas l’acrimonie d’un fruit. Enfin âcreté se prend dans un sens figuré ; au lieu qu’acrimonie ne se prend que dans le sens propre.

Âcreté, dans le sens moral, désigne le caractère d’un homme qui a quelque chose de rebutant dans les manières, de piquant dans l’expression. il a de l’âcreté dans l’humeur, dans le propos.

☞ ACRI. Rivière du Royaume de Naples. Voy. Agri.

☞ ACRI. Ville du Royaume de Naples, dans la Calabre citérieure, à la source de la rivière de Tronto.

ACRIDOPHAGE. s. m. & f. Acridophagus. Ce nom vient du Grec ἀϰρὶς Sauterelle, & φάγω, je mange ; & signifie, qui vit de sauterelles. C’est le nom d’un peuple d’Ethiopie, voisin des déserts. Au printemps les Acridophages font provision d’une espèce de grosses sauterelles, qu’ils salent pour toute l’année, n’ayant point d’autre nourriture, parce qu’ils sont éloignés de la mer, & qu’ils ne nourrissent point de bétail. Les Acridophages, dit on, ne passent guère quarante ans, & meurent consumés d’une vermine ailée qui s’engendre de leur corps. Voyez S. Jérôme contre Jovinien, L. 2. & sur S. Jean, C. 4. Diodore de Sicile, L. 3. C. 3 & 29, & Strabon, L. 16. Pline met aussi des Acridophages dans la Parthie, & S. Jérôme dans la Lybie. Quand ce qu’on dit d’ailleurs de ces peuples seroit fabuleux, l’acridophagie pourroit être vraie ; & encore aujourd’hui on mange des sauterelles en bien des endroits de l’Orient.

Tout cela rend plus probable, & presque certain, le sentiment de ceux qui croient que ce sont des sauterelles dont S. Jean vivoit dans le désert, & que c’est-là ce qu’il faut entendre par ἀϰρίδες, en S. Matth. C. 3, v. 4. Au Levit. C. xi. v. 22, un des animaux qu’il est permis de manger aux Israélites, est appelé par les Septante ἀϰρίδα, & par S. Jérôme locusta. Il s’agit là d’animaux, & les Septante n’ont assurément pû entendre par ἀϰρίδα une espèce de légume, ou la pointe des branches des arbres. Et c’étoit sans doute une pénitence bien austère, que de ne manger, comme le S. Précurseur, que des sauterelles & du miel sauvage. Licophron, ancien Poëte, & Aristophane, parlent des sauterelles comme de la nourriture la plus vile, & Théophilacte en parle comme de celle des paysans. Enfin, Ælien, de Hist. Animal. dit que l’on mangeoit des cigales, qui sont une espèce de Sauterelles. On ajoute encore, que ἀϰρίδες ne sont pas les pointes des branches tendres des arbres, c’est ἀϰρόδρυα. C’est ainsi que S. Epiphane les appelle. Il faut cependant convenir qu’Isidore de Péluse, qui écrivoit proche de la Palestine, parlant dans sa 132e Lettre de cette nourriture de S. Jean, dit que ce ne sont point des animaux ; & qu’il taxe même d’ignorance ceux qui le disent, ὀυ ζῶὰ ἐστιν, ὥς τινες ὄιονται ἀμαθῶς ; mais que ce sont les pointes des herbes & des plantes. Mais il s’est trompé ; ce que nous avons dit ne laisse aucun lieu d’en douter, & S. Augustin, Béde, & beaucoup d’autres, sont du sentiment contraire. Ainsi c’est avec raison que les Jésuites d’Anvers rejettent avec mépris le sentiment des Ebionites, qui, au lieu d’ἀϰαρίδες, mettoient ἐγχρίδες, qui signifie une espèce de mets délicat fait avec de l’huile & du miel ; celui de quelques Novateurs qui veulent qu’on lise ἀϰραδες, ou χαριδες, des cancres marins ; & celui de Béze, qui lit ἄϰρος, des poires sauvages. Ludolf croit aussi que ce sont des sauterelles que mangeoit S. Jean, Hist. d’Ethiop. T. II. p. 24.

ACRIMONIE. s. f. Aigreur piquante. Les sels ont beaucoup d’acrimonie. L’acrimonie de la bile est cause de beaucoup de maladies. Modérer l’acrimonie, ou l’âcreté des humeurs. Voyez au mot Âcreté les différences qui se trouvent entre Âcreté & Acrimonie.

☞ ACRIMONIEUX, EUSE. adj. Terme de Médecine. Qui a de l’acrimonie. Sels acrimonieux. Ce mot se dit peu.

ACRISE. s. m. Roi d’Argos, pere de Danaé. Ayant été détrôné par son frere Proétus, il fut rétabli par son petit-fils Persée, qui le tua ensuite par un malheureux accident.

ACRO. Ce mot qui est Grec, & vient d’ἄϰρος, haut, ce qui est au haut, au sommet d’une montagne, quand il est joint au nom d’une ville ; signifie souvent la citadelle de cette ville ; parce que les citadelles se construisent sur les lieux élevés qui commandent les villes. Ainsi Acrocorinthe est la citadelle de Corinthe ; Acropolis, la citadelle d’Athènes, qu’on nommoit en Grèce du nom général πόλις, ville par excellence, comme Rome étoit appelée Urbs. Acrocorinthe est représentée sur quelques Médailles qui peuvent donner du jour à ce que nous venons de dire. Une Médaille d’Auguste porte d’un côté la tête de cet Empereur couronné de laurier. Imp. Cæsar Augustus. Au revers. Octaviano iter iivir. Un rocher ou montagne escarpée de laquelle le haut est occupé d’un temple, ou d’un bâtiment, dont il ne paroît que le frontispice qui est à six colonnes, trois de chaque côté, & dans l’exergue. Cor. c’est-à dire, Corinthus.

ACROATIQUE. adj. m. Cet adjectif signifie secret, particulier, réservé. Aulu-Gelle dit qu’Aristoque donna deux sortes de livres à ses Disciples, les uns exotériques, & les autres acroatiques. Il donnoit & expliquoit les premiers indifféremment à tout le monde, & cette explication se faisoit le soir : mais pour les livres acroatiques qui traitoient de la contemplation de la Nature, & des recherches de la dialectique, il les expliquoit le matin dans le Lycée, & n’y admettoit pas indifféremment toutes sortes de personnes. Lorsqu’Alexandre se plaignit à ce Philosophe, de ce qu’il avoit publié ses livres acroatiques, & que tout le monde pourroit par-là devenir aussi habile que lui qui étoit son disciple, il lui répondit qu’ils ne pouvoient être compris que de ceux qui avoient pris ses leçons, & entendu ses explications.

ACROBATES. s. m. pl. Espèce de Danseurs de corde. Il y en avoit de quatre sortes : les premiers voltigeoient autour d’une corde, comme une roue tourne autour de son essieu, & ils se suspendoient par le cou, par le pied, &c. Les seconds voloient du haut en bas sur une corde, appuyés sur l’estomac, les bras & les jambes étendues. Les autres couroient sur une corde tendue obliquement de bas en haut. Les derniers enfin dansoient, sautoient, faisoient toutes sortes d’exercices sur une corde tendue horizontalement à neuf ou dix pieds de terre. Moreri.

ACROCERAUNES. Acroceraunia, Acroceronii montes. Selon Servius, c’est le nom de plusieurs montagnes de différens pays, ainsi appelées de ἄϰρον, le sommet d’une montagne, & ϰεραυνὸς, foudre, parce que les hautes montagnes sont souvent frappées de la foudre. Il y en a dans l’Epire qui donnent aussi leur nom à un Promontoire qui s’avance dans la Mer Adriatique. Acroceraunium. Le Cap Acrocéraunien, aujourd’hui Capo della Chimera, ou della Languetta.

ACROCÉRAUNIE. Acroceraunia. Ville épiscopale de l’Epire, au pied des monts Acrocérauniens, aujourd’hui appelée Chimère, nom qui vient d’un château nommé Chimère, que Pline dit avoir été sur le sommet de ces montagnes.

ACROCÉRAUNIEN, ENNE. s. m. Acroceraunius. Ptolomée appelle ainsi les Habitans des montagnes de l’Epire dont on vient de parler, peuple agreste & barbare ; qu’on nomme aujourd’hui Chimériots, du nom de ces mêmes montagnes, qui sont appellées Montagnes de la Chimère, ou plutôt du nom de la ville dont on vient aussi de parler. Les monts Acrocérauniens sont des bras du Pinde que quelques-uns disent être appelés Monts du Diable. Id. Je ne sais par quelle délicatesse M. Dacier n’a pas voulu se servir de ce mot dans sa Traduction d’Horace. Il l’a cependant mis à la marge ; & dans ses Notes il ôte la première partie du nom, & les appelle Monts Cérauniens, évitant, ce semble, de dire Acrocérauniens.

Acrocérauniens. s. m. & pl. Est aussi le nom des montagnes de l’Epire dont on vient de parler. Il paroît même que c’est ainsi qu’il faut dire, & non pas Acrocéraunes, que je ne trouve que dans le Dictionnaire Géographique de M. Corneille. Quel genre de mort eût pu épouvanter un homme assez intrépide pour voir d’un œil tranquille les monstres de la mer, ses flots en furie, & les Acrocérauniens, ces écueils fameux par tant de naufrages ? Le P. Tart.

ACROCHORDON. s. m. Espèce de verrue, ainsi appelée de ἄϰρον, sommet, extrémité, & de χορδὴ, corde, parce qu’elle ressemble, par son extrémité à une corde coupée, ou parce qu’étant attachée à la peau par un pédicule fort mince, elle pend comme une corde, ce qui fait qu’on l’appelle en Latin, Verruca pensilis, verrue pendante.

ACROCOME. s. m. & f. Qui a les cheveux longs, qui ne les coupe point. Ce mot est Grec, composé d’ἄϰρος, summus, & ϰόμη cæsaries.

ACROCORINTHIE. Voyez CORINTHE.

ACROIRE. v. a. Vieux mot françois, qui vouloit dire, prêter : ce mot vient de credere. Borel.

ACROMION. s. m. Terme d’Anatomie. C’est l’extrémité & l’épine de l’omoplate. Ce mot vient de d’ἄϰρος summus, & de ὦμος, humerus, c’est-à-dire, l’extrémité de l’épaule. C’est donc précisément à cause de sa situation & de sa place, qu’on l’a ainsi nommée, & non à cause qu’elle ressemble à un ancre, comme l’écrit M. Dionis ; car il n’y a rien dans acromion qui puisse signifier ancre ; & c’est la ressemblance d’acre ; & d’ancre, qui a trompé cet Auteur ; il a confondu le mot acromion avec celui d’ancyroïdes. Quelques-uns ont prétendu que l’acromion étoit un os distingué des autres, parce que ce n’est durant l’enfance qu’un cartilage, qui s’ossifie peu-à-peu, & qui, après l’âge de vingt ans, est tellement dur, & uni au reste de cette épine, qu’il ne paroit qu’un même os. Dionis.

☞ ACRON. petit royaume d’Afrique, en Guinée, sur la Côte d’or. Il confine au royaume de Fantin.

ACRONYQUE. adj. Terme d’Astronomie. Il signifie, qui se fait, qui arrive au moment que la nuit commence, que le soleil se couche. Ainsi on dit que le lever ou le coucher d’un astre est acronyque, lorsqu’il se leve ou le couche précisément au coucher du soleil. Ce mot vient de ἀκρόνυχος, vespertinus, qui est à l’entrée de la nuit. De ἄϰρος extremus, & νυξ, nox. A acronyque on oppose cosmique, qui le fait au lever du soleil, de Κόσμος, monde, parce qu’il semble que le lever du soleil est le renouvellement du monde. Il est nécessaire qu’un astre qui a un lever acronyque, ait un coucher cosmique, & que celui qui a un lever cosmique, ait un coucher acronyque.

☞ ACROPORE, s. m. Terme de Lithologie. C’est une madrépore ou corps élevé, plein de trous faits en étoiles.

ACROSTICHE. Ménage le fait masculin, après S. Amant. Quelques-uns le font féminin : l’Académie Françoise a décidé pour le masculin. Sorte de poësie disposée de façon, que chacun des vers commence par une lettre qui fait partie du nom qu’on écrit de travers à la marge, afin que chaque lettre du nom réponde à chaque vers. Acrostichis. On en fait aussi où le même nom se trouve au milieu, ou aux autres endroits des vers. On a vu même des Sonnets pentacrostiches, où il y avoit cinq acrostiches. Cette sorte de poësie est aujourd’hui fort méprisée, & un faiseur d’acrostiches est un Poëte ridicule. C’est l’effort & l’application d’un petit esprit. Ce mot vient du Grec ἄϰρος, summus, ce qui est à une des extrémités, & σίχος, vers. Voici un exemple d’acrostiche tout propre à faire sentir combien ces sortes de pièces gênent l’esprit, parce qu’outre l’acrostiche du nom du Roi au commencement des vers, il y a encore des échos à la fin. Il fut fait après la bataille de la Marsaille.

Sonnet.
L Le bruit de ta grandeur, dont n’approche personne sonne
O On sait le triste état où sont tes ennemis mis
U Voudroient-ils s’élever, bien qu’ils soient terrassés assez
I Ils connaîtront toujours ta victoire immortelle telle
 
S Superbes Alliés, vous suivrez les exemples amples
D D’Alger et des Génois implorant d’un pardon don
E En vain toute l’Europe oppose ses efforts, forts
B Bataillons sont forcés & villes entreprises. prises.
O Oh ! que par tant d’exploits vous serez embellis lis
U Votre gloire en tous lieux du combat de Marsaille aille
R Rendant la Ligue entière après mille combats bas.
 
B Belge, tu marcheras pareille à la Savoye voye
O On te voit tout tremblant sous un tel Souverain Rhin
N Nous te verrons aussi sous un Roi si célèbre Ebre.

Quelquefois les acrostiches commencent à rebours ; c’est-à dire, par la première lettre du dernier vers, en remontant de-là jusqu’au premier. Telle est celle que Guillaume de S. André a fait de son nom aux 22 derniers vers de son Poëme sur Jean IV, Duc de Bretagne. Ce Poëme se trouve dans le second Tome de la nouvelle Histoire de Bretagne, p. 691. Prenez un homme tout-à-fait ignorant, il mettra tous les Poëtes du monde en même rang, depuis Virgile jusqu’aux faiseurs d’acrostiches. Pélisson. Discours sur les Ouvrages de Sarrasin.

Quelques Auteurs appellent aussi Acrostiches les deux épigrammes du premier Livre de l’Anthologie, C. 38, faites à l’honneur, l’une de Bacchus, & l’autre d’Apollon, & composées de 25 vers, dont le premier est la proposition, ou le dessein de l’épigramme, les 24 suivans sont composés chacun de quatre épithètes commençant tous quatre par la même lettre, & disposés ainsi selon l’ordre alphabétique des 24 lettres des Grecs, ensorte que le premier de ces 24 vers comprend quatre épithètes qui commencent toutes par α le second quatre épithètes qui commencent par β le troisième quatre épithètes qui commencent par γ & ainsi des autres jusqu’à ; ω Ce qui fait 96 épithètes pour chacun de ces Dieux.

Acrostiche, est encore un vieux mot qui signifioit autrefois cens. Le Traité fait avec le Clergé de Romanie le 15 de Décembre 1219 par Conon de Béthune, Bail de l’Empire, portoit que toutes les Eglises Cathédrales jouiroient librement des immeubles dont elles étoient en possession dès le temps de l’Empereur Alexis Bambacorax, (c’est Alexis Comnène qui regnoit six vingt ans auparavant, ainsi nommé à cause de sa voix désagréable, ) & que ses biens seroient exempts de toute Juridiction laïque & de toute exaction excepté l’acrostiche, c’est-à-dire, le cens. Fleury.

Acrostiche, est aussi adj. des vers acrostiches ; c’est-à-dire, des vers dans lesquels il se trouve un acrostiche, ou plusieurs acrostiches. Sonnet acrostiche. Lettres acrostiches, lettres initiales ou finales d’un acrostiche.

☞ ACROSTOLION. s. m. C’étoit l’extrémité de la proue des vaisseaux anciens. Le rostrum étoit plus bas & à fleur d’eau.

ACROTÈRES. s. m. Terme d’Architecture, qui se dit des petits piédestaux qui sont au milieu, & aux deux extrémités d’un frontispice, & sur lesquels on pose des figures. Acroteria. Les acrotères des côtés doivent avoir de hauteur la moitié de celle du fronton, & celui du milieu une huitième partie de plus, selon Vitruve. Dans l’Architecture Françoise, ce terme exprime les petits murs ou dosserets que l’on place à côté des piédestaux, entre le socle & la tablette des balustrades. Ces acrotères sont destinés à soutenir la tablette continue d’un piédestal à l’autre, & font l’office de demi-balustres, que quelques Architectes affectent dans leurs décorations ; ce qu’il faut éviter, dit M. Blondel.

Le Dict. de l’Encyc. d’où cette observation est tirée, fait Acrotères féminin. Le dict. de l’Acad. Fr. le fait masculin.

Acrotères, signifie quelquefois, les extrémités ou les faîtes des bâtimens. Extrema, Fastigia.

Acrotères, sont encore certains promontoires, ou lieux élevés qu’on voit de loin sur la mer.

ACROTERIA. s. m. Terme purement Grec ; ἀκροτήριον : On ne s’en sert qu’en parlant de médailles. C’est un ornement de vaisseau recourbé, & il marque une victoire navale, ou une ville maritime.

ACROUPETONS. adv. Borel ne fait qu’un mot de ces quatre syllabes; il dit que ce mot veut dire, en un monceau, acervatim, & qu’il vient d’accroupir, qui vient de croupion. Dans quelques Provinces, le peuple dit encore acroupetons, pour exprimer la posture de ceux qui sont assis sur leurs talons, ou qui étant appuyés sur les pieds, ont le corps tellement plié, qu’ils sont presque assis à terre, & qui sont ainsi ramassés, comme en un monceau.

ACS.

ACSARAY, ou AINZARBA. Axara, Anazarbus. Ville ancienne de la seconde Cilicie, nommée Anazarbe, du nom d’une montagne voisine, ou de celui de son Fondateur. Dans la suite elle fut archiépiscopale. Elle porte les noms de Diocésarée, de Cœsaraugusia, & de Justinopolis. Les tremblemens de terre l’ont réduite à n’être plus qu’un bourg de Caramanie dans l’Asie mineure, situé sur la rivière de Marmistra. Ses noms modernes sont une corruption de l’ancien nom d’Anazarbe.

☞ ACSICATH, ou ACSIKET, ou ACSICAT. Ville d’Asie, dans la Transoxiane, au nord du Sihun, à 101 d. 10’ de long. & à 42 d. 20’ de lat. selon les Arabes, & à 94 de long. & 40 d. 20’ de lat. selon M. de L’Isle.

☞ ACSOR. Ville de la Thébaïde supérieure, sur le bord du nil, à une journée de la ville de Couss.

ACSU. Nom d’un lac & d’une rivière de l’Anatolie. Le lac d’Acsu, Palus Ascania, est près de la ville de Nicée ou d’Isnic, d’où vient qu’on l’appelle aussi lac d’Isnic ou de Nicée. La rivière d’Acsu, Ascanius Fluvius, traverse le lac d’Acsu, baigne la ville de Nicée, & va ensuite se jeter dans la mer de Marmara. Voyez encore Aczu.

☞ ACSU, ou ACHE. Ville, la même qu’Aczu. Voyez ce mot.

ACT.

ACTAMAR. s. m. Lac de la Turcomanie. Arcissa Palus. Il est dans le pays des Cardes, & s’appelle encore Abaunas ou Lac de Vasian, ou Lac de Van, parce que ces deux lieux sont sur ses bords. Il reçoit plusieurs rivières, & ne se décharge par aucune.

☞ ACTE. s. m. Signifie en général l’action d’un agent, une opération quelconque, un effet produit par quelque puissance. Actus, actio.

☞ L’acte est l’exécution de la chose, & est opposé à la puissance, qui est la capacité d’agir ou de souffrir. On dit réduire la puissance à l’acte.

Acte, en logique, se dit des opérations, des actions de l’entendement. Ces actes, sont l’appréhension simple & complexe, le jugement & le raisonnement. Discerner, examiner, est un acte de l’entendement.

Acte, en morale, se dit 1o dans le même sens qu’en logique, des actions & des opérations de la volonté. Tout choix est un acte de la volonté. Préférer une chose à une autre est un acte de la volonté.

☞ 2o On le dit de toutes les actions d’un agent, raisonnables, bonnes ou mauvaises. Les mêmes actes répétés plusieurs fois, forment l’habitude. C’est un acte de prudence de savoir se taire. C’est un acte de scélérat de trahir son ami. Quand Dieu chatie les hommes, c’est un acte de justice : quand il les récompense, c’est un acte de miséricorde.

Acte, se dit plus particulièrement encore dans la morale Chrétienne, de certains mouvemens vertueux que l’ame produit au dedans d’elle-même, pour s’exciter à l’amour de Dieu ou du prochain, généralement à l’amour du bien. C’est dans ce sens qu’on dit acte de foi, de contrition, de charité, d’humilité, &c.

☞ On distingue en Théologie & en morale les actes humains & les actes de l’homme. Actus humani, actus hominis. Voyez au mot humain la différence que l’on met entre ces sortes d’actes.

Acte, en Physique & en Métaphysique, c’est ce qui actue, c’est-à-dire, ce qui donne la perfection à une chose, ce qui est en elle la consommation de son être dans son espèce, le principe de ses qualités, propriétés & actions. Ainsi en Physique c’est la forme, & il est opposé à la matière. En Métaphysique c’est la différence. En ce sens acte est ou respectif, ou absolu. L’acte est respectif quand il actue, qu’il informe une autre chose, comme l’ame qui informe le corps. Il est absolu quand il est tout acte, sans avoir rien de potentiel, comme l’on parle dans l’Ecole. En ce sens on dit que Dieu est tout acte, que tout est acte en Dieu. Voyez Suarez, Metaphys. T. I. Disp. XIII. Sect. V. En ce sens ce mot est barbare en notre langue, & se dit peu.

Acte & Action, considérés comme synonymes. Action se dit indifféremment de tout ce qu’on fait, commun ou extraordinaire. Voyez Action. Acte se dit seulement de ce qu’on fait de remarquable. C’est un acte héroïque de pardonner à ses ennemis, lorsqu’on est en état de se venger. Les princes doivent marquer les diverses époques de leur vie par des actes de vertu & de grandeur. Acte de vertu, de bonté, de cruauté. C’est un acte de politique indispensable. On fait une bonne action en cachant les défauts du prochain ; c’est acte de charité le plus rare parmi les hommes. Voyez au mot Action l’autre différence qui se trouve entre ces deux mots.

Acte, en termes de Palais, & de Jurisprudence, se dit de toutes les choses qui regardent la Justice, & les procédures de la Pratique, qui sont rédigées par écrit. On les appelle judiciaires, lorsqu’ils sont faits en Justice. Res testata ac consignata, vel testium, vel tabularii, vel judicis scripto. Tabulæ, Scriptum. Le Juge lui a donné acte de la plainte, de sa comparution, de sa déclaration. Il a justifié sa demande par plusieurs sentences, arrêts, & autres actes authentiques. On appelle aussi acte tout ce qui se fait par le ministère des Officiers de la Justice. Passer un acte pardevant Notaires. Passer un acte de soumission au Greffe. Un acte de célébration de mariage, c’est le certificat qu’en donne le Curé. La plûpart des significations de pièces, & les sommations, finissent par ces mots : Dont acte. Un Rapporteur met au bas des Requêtes d’emploi : Ait acte, & soit signifié. Faire acte d’héritier, c’est en prendre la qualité, ou en exercer les droits.

Tous actes dans le Droit sont publics, ou privés. Les actes publics sont de juridiction volontaire, ou de juridiction contentieuse. Ceux de juridiction volontaire, & que l’on appelle aussi authentiques, sont tous les contrats, obligations, transactions &c décharges passées devant Notaires. Ceux de juridiction contentieuse sont toutes les poursuites qui se font en Justice pour intenter l’action, & depuis l’action intentée jusqu’à la fin du procès. Les actes privés, sont ceux qui se passent par les particuliers entre les particuliers, sans le ministère d’aucune personne publique ; comme sont les simples promesses, les billets de change, ou quelque convention faite sous signature privée. En général, acte, est tout ce qui est écrit, & qui sert à justifier quelque chose. Tous actes sont présumés véritables, à moins que ceux qui entreprennent de les contester, ne justifient le contraire.

Acte de notoriété, est celui par lequel les Officiers d’un Siége, consultés sur quelque matière, rendent raison de leur usage.

Acte d’héritier, est tout ce qui paroît avoir été fait par quelqu’un dans l’intention de succéder à un défunt, & qui ne pouvoit être fait sans le nom, la qualité & le caractère d’héritier.

Acte d’appel, est celui par lequel une des parties qui se plaint d’un jugement, déclare qu’il en est appelant.

Acte d’occuper, est celui par lequel un Procureur déclare qu’il est Procureur, & a charge d’occuper pour un tel, sur l’assignation à lui donnée.

Acte de produit, est celui par lequel un Procureur déclare à celui de la partie adverse, qu’il a mis la production au Greffe, ou entre les mains du Rapporteur, avec sommation à la partie adverse d’en faire autant, même de fournir des contredits, dans le temps de l’ordonnance, à peine d’être forclos.

Acte de baillé copie, est celui par lequel un Procureur fait signifier & bailler copie à celui de la partie adverse, des pièces dont il veut se servir dans une instance.

Acte d’affirmation de voyage, est celui par lequel la partie affiliée de son Procureur, affirme être venue pour apporter l’exploit, pour produire, ou pour faire jûger, à l’effet d’obtenir, en cas de gain de cause, ses journées, selon la qualité & selon la distance des lieux.

Acte de délais, est celui par lequel le débiteur abandonne le tout pour la perte & le naufrage.

Acte capitulaire, est une Délibération canonique prise dans un Chapitre de Chanoines, ou de Religieux. Acad. Fr.

Au pluriel il signifie les délibérations & les résolutions publiques, qui sont couchées dans les Registres, qu’on appelle en ce cas les actes publics ; comme les actes des Conciles, les actes du Sénat. Acta. On a extrait ce titre des actes publics. On le dit aussi de ce qui a été conservé à la postérité dans certains Livres & Mémoires authentiques. Les Actes des Apôtres, les Actes des Martyrs. Voyez sur ces Actes, Baillet, Discours sur l’Hist. de la Vie des SS. p. ii n. vi. Les Actes de Pilate concernant Jésus-Christ. C’étoit une fausse procédure de Pilate contre Notre-Seigneur, ou le procès de Notre Seigneur devant Pilate, pièce impie & supposée par les ennemis du Christianisme, pleine de toutes sortes de blasphèmes. L’Empereur Maximin fit un Edit par lequel il ordonna qu’on les envoyât dans toutes les Provinces de l’Empire, que les Maîtres les expliquassent à leurs écoliers, & les leur fissent apprendre par cœur. C’étoit une pièce faite avec tant d’ignorance, qu’on y plaçoit la mort de Jesus-Christ sous le quatrième consulat de Tibère ; c’est-à-dire, la septième année de son Empire, onze ans avant la Passion de Notre Seigneur, & cinq ans avant que Pilate eût le Gouvernement de la Judée. Voyez Eusèbe, L. IX. C.4, & 6. Ruffin, L. l. C. 5. & suiv. Baron, & Spond. ad an. 134, n. 63, & ad an. 311, n. 6. Bolland. Tom. I, p. 363. Les Quartodécimans avoient aussi de faux Actes de Pilate. Baron, ad an. 134, n. 63. Les vrais Actes de Pilate furent envoyés par ce Président à Tibère : Tibère en fit son rapport au Sénat, qui les rejeta, parce qu’ils ne lui avoient point été adressés. C’est ce que témoignent Tertullien dans son Apolog. C. 5 & 21. Eusèb. Hist. L. 2. C. 2. Orosius, L. VII. C. 4. Grégoire de Tours, L. i. C. 24, & avant eux tous, Saint Justin Martyr dans son Apologie à Antonin Pie.

Il y a aussi de faux Actes des Apôtres faits, disoit-on, en Hébreu, par je ne sais quel Abdias, traduits en Grec par son disciple Eutrope, & du Grec en Latin par Jule Africain. Volffgang Lazius les publia en 1551 sur un manuscrit de près de 700 ans, comme si c’eût été une pièce authentique. Un disciple de Manès, nommé Leucius, ou Seleucus, composa aussi de faux Actes des Apôtres sur la fin du IIIe siècle. On a vu encore autrefois les Actes de S. Thomas, les Actes de S. André, les Actes de S.Paul & de Thécle, de S. Philippe ; les Actes de S. Matthieu, de S. Pierre & de S. Jean : mais ce sont des Livres qui ont été déclarés apocryphes ; les derniers ont été fabriqués par l’hérétique Peucius. Ceux de S. Thécle étoient l’ouvrage d’un Prêtre d’Asie, que S. Jean dégrada, en punition de la supposition de cet ouvrage. Ce que nous en avons sous le nom de S. Basile de Séleucie, semble n’en être que l’extrait ou l’imitation. Pautin donna cette pièce en Latin & en François l’an 1608.

☞ Les Actes du Consistoire, acta Consistorii, étoient autrefois les édits & déclarations du Conseil des Empereurs Romains. Le Sénat & les Soldats juroient souvent, par flatterie ou par force, sur les Actes des Empereurs.

Actes des Apôtres. C’étoit une pièce de Théâtre ancienne, que les Confrères de la Passion ont représentée long-temps autrefois à l’Hôtel de Bourgogne. Le Gendre.

Actes, se dit de même, en matière de Sciences, des Mémoires ou Journaux faits par une Société de Gens de Lettres.

Actes, de la Société Royale de Londres, transactions. Ceux de la Société Royale des Sciences de Paris, mémoires. Ceux de Léipsic, simplement Actes, acta eruditorum.

Acte, en Poësie, se dit de certaines divisions ou parties principales du Poëme Dramatique, pour laisser reposer les acteurs & les spectateurs. Actus. C’est la partie du Poëme Dramatique séparée d’une autre par un intermède. Ainsi dans l’intervalle des Actes, le Théâtre demeure vide & sans action, qui se passe aux yeux des spectateurs ; car on suppose toujours qu’il s’en passe une hors de leur vue. Ce n’est pas seulement pour les délasser qu’on pratique ces intervalles ; c’est encore pour ménager la vraisemblance, & rendre par-là l’intrigue plus intéressante : car le spectateur qui a vu préparer l’action qui se doit passer dans l’intervalle, s’efforce de jouer dans son esprit le rôle des acteurs absens ; de sorte qu’il est surpris plus agréablement, quand un nouvel Acte venant à commencer, il voit les effets de cette action qu’il n’a fait que deviner, & dont il n’a pû prévoir les suites que confusément ; ainsi son attention & sa curiosité sont réveillées par la suspension & l’incertitude, d’une toute autre manière, que, si voyant toutes choses arriver, il concevoit l’intrigue trop aisément.

Les Actes sont partagés en plusieurs scènes, qui doivent être liées les unes aux autres. Les anciens Poëtes Grecs n’ont point connu ce partage des pièces Dramatiques en actes. Leurs épisodes, ou les chants du Chœur, étoient presque la même chose. Les Latins ont les premiers inventé cette division que les Modernes ont imitée. C’est la pratique constante de tous les Anciens, qui ont divisé leurs pièces en cinq actes, pour leur donner une juste grandeur. Neve minor, neu fit quinto productior actu. Hor. Le partage en trois actes n’est supportable que dans les farces, mais la règle des cinq actes est inviolable pour faire un Poëme Dramatique parfait & achevé. Dac. Ce jugement de M. Dacier, fondé sur le témoignage d’Horace, tout décisif qu’il paroît, n’est pas sans appel ; & il ne seroit pas impossible de montrer par les principes d’Aristote même, qui nous a donné les règles du Théâtre, qu’une pièce Dramatique de trois actes est fort supportable. ☞ M. de Voltaire a franchi le préjugé, en nous donnant la mort de César, en trois actes. Un Poëte ne feroit-il pas mieux en effet de mettre sa pièce en trois, quatre ou six actes, que de filer des actes inutiles ou trop longs, embarrassés d’épisodes, surchargés d’incidens, pour s’assujettir à une règle arbitraire ?

Au Collége on appelle aussi actes, les Thèses qu’on soutient en public, pour acquérir quelque degré dans les Facultés, ou pour faire paroître la capacité d’un écolier. Je suis prié d’aller à l’Acte d’un tel écolier, il m’a apporté une Thèse. Ce Bachelier a fait tous ses Actes en Sorbonne. L’Acte des herbes ; c’est ainsi que l’on appelle dans les Statuts des Apothicaires de Paris le second examen que subissent les Aspirans Apothicaires.

Acte de Foi. Jour de cérémonie de l’Inquisition pour la punition des Hérétiques, ou pour l’absolution des accusés. Dies damnandis aut absolvendis hæreticis dictus, destinatus. On choisit d’ordinaire pour l’exécution un jour solennel, afin que la chose se passe avec plus d’éclat. On conduit tous les coupables à l’Eglise. Là on lit leur Sentence d’absolution, ou de condamnation. Les condamnés à mort sont livrés au Juge séculier par l’Inquisition ; & elle prie que tout se passe sans effusion de sang. S’ils perséverent dans leurs erreurs, ils sont brûlés vifs. Cette solennité s’appelle Acte de Foi. Auto da Fé.

Acte ou Acta. Ce mot, dit Moreri, est proprement un nom Grec appellatif, qui signifie rivage ; mais il se prend par excellence pour un pays délicieux sur le bord de la mer Egée, près du Mont Athos, où l’on alloit souvent se divertir. La même raison qui fit donner à ce rivage le nom commun d’acté par excellence, fit aussi que ce beau pays de la Grèce, fut appelé Acta ou Acté, parce qu’il s’étend fort le long de la mer, jusqu’au promontoire sunium. Du mot Acté, on fit celui d’attique.

☞ ACTEA. Herbe dont Pline fait mention, & que Ray prend pour l’aconitum racemosum.

☞ ACTÉE ou ACTEIUS. l’un des six démons envieux & malins, que les Grecs appellent Telchines, qui ensorcelent les hommes de leurs regards, & qui, selon la fabuleuse antiquité, ont coutume d’arroser la terre de l’eau infernale du styx : & de-là naissent la peste, la famine, & les autres calamités publiques. Moreri qui cite Strabon.

ACTÉON. s. m. C’est le nom d’un grand Chasseur, petit-fils de Cadmus, & fils d’Aristée & d’Autonoé. Etant à la chasse dans le territoire de Mégare, il surprit Diane dans le bain, & l’ayant contemplée pendant qu’elle étoit toute nue, il en devint épris, & selon Hygin, il la voulut violer. La Déesse le métamorphosa en Cerf, & ses chiens l’ayant méconnu sous ce déguisement, le déchirèrent en morceaux, & le dévorèrent. Les Orchoniens lui faisoient tous les ans des sacrifices par ordre d’Apollon.

Actéon. s. m. C’est le nom d’un des chevaux qui conduisoient le char du Soleil dans la chute de Phaëton, selon Fulgence le Mythologue. Actéon signifie lumineux : d’ἀϰτίν, ίνος, rayon du Soleil. Ovide le nomme Æton.

☞ ACTEUR, ACTRICE. s. m. & f. Ce mot signifie proprement celui ou celle qui agit : mais dans ce sens il n’est point usité.

Ces termes sont ordinairement employés chez nous comme synonymes de Comédien & Comédienne, & désignent celui ou celle qui représente sur le Théâtre quelque personnage d’une pièce Dramatique. Actor, Femina personam agens in scena. Comme la Tragédie dans son origine ne consistoit qu’en un simple Chœur ; qui chantoit des Hymnes à l’honneur de Bacchus, Thespis pensa le premier à introduire un personnage qui, pour délasser le Chœur, récitoit les aventures de quelque homme illustre. Eschyle trouvant que ce seul personnage étoit ennuyeux, comprit qu’un second Acteur qui s’entretiendroit avec le premier, occuperoit plus agréablement l’auditeur par le moyen du dialogue. Il habilla plus honnêtement ses Acteurs, qui avant lui, étoient barbouillés de lie, & leur chaussa le cothurne. Sophocle, qui s’apperçut que les deux Acteurs d’Eschyle ne suffisoient pas pour la variété des incidens, ajouta un troisième interlocuteur. Les Grecs en demeurèrent là ; au moins dans les Tragédies Grecques il n’y a presque jamais que trois Acteurs, qui parlent ensemble dans une même scène. Dans les Comédies on se donnoit plus de liberté. Les Modernes ont fait monter sur la scène un plus grand nombre d’Acteurs. Cela augmente le trouble qui y doit régner, & fait une diversité plus intéressante. Dac. Un bon Acteur doit exprimer par sa contenance, & par ses gestes, le caractère qu’il veut représenter. Il ne suffit pas de réciter les paroles, il faut que l’Acteur paroisse animé de toutes les passions du personnage qu’il joue, autrement il est un froid & ennuyeux Acteur. Horace parle d’un Acteur qui jouoit le second rôle, en imitant le premier Acteur, & qui se rabaissoit exprès pour servir de lustre à l’Acteur principal. On ne sait pas trop aujourd’hui de quelle manière jouoient ces seconds Acteurs. Ce mot ne se prend pas en mauvaise part, comme Comédien, à moins que l’épithète qu’on y ajoute, ne détermine autrement le sens.

Quoi ! toujours misérable Auteur,
Et toujours ridicule Acteur,
D’une méchante Comédie
Tu divertiras les passans ?

Acteur, se prend aussi figurément, pour désigner celui qui a part à quelque entreprise, dans l’exécution ou dans la conduite de quelque affaire. On dit, en parlant d’un homme qui a conduit une intrigue : il a été le principal Acteur en cette affaire. On le dit aussi dans des parties de jeu ou de plaisir. Il nous manque un Acteur ; Dans ce dernier exemple il n’est que du style familier.

ACTIAQUE. adj. Actiacus. On appeloit ainsi certains Jeux qu’on célébroit à Rome en l’honneur d’Apollon, surnommé Actien. Ils revenoient de cinq ans en cinq ans, comme les Jeux Olympiques ainsi que l’a remarqué Strabon, & non pas de trois ans en trois ans, comme dit Etienne de Bysance, & quelques autres après lui. Strabon est d’autant plus croyable, qu’il vivoit du temps d’Auguste qui rétablit les Jeux Actiaques, ainsi que le Temple d’Apollon Actien, qu’il rendit plus magnifique qu’il n’étoit. On les nomma Actiaques, parce qu’ils le célébroient près de la ville & du promontoire d’Actium. Quelques Auteurs ont cru, & Virgile semble l’insinuer, qu’Auguste est le fondateur de ces Jeux, en mémoire de la fameuse bataille d’Actium, qu’il gagna contre Marc-Antoine ; mais il est sûr qu’il ne fit que les rétablir, ainsi que l’Empereur Julien le fit encore dans la fuite. Au reste, c’est un mécompte grossier de dire que Virgile semble insinuer qu’Enée les avoit fondés, parce qu’il dit, Æn. III. v. 280.

Actiaque Iliacis celebramus littora ludis.

Il est vrai qu’il fait allusion aux jeux Actiaques, mais ce n’est que pour faire honneur à Auguste, qu’il attribue au Héros dont il tiroit son origine, ce que cet Empereur avoit institué, selon la remarque de Servius. Voyez sur ces jeux, Meursius de Græc. fer. au mot Ἀϰτια, p. 12.

Actiaque, est aussi un terme de Chronologie. On compte les années Actiaques, anni actiaci, du jour de la bataille d’Actium, que l’armée d’Auguste, commandée par Agrippa, gagna contre Marc Antoine, l’an 723 de la fondation de Rome, le 2 Septembre, quatorze jours après une éclipse de soleil ; ce qui fait dans l’Histoire une époque qui sert beaucoup à la Chronologie.

ACTIEN, ENNE. adj. Qui est d’Actium. Le Temple d’Apollon Actien étoit trés-riche & très-bien bâti. T. Corn.

Le nom Actium vient du Grec ἄϰτη, qui signifie, rivage, d’où se forme ἄϰτης, qui est sur le bord de la mer.

ACTIF, IVE. adj. Ce mot, dans le sens propre, signifie ce qui agit ou a la puissance d’agir ; ce qui communique actuellement, ou a la puissance de communiquer le mouvement & l’action à un autre. Il se dit par opposition à passif. Activus, actuosus. Le feu est le plus actif de tous les élémens. Les principes actifs, selon les Chimistes, sont l’esprit, l’huile, & le sel ; parce que ces parties étant dans un grand mouvement, elles causent de l’action dans les autres corps. Harris.

☞ Ce terme s’applique aussi à un homme laborieux & expéditif, qui travaille avec activité, & expédie l’ouvrage en peu de temps. Vous avez besoin d’un homme actif pour avancer cette affaire.

Actif, en matière de dévotion. Activus. La vie active ; qui consiste dans les actions extérieures de piété, est opposée à la contemplative, qui consiste dans les pensées, dans les affections de l’ame.

Actif, se dit figurément d’un esprit prompt, vif, pénétrant, plein de feu : l’esprit d’une femme de la Cour est plus vif, & plus actif, que celui d’une paysanne. Le Chev. de Mer. ☞ En matière d’élection, avoir voix active, c’est avoir droit de donner son suffrage, sa voix pour l’élection ; & voix passive, c’est avoir droit d’être élu. Avoir voix active & passive, c’est avoir droit d’élire & d’être élu.

☞ On appelle dettes actives les sommes dont on est créancier ; dettes passives, les sommes dont on est débiteur.

Actif, ive. adj. Terme de Grammaire, mot qui exprime une action. Il est opposé à passif. L’actif fait l’action ; le passif la reçoit. Le maître enseigne ; l’écolier est enseigné. Le verbe actif est celui qui marque que le sujet de la proposition fait l’action. Je bats. Le verbe passif est celui qui marque que le sujet de la proposition reçoit l’action ; je suis battu. Il y a aussi des participes actifs & des passifs. Je ne suis point battant, de peur d’être battu. Voyez Verbe. Il y a des mots qui ont deux significations, l’une active, l’autre passive, comme union, diminution, &c. Il se dit aussi de certains adjectifs verbaux. Secourable est un adjectif verbal actif, parce qu’il a une signification active ; au lieu que aimable est un adjectif verbal passif, parce qu’il a une signification passive.

Actif, est aussi s. m. & signifie un verbe actif, ou la conjugaison active d’un verbe. Il y a des verbes qui n’ont point d’actif.

Actif, est aussi employé comme substantif au Palais. On dit l’actif & le passif d’une succession pour en désigner l’utile & l’onéreux.

☞ ACTION. s. f. Terme de Physique & de Mécanique. Actio. C’est le mouvement qu’un corps produit réellement, ou qu’il tend à produire dans un autre, c’est-à-dire, qu’il y produiroit, si rien ne l’empêchoit. On peut dire aussi que le mot action, dans ce sens, est l’effort que fait un corps ou une puissance contre un autre corps ou une autre puissance, quelquefois l’effet même qui résulte de cet effort.

☞ Ce mot, considéré grammaticalement, se dit indifféremment de tout ce qu’on fait, commun ou extraordinaire, à la différence du mot acte qui se dit seulement de ce qu’on fait de remarquable. Le sage se propose dans toutes ses actions une fin honnête. Les Princes doivent marquer les diverses époques de leur vie par des actes de vertu & de grandeur. On dit une action vertueuse, & une bonne ou mauvaise action ; mais on dit un acte de vertu, & un acte de bonté.

☞ Un petit accessoire, de sens Physique & historique, distingue encore ces deux mots. Celui d’action a plus de rapport à la puissance qui agit, & celui d’acte en a davantage à l’effet produit : ce qui rend l’un propre à devenir attribut de l’autre. Ainsi on parleroit avec justesse, en disant que nous devons conserver dans nos actions la présence d’esprit, & faire en sorte qu’elles soient toutes des actes de bonté ou d’équité. M. l’Abbé Girard, Syn.

Action, se dit aussi par rapport à la morale. Les Actions morales ne sont autres choses que les actions volontaires de l’homme considérées par rapport à l’imputation de leurs effets dans la vie commune. Ainsi on dit une bonne action. Mauvaise action. Vilaine action. Action noire. Action généreuse. Voy. Moral, Moralité.

On appelle action de grâces, un témoignage de reconnaissance, & un remerciment pour un bienfait reçu. Gratiarum actio. Rendre mille actions de grâces. On le dit aussi de la prière qu’on fait après le repas, ou après avoir dit la Messe, ou après la Communion.

Action, dans l’art militaire, est un combat qui se donne entre deux armées, ou entre différens corps de troupes qui en dépendent. Le mot action, dans ce sens, peut être regardé comme le genre par rapport à bataille & combat, qui semblent n’être que des espèces. Car on peut dire que la bataille de Pharsale & le combat des Horaces & des Curiaces sont des actions bien connues. Ce mot s’emploie aussi pour signifier quelque fait mémorable d’un Officier, d’un Commandant de corps de troupes, ou même d’un soldat.

Action, se dit pour marquer, la véhémence, la chaleur à dire ou à faire quelque chose. Parler avec action. Parler d’action. Ce qu’il fait, il le fait avec action.

On dit être en action, pour dire, être en mouvement, se remuer, s’agiter souvent. On dit aussi d’un cheval, qu’il est toujours en action ; pour dire, qu’il est toujours en mouvement, qu’il s’agite continuellement. Ac. Fr.

Action, se dit aussi des gestes, de la contenance & du maintien d’un homme. Il étendoit la main en action d’écrire. Bourd. C’est son action ordinaire de hausser les épaules, & de pencher la tête.

Action, se prend plus particulièrement encore pour cette partie extérieure de l’Orateur qui comprend le mouvement du corps & les gestes. Cet Avocat a l’action belle. Il n’y a rien de plus nécessaire à un Orateur que l’action : elle fait une partie de l’éloquence ; & si elle n’en fait pas toute la force, elle en fait tout l’agrément.

Cicéron l’appelle l’Eloquence du corps. Quintilien s’est fort étendu sur l’action de l’Orateur ; mais ces préceptes ne regardent que le Barreau. Le meilleur ouvrage que nous ayons sur cette matière, est celui du ministre Michel le Faucheur, intitulé de l’Action de l’Orateur, ou de la Prononciation & du Geste, imprimée sous le nom de Valentin Conrard, célèbre Académicien, in-l2. Paris, 1657. Le Poëme du P. Sanlecque qui a pour titre, Poëme sur les mauvais gestes de ceux qui parlent en public ; & sur-tout des Prédicateurs, est sur le même sujet, aussi bien que le Poëme de M. Boyer de l’Académie Françoise, Caractère des Prédicateurs, Deux ouvrages encore excellens sur cette matière sont le Traité du Récitatif, par M. de Grimaretz, in-12, 1707, & les Pensées sur la Récitation, par M. Riccoboni. Le P. Lucas,