Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/341-350

La bibliothèque libre.
Fascicules du tome 1
pages 331 à 340

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 341 à 350

pages 351 à 360



anciens Héros de l’Orient que nos Romans ont prit leurs hippogrifes, & leurs Andriargues, sur lesquels leurs Chevaliers ont exécuté des entreprises si merveilleuses. Douze coups de discipline qu’on se donne bien à propos, sont bien plus agréables à Dieu, que deux mille coups de lance qui tombent sur des géans, sur des lutins, ou des Andriagues. Hist. de Don Quichote, tom. III. c. 8. p. 107. J’ai pour ma part, dit Don Quichotte à Sancho, deux aventures que je ne donnerois pas pour la bataille de Leuctres & celle de Salamine ; & tu en as deux autres que je ne te conseillerois pas de changer pour le combat d’Amadis avec l’Andriargue, & pour celui d’Aquilan & de Grifon avec le monstrueux Horile. T. V. c. 29, pag. 363. Le mot d’Andriague pourroit bien être dérivé des Egdeha des Orientaux, qui signifie en leur langue des Dragons, des Chimères & des Pégases. D’Herb. Il est plus vraisemblable qu’il vient du grec, comme Hippogriphe, & qu’il est composé de ἀνήρ, ἀνδρός, homme, & ἄγω, duco, ago.

ANDRIEN, ENNE. subst. & adj. Qui est d’Andro. Andrius, a, um. L’Andrienne de Térence est la première Comédie de ce Poëte, qui est ainsi appellée, parce que Glycérium qui en fait le principal sujet, étoit, ou plutôt passoit pour être Andrienne.

ANDRIENNE. s. f. Robe à l’usage des Dames Françoises. À la représentation qui se fit en 1704 de l’Andrienne, comédie en vers de Baron, la Demoiselle Dancourt qui y jouoit le principal rôle, avoit une robe abattue avec des paremens, que toutes les Dames trouvèrent de si bon goût, qu’elles en firent faire de même, & qu’on nomma dès-lors Andriennes. Merc. Dec. 1729.

☞ ANDRIMACHIDES. Nom d’un peuple d’Afrique. Si l’on en croit Alexander ab Alexandro, ces peuples présentoient leurs filles au Roi, afin qu’il cueillît la fleur de leur virginité, avant qu’elles habitassent avec le mari qui leur étoit destiné.

ANDRINOPLE. s. f. Adrianopolis, Hadrianopolis. Il y a eu plusieurs Villes de ce nom. La plus considérable est une ville de Thrace, sur les bords de l’Hébre ou de la Marize. On dit qu’elle a été fondée par Oreste ; qu’elle fut aussi nommée Uscudama ; qu’ayant été ruinée par un tremblement de terre, & Hadrien ayant été frappé de folie, l’Oracle répondit, que pour mieux guérir il s’emparât de la demeure de quelque furieux ; qu’Hadrien appliqua cette réponse à la ville d’Oreste ; la fit rétablir après sa guérision, & lui donna son nom. Adrianopolis signifie, Ville d’Hadrien. Elle fut dans la suite métropole, sous le patriarchat de Constanatinople, & elle eut onze suffragans, Aujourd’hui elle est aux Turcs qui la nomment Ender ou Andernopoli. Sa longitude est de 53, 30’ ; sa latitude 43, 20’.

Il y a eu d’autres Andrinoples, une en Pisidie, une en Bithynie, une dans l’Etolie, une dans l’Epire, dont il est parlé dans le Concile de Calcédoine, Action I. Spartien remarque qu’Hadrien avoit donné son nom à plusieurs villes, & il ajoute à celles-ci Carthage, & une partie d’Athènes.

ANDRIOT ou ANDRIOTE. s. m. & f. Andrius. Qui est d’Andros. Les Andriotes souhaitent depuis long-temps nous voir établir dans leur île. Les Andriots ne seroit-il pas mieux ? On dit Cypriot & non pas Cypriote, & les Cypriots. Au reste, quoiqu’on dise Andriot, & non pas Andrien, on dit cependant l’Andrienne de Térence, en parlant de la Comédie de ce Poëte, intitulée Andria.

ANDRO. Île de la mer Ægée, ou de l’Archipel. Andros. Elle est au nord de celle de Négrepont. Cette île n’est pas grande, mais elle est fertile.

Andro, est aussi le nom de la ville capitale de cette île. Andros. La ville d’Andro a un Evêque suffragant d’Athènes.

Andro. Le golfe d’Andro est dans l’Arphipel, entre celui de Monte-Sancto, & celui de Saloniki, dans Du Loir, & par conséquent c’est celui que les cartes appellent Golfe d’Ajomama, & les Anciens Toroneus sinus.

ANDROGÈONIES. s. f. pl. Jeux célébrés tous les ans à Athènes dans le lieu appellé Céramique. Androgeonia. Ils avoient été institués par Minos, Roi de Crète, en mémoire de son fils Androgée, que quelques Athéniens & Mégariens avoient inhumainement massacré. Plut. in Thef.

ANDROGYNE. s. m. & f. Hermaphrodite, qui a les deux sexes, qui est mâle & fémelle tout ensemble. Androgynus, Hermaphroditus. Un grand nombre de Rabbins ont cru qu’Adam avoit été créé Androgyne ; c’est-à-dire, mâle d’un côté, & fémelle de l’autre, ensorte que c’étoit deux corps, l’un d’homme & l’autre de femme, joints ensemble par un de leurs côtés, & que Dieu ne fit que les diviser en deux pour former Eve. Dans les Dialogues de Platon il y a une fable de l’Androgyne. Il suppose que certains hommes naissoient doubles, & avec les deux sexes ; & parce que cette duplicité de tous les membres leur donnoit beaucoup de force & de vigueur, ils devinrent insolens jusqu’à déclarer la guerre aux Dieux. Jupiter pour réprimer leur audace, partagea ces Androgynes en deux ; ensorte pourtant qu’il est toujours resté à ces deux moitiés divisées une forte passion de se réunir : De-là vient l’amour entre les deux sexes. Pline, Liv. VII. ch. 1. dit qu’un certain Calliphanes avoit écrit qu’il y avoit un peuple d’Androgynes en Afrique, & qu’Aristote ajoute qu’ils avoient la mamelle droite comme un homme, & la gauche comme une femme. C’est une fable.

Ce mot est grec, ἀνδρόγυνος, & signifie, mâle & fémelle. Les Astrologues appellent planètes Androgynes celles qui sont tantôt chaudes & tantôt humides ; comme Mercure, qui est sec & chaud étant près du soleil, & humide proche de la lune.

☞ ANDROGYNE, en Botanique ; la même chose qu’Hermaphrodite, qui a les deux sexes. Mais il y a des plantes Hermaphrodites de deux sortes. Les unes ont les deux sexes dans la même fleur. Vaillant les a nommées Androgynes. Les autres portent les fleurs mâles, séparées des fleurs fémelles, quoique ces deux fleurs se trouvent sur le même pied. Ce sont les Monœcia de Linnæus. Vaillant les a nommées Hermaphrodites. Pour évitier les périphrases, dit M. Duhamel, on devoit convenir de cette distinction établie par Vaillant.

ANDROÏDE. s. m. Androïdes. Automate de figure humaine, qui par le moyen de ressorts & de machines, marche & parle. On dit qu’Albert le Grand avoit fait un Androide. Henri de Villaines avoit fait un Androide à Madrid, qui fut brisé par le commandement de Jean II. Roi se Castille. Virgile, le Pape Sylvestre, Robert de Lincolne, & Roger Bacon, ont eut de semblables têtes. Naudé. Ce mot est grec, composé d’ἀνήρ, ἀνδρός, homme, & εἶδος, forme. Androïdes. Qui a la forme d’homme. Prononcez Androïde de quatre syllabe. ☞ Le flûteur Automate de M. Vaucanson, que nous avons vu à Paris en 1738, étoit un Androïde.

ANDROLEPSIE. s. f. Naudé s’est servi de ce nom dans son Maseurat, p. 296. Mais il n’est point françois, ni reçu par l’usage. C’est un mot grec, qui vient d’ἀνήρ, homme, & λαμϐάνω, capio, & signifie proprement la prise des hommes. Quand un Athénien avoit été tué par un citoyen d’une autre ville, si cette ville ne vouloit pas livrer coupable pour qu’on le punit, il étoit permis de prendre trois citoyens de cette ville, & de leur faire souffrir la peine de l’homicide ; c’est ce qui s’appeloit ἀνδροληψία, ou ἀνδροληψίον ; en latin Clarigatio. Naudé le prend dans un sens un peu différent, & pour ce que nous appelons représailles en fait de biens seulement . La vente de ses meubles (du Cardinal Mazarin) a duré, dit-il, plus de six semaines, & a été faite la première fois pas forme de confiscation ; la seconde par androlepsie, ou clarigation, à cause des dégâts vrais, ou présupposés tels, que faisoient les troupes du Comte de Grancé en beaucoup de maisons des habitans de cette ville ; & il ajoute, Représailles signifie la même chose que pignorationes Budæo, aut Clarigationes Hermolao ; car pour ce mot grec d’androlepsie, il vaut autant dire que pignorandi potestas en latin.

ANDROMAQUE. s. m. Andromacus. Nom propre d’homme. Ce mot est grec, & signifie, qui combat les hommes, de ἀνήρ, ἀνδρὸς, homme, & μάχη, combat.

Andromaque. s. f. Andromache. Nom de femme. Elle étoit fille d’Oetion, Roi de Cilicie, épousa Hector, mere d’Astianax, célébre par ses charmes & par sa tendresse pour son époux & pour son fils. C’est aussi le titre d’une Tagédie de l’illustre Racine.

ANDROMÈDE. Elle étoit fille de Céphée, Roi d’Ethiopie, & de Cassiopée, qui avoit eu la témérité de se croire plus belle que les Néréïdes. ☞ On sait comment Andromède, exposée sur un rocher au bord de la mer, pour être dévorée par un monstre marin, fut délivrée par Persée.

Andromède. s. f. Terme d’Astronomie. C’est l’une des 21 constellations septentrionales. Andromede. Elle a 27 étoiles.

☞ ANDRON. sub. m. ANDRON, ONIS. C’est ainsi qu’on nommoit chez les Grecs, les salles où se faisoient les festins des hommes, & où les femmes ne se trouvoient point. C’est aussi le lieu des hommes dans l’Eglise.

ANDRONIC, ou ANDRONIQUE. s. m. Andronicus. Nom propre d’homme, qui vient d’ἀνήρ, ἀνδρὸς, homme, & νιϰάω, vaincre ; & signifie, victorieux des hommes. Quatre Empereurs de Constantinople ont poté le nom d’Andronic.

☞ C’est aussi le nom du chef des Androniciens, Hérétiques du second & du troisième siècle, dont on ne connoît pas trop bien la doctrine. On sait seulement qu’ils enseignoient que la partie supérieure de la femme étoit l’ouvrage de Dieu, & que l’inférieure étoit l’œuvre du Diable.

ANDROS. Andros. Île de l’Archipel. L’île d’Andros est à vingt lieues de Thermia. Les montagnes y sont très-hautes ; les vallées fort agréables y sont semées de quantité de maisons de campagne, & de beaux jardins, que des ruisseaux qui y serpentent entretiennent dans leur continuelle fraicheur. Il y a un bourg ou ville du même nom, qui a un Evêque. Lettre Ed.

ANDROSACE. s. f. Androsace vulgaris. Plante annuelle, dont la racine est menue, fibreuse, & qui donne à son collet quelques feuilles couchées par terre, disposées en rond, large de demi-pouce, longues environ de deux pouces, velues, & relevées dans leur longueur de quelques nervures, légérement crénelées sur leurs bords, & d’un vert pâle. Du milieu de ces feuilles partent des tiges menues, le plus souvent au nombre de sept à huit, nues, velues, verdâtres, hautes de sept à huit pouces, & couronnées par quelques feuilles, d’entre lesquelles sortent plusieurs pédicules terminés chacun par un calice assez ample, qui renferme une fleur blanche, d’une seule pièce, taillée en forme de soucoupe & découpée en cinq parties, comme son calice. Le pistil qui s’emboîte avec la fleur, devient une coque ronde, enveloppée en partie par le fond du calice, & s’ouvre de sa pointe à sa base en deux, pour laisser tomber sa semence qui est menue, rousse & triangulaire. Toute la plante paroît d’abord au goût un peu astringente ; mais elle laisse ensuite un peu d’âcreté & d’amertume dans la bouche. Elle croît en Provence.

Androsace se prenoit autrefois pour une plante marine, que les Botanistes modernes ont nommées Acetabulum, à cause que ses feuilles sont des bassins creux & ronds, semblables, à ce qu’on prétend, à ceux qu’on employoit du temps des Romains pour mesurer le vinaigre. On l’appelle encore Umbilicus marinus, nombril marin, parce qu’il ressemble aux feuilles du cotylédon, ou Umbilicus veneris. L’Acétabulum croît au fond de la mer sur des coquilles, des pièces de bois, & sur les rochers ; il est un peu diurétique.

ANDROSÆMUM. s. m. ou, Toute-Sainte. Androsæmum. Plante dont les branches sont ligneuses, souples, rouges, droites & ailées. Ses feuilles sont deux à deux par certains intervalles, de couleur d’un vert obscur par-dessus, blanches par-dessous : elles sont semblables à celles du chevrefeuille ; mais elles sortent par les nœuds, & ne sont pas ainsi percées par leur branche. Ses fleurs sont jaunes ; elles ressemblent à celles de mille-pertuis ; mais elles sont plus petites. Elles sont composées de cinq feuilles jaunes, qui sont soutenues par cinq autres feuilles vertes. Son fruit est une espèce de baie qui contient plusieurs semences menues. Androsæmum vient de deux mots grecs, ἀνδρὸς, génitif de ἀνήρ, vir, αἷμα, sanguis ; car la plante que les Anciens nommoient Androsæmum, rendoit du suc couleur de sang.

☞ ANDROTOMIE. s. f. C’est la même chose qu’Andratomie. Voyez ce mot. On l’appelle ainsi pour la distinguer de la Zootomie, dissection des animaux.

ANDUEL. Voyez Andéol.

ANDUI. adv. Vieux mot. Ensemble.

ANDUSE. Ville de France. Andusa. Elle est dans le bas Languedoc, sur le Gardon d’Anduse, à deux lieues d’Alais, & à six de Nimes.

ANDUXAR. Ville d’Espagne. Anduxaria. Ilurgis nova. Elle est dans l’Andalousie, sur le Guadalquivir, au-dessus de Cordoue. Il y a là une lieu de là un lieu qu’on appelle Anduxar il viejo, le vieux Anduxar, ou los Villares : ce sont les ruines de l’ancienne Iliturgis, ou Ilurgis, détruite par Scipion, parce qu’elle avoit suivi le parti des Carthaginois. Anduxar s’est agrandi de ces ruines.

ANE

ÂNE. s. m. Asinus. Baudet, animal à quatre pieds & à longues oreilles, qui a de grosses babines, qui est ordinairement de poil gris, qui vit environ 30 ans, & qui est lent, patient, paresseux, laborieux & stupide. C’est une bête de somme dont se servent d’ordinaire les pauvres gens pour porter des choux, du fumier, du plâtre, &c. Il y a des ânes domestiques, & des ânes sauvages. À Melun, en Bourgogne & en quelques autres lieux, il y a une poste aux ânes. Le braire est le propre des ânes : un âne chargé d’or, ne laisse pas de braire. S. Evr. Il étoit défendu dans les livres de Moyse de joindre un bœuf à un âne pour labourer. L’une des bonne qualités de l’âne, est qu’il a l’ouie très-fine, à cause de la longueur de ses oreilles. De-là est venue la fable du Roi Midas, à qui les Poëtes ont donné des oreilles d’âne, parce qu’il ne se passoit rien dans son royaume, dont il ne fut instruit. Le nom d’âne, qui passe pour une injure, n’a pas toujours été si odieux. On a quelquefois appelé ainsi des personnes robustes, à cause de la force de cet animal. Bochart.. Homère a comparé Ajax accablé de traits dans la mêlée, à un âne ravageant un blé vert, assailli à coups de cailloux par les petits garçons du village. Perr.

Un âne, le jouet de tous les animaux,
Un stupide animal, sujet à mille maux ?

Boil.

Car qui pourroit souffrir un âne fanfaron,
Ce n’est pas là leur caractère ? La Font.

Les ânes étoient la monture ordinaire des Israëlites… Pour donner une grande idée de Jaïr, un des Juges qui gouvernent le peuple, l’Ecriture dit qu’il avoit trente fils, montés sur trentes ânes, & chefs de trente villes. Il est dit d’Abdon un autre des Juges, qu’il avoit quarante fils, & trente petits-fils, montés sur soixante-dix ânes. Et dans le Cantique de Débora, les chefs d’Israël sont décrits montés sur des ânes polis & luisans. Mœurs des Israëlites.

Il y a des ânes en Espagne, beaucoup plus grands qu’aucun cheval, & si furieux, que personne n’en sauroit approcher pour les panser, sinon ceux qui en font métier ; & ils braient si épouvantablement, qu’il n’y a point de lion qui fasse plus de bruit. Newcast.

Âne, signifie figurément un homme qui ne sait rien, & qui par disposition d’esprit, n’est pas susceptible d’instruction.

☞ On est âne par disposition d’esprit, & ignorant par défaut d’instruction.

☞ L’Âne a pu s’appliquer à l’étude, mais son travail a été inutile. ☞ L’ignorant ne s’est pas donné cette peine. À quoi bon parler science devant des ânes ? Leurs oreilles ne sont pas faites pour ce langage. Ce n’est pas toujours inutilement qu’on en parle devant des ignorans. Ils peuvent profiter de ce qu’on dit. Les ânes, pour l’ordinaire ne connoissent, ni ne sentent pas même le mérite de la science. Les ignorans se le figurent quelquefois tout autre qu’il n’est. Syn. Fr.

Ce mot d’âne vient d’asinus, que quelques-uns tirent du grec ἀσινὴς, innoxius ; d’autres d’ἀζαίνειν, tristem esse. Cet animal est mélancolique. Mais le P. Pezron prétend que ce mot est tiré des Celtes, qui disent asen, pour un âne.

On appelle pont aux ânes, une difficulté qui arrête les ignorans, une chose si commune & si triviale que personne ne peut l’ignorer. Quelques-uns sont d’avis tout contraire, & disent que c’est un moyen facile & commun qu’on donne aux ignorans de sortir d’une difficulté qui les arrête, parce que les gens stupides, comme les ânes, vont toujours par le même chemin, n’ayant pas l’industrie d’en trouver un autre. On trouve en effet dans plusieurs Logiques anciennes, & même dans celle du P. Joseph, Feuillant, une figure nommée Pons asinorum, qui apprend le secret de trouver un moyen terme, & d’arranger les termes du syllogisme pour prouver quelque proposition que ce soit. On s’est dégoûté de cette méthode, parce qu’elle n’avance pas beaucoup, & est fort embarrassante. Ceux qui ne savent pas raisonner, ni mettre un argument en forme avec la connoissance des règles les plus ordinaires de la logique, ne l’apprendront guère par la figure du pont aux ânes.

Âne sauvage. Animal gris & marqueté de blanc & de noir. Onager, Onagrus. Le P. Tellez, Liv. I, ch. 14 de son Hist d’Ethiopie, dit que cet animal est fort beau, à ses oreilles près, qui sont fort longues ; qu’il est marqué par tout le corps de plusieurs cercles de couleur noire & cendrée ; mais si belles, qu’il n’est point de Peintre qui pût les imiter. Il ajoute que cet animal est très-cher ; qu’un Empereur d’Ethiopie en ayant donné à un Seigneur Turc, celui-ci le vendit deux mille écus de Venise à un Indien qui en vouloit faire présent au Grand Mogol. Il se nourrit d’herbe & de choux. Sa moelle est si souveraine, qu’on croit qu’elle guérit de la goutte. L’âne sauvage est si vîte, qu’il n’y a que les barbes qui le puissent attraper à la course. Il y en a en quantité dans les déserts de Numidie & de Lybie, & dans les pays circonvoisins. Dès qu’ils voient un homme, ils s’arrêtent après avoir jeté un cri, & font une ruade ; lorsqu’il est proche, ils commencent à courir : on les prend dans des piéges, & par d’autres inventions. Ils vont pas troupes en pâture & à l’abreuvoir. La chair en est fort bonne ; mais il faut la laisser refroidir deux jours, lorsqu’elle est cuite, parce qu’autrement elle put, & sent trop la venaison. Nous avons vu quantité de ces animaux en Sardaigne, mais plus petits. Ablanc. Trad. de Marm. Il y en a un fort grand nombre en Phrygie, en Lycaonie, en Arabie, dans tout l’Orient & dans les pays du Nord. Les chairs des jeunes ânons, selon Galien, ont le même goût que les chairs de lièvre ; & lorsqu’ils sont dans un âge plus avancé, leurs chairs sont semblables à celles des cerfs. De la Mare. Il y en a en Egypte, qui font 40 milles par jour ; c’est-à-dire, treize lieues. On voit des ânes sauvages au Cap de Bonne-Espérance. Cet animal a la taille d’un cheval de monture ordinaire, ses jambes sont déliées, & proportionnées, & son poil est doux & uni. Depuis sa crinière jusqu’à sa queue, on lui voit au milieu du dos une raie noire, de laquelle il se détache des deux côtés un grand nombre d’autres raies de diverses couleurs, qui forment autant de cercles en se rencontrant sous son ventre. Il est très-léger à la course. Obs. sur les Ecr. mod. tom. 25, p. 349.

Cocq-a-l’Âne, est un discours en galimatias, ou une réponse qui n’a rien qui convienne à la question, ou à la demande qu’on fait. Alienum abs proposita redictum. Il lui répondit par un cocq-à-l’âne. Marot & les vieux Poëtes ont intitulé quelques-unes de leurs poësies, cocq-à-l’âne. On appelle des contes de peau d’âne, des contes de vieille, des histoires peu vraisemblables. On appelle dos d’âne, un angle aigu, qui se fait de deux superficies, comme celui des pignons, & des couvertures.

Pas d’Âne. Voyez Pas-d’Âne.

Âne marin. s. m. Asinus marinus. On a donné ce nom au polype de mer.

Âne, est aussi une espèce d’étau, dont se servent plusieurs artisans, & entre autres les ouvriens en marqueterie, pour tenir leurs bois ou leurs pierres, quand ils les fendent.

Âne, est aussi chez les Relieurs une espèce de coffre où tombent les rognures des livres. Il y en a qui l’appellent un Porte-presse ; mais âne est le plus usité.

L’Âne d’or, est une fiction d’Apulée, Philosophe Platonicien, d’une métamorphose en âne, dont il a fait un ingénieux roman. Apulée avoit pris le sujet de cette fable dans Lucien, qui l’avoit lui-même abrégée de Lucius de Patras.

L’Âne de Buridan, est une supposition d’un Philosophe, qui dit, que si on mettoit un âne entre deux picotins d’avoine parfaitement égaux, & éloignés également, il mourroit de faim ; soutenant qu’il ne pourroit pas se déterminer à aller à l’un plutôt qu’à l’autre. Ce qui a fait dire proverbialement à Naudé, dans le Mascurat : cela me fait appréhender qu’il ne t’arrive comme à l’âne de Buridan, qui mourut de faim entre deux picotins d’avoine, faute de se résoudre auquel il devoit plutôt alonger le cou, parce qu’ils étoient également distans de lui. Cela se dit à des gens indéterminés, irrésolus. Voyez Buridan, où l’on rapporte l’origine de ce proverbe.

On a aussi appelé ânes, les Mathurins, ou les freres de l’ordre de la sainte Trinité, parce que quand ils voyageoient, suivant leur institution, qui fut faite en l’an 1198, sous le Pontificat d’Innocent III ; ce qui fut changé par le Pape Honorius III, qui leur accorda, dès l’an 1217, l’usage des mules, & leur permit même de se servir de chevaux en cas de nécessité. Hist. de l’Eglise de Meaux, Tom. I, p. 178. Ils sont encore appelés les Freres aux ânes de Fontainebleau, dans un registre de la Chambre des Comptes de l’an 1330. Du Cange.

Âne, se dit proverbialement en ces phrases. On ne sauroit faire boire un âne s’il n’a soif ; c’est-à-dire, qu’on ne peut pas faire faire une chose à une homme malgré lui. On dit qu’un homme a un vin d’âne, quand il devient hébété après avoir bû. Il est méchant comme un âne rouge ; pour dire, méchant & malicieux. On dit d’un ignorant, que c’est un âne bâté ; d’un homme trop adonné aux femmes, que c’est un âne débâté. On dit aussi, qu’il y a plus d’un âne à la foire qui s’appelle Martin, quand on répond à ceux qui se trompent sur l’équivoque d’un nom. On dit aussi, Martin l’âne ; & que par-tout où il y a Martin, il y a de l’âne. On dit encore, qu’à laver la tête d’un âne, on ne perd que la lessive ; pour marquer qu’un homme stupide ne profite pas des instructions qu’on lui donne. On dit aussi, le jour du Jugement viendra bientôt, les ânes parlent latin ; quand quelque ignorant veut parler une langue qu’il n’entend pas. On dit d’une chose qu’on méprise, qu’elle ne vaut pas le pet d’un âne mort. On dit aussi, chantez à l’âne, il vous fera des pets, en parlant des ignorans & des ingrats, qui connoissent mal les choses, ou qui reconnoissent mal les grâces qu’on leur fait. On dit aussi, est bien âne de nature, qui ne peut lire son écriture. On dit d’un ignorant qui est assis dans un fauteuil, ce sont les Armoiries de Bourges, un âne dans une chaise : que les chevaux courent les bénéfices, & que les ânes les attrapent ; pour dire, qu’on ne donne pas toujours les grâces à ceux qui les méritent. On dit aussi, que la patience est la vertu des ânes. On l’a sanglé comme un âne ; pour dire, on lui a fait un rude traitement, il a été sévérement puni. On dit à celui qui cherche une chose, que sans y prendre garde il porte sur lui, qu’il chercher son âne, & qu’il est dessus. On dit d’un faux brave qui menace, que c’est l’âne couvert de la peau du lion. On dit d’un homme qui n’a point d’équipage, qu’il n’a ni cheval, ni âne, ou ni âne ni mulet. On dit, brider l’âne par la queue, pour dire faire une chose à rebours & de travers. Votre âne n’est qu’une bête, pour dire, vous ne savez ce que vous dites, ou ce que vous faites. On dit de ceux qui se fourrent dans quelque chose où l’on ne les appelle pas, qu’ils se mêlent toujours des fers à l’âne. On dit d’un homme qui affecte d’être grave, qu’il est sérieux comme un âne qu’on étrille. On dit, pour un point Martin perdit son âne, à qui il manque fort peu de chose pour gagner une partie à quelque jeu, ou pour réussir en quelque affaire. Voyez l’origine de ce proverbe au mot Martin. On appelle un homme qui chante mal, un rossignol d’Arcadie ; c’est-à-dire, un ignorant : & un gros âne d’Arcadie, à cause qu’en ce pays-là on fit ouvrir un âne qu’on accusoit d’avoir mangé la lune, parce que son image disparut dans l’eau où il buvoit au temps d’une Eclipse. On dit aussi d’un grand mangeur, qu’il s’escrime bien des armes de Caïn, ou de Samson, c’est-à-dire, d’une mâchoire d’âne. On appelle aussi le talk, le miroir des ânes. Voyez ci-dessus l’âne de Buridan. Pour montrer qu’on néglige ordinairement le bien commun, pour ne songer qu’à ses intérêts particuliers, on dit :

L’âne de la communauté,
Est toujours le plus mal bâté.

Dans l’Orient on se sert des ânes, pour faire voyage, aussi-bien que des chevaux & des chameaux, parce que c’est une voiture fort douce & fort commode. Il y a en Perse & ailleurs des ânes sauvages, qu’on apprivoise, & dont on se sert comme des autres. Le Roi de Perse en a dans ses écuries, & un jour un Espagnol les voyant richement enharnachés & rangés dans la cour du palais, comme il se pratiquoit dans le pays les jours qu’un Ambassadeur doit avoir audience, il perdit sa gravité & se mit à rire. Un Officier de la cour lui en demanda la raison : l’Espagnol répondit, qu’il rioit de voir traiter avec tant de distinction des animaux qu’on traite avec le dernier mépris en Espagne. Le Persan répliqua ; « C’est que les ânes sont fort communs en votre pays, & nous les traitons avec distinction, parce qu’ils sont rares dans le nôtre. »

ANÉANTIR. v. a. Réduire au néant, détruire absolument l’existence d’une chose. Ad nihilum redigere, Delere penitùs, Funditùs extinguere. Les corps naturels changent de forme ; mais ils ne s’anéantissent pas. De grandes villes ont été anéanties par les guerres, par les embrasemens. Le temps anéantit toutes choses. La grandeur romaine s’est anéantie, il n’en reste plus que l’ombre. Ce mot vient de son primitif néant. Il est opposé à créer, du néant faire quelque chose.

Anéantir, se dit figurément par exagération en parlant de diverses choses. Ce prince a anéanti toutes les lois. Il a anéanti plusieurs grandes maisons pour en élever d’autres. Ils anéantissent la morale chrétienne. Pasc. L’opinion de la destinée irrévocable va à anéantir tout le culte de la Réligion, & à éteindre l’amour des vertus. Port-R. Il y a des gens qui brillent dans l’action & dans le mouvement, & que le repos obscurcit & anéantit. Bouh.

Un torrent de feu l’embrase.
L’horrible poids qui l’écrase
Ne le peut anéantir. Anonyme, Ode sur l’Enfer.

Anéantir, est aussi réciproque, & signifie se dissiper, se réduire à rien. Cet homme avoit amassé de grands biens, & mis de grandes charges dans sa maison ; mais tout cela s’est anéanti avec le temps.

☞ Au figuré, les passions s’anéantissent, c’est-à-dire, se dissipent, s’éteignent.

s’Anéantir, en termes de dévotion, signifie aussi, s’humilier extrêmement pas la connoissance qu’on a de son néant. Ex intimo sui contemptu propè ad nihilum descendere, Abjicere se, se demittere. Saint Paul dit que le Seigneur s’est anéanti lui même en se faisant homme, & en prenant la forme d’un esclave. On n’affecte des distinctions dans les églises mêmes où doit s’anéantir toute la gloire humaine. Flech. Les Saints s’anéantissent continuellement en la presence de Dieu. Nicol.

ANÉANTI, IE. part.

ANÉANTISSEMENT. s. m. L’action de réduire une chose à rien, de détruire absolument son existence. Extinctio. Il n’y a point d’entier anéantissement dans la nature : Dieu seul peut faire cette sorte d’anéantissement. Epicure, qui étoit si persuadé de l’anéantissement, ne laisse pas d’être inquiet de ce qui se passera après lui. Bayl.

Il se dit aussi figurément de l’abaissement d’une fortune élevée, du renversement, de la destruction d’un empire, d’une monarchie, d’une famille : Cette famille est tombée dans l’anéantissement. La chûte & l’anéantissement des trois premières monarchies.

Anéantissement; se dit figurément en Morale de l’abaissement dans lequel on se met devant Dieu. Summus suî contemptus. L’anéantissement de soi-même devant la Majesté divine. Être dans un continuel anéantissement devant Dieu.

☞ ANECDOTE. s. f. Ce mot désigne quelque particularité historique & secrète que les Historiens précédens avoient omise ou supprimée par des raisons particulières. Anecdote curieuse. La plûpart des anecdotes sont satyriques.

Anecdotes, au pluriel, désigne le détail de ces sortes de particularités, omises ou supprimées, & qui peut-être ne devroient point paroître au jour, parce qu’on y parle ou avec trop de liberté, ou avec trop de sincérité, des mœurs, & de la conduite des personnes du premier rang. Anecdota, Rerum à principibus viris clàm ac secreto gestarum historia. Procope, l’Historien, a ainsi intitulé un libre qu’il a fait contre Justinien & sa femme Théodora. C’est le seul des Anciens qui nous ait laissé des Anecdotes, & qui ait montré les Princes tels qu’ils étoient dans leur domestique. Varillas a fait les Anecdotes, ou l’histoire secrète de la maison de Médicis.

Anecdotes, se dit aussi des ouvrages des Anciens qui n’ont pas encore été imprimés : ainsi M. Muratori a intitulé Anecdotes grecque, Anecdota græca, les ouvrages des Peres Grecs, qu’il a tirés des bibliothèques pour les imprimer la première fois. Le P. Martene a donné le Thesauraus Anecdotorum novus, in-fil, 5 vol.

Anecdote, est aussi employé adjectivement . L’histoire anecdote, ou les anecdotes de Procope. L’histoire anecdote de la Cour de Louis le Grand.

Ce mot vient du grec ἀνέϰδοτα, qui signifie, choses qui n’ont pas paru, qui ont été tenues secrètes, qui n’ont pas été données au public.

ÂNÉE. s. f. La charge d’un âne, ce qu’il porte à chaque voyage. Asini onus. Une ânée de vin, une ânée de fruits. Ce mot n’est en usage qu’à la campagne, & dans les provinces.

☞ C’est aussi une mesure de grains & de vin dans quelques endroits, comme dans le Lyonnois, où l’ânée de vin contient 80 pintes, & l’ânée de grain, six bichets du poids de 50 livres chacun.

Ânée. Terme dont on se sert en quelques provinces, pour signifier un arpent de terre, c’est-à-dire, la valeur de cent mesures carrées de celles qui sont en usage dans le pays.

Ce mot s’est formé d’âne, ou d’asinata, que l’on trouve dans la signification d’ânée, comme le P. Papebroch l’a remarqué. Act. Sanct. April. Tom. II. pag. 260. B.

ANEGADA. Île d’Amérique. Anegada. C’est une des Antilles. Elle est dans la mer du Nord, environ à quinze lieuses de celle de Porto-Rico.

ANEGRAS s. m. Mesure de grains dont on se sert à Séville & à Cadix, en Espagne . Quatre anegras font un cahis. Voyez Anagros.

ANEL. Vieux s. m. Anneau.

ANEM. s. m. Ancienne ville de la Terre-Sainte. Anem. Elle étoit dans la tribu d’Issachar, & fut attribuée aux Lévites. Dans Josué, XXI. 29, elle est appelées Engannim.

☞ ANÉMASE & ANÉMIE. Voyez Anæmase & Anœmie.

☞ ANEMOGRAPHIE. s. f. Description des Vents.Anemographia ; mot composé du grec, γραφεῖν, décrire, & ἄνεμος, vent. L’Anemographie est absolument nécessaire pour l’intelligence de la Carte marine & pour la navigation.

ANÉMOMETRE. s. m. Instrument qui sert à mesurer la force du vent. Machine qui marque continuellement sur le papier, non-seulement les vents qu’il a fait, & à quelle heure chacun a commencé & fini ; mais aussi leurs différentes vîtesses ou forces relatives. M. d’Onsenbray, de l’Académie des Sciences, lut un Mémoire à la rentrée de l’Académie de l’année 1734, sur la description & les usages de cette machine. Pour en avoir une idée, voyez le Mémoire & le Mercure de Juin 1734.

ANÉMOMÉTRIE. s. f. L’art de mesurer le vent. Anemometria. Caramuel traite de l’Anémométrie.

Ce mot ient d’ἄνεμος, vent, & μέτρον, mesure.

ANÉMONE. s. f. Anemone. L’anémone proprement dite, chez les Fleuristes, est une plante qui a ses racines noueuses, tubéreuses, d’où naissent des feuilles qui sont tantôt arrondies, tantôt fendues en trois ou quatre segmens, & tantôt découpées fort menu. Du milieu de ces feuilles s’élevent des tiges nues jusque vers leur milieu, où sont attachées trois feuilles, quelquefois quatre, qui n’ont point de pédicule, & qui forment par une base assez large un colet aux tiges qu’elles embrassent : le haut des tiges soutient une fleur à plusieurs pétales, dont la couleur varie à l’infini ; & il n’y a point de couleur bisarre qu’on ne trouve dans l’anémone ; rien n’est plus charmant que le doux mélange des couleurs qu’on observe dans quelques-unes de ces fleurs. On appelle anémone simple, celle qui outre ces pétales colorés donne seulement des étamines d’un violet obscur qui environnent le pistil, dont toute la surface est chargée d’une infinité de semences menues, enveloppés d’une coiffe cotonneuse. Anémone double, est celle qui au lieu d’étamines, n’a que des béquillons qui sont quelquefois fleurdelisés, & qui ne sont autre chose que les étamines de la fleur simple aplaties & agrandies, leurs sommets étant avortés. Cet amas de béquillons est nommé la Peluche, & par quelques Fleuristes la Fanne ; mais comme souvent toutes les étamines n’avortent pas, elles forment aussi entre les pétales de la fleur, & la peluche, ce qu’on appelle le cordon de l’anémone ; il est tantôt composé de petits filamens plats & courts, tantôt grenés ; & on le nomme cordon grené. On dit, le vase & le calice de la fleur, pour exprimer l’épanouissement de la fleur d’une anémone. La culotte d’une anémone, c’est la naissance des pétales ou feuilles de la fleur, comme le manteau est l’extrémité de ces mêmes pétales. On dit, la culotte de cette anémone est bleu violet, & le manteau tire sur le blanc. La fanne de l’anémone sont ses feuilles. Une anémone doit être bien dômée pour être belle, c’est-à-dire, que sa peluche doit être bien arrangée, faire le dôme, & couvrir en partie les pétales qui la soutiennent. ☞ La peluche doit être garnie de béquillons larges & arrondis par le bout, qui ne s’engagent point entre les pétales de la fleur. Le cordon doit un peu se faire voir & ne point déborder, excéder les premiers béquillons, ni faire le bourlet par son épaisseur. Quand le cordon est de plusieurs couleurs différentes de sa peluche, l’anémone en est plus belle.

☞ Béquillon vient du mot bec, à cause de sa ressemblance. On dit un béquillon fleurdelisé, lorsqu’il est un peu découvert à son extrémité. Quand les béquillons sont étroits, on appelle l’anémone un chardon. La tige de l’anémone doit être basse & bien garnie. L’oignon ou bulbe, d’anémone s’appelle patte.

Il y a des anémones de jardin, & des anémones sauvages ; & l’on en voit quantité de l’une & de l’autre sorte, que l’on ne sauroit distinguer que par la couleur & par la multiplicité de leurs feuilles. Il y en a de rouges, de blanches, de violettes, de bleues, de panachées, &c. Ces couleurs différentes leur on fait donner beaucoup de noms pour ls distinguer. La Calle blanche, est celle dont la houpe est incarnate ; la Flandre blanche, celle dont la houpe est verte ; la Sermonette blanche, celle dont la houpe est cramoisi couvert ; le Cayctan colombin, est blanc ; le Salvian, blanc, marqueté d’incarnat ; le Parisien, incarnat & blanc ; le Gallipol, panaché blanc ; le Turc ou Bizantin, couleur de rose ; le Martelé, celui dont les feuilles sont couleur de paille fouettée de cramoisi, & la coupe de même couleur ; la Merveille de Bretagne, moitié blanc, moitié cramoisi. Il y a encore le S. André, le S. Charles, Matedot, l’Albret, le Passe-Albret, la rouge à peluches, la violette, la couleur de pêcher, la Flamette, la Tricolor, la Chalcédoine, l’Orbat, la Régale, la Lire, la Perche & la Couleur de feu.

Il y a deux sortes d’anémones, l’une qui a la feuille de dessous étroite & tranchée comme celle de la coriandre ; & celle de dessus dans le tour de la fleur, large, quelquefois double, quelquefois simple. L’autre au contraire a la fleur de dessous large, & faite comme celle du persil, & étroite par en-haut, & est sans houpe. Les Jardiniers de ce temps appellent celles-ci Argémones. Les anémones nuancées sont rares & précieuses ; les veloutées sont aussi des belles ; les panachées sont préférables aux pures, pourvû qu’elles aient les autres qualités de la beauté. Les ternes sont méprisées. Il y en a cependant de bizarres & de brunes qui sont très-estimées ; mais il faut qu’elles soient lustrées.

L’anémone est médicinale ; elle purge le cerveau, attire les flegmes, &c. Voyez Matthiole, & Chemel, Diction. écon.

Une anémone, avec ce mot, Gloria vento discutitur, dans Ferro ; ou celui-ci dans Picinellu, Tenui discutitur aurâ, a servi de devise pour exprimer la fragilité de la beauté. Tenui corrumpitur aurâ seroit mieux. Et avec ce mot, Brevis est usus, on a marqué la fragilité de la vie.

Ce mot vient du grec ἄνεμος, ventus, & cette fleur s’appelle en grec, ἀνεμονη, qui signifie, Herbe du vent, parce qu’elle ne s’épanouit que quand le vent souffle, à ce que dit Pline ; ou parce qu’elle se trouve dans des lieux exposés au vent, ou parce que le vent est propres à la faire éclore.

Hésychius, dans son Dictionnaire, comprend sous le nom d’anémone toutes les fleurs qui sont de courte durée, & qui sont facilement abattues & gâtées par le vent. D’autres disent que cette fleur a été ainsi nommée, parce que ses semences sont aisément emportées par le vent. Ovide, dans ses Métamorphoses, & Nicander, cité par le Scholiaste de Théocrite sur l’Idille 5, font naître l’anémone du sang d’Adonis. Tzetzès, sur Lycophron, dit que le sang d’Adonis tomba sur des anémones, & que ses fleurs, qui auparavant étoient blanches, en prirent la couleur rouge.

☞ Il n’y a pas long-temps que cette fleur est connue en France. M. Bachelier, fameux Fleuriste, l’apporta des Indes le siècle dernier.

Les anémones simples peuvent se planter toute l’année ; les belles anémones ne se plantent que depuis le mois de Septembre jusqu’à la fin d’Avril. A moins qu’il ne fasse un temps humide, il faut les mettre dans l’eau pendant un jour, avoir de la terre bien préparée, avec de bon terreau bien vieux, & de bon sablon, le tout bien mêlé, & soit en pot, soit en pleine terre, s’il fait sec & qu’il ne gele point, arrosez-les un peu ; s’il gele il faut les couvrir, & quand le soleil paroît, les découvrir ; si elles sont en pot, il faut mettre les pots en terre jusqu’au bord, & ne les en point tirer, que les anémones ne soient prêtes à fleurir. Aux pays froids, où les hivers sont longs & rudes, comme en Picardie & en Flandre, on replante les anémones en Novembre par un beau jour, le 5e ou 6e jour de la lune, dans des pots que l’on met dans une serre exposée au midi. Quand les pots sont petits, il faut depoter les anémones après l’hiver, & les mettre en pleine terre, bien proprement, sans rompre leur gason ; leurs fleurs en seront plus belles. En Mars il faut les arroser quelquefois ; en Avril souvent, & de même jusqu’à ce qu’elles soient en pleine fleur. Alors il faut les mettre à l’ombre, & les garantir de la pluie, afin qu’elles durent plus long-temps. Les anémones se doivent lever de terre tous les ans aussitôt que le fanage est sec, prenant soin de les nettoyer de la pourriture qui s’y trouve, la coupant jusqu’au vif de leurs bulbes. Les bulbes d’anémone se gardent deux ou trois ans en lieu sec sans les replanter. Il y a des Jardiniers qui parmi la terre mettent pour les anémones de la glaize, ou forte terre qui a passé un hiver à l’air. Elles y profitent merveilleusement.

Les Persans appellent les anémones, Laleh Deschet & Laleh Gouhi, Tulipe de campagne, & de montagne ; c’est-à-dire, sauvage & non cultivée. Les Arabes les nomment Schacaik al Noôman, c’est-à-dire, Fleurs découpées, ou panachées de Noôman ; à cause que ce fut Noôman, Roi d’Arabie, qui les transporta le premier de la campagne dans ses jardins, & qui en a fait le premier de la culture. Ce n’est peut-être cependant qu’une allusion du nom de ce Roi avec celui d’anémone. D’Herb. Cette allusion a pu suffire aux Arabes, pour dire, sans autres preuves, que ce Prince fut le premier qui cultiva ces fleurs. Voyez sur les anémones le Traité de la culture des fleurs, P. II. après la Quintinie, Tom. II.

Anémone, chez les Botanistes, est un genre de plante, qui comprend non-seulement les anémones des Fleuristes, mais encore plusieurs autres qu’ils ne cultivent pas. On distingue la renoncule d’avec l’anémone par la semence, qui dans celle-ci est enveloppée d’une coiffe cotonneuse, ce qui ne s’observe pas dans l’autre.

☞ ANÉMONOÏDE. s. f. ANEMONOÏDES. Quelques uns désignent par ce nom plusieurs plantes qui ont de la ressemblance avec l’anémone.

ANEMONOSPERMOS. s. m. Plante qui a un calice hémisphérique, écailleux. Sa fleur est radiée, sa graine est garnie de beaucoup de duvet, cotonneuse comme celle de l’anémone. Miller en compte quatre espèces, & Boerhaave six. Elles ont été apportées originairement du Cap de Bonne Espérance, en Hollande, par des Curieux, & ont été de-là répandues dans les différens pays de l’Europe, où on les connoît à présent. Ce mot vient d’ἄνεμος, vent, & σπέρμα, semence, parce que le vent en emporte la graine fort aisément.

ANÉMOSCOPE. s. m. C’est un nom que M. Gurike, Bourguemestre de Magdebourg, & grand Mathématicien, a donné à une machine de son invention, qui fait connoître le changement de l’air & du vent, ou le beau & le mauvais temps, deux ou trois jours avant qu’il arrive. C’est un petit homme de bois qui s’éleve ou s’abaisse dans une colonne de verre où il est enfermé. Le sieur Comiers a fait voir que ce n’étoit autre chose que l’application du baromètre ; & que ce mouvement ne se faisoit que par la pesanteur ou légéreté de l’air, dans un Traité qu’il en a donné au public, qui a été inséré dans le Mercure Galant du mois de Mars 1683. Ce mot vient d’ἄνεμος, vent, & σϰέπτομαι, je regarde.

ANÉPIGRAPHE. adj. m. & f. Qui est sans titre, sans inscription. Anepigraphus, a, um. Il y a des Pseaumes anépigraphes, c’est-à-dire, sans titre. Voilà un bas relief antique qui est d’une grande beauté ; c’est dommage qu’il soit anépigraphe, & qu’on n’ait point expliqué par une inscription ce qu’il représente. Cette médaille est anépigraphe.

Ce mot est grec, composé de l’α privatif, & de ἐπιγράφω, j’inscris. Il faut peu se servir de ces sortes de mots dans notre langue, quand on peut, sans une trop longue périphrase, exprimer ce qu’ils signifient. Dans les exemples rapporté ci-dessus j’aimerois beaucoup mieux dire : ce Pseaume est sans titre ; c’est dommage que ce bas relief soit sans inscription. Cette médaille n’a point d’inscription.

ANER. Ville de la demi-tribu de Manassé, à l’occident du Jourdain. Aner. Avant l’entrée des Israëlites dans la Terre promise, c’étoit une ville royale des Chananéens. Elle fut donnée aux Lévites. C’est la même que Tanach ou Ténach, & Tanac.

ANÉRÈTE. Terme d’Astrologie. L’anérète est la planète qui donne la mort, lorsqu’elle vient par direction à l’aphète.

☞ ÂNERIE. s. f. Il ne se dit jamais qu’au figuré. Il signifie ignorance provenant de la disposition d’esprit. C’est un défaut qui vient de la nature du sujet qui n’est pas susceptible d’instruction. Stupor, asinina stoliditas. Syn. Fr. L’ignorance est un défaut que la paresse entretient ; celle-ci est moins pardonnable. Mais celle-la rend plus méprisable. Voyez Âne, Ignorant.

Du vieux Zénon l’antique confrérie
Disoit tout vice être issu d’ânerie. Rousseau.

☞ Il signifie aussi faute grossière, faute contre l’art qu’on professe. Il a écrit telle chose, c’est une grosse ânerie. Hé bien, coquin, voilà de tes âneries. Mol. Qui fagoteroit suffisamment un amas des âneries de l’humaine Sapience, il diroit des merveilles. Mont.

ÂNESSE. La femelle d’un âne. Asina. Dieu fit un miracle, en faisant parler l’ânesse de Balaam, qui empêcha le Prophète de maudire le peuple de Dieu.

Lait d’ânesse, lac asinium. On l’ordonne pour certaines maladies, & pour rafraîchir. Le lait d’ânesse est le meilleur après celui des femmes. J’ai appris de M. Patin que plusieurs personnes de sa connoissance, qui reglément tous les ans avoient pris du lait d’ânesse pendant six semaines ou deux mois, avoient vécu plus de quatre-vingt ans. ☞ Comme il est moins chargé de parties butireuses & caséeuses que les autres laits, il est aussi plus léger & plus facile à digérer. Il est rafraîchissant & propre à adoucir l’âcreté des humeurs. Les gens mols & délicats se frottoient le visage & la peau de pain trempé dans du lait d’ânesse, ou pour la rendre plus blanche, ou pour empêcher que la barbe ne leur vînt sitôt. Voyez Suétone dans Othon, ch. 12. Martial, Liv. X. ép. 68. Ils se faisoient même un masque de ce pain, comme il paroît par Juvénal. Sat. VI. v. 461. & suiv. Poppée, femme de Néron, fut la première, ou une des premières qui usa de cette délicatesse, persuadée que le lait d’ânesse contribuoit à la blancheur, & qu’il ôtoit les rides en tendant la peau. C’est pour cela qu’elle avoit toujours à sa suite cinq cens ânesses ; & c’est aussi pour cela que Juvénal, Sat. VI. v. 462, appelle ces emplâtres de pain trempé dans du lait d’ânesse, Pinguia Popæna. Voyez sur ceci Plin. Hist nat. Liv. XI. c. 41. L. XXVIII. c. 12. Suétone dans Othon, c. 12, Martial. L. X. ép. 68. Juvénal, Sat. VI. v. 460. & suiv. l’ancien Interprète de Juvénal sur cet endroit, v. 468, & Saumaise sur Spartien, c. 4, de la vie d’Adrien.

Ânesse, se dit au figuré, pour signifier, ignorante, sotte, stupide, Asina, stupida, stolida. Ote-toi d’ici, grosse ânesse. Expression basse, bonne pour les halles.

ANET. s. m. Anethum. s. n. Plante annuelle & ombellifére. Sa racine est menue, & donne une tige haute de deux à trois pieds, quelquefois branchue, garnie de feuilles semblables à celles du fenouil, mais plus courte & encore plus menues. Ses ombelles sont composées de fleurs jaunes, & ses semences sont ovales, aplaties, cannelées sur leur dos, & garnies d’une bordure fort mince. Toute la plante a une odeur de drogue très-forte. On en faisoit autrefois des chapeaux dans les festins. Jésus-Christ reprochoit aux Pharisiens, qu’ils payoient les dîmes de la menthe & de l’anet, en marquant leur hypocrisie. Ce mot vient du grec ἄνα, sursùm, θέιν, crescere, parce qu’il croît fort vîte.

Anet, se prend quelquefois pour la semence de la plante d’anet. On s’en sert dans les décoctions carminatives, & son huile est employée pour la colique.

ANET. Bourg de l’île de France, aux confins de la Normandie. Anetum. Il y a dans ce bourg un magnifique château, qui a été bâti par Henri II. pour Diane de Poitiers, Duchesse de Valentinois. Il appartient aujourd’hui à la Maison du Maine.

ANETE. Ce mot, qui est formé du latin anas, se disoit autrefois pour canard, & anetel, petit canard. On lit dans l’Art de Rhétorique ancien :

Taste se l’anete pont.

☞ ANÉTIQUE. adj. En médecine est la même chose que calmant. On donne cette épithète aux remèdes qui produisent cet effet. Anæticus.

ANÉVRISMAL, ALE. adj. qui appartient à l’anévrisme, qui tient de l’anévrisme. Anevrismalis, e. Dans les Mémoires de l’Académie des Sciences 1724, pag. 414 &c. Il y a une observation anatomique sur une tumeur anévrismale & polypeuse de l’artère aorte, par M. Marcot. C’étoit une tumeur ou dilatation extraordinaire de l’aorte, depuis sa sortie du cœur jusqu’à trois pouces au-dessous de l’aorte sous-clavière gauche, où l’on découvroit une tumeur très-considérable de la grosseur du poing, cachée pour la plus grande partie par le cœur, & placée postérieurement dans le tronc de l’aorte, à sept ou huit pouces du cœur, au-dessous de l’arc qu’on appelle la crosse. On trouva dedans un polybe, c’est-à-dire, une masse de chair de couleur rouge tirant sur le blanc, dontla dureté égaloit celle des tendons. Cette tumeur étoit donc, & anévrismale, & polypeuse. La poche anévrismale se trouvoit placée précisément à l’endroit d’une des artères intercostales ; ce qui fait croire que cette artère ayant été bouchée par quelque cause que ce puisse être, le sang y abondant toujours sans en pouvoir sortir, elle avoit dû se dilater ; voilà l’anévrisme. Le sang s’y ramassant, sans en pouvoir sortir, dut s’y coaguler, & servir ensuite de noyau à la masse charnue qui remplissoit la cavité de cette poche anévrismale. Voilà le polype. On trouva un grand sac anévrismal dans la sous-clavière droite. Acad. 1700. Hist. p. 38.

ANÉVRISME. s. m. Terme de Médecine. C’est une tumeur contre nature, formée par la dilatation, ou par l’ouverture d’une artère. Tumor ex sanguine aut arteriarum remissione excrescens. Anevrisma. Galien dit que quand l’artère est ouverte par anastomose, il se fait une maladie dite anévrisme. Elle se fait aussi lorsqu’en saignant on ouvre une artère au lieu d’une veine. Voyez Degori, dans son Dictionnaire Médical. Jul. Cæsar Claudinus, Cons. 67. Guill. Fabricius Hildanus, obs. 44. Cent 3.

Il y a un anévrisme par dilatation, & un anévrisme par épanchement. Lorsque quelque portion d’une artère a perdu son ressort, elle est moins capable de résister à l’impulsion du sang ; cet endroit du canal continuellement poussé par le sang, devient continuellement plus large, & successivement on voit s’y former & augmenter peu à peu une tumeur à laquelle on a donné le nom d’anévrisme par dilatation. Cet endroit dilaté est, pour ainsi dire, un lac à travers lequel passe le fluide qui le forme. Lorsque par quelque chose que ce soit ce canal de l’artère est ouvert ou percé, le sang s’extravase, & forme aux environs de l’ouverture une tumeur que l’on appelle Anévrisme par épanchement. Dans la première espèce le sang conserve sa fluidité & coule : dans la seconde, il se coagule, & ne rentre plus dans la voie de la circulation. L’anévrisme par dilatation est mou, parce que le sang qu’il contient est fluide. L’anévrisme par épanchement est dur, parce que le sang qu’il contient est coagulé. C’est par cette même raison, que l’anévrisme par dilatation disparoît lorsqu’on le comprime avec les doigts, & qu’au contraire on peut presser l’anévrisme par épanchement, sans que la compression le fasse disparoître. Lorsque l’on touche l’une & l’autre espèce d’anévrisme, on sent presque toujours une pulsation, qui répond exactement au mouvement de l’artère ; mais cette pulsation est moins sensible à l’anévrisme fait par épanchement qu’à celui qui est fait par dilatation. On sent au toucher un fourmillement dans l’anévrisme par dilatation, & il est rare qu’on apperçoive ce fourmillement dans l’anévrisme par épanchement. Lorsqu’on approche l’oreille de l’anévrisme par dilatation, on entend un bruit semblable à celui de l’eau qui passe dans les tuyaux des fontaines : ce bruit ne s’apperçoit que rarement & foiblement à l’anévrisme par épanchement. L’anévrisme par dilatation fait toujours une tumeur égale & circonscrite, au lieu que l’anévrisme par épanchement est irrégulier, & presque toujours confondu avec & dans le corps graisseux. L’anévrisme par dilatation ne change point la couleur de la peau ; au lieu que dans l’anévrisme par épanchement la peau est presque toujours brune & plombée, comme s’il y avoit meurtrissure. Petit. Acad. des Sciences, 1736, Memoires, pag. 244 & suiv. Telles sont les différences relatives qui caractérisent ces deux maladies, & par lesquelles on peut les distinguer.

Les vrais anévrismes ne se guérissent ni par des médicamens résolutifs, ni par des suppuratifs. Mém. de l’Acad. des Scien. 1707, page 19. Un anévrisme vrai est une dilatation extraordinaire d’artère. Litre, Mémoires de l’Académie des Sciences 1712. page 78.

ANEWOLONDANE. Île de la mer des Indes. Anevolondana. Elle est au midi de celle de Carpentyn, sur la côte de l’île de Ceylan.

ANF.

ANFE ou ANAFE. Ville du Royaume de Fez, en Afrique. Anfa. Elle est sur un petit golfe de la mer Atlantique, dans la province de Trémecen. En 1468 les Portugais la brûlèrent, de sorte que ce n’est plus qu’un bourg.

ANFILOCA. Amphilochia & Argos Amphilochium. Petite ville de la Turquie, en Grece, dans la province du Despotat, à vingt milles au levant d’Ambrakia.

ANFORGE. Ce mot, selon Borel, veut dire une Gibecière de cheval.

☞ ANFRACTUEUX, EUSE. adj. du latin, anfractus, détour. Ce mot signifie proprement qui est plein de détours & d’inégalités. Anfractuosus, anfractus, anfractibus interruptus. On le dit des chemins & de quelques conduits du corps humain. Ce chemin est anfractueux. Le conduit de l’oreille est anfractueux.

☞ ANFRACTUOSITÉ. s. f. Ce mot, appliqué aux chemins, signifie proprement détours & inégalités. Anfractus. On dit qu’un chemin est plein d’anfractuosités. Je ne sais si on ne feroit pas mieux d’abandonner ce mot aux Anatomistes.

☞ En Anatomie, on entend par Anfractuosités, les éminences ou cavités inégales, qui se trouvent dans la surface des os. On n’emploie guère ce mot qu’au pluriel.

ANG.

ANGAD, ou HANGAD ou ANGUED. Désert de Barbarie, en Afrique. Angada. Il est dans la province de Téleusin, au royaume d’Alger.

ANGADRÈME. s. f. Nom de femme. Angadrisina. Sainte Angadrème, qui se trouve mal nommée Angragisime. Andragisima, dans la plûpart des Martyrologues latins, ne doit point être confondue avec Sainte Angarême ou Angarisme, Abbesse d’Arluc, qui vécut & mourut presque en même temps qu’elle. Baillet. Cette Sainte est particulièrement honorée à Beauvais, où sont ses reliques, & elle est la Patronne de cette ville, comme Sainte Geneviève l’est de Paris.

ANGAMALE. Ville des Indes Orientales. Angamala. Elle est sur la côte du Malabar, dans la presqu’île de deça le Gagne. Il y a aussi un royaume de même nom.

ANGAR. s. m. Appentis. Place couverte d’un demi comble adossé contre un mur, & soutenu de piliers disposés d’espace en espace. Tectum alternam in partem declive & nixum pilis. Il sert de remise, ou de bucher dans les basses cours.

Ce mot vient de l’allemand angen, qui signifie simplement appentis. Ménage. Je ne sais où M. Ménage & Nicod ont pris angen en allemand. Pour moi je ne le trouve nulle part, ni pour appentis, ni pour autre chose. Tous mes auteurs Allemands appellent un angar en allemand schopff. Si angar venoit de l’allemand, ce seroit de anhangen, qui signifie, tenir à quelque chose, être appuyé contre quelque chose ; mais je ne sache point qu’il se soit formé de-là que ahan, qui répond à ce que nous appelons accessoire, & au nom de parti, faction, adhérent, partisan, &c. Pour angar, il n’y a pas lieu de croire qu’il s’en soit formé. Le sentiment de M. Du Cange est bien plus vraisemblable. Voyez Hangart.

ANGARIES. s. f. pl. C’est le premier nom des Postes. Cyrus est le premier auteur des angaries ou postes. Angaria.

ANGARSKAYE. Ville de la grande Tartarie Anagarskaya. Elle est dans la province de Dauria, au levant du grand lac de Baycal, vers les sources de la rivière d’Amour ou d’Ouon. Carte de Vitsen.

ANGASMAIO. Rivière de l’Amérique méridionale. Angasmaius. Elle coule dans le Popayan, aux confins du Pérou.

ANGE. s. m. Substance spirituelle & intelligente, qui tient le premier rang entre les créatures de Dieu. Angelus. Ange n’est point proprement un nom de nature, ou qui signifie la nature, selon la remarque de Saint Hilaire, Liv. V. de la Trin. mais un nom d’office, qui signifie, Nuntius, Messager, celui dont on se sert pour porter ses ordres, pour expliquer ses volontés. C’est ce que Saint Paul a exprimé par ces paroles, Hébr. I, 14. Les Anges ne sont-ils pas tous des esprits qui lui servent, & qu’il envoie travailler au bien de ceux qui recevront l’héritage du salut ? C’est pour cela que ce nom se donne aux Prêtres dans Malachie II, 7, à Saint Jean-Baptiste, Malach. IIII, 1. Matt. XI, 10. Car, comme dit Tertullien, dans son ouvrage contre les Juifs, ch. 4. Dieu a coutume d’appeler Anges, ceux qu’il constitue les ministres de sa puissance. Jésus-Christ lui-même, Isaïe IX, 6, est appelé par les Septante, l’Ange du Grand Conseil ; nom, dit Tertullien, Liv. de carne Christi, C. 14, qui marque son emploi, & non pas sa nature. Le nom que l’Ecriture donne en hébreu aux Anges est aussi un nom d’office, & non pas un nom de nature, מלאך qui signifie, Legatus, Nuncius, un Légat, un Envoyé, un Ministre. Cependant l’usage a prévalu, & ce nom d’Ange se prend communément pour un nom de nature, même dans l’Ecole & dans l’Ecriture. Voyez Act. XXIII. Les Saducéens ont nié autrefois qu’il y eût des Anges ou des esprits. Ç’a été aussi l’erreur de quelques Philosophes, au rapport d’Aristote ; mais il n’est pas permis à un Chrétien d’en douter. L’Ecriture est formelle en cent endroits sur cet article ; & la tradition, les Peres, tout conspire à prouver cette vérité. Dans toutes les Religions on a cru l’existence des Anges. Les Samaritains mêmes & les Caraïtes, que les Juifs traitent de Saducéens, les reconnoissent. Abusaïde, de la secte des Samaritains, qui est l’auteur d’une version arabe du Pentateuque, en parle dans ses notes ; Aaron, Juif Caraïte, en fait aussi mention dans son Commentaire sur les cinq livres de Moyse. Ces deux ouvrages, qui sont fort rares, se trouvent en manuscrit dans la Bibliothèque du Roi. Il est souvent parlé des Anges dans l’Alcoran. Les Mahométans croient qu’ils sont les exécuteurs des commandemens de Dieu : qu’ils sont différens en dignité ; qu’ils sont destinés à de certains offices, tant dans le ciel que sur la terre, & qu’ils écrivent les actions des hommes. Ils attribuent une très-grande puissance à l’Ange Gabriel ; savoir, de descendre dans l’espace d’une heure du ciel en terre, & de renverser une montagne avec une seule plume de son aile. L’office de l’Ange Asrail est de prendre les ames de ceux qui meurent. Un autre Ange, nommé Esraphil, tient toujours à sa bouche une corne ou une trompette, pour en sonner au jour du jugement. En un mot, les Anges sont d’un grand secours aux Mahométans, dans toutes les fables dont leur Religion est remplie. Ils en ont emprunté une partie des Medrascim, ou livres allégoriques des Juifs. Voyez de Moni, au chap. 15 de l’Histoire de la créance, & des coutumes des nations du Levant. Les Philosophies & les Poëtes payens ont aussi reconnu des substances intelligentes supérieures à l’homme. Saint Cyprien le prouve, dans son Livre de la vanité des Idoles, par le témoignage de Platon, de Socrate, de Trismégiste, & des Poëtes. Les Energumènes & les opérations de la magie en sont des preuves convaincantes, dont Lactance se sert au Livre premier de ses Institutions, chap. 15. Voyez encore les raisons de S. Thomas, Liv. II contr. Gent. ch. 46.

On n’a pas été si bien d’accord sur la nature des Anges que sur leur existence. Saint Clément d’Aléxandrie a cru que les Anges avoient un corps. C’étoit aussi l’opinion d’Origène, de Césarius, de Jean de Thessalonique, de Tertullien, & de quelques autres, à qui on l’attribue. Aujourd’hui on convient généralement que ce sont des Intelligences spirituelles. Le Concile de Latran, sous Innocent III. C. firmiter de sum. Trin. décide que Dieu est créateur des deux natures, la spirituelle & la corporelle ; c’est-à-dire, ainsi qu’il s’explique lui-même, des Anges & de ce monde. C’est aussi le sentiment général des Peres, Saint Athanase, Saint Basile, Saint Grégoire de Nice, Saint Jean Chrysostôme, &c. Enfin l’Ecriture appele les Anges, des esprits, & ne se sert du même mot, que dans elle parle de Dieu, & qu’elle dit que Dieu est esprit, pour marquer qu’il est immatériel. Voyez Act. XXIII, 8, & en Saint Luc, III, 36, VI, 18, VII, 21, VIII, 2, & souvent ailleurs elle nomme les Démons, Esprits immondes, Esprits malins, &c.

Saint Paul parle de cette sorte des Anges, au ch. I. de l’Epître aux Hébr. v. 7. L’Ecriture dit touchant les Anges : Dieu se sert des esprits pour en faire ses Ambassadeurs & ses Anges, & des flammes ardentes pour en faire ses Ministres. C’est ce qu’on lit dans la version de Port-R. M. Simon a traduit plus à sa lettre : à l’égard des Anges, Dieu dit qu’il fait les esprits ses Anges & ses Ministres, des flammes de feu. Puis il ajoute dans sa note : l’article qui est dans le grec devant le mot d’Anges insinue qu’il faudroit traduire à la lettre, que Dieu fait ses Anges des esprits ; mais le sens est, que les esprits lui servent d’Anges, c’est-à-dire, de ministres, ou envoyés, pour exécuter ses volontés.

Comme S. Paul cite en cet endroit le verset 4 du Pseaume 103, où le Prophète semble plutôt parler des vents que des Anges, M. Simon y fait cette remarque : le mot qui est dans l’hébreu est équivoque, signifiant également vent & esprit. La plûpart des Rabbins entendent ce passage du Pseaume, des vents & des tonnerres, dont Dieu se sert comme de ministres. Mais S. Paul a suivi le sens que lui présentoit la Version des Septante, & qui est même appuyée sur les plus anciens Rabbins. On pourroit aussi traduire à la lettre, en donnant au mot d’esprit la signification de vent ; qu’il fait ses Anges, comme des vents, c’est-à-dire, ses envoyés prompts comme le vent, étant certain que les Hébreux sous-entendent en une infinité d’endroits la particule comme.

Sur ces autres mots, & ses Ministres, des flammes de feu, M. Simon ajoute cette autre remarque : c’est ainsi qu’il faut traduire à la lettre, & cela signifie, que ceux dont Dieu se sert pour être ses Ministres, sont légers & actifs comme le feu. Selon l’interprétation des Rabbins, il faudroit traduire de cette manière les paroles du Pseaume, que les flammes ardentes lui servent de Ministres ; ce qui se voit par l’exemple de Sodome & de Gomorrhe.

L’Apôtre dit encore, parlant des Anges au même endroit, v. 14. Tous les Anges ne sont-ils pas des Esprits qui tiennent lieu de Serviteurs & de Ministres ? Version de Mons. Il y a dans la version de M. Simon : Ces Anges ne sont-ils pas tous des Esprits faisant les fonctions de Ministres : & dans la note : les Anges sont, à l’égard de Dieu, comme les Ministres d’un grand Roi, & Jésus-Christ, qui est le Fils unique de Dieu, est à l’égard des Anges, comme le fils de ce grand Roi, lequel fils est au-dessus de tous ces Ministres.

L’Eglise grecque fait la Fête des SS. Anges, l’onzième de Janvier, Bollandus, T. I, p. 665, & l’Eglise latine, le second d’Octobre. On compte dans l’Ecriture neuf Hiérarchies des Anges. Nous avons la ridicule fantaisie de nous faire accroire que les cieux ne roulent que pour nous, & que les Anges mêmes qui composent ces grandes Hiérarchies, n’ont été créés que pour avoir soin de nos commodités. Moth. Vay. Nous peignons les Anges en figure humaine, dit Jean de Thessalonique, parce qu’ils ont souvent ainsi apparu à ceux à qui Dieu les a envoyés. Fleur.

Ange, se prend spécifiquement pour une des créatures, qui est du neuvième & du plus bas cœur de la Hiérarchie céleste : les Anges, Archanges, &c. L’Ange exterminateur. Un Ange de lumière, c’est un bon Ange. L’Ange de ténèbres, c’est le Diable. La première de ces expressions est prise de S. Paul, II, Cor. XI, 14, & signifie un bon Ange, un saint Ange. La seconde est faite par l’usage, à l’imitation de celle de S. Paul, & signifie un mauvais Ange. Sathan même se transforme en Ange de lumière. S. Paul, à l’endroit cité. Se garantir des illusions de l’Ange de ténèbres, & se mettre à couvert de ses prestiges. Bourdal. Exh. T. I, p. 327. Cet esprit de ténèbres, qui se transforme quelquefois en Ange de lumière. Bouh. L’Ecriture fait mention de Satan, & de ses Anges. L’Ange gardien, ou le bon Ange, est celui que Dieu a commis à la garde de chaque personne. Angelus custos, tutelaris. Les Platoniciens tenoient de même, que chacun étoit sous la protection d’un Génie particulier. Toutes les prières des Turcs finissent par le salut qu’ils rendent à leurs Anges gardiens. Du Loir Voyage du Lev. p. 147.

Ange, se dit figurément en parlant de celui qui a une qualité extraordinaire. Cet Auteur écrit comme un Ange. Cet homme peint comme un Ange, c’est-à-dire, très-bien. Il a la voix d’un Ange. Cette fille est un Ange, un Ange mortel ; elle a le visage d’un Ange. On dit qu’un homme vit en Ange, quand il vit dans une grande pureté ; & pour cette raison on a donné autrefois aux Papes & aux Evêques le nom d’Ange, comme témoigne Du Cange. Ces façons de parler s’expriment en latin par les adverbes, pulchrè, mirificè, mirabiliter. Dans l’Apocalypse ce nom est donné aux Pasteurs de plusieurs Eglises : l’Ange de l’Eglise d’Ephese : l’Ange de l’Eglise de Smyrne. On l’a donné à plusieurs autres hommes par excellence, à cause de leurs qualités extraordinaires : Saint Thomas est l’Ange de l’Ecole. Pasc. Pour faire entendre qu’il excelle entre les Scholastiques. C’est une société d’hommes ou plutôt d’Anges. Id. Mais, Madame, après tout, je ne suis pas un Ange. Mol. C’est-à-dire, je n’ai pas la sagesse d’un Ange, pour résister à vos charmes. On appelle des manches d’Anges, certaines manches de femmes qui sont fort larges, & qui ne vont qu’à la moitié du bras, parce qu’on habille ainsi les Anges quand on les peint. Un lit d’Ange, est celui dont les rideaux sont faits en pavillon, retroussés & suspendus au plancher, & sans quenouille. De l’eau d’Ange, est une eau odoriférante, faite de plusieurs fleurs & aromates, qui est extrêmement agréable.

Ange, pris absolument, est un nom que les Poëtes & les amans donnent quelquefois à leurs maîtresses.

À la fin mes yeux sont contens,
Amour a ramené mon Ange. Theoph.

Ange bouffi. Terme populaire. On donne communément ce nom aux enfans qui ont le visage fort plein & de grosses joues qui avancent, apparemment parce que les Peintres représentent communément ainsi les Anges, & sur-tout les Chérubins & les Séraphins. Angelus tumens, timidus.

Ange. s. m. Espèce de monnoie sous Philippe de Valois. Dans l’édit qui en ordonne la fabrication, ces anges sont nommés Angelots. Voyez ce nom. On discontinua de les fabriquer l’an 1342. Ils furent toujours d’or fin, mais ils ne furent pas toujours de même poids : les premiers pesoient 5 deniers 16 grains, & on les appeloit Premiers Anges. On en fit dans la suite qui ne pesoient seulement que 4 deniers, 13 grains, & c’étoient les troisièmes anges. L’écusson que l’ange tient de la main droite n’est rempli que de trois fleurs-de-lys. Le Blanc. Le même Auteur, dans ses tables du poids & de la valeur des monnoies, distingue sous Philippe de Valois en 1340, 1341, & 1342, des anges & demi-anges, d’or fin les uns & les autres. Ceux-ci à la taille de 67 au marc, & ceux-là à la taille de 33 au marc en 1340, & de 38 en 1342, & de 42, en 1342. Il dit aussi dans sa préface p. 6. que ange & angelot sont la même chose. L’ange qui est sur cette monnoie, lui fit donner son nom. Id.

Ange, en termes d’Artillerie, est un boulet de canon fendu en deux, dont les deux moitiés sont attachées par une chaîne ou barre de fer. On en tire sur la mer pour désemparer les vaisseaux, & pour rompre les cordages, mâts & manœuvres des ennemis.

Ange, est aussi le nom du principal étendard de l’armée. Dans les commencemens de l’Empire d’Occident, on portoit l’ange devant l’Empereur. Voyez Witikind, Liv. I.

Ange, est aussi un poisson de mer, qu’on fait passer pour de la raie, parce qu’il lui ressemble ; mais il est plus gros, & il a la chair plus dure. Squatina.

Ange, est employé par le peuple dans quelques provinces, pour signifier un Sergent. A Dijon, envoyer un ange, c’est envoyer un Sergent, ce qui dans le temps de l’introduction du papier timbré, donna lieu à un pauvre homme que son créancier avoit fait assigner, de dire, Ai m’é anvié trois ainges, par où il entendoit le Sergent & l’assignation, où pour timbre la figure de deux anges étoit marquée. Glossaire Bourguignon, au mot Ainge.

On dit proverbialement, rire aux anges quand on rit seul & sans sujet : boire aux anges, quand on ne sait plus quelle santé on peut boire. On appelle par raillerie les crocheteurs, des anges de grève, à cause de leurs crochets qui tiennent lieu d’ailes. On dit aussi d’un visionnaire, ou d’un homme qui a reçu quelque coup violent dans les yeux, qu’il a vu des anges violets.

Ce mot vient du grec ἄγγελος, qui signifie, messager, envoyé.

Ange. Les montagnes d’Ange. Quoi qu’il en soit du mot Ange, que l’on n’a point entendu jusqu’ici, les montagnes d’Ange sont celles, ou plutôt une partie de celles qui bordent la Cilicie du côté de l’orient, & la séparent de la Syrie. C’est le mot Amanus.

S. ANGE. Une des Îles Mariannes. Angelonesus. Elle se nomme en langue du pays Aguignan. Voyez ce mot. P. Morales, Jés.

ANGEINE. s. f. Catherine de Laval, jadis Comtesse de Léon, dans une quittance qu’elle donne au duc de Bretagne l’an 1281, le mercredi emprès la Fête de Saint Martin d’été, dit que le payement étoit dû de cette angeine prochaine à venir. Sur quoi le P. Lobineau dit que l’Angevine (car il écrit toujours ainsi, au lieu d’angeine, qui est dans l’acte dont nous parlons) que l’angevine, dis-je, est l’une des fêtes de la Sainte Vierge, le 8 de Septembre. C’est celle de la Nativité. Cela fait conjecturer que ce mot pourroit peut-être venir de Anna & genuit, ou Annæ genitalis dies, ou genitura, le jour de l’accouchement de Sainte Anne. Sainte Anne est depuis long-temps particulièrement honorée en Brétagne, il ne seroit pas surprenant qu’ils eussent donné son nom à cette Fête.

ANGEIOGRAPHIE. s. f. Il vient du grec ἀγγεῖον, vas, & γράφω, describo. C’est la description des poids, des vases, des mesures, des instrumens pour l’agriculture. L’angeiographie est vaste, étendue, épineuse. Ferrari, Albert Rubens, Wormius, Sonetius, on écrit de l’angeiographie.

☞ ANGEÏO-HYDRO-GRAPHIE. s. f. Terme d’Anatomie. Description des vaisseaux lymphatiques. Angeïo-hydro-graphia.

☞ ANGEÏO-HYDRO-LOGIE. s. f. Discours sur ces mêmes vaisseaux. Angeio-hydro-logia.

ANGEIOLOGIE. s. m. Terme d’Anatomie. C’est l’histoire ou la description des vaisseaux du corps humain, qui sont les nerfs, les artères, les veines & les vaisseaux lymphatiques. Angeilogia. Il faut diviser la Sarcologie en trois, en Splanchnologie, en Myologie, & en Angeiologie. Dionis. Ce mot vient d’ἄγγος, vase, d’où se forme ἀγγεῖος, qui appartient aux vases, ou vaisseaux ; & de λόγος, discours ; discours touchant les vaisseaux du corps humain.

ANGEL. s. m. Vieux mot, Ange.

Angel. s. m. Angelus. Oiseau dont le bec & les pieds sont noirs, & les plumes d’une couleur brune, noirâtre, & d’un jaune roussâtre, de la grosseur de la perdrix, à laquelle il ressemble assez. Sa chair est fibreuse & dure. On ne peut la préparer, ni la manger, sans en ôter la peau. Encyc.

ANGELE. s. f. Nom de femme. C’est le féminin d’Ange. Angela. La bienheureuse Angele de Bresse institua des Ursulines en 1637. On dit aussi Angéline.

Los ANGELES. La puebla de los Angeles, la peuplade, la ville des Anges. Ville de l’Amérique septentrionale. Angelopolis. C’est la capitale de la province de los Angeles, ou des Anges, autrement de Tlascala. Elle est entre les villes de Mexique, & de Saint Juan D’Ulva.

ANGÉLINE. s. f. Angelina. C’est un arbre dont le tronc a quelquefois seize pieds d’épaisseur, qui croît parmi les rochers & dans les lieux sabloneux du Malabar, dans les Indes Orientales. Ses feuilles sèches & chauffées soulagent les douleurs & les engourdissemens des jointures, dissipent l’enflure des testicules occasionnée par une contusion, ou par quelque cause étrangère, aussi-bien que l’hydrocèle, ou pneumatocèle. Voyez le Dict. de James.

Angéline. s. f. Nom de femme. Angelina. On dit aussi Angéle. Quelques-uns disent que la bienheureuse Angéline de Corbare a fondé le premier monastère du Tiers-Ordre de S. François en 1597. P. Hélyot. T. VII, p. 227.

ANGÉLIQUE. adj. m. & f. Qui tient de l’Ange, qui a rapport, qui appartient à l’Ange. Angelicus. La Salutation Angélique, c’est l’Ave Maria, que l’Ange dit à la Sainte Vierge, lorsqu’il lui annonça le mystère de l’Incarnation, avec quelques mots pris d’ailleurs, & ajoutés par l’Eglise. Voyez Ave, Esprits Angéliques.

Angélique, se dit figurément des qualités excellentes d’une chose. Mirificus, mirabilis, egregius. Une vie angélique. Un esprit angélique. Un visage angélique. Une chère angélique. On appelle en Théologie Saint Thomas, le Docteur Angélique, & l’école des Thomistes, l’Ecole Angélique, parce qu’ils se glorifient de suivre la doctrine de S. Thomas. Vous vous proposez de concilier S. Augustin avec S. Thomas & avec l’école angélique. Mém. de Tr. On a quelquefois appelé le Saint Siége, Siége Angélique, comme on l’appelle, Siége Apostolique. Voyez le Concile de Calcedoine, art. 3.

On appelle habit angélique, l’habit de certains Moines Grecs de S. Basile. On distingue deux sortes de Moines : ceux qui font profession d’une vie parfaite, sont appelés les Moines du grand & angélique habit ; les autres, qu’on nomme du petit habit, sont d’un rang inférieur, & ne menent pas une vie si parfaite. Allat. de cons. Eccl. Occid. & Or. l. 3, c. 8. Ce mot d’habit angélique a été aussi en usage chez les Moines Latins. Voyez Du Cange, dans son Glossaire latin.

La Couronne angélique, c’est la Couronne de Hongrie, qu’on appelle aussi le Royaume apostolique. La Hongrie pouvoit-elle mieux & plus heureusement déférer la couronne angélique qu’à votre auguste Maison archiducale ?… Elle n’aura pas à craindre que sous elle le Royaume Apostolique & la couronne angélique soient jamais dévolus à un autre qu’à un chef de la Religion Catholique Romaine. Ce sont les termes de la harangue des Etats de Hongrie, à l’Empereur, en 1722.

ANGÉLIQUES. Bernard Justiniani, au chap. III, de son Histoire Chronologique de l’origine de tous les Ordres de Chevalerie, parle d’un Ordre institué, à ce qu’il prétend, en 313 par Constantin, dont les Chevaliers furent appelés Angéliques, & Dorés de la Croix de Constantin, Angelici & aureati della Croce di Constantino. Angéliques, dit-il, à cause de l’Ange qui apparut à Constantin avec le signe de la Croix ; & qui lui dit, in hoc signo vinces ; Dorés, aureati, à cause du collier d’or qu’ils portoient. Cet Ordre fut mis sous la protection de S. Georges ; & si l’on en croit M. Justiniani, c’est de ces Chevaliers qu’il faut entendre une Médaille de Majorien, au revers de laquelle il y a une Croix, avec une légende, Gloria Cæsarum Georgianorum ; c’est-à-dire, la gloire des Césars Géorgiens. Je doute que tous les Antiquaires soient de son sentiment. Il distingue trois ordres de Chevaliers sous le Grand-Maître. Le premier, sont les Grands-Croix, qui s’appellent Torquati, à cause du collier qu’ils portent : ils sont au nombre de cinquante, en mémoire des cinquante Guerriers que Constantin destina à la garde du Labarum imperiale : ils portent au cou une croix placée entre plusieurs Labarums ; c’est-à-dire, plusieurs monogrames de Jésus-Christ représentés sur les mailles qui forment le grand collier, auquel pend par-devant l’image de saint Georges à cheval, tuant de sa lance un dragon qui est sous les pieds de son cheval. Le second ordre sont les Chevaliers de justice, qui son ecclésiastiques. Ils portent au cou une croix d’or émaillée de gueules. Ces deux premiers Ordres portent au côté gauche la Croix de velours fleurdelisée, marquée d’un I en haut, d’un S en bas, d’un V renversé à droite, & d’un H renversé à gauche, & d’un monograme de Jésus-Christ, avec un Α à droite, & un Ω à gauche, que cet Auteur appelle Labarum. Les Chapelains la portent au côté droit, & non pas de velours, mais de drap cramoisi. Ils prouvent quatre quartiers. Le troisième ordre sont les Chevaliers servans, qui portent la Croix rouge, mais coupée & non fleurdelisée par en haut, & sans autres lettres que celles du Labarum, qui se voit au centre. Il prétend que S. Léon parle de cet Ordre dans la lettre qu’il écrivit l’an 456, à l’Empereur Marcien, & au Prince Alexius Angelus Flavius, alors Grand-Maître de cet Ordre. L’Empereur Léon I, lui accorda de grands priviléges en 489. Cet Ordre rendit des services signalés, selon le même Auteur, en 615, contre des hérétiques qui ravagerent la Perse ; ensuite dans les Croisades de la Terre-Sainte, & contre les Albigeois. Enfin en 1191, Isacius Angelus Flavius Commenus, Empereur de Constantinople, le rétablit ; il falloit dire l’institua. Car que Constantin l’ait institué, ou même qu’en ce temps l’on connût ce que nous appelons des Ordres militaires ; c’est une fable. Michel Paléologue le confirma en 1293 & 1294, & Paul III en 1540 & 1545, aussi-bien que plusieurs de ses successeurs, qui lui ont accordés différens priviléges, que cet Auteur rapporte. Voyez le ch. III de la seconde édition, qui est in-fol à Venise en 1692.

Angéliques. Saint Epiphane & Saint Augustin font mention de certains Hérétiques appelés Angéliques, parce qu’ils rendoient aux Anges un culte excessif & qui tendoit à l’idolâtrie. S. Epiphane néanmoins dit qu’on leur donna ce nom, parce qu’ils croyoient que le monde avoit été créé par les Anges.

Angéliques. Nom de Religieuses fondées en Italie par Louise Torelli, Comtesse de Guastalla, ce qui leur a fait donner le nom de Guastallines. Voyez ce mot. Angelica, Guastallina monialis.

Angélique. s. f. Instrument de musique à cordes, qui est composé du luth, & du théorbe.

Angélique. s. f. C’étoit le nom d’une danse des anciens Grecs, qui se dansoit dans les festins. Elle étoit ainsi appelée du mot grec ἄγγελος, Nuntius, Messager, parce que ceux qui la dansoient, étoient habillés en Messagers, comme Pollux nous l’apprend, Liv. IV, ch. 14. Voyez aussi Hésychius au mot ἀγγελὸν, où il faut corriger ἀγγελιϰὴ, selon la remarque de Meursius, Angelica saltatio.

Angélique de Bohème. Imperatoria sativa. Inst. R. Herb. Sa racine est épaisse d’un pouce & demi, ou de deux pouces, divisée en quelques branches garnies de fibres chevelues ; son écorce est brune, ridée. Sa