Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/711-720

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Fascicules du tome 1
pages 701 à 710

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 711 à 720

pages 721 à 730


à ce Prince avant qu’un Croate, à ce que rapporte Busbequius dans sa première lettre ; sous prétexte de vouloir parler, eût tué Amurar, pour venger la mort d’un Despote de Servie, nommé Maro, qui étoit son Maître ; depuis on ne lui baisoit plus qu’une longue manche de sa veste faite exprès ; & MM. de Césy & De Marcheville ont encore eu cet honneur ; mais aujourd’hui les Ambassadeurs ne lui dont la révérence que de loin, comme les autres de leur suite. Du Loir, pag. 88. Busbequius, dans sa première lettre, ne dit pas que l’attentat de ce Croate ait été cause de ce qu’on ne baise plus la main du Grand-Seigneur, mais que ce que les Tchaoux tiennent l’Ambassadeur par le bras.

On dit proverbialement au féminin, qu’un homme est venu à belle baise-mains faire ou demander quelque chose ; pour dire, qu’il a été contraint par la nécessité de venir faire des soumissions pour l’obtenir. Cette façon de parler est du style simple & familier ; il n’y a qu’en cette phrase consacrée, que le mot de baise-main est féminin.

On dit encore proverbialement, jamais tant de baise-mains & si peu d’offrandes. Voici ce que Pierre de S. Julien dit de ce proverbe, dans ses Ant. des Bourguignons, p. 132. Depuis que les Rois ont permis être appelés Majestés servis à tête nue, & à baise-mains : non tant seulement les Princes, mais aussi les Gentilshommes à simple semelle, les Nobles de bas alloi, les Dames mal damnées, & Damoiselles de trois leçons, ont voulus être servis à la royale. Donc est advenu que nous autres pauvres gens d’Eglise avons appris à dire, qu’on ne vied jamais tant de baise-mains & si peu d’offrandes.

Guevara blâme l’usage es baise-mains, estimant qu’il est contre la bienséance de baiser une chose qui est quelquefois employée à de si sales usages. Cette pensée est bien extraordinaire. L’usage décide contre cet Auteur, & la coutume des baise-mains est autorisée par tous les Anciens, qui ont toujours regardé le baiser des mains comme une marque de respect & de profonde vénération. C’est même dans l’Ecriture une marque d’adoration ; & Job, 'XXXI, 27, pour dire qu’il n’a point adoré le soleil & la lune, dit qu’il n’a point baisé sa main en les voyant, ce qui est, ajoute-t-il, un très-grand crime, & la même chose que de nier le Dieu très-haut, c’est-à-dire, que ce seroit en reconnoître & adorer d’autres que lui.

☞ Dans l’Eglise même, les Evêques & les Officians donnent leur main à baiser aux autres Ministres qui les servent à l’Autel.

☞ Dans la société, l’action de baiser la main, a toujours été regardée comme une marque de vénération, de respect pour ses supérieurs.

BAISEMENT. s. m. Action de baiser. Osculatio, basiatio. Il ne se dit guère que de la cérémonie où l’on baise les pieds du Pape. Il a été introduit au baisement des pieds de sa Sainteté. Le baisement de la terre est une espèce d’hommage que les Rois de Perse se faisoient rendre, non-seulement par leurs sujets, mais encore par les Princes leurs vassaux, ou leurs feudataires, & qu’ils appellent Zemin bouz, c’est-à-dire, baisement de la terre, ou Roui Zemin, qui signifie la face contre terre. Elle est encore en usage parmi les Persans, aussi bien que le Pabous, qui est le baisement des pieds, que les Espagnols ont introduit parmi eux dans les lettres qu’ils écrivent aux gens d’une grande qualité, au lieu de baise-main. D’Herb.

Baisement, en géométrie. Voyez Baiser.

BAISER. s. m. Action de respect ou de soumission qu’on fait par l’application de la bouche sur une chose qu’on révère, ou qu’on aime. Osculum, suavium, bastum. Le baiser, dit S. Ambroise, est une marque d’amitié, un gage précieux de charité, & c’est un sacrilége d’en abuser. Rochef. On donne le baiser de paix en plusieurs cérémonies ecclésiastiques. S. Benoît veut qu’en recevant les hôtes dans ses monastères, on leur donne le baiser de paix ; il veut aussi que les freres, avant que de recevoir la Communion, se donnent le baiser de paix : ces usages étoient fondés sur la coutumes des premiers Chrétiens : mais ils ont été abolis depuis que les Chrétiens ne sont plus si simples qu’ils étoient dans les premiers temps. L’Auteur du Livre de l’amitié, qu’on trouve parmi les œuvres de saint Augustin, distingue quatre sortes de baisers. Le premier se donne pour marque de réconciliation, car on fait baiser & embrasser les ennemis quand on les a réconciliés. Le second est le baiser de paix que les Chrétiens se donnoient dans l’Eglise au temps de la Communion, pour faire voir par cette marque extérieure la paix intérieure qui les unissoit. Le troisième est le baiser d’amour que se donnent ceux qui s’aiment, qui n’ont point de moyen plus efficace pour se témoigner leur tendresse. Le quatrième est le baiser de la foi, qui se donnoit entre les Catholiques, & c’est celui qui se donnoit entre les Catholiques, & c’est celui qui se donnoit quand on exerçoit l’hospitalité. D. Joseph Mege. De rancé. Il y a des pays où l’on baise la main, pour marquer son respect, sa soumission & son attachement. Les Grands en Espagne le pratiquent à l’égard du Roi. Jornand de Saxe remarque que c’étoit la pratique des Hermites, qui avoient introduit le baiser de la main, au lieu de celui de la bouche. Un baiser de Judas est un baiser de traître. On dit en amour, cueillir un baiser, dérober un baiser. Les Hollandoises peuvent souffrir un baiser sans risques et impunément ; elles n’y entendent point de finesse. Bail. Horace fait chanter un baiser cueilli sur les lèvres d’Iris. S. Evr. Le baiser que j’ai pris, je suis prêt à le rendre. Voit.

Un baiser bien souvent se donne à l’aventure,
Mais ce n’est pas en bien user ;
Il faut que le désir & l’espoir l’assaisonne ;
Et pour moi je veux qu’un baiser
Me promette plus qu’il ne donne. La Sabl.

Mais il faut remarquer que les Latins ont des mots différens pour marquer la différence des baisers. Ils appeloient osculum un baiser fait entre amis ; basium un baiser fait par honnêteté ; & suavium, un baiser d’amant.

La coutume de donner un baiser est très-ancienne. Les différentes occasions où l’usage est de donner le baiser, outre celles qu’on a déjà marquées, sont les salutations de civilité, les épousailles, les installations, ou réceptions dans un corps ; en recevant l’hommage d’un vassal, comme il paroît par d’anciens titres. Voyez l’Hist. de Bret. T. B., pag. 811, & Chorier, Hist. de Dauphine, p. 842, & dans les donations qu’on faisoit, Hist. de Bret. p. 213, 247. Le baiser qui se donnoit dans les hommages, est appelé dans les anciens actes, Osculum pacis & amoris ; & l’acte de l’hommage rendu par Beatrix de Viennois, Dame d’Arlay, au Dauphin Himbert II, son neveu, le 16 Avril 1340, porte que ce fut complosis manibus & oris osculo, les mains jointes & par un baiser. Chorier. C’étoit la coutume autrefois de ne se point donner le baiser dans les temps de jeûne. A Rome c’étoit une coutume qui duroit encore du temps de Plutarque, que les femmes saluassent leurs parens & leurs amis en les baisant à la bouche. On disoit, au rapport de Plutarque dans Romulus, que les Troyennes sauvées avec leurs maris du sac de Troye, & abordées en Toscane, brûlerent leurs vaisseaux pour leur ôter l’envie de se mettre en mer ; & qu’elles saluerent & caresserent ainsi leurs maris, en les priant d’apaiser leur colère. D’autres font cette coutume moins ancienne, & disent qu’elle fut établie pour s’assûrer que les Dames Romains ne buvoient point de vin. Plutarque.

Le baiser des pieds, Pabous, est une cérémonie fort ancienne chez les Persans, instituée par Caioumarath leur premier Roi, pour marque non-seulement du respect que les sujets rendoient à leur Prince, mais encore de la foi & hommage que les Princes vassaux lui faisoient. Cette cérémonie fut changée depuis à l’égard des sujets de basse condition en celle de baiser la terre en présence de leurs Princes. D’Herb. au mot Pabous.

Baiser, se dit figurément & poëtiquement des influences & de l’action des astres sur les plantes, sur les fleurs, &c.

Comme une jeune rose
Aux baisers du soleil tout fraîchement éclose.

P. le M.

Baiser. Ce mot pris au figuré, signifie aussi une teinture de Mars & de Vénus, ou de cuivre & d’acier, de l’invention de Closseus. Castelli cité par James.

BAISER. v. a. Donner un témoignage d’amitié, d’amour, de respect, d’humilité par l’application de la bouche sur la joue, sur le visage, sur la main. Osculari, deosculari, basiare, suaviari. Les peres & les meres baisent leurs enfans au front. Les amis se baisent à la joue, & les amans à la bouche. Judas baisa Notre-Seigneur en le trahisant. On baise la main d’un Evêque à l’offrande, la robe d’une Princesse qu’on salue, la mains d’un Seigneur à qui on porte la foi & hommage. On va baiser la mule du Pape par respect. On baise les reliques par dévotion. On baise la terre par humilité. Les Grecs n’ont qu’un même mot pour signifier aimer & baiser, φιλεῖν.

J’aime l’innocent embonpoint
D’une idiote ; & n’entends point
Baiser ni Platon, ni Virgile. Main.

Baiser la main, c’est la porter par respect auprès de sa bouche, lorsqu’on présente ou qu’on reçoit quelque chose, ou lorsqu’on salue. On apprend aux enfans à baiser la main.

Baiser les mains. Terme de Civilité, par lequel on exprime qu’on salue quelqu’un. Je vous baise les mains. Je lui baise très-humblement les mains, & suis son serviteur.

On dit figurément que deux choses se baisent, quand elles sont si près l’une de l’autre, qu’elles se touchent. Ces deux solives se baisent, s’entretiennent, On le dit aussi des flots de la mer à l’égard du rivage qu’ils touchent & qu’ils mouillent.

Fameux théâtre des naufrages,
Toi dont les flots impétueux
Vienne d’un pas respectueux
Baiser le sable des rivages. Godeau.

On dit d’un méchant feu, qu’il n’y a que deux tisons qui se baisent.

On dit proverbialement, je vous baise les mains ; pour dire, je me recommande à vous, ou je vous remercie ; ou ironiquement, je ne veux rien croire de ce que vous dites. On dit aussi, faire baiser le babouin ; pour dire, obliger quelqu’un à se soumettre aux plus dures conditions. On dit aussi de celui qui a grande obligation à un autre, qu’il devroit baiser les pas par où il passe.

Baiser le verrouil, la serrure de l’huis, ou la porte du fief dominant. Termes de Coutume. C’est un signe de l’hommage que le vassal fait à son Seigneur féodal au manoir du fief dominant, en l’absence du Seigneur, au lieu de la bouche & des mains, que le Seigneur présente à son vassal, en recevant le serment de fidélité.

Baiser le cul de la vieille. Manière de parler usitée à Paris, au jeu de billard & autres ; pour dire, ne pas faire un seul point, perdre sans avoir pu gagner ni prendre un point. Dict. Com. au mot cul. Il y en a qui, pour parler plus poliment, disent, perdre bredouille. C’est un terme du jeu de trictrac, où celui qui gagne douze points de suite, marque deux trous au lieu d’un : ce qui s’appelle partie bredouille. Mais comme on peut perdre la partie bredouille, après avoir pris jusqu’à dix points, perdre bredouille ne signifie pas toujours perdre sans faire un seul point.

Baiser, se dit aussi en Géométrie de deux courbes, ou de deux branches de courbes, lorsqu’elles se touchent en tournant leurs concavités vers le même côté. Si les deux convexités se regardent, on dit simplement qu’elles se touchent. Encyc.

☞ On emploie plus particulièrement le terme de baiser, pour exprimer le contact de deux courbes qui ont la même courbure au point de contact. Le baisement s’appelle encore alors osculation.

Baiser, vient de basiare, basium, baiser.

☞ BAISÉ, ÉE. part.

☞ BAISEUR, EUSE. f. Celui ou celle qui aimer à baiser. C’est un grand baiseur. Basiator, osculans, osculabundus. C’est une baiseuse perpétuelle.

BAISOIR. s. m. Monnoie d’or, que les Archiducs Albert & Isabelle firent battre dans les Pays-Bas, & qui fut appelée baisoir, parce que les deux têtes y étoient, & qu’elles sembloient se baiser. Paperbrock, Act. Sanct. Maii, T. I. p. 65.

BAISOTTER. v. a. & fréquentatif. Donner des baisers réitérés & fréquens. Crebra dare basiola. Les nouveaux mariés ont accoutumé de se baisotter sans cesse. Cela est du style familier.

☞ BAISSAN. Petite ville d’Afrique, environ à seize milles de Tripoli, en Barbarie, dans un terroir très-fertile.

BAISSE. s. f. Baissement, déchet, diminution. ☞ Il se dit des espèces & des papiers royaux commerçables, qui tombent au-dessous du prix qu’ils avoient. Suivant la judicieuse expression de M. du Tot, le cours du change est le baromètre du commerce. Les hausses & les baisses dont il est susceptible, font voir l’état du négoce dans une nation aussi manifestement, que les variations du mercure montre l’état de l’atmosphère. Obs. sur les Ecrits mod. t. 22, p. 297.

BAISSER. v. a. Descendre quelque chose, & la mettre plus bas qu’elle n’étoit. Demittere. ☞ Ce mot se dit des choses qu’on veut placer plus bas, de celles dont on veut diminuer la hauteur, & de certains mouvemens du corps. Il faut baisser ce tableau pour le mettre à la portée de la vue. Baisser les voiles d’un navire. Baisser un bâtiment. Baisser les yeux. Baisser la tête.

☞ Les opposés de baisser, sont élever & exhausser. On baisse un toit trop élevé, & un mur trop exhaussé.

Baisser, est aussi d’usage dans le sens neutre, & se dit de ce qui devient plus foible, qui diminue, qui décroît. Deficere, decrescere. La rivière baisse et diminue à vue d’œil. La mer baisse quand elle est dans son reflux. Ce vin baisse, il a perdu de sa force.

☞ En termes de banque on dit que les actions, les effets commerçables baissent ; pour dire, qu’ils diminuent de valeur.

Baisser, n’est jamais employé dans le sens figuré à l’actif, soit qu’il soit joint au pronom réciproque, ou qu’il ait un autre cas. On se baisse en se courbant. La porte de sa chambre est si petite, qu’il faut se baisser pour y entrer. Il se baissoit souvent pour lui parler à l’oreille. Voyez Abaisser.

Baisser, dans le sens neutre, se dit figurément des choses incorporelles. L’esprit baisse avec l’âge. Sa faveur, son crédit baisse. Quand notre mérite baisse, notre goût baisse aussi. Roch. Je vois mes honneurs croître, & baisser mon crédit. Rac.

Baisser. Terme de Rivière, se dit en parlant du chemin qu’on fait en descendant le long de la rivière. Baisser depuis Roanne jusqu’à Orléans.

Baisser. Terme d’Agriculture. C’est courber en dos de chat les branches de la vignes qu’on a laissées après que la taille en a été faite ; pour cela on les attache à une perche liée en échalas. Curvare, arcuare. Cette sorte de travail se pratique dans l’Auxerrois & aux environs, où les vignes sont rangées plus proprement que dans nos autres vignobles. C’est aussi là que les vignerons disent, il est tant de baisser la vigne. Ma vigne est baissée. Ce mot exprime bien ce que l’on veut dire ; puisqu’en effet on baisse le serment de la vigne. Ailleurs, où on ne met aux vignes que des échalas sans perche en travers, on dit accoller, & non pas baisser ; quoique souvent aussi on courbe les branches autant qu’on le peut avec de simples échalas.

Baisser. Terme de Manége. Baisser la main à un cheval, c’est pousser son cheval à toute bride.

En termes de Marine on dit, baisser les voiles, lorsque le vent est trop fort, ou quand on aborde. Vela ponere, deponere, laxare, dimittere. Baisser le pavillon, quand un navire plus fort oblige un autre à le saluer. Baisser, suivre le fil de l’eau, obéir au reflux & aux courans.

☞ Dans le sens figuré, baisser la lance, baisser pavillon devant quelqu’un, c’est lui céder, lui déférer. Expression familière.

☞ On dit proverbialement, c’est un homme qui ne se hausse, ni se baisse ; pour dire, qu’il est toujours égal & qu’il ne s’émeut de rien. On dit de même baisser l’oreille, ou les oreilles ; pour dire, se décourager.

On dit aussi d’une chose qu’on croit aisée, qu’il n’y a qu’à se baisser & en prendre. On dit, qu’un homme donne tête baissée dans les ennemis, dans quelque affaire ; pour dire, qu’il y va hardiment avec résolution, sans examiner le péril. Irruere.

BAISSÉ, ÉE. part. Demissus, depressus. On blâmoit Lycurgue, ce grand Législateur, de ce qu’il marchoit la tête baissée. Mascur.

Nicot fait venir ce mot de βάσις, d’autres le tirent de βαθὺς, profond, creux.

BAISSIÈRE, BASSIÈRE. s. f. L’un & l’autre se dit ; mais bassière est plus doux & plus usité. Il signifie du vin qui est au bas. ☞ cette liqueur trouble & chargée qui couvre la lie, lorsque le tonneau tire à la fin. Vinum seculentum. On dit baissière de toute liqueur fermentée, vin, cidre, bierre. il faut écrire & prononcer baissière, & non pas bessière.

☞ BAISSOIRS. s. m. pl. C’est le nom qu’on donne dans les salines aux réservoirs ou magasins d’eau.

BAISURE. s. f. Endroit du pain qui est le moins cuit, & par où il en touche un autre qui est dans le four. A Paris on l’appelle biseau.

BAÏTOSITE. s. m. & f. Secte des Juifs, ainsi nommée de l’un de leurs Chefs, appelé Baïtons. Baïtosita. C’étoient les mêmes que les Sadducéens, dont les Chefs furent Sadoc & Baïtos.

☞ BAIVE. Faux dieu des Lapons idolâtres, qu’ils adorent comme sauteur de la lumière & de la chaleur. On dit communément que c’est le soleil ; d’autres croient que c’est le feu ; & quelques-uns rapportent qu’autrefois parmi ces peuples, le grand dieu Thor, étoit appelé Thermes, ou Ajike, quand ils l’invoquoient pour la conservation de leur vie, & pour être défendus contre les insultes des démons ; mais qu’il étoit Baive, lorsqu’ils lui demandoient de la lumière & de la chaleur. C’est pourquoi, disent ils, on lui sacrifioit sur une même table ou autel, & l’idole Thor servoit pour le dieu Baive. Encore à présent ces idolâtres n’ont aucune figure particulière de ce dieu, soit parce qu’il est visible de lui même, ou plutôt, parce que Thor & Baive ne sont qu’une divinité adorée sous deux rapports différens. Mor. qui cite Scheffer, Hist. de Laponie.

BAJULE. s. m. Nom d’un Officier de la Cour, dans l’Empire grec. Les bajules sont les précepteurs des Princes. Il y a le grand bajule, & les bajules : le grand bajule étoit comme le précepteur, & les bajules étoient comme les sous-précepteurs, Voyez Codinus, Boulenger, &c. On le trouve en ce sens dans le Scholiaste de Sophocle, dans Ballamon, Juris Græcor. p. 472, & dans Théophane, qui parle aussi de cet Antiochus, que Théodose fit son bajule. Un manuscrit de la bibliothèque du Roi écrit Βάγυλον, mais c’est la prononciation moderne des Grecs qui a causé cette erreur, car ils prononcent le Γ comme i ; il faut dire Βάουλος. Ce mot se trouve encore dans un Auteur anonyme des Annales de France, dans l’Hist. Miscelan, L. 23 ; dans la Chronique de Frédegaire, dans Aimoin, De Gest. Franc. Liv. IV, C. 38 ; & bajulatio, bajulationi committere, dans le même Auteur, Hist. L. V. C. 39. Le précepteur de l’Empereur s’appelle le grand bajule dans Cedinus, C. 11, n. 81.

Le premier Officier de cette espèce qui se trouve, est sous Théodose le jeune, qui, selon Cedrenus, établit un certain Antiochus Intendant, Patrice & son bajule, καὶ τὸν Βάουλον αὐτοῦ. Depuis, cet Officier eut le titre de grand bajule. C’est de-là que les Italiens appellent bajule du royaume, ce qu’en Angleterre on appelle protecteur, Ce n’est que dans les siècles postérieurs, à ce que croit Junius, que l’on a appelé bajules les gouverneurs, ou précepteurs de l’Empereur παιδοκόμους, comme celui qui avoit porté l’Empereur encore enfant entre ses bras, c’est-à-dire, qui avoit eu soin de son éducation.

L’Auteur de la vie de Louis le Débonnaire, dit que Charlemagne donna Arnoul pour bajule à ce Prince ; c’est-à-dire, pour Confeil, pour Ministre. Hincmar Ep. 2, C. 2, décrit au long les qualités que doivent avoir les bajules qu’on donne aux Princes ; ce qui fait voir que de Grèce ce mot est passé en France. Dadin de Hauteserre, a la fin de son Liv. De Ducib. & Comitib. Provincialib, C. 33, prétend que ce mot s’est dit aussi des précepteurs des enfans des particuliers, parce que Balsamon, Liv. VII. Médit. dans Leunclavius, du en général que l’on appelle les précepteurs des enfans, bajules. Voyez les notes du même Auteur sur Grég. de Tours, p. 208, & 390. Grégoire, dans les Vies des Peres, C. 6, parle des bajules de S. Gal qui n’étoit pas fils de Roi, quoiqu’il fût de grande noblesse.

En Italie en a donné le nom de bajule à plusieurs Officiers différens, comme celui de bailli en France : c’est ce qui fait que quelques Auteurs croient que c’est de bajulus que s’est fait notre mot bailli. Les Vénitiens ont eu un bajule auprès des Empereurs Grecs. Voyez Codinus Curopalates dans les Offices de la cour de Const. Flodoard, dans l’Hist. de l’Eglise de Reims, Liv. III, chap. 23. Spelman, dans son Gloss Archœl. Glossaire de Credenus, celui qu’a imprimé R. Medon, & celui de M. Du Cange.

Bajule. Terme de Liturgie, ou de Rubrique & de Cérémonies Ecclésiastiques. C’est ainsi qu’on a nommé ceux qui dans les processions portent les croix.5 & les chandeliers. Pierre Diacre les nomme en latin bajuli cereostatarii, stauroferi &c. En François on dit Porte-croix, porte-chandeliers, ou simplement, la croix, les chandeliers. Comme on dit, cornette, trompette & tambour, pour ceux qui portent la cornette, qui sonnent de la trompette, ou qui battent du tambour.

On trouve aussi des bajules d’Abbés & des bajules d’Evêques. C’étoient des Officiers domestiques des uns & des autres.

Bajule, a encore été le nom d’un Office conventuel dans les Monastères. C’étoit celui qui recevoit & distribuoit les legs & l’argent qui se donnoit pour le service divin & les obits. C’est pour cela qu’on les appeloit bajuli obituum novorum.

Bajules Capitulaires, Bajuli Capitulares, dans l’Ordre des Hospitaliers, ou de S. Jean de Jérusalem, aujourd’hui de Malte, sont ce que nous appelons baillis capitulaires, & les bajules conventuels sont les baillis conventuels. Voyez Bailli.

Dans les lois de Naples les bajuli dominorum sont ceux à qui les Maîtres ont donné charge, ou commission d’exécuter quelque chose ; & ils répondent aux Juges que nous appelons Baillis. Les bajules des Gabelles, bajuli Gabellati, sont les Officiers qui levent les Gabelles.

Bajule, dans Marcell. Liv. 24, s’est dit encore de ceux qui portent les morts en terre, Νεκροφόροι, Vespillones. Voyez la note de M. de Valois.

☞ BAIZE, ou BEZE. Gros bourg de France en Champagne, avec une Abbaye de Bénédictins unie à l’évêché de Dijon, à une lieue de Lux, & à cinq de Dijon.

Baize, ou Beze, Rivière qui prend sa source près du bourg de même nom, passe à Noiron, Mirebeau, Bezonotte, Charmes, Drambon, reçoit l’Albane, & se jette dans la Sône, au-dessus d’Auxonne.

BAK
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BAKAN. s. m. Grande & belle ville d’Asie dans les Indes, au royaume & sur la rivière d’Ava. Cette ville a 112°, 51′, 33″. de longitude, 21°, 0′, 0″. de latitude. P. Du Chatz.

☞ BAKAR. Voyez Bacar.

☞ BAKHZAR. Ville d’Asie, dans le Koraan. Ce mot en langage persien signifie l’Orient.

☞ BAKU, BAKUYE, BACU, BACHU, ou BACHIE. Ville de Perse, dans la province de Schirwan, près de Scamachie, avec un très-beau port. Cette ville a fait donner à la mer Caspienne le nom de mer de Bahu.

BAL

BAL. s. m. Assemblée de jeunes gens de l’un & de l’autre sexe pour danser. Chorearum celebritas, celebres choræ. Ballatio se trouve dans quelques Auteurs Ecclésiastiques. Il y aura chez un tel bal, ballet & comédie. La fiancée est la reine du bal. Ces Messieurs ont couru le bal toute la nuit, & ils ont été à sept ou huit bals différens. Selon S. Chsysostôme, il n’y a point de plus dangereux ennemis que ces divertissemens nocturnes, ces bals & ces danses pernicieuses. S. François de Sales, dans l’Introduction à la vie dévote, ch.33, blâme aussi bien fortement les bals ; il avoue que les bals & les danses sont choses indifférentes de leur nature ; mais il soutient que de la manière dont cet exercice se fait ordinairement, il est plein de danger & de péril. Bussy Rab. dit à-peu-près la même chose.

On appelle la Reine du bal, celle à qui on donne le bal, & qui en fait les honneurs. On appelle aussi le Roi du bal, celui qui en fait les honneurs, & qui danse le premier.

Desmarêts a dit figurément & poëtiquement de la nuit, qu’elle conduisoit dans le ciel le grand bal des étoiles..

Nicot dérive ce mot du grec βαλλίζω, qui signifie tripudio, je danse : d’autres le font venir de βάλλω, & même de Baal, nom d’une idole qu’on honoroit en chantant & en dansant. Selon le P. Pezron ball est un mot celtique d’où vient bal, ballet, & même le grec βαλλίζω, danser.

BALACRE. s. m. Les Balacres étoient des soldats qui faisoient un corps de troupes dans l’armée macédonienne, ainsi nommés du nom de Balacer fils de Nicanor, & Gouverneur de Pisidie, qui les commandoit. Freinshemius croit que c’étoient des Phrygiens,

☞ BALAD, ou BELED. Beledum. Petite Ville de Turquie, en Asie, dans le Diarbeck, sur le bord occidental du Tigre.

BALADE. Voyez Ballade.

☞ BALADIN. Voyez BALLADIN.

☞ BALADOIRE. Voyez Balladoire.

BALAFRE. s. f. Estrafilade, taillade sur le visage, soit à coups d’épée, soit par quelque autre instrument tranchant. ☞ On le dit plus communément de la cicatrice qui reste quand la blessure est guérie. Cicacrix luculenta. Sa balafre lui donnoit un air guerrier, qui relevoit sa bonne mine. S. Evr.

Balafre, se dit aussi d’une découpure longue de deux travers de doigt, qu’on faisoit autrefois sur des pourpoints de satin. Incisura longior. On le dit encore des accrocs qui se font par accident sur les habits. Il est familier.

BALAFRER. v. a. Faire des balafres sur le visage de quelqu’un. Luculentis plagis aliquem deformare.

BALAFRÉ, ÉE. part. & adj. Luculentis cicatricibus deformatus. On a appelé Henri I Duc de Guise, le Balafré. Ce Prince est enterré avec son épouse sous un magnifique Mausolée dans l’Eglise des Jésuites de la ville d’Eu ; & Dom Duplessis remarque à ce sujet, que si le sculpteur avoit employé pour le Prince le bloc de marbre dont il s’est servi pour la Princesse, la nature & l’art auroient également concouru à faire de cette belle pièce une des rareté de l’Univers. Sur ce marbre, dit-il, qui est d’ailleurs d’une blancheur merveilleuse, il s’est trouvé une tache noire qui défigure un peu le visage de la Princesse, & qui eût représenté parfaitement la balafre du Prince. Descrip. Géogr. & Hist. de la Haute-Norm. T. I, p. 74.

☞ BALAGANSKOY. Ville de l’Empire de Russie, au pays des Burates, sur la rivière d’Angar.

☞ BALAGNE. Balagnia. Petit pays de l’île de Corse, dans sa partie occidentale, encre la rivière d’Ostricone & la ville de Calvi.

☞ BALAGATE, BALLAGATE, BALEGATE & BALAGNATE, autrefois royaume particulier de la presqu’Île d’en-deçà le Gange, ensuite province du royaume de Visapour, & maintenant province du Mogol. Elle est très-riche.

☞ Il y a une chaîne de montagnes de même nom.

☞ BALAGUER. Bellegarium & Valagaria. Ville d’Espagne, en Catalogne, au pied d’une colline, avec un château, sur la Segre, à trois lieues de Lerida, prise par le Comte d’Harcourt en 1645, sur les Espagnols qui furent défaits dans son voisinage.

BALAI. s. m. Instrument qui sert à amasser & à ôter les ordures, à tenir les maisons nettes & propres. Scopæ. On fait des balais de menues branches de bouleau liées ensemble au bout d’un bâton. On en fait aussi de genêt, de jonc, & de plumes pour nettoyer les tableaux & les meubles. Les artisans se servent de balais qu’ils appellent escouvette.

Ménage dérive ce mot de valletus, diminutif de vallus, à cause que les balais sont emmanchés au bout d’un bâton. D’autres avec plus d’apparence le dérivent de betula, bouleau. Du Cange le dérive de baleis, qui a signifié la même chose dans la basse Latinité, & qu’on trouve dans Matthieu Paris. Il ajoute qu’on a dit aussi balaium. Les Bas-Bretons disent balaën dans le même sens ; ce qui fait croire que c’est un vieux mot celtique.

Balai du ciel. C’est le nom que les matelots donnent sur l’Océan au vent du nord-ouest ; parce qu’il balaye, pour ainsi dire, le ciel, & le nettoie de nuages.

Balai, en termes de Fauconnerie, se dit de la queue des oiseaux ; & en Vénerie, du bout de la queue des chiens.

On dit proverbialement, hasard sur les balais, quand on surfait une marchandise de vil prix. On dit, qu’un valet fait le balai neuf, quand il sert bien les premiers jours qu’il est dans une maison. On dit aussi, c’est un balai neuf qu’on jettera bientôt derrière la porte ; pour dire, en parlant de quelqu’un qui entre au service des Grands, que tout lui rit d’abord, mais qu’on ne tardera guère à le mépriser. On dit qu’on donnera du manche du balai, à ceux à qui on veut défendre l’entrée d’un logis. Le peuple croit que les sorciers vont au sabat sur un manche de balai. On dit aussi, rôtir le balai, quand on ne profite point en quelque métier, en quelque profession. ☞ Il signifie plus ordinairement avoir été long-temps dans certains emplois. Il a long-temps rôti le balai. On s’en sert encore, pour dire, mener une vie peu aisée, obscure, ou qui tient du libertinage. Nous avons long-temps rôti le balai ensemble. Cette femme a long-temps rôti le balai. Du Barras a dit figurément & poëtiquement des vents, qu’ils étoient doux éventaux de l’air, frais balais de la terre. Mauvais style, figures peu naturelles.

Balai, en Chirurgie, brosses ou vergettes de l’estomac. Instrument composé d’un petit faisceau de foies de cochon, les plus molles & les plus souples, attachées à une tige de fil de fer ou de laiton flexible, pour balayer l’estomac, & provoquer le vomissement.

BALAI, ou BALAIS. adj. m. Qualité d’un rubis excellent mêlé de rouge & d’orangé. Carbunculus pretiosior. Ce mot vient de Balassia. Voyez Balassie, où se trouvent ces rubis balais, à ce que dit Ramusio ; dont parlent aussi Aiéton, & Paul Vénitien. Ne viendroit-il point plutôt de balascius, dont se sert Mattiotti dans la vie de sainte Françoise. Sur quoi les Bollandistes remarquent, Mart. T. II, p. 112, que les Académiciens de la Crusca définissent le balascio une pierre précieuse très-brillante, di color bruschono, sans expliquer nulle part ce que c’est que color bruschino. Les Bollandistes conjectures que ce mot pourroit venir de brusco, qui cependant signifie quelque chose de triste, d’austère, de désagréable ; ce qui ne paroît pas convenir à une pierre si brillante. Ils ajoutent que balascio est peut-être un mot lombard, qui signifieroit un cendré jaunâtre, que les Allemands appeloient Valasche. Quoiqu’il en soit, balascius est une pierre différente du rubis dans Mattiotti ; mais cela n’empêche point que l’éclat de cette pierre n’ait pû faire employer ce mot pour signifier ce qu’il y avoit de plus beau dans une autre espèce de pierre précieuse.

On le dit figurément des boutons rouges qui viennent sur le visage des yvrognes. Regnier a dit du nez de son pédant,

Où maints rubis balais tout rougissans de vin
montroient un hac itur à la Pomme de pin.

☞ BALAMBUAN, PALAMBUAN, PALIMBAN, & PALEMBAN. Contrée dans la partie orientale de l’Île de Gava, & qui a pour capitale une ville de même nom. Il y a aussi dans l’Île de Gava un détroit & une rivière qui portent le même nom.

BALANCE. s. f. Instrument qui sert à connoître l’égalité, ou la différence de pesanteur des corps graves. Trutina. Ce mot est fait du latin bilanx. Il y a deux sortes de balances. L’ancienne ou la Romaine est composée d’un levier ou fléeau mobile sur un centre suspendu vers une de ses extrémités. On attache du côté gauche les corps graves, & leur pesanteur se mesure par les points marqués sur le fléau, à l’endroit où s’arrête en équilibre un poids mobile qu’on fait courir sur la branche ou le long du plus grand côté vers la droite. Cette balance est encore en usage dans les boucheries, & autres lieux où il faut peser de grands fardeaux, ou qui sont en grand volume. On l’appelle autrement peson. Statera.

La seconde sorte se fait est un fléau suspendu également par le milieu, aux extrémités duquel il y a des plats ou bassins attachés avec des cordes. Libra. Les parties de cette balance sont les deux bassins, lances ; le fléau, Scapus ; la languette, Examen ; l’ance, Ensa ; & la chasse, au haut de laquelle il y a un anneau pour la suspendre. On appelle les cornes du fléau de la balance, ses deux extrémités. Capita. Paul Petau a donné la figure des balances anciennes dans son livre des Meubles antiques.

☞ La balance ordinaire est un levier de la première espèce. (Voyez Levier.) La puissance est représentée par le poids du métal que l’on met dans un des bassins ; le poids, par la marchandise que l’on met dans l’autre ; & le point d’appui, par cette espèce de clou autour duquel se meut le fléau de la balance. Comme cette machine ne doit servir qu’à mettre en équilibre deux quantités égales de matière, le fléau doit être partagé en deux parties égales : les deux bras doivent être parfaitement égaux ; les cordes qui servent à les suspendre, ne doivent pas être plus pesantes les unes que les autres : en un mot la balance vide doit être, lorsqu’elle est suspendue, dans un parfait équilibre.

☞ La romaine est encore un levier de la première espèce. La puissance est représentée par le poids mobile que l’on peut avancer ou réculer à volonté : le poids, par la marchandise que l’on attache au crochet ; & le point d’appui, par cette espèce de clou autour duquel la romaine se meut. Cette machine composée de deux bras inégaux sert à mettre en équilibre deux quantités inégales de matière. En effet si le poids mobile pese 10 livres, & que vous le placiez à 10 pouces du point d’appui, il sera en équilibre avec un quintal de marchandises, que vous attacherez à un crochet éloigné du point d’appui d’un pouce seulement ; parce que la force d’un corps se connoît en multipliant sa masse par sa vitesse. Le poids mobile a 10 de masse & 10 de vîtesse. Il a donc 100 de force. Le quintal de marchandise a 10 de masse & 1 de vîtesse. Il a donc 100 de force : & par conséquent ces deux poids doivent être en équilibre.

Roberval, Professeur royal des Mathématiques à Paris, a donné une nouvelle manière de balance très-différente des autres, dont on voit la description dans le Journal des Savans 1669, 10 Février. Dans le même Journal en 1676, pag. 263, M. de Cassini donna l’idée d’une balance arithmétique, dont l’usage est de connoître le poids & le prix des marchandises, & de faire les règles de multiplication, de division, & la règle de trois en tout nombre donné.

Les balances fines, qu’on appelle autrement trébuchets, sont de petites balances avec lesquelles on pese l’or, & qui servent aux Essayeurs. Nummaria trutina. Elles sont si justes, qu’on en a vu trébucher pour la 4096e partie d’un grain : Boizard dit seulement pour la 1000e partie d’un grain. Ces sortes de balances sont suspendues dans une grande lanterne afin que l’air ne les agite pas, & que les pesées puissent être plus justes. Boizard.

Les balances sourdes sont des balances dont on se sert dans les monnoies, qui ont les deux bouts de leur fléau plus bas que leur clou, & leur chapse, ou chasse, qui est soutenue en l’air par le moyen d’une guindole, que les ouvriers appellent guignole.

On dit que le poids emporte la balance, pour dire, qu’il est plus pesant que la chose qu’on pese contre. Acad. Fr.

Ce mot a été dit de bis lancia, pour bis lanx. Ménage, après Pasquier. Etienne Guichart va plus loin, & fait venir bilanx de l’hébreu פלס, palas, qui signifie librare, ponderare, dirigere, c’est-à-dire, Peser, rendre droit. Il n’y a point d’apparence à cette étymologie. פלס signifie une manière de peser différente de la balance, qui s’appelle en hébreu מאזנים moznaim. Bis & lanx, bilanx, à cause des deux plats de la balance, est une étymologie trop naturelle & trop évidente pour en chercher une autre. On trouve plusieurs belles démonstrations touchant les balances chez Guy Ubalde, Galilée, Simon Stevin, Jean Butéon, Casimir Polonois, & autres.

Balance, en termes de Négoce, se dit de la clôture de l’inventaire d’un Marchand, où il met à gauche en debet la somme de ce qu’il a de fonds en argent, marchandises, dettes actives, meubles & immeubles ; & à la droite il met avoir, qui sont ses dettes passives, & l’argent qu’il doit payer : & quand on a déduit ce qu’il doit d’un côté, de ce qu’il a de bien d’un autre, on voit, tout étant compensé & balancé, ce qui lui reste de clair & de net, ou ce qu’il a perdu ou gagné.

Balance, chez les teneurs de livres a parties doubles, signifie l’état final, ou la solde d’un grand livre, ou livre de raison, ou d’un compte particulier.

Balance, signifie encore la déclaration que font les maîtres des vaisseaux des effets & marchandises dont ils sont chargés. Ce terme est en usage parmi les Marchands qui trafiquent en Hollande par les rivières du Rhin & de la Meuse. Encyc.

Balance, se dit figurément des raisonnemens contraires qui agissent sur notre esprit, & qui le font pencher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Tibère a tenu la balance égale entre son fils & Germanicus. Abi. La plus ardente des affections humaines n’a pu emporter la balance en faveur du légataire. Patru. On peint la Justice avec une balance à la main, pour figurer qu’un Juge doit peser & mettre en balance les raisons de l’une & de l’autre des parties. Quand il s’agit de choisir entre la vertu & le vice, il ne faut point être en balance pour prendre parti. Il n’est plus question d’entrer dans le détail, ni de peser à la fausse balance des subtilités humaines toutes les expressions des Peres. Peliss.

☞ Mettre dans le balance, examiner en comparant. Mettre dans la balance les actions de deux grands hommes, c’est en faire le parallèle. Faire pencher la balance, faire qu’une personne, qu’une chose, qu’une considération l’emporte sur l’autre : tenir l’esprit en balance, le tenir en suspens, irrésolu, en équilibre.

On dit aussi pendant un combat opiniâtre entre deux armées, que la victoire est en balance, en suspens, qu’elle ne sait pour quel parti se déclarer.

Balance, est aussi un des signes du Zodiaque où le soleil entre au mois de Septembre. Libra. ☞ On l’appelle balance, parce que les jours & les nuits sont d’égale longueur, sont comme dans une espèce d’équilibre, lorsque le soleil entre dans ce signe. Les Poëtes disent que c’est la balance d’Astrée, Déesse de la Justice, qui se retira au ciel pendant le siècle de fer. Quand le soleil arrive au premier degré de la balance, nous avons l’équinoxe d’automne ; ce qui arrive le 23 de Septembre. M. Harris dit le 12, parce qu’étant Anglois, il fait ses calculs suivant le vieux style, & non pas suivant la réformation grégorienne, par laquelle on retrancha dix jours dans ce temps-là, & un onzième, qu’il a fallu retrancher au commencement de ce siècle ; ensorte que le 12 Septembre du vieux style répond au 23 Septembre du nouveau.

La balance est le symbole de la Justice : avec ce mot, omnibus æquè, c’est la devise d’un homme juste. Au contraire avec ce mot italien, Pende onde prende, ou bien, Piega onde piu receve ; c’est la devise d’un homme injuste. Le Cardinal Diomède Carafe d’Ariano avoit pour devise une balance, avec ce mot qui ne convient point au corps, moderata durant.

Sur les médailles romaines l’Equité et la Monnoie tiennent en main une balance semblable aux nôtres.

BALANCÉ. s. m. Terme de danse. Nom d’un pas. Passus libratus. Le balancé est un pas qui se fait en place, comme le pirouetté, c’est-à-dire, sans avancer ni reculer, mais restant en la même place. Il se fait ordinairement en présence, quoiqu’il se puisse faire aussi en tournant ; mais comme ce n’est que le corps qui tourne, & que cela ne change aucun mouvement, il suffit de décrire la manière de le faire en présence. Il est composé de deux demi-coupés, dont l’un se fait en avant & l’autre en arrière. En commençant vous pliez à la première position, & vous le portez à la quatrième, en vous élevant sur la pointe ; puis vous posez le talon à terre, & la jambe qui est en l’air, s’étant approchée de celle qui est devant, & sur laquelle vous vous êtes élevé étant en l’air, vous pliez sur celle qui a fait ce premier pas, & l’autre étant pliée, se porte en arrière à la quatrième position, & vous vous élevez dessus, ce qui finit ce pas ; mais en faisant ce pas au premier demi-coupé, l’épaule s’efface, & la tête fait un petit mouvement. Rameau. Le balancé est un pas fort gracieux, & se place dans toutes sortes d’airs, quoique les deux pas dont il est composé, soient relevée également l’un & l’autre. Il est fort usité dans les menuets figurés & menuets ordinaires, de même qu’au passe-pied ; il se fait à la place d’un pas de menuet, & occupe la même valeur ; c’est pourquoi il doit être plus lent, puisque ces deux pas se font dans l’étendue de quatre pas que contient le pas de menuet. Id.

BALANCEMENT. s. m. Action du poids qui balance également de deux côtés jusqu’à ce qu’il soit en arrêt, ou en équilibre, mouvement par lequel un corps penche tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Libratio. Un pendule agité fait un long balancement, jusqu’à ce qu’il soit en un plein repos. Le flux & le reflux de la mer vient, selon quelques Physiciens, du balancement que le globe de la terre a sur son axe. Bouh.

Balancement, ou Pas balancé. Libratio corporis in alterum pedem. Voyez Balancé.

☞ BALANCER. v. a. Tenir en équilibre. Librare. Un danseur de corde balance son corps pour ne pas tomber.

Se balancer. Se pencher tantôt d’un côté tantôt d’un autre. Cet homme se balance en marchant.

On le dit en ce sens de deux personnes, qui étant sur les deux bouts d’une planche mise en équilibre, se font hausser & baisser alternativement. Librare sese. Les enfans se balancent par divertissement.

☞ En Fauconnerie, se balancer se dit d’un oiseau de proie qui reste toujours à la même place, qui se tient suspendu en l’air, sans presque remuer les ailes, en observant sa proie. Radit iter liquidum, celebres neque commovet alas.

Balancer, est aussi neutre, & signifie pencher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Quelques Physiciens prétendent que la terre balance sur son centre.

☞ En termes de chasse, on le dit des chiens qui poursuivent la bête, quand ils ne tiennent pas une route certaine, & quand ils se jettent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre.

Une part de mes chiens se sépare de l’autre,
Et je les vois, Marquis, comme tu peux penser,
Chasser tout avec crainte, & finaut balancer.

☞ On le dit aussi de la bête, qui, chassée des chiens courans, vacille en fuyant. Le chevreuil balance.

☞ Dans les manufactures de soie, on dit qu’une lisse balance, quand elle se leve ou se baisse plus d’un côté que d’un autre.

On le dit encore des mouvemens qui font aller & venir une chose d’un côté à l’autre, ce que l’on appelle quelquefois bercer, & quelquefois balancer ; mais il ne faut pas employer indifféremment ces deux verbes dans les mêmes occasions ; outre que balancer est toujours bon, & bercer n’est guère que du style familier en ce sens. Librare se. La terre balance, ou se balance sur son axe. On assure qu’une montagne dans la Chine s’ébranle quand le ciel menace de quelque orage, & se balance à droite & à gauche comme un arbre que le vent agite. P. Le Comte.

Balancer, dans le sens figuré, se dit activement & neutralement. Dans la première acception, c’est examiner avec attention dans une chose les raisons qu’il y a pour & contre. Pensare, pendere aliquid suo pondere. Balancer les raisons des parties. Il se mit à balancer en lui-même, tantôt son avis, & tantôt celui de ses capitaines. Vaug. Les Juges étoient partagés, & l’affaire fut long-temps balancée.

Balancer, marque encore une espèce de comparaison d’une chose avec une autre, sans que l’une puisse l’emporter sur l’autre. Æquare, æquiparare, pensare. La joie que l’on a de l’élévation de son ami, est balancée par la peine qu’on a de le voir au-dessus de soi.

Les bienfaits dans un cœur balancent-ils l’amour ?

Rac.


L’homme a, comme la mer, ses flots & ses caprices.
Mais ses moindres vertus balancent tous ses vices.

Boil.

Balancer, en termes de peinture. C’est mettre une sorte d’équilibre dans les groupes, de façon qu’il n’y ait pas un côté du tableau plein de figures, tandis que l’autre est vide. Acad. Fr. On dit qu’une figure est balancée, lorsque les membres sont disposés avec équilibre, relativement au centre de gravité. Balancer les membres d’une figure, les faire contraster. Les mouvemens ne sont jamais naturels, si les membres ne sont également balancés sur leur centre dans une égalité de poinds ; ce qui ne peut arriver, s’ils ne contrastent les uns avec les autres.

Balancer. v. n. Dans le sens figuré signifie, être en suspens, irrésolu, incliner tantôt d’un côté, tantôt d’un autre. Fluctuare, hærere, hæsitare, suspenso esse animo, animi pendere. Il balançoit entre l’honneur du monde & la crainte de M. le Prince. Rochef. Il y avoit long-temps qu’il balançoit s’il se marieroit ou non. On dit aussi que la victoire a long-temps balancé entre les deux partis. Marc anceps, dubius.

Ce n’est pas que mon cœur vainement suspendu
Balance pour t’offrir un encens qui t’est dû. Boil

BALANCÉ, ÉE. part.

☞ BALANCIER. s. m. On appelle généralement ainsi, en Mécanique, toute partie d’une machine qui a un mouvement d’oscillation, & qui sert ou à ralentir, ou à régler le mouvement des autres parties. Libramentum.

Balancier en Horlogerie. C’est un cercle d’acier ou de laiton qui se meut sur un pivot ; qui a deux palettes au bas de son pivot, qui moderent ou arrêtent l’effort ou le mouvement d’un ressort, qui sans cela se lâcheroit tout d’un coup. Libramentum. Selon qu’une horloge avance ou retarde, il faut charger ou alléger le balancier. Il y a aussi des balanciers de tournebroches qui servent à les gouverner.

Balancier, chez les ouvriers en monnoie, est une presse ou machine qui sert à marquer la monnoie, composée d’une vis qui se meut par un fléau de fer fort chargé de plomb par les deux bouts, & qui est tiré avec des cordes par plusieurs hommes. L’invention de ce balancier a été d’abord proposée en France par Nicolas Briot, tailleur général des monnoies. Par le moyen de cette machine un seul homme fait plus d’ouvrage en un jour, que vingt autres avec le marteau. On appelle le balancier du Roi le lieu où est la presse qui sert aux empreintes des médailles & des jetons. Les carrés à monnoyer, vulgairement appelés coins, sont attachés à ce balancier dans une boîte carrée, garnie de vis & d’écroues, pour le serrer & le tenir en état, & l’autre en dessus dans une pareille boîte aussi garnie de vis & d’écroues pour tenir le carré à monnoyer. On pose le flan sur le quarré d’effigie : on tourne à l’instant la barre du balancier, qui fait tourner la vis qui y est enclavée ; la vis entre dans l’écroue qui est au corps du balancier ; & la barre fait ainsi tourner la vis avec tant de force, que poussant l’autre carré sur celui de l’effigie, le flan violemment pressé des deux carrés, en reçoit les empreintes d’un seul coup en un moment. Boizard.

Balancier, est aussi la poignée de fer qui tient la balance suspendue par le milieu.

Balancier, se dit aussi du lieu où sont les établis, les presses & balanciers pour les médailles & jetons, dans lequel exclusivement à tous autres, ils doivent être fabriqués & frappés. C’est ce qu’on appelle autrement, la monnoie des médailles, qui fut établie sous Louis XIII, dans les galeries du Louvre.

Balancier de compas, est un cercle de laiton qui tient en équilibre l’affût du dedans de la boussole.

Balancier de lampe, est un cercle de fer mobile, qui dans un vaisseau soutient la lampe de l’habitacle en équilibre.

Balancier, signifie aussi l’ouvrier qui fait & vend les balances, les poids, & généralement les choses dont on se sert pour peser toutes sortes de marchandises. Librarum faber, opifex. Il est sujet à la juridiction des monnoies.

BALANCINES. s. f. pl. Libratorii funes, rudentes. Terme de Marine. Ce sont les cordes qui descendent des barres de hune & des chouquets, qui forment deux branches sur chaque bout d’une vergue pour la balancer & la tenir en assiette, ou pour la tenir haute & basse. On les appelle aussi valancines. Balancines de la grande vergue, balancines de civadière, balancines de grand hunier. Les balancines des huniers servent d’écoutes aux perroquets. Balancines de chaloupe. La vergue d’artimon n’a pas de balancines.

Balancine de chaloupe, est la manœuvre ou corde qui sert à soutenir le gui.

☞ BALANÇOIRE. s. f. Pièce de bois mise en équilibre sur quelque chose d’élevé, sur laquelle on se balance par les deux bouts.

BALANÇONS. s. m. pl. Sorte de bois de sapin débités en petit, dont on fait grand commerce en Languedoc.

BALANDRAN, ou BALANDRAS. s. m. Espèce de casaque dont on se servoit autrefois. C’est un manteau de campagne, qui est doublé depuis les épaules jusque sur le devant. On passe ses bras entre les deux étoffes par une ouverture qu’on y fait exprès. Ils sont par ce moyen à couvert des injures de l’air. Gausape, gausapina chlamys, penula.

Vous avez beau mettre en gage
La cappe & le balandran. Lettr. aux Holl.

Saint Amant a dit figurément,

O nuit ! couvre tes feux de ton noir balandran.

C’est un habit fort ancien, puisque dès l’an 1226, dans la règle de saint Benoît, il est défendu aux Religieux de porter des habits de laïques, comme des balandrans & des sur-touts, qui sont appelés balandrana, & supertoti.

BALANDRE. s. m. Terme de Marine. Sorte de vaisseau ou de bâtiment de mer. Une balandre hollandoise chargée d’épiceries. Gazet, 1721, pag. 721. Ce mot ne se trouve dans aucun de nos Dictionnaires de Marine.

☞ BALANGIAR. Ville capitale du pays de Khozar, habité par une race de Tartares, appelés Khozares, ou Kozaréens, au-dessus de la mer Caspienne.

☞ BALANITES. s. f. Espèce de pierre précieuse, qui représente un gland, balanus, d’où lui vient son nom. Elle est tantôt verte, tantôt acivreuse, avec une veine couleur de feu dans le milieu.

BALANT. s. m. Terme de Marine. C’est la partie d’une manœuvre qui n’est point hallée. Le balant d’une manœuvre se dit encore de la manœuvre même lorsqu’elle n’est pas employée. Tenir le balant d’une manœuvre, c’est l’amarrer ensorte qu’elle ne soit point lâche, ou qu’elle ne balance point.

BALANUS. s. m. Terme d’Anatomie ; on l’appelle autrement gland, de la signification propre du mot βάλανος ; c’est l’extrémité de la verge, ou la tête du membre viril. Balanus. Dionis.

BALAOU. s. m. Petit poisson fort commun à la Martinique. Il est long comme une sardine : il a à la machoire inférieure un bec d’un cartilage assez fort, menu & pointu comme une aiguille, & long comme le doigt. Sa chair est délicate & de bon goût. P. Du Tertre.

☞ BALARA. Ville située sur la mer des Indes, entre les embouchures de l’Inde & de l’Euphrate. Elle est très-commerçante.

BALARES. C’est le nom que prirent, ou que reçurent ceux qui composoient les colonies qui partirent de Carthage, qui s’emparerent des montagnes de Sardaigne. Balarus. Pausanias dit que balare chez les Cyréniens signifioit un exilé, un étranger, un homme venu d’un autre pays. Bochart croit que les Balares, les Corses & les Iliens, sont la même chise ; qu’ils furent appelés Iliens du mot Punique עלאי, Ilae, haut montagnard ; Corses, de חורשי, Hhorasche, habitans des forêts, & Balares, de ברירים, Baririm, c’est-à-dire, sauvages, en changeant, comme il est souvent arrivé, le premier r en l ; ברארי, barari, en arabe, signifie, désert, solitude. Tite-Live, Pline, Strabon, ont parlé des Balares, & ces Auteurs les distinguent manifestement des Corses.

BALARUC. Bourg de Languedoc, en France. Balarucum. Il est entre Montpellier & Toulouse. Balaruc est célèbre par des eaux minérales, auxquelles il a donné son nom, quoiqu’elles ne soient pas dans le bourg même de Balaruc, mais à un quart de lieue de là, dans une plaine qui s’étend le long de l’étang de Thau. Il y avoit de vieux bains encore un peu plus loin, du côté du levant, & plus près d’une colline, d’où il est probable que ces eaux viennent. On transporte les eaux de Balaruc jusqu’à Paris. Il y a trois bains à Balaruc. Le vieux bain, le nouveau bain, qui est la source même, & le bain des pauvres, qui est un écoulement du nouveau bain. Les expériences que l’on a faites, montrent que le sel des eaux de Balaruc tient beaucoup du sel marin. Il participe néanmoins plus des parties alkalines & d’un esprit sulfureux qui en adoucit les pointes. Aquæ Balarucenses. Les eaux de Balaruc purgent beaucoup par les selles, sont bonnes contre la paralysie, les rhumatismes & toutes les maladies où il s’agit d’ouvrir les pores, & de provoquer les sueurs. M. Régis a fait des expériences sur les eaux de Balaruc, qui se trouvent dans l’Histoire de l’Académie des Sciences, 1699, p. 55 & 56.

☞ BALASAGUN, ou BALASGUN. Ville & contrée d’Asie, dans le Turquestan, au-delà du fleuve Sihun.

BALASSE. s. f. Sorte de couette de lit à l’usage des pauvres, formée de balle d’avoine enveloppée dans de la toile.

☞ BALASSIE. Balascia. Grande province entourée de montagnes, dont les Rois prétendent être descendus d’Alexandre le Grand. On y trouve des pierre précieuses nommées balaie, en latin balasci, du nom du pays. Il est défendu sous peine de la vie, de creuser la terre pour les chercher, & de les emporter du pays sans la permission du Roi. On en tire aussi du lapis lazuli, dont on fait le meilleur azur. Marco Paolo, Compte de Balai, où il dit qu’Alexandre épousa la fille de Darius, qui conséquemment est l’ancienne Suse, deux journées de chemin jusqu’à la forteresse de Taicam ; de l) trois autres jours jusqu’à la province de Balascia. Ce qui fait en tout huit jours de chemin, depuis Taicam ou Suse, jusqu’au pays dont il est question. Ce qui fait à peu près 240 milles d’Italie. La Martinière, sur les notes duquel on réforme cet article où l’on mettoit au mot balai ce pays 2400 milles plus à l’Orient qu’il ne peut être, selon M. Paolo, soupçonne que ce royaume de Balassie, n’est pas distingué du Candahar. La situation entre un cercle de hautes montagnes convient assez à l’un & à l’autre.

BALASSOR. s. m. Etoffe faite d’écorce d’arbre, que les Anglois apportent des Indes Orientales.

BALAST. s. m. C’est un amas de cailloux & de sable que l’on met à fond de cale, afin que le vaisseau entrant dans l’eau par ce poids, demeure en assiette. C’est ce qu’on appelle autrement, lest, ou pointillage.

BALASTRI. s. m. On nomme ainsi à Smyrne les plus beaux draps d’or qui se fabriquent à Venise, & que les vaisseaux Vénitiens portent dans les Echelles du levant.

BALATAS. s. m. Grand arbre de l’Amérique qui sert à la charpente & autres gros ouvrages. Son écorce est mince & peu adhérente, & la feuille en est petite, forte & raboteuse. C’est un bois sec, rougeâtre, qui a ses fibres longues, pressées & le grain gros. Il s’équarrit plus facilement qu’il ne se scie. Les grands portent jusqu’à trois pieds & demi d’équarrissage, & le P. Labat dit qu’il en a fait débiter un à la Guadeloupe, qui avoit plus de cinq pieds, étant équarri, & quarante-deux pieds de tige.

☞ BALATIMORE. Voyez Baltimore.

BALATRON. s. m. Vieux mot, qui signifie débauché. Acron ancien Grammairien, & Commentateur d’Horace, rapporte différentes étymologies de ce nom, que Lambin & les autres Commentateurs de ce Poëte ont copiées d’après lui. 1°. Il dit que ce nom vient de Servilius Balatro, dont Horace parle, Liv. II, Satyr. 8. Ce fut un fameux débauché de Rome, ce qui fit qu’on donna son nom à tous les gens de même sorte. Acron ajoute qu’on trouve aussi baratrones, d’où balatro peut s’être formé ; ensorte qu’on ait appelé les débauchés baratrons, parce qu’ils jettent leurs biens comme dans un gouffre, in barathrum mittunt. Il dit encore qu’ils ont été appelés balatrons du mot balatus, bêlement des brebis, pour marquer que ce sont des gens qui ne disent que des bagatelles, vaniloqui, ou bien que ce sont des goinfres, de grands mangeurs, qui dépensent tout pour leur bouche. Un autre commentateur plus récent, croit que ce mot peut venir de blatero, qui signifie un grand parleur, un babillard. Spelman le fait descendre de balare, danser, balatro, un danseur. Ce terme passa dans notre langue, & l’on a dit que Henri III, Empereur chassa les farceurs, les balatrons, &c. Mais il ne se dit plus. Les Italiens appellent encore balatrons les gens de néant, que nous appelons belîtres, peut-être au sens que Sextus Pompéius lui donne, en disant que balatrons signifie les taches de boues, les crotes oui s’attachent aux pieds & aux habits d’un homme qui va à pied.

☞ BALAUSTE. Terme de Pharmacie. On donne ce nom au fruit du grenadier sauvage. Les balaustes font astringentes, elles arrêtent le cours de ventre, les gonorrhées, les crachemens de sang, & conviennent dans les hernies. Lemery. Les plus belles balaustes sont celles qui ont des fleurs larges, de la couleur d’un beau rouge velouté. Voyez Grenade & Grenadier.

BALAUSTIER. s. m. C’est le grenadier sauvage. Il y en a de deux fortes, le grand & le petit. En latin, malus punica sylvestris, ou balaustium. Voyez Grenadier.

BALAYER, v. a. (Prononcez Baleyer.) C’est rendre nette une chambre, une rue, en ôter les ordures avec un balai. Verrere, converrere.

Balayer, se dit aussi des habits longs, qui traînent & amassent les ordures à mesure qu’on marche.

D’une robe à longs plis balayer le barreau. Boil

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Balayer, en termes de guerre, se dit figurément pour chasser ceux qui font dans un poste pour le défendre. Balayer le rempart, balayer la tranchée, c’est tuer ou chasser tous ceux qui les défendent. Ejicere, expellere, vacuare, vacuasacere. Les assiégés firent une sortie, & en un moment ils balayerent toute la tranchée.

On dit proverbialement d’une personne dévote, qu’elle balaye l’église, quand elle en sort la dernière.

On dit que le vent du nord balaye l’air ; pour dire, qu’il nettoie l’air, qu’il en châtie les nuages.

BALAYE, ÉE. part.

BALAYEUR, EUSE. f Celui ou celle qui balaye. Scoparius. Balayeur de temple, est originairement la même chose que néocore, qui a maintenant une autre signification parmi les Antiquaires. Car le mot de néocore, qu’on trouve si souvent sur les médailles grecques, est un titre que plusieurs villes grecques & leurs habitans ont pris pour marquer qu’elles s’étoient dévouées & consacrées au culte de quelque Divinité, & qu’elles prenoient un soin particulier de leurs statues, de leurs temples, des sacrifices que l’on faisoir sur leurs autels, & des jeux qu’elles célébroient à leur honneur. C’est en ce sens que la ville d’Ephèse est appelée néocore de diane dans les actes des Apôtres, & que plusieurs autres villes, comme elle, se disent aussi sur leurs médailles grecques, & dans les inscriptions, Néocores des Empereurs, à cause des temples qu’elles avoient bâtis, & des jeux qu’elles célébroient à leur honneur, de même que du soin qu’elles prenoient de les entretenir. Néocore vient du grec Νεωκόρον, qui signifie proprement balayer le temple, & dans un sens plus honorable, la même chose qu’Ædituus chez les Latins, & Sacristain chez nous.

BALAYURES. s. f. pl. Ordures amassées avec le balai. Purgamenta, sordes.

Balayures, ou Balyures, en termes de Mer, sont plusieurs choses que la mer jette sur ses bords, comme de la mousse, & ce que les Pilotes appellent ovas marinas. On dit que ce fameux Pedro Serrano, qui fit naufrage en une île déserte, qu’on a appelée depuis Serranilla, vivoit des balayures qu’il alloit ramasser le long de la mer.

BALAZÉES, ou SAUVAGUZÉES de Surate. s. f. pl. Toiles blanches de coton qui se fabriquent dans cette ville du Grand Mogol, &c aux environs.

BALBANIN, ou ALBANIN. Nation particulière de Grecs ou d’anciens Egyptiens qui se retirerent vers la Nubie & dans la ville d’Asuan en Thébaïde, lorsque les Mahométans se rendirent maîtres de l’Egypte. Ils font profession de la religion chrétienne & de la secte des Jacobites.

BALBASTRO. Barbastrum. Ville épiscopale d’Espagne, dans l’Arragon, sur la rivière de Vere, auprès de son embouchure dans la Cinca. Quelques-uns prétendent qu’elle a été nommée autrefois Bergidum, ou Belgida.

☞ BALBEC. Ancienne ville de la Turquie, en Asie, située dans la Syrie du Liban, au bout d’une longue plaine, presque saute environnée de hautes montagnes. Cette ville étoit autrefois considérable. On y voit les plus beaux restes d’antiquités qui soient dans tout l’Orient. Quelques Auteurs la prennent pour l’ancienne Palmyre : le plus grand nombre, pour l’ancienne Héliopolis.

BALBUTIEMENT. s. m. Prononcez BALBUCÎMENT. Défaut d’organes qui fait balbutier. Linguæ hæsitantia, vel titubantia. Un esclave More poursuivi par son maître, s’étant fauve dans l’Eglise, près du tombeau de saint Loup, ce maître, sans aucun respect pour ce saint asysl, l’en tira avec fureur, & dit que ce Loup enfermé dans son sépulchre, ne mettroit pas la pate dehors pour l’arracher de ses mains. Il porta dès l’heure même la peine de son blasphême, courant dans le Temple comme un furieux, & ne parlant qu’en hurlant. Sa femme effrayée de son balbutiement & de ses violentes agitations, offrit aux Prêtres un présent considérable, dans l’espérance que par leurs prières elle obtiendoit de Dieu pour ce malheureux un prompt soulagement. Ses vœux furent cependant inutiles : il mourut dans son péché, après avoir souffert d’horribles convulsions pendant trois jours… Saint Grégoire de Tours. Journ. des Sav.

BALBUTIER. v. n. Prononcez BALBUCIER. Parler avec difficulté, soit par le défaut de l’organe, quand on a la langue grasse, soit faute de présence d’esprit ou de mémoire. Balbutire. Celle qui est sujet à balbutier ne peut jamais être un parfait Orateur. Quand on a trop bû on commence à balbutier.

Balbutier, se dit aussi figurément, pour dire, parler sur quelque sujet confusément & sans connoissance. Il a voulu parler sur cette affaire, & il n’a fait que balbutier. Balbutire de re aliquâ.

Balbutier, est quelquefois actif. Il n’a fait que balbutier son compliment, son rôle. Acad. Fr.

☞ BALCH, ou BALCK. Voyez BALCKHE.

BALCON. s. m. Avance, construction de pierre ou de bois, portée sur des colonnes, attachée en saillie au-delà du mur d’un bâtiment, & enfermée d’une balustrade de fer ou de bois, pour y prendre l’air, ou pour découvrir de plus loin. Podium, menianum. On appelle aussi balcon, la balustrade même de fer composée de balustres plats ou ronds, avec frises sous l’appui, & des pilastres de fer aux encognures. Les grands balcons sont ceux qui portent en saillie, & qui sont plus larges de les croisées. Les petits balcons sont ceux qui sont entre les tableaux des croisées, & qui servent d’appui.

Balcons sur la mer, sont des galeries qu’on éleve sur le devant, & aux têtes de certains vaisseaux, ou pour l’ornement, ou pour la commodité.

Ce mot vient de l’italien balcone, qui a été fait du latin palcus, ou de l’allemand balk, qui signifie poutre. Men. Du Cange, après Acharisius, dit que c’est un nom propre venu des Vénitiens ; quelques-uns disent des Génois. Covarruvias croit que ce mot vient du grec βάλλειν, jacere. Car il dit que les balcons sont proprement des avances, des tourillons sur les portes des citadelles, d’où on lançoit toutes sortes de traits sur les ennemis. Le P. Janning, Jés. dans les Act. SS. Jun. Tom. I, p. 709. D. sur le mot balconum, qui se trouve dans les Actes de S. Bertrand, Patriarche d’Aquilée, dit que ce mot est un augmentatif de palcus, qui signifie suggestus ; que l’un & l’autre de ces mots ont été portés en Italie par les Lombards, & qu’ils viennent de l’allemand balk, qui signifie poutre.

BALDACHIN, ou BALDAQUIN. s. m. Dais ou poile qu’on porte sur le S. Sacrement, ou sur la tête du Pape dans les grandes cérémonies. Umbella. Borel témoigne que Baldechinum est un vieux mot françois, qui signifioit la plus riche des étoffes qui étoit tissue de fil d’or, & dont la trame étoit de soie recamée de broderie. On tient qu’il a été ainsi nommé, à cause qu’il venoit de Baldac, ou de Babylone, en Perse. On l’a appelé aussi en vieux françois baudequin. Voyez Du Cange.

On appelle aussi baldaquin, un ouvrage d’Architecture, qu’on éleve en forme de dais, ou de couronne sur plusieurs colonnes, pour servir de couverture à un autel. Le baldachin du Val-de-Grace est superbe & magnifique. Je veux bien qu’on se serve de baldaquins dans nos Eglises Gothiques, qui n’ont pour l’ordinaire par elles-mêmes nulle beauté, nulle grandeur. Je les y souffrirois, pourvû qu’il n’y ait rien d’autre. Mais que sous une coupolle, comme celle du Val-de-Grâce, par exemple, qui est d’une grande beauté, on voie au-dessus de l’autel une petite espèce de ciboire, qui est mal conçu, écrasé, enterré, & recogné contre la muraille, & qui n’ajoute rien à la splendeur de son dôme : cela n’est pas supportable. Cordemoy.

☞ On dit aussi le baldaquin d’un catafalque, & un lit à baldaquin. Acad. Fr.

Ce mot est Iralien, & vient de baldachino.

BALDECHILDE. Baldechildis. On en a fait Bathilde. Voyez ce mot.

BALDERIC. s. m. Baldericus. Nom d’homme, dont s’est fait Baldric, Baldry, Baudry, nom que portent encore quelques familles.

BALDICHERIE. s. f. Vieux mot, qui signifioit ce qu’on appelle aujourd’hui brandilloire. Branches entrelacées, dont les jeunes gens se servent à la campagne pour se brandiller. Il se mit en contrepoids entre deux haies sur une baldichere, & la s’esbattoit & estoit plus aise que ung Roy. Nouvelles nouvelles.

BALDUIN. s. m. Balduinus. Ancien nom d’homme, dont s’est formé celui de Baudouin, qu’ont porté plusieurs grands hommes, & que portent encore plusieurs familles de tous les ordres. Aujourd’hui même je ne voudrois point dire Balduin, quand ce seroit en parlent de ceux qui ont porté autrefois ce nom ; je dirois toujours Baudouin. Baudouin roi de Jérusalem, Baudouin Archevêque de Cantorberi.

☞ BÂLE, ville de Suisse, capitale du canton de même nom, Basilea, située au bord du Rhin, composée de deux villes qui en occupent les deux bords, & qui sont jointes par un beau point. La grande ville est du côté de la Suisse, & la petite du côté de l’Allemagne. Elle est 25° 21′ 38″, de longitude, & à 47° 20′ 9″, de latitude. De la Hire. Tabl. Astron. L’a est long dans Bâle.

☞ Le gouvernement de la ville de Bâle est aristocratique. Elle est partagée en quinze corps de métiers, de chacun desquels on prend douze personnes qui composent le Grand Conseil, entre les mains duquel est la Souveraineté. De ce Conseil on tire soixante-quatre Conseillers, y compris les quatre Chefs. Pour l’administration de la Justice dans les affaires civiles, chacune des deux villes a sa chambre à part, avec son Avoyer à la tête : mais pour les affaires criminelles, elles sont toutes portées par-devant un Juge, qu’on nomme Prévôt impérial.

☞ Avant la première réformation il y avoit beaucoup de Noblesse dans Bâle : mais tous les Nobles furent chassés de la ville pour s’être opposés à la jonction de Bâle au corps Helvétique, & au changement de la Religion.

☞ Le Canton de Bâle, petit pays de la Suisse moderne, est borné au Midi par celui de Soleurre ; à l’Orient par le Frickgau, qui est terre de l’Empire ; au Nord par le Brisgaw ; à l’Occident par l’Alsace. Il a environ douze lieues de long, & cinq ou six de large. Il comprend sept Bailliages ou Châtellenies. Il ne faut pas confondre ce Canton où la Religion dominante est la première réformée, avec le pays qui a pour Souveriain l’Evêque de Bâle.

☞ L’Evêché de Bâle, province d’Allemagne, au cercle du haut Rhin, appartient en souveraineté à l’Evêque de Bâle, qui est prince de l’Empire. Il a pour bornes au Septentrion le Sundgau propre ; au Couchant, la Franche-Comté ; au Midi & au Levant, les terres de Cantons de Bâle, de Berne, & de Soleurre, & se trouve ainsi entre la France & la Suisse. La résidence de l’Evêque est à Porentru.

BALÉ. s. m. Vieux mot. Galerie. Il est dans le Roman de la Rose.

BALÉARES. Îles de la mer Méditerranée, près des côtes du royaume de Valence & de celles de Catalogne. Baleares, ou Balearides Insulæ. Il y a quatre principales Baléares, Majorque, Minorque, Yviça, ou Erice, & Formentera. Cette dernière est inhabitée, à cause de la quantité prodigieuse de serpens qu’il y a. Pline & Strabon assurent que les habitans des Baléares demanderent un secours de troupes à Auguste contre les lapin, qui renversoient leurs maisons & leurs arbres. Pline. Liv. III, ch. 55. Strab. Liv. III.

Tite-Live a dit que le nom de Baléares leur vient de Baleus, l’un des compagnons d’Hercule, qui y fut inhumé. D’autres prétendent qu’il vient du mot grec βάλλειν, qui signifie jeter, lancer, parce que les habitans des Baléares excelloient dans l’art de lancer des pierres avec la fronde, qu’ils avoient appris, à ce que quelques-uns prétendent, des Phéniciens, & auquel, selon Licophron & Florus, Liv. III, ch. 8. ils exerçoient leurs enfans dès la plus tendre Jeunesse, en leur exposant leur déjeûné pendu à une poutre, & ne leur donnant point qu’ils ne l’eussent abattu avec la fronde. Nicolaus Spécialis dit même, Lib. I. Rer. Sic. p. 613, du Marca hisp. que c’est dans les Baléares qu’on a inventé les Balistes. Mais les Auteurs du XIVe siècle, tel que celui-ci, ne sont pas toujours bons garants de l’antiquité. Quoi qu’il en soit, les habitans des Baléares étoient très-habiles à lancer, & cette origine du nom de Baléares passe pour la plus vraie. Tite-Live lui-même semble la préférer à l’autre qu’il rapporte, & qui n’est qu’une fable. Isacius sur Lycophron, dit que Baléares est la même chose que Valeries, Valeriæ Insulæ, Ὑγιεινάς ; c’est-à-dire, les îles saines. C’est une idée sans fondement. Bochart, qui dans son Chanaan, Liv. I, ch. 35, avoue que ce nom fut donné aux Insulaires, à cause de leur habileté à lancer des pierres, ne veut pas cependant qu’il vienne du grec βάλλειν, jeter, lancer ; mais du Phénicien בעל, ירה, baal-jaro, c’est-à-dire, Magister jaculi, ou projiciendi lapides, habile à lancer. Ces îles ont encore été appelées Γυμνήσιαι, Gymnasiæ, & les habitens Gymnetes, de γυμνός, nu, parce que les barbares qui les habitoient, étoient tout nus, se vêtant de peux seulement l’hiver. Ces îles ont fait un royaume particulier, que les Maures envahirent lorsqu’ils se rendirent maîtres de la Bétique, & d’où Jacques I roi d’Arragon les chassa en 1230. Depuis ce temps-là les Baléares font partie du royaume d’Arragon. Voyez sur les Baléares le Marca Hispanica, de M. Baluse, où l’on voit à qui elles ont appartenu, tant pour le spirituel que pour le temporel.

Il se dit aussi-bien des habitans de ces îles, que des îles mêmes. Quintus Métellus attaqua l’an de Rome 629, les Baléares, peuples jusqu’alors presque sauvages, & qui n’avoient paru dans les guerres que comme auxiliaires des Carthaginois. Crevier, Hist. Rom.

BALÉARIQUE. adj. m. & f. Qui est des Baléares, ou qui appartient aux Baléares. Balearicus. Il y a une espèce de grue qu’on nomme grue baléarique, dont nous parlerons au mot Grue. Q. Cæcilius Métellus fut surnommé Baléarique, pour avoir soumis les Baléares au peuple Romain. C’est ce que marque une ancienne inscription qui se voit sur les murailles de Tarragone du côté de l’occident, & qui porte Q. C. M. B. INS. BAL. O. ET. IMP. ROM. S. IN PER. c’est-à-dire, Quintus Cæcilius Metellus Balearicus insulas Baleares obtinuit, & Imperio Romano subjecit in perpetuum. Nous avons une histoire du royaume Baléarique en espagnol par le Docteur Jean Dameto, la historia general del Reyno Balearico.

BALEINE. s. f. Balæna. Poisson d’une grandeur extraordinaire, le plus grand de tous les animaux. Godeau les appelle des écueils vivans. Pline fait mention de quelques baleines longues de quatre arpens, d’autres de 200 coudées ; mais il se trompe, ou il exagère. Il y en a dont les os ou arrêtes sont capables d’étayer ou de servir à construire de grands édifices. Les baleines du Nord sont beaucoup plus grandes que celles qui atterrissent sur les côtes de Guyenne, ou de la Méditerranée. Il y en a pourtant à l’Amérique de fort grandes, qui ont jusqu’à 90 ou 100 pieds entre la tête & la queue, dont les nageoires ont 26 pieds, les ouies trois pieds, & la largeur de leur queue est de 23 pieds. Le P. d’Ouaglie écrit dans sa Relation du Chili, ch. 17, qu’il y a plus de baleines au Chili qu’en aucun autre lieu du monde, & si grandes qu’on les prend quelquefois pour des îles. Pomey rapporte qu’en 1658, on apporta à Paris le squélette d’une baleine, dont le crane étoit de seize à dix-sept pieds d’ouverture, pesant quatre mille six czns livres ; les mâchoires de dix pieds d’ouverture, & quatorze pieds de longueur, pesant chacune onze livres ; les nageoires qui ressembloient à des mains, de douze pieds de long, pesant chacune six cens livres ; les côtes de douze pieds & demi, pesant chacune quatre-vingt livres ; les nœuds de l’échine depuis la tête jusqu’au bout de la queue de quarante-cinq pieds de long, les premiers nœuds pesant cinquante livres, & les autres diminuant jusqu’au bout. Les Chinois disent qu’on en a pris dans leurs mers qui avoient 960 pieds de long. Nos Européens néanmoins n’en ont guère trouvé qui aient excédé 200 pieds. Ambass. des Holl. à la Chine, Part. II, p. 99.

Il y a des baleines de plusieurs sortes, qui produisent toutes des baleinons vivans & parfaits animaux, mais qui n’en portent que deux tout au plus. Elles les nourrissent à la mamelle avec grand soin. La nourriture des baleines est une eau ou écume qu’elles savent extraire de la mer, à ce que disent Ælian, Rondelet & Gesner. Elles vivent aussi d’un petit insecte que les Basques nomment Gueld, qui est le Psillus marinus, ou la Puce de mer, qui se trouve dans le Nord en grande abondance pour nourrir le gros poisson. En effet, dans la dissection des baleines on ne trouve autre pâture dans leur estomac que de l’eau épaisse, & de ces menus insectes, rarement quelques anchois ou petits poissons blancs ; mais jamais de gros poissons, ni de morceaux d’ambre, comme ont voulu faire croire Cardan & autres. Les Hollandois, dans leur Ambass. à la Chine. p. 99, disent qu’on ne trouve dans leur estomac qu’environ 10 ou 12 poignées de petites araignées noires, & quelque peu d’herbe verte ; & que quand la mer se trouve couverte de ces araignées, c’est une marque que la pêche sera bonne. Ils ajoutent qu’on a quelquefois trouvé 30 ou 40 cabilleaux dans leur ventre.

La plûpart des baleines n’ont point de dents, mais seulement des fanons ou barbes dans la gueule larges d’un empan, & longues de quinze pieds, plus ou moins, finissant en franges semblables par le bout aux foies de porceaux, lesquelles sont enchâssées par en-haut dans le palais, & rangées en ordre selon leur différente grandeur, comme le manteau d’un oiseau. Ces barbes servent à dilater & à restreindre les joues de la bête, qui sont quelquefois si amples, qu’elles sont capables de contenir le baleinon nouvellement né, comme dans une boîte, pendant les orages, comme écrit Olaüs. L’Auteru de l’Ambass. des Holl. au Japon, Part. II, p. 130, dit que les baleines du Japon ont deux grands trous sur le mufle, par où il entre quantité d’eau, qu’elles revomissent ensuite avec grande impétuosité. Le P. du Tertre, Hist. des Antilles, Tr. IV, ch. I, §. I, dit qu’elles vont soufflant & comme séringuant par les nazeaux deux petits fleuves d’eau, qu’elles poussent dans l’air haut de deux piques, & que dans cet effort elle font un certain meuglement, qui se fait entendre d’un bon quart de lieue. L’Auteur de l’Ambassade au Japon ajoute que leurs yeux sont longs de trois aunes, & larges d’un pied & demi ; leurs ouies beaucoup plus grandes dedans que dehors, & qu’elles entendent le moindre bruit ; que quand elles ouvrent la gueule, elle est large de plus de cinq brasses ; que leur langue a dix-huit pieds de long sur six de large ; qu’il est certain qu’elles se nourrissent de poisson, & qu’on a trouvé dans le ventre de quelques-unes 40 ou 50 morues.

Les Journeaux des Savans d’Angleterre, en parlant des baleines qui se trouvent dans la mer de l’Amérique aux environs des Bermudes, disent qu’elles ont de grandes barbes pendantes depuis le dessous du nez jusqu’au nombril, & vers la fin des parties de derrière une crète sur le dos ; que ce poisson a la figure fort aiguë par le derrière, approchant de celle du toit d’une maison ; qu’à côté de sa tête il y a plusieurs bosses ; que son dos est extrêmement noir, & son ventre blanc ; que l’agilité & la vîtesse de ces poissons est inconcevable ; qu’une ayant été arponnée, elle entraîna le vaisseau de plus de 6 ou 7 lieues loin en trois quarts d’heure ; que quand elles sont blessées, elles font un cri horrible, auquel toutes les autres qui le peuvent entendre, accourent, mais sans faire aucun mal à personne ; qu’elles sont plus longues que les baleines de Groenland, mais moins épaisses ; qu’elles se nourrissent des herbes qui croissent dans le fond de la mer ; que l’on a trouvé quelquefois dans leur estomac deux ou trois hottées de matière verte & herbue ; que l’on peut tirer jusqu’à 7 ou 8 tonnes d’huile des plus grandes de ces baleines ; que les baleinons en rendent un peu, & qu’elle ressemble plutôt à de la gelée qu’à de l’huile ; que celle des vieilles baleines, se fige comme su sain de pourceau, & ne laisse pas de très-bien brûler ; que celle que l’on tire de la graisse, est claire comme du petit lait ; mais que celle que l’on tire du maigre entrelardé, se durcit comme du suif, & petille en brûlant ; que celle enfin qu’on fait de la panne, est comme de la graisse de porc ; qu’on peut tremper sa main dans cette huile toute bouillante sans se brûler ; qu’elle est souveraine pour les