Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/701-710

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Fascicules du tome 1
pages 691 à 700

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 701 à 710

pages 711 à 720


Justice. D’autres disent qu’il est pris de la baguette des Ecuyers qui manient les chevaux avec une baguette ou une gaule.

BAGUIER. s. m. Petit coffre ou écrain où on ferre les bagues & les pierreries. Arcula. Il est divise en plusieurs petites raies ou sillons où on fourre l’anneau, ensorte qu’il ne paroit dehors que la pierre précieuse.

BAH.

BAHAIRE, s. m. que les Portugais appellent barre, & que l’on nomme plus ordinairement bahare. Poids dont on se sert dans plusieurs lieux d’Orient, particulièrement aux Indes & à la Chine.

BAHALITE. s. m. Voyez Baalite.

☞ BAHAMA. Île de l’Amérique septentrionale, à l’orient de la presqu’île de Floride. Les Anglois en sont les maîtres.

☞ BAHAMBAR. Ville d’Asie, dans la province de Ghisan, sur la mer Caspienne. Elle a changé son nom en celui de Gurgian ou Giorgian.

☞ BAHANA. Ville d’Egypte, dans la Thébaïde inférieure, proche de Fium. Si l’on en veut croire une tradition des Egyptiens, tant Chrétiens que Musulmans, cette ville a été bâtie par J. C. & celle de Fium, par le Patriarche Joseph. Suivant cette tradition, ce fut en ce lieu là qu’il appela les Apôtres qui préchoient alors sur le Nil, & qu’après y avoir régné en personne, il laissa ses Apôtres pour ses successeurs. Cette fable n’est fondée que sur le voyage que J. C. fit en Egypte pendant son enfance.

BAHARLEM, ou BAHREM, ou BAARAIN. île d’Asie, dans le Golfe persique, vers la côte de l’Arabie heureuse. Tylus, Baharelma. On fait à Baharem une grande pêche de perles au mois de Juin, Juillet, Août & Septembre. Il y a encore dans l’Arabie heureuse, sur le golfe de Perle, une ville de ce nom, entre Elcatif & Lapla. Maty.

BAHBÉIT. Ville d’Egypte. Bahbéit vers le milieu du Delta. Il y a près de Bahbéit un temple d’Isis.

BAHEL SCHULLI. s m. Arbrisseau des Indes, épineux, qui croit dans les lieux aquatiques. Genista spinosa indica vertcillata, flore purpureo cœruleo. Il en a une autre espèce qui vient dans les labiés, dont les tiges & les feuilles font d’un vert gai, &c les fleurs blanches, tirant un peu sur la couleur d’azur. La décoction de fa racine excite l’urine, & remédie à la suppression. Dict. de James.

☞ BAHIM. Royaume d’Asie, dans les îles de la Sonde, voisin de Timaon.

BAHURIM. Ville de Palestine dans la tribu de Benjamin aux confins de celle de Juda, environ à deux lieues de Jérusalem, du côte du Levant. Maty. Sur une montagne. Saci. Le roi David étant venu jusqu’auprès de Bahurim, il en sortit un homme de la maison de Saül appelé Sémei, fils de Géra, qui s’avançant dans son chemin, maudissoit David. Saci. 2, Liv. des Rois. C. XVI, v. 5. On l’appelle aujourd’hui Bachori.

BAHUS, ou BAHUIS. Bahufium. Forteresse du royaume de Norwege, capitale d’un gouvernement auquel elle donne son nom. Elle est sur un rocher environnée de la rivière de Tholeta. Le Gouvernement de Bahus, Bahusia, ou Bahusiensis, ou Bahusiana Prafectura. Il a été cédé aux Suédois par les Danois en 1658, par la paix de Roschild.

☞ BAHUS, Rivière de France en Gascogne, qui a sa source dans le Béarn, près de Garan, traverse le Tursan, passe auprès de Buane & de Montgaillard, & se perd dans l’Adour entre S. Maurice & S. Sever.

BAHUT. s. m. Coffre couvert de cuir dont le couvercle est arrondi en forme de voûte, quoique plusieurs ne croient pas qu’il soit de l’essence du ’’bahut d’être tel. Arca camerata. Le t ne se prononce point.

Ce mot vient de bajulo, selon Nicot, à cause qu’on se porte sur des mulets. Ménage le dérive de l’allemand behuten, qui signifie garder ; d’autres par métathèse de l’hébreu, thebat, qui signifie la même chose. Du Cange le dérive de bahudum, qu’on a dit dans la basse latinité, pour signifier une espèce de coffre. Quelques uns croient qu’il vient du mot celtique bahu, qui signifie coffre dont le dessus est fait en rond.

En Maçonnerie, on dit qu’une pierre est taillée en bahut, quand elle est un peu arrondie par-dessus, comme font celles qui sont au-dessus des parapets, ou des appuis des quais & des ponts.

En termes de Jardinage, on dit qu’une plate-bande, une planche, ou une conche, est un bahut, lorsqu’elle est bombée & arrondie sur sa largeur, pour faciliter l’écoulement des eaux, & mieux élever les fleurs. La Quintinie, dans son ’’Instruction pour les Jardins, & Liger, dans son Dictionnaire d’Agriculture, écrivent bahu sans t, mais mal, quoique dans la prononciation on ne fasse point sentir le t. De plus, ils ne disent point simplement en bahut’, mais en dos de bahut, ce qui paroit mieux. Elever de la terre en dos de bahu. Il faut dans les terres humides les élever autant que l’on peut en dos de bahu. Quint.

BAHUTIER. s. m. Arcarum cameratarum opisex. Ouvrier qui fait des bahuts, des coffres, des valises, des malles, des cantines ; le tout couvert ordinairement de peau de veau, de vache de roussi, de porc, & de toutes sortes de cuirs, à la réserve du chagrin. Bahutier commence à vieillir. Plusieurs aiment mieux dire Mallier, & même Coffretier, que Bahutier.

On dit proverbialement, qu’un homme fait comme les Bahutiers’’, qu’il fait plus de bruit que de besogne, lorsqu’il fait beaucoup de bruit, & peu d’ouvrage.

BAI.

☞ BAI. adj. Prononcez . Terme de manège, qui désigne la couleur du poil d’un cheval qui tire sur le rouge, qui est de certaine couleur de rouge brun. Ce cheval a le poil bai. Ce poil a diverses nuances. Bai brun, bai clair, bai cerise, bai doré, bai obscur, &c. Cette épithète s’applique aussi au cheval même. Monter un cheval bai. Badius, phœnicus, spadiceus, spadicinus, spadicus, &c.

Ménage dérive ce mot de baius, latin, qu’il fait venir du grec βαιὸς, qui signifie un rameau de palme, qui est en sa couleur baie, ou du grec φαιὸς, Du Cange cite Ugution, qui dit que les Anciens appeloient un tel cheval vadium de vado, à cause qu’il alloit plus vite que les autres.

☞ BAIAMO. Contrée, province ou canton de l’île de Cuba, l’une des Antilles, dans l’Amérique Septentrionale.

BAÏANISME. s. f. Nom de secte. Doctrine de Michel de Bay, appelé communément Baius, Baïanismus, secta, doctrina Baii. Le Baïanisme en tant qu’il signifie un corps, un systême de doctrine, est la doctrine, est la doctrine enseignée par Baïus, & comprise en 79 propositions, condamnées par Pie V, dans la Bulle Ex omnibus afflictionibus & par Grégoire XIII, dans la Bulle Provisionis nostra. Baïanisme pris pour un nom de secte, est l’assemblage de ceux qui tiennent les erreurs de Baius.

Michel Baïus ou de Bay, né en 1513, dans le Haynaut, au territoire d’Ath, après avoir fait ses études dans l’Université de Louvain, y fut reçu Docteur en 1550, & en devint Doyen. L’année suivante, il fut nommé Professeur de l’Ecriture Sainte, par Charles V. Ce fut alors qu’il entreprit la défense de la Religion catholique contre les Luthériens dans quelques ouvrages qu’il mit au jour ; mais sous prétexte de ramener ces Hérétiques au sein de l’Eglise, il s’approcha de leurs erreurs en plusieurs points; & il assure lui-même qu’il s’éloignoit des sentimens & des façons de parler des Ecoles catholiques. Dans ces Ouvrages il faisoit revivre divers points de la doctrine de Calvin, qu’il déguisoit avec beaucoup d’artifice, & qu’il prétendoit mettre à couvert sous l’autorité de S. Augustin, comme avoit fait Calvin lui-même. Les opinions de Baïus ont été réduites à 80 propositions ou environ, selon qu’on en a ou divisé ou réuni quelques unes. On peut les réduire a diverses classes. Il y en a onze touchant la grâce des Anges, & celle du premier homme. Dix touchant le libre arbitre. Quinze touchant les mérites des bonnes œuvres. Dix-neuf touchant les péchés actuels & l’observance des Commandemens. Huit touchant la justification & l’efficace des Sacremens. Cinq touchant les peines dûes au péché.

En 1552, Ruard Tapper, Chancelier de l’université de Louvain, & Inquisiteur de la Foi, qui avoit été Maître de Baïus, se joignit à Jodoque Ravestein pour s’opposer aux erreurs de Baïus. Ces deux Docteurs avoient assisté au Concile de Trente ; mais voyant que Baïus & Hessels ne cessoient de répandre leurs dogmes pernicieux, ils les déférèrent au Conseil souverain de Bruxelles, & à Grandvelle, premier Ministre. Les nouveaux Docteurs furent admonetés, & leur doctrine défendue. Ils promirent de l’abandonner. En 1560, deux Cordeliers, l’un Gardien de Nivelle, & l’autre d’Ath, voyant la nouvelle doctrine, malgré les défenses, se répandre, & pénétrer jusque dans leurs Cloîtres, en déférèrent plusieurs articles à la Sorbonne, qui les censura le 27 Juin 1560. L’année suivante on présenta au Cardinal Grandvelle, alors Archevêque de Malines, plusieurs proposition de Baïus, qu’on lui imputoit : Baïus en désavoua la plûpart, & expliqua les autres ; ainsi le Cardinal, pour appaiser le différent, imposa silence aux deux partis. En 1563, Baïus fut envoyé au Concile de Trente, en qualité de Docteur de Sa Majesté Catholique, & l’année suivante Baïus de retour du Concile de Trente, mit au jour de nouveaux ouvrages qui renouvellerent les troubles. Pie V, par une Bulle du 1 Octobre 1567, condamna la doctrine de Baïus. La Bulle fut présentée à ce Docteur. Après quelques difficultés, il s’y soumit, & abjura toutes les propositions qui y sont condamnées. Les Partisans de Baïus prétendirent que cette Bulle n’avoit pas été suffisamment promulguée. En 1570 le Concile national des Pays-Bas, assemblé à Malines, ordonna qu’elle seroit publiée dans l’Université de Louvain : elle lui fut signifiée le 16 Novembre de cette année, par le Grand-Vicaire de Malines. Tous les Docteurs y souscrivirent unanimement : cependant quelques-uns ne laissoient pas de soutenir les propositions condamnées ; ce qui fit qu’en 1579, Grégoire XIII condamna de nouveau le Baïanisme, & chargea le P. Tolet, Jésuite, de porter cette Bulle à Louvain, & de la faire recevoir. Il y réussit. Toute l’Université assemblée, Baïus reconnut ses erreurs : il les rétracta, & donna un acte de sa rétractation. Fut-elle sincère, ne le fut-elle pas ? c’est un problême. Pallavicin, Hist. du Concile de Trente, Liv. XV, C. 7. Théophile Renaud, de Libris configendis, n. 57, le P. Graveson l’assurent même de sa première rétractation. Au contraire, Morillon, dans une lettre du 26e Juin 1568, se plaint que Baïus n’avoit point change de sentiment : mais il y a tout sujet de croire qu’au moins la seconde que Tolet ménagea, fut sincère, & que Baïus mourut soumis au jugement du S. Siège. Sa mort arriva le 16 Septembre 1589.

Malgré cette seconde condamnation, & quoique l’Université de Louvain l’eût reçue d’un consentement unanime, & que chaque Docteur eût promis avec serment de ne soutenir jamais ces opinions, il se trouva des Docteurs qui continuèrent à les enseigner, & qui même enchérirent beaucoup sur les erreurs de Baïus. Cela fit augmenter les contestations, sur-tout entre les Jésuites & Lessius, qui enseignoit alors la Théologie à Louvain, & les Disciples de Baïus. Octavius, Nonce du Pape, avec pouvoir de Légat à latere, crut que, pour les appaiser, il falloit imposer silence aux deux partis. Il en écrivit à Sixte V, qui lui envoya ordre de le faire. Il se transporta à Louvain en 1588, où il fit publier qu’aucun des deux partis n’eût à noter d’aucune censure ses adversaires, jusqu’à ce que le S. Siège eût prononce, & cela sous peine d’excommunication. Jacques Jansen, Professeur de Théologie à Louvain, continua néanmoins à empoisonner les esprits de ces opinions nouvelles. Tels furent les commencemens du Baïanisme.

Les principales erreurs du Baïanisme sont que la grâce de l’homme dans l’état d’innocence, étoit dûe à la nature. Que dans l’état présent de la nature tombée, ce qui se fait volontairement, quoiqu’il se fasse nécessairement, est cependant fait librement. Qu’il n’y a que la contrainte ou la violence qui soit contraire à la liberté naturelle de l’homme. Que le mérite ne consiste pas en ce qui celui qui agit est en grâce, & possède le Saint-Esprit, mais seulement en ce qu’il obéit à la Loi de Dieu, & que ceux qui disent que pour mériter, il est nécessaire que l’homme soit élevé par la grâce d’adoption à un état divin, sont dans l’erreur de Pélage. Que le péché originel est un véritable péché, quoiqu’on n’ait aucun égard à la volonté de celui qui lui a donné naissance, qu’il est volontaire à l’enfant d’une volonté habituelle, & domine en lui habituellement, dès qu’il n’a point d’acte de volonté contraire. Que tout crime est de telle nature, qu’il peut fouiller son Auteur & toute sa postérité, comme le péché du premier homme a fait. Que toutes les actions des Infidèles sont des péchés, & les vertus des Philosophes des vices. Que tout ce que fait le pécheur est péché. Que tout amour de la créature raisonnable est ou cupidité vicieuse, ou charité louable, &c. Voilà ce que c’est en gros que le Baïanisme.

☞ La plûpart des erreurs de Baïus ont depuis été renouvellées par le fameux Evêque d’Ypres Cornelius Jansenius. Voyez Jansénisme .

Il ne faut point confondre Michel Baïus avec Jacques Baïus, son neveu, dont nous avons un grand catéchisme fort Catholique.

BAÏANISTE. s. m. & f. Disciple, sectateur de Baïus. Celui qui suit les opinions de Baïus. Baïanus, a. Julien autorisoit autrefois le Pélagianisme du suffrage de saint Chrysostome, & S. Augustin sera Calviniste & Baïaniste, si l’on en croit Calvin, Michel de Bay & Jansénius. Davrigny.

BAIBLE. s. m. Nom d’homme. C’est le même que Babylas, dont il a été fait par corruption. Babylas, Bablas, Bable Baible, ou bien Babylas, Babyl, Babel, Babl, Bable, Baible. Voyez Babylas. On dit aussi Babel, pour le même nom.

BAIE. s. f. Petit golfe, ou bras de mer qui s’ouvre entre deux terres, où les vaisseaux sont en sûreté, & qui est beaucoup plus large par le dedans, que par l’entré, à la différence des Anses de mer, qui sont plus larges par l’entrée que par le dedans. Sinus. La Baie de Cadix. La Baie de Gibraltar. La Baie de tous les Saints au Brésil. On l’appelle aussi Sein & Anse.

☞ Ce qui distingue la Baie de l’Anse, c’est que sont entrée est plus large que l’enfoncement, au lieu que l’entrée de l’Anse est plus étroite : mais on ne s’arrête pas toujours à cette différence, & quand il a plu à un Matelot, ou à un Voyageur, de nommer quelqu’un de ces enfoncemens, Anse, Baie ou golfe, le nom lui en est demeuré.

Baie, se dit aussi en Maçonnerie de toutes sortes d’ouvertures qu’on laisse dans les murs qu’on éleve, pour en faire des portes, & des fenêtres. On appelle aussi sur mer, les baies d’un vaisseau, les ouvertures qui sont en sa charpente, comme celles des écoutilles, les trous par où passent les mâts.

Baie, en termes de Botanique, est un fruit mou, charnu, succulent, & qui renferme des pepins ou des noyaux. Bacca. On se sert proprement de ce mot pour exprimer les fruits clairsemés, comme le fruit du genévrier, du laurier, & semblables : mais lorsque les fruits sont ramassés en grappe, ou en bouquet, on les appelle des grains : ainsi on dit un grain de raison, & un grain de sureau. Selon Saumaise Bacca, baie, se dit de tout fruit plus petit que la pomme, tels que sont les cerises, les olives, &c. Voyez cet Auteur sur Solin, p. 531, 598, 609 & suivantes.

Baie. Tromperie qu’on fait pour se divertir, par pure plaisanterie. Mendacium, fraus. Il n’est que du style familier. Donne une baie à quelqu’un, payer d’une baie, verba dare. Le P. Thomassin remarque que les Italiens disent baia dans le même sens, & il croit que ces mots viennent du grec βαιὸς, parvus, modicus, petit, modique : il dérive même βαιὸς, de bohou, mot hébreu, qui signifie inanis, inane, inanitas, res inanis.

On dit proverbialement d’un grand hableur, que c’est un donneur de baies, qu’il repaît de baies, lorsqu’il promet beaucoup, & qu’il ne tient rien. L’origine de ce proverbe, selon Pasquier, se rapporte à un berger, qui dans la Farce de Pathelin étant cité en Justice, répondit toujours comme les moutons baie, à toutes les accusations de son maître, & aux interrogatoires du Juge ; depuis lequel temps on a dit, repaître ou payer de baies, en parlant de ceux qui payent de vaines promesses, ou qui ont des entretiens ridicules. Ménage au contraire veut que ce mot vienne de l’Italien baia.

Baie, ou Baies. Baia. Ville ancienne d’Italie, dans ce que nous appelons aujourd’hui la Terre de Labour, proche de Naples, du côté de l’Occident. Strabon, Liv. V, dit qu’elle fut ainsi nommée du nom d’un des compagnons d’Ulysse qui y fut enterré. Il y avoit à Baies des eaux chaudes & minérales ; ces eaux & la beauté du pays, qui est un des plus délicieux de l’Italie, y attiroient une grande quantité de Romains, qui y venoient, ou pour leur santé, ou pour le plaisir, ils avoient même bâti un grand nombre de maisons de plaisance tout autour. Baies a été ruiné par la mer, & par les tremblemens de terre. C’étoit à Baies que les galères romaines passoient l’hiver. On voit encore près de Baies un bâtiment souterrain nommé Le Cento Camarelle, c’est-à-dire, les cent petites chambres, qui étoient, à ce que l’on prétend, des espèces de casernes pour loger la chiourme romaine. Caligula voulut joindre par un pont le golfe qui sépare Baies de Pouzzol ; on en voit encore les restes. Maty. Il ne faut point écrire Bajes, comme a fait cet Auteur ; mais Baies, & le prononcer seulement en deux syllabes, ensorte que ai n’ait que le son d’un è ouvert.

Baie. s. f. Les Anglois donnent ce nom à une étoffe de laine, que l’on appelle en France, Bayette ou baguette.

Baie, se dit, en termes de Marchandise, & de drogues médicinales, des gousses & fruits de plusieurs arbres.

Baie de Grue. s. f. Fruit qu’on apporte de la nouvelle Angleterre, & qu’on dit excellent contre le scorbut. Les Anglois l’emploient aussi dans leurs sausses. Uva gruina.

Baie de toutes les îles. Elle a bien dix-huit lieues de large, & est sur la côte de l’Acadie, à cinq lieues de la rivière de Théodore. Sinus omnium insularum. Avant que d’y entrer, on trouve des rochers le long de la côte, & toutes les îles qui sont dans cette baie, sont des rochers.

La Baie de tous les Saints a 12° 52′ 24″, de latitude méridionale. P. Noel, Jés.

BAIER. Voyez Bayer.

BAÏEUX. s. m. Voyez Bayeux.

☞ BAIGNER. v. a. Mettre dans le bain ; plonger un corps nu dans l’eau, ou dans quelqu’autre fluide, ensorte que les parties de ce fluide soient appliquées immédiatement à la peau. In balneum, in aqua demittere, immergere. On ne baigne point ceux qui sont sujets aux rhumatismes. Il y a des peuples qui baignent dans l’eau froide les enfans nouveaux nés. Ce Médecin a baigné huit jours ce malade avant que de le mettre dans le grand remède. On dit aussi, baigner un chien, un cheval ; pour dire, les tenir quelque temps dans l’eau.

Ce mot vient du latin vaguare, qui a été fait de vagna. Ménage. D’autres le dérivent à balneis, & de baigne.

Baigner, dans le sens figuré, signifie la même chose que mouiller, arroser. rigare, irrigare. Baigner son lit de larmes. Cette mere affligée baignoit son visage de pleurs.

Baigner. v. n. Signifie tremper long-temps dans quelque fluide. Macerari, macerescere. Il faut que ces ingrédiens baignent pendant quelques jours dans cette infusion. On fait baigner la perce-pierre, les concombres dans le vinaigre. Il faut que les olives baignent dans une saumure faite exprès.

On dit hyperboliquement, qu’un homme assassiné baigne dans son sang ; qu’un affligé a le visage baigné de larmes ; pour dire, qu’il a perdu beaucoup de sang, qu’il a versé beaucoup de larmes.

Baigner, avec le pronom personnel, signifie au propre, user du bain. Balneo uti. Les chaleurs ont été si longues cette année, qu’on a pu se baigner pendant plusieurs mois. Se baigner tous les jours dans l’eau froide.

Baigner, avec le même pronom est encore plus en usage dans le sens figuré, & signifie se plaire à quelque chose, y trouver un singulier plaisir. Delectari. Votre cruauté se baigne dans les larmes des malheureux, il prend plaisir à voir couler leurs larmes. Les Tyrans se baignoient dans le sang des Martyrs, ils se plaisoient à le faire couler. Ainsi on peut remarquer la différence qu’il y a entre baigner dans le sang, & se baigner dans le sang. Baigner dans le sang, veut dire simplement perdre tout son sang ; & se baigner dans le sang, veut dire prendre plaisir à le répandre.

Baigner, se dit aussi des rivières qui arrosent une campagne, qui passe auprès d’une ville, qui fournissent des eaux à un pays. Alluere. L’Egypte est baignée par les eaux du Nil. Le Rhône baigne les murs de Lyon.

Baigner, en termes de Fauconnerie, se dit de l’oiseau, lorsque de lui-même il se baigne dans l’eau & qu’il se mouille à la pluie, ou qu’on le plonge dans le bassin quand on le poivre.

BAIGNÉ, ÉE. part. Il a les significations de son verbe, en latin comme en François.

BAIGNEUR. s. m. Celui qui se baigne. Balneator. On voit dans le Gange des vingt ou trente mille baigneurs en même temps par un principe superstitieux de dévotion.

Baigneur, est aussi celui qui fait profession de baigner les autres, qui tient chez lui des bains pour le public, & qui est d’ordinaire aussi Perruquier, Barbier & Étuviste. Balneator. Balnearius.. Les gens de qualité vont loger chez les baigneurs.

BAIGNEUSE. s. f. Celle qui se baigne.

Baigneuse, celle qui baigne les autres, & qui a soin des bains. Balneator. Balneatrix..

BAIGNOIRE. s. f. Le vaisseau ou la cuve où l’on se baigne. Labrum, balnearium, instrumentum..

☞ Les Hongrieurs appellent aussi baignoire la poële dans laquelle ils font chauffer l’eau d’alun, & le suif qu’ils emploient dans l’apprêt de leurs cuirs. Encyc.

BAIGORRI. Biguria, Baigoria. Petit pays de la Basse-Navarre en France. Il est dans les Pyrénées entre la rivière de Nive, ou d’Orcais, & la Haute-Navarre.

Le Dictionnaire de Moréri fait ce nom pluriel, les Baigorri, puis immédiatement après se corrigeant ou se contredisant lui-même, il dit, saint Etienne de Baigorri, & non pas des Baigorri. Il a raison ; car ce mot est singulier. M. de Marca, dans son Histoire de Béarn, le fait toujours singulier. Oyenhart pense que le Roi Eneco étoit Vicomte de Baigorri, qui est une vallée de la basse-Navarre de deux lieues d’étendue, où il y a six villages, & le titre de Vicomté, qui s’est conservé dans la maison d’Etchaus, le lieu principal étant nommé dans un ancien titre S. Etienne de Harizeta, d’où pourroit être procédé le surnom de Eneco Arista. Mais la qualité de comté, que Roderic donne au pays de Bigorre, d’où vient le roi Eneco, ne peut être donné à la vallée de Baigorri. Marca.

On appelle aussi ce pays Baiguer. Le roi Eneco n’étoit pas le Vicomte de Baiguer, ou Baigorri, d’autant que le quartier de Sise, en basse-Navarre, où est situé le vicomté de Baigorri, étant compris dans le comté des Gascons, le Vicomte étoit vassal du Comte Azénar, qui n’eût pu souffrir que son sujet lui eût été préféré en la Royauté. Marca. Quelques-uns, comme Maty, écrivent Baigory, ou Baygorry ; M. de Marca toujours Baigorri.

BAIGU, ou BÉGU, UE. adj. Ce dernier est seul en usage. Terme de Manège, qui se dit des chevaux, qui depuis l’âge de cinq ans jusqu’à leur vieillesse marquent toujours naturellement & sans artifice à toutes les dents de devant, car il s’y conserve un petit creux avec une marque noire, qu’on appelle germe de féve, qui aux autre chevaux s’efface vers les six ans.

☞ BAIL, au pluriel, baux. s. m. Terme de droit. Contrat par lequel on donne une terre à ferme ou une maison à louage : ou convention par laquelle on transporte à un autre la jouissance d’une chose, d’une terre, d’une maison, d’un droit, pendant un certain temps, moyennant un certain prix fixé par la convention. Locatio, conductio. Le bail ne transfère que l’usage, & la jouissance de la chose. Le bail d’une terre, d’une maison, d’une Seigneurie, d’une dime, d’un champart. Le bail des Aides, des Gabelles. Un Arrêt du Parlement de Paris a confirmé un bail de maison, dont on demandoit la résolution, sur ce qu’on prétendoit qu’il y revenoit des esprits. Il y a des baux généraux & des baux particuliers des monnoies. Boizard en traite dans son Traité des Monnoies. P. I, c. 14

Bail conventionnel, est celui qui se fait volontairement entre deux parties. Locatio pactitia. Les baux ordinaires n’excèdent point le temps de neuf années, autrement c’est une emphytéose. Chez les Romains ils n’alloient point au-dela de cinq années. Si, avant que le bail soit expiré, le bailleur veut occuper lui-même sa maison, il peut expulser le locataire en payant un certain dédommagement. L’acheteur n’est point obligé d’entretenir le bail, à moins qu’il ne soit autrement convenu. De Lau. Le propriétaire d’une terre ne peut expulser son fermier, ni annuler le bail sous prétexte d’en jouir par ses propres mains. Brodeau. Si après l’expiration du bail le locataire demeure dans la maison, le bail est censé renouvellé, ou continué ; mais seulement pour un an. De Lange. Celui qui est pourvû d’un bénéfice par mort, n’est point obligé d’entretenir le bail fait par son prédécesseur. Brodeau.

Bail judiciaire, celui qui se fait des biens saisis, par des enchères en Justice, & après les proclamations requises. Locatio judiciara. Bail emphythéotique, qui se fait à longues années, depuis dix ans jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans. Il se fait des baux au rabais, en Justice, soit pour la conduite d’un prisonnier, soit pour les réparations d’un héritage saisi réellement. On fait aussi des baux à vie, à quatre âges, quatre vies, & quatre générations.

Nicot croit que ce mot peut venir de l’hébreu בעל, baal, qui signifie tradere. Mais בעל, ne signifie point tradere en hébreu. Il signifieroit plutôt prendre, devenir maître d’une chose. Quelques-uns croient fort vraisemblablement que bail vient de bailler, mettre entre les mains, parce que celui qui fait un bail, met une chose entre les mains d’un autre, pour en jouir à certaines conditions convenues entr’eux. Budé, Etienne & le P. Labbe sont de cette opinion.

Bail à rente, & bail d’héritages, est un traité, ou vente, par lequel on abandonne le fonds d’un héritage, moyennant une rente annuelle & foncière, que le preneur s’oblige de payer, laquelle n’est point rachetable, & dont on ne se peut décharger qu’en abandonnant le fonds. Traditio fundi retento annuo proventu, ou reditu.

Bail à ferme. C’est le louage d’un fonds qui de sa nature produit quelque chose, soit par la culture, comme les terres, les vignes ; ou sans culture, comme un bois-taillis, un pâturage, un étang. On peut encore faire un bail à ferme d’une carrière, d’un lieu d’où l’on tire du sable, de la terre à Potier, de la chaux, du charbon, &c. On peut encore donner par un bail à ferme un droit de chasse ou de pêche, un droit de péage, le passage d’un pont, ou d’un bac, ou d’autres droits semblables. Le bail à ferme est distingué du bail à loyer d’une maison & autres bâtimens, en ce que le locataire a sa jouissance connue & réglée de l’habitation, ou autre usage d’un bâtiment qu’il prend à louage, & que le Fermier ignore quels seront au juste les fruits & autres revenus qu’il prend à ferme.

Bail, est aussi l’expédition de cette convention qu’on leve chez un Notaire. Tout preneur d’héritages à loyer est obligé de fournir le bail en forme au propriétaire.

Bail, dans quelques Coutumes, signifie garde & tutelle des biens d’un mineur jusqu’à l’âge de vingt & un an. Pupillorum tutela. En celle de Paris, on l’appelle garde-noble, ou bourgeoise. Elle diffère pourtant du simple bail, en ce que la garde-noble, ou bourgeoise, n’appartient qu’aux ascendans ; & le bail se donne aux plus prochains parens collatéraux ; & les dispositions en sont différentes selon les coutumes. On dit aussi, vider hors le bail ; pour dire, sortir de garde & de tutelle.

On appelle aussi bail, en diverses Coutumes, l’action par laquelle on met quelqu’un en possession d’une personne, ou d’une chose. Traditio. Desbail est opposé à bail, pris en ce sens. Quand une fille se marie, il y a bail, parce qu’elle entre en la puissance de son mari ; & quand son mari meurt, il y a desbail, parce qu’elle sort de garde.

Bail, c’étoit autrefois un droit que les Seigneurs levoient en Bretagne sur leurs vassaux. Il paroit par quelques actes du commencement du Xe siècle, qu’à la mort des particuliers les Seigneurs prétendoient quelques droits sur leurs héritages ; mais on ne peut pas assurer que ce fut encore là le droit de bail, qui a depuis été changé en celui de rachat, parce que ce droit odieux de bail paroît n’avoir été introduit en Bretagne que par le Duc Geoffroi dans son assise de l’an 1185. Lobineau. Ce droit de bail consistoit en ce que les Ducs de Bretagne prenoient & avoient à raison de bail, les fruits & revenus des terres & des rentes des Gentil-hommes après leur mort, quand leurs héritiers n’étoient pas en âge, & les retenoient jusqu’à ce que les héritiers eussent vingt ans accomplis ; & de même par rapport aux cades qui tenoient quelques terres en fief de l’aîné de leur maison. C’est le Dux Jean qui l’explique ainsi dans un titre de l’an 1275, où il change le droit de bail en rachat.

On a dit aussi autrefois, tenir le royaume en bail ; pour dire, en avoir la régence & le gouvernement. Regni administratio. On a appelé aussi autrefois bail un mari, parce qu’il a la tutelle & administration de la personne & des biens de sa femme.

Bail d’amour, se dit dans le style familier & comique pour signifier un engagement galant & amoureux, une assurance d’aimer toujours.

Pour rendre votre esprit certain,
Je vous passerai dès demain
Un bail d’amour devant Notaire. Saras.

On dit figurément, cela n’est pas de mon bail ; pour dire, cela est arrivé dans un temps où rien ne m’obligeoit à y prendre part.

BAILE. s. m. C’est le nom qu’on donne aux Ambassadeurs de Venise, résidens à Constantinople. On les appeloit ainsi dès le temps que les Empereurs commandoient en cette ville-là. Ils s’appeloient en latins Bajulus, comme qui diroit bailli ; & ils faisoient originairement la charge de Consul de Venise & de Résident à Constantinople. Legatus, Orator Venetus. Les Turcs & les Grecs modernes les appellent Bailos, ou Balios.

Ce mot se dit aussi dans le Langedoc & dans le Roussillon, & signifie une sorte de Juge royal. Il vient de l’Espagnol Bayle. On prétend assujettir les enrôlés au payement des entrées, quand les Consuls ou lesBailes l’ordonnent. Patr.

Baile, ou Bayle, étoit aussi un Officier des anciens Dauphins, préposé à la recette de leurs droits seigneuriaux, qui en d’autres provinces s’appeloir Mistral. Baylus, Ballius, Bajulus. Ces Officiers étoient appelés Célerierséé dans la Baronie de la Tour, & dans les terres que le Dauphin avoit au-delà du Rhône. C’est principalement dans les contrées de Trieres, du Diois & du Valentinois, qu’ils ont été nommés Bayles. Valbonnet, p. 116, qui écrit indifféremment Baile, ou Bayle. C’étoit proprement l’agent du Seigneur sous le Châtelain. Id.

Le nom Bailea, ou Bayle pourroit aussi convenir au Bailli, ou même au Châtelain, qui encore à présent en quelques endroits, est appelé le Bayle. Valbon, p. 117.

Bailes. s. m. pl. On appelle ainsi à Bordeaux ces Officiers qui sont à la tête des Communautés, qu’on nomme ailleurs Jurés.

BAILIE, ou BAYLIE. s. f. Charge, Office de Bayle. Bailia, Bajula, Balia, Ballia, Bajuliamunus. Ce mot signifioit proprement tutèle : il a été pris ensuite pour toute sorte de régie, dit M. du Cange. C’est en ce dernier sens qu’on s’en est servi autrefois en quelques endroits du Dauphiné, pour désigner l’emploi de celui qui étoit préposé à la recette des droits seigneuriaux. On l’appeloit aussi Mistralie. Valbonnet, p. 116 & 117. Voyez cet Auteur.

BAILLARD. s. m. C’est une pièce de bois pour porter les laines qu’on tire de l’eau, & qui traverse la chaudière à dégraisser.

BAILLARGE. s. f. On nomme ainsi une espèce d’orge qui croît en Angoumois.

BAILLE. s. f. En termes de Marine, est une espèce de cuve ou de baquet fait d’un demi-tonneau, qui sert à divers usages sur les vaisseaux, & particulièrement à mettre le breuvage qu’on donne aux matelots. Cupa. On l’appelle aussi broute.

Bailles de fonde. Demi-barriques dans lesquelles on met les lignes de fonde.

Bailles de combat. Demi barriques remplies d’eau pour rafraîchir le canon pendant un combat.

Baille, dans le vieux langage, a signifié barricade. Il se trouve en ce sens dans Froissard. Villehardouin a dit bailles des murs, pour dire, les courtines.

BÂILLEMENT. s. m. Prononcez la première syllabe longue, & mouillez les deux ll avec l’i, sans donner aucun son ni aucun autre usage à cette voyelle. Quelques-uns l’écrivent par aa, baaillement, mais l’usage n’en souffre plus qu’un. ☞ Action de respirer en ouvrant involontairement & extraordinairement la bouche. Oscitatio. Le bâillement est occasionné par quelque vapeur qui cherche à s’échapper, & témoigne ordinairement la fatigue, l’ennui ou l’envie de dormir. Hippocrate dit que le remède des bâillemens continuels, & de même du hoquet, c’est de garder long-temps sa respiration. La membrane nerveuse de l’œsophage est le siége du bâillement, qui ne manque jamais d’arriver, quand quelque irritation détermine les esprits à y venir en grande abondance. La cause de cette irritation est une humidité incommode qui arrose la membrane intérieure de l’œsophage : cette humidité vient ou des glandes dont la membrane interne est parsemée, ou des vapeurs acides qui s’élèvent de l’estomac, comme d’un pot bouillant, & qui se condensent contre les parois de l’œsophage, de même que contre un couvercle ; alors les fibres nerveuses de la membrane interne en étant irritées se gonflent, & nous font bâiller en dilatant l’œsophage : la bouche est obligée de suivre ce mouvement, parce qu’elle est tapissée de la même membrane. Voyez Duncan & Dionis.

Bâillement, ☞ en termes de grammaire, autrement hiatus mot emprunté du latin. C’est un son désagréable causé par une rencontre de voyelles. Hiatus ex concursu vocalium. Si je dis, il alla à Anvers, je suis obligé de tenir la bouche ouverte pour prononcer ces différens a ; ce qui produit un son désagréable. Les bâillemens sont encore plus insupportables sans la poësie que dans la prose. Il sont fréquens dans les satires de Regnier. Malherbe ne pouvoit les souffrir.

Gardez qu’une voyelle à courir trop hâtée
Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée. Boil.

☞ Le P. Mourgues a fait un chapitre sur le bâillement dans son traité de la Poësie françoise. M. Prepetit de Grammont en parle aussi dans son traité de la versification françoise.

☞ Pour éviter de tenir la bouche ouverte entre deux voyelles, le mécanisme de la parole a introduit l’élision de la voyelle du mot précédent, ou l’usage des lettres Euphoniques entre les deux voyelles. Ainsi nous disons, s’il arrive & non si il arrive. Mon ame, non ma ame. Y va-t-on, & non y va on.

BÂILLER. v. n. Ce mot a la première syllabe longue, & l’i ne sert qu’à mouiller les deux ll. On écrivoit autrefois baailler. Oscitare. Faire des bâillemens, ☞ respirer en ouvrant la bouche extraordinairement & involontairement : ce qui marque de l’ennui, de la fatigue ou du sommeil. On bâille souvent en voyant bâiller les autres. Bâiller d’ennui. Vous êtes si dégoûté, que les plus belle comédies vous font bâiller, & vous endorment. Bell. Boileau a dit de la Pucelle.

Sans mentir, la Pucelle est un Œuvre charmant ;
Et je ne sais pourquoi je bâille en la lisant.

Faire quelque chose en bâillant ; c’est en style populaire, la faire avec négligence & sans aucune application. Oscitanter, negligenter.

Ce mot vient de balare, qui a été dit par onomatopée du cri des brebis. Ménage.

Bâiller, signifie figurement, s’entr’ouvrir, & se dit des ouvertures ou crevasses qui se font dans les murs, ou bâtimens. Hiare. Il est moins en usage que son composé, entrebâiller. Une porte, une fenêtre qui bâille.

Bâiller, se dit aussi dans le style figuré & populaire, pour aspirer avec ardeur, Inhiare. Il bâille après les richesses. Il bâille après cet emploi.

BAILLER. v. a. Prononcez la première syllabe brève, & ill’, comme deux ll mouillés. donner, mettre en main. Dare, tradere. Il lui a baillé cent écus par cette donation. Il lui faut bailler cette lettre en main propre. En ce sens il est moins en usage que donner, & même on ne le dit plus que dans les provinces. Il signifie pourtant autre chose que donner, qui veut dire faire un don ; au lieu que bailler, signifie seulement, mettre entre les mains. T. Corn. Un général qui s’est marié a baillé des gages à la fortune pour ne plus tant hasarder, Balz. La M. le Vayer soutient qu’il ne faut point tant mépriser bailler, & qu’il est nécessaire pour diversifier la phrase. Mais aujourd’hui il ne trouve place que dans le style des Notaires ; bailler à ferme : & dans le grimoire du Palais ; bailler des écritures, bailler des contredits, bailler caution, bonne & suffisante caution.

Nicot le dérive du grec βάλλω, c’est-à-dire, mitto ; celui qui baille envoie en quelque façon. Etienne Guichard est de même avis, mais il va plus loin encore, car il dérive βάλλω de l’hébreu נבל, nabal, en retranchant le נבל ; נ signifie tomber, couler.

On dit proverbialement, en bailler à garder ; pour dire, en faire accroire à quelqu’un. On la lui a baillé belle ; pour dire, on s’est moqué de lui.

BAILLÉ, ÉE. part. Datus, traditus.

BAILLERESSE. Voyez Bailleur.

BAILLET. adj. m. Un cheval baillet, est un cheval de poil roux tirant sur le blanc. Helvus equus. Ménage.

BAILLEUL. s. m. Celui qui remet les os disloqués, les côtes pliées, enfoncées, ou rompues. Ossium loco suo motorum restitutor. Les Bailleuls ne sont pas érigés en corps de métier, ni en Officiers. Il en faut pourtant excepter les Bailleuls qui servent par quartier chez le Roi. Les Bailleuls s’appellent aussi Renoueurs. Quant on s’est démis un bras, on envoir querir le Bailleul. Celui qui exerce cette profession en Espagne s’appelle Algebrista.

Bailleul, s. m. est aussi un nom de quelques lieux, ou bourgs en France, ou dans les Pays-Bas. Balliolum, ou Belliolum. Voyez Bailli.

Bailleul, s. m. Nom de lieu. Il est près de la méridienne de Paris, du côté du Nord, à 20°, 15′, 23″ de longitude, & 50°, 44′, 16″, de latitude. Cassini.

BÂILLEUR. s. m. Celui qui bâille, qui est sujet à bâiller. Oscitans. On dit proverbialement et bassement qu’un bon Bâilleur en fait bâiller deux. Faites l’â long, & mouillez ill.

BAILLEUR. s. m. BAILLERESSE. s. f. Termes de pratique. Faites l’a bref & mouillez ill. Celui, ou celle qui donne à ferme un héritage, une maison, un droit. Locator. Le Bailleur à ferme est chargé d’entretenir les bâtimens de grosses réparations, & le preneur des menues. Et ladite Bailleresse a affermé cette terre, &c. Il est opposé à celui qui prend à ferme, que l’on nomme preneur. On dit aussi un bailleur de bourdes ; pour dire un moqueur, un trompeur. Illusor, Delusor.

Bailleur de table. Petit Officier établi dans les Halles de la ville d’Amiens, pour lever & fournir aux Marchands & Fabriquans les Tables dont ils ont besoin pour places leurs marchandises. Son droit est d’un sou par chaque Marchand.

BAILLI, ou BAILLIF. s. m. L’usage est déclaré pour le premier, & c’est le seul que l’Académie a adopté. En termes de Guerre, c’est le Chef de la Noblesse de la Province, & celui qui la commande quand on convoque l’arrière-ban. Nobiliatis Princeps ac Præfectus. Le Bailli, le Sénéchal & le Prévôt, sont des noms qu’on donne en divers lieux pour les mêmes fonctions.

Bailli, terme de Palais, signifioit Gardien dans le vieux langage. C’est un Officier qui rend la Justice dans un certain ressort, ou territoire. Prætor peregrinus, ou Balivius. Pasquier prétend qu’originairement les Baillis étoient des Commissaires que les Rois envoyoient dans les Provinces, pour examiner si la Justice étoit bien rendue par les Comtes, qui étoient alors les Juges ordinaires. Ces Baillis, ou Juges delégués, s’informoient dans le territoire qui leur étoit assigné, de la conduite des Comtes, & recevoient les plaintes des particuliers. De-là vient qu’on les appela Baillis, parce que l’exercice de la Justice leur étoit confié, & que par-là ils devenoient les gardiens & les conservateurs des droits du peuple, dont ils empêchoient l’oppression. Toutes les Provinces ayant demandé de ces Commissaires Royaux pour les défendre de l’oppression des Seigneurs, elles furent écoutées. Mais les Seigneurs se plaignirent de cette inspection qui les rappeloit à leur devoir. Il fallut encore céder au temps, & nos Rois se contentèrent d’en fixer quatre ordinaires, sous le titre de Baillis, qui eurent leurs siéges à Vermande, aujourd’hui Saint Quentin, à Sens, à Mâcon, & à S. Pierre le Moustier. Voyez M. de la Mare dans son Traité de la Police, L. I., T. V, p. 30, 31. Philippe Auguste en mit dans toutes les villes principales de ses Domaines en 1190.

Loiseau rapporte l’établissement des Baillis à l’usurpation de la puissance royale par les grands Seigneurs de France, sous les derniers Rois de la seconde race. Au commencement ces Seigneurs rendoient eux-mêmes la Justice ; mais dans la suite ennuyés de tenir leurs assises, ils commirent en leur place des Officiers qu’ils appelerent Baillis. Quoi qu’il en soit, le Bailli est aujourd’hui dépouillé de toute sa fonction, & toute l’autorité de cette charge a été transférée à son Lieutenant.

Les Baillis eurent d’abord toute l’intendance des Armes, de la Justice & des Finances de leurs Provinces. Quoique ce ne fût qu’une simple commission pour un temps assez court, cette triple autorité les rendoit néanmoins trop puissans. Ils ne furent pas long-temps sans en abuser. Les Ordonnances de S. Louis, de Décembre 1254, & de Philippe le Bel du mois de Mai 1302, font assez connoître en combien de manières ils s’étoient déjà écartés de leur devoir. L’administration des Finances fut celle où il parut de plus grands abus. Ce fut la première qu’on leur ôta. On fit des baux. Quelques-uns de ces Magistrats en furent adjudicataires. Les Baillis devinrent Fermiers, & la Noblesse, à qui ces charges avoient été destinées, méprisa des Magistratures qui se donnoient à ferme, sans distinction de naissance, ni de mérite. Les Magistrats Fermiers ne penserent qu’à leur profit particulier. Tout le reste fut négligé. C’est pourquoi pour pourvoir à la sûreté des frontières, on y envoya des Commandans d’armes, sous le titre de Capitaines, qui dans la suite furent qualifiés Gouverneurs. Ainsi les armes furent insensiblement retirées de l’Office des Baillis. Il ne leur reste plus que la convocation & la conduite de l’arrière-ban. Quant à l’administration de la Justice, elle fut compatible avec les armes, tant qu’il n’y eut que très-peu de lois en France, qui ne consistoient qu’en quelques usages locaux, ou quelques coutumes non écrites. Mais lorsqu’après l’an 1300, on eut adopté le Droit Romain, ou comme des Lois en plusieurs endroits, ou du moins en d’autres, comme préceptes de la droite raison, & comme les opinions des plus grands Jurisconsultes de l’antiquité, il fut difficile à des gens d’épée d’en être assez instruits. Cela donna lieu à Charles VI, par son Ordonnance du 27 Mai 1413, de leur permettre de se choisir des Lieutenans. Chaque Bailli s’en donna plusieurs. Charles VIII, par son Ordonnance du mois de Juillet 1493, en fixa le nombre à deux, l’un général, & l’autre particulier. L’étude du Droit Civil croissant toujours, Louis XII ordonna au mois de Mars 1498, qu’à l’avenir les Baillis seroient gradués ; & il défendit aux Baillis de les changer à leur volonté. Enfin, aux Etats d’Orléans, Charles IX, par une Ordonnance de Janvier 1560, régla qu’à l’avenir tous les Baillis & Sénéchaux seroient de Robe-Courte. C’est ainsi que l’administration de la Justice passa aux Lieutenans Généraux.

Il est néanmoins resté aux Baillis & Sénéchaux plusieurs prérogatives & fonctions considérables. Personne ne peut être reçu en leur Office, qu’il ne soit Gentilhomme de nom & d’armes : ils sont toujours les chefs de leur Juridiction : c’est en leur nom que la Justice y est rendue, & que les contrats & autres actes sont intitulés. La convocation & la conduite de l’arrière-ban leur appartient. Ils peuvent, s’ils veulent, présider à tous les jugemens qui se rendent en leur Siége, en s’abstenant d’y opiner. Ils doivent résider en leur Province, la visiter quatre fois l’année, &c. Outre les Ordonnances que nous avons citées, voyez celle de Moulins du mois de Février 1566, & celle de Blois du moi de Mai 1579, & M. de la Mare, Traité de la Police, Liv. I, Tit. V, C. 3, & M. le Président Valbonnay, Hist. De Dauph. p. 105.

On a appelé ordinairement Baillis, les Juges ordinaires, qui rendoient la Justice sous les Sénéchaux. Mais on a aussi appelé de ce même nom les Sénéchaux des Provinces, & on appelle encore présentement le Sénéchal de Touraine, le Bailli de Touraine. M. Du Cange a remarqué dans son Glossaire, qu’on appela Sénéchaux des Provinces, les Sénéchaux des Provinces qui appartenoient à des Seigneurs particuliers ; & Baillis des Provinces, les Sénéchaux des Provinces, qui appartenoient directement au Roi. Je trouve néanmoins que contre cette règle, Antoine d’Aubusson, Sénéchal d’Anjou, se trouve qualifié Bailli d’Anjour. Ménage. Hist. de Sablé, p. 213.

Il y a aussi des Baillis de robe, qui ne sont point Lieutenans de Baillis nobles, ou de Robe-Courte, & qui sont juges dans des Siéges subalternes, ou dans les Hautes-Justices appartenantes aux Seigneurs particuliers, comme le Bailli de S. Germain des Prez, le Bailli du Temple, &c. Ainsi le nom de Bailli dans son institution, ne devoit être donné qu’aux premiers Magistrats des Provinces, qui remplissent les Tribunaux supérieurs, que les Ducs & les Comtes avoient autrefois occupés. Quelques Seigneurs dans ces temps de troubles firent aussi prendre ce nom de Bailli aux Juges de leurs petites villes, bourgs & villages ; & il leur est resté jusqu’à présent. Ce n’est plus même qu’à ces Juges qu’on le donne dans l’usage ordinaire du monde & hors du barreau. De-là viennent les grands Baillis, & les petits Baillis, ou les Baillis supérieurs & inférieurs, que l’on trouve dans les anciennes Ordonnances. Baliviimajores, minores, superiores, inferiores. Voyez M. de la Mare, Traité de la Police, T. I, p. 31. Un Prévôt, ou autre Juge subalterne, écrivant au Bailli, ou Sénéchal de la Province, le qualifioit de Haut & Puissant Seigneur, pendant que celui-ci ne lui donnoit d’autres titres, en lui écrivant que celui d’honorable homme, & cela étoit encore en usage, selon l’Auteur de la Somme rurale, tit. 34, sur la fin du 14e siècle.

Il y a aussi un Bailli du Palais, dont la Juridiction est renfermée dans l’enclos du Palais, c’est-à-dire, la salle, les galeries & les cours du Palais. Cette juridiction fut instituée par Charles Duc de Normandie, Régent du Royaume pendant l’absence du roi Jean son pere, par Lettres-Patentes du mois de Janvier 1358, enregistrées seulement au Châtelet. Les Marchands s’y étant opposés, le Parlement maintint les Officiers du Châtelet contre cette nouvelle érection. Charles VI la confirma néanmoins en 1413, au mois de Mars. Les lettres durent enregistrées à la Chambre des Comptes. Les Marchands & Artisans s’étant encore opposés aux visites que ce nouveau Magistrat vouloit faire chez eux, le Parlement, par Arrêt du 7 Septembre 1463, ordonna que les Jurés des métiers feroient leurs visites dans l’enclos du Palais par le congé du Bailli, qu’il ne pourroit leur refuser, & qu’ils feroient leurs rapports des contraventions devant le Prévôt de Paris. Louis XI donna cette charge à Jacques Coitier son Premier Médecin, & les lettres furent registrées au Parlement pour la première fois, quoiqu’avec peine, le 10 Janvier 1482. Tels sont les titres du Bailli du Palais, qui d’abord fut appelé Concierge, & n’étoit en effet que le Concierge du Palais du Roi ; ensuite sous Charles VI, il prit le titre de Capitaine, ou Gouverneur. Juvénal des Ursins, Chancelier de Guyenne, & homme de qualité, ayant été pourvu de cette charge en 1413, par Charles VI, méprisa ce titre, & fut le premier qui prit de lui-même celui de Bailli du Palais, qui se trouve dans l’arrêt du Parlement de 1463, & qui sous Louis XI, en 1482, n’étoit pas cependant encore bien établi ; puisque ce Prince joint les deux noms de Concierge & de Bailli dans les Lettres-Patentes données à son premier Médecin. Dès l’érection, Charles Régent attribua à cet office toute Seigneurie, Justice, Juridiction moyenne & basse, dans l’enclos du Palais ; mais on lui ôta les cas capitaux en matière criminelle. Depuis long-temps il est constamment en possession de toute la Juridiction civile, même dans les cas qui sont de la haute Justice. Voyez la Mare, Traité de la Police, L. I, T. IX. C. 5. Il traite fort exactement & fort au long du Bailli du Palais.

Il y a une Ordonnance de S. Louis qui défend aux Baillis de se marier, ni de faire des acquisitions dans l’étendue de leurs Bailliages, ou Baillies, pendant l’exercice de leur charge, ni pour eux, ni pour autrui, sans permission du Roi ; & comme ils n’etoient point constitués en titre d’Office à perpétuité, & qu’ils n’exerçoient leur charge que par commission, ils étoient obligés de demeurer 40 jours sur les lieux après avoir fini leur exercice, pour répondre aux plaintes que l’on voudroit faire contre eux.

Bailli Châtelain, dans la coutume de Senlis, est le Juge des causes d’appel en la Seigneurie & Justice subalterne. De Laurière.

Baillis Conventuels, dans l’Ordre de Malte, sont les Chefs des huit Langues, qui résident dans le Couvent de la Religion de Malte. Les Baillis Capitulaires sont ceux qui possèdent les Bailliages de l’Ordre.

On appelle aussi dans l’Ordre de Malte, Baillis, les principaux Chefs, Conseillers, & Commandeurs de l’Ordre.

Grand Bailli. s. m. C’est une des grandes Dignités de l’Ordre de Malte. La charge de Grand Bailli est unique & attachée à la Langue d’Allemagne, dont il est le Chef. Sa Juridiction s’étend sur la Cité Vieille, ancienne capitale de l’île & du château de Goze, lorsqu’il appartient à l’Ordre, & du château de S. Pierre dans la Carie. Vertot.

Bailli de l’Empire. C’étoit autrefois le Gouverneur ou Régent de l’Empire, comme il paroît dans une Lettre de Henri de Flandre à Innocent III, où il dit, les Princes, les Barons & les soldats m’ont élu Bailli de l’Empire.

Bailli Errant, c’est en Angleterre un Officier de Justice que le Shérif envoie dans les lieux de la Juridiction signifier ses ordres. Harris. C’est ce que nous appelons un Huissier, un Sergent.

On dit aussi Bajuli Abbatum ; pour dire, Officiers domestiques.

Borel dérive le mot de Bailli du grec βουλὴ, qui signifie conseil. On n’a commencé d’user de ce nom que du temps du Roi Jean. Cambden, Scot. p. 693, prétend que Bailli est un terme du bas Empire né en Grèce, qui de là a passé en Sicile & en France, & qu’il signifie Conservateur. Il est certain que l’on trouve Bajulus pour un Juge, Prætor ; que l’on trouve ensuite Bailus, dans le même sens ; que de là il est aisé qu’on ait fait balivus, en transposant l’i, Voyez Act. Sanct. Maii, T. I, p. 391. D. 64. E. Dadin de Hauteserre, après avoir montré qu’on avoit appelé les Précepteurs & Gouverneurs des Princes, & même à ce qu’il prétend, des particuliers, Bajules, Bajuli, dit que sous la troisième race de nos Rois, ce nom passa de l’école dans le Barreau, & qu’on le donna aux Juges, parce qu’ils sont les Gouverneurs du Peuple. De Ducib. & Comit. Prov. c. 23, p. 282.

Bailli, est aussi un nom de quelques lieux, dont les diminutifs sont Bailleul & Baillolet. Ce mot vient du celtique Bali, qui signifie une avenue d’arbres. Descript. Géograph. & Hist. de la Haute-Norm. T. I, p. 308.

BAILLIAGE. s. m. Prononcez le premier a bref, & les lettres illi qui suivent, comme si ce n’étoit que deux ll mouillés. Terme de Palais, Juridiction d’un Bailli dans certaine étendue de pays, de Seigneurie. Prætoris peregrini, ou Balivii jurisdictio. Bailliage Royal. Bailliage subalterne. Il y a tant de bourgs dans ce Bailliage.

Dans la basse latinité on trouve Balia, pour signifier ce nom. Innocent III, Liv. II, ep. 252. Præposituras, quas Balias vulgariter appellatis ; paroles qui montrent que ce nom étoit en usage dès le XIIe siècle.

Bailliage, est aussi le lieu où le Bailli tient son Siège, ☞ & le Tribunal composé de Juges qui rendent la Justice au nom du Bailli, ou avec le Bailli. Balivii curia, tribunal balium. Procureur du Roi au Bailliage. Plaider au Bailliage. Je vais au Bailliage.

Bailliage, est aussi dans l’Ordre de Malte, la première dignité après celle du Grand Prieur. Il y a dans chaque grand Prieuré un Bailliage. Dans le grand Prieuré de France il y a le Bailliage de la Morée, & la Trésorerie. Le Chef-lieu du Bailliage de la Morée est la Commanderie de S. Jean de Latran à Paris.

Bailliage, est aussi un terme de Géographie, qui signifie un certain pays soumis à la juridiction d’un Bailli. Il y a quelques Provinces qui se divisent en Bailliages. Le Bailliage de Locarno, le Bailliage de Lugano, appartenoient autrefois au duché de Milan, maintenant ils sont aux Suisses.

BAILLIE. s. f. Terme de Coutume. C’est un vieux mot, qui signifioit autrefois, tutèle, garde & administration ; régence, gouvernement, autorité ; avec cette différence, qu’on disoit bail ou baillie, pour tutèle en ligne collatérale, & garde-noble, ou bourgeoise, en ligne directe. Tutela pupillorum. On disoit autrefois, que les Rois mineurs étoient en baillie, quand leur éducation & l’administration de leur Etat, étoient commises à la Reine, ou aux Grands du Royaume.

Baillie, signifioit aussi ce qu’on appelle aujourd’hui bailliage ; c’est-à-dire, le territoire dans lequel chaque Bailli a le droit de rendre la justice. Prætoris peregrini, seu Balivii jurisdictio, Diœcesis. L’ancien Coutumier de Normandie porte que le Bailli n’a pas le pouvoir de faire justice hors de sa Baillie. Ce mot étoit très-commun dès le temps du Pape Innocent III ; car dans une de ses épîtres il est parlé de præposituræ, quas vulgariter Ballias vocant. Pasquier affirme que l’on ne commença à user du nom de Bailliage, que sous le règne du Roi Jean, & même fort sobrement. Cependant l’ancienne coutume de Normandie, qui fait mention de Baillie, qui est la même chose que Bailliage, a été rédigée par écrit sous Philippe le Hardi, qui régnoit avant le Roi Jean.

BAILLIE, pour BAILLIVE. s. f. Est la femme d’un Bailli. Ballivii uxor.

Vous irez visiter pour votre bien-venue,
Madame la Baillive, & Madame l’Elue. Mol.

La Fontaine a dit, Baillie.

Votre sœur paye à Frère Aubry,
La Baillie au Père Fabry. La Fontaine.

Nouvelle des Cord. de Cat. p. 22 du 2e to. de ses Contes.

Il faudroit toujours dire & écrire Baillie, par la raison alléguée au mot apprenti. Baillif d’où se formoit Baillive, est aujourd’hui hors d’usage. ☞ Quoiqu’il en soit, l’usage est pour Baillive ; & l’on ne trouve que ce mot dans le Dict. de l’Acad.

Baillie. s. f. Vieux mot. Puissance, Seigneurie. On a dit en ce sens balliva dans la basse latinité.

Touz li miens cuers remaint en sa Baillie.

Chastel de Coucy.

BAILLISEUR. s. m. Terme de Coutume. Bajulus. Dans l’ancienne Coutume d’Amiens bailliseur est un tuteur qui a la garde, la charge, & la tutèle des enfans nobles mineurs.

BAILLISTERIE. s. f. Terme de Coutume. Traditio, administratio. Ce mot se trouve dans la Coutume de Bourgogne, (Duché) & veut dire bail & administration. De Laurière.

BAILLISTRE. s. m. Vieux terme de Jurisprudence, qui signifioit autrefois tuteur, & celui qui avoit la garde-noble, ou bourgeoise de ses enfans. Tutor pupillorum. Il venoit de baillie, signifiant tutèle, garde & administration. Dans les vieux titres, & dans la plupart des Coutumes de France, on trouve souvent le mot de tuteurs, gardiens & baillistres.

Ménage dérive ces mots de baillivus, terme de la basse latinité, qui signifie juge, qui a été fait de bajulus, qu’on a dit d’abord d’un père nourricier qui porte son nourriçon, & qui a été étendu aux Pédagogues, & sur-tout à ceux des Princes, & ensuite à un tuteur & à un juge ; & même il a été dit des maris, comme étant tuteurs de leurs femmes. D’autres le dérivent du grec βουλευτήριον, qui signifie, curia, lieu ou l’on s’assemble.

Du Cange dit que dans la basse latinité on a dit bajulare’, pour dire, officium gerere ; & bajulus, pour dire, un tuteur ; bail, baillisire, & bailliseur, & bajula, pour dire, tutèle ou baillie ; & baliivius regni, pour dire, Prince Régent.

Baillistre. s. m. & f. Blanche de Navarre, veuve en 1201, de Thibaut Ve du nom. Comte de Champagne, fut ajournée comme bailistre de Thibaut VI, son fils, né posthume, pour répondre aux prétentions de Philippe de Chypre, sa cousine, & d’Erard de Brenne son mari. Le Roy, 2e Mem. pour le D. de Sully. Baillistre en cet endroit est comme Régente, & ayant l’administration du Comté pendant le bas âge de son fils. Id.

BAILLIVAGE. Voyez Balivage.

BAILLIVE. Voyez Baillie.

BAILLIVEAU. Voyez Baliveau.

BÂILLON. s. m. Pièce de bois ou de fer qu’on met dans la bouche d’un homme, ou dans la gueule d’un animal, pour l’empêcher de crier, ou de mordre. Lignum in os insertum, linguarium. ☞ Les voleurs mettent un bâillon à ceux qu’ils volent. Dans certains couvens on met le bâillon à ceux qui ont rompu le silence.

On dit figurément & populairement, qu’on met un bâillon dans la bouche de quelqu’un ; quand on le corrompt par argent, ou par quelque autre voie, pour l’empêcher de parler, de dire ce qu’il sait d’une affaire, dont on appréhende que le secret ne se découvre.

BÂILLONNER. v. a. Mettre un bâillon à une bête, à un animal, pour l’empêcher de mordre & de faire du bruit. Lignum in os animalis inserere. On le dit aussi des hommes à qui on met un bâillon pour les empêcher de parler. L’on m’avoit dit que tel Curé, tel Bailli de village, tel paysan avoient été ésaurillés, bâillonnés par les Polaques, lesquels j’ai su depuis se porter très-bien. Mascur.

Le Père Thomassin dérive ce mot de l’hébreu balam, claudere, obturare, constringere, c’est-à-dire, fermer, boucher, serrer ; ou de בעל, bahal aussi hébreu, qui veut dire, dominari, en françois, dominer, parce qu’on se rend maître de ceux qu’on bâillonne. Quelles étymologies !

☞ BÂILLONNÉ, ÉE. part. Homme bâillonné, chien bâillonné.

Bâillonné. Terme de Blason, se dit des animaux peints avec un bâton entre les dents, comme les lions, les chiens, les cochons, &c. Pictum animal inserto in os bacillo, ou insertum in os gerens baculum.

BAILLOQUES. s. f. pl. Plumes d’autruches, mêlées naturellement de brun obscur & de blanc.

☞ Le Dict. Encyc. dit bailloques, terme par lequel les Plumassiers désignent les plumes de couleurs mêlées, blanches & noires, par exemple.

☞ BAIN. s. m. Eau ou autre liqueur dans laquelle on se baigne, c’est-à-dire, dans laquelle on se met ordinairement nu, pendant un temps convenable, soit pour le plaisir & la propreté, soit pour la santé. Lavatio. Les Médecins ordonnent souvent le bain à leurs malades. Prendre le bain dans la rivière. Se mettre dans le bain. Demeurer dans le bain pendant long-temps.

L’usage du bain a passé d’Orient en Occident : on l’a même permis aux Moines. Le Père Martène, Bénédictin, rapporte dans son Traité des anciens rits des Moines, quelques statuts que S. Lanfranc fit sur le sujet des bains qu’on permettoit aux Moines. Suivant ces règlemens, un ancien Moine devoit avoir soin que tout fût prêt au lieu où l’on devoit prendre le bain, & qu’il y eût des valets pour le servir ; ensuite il avertissoit les Moines que tout étoit prêt : ils ne pouvoient y aller que depuis prime jusqu’à complies : lorsqu’ils étoient arrivés au bain, après s’être fait raser, ils se retiroient chacun dans un petit réduit fermé d’un rideau : ils y trouvoient une cuve, qu’il appeloient tine, tina, dans laquelle ils prenoient le bain en silence. Voyez encore Acta SS. Benedict. Sæc. I, p. 612 & Sæc. IV. Part. II, Præf. p. XCVII. Dans une assemblée des principaux. Abbés de France, tenue à Aix-la-Chapelle, dans le Palais de Louis le Débonnaire, le 10 Juillet 817, il fut résolu que l’usage des bains dans les Monastères dependroit des Prieurs. Chor. Saint Grégoire, Liv. XI, ép. 3, dit qu’il y avoit de son temps des gens qui prétendoient que le bain n’étoit pas permis le dimanche ; & il répond que si on le prend par volupté, il n’est jamais permis en aucun jour, mais que si c’est par nécessité, il n’est pas défendu même le dimanche. Saint Théodore Siceote reprenoit ceux qui alloient au bain après la sainte Communion. Fleur. ☞ L’usage des bains, sans rien établir contre l’honnête bienséance, permet tous les plaisirs que la vertu ne défend point.

Ce mot bain s’est formé du latin balneum, ou balineum, que Guichard dérive de l’hébreu, tabal טבל, tingere, intingere, mergere, immergere, lavare, c’est-à-dire, plonger, enfoncer dans l’eau, laver, en retranchant la première syllabe ט ta.

Bains, au pl. se dit par excellence des eaux chaudes & minérales qu’on ordonne pour la santé. Thermæ. Les bains de Bourbon, de Vichi, &c. Aux bains d’Hiesberg en Silésie, les eaux sont sulfurées, bleuâtres, & fort puantes.

Bain, se dit encore des bâtimens destinés pour se baigner. C’étoit chez les anciens, de grands édifices qui avoient plusieurs cours, & appartemens, dont les principales pièces étoient les salles du bain, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes, & au milieu de chaque salle il y avoit un bassin entouré de sièges & de portiques. A côté de chaque bain étoient des cuves d’où l’on tiroit de l’eau chaude, & de l’eau froide, pour composer la tiède. Ces bains servoient plus pour la volupté, que pour la santé. C’est de ceux-là principalement qu’est vrai ce que dit Rochefort : les bains sont de l’équipage de l’amour & de la volupté. Alexandre Sev. disoit en colère, Milites Romani amant, potant, lavant. On fait marcher en même rang balnea, vina, venus.

Les plus magnifiques, & dont il reste encore quelques débris, sont ceux de Titus, de Paul Emile & de Dioclétien. On prétend qu’à Rome il y avoit 856 bains, tant publics que particuliers. Il y a eu de beaux restes de bains antiques en plusieurs villes de France, comme à Nismes & à Orange. C’étoit une grosse tout ronde, soutenue sur de grands arcs ouverts du Septentrion au Midi, y en ayant deux de chaque côté, & bâtie de grosses pierres de taille ; & plus bas à droite & à gauche, on y voyoit de longues grottes voûtées de menues pierres, avec les lieux où étoient les bains. D. l. Pise. Ces bains artificiels sont encore fort en usage dans l’Orient. Il y a un appartement au Louvre qu’on nomme les bains de la Reine.

☞ Les bains publics s’appeloient Balineæ, balneæ, balnearia. Le bain de maison particulière. Balnearium, balneum.

Bain, est aussi la cuve, ou baignoire où on se baigne. Solium, labrum. On dit en ce sens, remplir, vider le bain. On le dit aussi de chaque fois qu’on se baigne. Il en coûte tant chez un tel pour chaque bain. Un demi-bain, labrum minus, est une petite baignoire où on ne met que la moitié du corps.

Bain, se dit aussi de la liqueur où l’on se baigne. Il y a des femmes qui se baignent dans un bain de lait, dans un bain d’eau rose. ☞ Bain dans le vin, dans une cuve de vendange. Bain avec des herbes fines, aromatiques.

Bain, se dit aussi par rapport à la disposition du lieu ou du temps où l’on peut prendre le bain commodément & agréablement dans quelque endroit. Le bain est bon, et dangéreux dans cette rivière, dans tel endroit de la rivière. Le bain est bon dans telle saison, dans tel temps.

☞ On le dit aussi relativement aux effets que le bain produit, ou qu’on en attend. Le bain est recommandé dans la néphrétique. Les Indiens disent que le bain pris dans certaines rivières efface entièrement les péchés. Lett. Édif.

On appelle en Médecine un bain vaporeux, ou étuve, lorsque les malades ne sont pas plongés dans une liqueur, mais qu’ils reçoivent seulement une vapeur, ou une exhalaison qui les échauffe & les fait suer. Laconicum, sudatio, sudatiorum. Il y a deux sortes de bain vaporeux, un humide & un sec. Le bain vaporeux humide n’est autre chose que la vapeur qui s’élève d’une liqueur simple, ou d’une décoction d’herbes qu’on fait recevoir aux parties malades sur une chaise percée, ou avec des entonnoirs, pour ouvrir les pores & provoquer les sueurs, dont on use particulièrement pour les maladies du fondement & de la matrice. Les matières du bain sont les mêmes que celles des fomentations. Le bain vaporeux sec est lorsqu’on provoque les sueurs parla simple chaleur du feu, ou par le moyen de briques, ou de cailloux bien chauds, qu’on met sous les aisseles, ou sous la plante des pieds, ou bien par ces mêmes cailloux ardens qu’on met dans un endroit étroit, où le malade est renfermé.

En termes de Médecine on appelle bains locaux, les fomentations qu’on applique sur quelque partie malade, parce qu’elles font le même effet sur une partie que le bain ou le demi-bain font sur plusieurs.

On dit en été, que l’eau qu’on donne à boire sans la rafraîchir, qu’elle est chaude comme un bain. On dit aussi en été, quand on voit un gros nuage, que c’est un bain qui chauffe. On appelle aussi un lieu où l’eau est sale & bourbeuse, bain de grenouilles, bain de crapauds. S. Amant a dit du Tibre, bain de crapauds, ruisseau bourbeux.

En termes de monnoies, être en bain, c’est être entièrement fondu. De l’or en baon, c’est de l’or entièrement fondu ; & quand il est prêt à fondre, on dit de l[or en pâte. On dit de même, de l’argent en pâte. Boizard

Bain, en termes de Chimie, se dit de plusieurs coctions, distributions, ou autres op&rations qui se font sur des matières propres à entretenir une chaleur douce. ☞ Ce sont les diverses matières dont on se sert pour communiquer de la chaleur à quelque substance.

Bain de cendres, quand le vase ou la cucurbite qui contient la matière que l’on veut distiller, est placé dans un pot où il y a des cendres, ensorte qu’il soit échauffé par la chaleur des cendres.

Bain-Marie, se dit d’un vaisseau plein d’eau chaude qui est sur le feu, où l’on met le vase qui contient les matières qu’on veut faire distiller. Distillation au bain-marie. Ferventis aquæ fornax distillatoria.

Bain vaporatoire ou Bain de vapeurs, balneum roris, quand le vaisseau où sont les matières sur lesquelles on opère, est exposé aux vapeurs de l’eau bouillante.

Bain de sable, bain de limaille, bain sec, balneum siccum, quand le vase qui contient la matière, est dans le sable, dans des limailles de fer, au lieu d’eau, qu’on a eu soin de faire chauffer auparavant.

On appelle encore en Chimie bain, une matière liquéfiée, rendue liquide & fluide, réduite en liqueur, de même qu’en termes de monnoies ci-dessus.

Bain-Marie, en termes de Philosophie hermétique, signifie toute autre chose que chez les Distillateurs ; car il veut dire que le fourneau philosophal, ou le mercure dans lequel le Roi & la Reine (le soleil & la lune) se baignent.

Bain-Marie. Terme de cuisine. On appelle faire chauffer ou cuire au bain-Marie, quand ce que l’on fait chauffer ou cuire n’est pas immédiatement sur le feu, mais trempe dans l’eau qui est sur le feu. C’est ainsi que l’on fait cuire des œufs au lait, du ris, &c.

On dit en Maçonnerie, qu’une cour est pavée à bain de mortier ; pour dire, qu’on y a mis du mortier abondamment, comme doivent être celles qui sont sur les caves.

Bain, dans les différens arts & métiers, se dit des liqueurs & des vaisseaux dans lesquels on donne quelques préparation aux différens ouvrages.

Bain, en termes de Teinturiers, se dit d’une cuve pleine d’eau & de drogues servant à la teinture, dans laquelle on trempe ou on fait bouiller les étoffes qu’on veut teindre. Le bain d’alun se doit donner à froid, parce que sa chaleur perd le lustre de la soie, & la rend rude & âcre. Un bain de cochenille, de garence. Il y a aussi des demi-bains.

Bain, chez les Plumassiers. C’est une poêle de cuisine dans laquelle ils jettent ou plongent les plumes qu’ils veulent mettre en couleur. Ils donnent aussi ce nom à la matière colorante contenue dans la poêle.

Bain. Ordre Militaire en Angleterre, institué par Richard II, au XIVe siècle. Richard régla qu’il n’y auroit que quatre Chevaliers du bain ; mais Henri IV, son successeur, en augmenta le nombre jusqu’à 46. La marque des Chevaliers du bain étoit l’Ecu de soie bleue céleste en broderie, chargé de trois couronnes d’or, avec ces mots, Tres in uno ; c’est-à-dire, Trois dans un, pour marquer les trois vertus théologales. Ces Chevaliers avoient coutume de se baigner avant que de recevoir les éperons d’or ; coutume qui ne se garda qu’au commencement de l’Ordre, & se perdit ensuite peu-à-peu. C’est de là que leur vint leur nom. On ne donne guère l’Ordre du bain, que dans la cérémonie du sacre des Rois, ou de l’inauguration du Prince de Galles, ou du Duc d’Yorck. Il paroît par un manuscrit cité par Du Cange, qu’on ne faisoit les Chevaliers du bain qu’en temps de paix. Le titre du manuscrit est, ci-après ensuite l’Ordonnance, & manière de créer & faire nouveaux Chevaliers du bain au temps de paix, selon la coutume d’Angleterre. Cela se fait, dit Larrey, avec de grandes cérémonies. Justiniani les décrit dans son Hist. des Ordr. milit. Tom. I, ch. 15, p. 151. La Messe, la Confession, la Communion, n’y sont pas oubliées. Il décrit aussi fort en détail leurs habits, leurs ornemens, leurs devoirs, &c. Quand les chevaliers prêtent le serment de fidélité dans la Chapelle de Henri VII, ils sont vêtus d’un habit d’Hermite avec des sandales ; ensuite on les revêt d’une robe magnifique, & le Roi leur fait quelquefois l’honneur d’aider à leur mettre les éperons. Ils portent un ruban rouge en écharpe. Cabden, & d’autres après lui, font Henri IV Auteur de cet Ordre en 1399. Cet Auteur dit que ce Prince étant au bain, fut averti par un Chevalier, que deux femmes veuves venoient lui demander justice. Il sortit sur le champ du bain, en disant qu’il devoit préférer de rendre justice à ses Sujets, au plaisir du bain, & ensuite il institua cet Ordre.

Joseph de Michieli, Auteur Espagnol, le P. André Mendo, & Jean Caramuel, suivent l’opinion de Cambden. Francesco Rédi, & après lui Justiniani, prétendent que Cambden se trompe, que cet Ordre est beaucoup plus ancien. Ils se fondent sur l’ancien manuscrit rapporté par M. Du Cange, & dont nous avons parlé ; mais ce manuscrit ne prouve rien. D’autres disent seulement qu’on attribue cette institution à Henri IV, au lieu de Richard II, parce que Henri augmenta l’Ordre, & lui donna une nouvelle forme, peut-être à l’occasion que Cambden raconte. Justiniani montre que cet Ordre avoit passé d’Angleterre en France & en Italie, & rapporte un titre curieux sur cela Voyez Froissard, Matthieu Paris, Spencerus, Cambden, Salmonet, & Justiniani, qui a ramassé tout ce que les autres ont dit, Hist. di tutti l’Ord. milit. T. I, c. 150, edit. in-fol. qui est la meilleure & la plus ample. Nicod. Uptonus, De Officio militari. Lib. I, c. 3. Thomas Smith, de Republ. Angl. Lib. I, cap. 17. & André Favin, Théâtre d’honneur. Liv. V.

En 1725, le roi George rétablit l’Ordre du bain, & nomma 36 Chevaliers. Il se déclara Souverain de cet Ordre, & y associa le Prince Guillaume son petit-fils, & fit le Duc de Montaigne Grand-Maître.

Sans qu’il y eût un Ordre du bain, le bain a été en usage en France dans la création des Chevaliers ; & de vieux titres marquent que c’étoit au Grand Chambellan à préparer les bains des nouveaux Chevaliers, desquels les robes qu’ils avoient vêtues entrant auxdits bains, lui appartenoient. Du Tillet. Rec. des Rois de France, pag. 415. Voyez Du Cange au mot Miles, où il décrit toute cette cérémonie, d’après un vieux titre qu’il corrige en bien des endroits. Acosta, dans son Hist. des Indes, Liv. VII, ch. 27, dit qu’au Mexique les Prêtres lavent ou baignent les enfans des Seigneurs, avant qu’on leur fasse la cérémonie de leur ceindre le baudrier militaire. S. Grégoire de Nazianze dit qu’on initioit aussi par une semblable cérémonie les étudians dans l’Académie à Athènes.

Bain. Gros village de Lorraine. Ce lieu est distingué par trois sources d’eaux minérales, qui sont limpides & insipides. La première source est la plus abondante & la plus chaude ; elle surpasse même la source de Plombière. elle remplit le seul bassin qui est dans ce village. Ce bain a été bâti par les anciens Romains ; son ciment est encore plus dur que le roc. S. A. R. Léopold I y a fait travailler en 1713. La seconde source n’est que tiède : elle sort au côté gauche du bassin, vers le milieu, par un robinet attaché à une pyramide de pierre de taille, & au niveau de la marche du milieu du bassin. La troisième source chaude usuelle est située au-delà du ruisseau : elle sort d’un jardin par un canal de bois. Cette eau est tiède, elle a une légère acidité au goût après l’avoir bûe. Par diverses opérations de chimie, on a observé que ces eaux chaudes participent des parties spiritueuses de beaucoup de soufre bitumeux, de sel volatil talqueux, qui font 40 grains par pinte. Il est beaucoup plus modéré que celui qu’on a tiré des eaux de Plombière. Il ferment foiblement avec les acides. On voit encore à Bain au bas d’un pré près du ruisseau, des vestiges d’un ancien bain appelé Bain Casquin. Les sources chaudes de ce bain sont à présent fort divisées. Les eaux chaudes minérales & les bains de Bain, quoiqu’un peu plus foibles que celles de Plombière, conviennent aux mêmes malades que ceux qu’on envoie à Plombière, à la réserve néanmoins des Paralytiques.

Cet article est tiré entièrement des Mémoires de M. Mengin, premier Médecin Ordinaire de S. A. R. le Duc de Lorraine.

BAJOARIEN, ENNE. s. m. & f. Nom de peuple. Quelques Auteurs disent que c’est la même chose que Boïen, ou Bavarois : Voyez ce mot. Plusieurs croient, & il est fort vraisemblable, que ce fut dans cette même expédition, (qui suivit la bataille de Tolbiac) que les Bajoariens, ou Bavarois, voisins des Allemands, furent soumis à l’Empire des François. P. Daniel. Selon d’autres les Bajoariens ne sont point les mêmes que les Boïens. Les Bajoariens étoient Allemands. Après la mort du roi Théodoric, ils s’emparerent du Norique, depuis la Pannonie jusqu’à la Suabe, & depuis l’Italie au Midi jusqu’au Danube du côté du Septentrion. Voyez De Valois, Rerum Francic. Lib. XXIII. p. 461.

BAJOIRE. s. f. Terme de Médailliste & de Monnoyeur. C’est une médaille ou monnoie qui a une empreinte de deux têtes en profil, dont l’une avance sur l’autre ; comme on en voit de Louis & de Carloman, du roi Henri IV, & de sa femme, & une infinité d’autres. Quelques-uns croient que ce mot vient de baisoire, à cause que les joues de ces deux têtes se baisent, & sont jointes à l’autre. Voyez Baisoir.

BAJOLE. s. m. & f. Nom de Secte. Bajolus. Voyez Bagnole.

BAÏONE. Voyez Bayone.

BAÏONNETTE. s. f. Voyez Bayonnette.

BAÏONNIER. s. m. Voyez Bayonnier.

BAJOQUE. s. f. Petite monnoie d’Italie, qui est la dixième partie d’un jule.

BAJOU. s. m. Terme de Charpenterie. C’est la première ou la plus haute des planches, ou barres du gouvernail d’un bateau foncet. Quelques-uns disent & écrivent bajoue au féminin.

BAJOUE. s. f. Partie de la tête d’un cochon, qui s’étend depuis l’œil jusqu’à la machoire. Mala.

On appelle par injure, bajoue, une personne qui a les joues avalées & pendantes. Terme de halles.

BAJOUES. Terme de Vitrier. Ce sont des éminences, ou bossages qui tiennent aux jumelles de la machine nommée Tire-Plomb, dont les Vitriers se servent pour apprêter le plomb qu’ils emploient aux vitres. On les appelle autrement coussinets.

☞ BAJOYERS, ou JOULLIÈRES. s. f. pl. En Hydraulique sont les ailes de Maçonnerie, qui revêtissent la chambre d’une écluse fermée aux deux bouts, par des portes ou des vannes qu’on leve à l’aide des calles qui filent sur un treuil, que plusieurs hommes mnœuvrent. Encyc. On donne aussi sur les rivières, le nom de Bajoyers aux bords d’une rivière, près les culées d’un pont.

BAIQUE. s. f. Les Flamands donnent ce nom à cette espèce d’étoffe de laine, que les François appellent Bayette ou Baguette.

BAIRAM. s. m. Terme de Ralation. Fête des Turcs, qu’ils célèbrent après le jeûne du Ramazan. Ils célèbrent deux bairams tous les ans : l’un qui suit immédiatement le Ramazan, comme dans l’Eglise Catholique Pâque suit le carême, & ils l’appellent le grand bairam : l’autre qu’ils nomment le petit bairam, ne vient que 70 jours après. Le bairam dure trois jours, pendant lesquels on ne travaille point : on se fait des présens les uns aux autres, & on se réjouit. si le jour qui suit le Ramazan, est obscur, ensorte qu’on n’ait pu voir la nouvelle lune, on differe le bairam au lendemain, & il commence ce jour-là, quand même la lune seroit encore couverte de nuages. Lorsqu’ils célèbrent le bairam, après avoir fait une infinité de cérémonies, ou plutôt de singeries étranges dans leurs mosquées, ils achevent cette belle fête par une prière solennelle, qu’ils font contre les fidelles, par laquelle ils demandent à Dieu qu’il lui plaise exterminer entièrement les Princes chrétiens, ou les armer les uns contre les autres, afin que par cette mauvaise intelligence ils puissent étendre les bornes de leur loi & de leur Empire. Dan. Hist. de Barb. M. d’Herbelot écrit beiram. Voyez ce mot.

☞ BAIS. Ville d’Afrique, dans le Zanguébar, sur la mer, entre les villes de Sophala & de Montbase, très-peuplée & très-marchande.

BAISE-MAIN. s. m. Offrande qu’on fait à un Curé en allant baiser la paix. Donarium. Les Curés de Paris n’on que le baise-main, qui vaut mieux que les dîmes des Curés de la campagne. Cette expression vient de ce qu’autrefois, en se présentant à l’offrande, on baisoit la main du Célébrant. C’est en cette seule occasion, que le mot de baise-main a un singulier. Vaug.

L’Académie dit que ce terme n’a présentement d’usage au singulier qu’en matière féodale, & qu’il se dit de l’hommage que le vassal rend au Seigneur de fief, en lui baisant la main. Il ne doit que le baise-main.

☞ BAISE-MAINS, au pluriel, se dit pour complimens, recommandation. Officiosa verba. Faire ses baise-mains à quelque’un. Mes baise-mains à un tel, s’il vous plaît. Salutem à me dic plurimam. Vos baise-mains ont été bien reçus, agréés.

On a aussi appelé baise-mains, certains deniers d’entrée qu’on donnoit au Seigneur foncier, quand il faisoit quelque arrentement : ce qu’on appelle aujourd’hui Pot de vin.

On appelle encore baise-main à Constantinople, l’audience que le Grand-Seigneur donne aux Ambassadeurs ; parce qu’autrefois les Ambassadeurs baisoient la main