Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/981-990

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Fascicules du tome 1
pages 971 à 980

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 981 à 990

pages 991 à 996


brûler du bois, & l’on recouvre tout cela du charbon qu’on a tiré du trou. On l’y laisse environ quatre heures, où il cuit beaucoup mieux que dans un four, & voilà ce qu’on appelle en Amérique un boucan de tortue.

En quelques ports de Normandie, on dit d’un lieu où il fume beaucoup, c’est un vrai boucan. Il y fume comme dans un boucan.

Boucan, chez nous, synonyme de bordel, signifie un lieu de débauche. Lustrum, lupanar, fornix. Fréquenter les boucans. Ce mot est populaire & déshonnête, fait pour les gens qui y vont.

BOUCANER, v. a. Faire cuire du poisson, ou de la viande à la manière des Sauvages, & les faire sécher, à la cheminée, ou les faire sorer sans sel. Fumo siccare pisces vel carnes. On les desseche aussi sur une espèce de gril fait de bâtons élevé de trois pieds au-dessus du feu ; & cette sorte de gril s’appelle boucan. On dit aussi boucaner des cuirs ; pour dire, les préparer à la manière des Sauvages ; & simplement, boucaner ; pour dire, aller à la chasse des bœufs sauvages ou autres bêtes, pour en avoir les cuirs. Dans cette acception, boucaner est neutre.

Boucaner, est aussi un verbe neutre, qui se dit de ceux qui fréquentent les lieux de prostitution & de débauche. Scortari. C’est un infâme qui ne fait que boucaner. Ce terme est bas & déshonnête.

BOUCANÉ, ÉE. part. Préparé au boucan, à la fumée & au feu, à la manière des Sauvages. Fumo siccatus. La viande boucannée a un goût si excellent, qu’on la peut manger en sortant du boucan sans la faire cuire. Elle est vermeille comme la rose, & a une odeur admirable ; mais elle ne dure que très-peu dans cet état, & six mois après avoir été boucanée, ou fumée, elle n’a plus de goût que de sel. Oexmelin. Il a des habitans qui envoient en ces lieux leurs engagés, lorsqu’ils sont malades, afin qu’en mangeant de la viande fraîche, qui est une bonne nourriture, ils se puissent remettre en santé, Id.

BOUCANIER. s. m. Qui fait boucaner les viandes, ou celui qui vit de viande, ou de poisson apprêtés de la sorte. Qui fumo pisces, vel carnes exsiccat. On a appelé ainsi les François de l’Île S. Dominique, tandis qu’ils y étoient vagabonds & sans maisons.

Boucanier, se dit adjectivement pour ce qui appartient aux Boucaniers. Ainsi le Capitaine qui a fait la Relation du voyage aux Terres Australes, entrepris en 1738, dit un fusil boucanier. Nous apperçûmes cette île à une portée de fusil boucanier.

Voici ce que l’histoire des Flibustiers & Boucaniers, T. I, P. I, Ch. 8. dit de l’origine de ces mots. Les Caraïbes Indiens naturels des Antilles ont accoutumé de couper en pièces leurs prisonniers de guerre, & de les mettre sur des manières de claies, sous lesquelles ils mettent du feu. Ils nomment ces claies Barbacra, & le lieu où elles sont, boucan, & l’action, boucaner, pour dire, rôtir & fumer tout ensemble. C’est delà que nos Boucaniers ont pris leur nom, avec cette différence qu’ils font aux animaux ce que les Indiens font aux hommes. Les premiers qui ont commencé, étoient habitans de ces Îles, & avoient conversé avec les Sauvages. Ainsi par habitude lorsqu’ils se font établis pour chasser, & qu’ils ont fait fumer de la viande, ils ont dit boucaner de la viande, & ont nommé le lieu boucan, & les acteurs Boucaniers. Les Espagnols appellent les leurs Matadores de Toros, Tueurs de Taureaux, & le lieu, Materia, Tuerie. Ils les appellent aussi Monteros, Coureurs de bois. Les Anglois nomment les leurs Cow-slayers, Tueurs de vache.

Les Boucaniers ne font point d’autre métier que de chasser. Il y en a de deux sortes. Les uns ne chassent qu’aux bœufs, pour en avoir les cuirs; les autres aux sangliers, pour en avoir la viande, qu’ils salent & vendent aux habitans. Tous ont le même équipage & la même manière de vivre. Les Boucaniers qui chassent aux bœufs, sont ceux qu’on nomme véritablement Boucaniers, car ils se distinguent des autres qu’on appellent Chasseurs. Leur équipage est une meute de 25 à 30 chiens, dans laquelle ils en ont un ou deux Veneurs, qui découvrent l’animal. Ils ont avec cette meute, de bons fusils qu’ils font faire en France. Leurs habillemens sont deux chemises, un haut de chauffes, une casaque, le tout de grosse toile, & un bonnet d’un cul de chapeau ou de drap, où il y a un bord seulement devant le visage, comme celui d’un Carapoux. Ils font leurs souliers de peaux de porc & de bœuf, ou de vache. Ils ont avec cela une petite tente de toile fine, afin qu’ils puissent la tordre facilement, & la porter avec eux en bandoulière ; car quand ils sont dans les bois, ils couchent où ils peuvent, & cette tente les défend des moucherons. Ils se joignent toujours deux ensemble, & se nomment l’un & l’autre Matelot. Ils mettent en communauté ce qu’ils possedent, & ont des valets qu’ils font venir de France, dont ils payent le passage, & les obligent de les servir trois ans : ils les nomment Engagés.

Les Boucaniers qui ne chassent qu’aux sangliers, ont leur équipage comme ceux dont on vient de parler. Lorsqu’ils sont venus le soir de la chasse, chacun écorche le sanglier qu’il a apporté, & en ôte les os : il coupe la chair par aiguillettes longues d’une brasse, ou plus selon qu’elle se trouve. Ils la poudrent de sel fort menu ; ils la laissent ainsi jusqu’au lendemain quelquefois moins, selon qu’elle a pris sel, & qu’elle jette sa saumure. Après ils la mettent au boucan.

Ce boucan est une loge couverte de taches qui la ferment tout autour. Il y a 20 ou 50 bâtons gros comme le poignet, & longs de sept à huit pieds, rangés sur des travers environ à demi-pied l’un de l’autre. On y met la viande, & on met force fumée dessous, où les Boucaniers brûlent pour cela toutes les peaux de sangliers qu’ils tuent, avec leurs ossemens, afin de faire une fumée plus épaisse. Cela vaut mieux que du bois seul; car le sel volatil qui est contenu dans la peau, & dans les os de ces animaux, s’y vient attacher ; aussi cette viande a un goût si excellent, qu’on la peut manger en sortant de ce boucan, sans la faire cuire. Oexmelin. La récompense que les Boucaniers donnent à leurs valets, lorsqu’ils ont servi trois ans, c’est un fusil, deux livres de poudre, six livres de plomb, deux chemises, deux caleçons, & un bonnet ; & après qu’ils ont été leurs valets, ils deviennent leurs camarades, & vont aussi chasser avec eux. Id. Les Boucaniers vivent fort librement entre eux, & se gardent une grande fidélité. Id.

Les Boucaniers ou Matadores Espagnols, chassent d’une autre manière que les François. Ils ne se servent point d’armes à feu, mais de lances & de croissans. Ils ont des meutes comme les François. Quand ils chassent, il y a deux ou trois valets, qui suivent & animent les chiens; & quand ils ont trouvé un taureau, ils le poussent dans une prairie, où le Boucanier se trouve monté à cheval, qui court lui couper le jarret, & après le tue avec sa lance. Cette chasse est très-plaisante à voir ; car outre que ces gens y sont adroits, ils font autant de cérémonies & de détours, que s’ils vouloient courir le taureau devant le Roi d’Espagne ; mais ces animaux étant en fougue crèvent des chevaux, blessent & tuent des hommes. Id. Les Boucaniers Espagnols ne se donnent pas tant de peine que les François. Ils font sécher leurs cuirs comme eux ; mais ils se servent de chevaux pour les porter. Ils préparent leurs mets avec plus de délicatesse, & ne mangent point leur viande sans pain ou cassave, outre qu’ils ont toujours avec du vin, de l’eau-de-vie, ou des confitures. Ils sont aussi dans leurs habits infiniment plus propres, & fort curieux d’avoir du linge blanc, Oexmelin, Histoire des Avent. Flibustiers & Boucaniers.

Fusil de Boucaniers. C’est le fusil dont se fervent les Boucaniers, & dont la monture est autrement faite que celle de nos fusils ordinaires. Les meilleurs fusils de Boucaniers se font à Dieppe & à Nantes. Ces fusils sont de quatre pieds & demi pour le canon. Ils sont tous d’un calibre tirant une balle de seize à la livre. Poudre de Boucaniers, c’est la plus excellente poudre dont se servent les Boucaniers, & qui se fait à Cherbourg, en basse Normandie. Ils en portent ordinairement 15 ou 20 livres. Ils la mettent dans des calebasses, bien bouchées avec de la cire, de crainte qu’elle ne soit mouillée. Oexm.

☞ BOUCARO. s. m. Espèce de terre sigillée, rougeâtre, qui vient d’Espagne, où elle s’appelle Boucaros. On en fait différens vases, tels que des pots, des théières, &c. Acad. Fr.

BOUCASSIN. s. m. Etoffe de coton, ou de lin, qui est entre le treillis & le bougran, qui sert aux doublures, qui est mise en œuvre comme la laine. Linteum textum, à sullone subactum ac tinctum.

BOUCASSINÉ, ÉE. adj. Fait à la manière du boucassin. Il n’est en usage qu’avec le mot de toile. De la toile boucassinée. Acad. Fr.

BOUCAUT. s. m. Mot dont on se sert en quelques endroits, & qui signifie un moyen tonneau ou vaisseau de bois servant à renfermer diverses sortes de marchandises, sèches & liquides. On le dit aussi de la chose qui y est contenue. Boucaut de vin, de girofle, de cannelle. On a dit aussi bouchel pour dire, un barril à vin. Voyez Boucal.

Boucaut, est aussi le nom que l’on donne à l’embouchure de quelque rivière comme celle des Basques & des Landes.

☞ BOUCHAGE, s. m. C’est dans les grosses forges, une certaine quantité de terre détrempée & pétrie, dont on se sert pour fermer la coulée. Voyez Coulée.

BOUCHAIN. Ville des Pays-Bas, dans le Hainaut, sur l’Escaut. Bocanium. Bouchain fut bâtie par Pépin, en mémoire de la victoire qu’il remporta en ce lieu sur Théodoric, Roi des Goths. Phil. Petit, Dominicain, a fait l’histoire de Bouchain, imprimée à Douay, en 1659, in-8°.

☞ BOUCHARA. Voyez Bokharah.

BOUCHARDE. s. f. Outil de Sculteur en marbre, qui est une espèce de ciseau taillé en plusieurs pointes de diamant fort acérées. Scalprum cuspidatim sectum. On se sert de cet outil, quand on veut faire dans le marbre un trou d’égale largeur, à quoi les outils tranchans ne seroient pas propres. On frappe sur la boucharde avec la masse, & les pointes mettent le marbre en poudre, en le meurtrissant. Cette poudre sort par le moyen de l’eau qu’on verse de temps en temps dans le trou, à mesure qu’on le creuse ; ce qui empêche le fer de s’échauffer, & l’outil de perdre la trempe. Ceux qui travaillent avec la boucharde, la passent dans un morceau de cuir percé, afin que l’eau ne leur rejaillisse pas au visage.

☞ BOUCHARIE. Voyez Buccarie.

☞ BOUCHAUD. Abbaye de France, dans le Périgord, ordre de Cîteaux.

BOUCHE, s. f. ☞ Partie du visage de l’homme par où sort la voix, & par où se reçoivent les alimens. Elle est composée des lèvres, des gencives, & des dents, du dedans des joues, & du palais. Os. Toutes ces parties, excepté les dents, sont tapissées d’une tunique glanduleuse où sont les conduits excrétoires de la salive, qui entretient dans la bouche & dans toutes ses parties l’humidité & la souplesse. Voyez Salive.

☞ La bouche de presque tous les animaux s’appelle gueule.

Les morceaux trop hâtés se pressent dans la bouche. Boil. On dit, dire de bouche de vive voix, parler bouche à bouche ; pour dire, parler à la personne même à qui on veut faire savoir quelque chose. Il est plus expédient de consulter de bouche que par écrit. Ablanc. Lorsque nous sommes ensemble, & que nous nous disons tout ce qui nous vient à la bouche, pour dire, lorsque nous nous parlons sans contrainte. Vous me l’avez arraché de la bouche, malgré la résistance de ma raison, (S. Evr.) pour dire, vous m’avez forcé de parler, & de vous dire ce que je devois taire. Il m’a mis dans la bouche un nouveau cantique. Port-R. Je n’ai point eu la bouche fermée, quand il a fallu parler de vos merveilles. Id.

☞ On dit qu’une nouvelle va de bouche en bouche, per manus, de manu in manum, pour dire, qu’elle devient publique.

Oui, malgré les obscurités
Qui nous cachent des vérités,
Mon cœur n’en doute point, ma bouche les confesse. L’Abbé Tétu.

Fuyez donc ces amis dont la bouche timide
N’a pour tous les absens qu’un silence perfide. Vill.

Mais un cœur pour parler n’a-t-il qu’un interprète ?
Ne dit-on rien des yeux, quand la bouche est muette ? Racine.

Un Auteur ne fait pas de faciles conquêtes,
Il trouve à le siffler des bouches toujours prêtes.

Boileau


☞ On appelle poëtiquement la Renommée, la Déesse aux cent bouches.

On dit d’une grande bouche, qu’elle est fendue jusques aux oreilles. Rictum habere diductum vastius. On dit, faire la petite bouche ; pour dire, affecter de faire paroître qu’on a la bouche petite, Elegantiorem oris parvi compositionem affectare. On le dit aussi pour faire paroître qu’on est petit mangeur, qu’on est délicat au choix des viandes. Inter vescendum delicias facere, præferre exigui cibi laudem & gloriam. On le dit figurément d’un homme qui ne veut pas s’expliquer clairement, qui ne veut pas dire tout ce qu’il fait d’une affaire ; & au contraire, on dit qu’il n’en fait pas la petite bouche ; pour dire, qu’il déclare franchement tout ce qui en est. Mais tout cela est du style familier. L’Abbé de Choisi, dans sa Relation du Voyage de Siam, dit que la Reine de Siam fait coudre la bouche aux Dames de sa Cour, quand elles parlent trop en sa présence ; & qu’elle la leur fait fendre jusqu’aux oreilles, quand elles ne parlent pas assez. Quand on voit un morceau délicat, l’eau en vient à la bouche. La raison est, que comme les esprits qui sont dans les nerfs du nez & des yeux, ne sauroient être considérablement ébranlés par l’odeur de quelque morceau délicat qui les frappe, ou par les espèces de quelque chose qui a flatté notre goût, sans que cet ébranlement passe bientôt à la bouche, il arrive que les conduits salivaires, qui sont alors pressés par la contraction des anneaux nerveux qui les environnent, font couler la salive, qui est rendue plus liquide par les esprits qui s’y mêlent alors, & qui la font quelquefois pétiller. On dit proverbialement d’une chose qui se mange, & dont on a envie, que l’eau en vient à la bouche, pour marquer l’envie qu’on en a.

☞ On le dit figurément de ce qui est agréable, & qui donne quelque idée de plaisir.

Bouche, le dit aussi des personnes qu’il faut nourrir. Il a tous les jours cent bouches à nourrir. Centena ad mensam capita. On a chassé de la ville les bouches inutiles, c’est-à-dire, ceux qui étoient incapables de défenses. Il y a plus de cent mille bouches à l’armée.

En ce sens on appelle dépense de bouche, celle qu’on fait seulement pour la nourriture de soi & de sa famille. Nous avons pris sur notre bouche la dépense de ses funérailles. (Patru.) pour dire, nous avons pris sur la dépense de bouche, pour fournir aux frais de ses funérailles.

On dit aussi populairement, qu’un homme est sujet à la bouche, qu’il est sur la bouche ; pour dire, qu’il est gourmand. Gulæ deditus, vorax, gulæ parens. On dit qu’un homme s’est ôté le morceau de la bouche, pour dire qu’il s’est privé du nécessaire. On dit qu’une chose fait bonne bouche, quand elle laisse un bon goût dans la bouche. Edulium palato blandiens, ou grati odoris. On dit aussi, garder une chose pour la bonne bouche, pour dire, garder la meilleure chose pour la servir la dernière, On dit figurément, qu’on laisse les gens sur la bonne bouche, quand on interrompt le discours à l’endroit qui est le meilleur, & qui est le plus attendu. ☞ On le dit en général, de ce qu’on reserve d’agréable pour la fin.

Flux de bouche, se dit non seulement de ceux qui crachent beaucoup, ou de ceux à qui on provoque la salivation par des remèdes, salive profluvium ; mais encore dans le sens figuré, de ceux qui parlent beaucoup, qui ne peuvent se taire. Loquendi profluentia. On dit figurément, fermer la bouche à quelqu’un, lorsqu’on lui défend de parler, ou qu’on lui coupe la parole, & qu’on le corrompt par l’espérance de quelque récompense, comme quand on dit, on lui a fermé la bouche avec de l’argent : on le dit aussi, quand on lui apporte des raisons si convaincantes, qu’il ne sauroit y répondre. Occludere linguam alicui.

Au contraire, on dit qu’un homme n’ose ouvrir la bouche, pour dire, qu’il n’ose se plaindre des maux qu’il souffre, des violences qu’on lui fait : on le dit aussi pour exprimer qu’il est timide & honteux, qu’il n’ose dire son sentiment dans les compagnies où il se trouve. Mutire nihil audet.

Bouche, se dit aussi des ouvertures par lesquels les fleuves se déchargent dans la mer. Ostium. Damiette est sur une des bouches du Nil. Le Danube se décharge par sept bouches dans le Pont-Euxin. On le donne aussi à l’entrée des Golfes & des Détroits ; les bouches de Bexinora, entre les îles de Sardaigne & de Corse ; la bouche du Golfe de Venise. T. Corn.

Bouche, en termes d’Organiste, se dit de l’ouverture d’un tuyau qui donne libre entrée au vent. Hiatus. Elle est large de la quatrième ou cinquième partie de sa grosseur. On la nomme ainsi parce qu’on dit que les tuyaux parlent ; on l’appelle quelquefois lumière.

Bouche, se dit figurément. Les plaies d’un homme assassiné, sont autant de bouches muettes qui demandent vengeance. Ora.

Sa valeur en cet état réduite
Me parlait par sa plaie, & hâtoit ma poursuite :
Par cette triple bouche elle empruntait ma voix.
Corneille.

Les trophées, les grands monumens, sont autant de bouches qui annoncent la gloire des Héros. Les charités que nous faisons aux pauvres, sont autant de bouches qui prient Dieu pour nous.

Bouche, signifie aussi chez les Rois & les Princes, ce qui regarde leur boire & leur manger. Quidquid ad quotidianam Principis mensam pertinet. Les Officiers de la bouche. Le vin de la bouche. Aller à la bouche du Roi ; c’est-à-dire, au lieu où on lui prépare son manger. Bouche en ces phrases signifie un des sept offices de chez le Roi, qu’on appelle aussi Cuisine-Bouche, pour le distinguer du gobelet, Qui est un autre office : les Officiers de ces deux offices ne travailleur que pour la personne du Roi, & ne servent que Sa Majesté. On appelle absolument la Bouche, les Officiers de la bouche du Roi. La Bouche est partie. On dit d’un mets qu’on veut bien priser, quand ce seroit pour la bouche du Roi, je n’en donnerois pas de meilleur. On dit aussi, avoir bouche à Cour ; pour dire, être nourri aux tables & aux dépens des Princes & des Grands Seigneurs. Quotidianæ mensæ jus habere apud Principem.

On dit en Cour de Rome, ouvrir la bouche aux Cardinaux, en parlant d’une cérémonie qui se fait dans un Consistoire secret, où le Pape ferme la bouche aux Cardinaux qu’il a nouvellement nommés, ensorte qu’ils ne parlent point, quoique le Pape leur parle ; ils sont privés de toute voix active & passive jusqu’à un autre Consistoire, où le Pape leur ouvre la bouche, & leur fait une petite harangue, pour leur montrer de quelle manière ils doivent parler, & se comporter dans le Consistoire.

En termes de Palais, on dit, ouir un homme par sa bouche, lorsqu’il comparoît en personne, & non par Procureur. On dit qu’un vassal doit à son Seigneur la bouche & les mains, pour dire, qu’il lui doit un hommage, aveu & soumission : ce qui se fait non-seulement de la bouche & par paroles ; mais aussi des mains, en mettant ses mains dans les mains de son Seigneur féodal. Beneficiariæ possessionis obligatio. Clientelæ professio ore facta & manu.

Bouche, en termes de Manège, se dit des chevaux, & de la sensibilité qu’ils ont en cette partie, où on leur met le mors. On dit qu’ils ont la bouche fine, tendre, légère, loyale quand ils s’arrêtent pour peu qu’on lève la main. Os eruditum ac docile. Une bouche fausse est celle qui n’a aucune sensibilité. Sensu carens. Une bouche forte, ruinée & désespérée, se dit des chevaux qui n’obéissent point, qui s’emportent. Durum atque asperum. Une bouche assurée, est celle qui ne bat, qui ne pese jamais à la main. Tractabile. On appelle un cheval sans bouche, celui qui n’obéit point au Cavalier. Indocile, intractabile. Bouche chatouilleuse, est celle qui craint trop le mors. Delicatum, tenerum. Bouche à pleine main, est celle qui a l’appui assuré, & qui souffre qu’on tourne la main sans le cabrer, ni peser sur le mors. Patiens. Bouche au-delà de pleine main, ou plus qu’à pleine main, est celle d’un cheval qui a de la peine à obéir. Durum, difficile, frœni impatiens. Le cavesson doit être fort serré, & bien doublé d’un cuir double pour le moins, de peur qu’il ne blesse le cheval ; car bien que ce soit un vieux proverbe, que nez saigneux fais bonne bouche, je luis fort allure que si on ne lui fait point mal au nez, la bouche n’en sera que meilleure. Newc. Les imperfections de la bouche des chevaux sont, 1°. lorsque le cheval tire en haut & suce la langue, 2°. quand il la met par-dessus le mors, 3°. lorsqu’il la double autour du mors, 4°. quand il la laisse pendre hors de la bouche, soit tout droit en avant, ou de l’un des deux côtés. Le cheval ne reçoit aucun préjudice de tous ces vices auxquels il n’y a point de remèdes. Idem. p. 426 & suiv.

En ce sens, on dit figurément d’un homme, qu’il n’a ni bouche ni éperon ; pour dire, qu’il n’est bon à rien, qu’il ne sait rien faire, qu’il est stupide & insensible ; & on dit qu’un homme est fort en bouche non-seulement quand il est difficile à conduire, mais aussi quand il est violent en paroles, qu’il parle beaucoup, avec hauteur, ou qu’il s’emporte à dire des injures.

Bouche. Terme de Conchyliologie. Il se dit de l’ouverture par laquelle les coquillages prennent leur nourriture. Os conchæ. Généralement tous les coquillages ont l’ouverture de la bouche à droite, & il n’y en a que cinq ou six espèces dans lesquelles cette ouverture se trouve à gauche, & que l’on nomme ordinairement uniques, à cause de cette singularité. Gersain.

Il y a encore d’autres animaux, à l’égard desquels on se sert du mot de bouche. Rondelet, dans son Histoire des poissons, dit bouche de saumon, bouche de carpe, bouche de grenouille.

On dit, en termes de guerre, la bouche d’un canon, la bouche d’un mortier, pour dire, l’ouverture par où le boulet sort, ou la bombe. On dit aussi des munitions de bouche, pour dire, tout ce qui est nécessaire à la substance d’une garnison, ou d’un peuple enfermé dans une ville assiégée. On dit aussi qu’une garnison est sortie tambour battant, mèche allumée, balle en bouche ; pour dire, qu’elle est sortie avec un mousquet chargé, & une balle dans la bouche, pour le charger plus promptement une autrefois.

Bouches à feu. En termes d’Artillerie, on nomme bouches à feu les canons & les mortiers. Tormentum bellicum. Il y a un instrument pour calibrer les bouches à feu, c’est-à-dire, les pièces de canon, les mortiers. Il est de l’invention de M. de Buzani, Commissaire provincial d’Artillerie, Commandant les Ecoles de ce Corps à Grenoble. On a taillé un chemin dans le roc, pour conduire les quatre bouches à feu, qui composent cette batterie, c’est-à-dire, deux canons & deux mortiers.

Bouche, ou Bosson. Terme de Marine. C’est la rondeur des bans & tillacs, & c’est proprement tout ce qui est relevé hors d’œuvre, qui n’est pas plat & uni.

Bouche, se dit proverbialement en ces phrases. Il a dit cela de bouche, mais le cœur n’y touche, en parlant d’un homme faux qui ne parle pas selon ses vrais sentimens. On dit aussi qu’on a traité quelqu’un à bouche que veux-tu ; pour dire, qu’on lui a présenté toutes sortes de mets des plus friands. On dit, manger une chose de broc en bouche, pour dire, tout chaudement. On dit aussi d’un indiscret qui dit tout ce qu’il fait, que c’est un S. Jean Bouche d’or. On dit aussi, bouche cousue, pour recommander le secret à quelqu’un. On dit qu’il arrive beaucoup de choses entre la bouche & le verre, pour dire, qu’il ne faut qu’un moment pour faire manquer une affaire par quelque accident imprévu. Cette façon de parler vient de ce qu’un homme portant son verre à la bouche pour boire, on lui vint dire qu’un sanglier étoit entré dans la vigne, & qu’il la ravageoit. Aussitôt il quitte son verre, prend une arme, & va au sanglier qui se jette sur lui, & le tue.

On dit qu’un homme a toujours une parole à la bouche, pour dire, qu’il a accoutumé de répéter souvent un mot, un même mot, une même sentence.

Bouche, vient du latin bucca ; le P. Pezron tire l’un & l’autre du celtique boch.

BOUCHÉE, s. m. Ce qu’on met, ce qu’on mâche à chaque fois dans la bouche. Bucella, bolus. On dit en badinant, cette femme est si délicate, qu’elle fait deux bouchées d’une cerise. ☞ Une bouchée de viande, de pain. Ne faire qu’une bouchée d’une chose, exagération ; pour dire, manger promptement & avidement. Deglutire.

BOUCHEL. s. m. On a dit ce mot pour signifier un baril à vin. Voyez Bouchaut.

BOUCHER, s. m. ☞ Celui qui tue des bœufs, des veaux, des moutons, & en vend la chair en détail. Lanius. Il y avoit autrefois à Rome de trois sortes de bouchers. Car, 1°. Il y avoir deux corps, ou collèges composés chacun d’un certain nombre de Citoyens chargés de fournir la ville de tous les bestiaux nécessaires, & du foin de les faire préparer, & d’en debiter les chairs. L’une de ses Communautés n’eut d’abord que le foin de l’achat des porcs. On la nommoit suarii. L’autre avoit soin de l’achat des autres bestiaux, & surtout des bœufs, ce qui les fit nommer pecuarii, ou boarii. 2°. Ils avoient sous eux des gens, dont l’emploi étoit de tuer & d’habiller les bestiaux, d’en couper les chairs, & de les mettre en état d’être exposées en vente. Ceux-là s’appeloient Lanii, & quelquefois Carnifices, préparateurs de chairs. ☞ On appeloit lanicnæ les endroits où l’on tuoit, & macella ceux où l’on vendoit. Le Président Brisson, Select. Ant. I, C. 6, & Franc. Modius, au Ve tome du Trésor critique, disent qu’autrefois chez les Romains les bouchers vendoient plaisamment la viande. Celui qui venoit en acheter fermoit les yeux : le boucher élevoit & étendoit quelques-uns des doigts de la main, & si l’acheteur pouvoit deviner combien il en avoit élevé, c’étoit lui qui mettoit le prix à la viande ; si non c’étoit le Boucher. Apronius, Préfet de Rome, abolit cette coutume, & ordonna qu’on la vendroit à la livre.

Tous ces usages s’établirent dans les Gaules avec la domination des Romains. Il y a eu de temps immémorial dans Paris, un certain nombre de familles chargées d’acheter les bestiaux, & d’en avoir toujours une provision suffisante pour la subsistance de la ville, & d’en débiter, ou faire débiter les chairs. Ces familles, comme à Rome, faisoient un corps, élisoient un chef, qui l’étoit à vie, & n’étoit destituable qu’en cas de prévarication. Il s’appeloit le maître des Bouchers ; il avoit juridiction sur tous les Bouchers, & décidoit toutes les contestations qui naissoient entr’eux concernant leur profession. Ils demanderent la confirmation de cet usage à Henri II, qui la leur accorda par lettres patentes du mois de Juin 1550, registrées au Parlement le 10 Novembre de la même année. Nous avons aussi eu en France, comme à Rome, des tueurs & écorcheurs de bestiaux, créés par Edit de François I, du mois de Novembre 1543, & c’est encore aujourd’hui l’emploi d’un certain nombre de garçons Bouchers, dont les uns abattent & habillent les bestiaux, & les autres, que l’on nomme étaliers, découpent & préparent les chairs. Les maîtres Bouchers ne se mêlent, non plus que ceux de l’ancienne Rome, que de l’achat des bestiaux. Aux Bouchers appelés anciennement Suarii, répondent ceux que nous nommons Charcutiers. Le nom de Boucher ne se donne pas à ceux-ci dans notre langue ; mais il convient à tous les autres.

Il y a au Vatican une ancienne inscription qui contient une Ordonnance de Police pour les Bouchers, dont les principaux points sont, qu’ils vendront la viande au poids, qu’après que l’animal aura été pesé, la tête, les pieds & le suif appartiendront au Boucher qui l’aura tué, pour son salaire ; & la chair avec la peau & les entrailles appartiendront au marchand Boucher.

Quoique routes les petites Justices qu’avoient les Corps ou Communautés des arts & métiers, fussent inféodées par nos premiers Rois de la troisième race en faveur des Grands Officiers de leur maison, les Bouchers, ni les arts qui concernent les bâtimens, ne surent point compris dans ces inféodations. Les Marchands Bouchers sont tenus d’aller prendre, & se faire adjuger leurs étaux à la Police, & là s’obligent de les tenir fournis pendant l’année. Etalier Boucher, est un compagnon qui vend la chair dans l’étal.

Ménage, après Turnèbe, dérive ce mot de buccarius, qui a été fait de bucca, à cause qu’il tranche les viandes pour la bouche. C’est ainsi qu’on le trouve aussi appelé beccarius de becus, le bec ou la bouche, selon la remarque du P. Papebrock, Act. SS. April. T. III, p. 609. En allemand bek signifie la bouche, pour laquelle les Bouchers travaillent, ce qui leur a fait donner ces noms, dit le même Père, Junii T. III, p. 917. D. M. de Valois l’aîné le dérive de bouc, étymologie peu vraisemblable, puisque les Bouchers ne tuent & ne vendent point de bouc, & qu’on n’en mange point, ou presque point en France. Lancelot le tire du mot βουθύτης, tueur de bœufs. Le P. Labbe, de bovinâ, seu bubulâ carne, de la chair de bœuf, qui fait leur principal commerce ; Guichard, de טבה, mactare, jugulare, occidere, immolare, sacrificare ; d’où טבח, coquus, carnifex, cuisinier, bourreau, d’où en retranchant la première syllabe reste בח, bach, d’où, selon lui, s’est fait Boucher. La première origine est la véritable.

Boucher, se dit odieusement & figurément d’un Chirurgien maladroit & ignorant, qui taille & qui aime à faire des amputations, & d’un Barbier qui a la main pesante & coupe en râlant. On le dit aussi des gens cruels qui se plaisent à verser le sang humain.

☞ BOUCHER. v. a. Fermer une ouverture. Occludere. On bouche un trou, une fenêtre, une porte. On bouche une bouteille de peur que la liqueur ne s’évente. On bouche un tonneau. Obturare. Se boucher les yeux, les oreilles.

En termes de guerre, on dit boucher les chemins, les passages, les avenues pour empêcher qu’il n’entre rien dans une ville assiégée, dans un camp, ou pour empêcher les ennemis de pénétrer dans un pays. Præcludere, intercludere.

En parlant d’un bâtiment qui est devant un autre, & qui lui ôte le jour, on dit qu’il en bouche la vue. luminibus officere.

En termes de coutume, on fait boucher les vues d’une maison, d’un édifice ; pour dire, qu’on en fait murer les fenêtres lorsqu’elles regardent sur une autre maison, contre la disposition de la coutume. Obstruere luminibus. Voyez Vue.

Boucher, se dit aussi des fluxions, des obstructions. Obstruere. L’apoplexie est mortelle, parce qu’elle bouche tous les passages de la respiration.

On dit au figuré, se boucher les yeux ; pour dire, ne vouloir pas voir. Se boucher les oreilles, pour dire, ne vouloir pas entendre les remontrances.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est, se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier. Malh.

On dit figurément & familièrement, qu’un homme a bouché un trou, quand il a acquitté quelques dettes, en attendant qu’il acquitte les autres.

On dit proverbialement, boucher une bouteille ; pour dire, prendre un morceau de pain après avoir bu, de peur de sentir le vin.

On dit en termes de dorure, boucher d’or moulu, pour dire, réparer avec de l’or moulu les petits défauts que l’on trouve encore à l’or après qu’on l’a bruni. Cet or moulu se met dans une petite coquille avec un peu de gomme arabique, & il n’y a point de meilleur moyen pour faire un ouvrage propre, pourvu que l’endroit gâté ne soit pas grand.

BOUCHE, ÉE. part. & adj. Clausus, obstructus, obturatus. On ordonne des lavemens à ceux qui ont le ventre bouché. Alvus coacia, contracta, dura, astricta, suppressa.

On dit figurément qu’un homme a l’esprit bouché, quand il a l’intelligence dure. Tardus ad intelligendum, pingue ingenium abderitica mens.

☞ BOUCHERE. s. f. C’est la femme d’un Boucher, ou celle qui en fait profession, qui vend de la viande de boucherie.

BOUCHERIE. s. f. Lieu où il y a plusieurs étaux de bouchers, où l’on vend de la grosse viande en détail. Carnarium, macellum carnarium, taberna carnaria. Les quatre anciennes boucheries de Paris sont fondées sur un ancien privilège. Néron bâtit une belle boucherie à Rome. La médaille qu’on lui frappa à ce sujet, représente d’un côté la tête de l’Empereur, Nero Claudi. Aug. Germ. p. m. tr. Imp, p. p. & de l’autre un bâtiment soutenu de colonnes, & dans lequel on entre par un perron de quatre degrés avec ces mots, Mac. Aug. S. C. C’est-à-dire, Macellum Augusti Senatûs Consulto.

Boucherie, se dit aussi du lieu où l’on tue les bêtes. Laniena. On appelle viande de boucherie, la grosse viande bœuf, veau & mouton.

Boucherie, se dit figurément d’un grand massacre d’hommes, d’un grand carnage. Cædes, strages. Charles Martel fit une sanglante boucherie de ses ennemis. Les Turcs en prenant Rhodes passerent tout au fil de l’épée, & firent une cruelle boucherie. Ils enfoncent l’escadron, & en font une étrange boucherie. Vaug. Il y eut une grande boucherie, & le sang ruisseloit de tous côtés. Ablanc. Exposer une armée à la boucherie ; la mener à la boucherie.

On dit aussi quand on mène quelqu’un à la guerre en une occasion où il court un péril évident, que c’est le mener à la boucherie.

On dit proverbialement d’un homme qui ne peut rien dans quelque affaire, ou assemblée, qu’il y a du crédit comme un chien à la boucherie.

On a dit dans la basse latinité beccaria pour signifier boucherie ; & du mot latin on a fait le mot françois. De La Mare traite au long de tout ce qui regarde les Bouchers & les boucheries dans son Traité de Police, Livre V, Titre XX.

BOUCHET. s. m. Nom que les Médecins donnent à l’hippocras d’eau, qui est un breuvage fait d’eau aromatisée, avec sucre & cannelle. Hydrosaccarum. On fait bouillir l’eau quelque temps avant que d’y mettre le sucre, dont on ne doit mettre que la huitième ou dixième partie ; après quoi on fait cuire le tout ensemble, en l’aromatisant d’un peu de cannelle. Ensuite on l’ôte de dessus le feu, & on le passe par la manche. Il est fort salutaire, & on en peut user même dans la fièvre. Il est bon pour l’estomac, car il ne refroidit pas comme l’eau crue, & n’échauffe pas comme l’hippocras de vin.

Bouchet. Poire de bouchet. Sorte de poire qui est grosse, ronde & blanche, & à-peu-près comme le Besidéry : quelques-unes du même arbre ressemblent à de médiocres bergamottes, & d’autres à de grosses cassolettes : la chair en est belle & tendre, & l’eau sucrée ; le bois semblable à celui de la poire appelée mon-dieu. Elle mûrit à la mi-Août. La Quint.

☞ BOUCHETTE. s. f. Vieux mot, diminutif de bouche. Petite bouche. Buccella. buccula. Char. Est. Dict.

BOUCHETURE. s. f. En termes de coutume, se dit de tout ce qui sert à fermer & à boucher un pré, une terre labourable, & autres héritages, pour les conserver & empêcher que les bêtes n’y entrent, comme sont les haies vives & fagots, palis & échaliers, &c. Objectaculum. En pays de pâturages il est défendu d’ôter les bouchetures d’un héritage.

BOUCHIN. s. m. Terme de Marine. C’est l’endroit où se mettent les principales côtes d’un navire, & qui fait la plus grande ouverture en largeur, à prendre cette largeur de dehors en dehors. On la mesure vis-à-vis du grand mât de toute la longueur du maître bau vers la maîtresse côte. On dit qu’un bâtiment est plus court de varangue, & plus petit de bouchin qu’un autre ; pour dire, qu’il est plus rond par la quille, & plus étroit de bordage.

BOUCHOIR. s. m. Terme de Boulanger & de Pâtissier. Operculum. C’est une grande plaque de fer, au milieu de laquelle il y a une poignée, & qui sert à boucher le four. Mettre le bouchoir, ôter, tirer le bouchoir.

BOUCHON. s. m. Ce qui sert à boucher quelque chose. Obturamentum. Les bouchons de liège d’Angleterre ou de verre, bouchent fort juste, & empêchent que les esprits les plus subtils ne s’exhalent.

Bouchon, se dit aussi d’une poignée de foin, ou de paille qu’on tortille, & dont on frotte un cheval, après l’avoir étrillé. Stramineus, seu fœneus peniculus.

Bouchon de Taverne, est aussi un signe qu’on met à une maison pour montrer qu’on y vend du vin à pot. Il est fait de lierre, de houx, de cyprès, & quelquefois d’un chou. Ramus viridis, Hedera pensilis vini venalis index. Les Taverniers payent un droit de bouchon.

Ce mot pris figurément signifie le cabaret même, & le lieu où le vin se vend à pot & à pinte. Taberna. Ainsi l’on dit d’un ivrogne, qu’il va de bouchon en bouchon.

Bouchon, en termes de Jardinage, se dit d’un paquet de toiles filées par les chenilles, & dans lesquelles ces insectes se conservent pendant l’hiver. Erucarum receptaculum, involucrum.

Bouchon, se dit aussi de ce qui est ramassé, frippé. Fasciculus incompositus. Il a mis tout son linge, ses habits en un bouchon.

Bouchon, est aussi un terme dont on se sert en caressant les petits enfans de basse condition. Mon petit cœur, mon petit bouchon. Corculum, animula. Il est populaire.

Bouchon. Sorte de laine d’Angleterre, ainsi nommée parce qu’elle est tournée & pliée en des espèces de paquets ou bouchons assez semblables à ceux qui servent à bouchonner les chevaux.

On dit proverbialement qu’à bon vin il ne faut point de bouchon, pour dire, qu’une maison où il y a de bonne marchandise est bien-tôt achalandée.

BOUCHONNE, s. f. Terme de caresse, comme qui diroit, ma chère enfant, mon petit cœur. Ne craignez rien, ma bouchonne, vous m’aviez enlevé mon amant ; mais je suis déjà vengée, puisqu’il vous a sacrifié à moi. Regnard.

BOUCHONNER, v. a. Frotter un cheval avec un bouchon. Defricare equum.

Bouchonner, signifie aussi, mettre du linge, des habits en un bouchon, les chiffonner. Multa incomposita congerere.

Bouchonner, se dit aussi dans le style bas & comique, pour cageoler, faire des caresses. Blandiri, procari.

 
Sans cesse Jour & nuit je te caresserai,
Je te bouchonnerai, baiserai, mangerai. Mol.

BOUCHONNÉ, ÉE. part.

☞ BOUCHOT. Terme de pêche. Espèce de parc que l’on fait avec des claies sur le bord de la mer, pour y prendre le poisson. Au sujet de ces bouchots, il y a des règlemens dans le Titre III du Livre V de l’Ordonnance de la Marine. Septum.

BOUCIQUANT. Vieux mot qui signifie, mercenaire, qui fait tout pour de l’argent. Mercenarius.

BOUCLE. s. m. Espèce d’anneau de métal servant à divers usages. Orbiculus fibulâ instructus, fibula. On le dit particulièrement des ornemens que les femmes portent à leurs oreilles. Des boucles d’oreille sont de petits anneaux d’or, ou de cuivre garnis de diamans, que les femmes attachent à leurs oreilles sans aucuns pendans.

Ce mot vient du latin bucula. Ménage. Bucula se trouve dans la basse latinité pour la partie du bouclier, dans laquelle on passoit le bras. De boucle, ou de bucula, les Grecs modernes ont aussi fait βούκλα[1], qui signifie la même chose chez eux. Étienne Guichard tire boucle de l’hébreu כבל, Kebel, transposant les radicales en בכל, Bekel, d’où boucle, selon lui, peut être dérivé en françois, mais il y a peu d’apparence.

Boucle, se dit aussi de ces anneaux ronds & carrés qui ont un ardillon au milieu, qui servent à tenir quelque chose attachée & serrée. Des boucles de souliers, de baudrier, d’un ceinturon. Les boucles d’une sangle, d’une étrivière. Les boucles ou agraphes du Tabernacle de Moyse étoient d’or.

Boucle, se dit par extension des anneaux que font des cheveux frisés, soit avec le fer, soit avec les papillotes. Cincinni. Perruque frisée à grosses boucles. Friser à grandes, à petites boucles.

Boucle, se dit aussi des gros anneaux de fer ou de bronze qu’on met à des portes, qui servent à les fermer, & à y heurter. Annulus. On le dit aussi de ces petits anneaux de fer dont on faisoit autrefois des jaques de maille.

Boucles, en Architecture, sont de petits ornemens en forme d’anneaux lacés sur une moulure ronde.

Boucle, en termes de Marine, signifie clef ou prison. Mettre sous boucle, tenir sous boucle, c’est mettre ou tenir sous clef, ou en prison. On a mis ce matelot sous boucle. Les Capitaines doivent arrêter & tenir sous boucle les soldats & compagnons coupables de crime, pour au retour les livrer à la Justice.

Boucle, se dit aussi de ces anneaux de cuivre qu’on met aux cavales qu’on veut empêcher d’être saillies. Acad. Fr.

BOUCLEMENT. s. m. Action de boucler, par laquelle on boucle, pour empêcher la génération. Dionis se sert de ce mot. Voyez le Dictionnaire de James, au mot Infibulatio.

☞ BOUCLER. v. a. Mettre une boucle, attacher avec une boucle. Fibulare, fibulâ astringere. Boucler ses souliers.

Boucler une jument. Terme de haras, fermer l’entrée du vagin avec un anneau de cuivre. On boucle les jumens quand on veut les empêcher d’être couvertes.

Boucler des cheveux, les mettre en boucles, leur donner la forme de boucles. Calamisirare, in cincinnos torquere.

Boucler un port c’est en fermer l’entrée. Præcludere, intacludere. On boucla le port, pour que rien ne pût sortir de la ville.

En termes de Maçonnerie, on dit, la muraille boucle, pour dire, qu’elle fait ventre, qu’elle est prête à tomber. Ici il est neutre. Paries ventrem facit. Pomey

Boucler. Parmi les Chasseurs on dit, faire boucler un renard, pour dire, le faire sortir de son terrier avec des chiens ; ou un blaireau, un lapin, avec des furets. Dict. des Arts. 1731.

BOUCLÉ, ÉE. part. On dit qu’un port est bouclé, qu’un passage est bouclé, præclusus ; quand l’entrée en est défendue, soit pour les ennemis, soit pour quelque précaution, à cause de la peste, ou de la disette.

En termes de Blason, on appelle bouclé, un collier d’un lévrier ou d’un autre chien qui a des boucles. Fibulatus. On le dit particulièrement des bufles qui sont bouclés.

Bouclé, ée. Qui est frisé en boucles. In cincinnos calamistratus, a, um. Elle étoit poudrée, bouclée. Made. de Sévigné.

BOUCLETTE. Terme de Manufacture de lainage. Au milieu de chaque lisse est une bouclette ou un petit anneau, soit de fil, soit de corne, soit de verre, pour recevoir un des fils de la chaîne.

BOUCLIER. s. m. Arme défensive que les Anciens portoient au bras gauche, pour se couvrir le corps contre les coups de leurs ennemis. Clypeus, parma, scutum.

Les boucliers d’Achille & d’Enée sont décrits dans l’Iliade & dans l’Enéide, & celui d’Hercule dans Hésiode. Celui d’Ajax étoit couvert de sept peaux de bœuf. Les écus ont succédé aux boucliers. On met encore dans les trophées des casques & des boucliers. Les Coninefates & les François élisoient leurs Rois ou Princes en les élevant sur un bouclier. Voyez Tillemont, Hist. des Emp. Tom. II, pag. 12 & du Tillet, I, p. 18 & 21. Nos anciens François pour armes défensives n’avoient que le bouclier fait d’un bois léger & poli, & couvert d’un bon cuir bouilli. Le Gendre. Perdre, ou se laisser ôter en combattant son bouclier, étoit une grande ignominie chez les anciens Germains. Du Tillet.

Ce mot est dérivé de bucularium, à cause des boucles dont les boucliers des Anciens étoient garnis. Ménage. Il est souvent parlé dans la basse latinité de buccula clypei, la boucle du bouclier. Le P. Thomassin le dérive de bucca, bouche, ou gueule, parce qu’on représentoit sur les boucliers des têtes & des gueules.

Le bouclier sur les médailles signifie, ou des vœux publics rendus aux Dieux pour la conservation du Prince ; ou qu’on le regarde comme le défenseur & le protecteur de ses sujets. On appeloit ces boucliers, clypei votivi, & on les pendoit aux autels & aux colonnes des temples, Philon, de Legat. ad Caium, dit que Pilate, pour faire la cour à Tibère, & plus encore pour faire dépit aux juifs, voulut ériger dans Jérusalem des boucliers dorés en l’honneur de cet Empereur ; mais qu’on s’y opposa comme à une chose contraire à la loi. On remarque deux boucliers sur une médaille d’Antonin, pour exprimer que ce bon Prince étoit le maître de la destinée de l’Empire. C’étoit par allusion au bouclier fatal descendu du ciel sous le règne de Numa Pompilius, à la conservation duquel étoit attachée la grandeur de Rome.

Bouclier, se dit figurément de toute sorte de défense ou de protection. Il y a plusieurs livres intitulés le bouclier de la foi. Hector fut long-temps le bouclier de Troye. Le Seigneur est mon bouclier. Port. R. Celui qui a été le bouclier de la France n’a pu se mettre à couvert de leurs coups. Voit.

Bouclier, dans l’Architecture, est un ornement qui sert pour les frises, les trophées, &c. Umbo. On appelle bouclier naval, un ovale qui est couché avec deux enroulemens.

☞ On se sert aussi en Botanique du terme de bouclier dans la description de certains fruits qui ressemblent à cette arme défensive. Scuti jormis.

Bouclier. Scutum. On entend en Pharmacie par scutum, un stomachique assez solide, mis sous la forme d’un bouclier ou fait en sachet ou en emplâtre. Il est composé en bouclier, de poudres chaudes stomacales & corroboratives ; & en emplâtre, d’un mélange convenable de mastic, de quelques poudres stomacales, de gommes odoriférantes, & d’une quantité convenable de térébenthine. On se sert de cette espèce de topique, après une purgation, pour fortifier l’estomac, corriger une intempérie froide, rétablir la digestion, & prévenir le vomissement. Morelli, de form. Bemed.

Levée de bouclier, c’est, en termes d’Escrime, l’essai que l’on fait avant que d’excrimer tout de bon. Ludicra prolusio. Pomey. On appelle aussi bouclier une sorte de météore ignée. Id.

On dit figurément, faire une grande levée de boucliers, lorsqu’on fait de grands préparatifs pour quelque entreprise qui ne réussit pas.

☞ BOUCON. s. m. Terme qui vient de l’Italien où il signifie morceau, bouchée. Il a la même signification chez nous, avec cette différence que nous ne le disons que d’un morceau, ou d’un breuvage empoisonnés. Toxicum, venenum. Donner le boucon à quelqu’un, c’est l’empoisonner. Prendre, avaler le boucon. Expression du style familier.

BOUCTEIN. s. m. L’Académie écrit bouquetin, & cette orthographe est la plus ordinaire. Animal qui se trouve dans les montagnes de Dauphiné. Ibex. Les boucteins, qui sont les ibices de Pline, suivant le sentiment du savant Président de Boissieux, quoique Paradin écrive que le chamois est l’ibex de cet Auteur, sont fréquens dans les Alpes qui séparent le Dauphiné d’avec la Savoie. Leur grandeur égale celle des cerfs, & le nom qu’ils ont, leur est venu du rapport qu’a leur figure avec celle des boucs. Leurs cornes sont longues & grosses outre mesure. Elles croissent d’un nœud chaque année, de sorte qu’il s’en trouve qui ont plus de 30 nœuds, & qui pèsent plus de 25 livres. Leur couleur est grise. ☞ Le bouctein plus agile & plus fort que le chamois auquel il ressemble beaucoup, s’élève jusqu’au sommet des plus hautes montagnes, au lieu que le chamois n’habite que le milieu. Mais ils franchissent tous deux les précipices, en sautant de rochers en rochers. Paradin remarque qu’il ne leur est point difficile de sauter d’en bas sur une muraille de la hauteur de 5 ou 6 hommes, pourvu qu’elle ne soit point unie, & qu’ils puissent mettre leurs pieds en quelqu’endroit qui les arrête. Cet animal s’apprivoise rarement, & quand il l’a été, il retourne, lorsqu’il devient vieux, dans sa première nature. ☞ Cependant quand on les prend bien jeunes, & qu’on les élève avec les chèvres domestiques, on vient à bout de les apprivoiser, & de les faire vivre comme elles en troupeaux. Il n’aime que les rochers les plus hauts & les plus escarpés, à cause du froid qui y domine, & ans lequel il perd la vue, & bientôt après la vie. Chorier. Hist. de Daup. p. 63.

BOUDELLE. s. f. Espèce de plume tirée du bout de l’aile des oies. Penna. Du Cange dérive ce mot de bdellus, qu’on a dit au même sens dans la basse latinité. C’est plutôt un mot corrompu de bout d’aile.

BOUDER. v. n. Témoigner par son silence, ou par sa mauvaise humeur, qu’on est fâché de quelque chose, sans se plaindre, ni en vouloir dire la cause. Mussare apud se tacitum. Les esprits foibles & timides sont sujets à bouder. Il ne sort point de la conversation familière.

☞ On le dit particulièrement des enfans qui témoignent quelque petit chagrin par la mine qu’ils font. Cet enfant boude toujours. Morosum esse.

Bouder, s’emploie quelquefois avec un régime actif, & signifie, marquer à quelqu’un qu’on est fâché contre lui ; le lui marquer, dis-je, non pas de paroles, mais par ses manières, par le froid & le chagrin dont on en use à son égard, pour faire sentir qu’on est fâché. Adversari aliquem, leviter abhorrere ab illo. Il me boude depuis trois jours. Il m’a boudé quinze jours pour un mot que je lui ai dit. Vous me boudez. Fuselier. Mentor boudoit Télémaque, lorsque celui-ci prêtoit l’oreille au langage trompeur des passions. Le Militaire en solitude. Il est aussi du style familier.

BOUDERIE, s. f. Mauvaise humeur, fâcherie cachée, état d’une personne qui boude. Morositas. Il faut laisser passer la bouderie de cette personne, & la prendre en meilleure humeur.

BOUDEUR, EUSE. adj. Celui qui boude. Morosus, tetricus. C’est un enfant naturellement boudeur. Il est d’une humeur boudeuse. Caractère boudeur.

Il s’emploie au substantif. C’est un boudeur, c’est une boudeuse.

BOUDIN. s. m. Boyau de porc empli de son sang & de sa panne hachée avec les assaisonnemens nécessaires. Botulus, botellus. Celui-là s’appelle boudin noir ; mais le boudin blanc est le même boyau rempli de blanc de chapon, de lait & autres ingrédiens. Par la novelle 18, de l’Empereur Léon, il est défendu de manger du boudin. Bonner, Evêque de Londres, étant en prison sous Henri VIII, écrivoit à un de ses amis pour le prier, aussi-bien que ses autres amis, de lui envoyer des poires & du boudin. Larrey, d’après les Recueils de Burnet.

 
Pendant que nous avons une si bonne braise,
Qu’une aune de boudin viendrait bien à propos !
A peine acheva-t-il de prononcer ces mots,
Que la femme apperçut, grandement étonnée,
Un boudin fort long, qui partant
D’un des coins de la cheminée,
S’approchait d’elle en serpentant. Perrault.

Peste soit du boudin, & du boudin encore ;
Plut à Dieu, maudite pécore,
Qu’il te pendît au bout du nez.
La prière aussi tôt du Ciel fut exaucée,
Et dès que le mari la parole lâcha,
Au nez de l’épouse irritée
L’aune de boudin s’attacha. Id.

Boudin, est un mot dont se servent les Architectes, pour signifier le tore de la colonne. Torus. Les Serruriers appellent ressort à boudin, un ressort délicat qu’ils appliquent dans la serrure pour repousser le demi-tour du pêne. Le ressort à boudin est aussi un fil d’Archal tourné en hélisse dans quelque tuyau, qui se lâche avec effort quand il a été pressé.

Boudin, en termes de Verriers. Voyez Boudine.

Boudin. Terme de Mineur. Les Mineurs appellent aussi boudin, une fusée où il entre des étoupes, & autres matières combustibles, dont on se sert dans les mines.

On dit proverbialement & bassement, qu’une affaire, une entreprise s’en ira en eau de boudin ; pour dire, qu’elle ne réussira pas. On dit qu’on envoie de son boudin à quelqu’un, quand on a tué son cochon, quand on lui fait présent de quelque plat de son métier. On dit d’un homme qui a un gros visage, que c’est un souffleur de boudin.

Faire boudin, est un vieux proverbe, qui signifie, marier un Gentilhomme avec une riche rotutière, parce que le mari annoblit la femme, & est le soutien de la maison; & la femme qui est riche, fournit de la graisse pour l’entretenir. Ce proverbe a été fait à l’occasion d’un nommé Reynold, Comte de Gueldre, lequel rétablit ses affaires ruinées par le mariage qu’il fit avec la fille d’un nommé Bertaut, riche marchand, comme témoigne Bellingen, en son Etymologie des Proverbes.

BOUDINE. s. f. Terme de Verreries. Nœud des verres, ou bosse qui se trouve au milieu du plat de verre à l’endroit où on l’a coulé. Les Vitriers & ouvriers en verre blanc, ont des moulins ou mouloirs pour ôter les boudines, ou du moins pour les diminuer beaucoup.

BOUDINIER. s. m. Celui qui fait ou qui vend des boudins. C’est une des qualités que prennent les Maîtres Charcutiers de la ville & fauxbourgs de Paris.

BOUDINIÈRE. s. f. Petit entonnoir de fer blanc qui sert à faire du boudin. Infundibulum farciendo botulo comparatum.

BOUDINURE. s. f. Terme de Marine. C’est une enveloppe de cordage qu’on met autour de l’arganeau de l’ancre pour conserver le cable.

BOUDOIR. s. m. Petit réduit, cabinet fort étroit, auprès de la chambre qu’on habite, ainsi nommé apparemment, parce qu’on a coutume de s’y retirer, pour être seul, pour bouder sans témoin, lorsqu’on est de mauvaise humeur.

Tantôt sombre & rêveuse, & comme en ton boudoir.
Tu renfonçois ton gris, & me montrais ton noir.
Du Cerceau.

☞ BOUDRI, ou BAULDRY. Petite ville de Suisse, dans la Principauté de Neufchâtel, Capitale d’une grande Châtellenie.

BOUE. s. f. Crotte, ordure, terre détrempée avec de l’eau. Lutum, cœnum. On ne sauroit marcher en hiver dans Paris, qu’on ne soit tout couvert de boue. Les pourceaux se vautrent dans la boue. Le Soleil fond la cire, & sèche la boue. On taxe les bourgeois pour les boues & les lanternes.

Ménage dérive ce mot du flamand brou, qui signifie la même chose.

Boue, signifie figurément, bassesse, état misérable. La fortune met aujourd’hui des personnes sur le trône, & demain dans la boue. Ce Prince a tiré ce favori de la boue.

Un jour je vous verrai sur la mouvante roue,
Tantôt au firmament, & tantôt dans la boue.
Vill.

On dit, une ame de boue ; pour dire, une ame vile, basse, mercenaire, rampante. Tu vas couvrir de boue les beaux titres de ta Maison, (Main.) pour dire, tu vas déshonorer les titres de ta Maison.

On dit proverbialement, qu’une maison n’est que de boue & de crachat ; pour dire, qu’elle n’est pas bâtie solidement. On dit aussi que le Soleil ne salit point ses rayons, quoiqu’ils tombent dans la boue. En parlant d’une chose qu’on méprise, on dit proverbialement & bassement, qu’on n’en fait non plus d’état que de la boue de ses souliers.

Boue, se dit encore du pus ou humeur corrompue qui sort d’une plaie, d’un abcès, d’un apostème. Pus, sanies. Il sort beaucoup de boue de cet abcès. En Maréchallerie on dit que la boue souffle au poil, pour dire, que le pus paroît vers la couronne dans un cheval blessé au pied.

Boue, dans la Philosophie hermétique, est le nom qu’on donne à la matière quand elle ressemble à de la poix fondue.

Boue. s. f Cella infima. C’est le nom qu’on donne en Artois & en Flandre à une seconde cave qui est au-dessous de la première, & où l’on met la bière pour la mieux conserver : les caves ordinaires ne sont pas assez profondes ; elle s’y gâte pendant l’été.

BOVE de terre. Bovata terræ. On appeloit autrefois bove de terre, un espace de terre tel que deux bœufs peuvent le labourer en un jour. Ce mot vient de [bos, bovis].

BOUÉE, s. f. Terme de Marine. C’est un morceau de bois, ou de Liège, ou même un baril, qui flotte sur l’eau, attaché à quelque pieu ou rocher. On s’en sert ordinairement pour indiquer l’endroit où l’ancre est mouillée. Le cordage avec lequel il est attaché s’appelle boirin. Quelquefois ce mot se prend pour balise, & alors la bouée sert à marquer les passages dangereux, afin qu’on les évite. On l’appelle aussi quelquefois bonneau, aloigne.

BOUEMENT, Voyez Abouement.

BOUER. v. a. Terme de monnoyage, qui se dit de la huitième façon qu’on donnoit aux monnoies qu’on fabriquoit au marteau appelé bouard. Fluidam æquabilitatem monetariis inducere. On frappoit sur un bloc le flan entassé, lequel s’affaissoit tout-à-coup, & faisoit joindre, coupler, & toucher d’assiette les deniers de monnoyage, afin de les faire couler plus aisément au compte & à la main. l’Ordonnance enjoint de répéter cette façon deux fois, & de recuire & réchauffer les flans à chacune de ces façons, & de bouer une troisième fois sans recuire ; après quoi l’ouvrier met les flans entre les mains du Maître pour les blanchir.

BOUEUR. s. m. ☞ Charretier payé pour enlever les boues des rues dans un tombereau. Purgandæ luto urbis curator. Les Boueurs sont tenus de nettoyer les rues tous les jours.

On appelle aussi Boueur un certain Officier sur les ports de Paris, qui a soin de nettoyer le port, & d’en faire enlever toutes les ordures.

BOUEUX, EUSE. adj. qui est plein de boue, de fange. Lutosus, cœnosus. Les lieux bas sont sujets à être boueux.

☞ On dit d’une Estampe qu’elle est boueuse, lorsque le cuivre n’ayant pas été bien essuyé, on a laissé du noir entre les hachures.

☞ En termes de Marine, ancre boueuse, c’est la plus petite des ancres d’un vaisseau.

BOUFAGE. adj. Vieux mot. Qui mange trop, du grec Βούφαγος. On dit aussi bouffard.

BOUFFANT, ANTE. adj. Qui bouffe, qui paroît gonflé ; ce qui se dit sur-tout des étoffes. Une étoffe bouffante, une garniture bouffante, qui a assez de consistance pour ne se pas aplatir, qui se soutient d’elle-même.

BOUFFE, s. f. Enflures de joues. Bucca. Terme populaire. Donner sur la bouffe. On appelle proprement bouffe, la partie intérieure de la joue, qu’on enfle de vent quand on veut, la petite éminence formée par la rencontre des deux lèvres. On disoit autrefois buffe, pour dire, un soufflet & buffeter, pour dire, souffleter ; mot qui vient de l’italien buffa, qui signifie cette partie du casque par où on respire. Du Cange.

BOUFFÉE, s. f. Petite agitation de l’air, & passagère, qui semble venir du souffle de bouche, tel que les Peintres & les Poëtes le dépeignent sortant des joues enflées d’un vent. Ventiflatus. On le dit aussi du feu, de la fumée, & des maladies qui ne durent pas. C’est en général l’action subite & passagère d’une chose. Une bouffée de fièvre, un accès de fièvre qui n’a point de suite. En parlant d’un homme qui ne s’adonne aux choses que par boutade & par intervalle, on dit figurément, qu’il ne s’y adonne que par bouffées. On dit dans le même sens, bouffées d’humeurs, bouffée de dévotion. Je ne puis jamais oublier cette bouffée de Philosophie que vous me vîntes souffler ici la veille de votre départ. Mad.de Sév. Tout cela est du style familier.

Bouffée, se dit aussi des personnes, mais en mauvaise part. Halitus. Il signifie un souffle qui sort de la bouche de quelqu’un. Il sort de la bouche de ces ivrognes de vilaines bouffées.

BOUFFEMENT. s. m. Vieux mot. Souffle. Halitus.

Encore à peine on peut, quand s’évertuent, (les vents.)
Y résister, qu’ils ne rompent & ruent
Le monde juz par bouffemens austères. Marot.

BOUFFER. v. a. Enfler les joues exprès & par jeu. Buccas inflare. En ce sens il n’a guère d’usage.

Bouffer de colère, se dit familièrement de celui qui témoigne sa colère par la mine qu’il fait. Cet homme bouffe de colère. Iram vultu prodere, testari, iram præ se ferre, gerere.

Bouffer, se dit plus ordinairement, pour marquer l’effet que font certaines étoffes qui se soutiennent d’elles-mêmes, qui se courbent en rond au lieu de s’aplatir. Tumere. Ce ruban bouffe. Les étoffes neuves bouffent.

Les Bouchers qui soufflent la viande, nomment cette action bouffer, auquel sens il est actif. Inflare. Bouffer un bœuf. Bouffer un veau. Bouffer un mouton. Bouffer un agneau. Le peuple le dit aussi en quelques Provinces pour souffler, en quelques matières que ce soit ; bouffer le feu, bouffer la chandelle ; mais c’est très-mal parler.

Bouffer, v. a. Vieux mot. Chasser. Villon, en parlant des personnes mortes, a dit,

De cette vie sont bouffés.

BOUFFETTE. s. f ☞ Ce mot signifie une petite touffe. On le dit particulièrement d’une houpe qui pend sur le nez & à côté de la bride d’un cheval de harnois. Floccus, flocculus.

BOUFFÈTE. Terme de Marine. C’est le nom qu’on donne à la troisième voile du grand mât des galères.

☞ BOUFFIR. v. a. Synonyme d’enfler, avec cette différence qu’enfler a un sens plus étendu, & s’applique à plusieurs choses ; au lieu que bouffir ne se dit au propre que des chairs, pour marquer l’enflure causée par quelque indisposition. Tumefacere. L’hydropisie lui a bouffi tout le corps. Cette maladie lui a bouffi le visage, les jambes, les cuisses.

☞ Dans ce sens il est aussi neutre. Le visage lui bouffit tous les jours. Intumescere, tumefieri.

On le dit encore des harengs qu’on fait dessaler, & qu’on laisse bouffir à la cheminée, les faire renfler.

BOUFFI, IE. part. & adj. Tumidus, turgidus, tumens Visage bouffi. Vil. Hareng bouffi. On le dit figurément des choses spirituelles & morales. C’est un esprit bouffi d’orgueil & de colère. Cet Orateur a le style bouffi ; pour dire, enflé, plein de grands mots, & qui frise le galimathias & le phœbus.

BOUFFISSURE, s. f. ☞ Enflure dans les chairs, causée par quelque indisposition, par un empêchement de quelque sérosité… Tumor. Cela me fit examiner avec attention… si, en retenant la respiration, & en se courbant sur le côté opposé, il ne paroissoit point quelque bouffissure au côté malade. Duverney fils, Acad. des Sc. 1703. Mém. p. 173. Les hydropiques à qui on vide de l’eau à-peu-près comme l’eau de rivière, qui ne laisse point ou que peu de sédiment après l’évaporation, meurent pour l’ordinaire, car leur ventre s’enfle en peu de temps, & la bouffissure extérieure augmente & durcit. Id. p. 178.

☞ On dit figurément bouffissure du style, défaut d’un style empoulé. Voyez ce mot.

BOUFFOIR. s. m. Prononcez BOUFFOI. Ce terme de Rôtisseur, qui veut dire un petit instrument de cuivre, qui est grand & gros comme une lardoire, qui est percé par les deux bouts, dont on met l’un dans la partie de l’agneau qu’on veut bouffer, & dont on tient l’autre dans la bouche, afin de pouvoir faire passer son vent jusqu’à l’agneau qu’on bouffe.

☞ BOUFFON. s. m. Plaisant de Comédie, qui divertit, qui fait rire les gens par ses plaisanteries, par ses quolibets. Mimus, scurra, sannio, sannius. Les meilleurs bouffons se trouvent à la Comédie italienne.

Bouffon, se dit aussi de celui qui fait profession de dire ou faire des choses plaisantes pour faire rire les autres. Scurrans, scurra. C’est un bon, un excellent, un froid, un plat bouffon. C’est un ennuyeux personnage qu’un mauvais plaisant, & un bouffon insipide. C’est une qualité qui tient lieu de mérite à bien des gens.

En vain par sa grimace un bouffon odieux.
A table nous fait rire, & divertit nos yeux. Boil.

☞ On dit d’un homme qui aime à faire rire la compagnie, qu’il se plaît à faire le bouffon.

On dit aussi d’une femme qui est de même humeur, qu’elle fait la bouffonne ; & on dit par caresse à une petite fille gaie & enjouée, que c’est une petite bouffonne.

Servir de bouffon, c’est être un sujet de moquerie, de risée. Dans ce sens, un homme qui voit qu’on se moque de lui, dit je vois bien que je sers ici de bouffon. Je ne prétends pas vous servir de bouffon.

Bouffon, se prend quelquefois adjectivement, tant au masculin qu’au féminin. Scurrilis, mimicus. Il a fait un discours, un conte bouffon. C’est une humeur boufonne. C’est un bouffon personnage. Il a la mine bouffonne.

Aux accès insolens d’une bouffonne joie.
La sagesse, l’esprit, l’honneur furent en proie. Boil.

Qu’est devenu cet air, ce langage bouffon,
Dont tu charmais nos yeux & nos oreilles ?
Auroit-on volé tes bouteilles,
Ou jetté tes muids sur le fond.

Quelques-uns dérivent ce mot d’une fête qui fut instituée au pays d’Attique par le Roi Erecthée, à l’occasion d’un Sacrificateur nommé Buphon, lequel après avoir immolé le premier bœuf sur l’autel de Jupiter Polien, ou Gardien de la ville, s’enfuit sans sujet, si soudainement, qu’on ne le put arrêter, ni le trouver, laissant la hache & les autres ustensiles du sacrifice par terre. On les mit entre les mains des Juges pour leur faire leur procès, qui jugèrent la hache criminelle, & le reste innocent. Toutes les autres années suivantes on fit le sacrifice de la même sorte. Le Sacrificateur s’enfuyoit comme le premier, & la hache étoit condamnée par des Juges. Comme cette cérémonie & ce jugement étoient tour-à-fait burlesques, on a appelé depuis bouffons & bouffonneries, toutes les autres momeries & farces qu’on a trouvées ridicules. Cet histoire est rapportée dans Cœlius Rhodiginus, Liv. 7 j chap. 6.

Ménage, après Saumaise, dérive ce mot de buffo. On nommoit ainsi en latin ceux qui paroissoient sur le théâtre avec des joues enflées pour recevoir des soufflets, afin que le coup faisant plus de bruit, fit rire davantage les spectateurs. Vossius est de même avis, & dit que bouffer signifioit autrefois enfler & souffler ; d’où vient qu’on dit bouffi d’orgueil, que les habits bouffent, & une bouffée de vent. Il tire de la même origine le mot soufflet, qu’on appelle aussi un buffe.

BOUFFONNER. v. n. Plaisanter, faire des actions bouffonnes, soit sur le théâtre pour divertir le peuple, soit dans les compagnies par enjouement, & pour exciter à rire. Scurrari, scurriliter ludere. Il se prend toujours en mauvaise part, à moins qu’on n’y ajoute quelque adoucissement : comme c’est un homme gai, enjoué, qui boufonne agréablement.

BOUFFONNERIE. s. f. Action ou parole pour faire rire ; chose bouffonne, plaisanterie. Mimicus jocus, scenica dicacitas. Une méchante bouffonnerie. Une agréable bouffonnerie.

BOUFFONESQUE. adj. m. & f. Lepidus, jocularis, ridiculus. Naudé s’est servi de ce mot dans son Mascurat, pour dire, plaisant, agréable, burlesque. Après avoir donné carrière à son humeur plaisante & bouffonesque, il se mit tout-à-fait dans la sérieuse. Naudé n’est pas un Auteur à suivre.

BOUFFRON. s. f. Sepia. Poisson de mer. Voy. Sèche, c’est la même chose.

BOUGE. s. m. Petite chambre ou cabinet qui accompagne une plus grande. Cellula. Les chambres des maisons garnies sont accompagnées d’un bouge pour coucher un valet. Il signifie aussi une chambre, une maison extrêmement mal-propre. Avez-vous vu l’endroit où il loge ? C’est un vrai bouge.

Et le clerc qu’on députe aux Ducs, aux robes rouges
N’a jamais inventé ni boutiques, ni bouges.
L’Abbé de Villers.

Du Cange dérive ce mot de bugia qu’on a dit dans la basse latinité : pour dire, une maison fort petite.

Bouge, en termes de Charpenterie, signifie une pièce de bois qui a du bombement, & qui courbe en quelque endroit. Arcuatio.

Bouge. Terme de Potier d’étain. C’est le demi-cercle qui est autour du fond de l’assiète.

Bouge. Terme de Tonnelier. Le milieu de la futaille, & la partie la plus élevée. Umbo.

Bouge, terme d’ Orfèvre en grosserie, est un petit ciselet ainsi nommé, parce qu’on s’en sert pour travailler sur les petites patries d’un morceau où le marteau à bouge ne peut entrer. Encyc.

Bouge, se dit aussi de la partie du chandelier qui commence à la poignée, & qui descend sur le pied en s’évasant.

Villon s’est servi du mot de bouges, pour signifier l’habillement que nous nommons haut-de-chausses & culotte.

Je donne l’envers de mes bouges
Pour tous les matins les torcher.

Bouge, s. f. signifie aussi la même chose que bougette, & en ce sens Pasquier, Rech. Liv. VIII, ch. 2, le dérive de Bulga. Nous disons encore qu’un homme qui s’est fait riche, a bien mis dedans ses bouges ; pour dire, dedans sa bourse. Pasq. Ce mot n’est plus en usage.

On nomme encore de la sorte sur les côtes de Guinée & dans quelques lieux de l’Afrique avancés dans les terres, cette espèce de coquillage blanc qui vient des îles Maldives, qu’on nomme aux Indes Orientales des coris, ou cauris, & qui servent de menue monnoie.

Bouge, s. f. Sorte de mauvaise poire qui se mange au mois d’Octobre. Elle se nomme autrement ben, ou la poire de Légat. La Quint.

Bouge, s. f. Terme de commerce. Espèce d’étamine fine, blanche & claire, dont on fait les chemises de la plupart des Religieux qui n’usent point de chemises de toile.

BOUGEOIR. s. m. Petit chandelier sans pied qui a un manche, une queue, ou un anneau, pour le porter à la main, & où l’on met une bougie. Cerarium. C’est le plus ancien des Aumôniers d’un Prélat qui porte le bougeoir quand il officie. Bougeoir est aussi une sorte d’étui, où il serre la bougie. Tach.

Bougeoir se dit aussi particulièrement de ce petit chandelier d’or, qu’un valet de chambre porte au coucher du Roi, & que le Roi, lorsqu’il se deshabille, fait donner par distinction à quelqu’un des Courtisans. Le Roi fit donner le bougeoir à un tel Seigneur.

BOUGEON. s. m. Vieux mot. Flèche qui a une tête.

☞ BOUGER. v. n. Qui s’emploie ordinairement avec la négative. Se mouvoir du lieu où l’on est. Movere se, movere se loco. Si vous bougez, vous me désobligerez. Ne bougez pas, je vous prie. Lorsque les soldats de César virent que les autres ne bougeoient, ils s’arrêterent d’eux mêmes. L’armée ennemie s’avançoit au petit pas, & la nôtre ne bougeoit. Ablanc.

Bouger, s’emploie avec une négation, pour signifier qu’une personne est fréquemment dans un lieu, qu’elle n’en sort presque point. Consistere. Ce badaut n’a jamais bougé de Paris. Cet homme n’a jamais bougé du coin de son feu. Ce débauché ne bouge du cabaret. Il ne bouge d’auprès du Roi. Il ne bouge d’avec les Dames. Voit. Assiduus est. &c.

☞ L’Académie françoise, dans ses sentimens sur la Tragi-comédie du Cid, observe que bouger est devenu trop familier.

BOUGETTE. s. f. Petit sac ou poche qu’on porte en voyage. Bulga. Nonius l’appelle sacculus ad brachium pendens. Fompeius Festus dit que bulga étoit un mot gaulois, & l’interprète saccus sconcus. Les Allemands l’appellent encore aujourd’hui bulgen, & les Anglois bolgan. Bougette s’est formé de bolgette, selon notre coutume de changer la lettre l en u. Voyez Cluvier, Germ. Ant. L. I, p. 70.

Le mot bougette est un diminutif de bouge, qui se disoit autrefois dans le même sens. Henri Etienne, de latinitate falsè suspecta. c. 8, pag. 335, observe qu’on disoit de son temps, il a bien rempli ses bouges ; pour dire, il a fait un gros gain. Voyez encore ci-dessus Bouge. On prononçoit dans les commencemens boulge, de bulga, mot fort connu chez les Latins, & dont la signification est si bien exprimée dans ces quatre vers du Poëte Lucilius.

Cui neque jumentum est, nec servus, nec commes ullus,
Bulgam & quicquid habet nummorum secum habet ipse :
Cum bulguâ cœnat, dormit, lavat : omnis in unâ
Spes hominis bulgâ, hac devincta est cætera vita.

BOUGIE, s. f. Chandelle de cire pour éclairer les chambres. Cereus. Chez le Roi on ne brûle que de la bougie. On donne de la bougie en présent en plusieurs Communautés.

Ménage croit que ce mot vient de la ville de Bugie, en Afrique, d’où on apporte beaucoup de cire. Et cela est plus croyable que ce que dit Guichard, que bougie vient de אבק, abac, ligo, d’où se forme אבוקא, abouca, qui est exposé fascis, virga cereata, c’est-à-dire, bougie, menue chandelle de cire, linum cereatum, comme de abouga.

On appelle aussi bougie, une très-petite chandelle de cire dont les pauvres gens se servent pour faire des offrandes. Filum modicè ceratum. Une bougie d’un double.

On appelle un pain de bougie, une menue chandelle de cire, & qui est tortillée en façon de pain, pour la transporter plus commodément. Fili incerati massula.

Bougie. Terme de Chirurgie. Candela, seu virga cereata. C’est une petite verge cirée, faite en façon de cierge, qu’on introduit dans l’urètre pour le dilater & le tenir ouvert, ou pour consumer ce qu’on appelle carnosités. Il y a deux sortes de bougies, les unes simples, les autres composées. Les simples sont faites de cire garnie d’une mèche, ou de toile cirée & roulée en forme de petit cierge. Les bougies composées sont celles dans lesquelles on mêle quelques remèdes capables de détruire les excroissances ou carnosités de l’urètre. Col. de Villars.

BOUGIER. v. a. Terme de Tailleur d’habits. Passer légèrement une bougie allumée sur le bord de quelque étoffe coupée, pour empêcher qu’elle ne s’effile, en attendant qu’on la couse. Incerare oram vestiariam, ou panni. Bougier du tafetas, du damas, de la moire. Voyez Cierger.

BOUGIÉ, ÉE. part.

BOUGRAN. s. m. Toile forte & gommée qu’on met ☞ entre la doublure & l’étoffe, en quelques endroits des habits, afin de les tenir plus fermes. Tela gummina, illita gummi. Tout le monde connoît le bougran & ses usages. Il n’y a que les Vocabulistes qui puissent dire que les Tailleurs l’emploient pour doubler quelques endroits des habits.

Un Grammairien allemand dérive ce mot par métathèse, de l’hébreu gabar, qui signifie validus fuit, à cause que c’est une étoffe faite de gomme. Du Cange prétend qu’on a dit autrefois bucaranum, & qu’il vient de boqueranus, bucaranum, & buchiranum, qu’on a dit dans la basse latinité en la même signification.

BOUGRANÉE. adj. f. On appelle une toile bougranée, celle qui a été apprêtée, & mise en bougran.

BOUGRANIÈRE, adj. qui n’est usité qu’au féminin. C’est le titre qu’on donne aux Lingères dans leurs Lettres de maîtrise. On les appelle maîtresses Lingères, Bougranières, Canevassières.

BOUGRE, ESSE. s. m. & f. Sodomite, non conformiste en amour. Sodomita. Terme proscrit parmi les honnêtes gens. Quelques-uns prétendent que ce mot vient des Bulgares, qui étoient fort attachés à l’amour des garçons, & que les vieux Auteurs appellent bougres, comme leur pays Bougrie, pour Bulgarie. D’autres, parce qu’on brûloit les coupables du crime de non-conformité, de même que les hérétiques qu’on appeloit bougres. On voit à la Chambre des Comptes un don de l’an 1473, fait à un Religieux Inquisiteur des Bougres & Albigeois. Les Albigeois furent appelés Bulgares, parce que c’est de Bulgarie que cette erreur se répandit dans ce pays-ci ; & de Bulgare, on fit Bougre. Rochefort prétend que ce mot vient de Bagoas favori d’Alexandre ; mais il n’y a point de vraisemblance ; & l’autre étymologie paroit sûre. Voyez M. de Marca, Hist. de Béarn, Liv. VIII, p. 728.

☞ BOUGUES. On appelle ainsi, en basse Normandie, des lieux sablonneux au bord de la mer, dont le sable est mouvant. Les bougues de Queneville, les bougues de Ramenouville, &c. Ce mot vient de l’anglois saxon bog, qui signifie une terre marécageuse & mal assurée, qui engloutit les passans. Bogge, mollieres, frondriere. Huet. Orig. de Caen.

☞ BOUGUIS. Province de l’île de Celebes, dans l’Océan Indien. C’est une souveraineté particulière, à l’orient du Royaume de Macassar, Boné en est la capitale.

BOVICIDIES s. f. pi. Sacrifices où l’on immoloit des bœufs. Bovicidia. Voyez Taurobole.

BOUILLANT, ANTE. adj. Qui bout. Fervens. Eau bouillante. On faisoit mourir autrefois les faux monnoyeurs dans de l’huile bouillante. Cela se pratique encore en Flandre.

On dit aussi d’un bain, d’un breuvage trop chaud, qu’il est bouillant.

Bouillant, se dit aussi au figuré, & signifie, chaud, ardent, vif, prompt. Fervidus, fervens. Un esprit bouillant. Il faut laisser passer l’ardeur bouillante de la jeunesse. Il y a des gens dont l’humeur est chaude & bouillante. Abl. Il est tout bouillant du désir de la gloire. Il est trop bouillant & trop emporté. Tout bouillant de vin & de colère. Boil. Les tempéramens bouillans & impétueux rompent toutes les mesures de l’amitié. S. EvR.

Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices,
Est prompt à recevoir l’impression des vices. Boil.

Achille déplairait moins bouillant & moins prompt. Id.

Quand le sang bouillant dans mes veines
Me donnait de jeunes désirs. Malherbe.

On appelle S. Martin bouillant, la fête de Saint Martin qui vient en été.


  1. Lecture difficile, βύκλα et βόκλα sont attestés (βόκλα semble erroné là où il existe) mais sont rares. L’original laisse deviner -avec une petite incertitude- le caractère typographique spécial du ού.