Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/491-500

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Fascicules du tome 2
pages 481 à 490

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 491 à 500

pages 501 à 510


☞ CHAUS. Province d’Afrique, au Royaume de Fez, entre les fleuves Zha & Guraigura.

CHAUSSAGE. s. m. Ce qui est nécessaire pour entretenir quelqu’un de souliers. Calcearium. A peine ce Valet gagne-t-il son chauffage. Pomey. Ce mot n’est pas d’usage.

CHAUSSANT, ANTE. adj. verbal. Qu’on chausse aisément, qui s’étend aisément sur la jambe. Quod facile inducitur. On ne le dit que des bas, encore ne le dit-on guère. Les bas de soie sont plus chaussans que les autres.

☞ CHAUSSE. s. f. Partie de l’habillement qui sert à couvrir les jambes. Tibiale. Dans ce sens, il n’est plus guère en usage. On dit communément bas.

Ce mot vient de calga, (comme fraise de fraga) qui avoit été fait de caliga, d’où vient aussi le mot de chausson & de calçon. Ménage. Du Cange de dérive de calcia, mot de la basse latinité qu’on a dit dans le même sens, quòd interdum cum calceis conjungeretus & unà calcearetur.

Chausse d’hypocras, est une espèce de drap ou d’étamine, ou simplement chausse, qui aboutit en pointe comme un capuchon, qui sert aux Chimistes, au Apothicaires & autres, pour filtrer & clarifier les liqueurs. Saccus quo vinum aromatites, aut loquores alii liquantur, purgantur, expurgantur. On passe l’hypocras, l’eau de blanc d’œuf par la chausse.

On appelle aussi chausse, une pièce d’étoffe que les Suppôts des Universités portent sur l’épaule dans les fonctions publiques. Chausse de Docteur en Theologie. Chausse de Docteur en Droit. C’est ce que l’on appeloit chaperon.

Ceux qui ont des degrés dans quelqu’une des quatre Facultés qui composent une Université, ont droit de porter la chausse. Elle est différente, ou quant à la matière, ou quant à la couleur, ou quant à la forme, dans les différentes Facultés, à raison des degrés qu’on y a. La chausse se porte sur l’épaule gauche, à découvert, & pardessus tous les habillemens. C’est une pièce de drap, large par le bout qui pend derrière l’épaule, & qui va en diminuant vers l’autre bout, à peu près comme le haut d’un bas ordinaire qui va en diminuant par en bas. C’est sans doute cette ressemblance qu’elle a avec le bas ordinaire dont nous nous couvrons la jambe, ou la chausse, qui lui a fait donner ce nom. Un Docteur qui prêche, porte la chausse en chaire. Il la tient sur son épaule pendant l’exorde, après quoi il la met sur le bord de la chaire.

Chausse. (Chevaliers de la) Plusieurs compagnies qui se formèrent à Venise avant la fin du XVe siècle, eurent le nom de la chausse, commun entr’elles, parce qu’elles étoient distinguées par la couleur de leurs chausses. Quelques-uns de ces Chevaliers de la chausse, étoient appelés Sempiternels. Leurs réglemens, rapportés par Giustiniani, n’étoient propres qu’à jeter les Chevaliers dans des dépenses excessives & ruineuses. En 1529, il y en avoit une autre compagnie appelée des Florides. On fait encore mention d’une troisème compagnie, différente des deux autres. On n’a pas meilleure opinion des unes que des autres. Tous leurs réglemens ne rouloient que sur l’ordre des festins, des spectacles & des divertissemens ; & l’on ne faisoit point de faute qui ne fût punie par une très-grosse amende au profit de la compagnie.

Chausse, au pl. ou hauts-de-chausses, signifie la partie inférieure du vêtement d’un homme, qui le couvre depuis les hanches jusqu’aux genoux. Braccaæ, femoralia, feminalie, subligar, subligaculum. Les canons des chausses sont les deux côtés par où l’on passe les jambes. Chausses à tuyaux d’orgues, ce sont des chausses qui sont si amples, que les plis qu’elles font naturellement imitent les tuyaux d’orgues. Femoralia ampliora.

Chausses à plein fond, comme celles des Suisses. Rabelais les distingue d’avec les chausses à queue de merlus, qui sont pointues & fort étroites. Remarque sur la Sat. Menipp.

☞ On appelle chausses de Pages ou trousses, des chausses courtes & plissées, que les Pages portoient autrefois. Braccæ. De-là, l’expression figurée, quitter les chausses, pour, sortir de Page ; prendre les chausses, se faire Page.

Chausses, en termes de Marine, se dit par quelques-uns, du présent ou pot-de-vin que le Marchand Chargeur donne au Maître, tant pour lui, que pour distribuer dans l’occasion. Pretium, merces. Ce qu’on lui donne pour lui en particulier, & qu’il ne partage point, est d’ordinaire autant que le fret d’un tonneau. On dit ordinairement, chapeau.

Chausses d’aisance. Tuyau de plomb ou de pierre, percé en rond ou en carré ; & plus souvent, de boisseaux de poterie. Latrinæ meætus. La chausse d’aisance doit avoir trois pouces d’isolement contre un mur mitoyen.

Chausses ou sac, terme de pêche. C’est une espèce de petit filet qui se met au fond des grands filets, que l’on nomme des dideaux. ☞ Ce filet a la forme d’une chausse large en s’ouvrant ; mais va toujours en diminuant jusqu’au bout.

Chausses se dit proverbialement en ces phrases. On dit à celui qu’on veut chasser d’auprès de soi, vas-te promener, tu auras des chausses ; ou simplement, vas-t-en, tires tes chausses. On dit aussi de ceux qui se sont mis en sûreté par la fuite, qu’ils ont bien fait de tirer leurs chausses. On dit, pour se mocquer de la pauvre Noblesse : c’est un Gentilhomme de Beauce, qui se tient au lit quand on racoûtre ses chausses. On dit aussi, il est si pauvre, qu’il n’a pas de chausses. On dit d’un jeune homme qu’il a la clé de ses chausses, quand il est hors d’âge d’avoir le fouet. On dit des Sergens qui mènent un homme prisonnier, qu’ils le tiennent au cul & aux chausses. On le dit aussi des parties adverses qu’on a réduit à l’extrémité, qui ne peuvent plus fuir leur condamnation, ou de qui on juge le procès, qu’on les tient au cul & aux chausses. On dit d’une femme qui gourmande son mari, qui fait les affaires de la maison, qu’elle porte le haut-de-chausses. On dit à celui à qui on voit des bas dépareillés, qu’il a des chausses de deux paroisses.

On dit qu’on a chausses & manches, pour dire, qu’on a tout l’avantage, qu’on a tout ce qu’on pouvoit souhaiter. C’est chausses grises, & grises chausses, pour dire, que c’est la même chose : tous proverbes populaires & bas.

Tirer ses chausses, dans le sens propre, c’est se déchausser ; dans le figuré, c’est une expression basse & populaire, qui veut dire, quitter promptement un lieu, en sortir, s’enfuir.

CHAUSSÉAGE. s. m. Droit qui se lève sur les personnes, voitures & marchandises, pour avoir permission de passer sur de certaines chaussées. En quelques lieux ce droit est domanial, & appartient au Roi ; en d’autres il est seigneurial.

CHAUSSÉE. s. f. Construction de pierres, de pieux, de fascines ; ou élévation de terre grasse & bien battue, pour retenir les eaux d’un étang, ou empêcher que des rivières ne se débordent dans les lieux plus bas. Moles. On fait une chaussée le long de cette valée, pour empêcher les inondations. On écrivoit autrefois chaulcée.

Ce mot vient de calcea. Nicote. Pasquier croit que ce mot a été dit par corruption de haussée. Spelman & Sommerus le dérivent à calceando, aut à calce, quia hujusmodi viæ calce muiuntur. Bergier, dans son Histoire des grands Chemins de l’Empire, dit qu’il vient à peditum calceis quibus teruntur. On l’a appelé dans la basse latinité calcea, calceia, calceata, & calceium. Du Cange.

Chaussée se dit des chemins de pierres, des jetées de terre qu’on fait dans les lieux bas & marécageux, pour y faire un passage sûr & commode. Agger. La ville de Mexique est bâtie au milieu d’un lac, & on n’y arrive que par de longues chaussées. Chaussée a signifié autrefois écluse.

Chaussée de pavé. C’est l’espace cambré qui est entre deux revers ou bordures de pierre rustique, pour les grandes rues ou les grands chemins.

On appelle le rez-de-chaussée, le haut de la chaussée qui est d’ordinaire au niveau de la campagne, parce qu’on ne les bâtit ordinairement que dans les lieux bas où s’écoulent les eaux, pour les tenir au niveau des terres. Summa soli facies. Ainsi on dit que des fondemens sont élevés jusqu’au rez-de-chaussée, pour dire, au niveau du terrain où l’on bâtit, & jusqu’où on éléveroit une chaussée, si on y en vouloit bâtir une effectivement.

Chaussée. Terme d’Horlogerie. C’est le canon sur lequel l’aiguille des minutes d’une montre est placée.

CHAUSSEMAR. Voyez CAUCHEMAR.

CHAUSSEMENT. s. m. Pomey employe ce mot pour signifier l’action de chausser, & aussi la provision de chaussure, calceatus ; mais il n’est pas usité.

CHAUSSE-PIÉ. s. m. ☞ Lanière, ou morceau de cuir, large par un bout, étroit par l’autre, couvert de son poil, dont on se sert pour chausser aisément des souliers, & en relever les quartiers sur le talon. Talaris assula induendis calceis. On en faisoit autrefois de corne, même de fer.

Chausse-pié se dit figurément des choses qui donnent de la facilité à en faire une autre. Præsidium ad rem aliquam. Une charge qu’achette un jeune homme est un chausse-pié : cela est du style tout-à-fait bas.

On dit figurément & proverbialement quand on a réussi en quelqu’affaire sans le secours d’autrui : Nous voila dedans sans chausse-pié.

CHAUSSER. v. act. ☞ Ce verbe a différentes acceptions dans notres langue. Il signifie, mettre des bas, des souliers, des bottes, &c. Calceare, tibialia inducere.

☞ On le dit du Cordonnier qui fournit la chaussure. Quel est le Cordonnier qui vous chausse ? Pour dire, qui fait des souliers pour vous ? Calceos sacere, vendrere.

☞ On l’applique à l’ouvrage même. Ce bas, ce soulier vous chausse bien, c’est-à-dire, qu’il va bien sur la jambe, sur le pié. Congruere.

On disoit autrefois d’un certain homme à Paris, qu’il se chaussoit comme les autres se coiffent, & qu’il se coiffoit comme les autres se chaussent, parce qu’il portoit des souliers de castor, & des calottes de maroquin. Marv.

Chausser se dit non-seulement des souliers qu’on met à ses piés, mais aussi du pié que l’on met dans les souliers, ou que l’on couvre d’une chausse ou d’un bas. Inducere pedi calceum, ou tibiale. Chausser les deux piés l’un après l’autre. Chausser le pié droit, chausser le pié gauche. Pour l’autre pié qui se sentoit de sa blessure, & qui s’enfloit toutes les nuits, il jugea à propos de le chausser. Bouh.

Chausser est aussi v. n. & dans cette acception il n’a d’usage, au propre, que dans ces phrases : Chausser à six point, à sept points : chausser à tant de points, pour dire, porter des souliers d’une telle ou telle longueur. Acad. Fr.

Chausser les éperons, se dit d’une cérémonie qui se fait en recevant un Chevalier, quand le Roi ou le Grand-Maître de l’Ordre lui ceint lui-même l’épée au côté, & lui met aux piés les éperons. Astringere calcaria, adnectere.

On dit figurément, chausser les éperons aux ennemis ; pour dire, les poursuivre vivement après qu’on les a défaits les obliger à se servir de leurs éperons. Persequi viriliter, acriter, celeriter.

Chausser des arbres, terme de Jardinage ; c’est mettre aux piés des arbres de la terre nouvelle, du terreau, du fumier, pour les faire porter davantage. Arborem stercorare.

En termes de Fauconnerie, chausser la grande serre de l’oiseau, c’est entraver l’ongle du gros doigt, d’un petit morceau de peau. Unguem accipitris maximul induere.

Chausser les voix à leur point, terme de Musique. C’est proportionner l’étendue des chants, tant dans le haut que dans le bas, à l’étendue des voix qui les doivent chanter.

On dit figurément chausser le cothurne, ☞ d’un Auteur qui se met à composer des Tragédies. On le dit aussi de l’Acteur qui les représente. Coturnum induere.

☞ On le dit encore d’un Auteur qui enfle son style.

On dit encore figurément & bassement, que deux hommes chaussent à même point, pour dire que ce qui convient à l’un est propre à l’autre ; qu’ils sont de même humeur, de même génie. On dit aussi, chaussez vos lunette, pour dire, regardez la chose plus exactement, de plus près. Se chausser une opinion dans la tête, s’entêter d’une opinion : on le dit toujours en mauvaise part. Cet homme n’est pas aisé à chausser, pour dire, n’est pas aisé à persuader, à gouverner. Quand il a son bonnet chaussé, sa tête chaussée, pour dire, quand il est aheurté à une opinion, il y est ferme.

Chaussé, ée, part.

On dit au Manège, qu’un cheval est chaussé trop haut, quand ses balsanes & marques blanches montent trop haut sur ses jambes.

Chaussé, en termes de Blason, est le contraire de chapé, & se dit lorsqu’une espèce de chevron plein & massif est renversé, & touche de sa pointe celle de l’écu ; en sorte que le champ de l’écu lui sert comme de chausse ou de vêtement qui l’entoure de bas en haut. Insertus, immissus ; au lieu que, quand il est droit, il lui sert de chape ou de manteau. L’un & l’autre se forment sur un triangle sur le champ de l’écu. De gueules, à trois pals d’argent, chausse d’or.

Chaussé ou Chauchié signifioit autrefois, chemin ferré. Via ferrata, d’où est venu de le mot de chaussée, selon Borel.

On dit proverbialement & figurément : les Cordonniers sont les plus mal chaussés, pour donner à entendre que ceux qui en savent plus que les autres, & qui par conséquent devroient mieux faire, font le plus souvent beaucoup plus mal.

On dit d’une jolie femme, qu’elle est toute des mieux chaussées, ☞ & d’un jeune homme qui ne s’adresse, dans ses galanteries, qu’à des personnes jolies & de qualité, qu’il ne s’adresse qu’aux mieux chaussées.

On dit d’un homme qui se sauve à la hâte, qu’il est sorti un pié chaussé & l’autre nu. On dit aussi, le Diable l’a emporté tout chaussé & tout vêtu. On dit aussi, dès que les chats sont chaussés, pour dire, de bon matin : tout cela est bas & populaire.

CHAUSSETIER. s. m. Faiseur de chausses. Ce mot se joint ordinairement avec Drapier. Tibialum sarcinator. C’est un Marchand de draps de laine, qui fait un des six Corps des Marchands de Paris. On les a appelés Drapiers-Chaussetiers, parce que dans le siècle passé il falloit avoir affaire à deux Marchands pour se faire un habit. Les Pourpointiers faisoient des pourpoints qui étoient de satin, de velours ou de peaux de senteur. Les Drapiers faisoient les chausses qui étoient toujours de drap, & différentes des pourpoints. Les Tailleurs n’étoient appelés que pour les façons, & ne pouvoient rien fournir, à cause qu’ils n’étoient pas Marchands. On n’a fait la réunion de ces deux Corps, de Pourpointiers & de Tailleurs, qu’en l’année 1656.

CHAUSSETRAPE. s. f. Instrument garni de quatre pointes de fer, ou morceau de fer à quatre pointes disposées en triangle, de telle sorte qu’il y en a toujours trois qui portent à terre, & une demeure dressée en l’air. Murex ferreus. Budée les appelle calciatrappæ. Les plus petites ont des pointes de trois pouces, & les plus grandes de cinq. On en sème plusieurs dans un champ où la Cavalerie doit passer, afin qu’elles se fichent dans les piés des chevaux, & les enclouent. Quelques-uns les nomment cloux-d’attrape.

On appelle en termes de Chasse, Chaussetrapes, des piéges à prendre des loups & autres bêtes. Laqueus.

Chaussetrape. s. f. Terme de Botanique. Espèce de chardon. Voyez Chardon étoilé, au mot Chardon.

Chaussetrape. C’est aussi une pièce de blason & d’armoiries.

☞ CHAUSSETTE. s. f. Bas de toile, de fil ou coton, que l’on porte sous d’autres bas, pour la commodité & pour la propreté. Linteum tibiale.

CHAUSSON. s. m. ☞ Chaussure qu’on met au pié par-dessous le bas. C’est proprement le pié d’un bas. Udo. On fait des chaussons de toile, de laine, de coton, de chamois, d’ouate.

Chausson est aussi une espèce de souliers légers, plats, sans talons, dont la semelle est de feutre ou de drap, & dont on se sert pour jouer à la paume, pour apprendre à danser, à faire des armes & autres exercices où il faut avoir le pié ferme & léger. Leviores calcei.

On dit par raillerie d’un homme qui n’a guère de linge, guère de hardes, que tout son équipage tiendroit dans un chausson. Saint Amant a dit, de la toilette d’un débauché,


Où le luxe mis hors d’arçon
Ne montre, pour tout équipage,
Qu’un peigne dedans un chausson.

CHAUSSURE. s. f. Couverture du pié ou de la jambe. Calceamentum, calceamen. Les chausses, souliers, bottes, pantoufles, brodequins, sont compris sous le nom de chaussure. Les noms françois des chaussures sont, chausse, chaussette, chausson, bas, botte, bottine, brodequin, cothurne, escarpin, pantoufle, soulier, sandale, galoche, soque, sabot.

Les chaussures des anciens Romains furent d’abord de cuir cru, & même avec le poil. Encore aujourd’hui le peuple d’Espagne, au moins en bien des endroits, n’a point d’autre chaussure qu’un morceau de peau ou de cuir qui s’envelope autour du pié & du bas de la jambe. Cela s’appeloit chez les Romains Carbatinæ crepidæ. Voyez Catule, Ep. XCIX. Ils faisoient aussi des chaussures de genêt ou de jonc, spartei & juncei calcei ; de même qu’on fait quelquefois en France de grosses pantoufles de paille ou de nattes, pour tenir les piés chauds pendant l’hiver. On en faisoit aussi de toile de lin : le fer même & l’airain, l’argent & l’or y étoient employés. Ils avoient aussi l’usage des sabots de bois. On se servoit aussi de liége pour mettre sous les souliers, & rendre la chaussure plus haute. C’étoit l’usage des Perses, & Auguste, dit-on, en usoit aussi.

Benoît Baudouin, natif d’Amiens, fils d’un Cordonnier, & Cordonnier lui-même dans la boutique de son pere, a fait un Traité de la Chaussure des Anciens, De Calceo Antiquo ; & Nigronius, De Caliga Veterum ; & Antoine Bynæus, De Calceis Hebræorum, Lib. II, Dordraci 1683. voyez aussi la Dissertation de Dodwel, De Parma Equestri Wordwardiana, à la fin. Le petit Traité de Nigronius est fort estimé ; il le divise en quatre chapitres, où il montre qu’elle étoit particulière aux Soldats, & que ce n’étoit autre chose que ce que nous nommerions des sandales, garnies de clous par-dessous, & attachées avec deux ou trois courroies au-dessus de la cheville du pié. M. Nilant le fit imprimer il y a quelques années pour la cinquième fois à Leyde. Albert Rubeus a fait une Traité De Calceo Senatorio, de la Chaussure des Sénateurs.

Nos anciens François, dit le Moine S. Gal, avoient des chaussures dorées par dehors, & ornées de courroies ou lanières longues de trois coudées. Telle étoit la chaussure de Charlemagne & de Louis-le-Débonnaire, comme il paroît par les Notes de M. Baluze sur les Capitulaires de nos Rois, pag. 1280. Jean-Pierre Puricelli, dans ses Monumens de la Basilique Ambrosienne, décrit la chaussure de Bernard, Roi d’Italie, & fils de Pepin, dont le corps y fut trouvé, & levé de terre. Ses souliers, dit-il, étoient encore entiers. Ils étoient de cuir rouge, & la semelle étoit de bois. Ils étoient si justes, si bien faits à chaque pié, & aux doigts de chaque pié, que le soulier gauche ne pouvoit servir au pié droit, ni le droit au pié gauche, finissant en pointe du côté du gros doigt. Voyez M. Du Cange, au mot Armiger & au mot Fasciola. Nous remarquons la même figure dans les anciens tombeaux. M. Nilant, dans ses Notes sur Baudouin, De Calceo, dit que les Dames Vénitiennes se donnent une chaussure fort élevée, & qu’il en a vu montées sur des souliers hauts de trois piés.

Pline rapporte, Liv. VII, c. 56, qu’un Tibus de Bœotie fut le premier qui se chaussa. Baudouin prétend que Dieu donna des souliers de peau à Adam & à Eve. Bynæus rejette cette conjecture.

On dit, qu’un homme a trouvé chaussure à son pié, pour dire, qu’il a trouvé une chose qui lui convient, une personne qui est de même humeur, de même génie. Cet homme est pacifique, il a épousé une femme fort douce ; il a trouvé chaussure à son pié. On le dit aussi d’un ennemi, quand on l’a trouvé d’égale force. Cet homme est un grand chicaneur, mais il a trouvé chaussure à son pié. Il a affaire à un homme qui en fait autant que lui. Tout cela est familier.

CHAUVE. adj. m. & f. Qui a toute la tête ou la plus grande partie, principalement le devant, sans cheveux. Calvus. Charles le Chauve étoit savant, mais foible. Mez. La mode des perruques a été favorables aux chauves. Effacez vos défauts par vos vertus, & imitez César, qui couvrit de laurier sa tête chauve. Amelot. Les gens chauves passoient autrefois pour trompeurs, d’où vient le proverbe latin.

Si non vis falli, fugias consortia calvi.

On dit figurément que l’occasion est chauve par derrière ; pour dire, qu’il la faut prendre dès qu’elle se présente, & ne la pas laisser échapper.

CHAUVE-SOURIS. s. f. Petit oiseau nocturne, dont les aîles, au lieu de plumes, sont de peau & de cartilage. Il ressemble à une souris. Il n’a ni bec, ni plume. Vespertilio. La chauve-souris se sert des deux piés de devant pour voler ; c’est-à-dire, pour étendre ses aîles, qui y sont attachées. Elle ne s’apprivoise jamais. Elle vit de mouches & de choses grasses, comme de chandelles, de graisse & de chair. Elle a été ainsi appelée du mot chauve, à cause qu’elle n’a ni poil, ni plumes ; & pour cela on l’a appelée en plusieurs endroits, rat pennal. La chauve-souris n’a ni plume ni pattes ; elle a seulement deux petites griffes attachées au bas de ses aîles, lesquelles sont composées d’une pellicule ou membrane fort déliée. Elle a la tête comme une souris, & du poil de même. Il y a les deux sexes. Elles portent leurs petits ainsi que les bêtes à quatre piés, & les nourrissent à la mammelle. Les chauve-souris ne paroissent que la nuit, encore n’est-ce que quand il fait beau, & que le temps est chaud. Elles ne vivent que de mouches & d’autres insectes. On dit que son sang est bon pour la guérison des blessures. Elles ont beaucoup de diversité dans leurs figures. Les unes ont la tête de souris, les autres d’un chien. Les unes sont sans queue, ou n’ont du moins qu’une petite membrane entortillée de part & d’autre, comme l’ont presque toutes celles de l’Europe. Celles d’Afrique & d’Egypte ont une queue longue, & semblable à celles des souris, qui s’étend par delà leur membrane. Il s’en trouve qui ont quatre oreilles ; d’autres, en plus grand nombre, deux seulement. Quelques-unes sont noires, les autres fauves, les autres blanchâtres, d’autres cendrées. Quelques-unes ont vingt-quatre dents, douze à chaque mâchoire. Bellon rapport qu’il y en a qui en ont trente quatre ; savoir, dix-huit à la mâchoire d’en-bas, & seize à celle d’en haut.

Les chauve-souris ne bâtissent point de nid ; elles font leurs petits dans toutes sortes de fentes & de trous indifféremment, plus communement dans les ouvertures qu’elles rencontrent aux toits & aux couvertures des maisons. Elles allaitent leurs petits suspendus à leurs mammelles, ou attachés contre les murs, dont ils ne se séparent jamais quand ils y sont une fois attachés. Un jour ou deux après que la mere a mis bas ses petits, lorsqu’elle est contrainte d’aller chercher sa nourriture, elle les détache de ses mammelles, & les susprend ainsi à la muraille.

Bellon rapporte qu’en Île de Corse il y a une carrière qui en est toute remplie, & qu’il y en a quelques-unes qui ont deux dents en haut & deux en bas, qui sont longues comme les canines ; ce qui ne se rencontre point aux rats, ni aux souris.

Les aîles des chauve-souris, qui, comme on l’a dit, ne sont que des membranes, n’ont point de sang. Elles commencent depuis l’épaule, leur prenant tout le long des aîles, & environnant leurs jambes, qui ont quatre articulations dont elles se servent au lieu de piés, tant de celles de devant que de celles de derrière. Elles ont cinq doigts à chaque pié, assez bien munis d’ongles crochus : & une paume ouverte aux piés de derrière, qui ressemble à une main. Il y a à Madagascar, au Brésil & aux Maldives, des chauve-souris grosses comme des corbeaux, qui ont la tête comme celle d’un renard. Elles se pendent aux arbres pour se reposer par de petites agraffes qui sont aux nœuds de leurs aîles. Elles sucent le sang des hommes la nuit, s’attachant au premier membre qu’elles trouvent découvert. Hist. des Ind. Les chauve-souris des Îles de l’Amérique sont plus grosses que celles de France. Celles du Brésil impriment une petite morsure à l’oreille dont on a bien de la peine à étancher le sang. P. Du Tert. A la côte de Darien aux Indes occidentales, il y a des chauve-souris dont la piquure est venimeuse, & quelquefois mortelle. Elles ont cela de remarquable, que quand elles ont piqué un homme, les jours suivans elles le choisiront entre cent personnes pour le piquer encore dans le même endroit. Herrera. On les honore fort chez les Caraïbes. Ils les tiennent pour les bons Anges qui gardent leurs maisons pendant la nuit, & appellent sacriléges ceux qui les tuent. Il y en a d’autres à la Chine qui sont aussi grosses que des poules, & dont les Chinois mangent la chair, qu’ils ne trouvent pas moins délicate. Voyage de la Chine. Le P. Soucier, dans ses Observ. publiées en 1729, dit qu’il y a à Poulo-Condor de pareilles chauve-souris.

☞ Il paroît que la chauve-souris, que la plûpart des Auteurs prennent pour un oiseau, est un véritable animal quadrupède. Elle est vivipare, elle n’a ni bec ni plumes. Elle vole à la vérité par le moyen d’une membrane ; mais l’écureuil volant, vole aussi, & n’en est pas moins un animal quadrupède. Si la chauve-souris est imparfaitement quadrupède, elle est encore bien plus imparfaitement oiseau.

CHAUVETÉ. s. f. État d’une tête chauve dont le poil est tombé, ou la plus grande partie. Calvities. Les Médecins disent plus ordinairement calvitie. Voyez ce mot.

CHAUVIGNY. Petite ville de France en Poitou, sur la Vienne, à trois ou quatre lieues de Poitiers.

CHAUVIR. v. n. Dresser les oreilles. Aures subrigere. ☞ Il ne se dit que des chevaux, des ânes, des mulets. Ce cheval chauvit des oreilles. On dit mieux, dresser les oreilles.

CHAUX. s. f. Pierre calcinée, marne, marbre ou autre matière semblable, qu’on brûle, & qu’on fait cuire à grand feu dans un four bâti exprès, dont ensuite on fait du mortier pour bâtir. C’est proprement le produit de la calcination des pierres & des terres calcaires. Calx. Le feu en dessèche toute l’humidité, & en ouvre tous les pores, ce qui fait qu’elle se réduit si facilement en poudre. La chaux vive, calx viva, est celle qui sort du fourneau. Chaux éteinte, fusée, ou amortie, est celle qu’on délaye & qu’on détrempe dans un bassin avec de l’eau, pour faire du mortier. Restincta, extincta. Chaux fusée, est celle qu’on a laissé long-temps à l’air sans l’éteindre, dont toutes les parties ignées se sont évaporées peu-à-peu, qui s’est réduite en poudre très-menue, & qui n’est plus bonne à rien. Macerata. On blanchit les murailles avec de la chaux. Lorsque la chaux est mouillée elle se lie au rabot, quand on la détrempe. Les murs des fondemens se font à chaux & à sable. Les Siamois font une chaux qui dure cent & deux cens ans, avec laquelle ils font des statues & des mausolées. Il se trouve beaucoup de pierres de chaux près de Malmoé en Suéde. Il y en a de deux espèces, l’une qui se tire de terre, & l’autre qui se prend sur le rivage, ou au bord de la mer : la dernière espèce est meilleure, on en tire beaucoup plus de chaux. En mêlant ces deux chaux, on en fait une troisième espèce beaucoup meilleure encore, & qui épargne beaucoup, parce qu’elle soutient les trois quarts de sable. Aux Indes la chaux se fait d’ordinaire avec des coquillages de mer ; celle qui se fait de coquilles de limaçon sert à blanchir les maisons ; & celle de pierres, mâcher avec des feuilles de bétel. On en voit qui en prennent par jour gros comme un œuf. Lettres édif. Tom. IX.

Il y a un Traité de la manière de bien préparer la chaux. M. Du Hamel en a donné un précis dans l’Histoire de l’Acad. des Sciences, Liv. I, Sect. II, c. V. En voici les points principaux. La pierre la meilleure pour faire la chaux, est la plus dure. Il faut qu’elle ait été tirée de la carrière long-temps auparavant. Plus il y a de sel fixe dans la pierre, meilleure est la chaux. Pour la bien cuire, il faut d’abord ne lui donner qu’un feu lent, de crainte que l’humeur crasse qu’un feu ardent en feroit sortir avec impétuosité, n’emportât avec elle le sel volatile. Après que l’humide épais, s’est exhalé par ce feu lent, on ne sauroit donner à la chaux un feu trop violent. Plus il est ardent, plus il divise en parties fixes la terre & le sel, qui en deviennent plus propres à faire une liaison solide & ferme. Quand la chaux est cuite, le mieux est de l’éteindre aussi-tôt ; si on ne le fait pas, il faut au moins la mettre dans des tonneaux bien fermés. Les meilleures pierres ou morceaux de chaux, après qu’elle est cuite, sont ceux qui sont pesans, sonores, qui ont les parties plus compactes, qui s’éteignent dans l’eau avec bruit, qui fument en s’éteignant ; qui, dans ils sont éteints, font une chaux humide, grasse & blanche, parce qu’elle abonde en sel sulfureux, & que ses parties sont unies par une humeur déliée qui leur sert d’une espèce de glue.

Pour bien éteindre la chaux, il ne faut pas jeter de l’eau dessus, il faut la jetter dans l’eau, ensuite la remuer continuellement, & comme la pêtrir avec le bouloir, sans cela elle se ramasseroit encore en pierres dures. Il faut la remuer long-temps, & y jeter beaucoup d’eau. Quand elle est éteinte, il faut jeter quantité d’eau dessus, afin qu’elle retienne le sel le plus subtil, jusqu’à ce que ce sel nâge sur l’eau comme une espèce de crême, & qu’il se fasse un parfait mélange des sels & de l’eau.

☞ L’effervescence de la chaux & de l’eau s’explique par la théorie générale de l’effervescence. Voyez ce mot. Pour expliquer sa chaleur, dont cette effervescence est accompagnée, nos Physiciens & nos Chimistes n’avoient rien imaginé de mieux, qu’une infinité de particules de feu emprisonnées dans les pores nombreux de la chaux, formés par la calcination. Ces particules de feu, dégagees de leur prison par les particules d’eau, produisoient la chaleur. A ce méchanisme, M. Homberg ajoutoit le frottement causé dans toutes les parties de la chaux par le mouvement impétueux des particules d’eau qui pénétrent ses pores. Ces explications ingénieuses, & qui paroissent fondées sur le méchanisme, ont été reçues avec avidité, & adoptées par tous les Physiciens, pendant qu’elles avoient la grace de la nouveauté. La Chimie moderne n’a retenu que l’explication de M. Homberg.

Quand la chaux a été éteinte en cette manière, on l’enferme dans la terre. Elle s’y raffine ; & plus on l’y garde, plus elle est parfaite. C’est pour cela que les Romains éteignoient la chaux trois ans avant que de s’en servir. C’est ce qui fait que dans leurs bâtimens le mortier est plus dur que la pierre même.

Pour faire le mortier, on met deux tiers de sable sur un tiers de chaux. Les Romains mettoient les trois quarts de sable de rivière, & quatre cinquièmes de sable de terre. Et afin que le mortier fût plus tenace & plus ferme, ils le préparoient quelques jours avant que de l’employer. Ils y ajoutoient même quelquefois une troisième partie de tuile ou de brique broyée, ce qui fait un excellent ciment. Le sable de terre doit être employé aussi-tôt qu’il est tiré. Celui qui fait du bruit quand on le frotte entre les doigts, & qui est rouge, est le meilleur.

Chaux se dit en Chimie de cette espèce de cendre ou poudre très-menue, qui reste des métaux ou des minéraux qui ont été long-temps en un feu très-violent. ☞ Ce sont les métaux calcinés, auxquels l’action du feu a fait perdre leur liaison & leur forme métallique, & que cette action a changés en une substance semblable à une terre. Les précipités des métaux sont des produits tous différens des chaux métalliques. L’or & l’argent qu’on a réduits en chaux se remettent par l’art dans leur première nature. La chaux d’étain s’appelle de la potée, qui sert à polir les miroirs d’acier. La chaux d’airain s’appelle æs ustum chez les Droguistes.

On dit proverbialement, qu’une affaire est faite à chaux & à ciment ; pour dire, qu’elle subsistera, qu’elle est faite solidement & avec toutes les précautions nécessaires.

Ce mot de chaux vient du latin caleo. Clax fit ex lapidibus calefactis & adustis. Le françois chaux, & le teuton kalck, sont tirés du celtique calch. Pezr.

CHAY. s. m. Plante qui ne croît que dans le Royaume de Golconde, dont on tire cette belle couleur rouge qui fait tant estimer les toiles de Masulipatan. C’est pour cette partie des Indes ce qu’est ailleurs, & particulièrement en Europe, la cochenille.

☞ C’est une petite plante qui s’elève à la hauteur d’un pié. Ses feuilles sont petites, rangées trois à trois sur les tiges & sur les rameaux. La fleur est petite, blanche, composée de quatre pétales disposés en croix. La racine est longue, menue, ondée, & de couleur jaune pâle. C’est cette racine qui sert à faire la teinture ; mais on ignore la manière dont les Indiens la préparent & l’emploient pour faire ces couleurs si vives & si brillantes que nous admirons sur leurs toiles peintes ou imprimées.

CHAYÈRE. s. f. Vieux mot qui signifie chaire. On le trouve dans le Roman de la Rose, & il est encore en usage dans quelques Provinces.

Sans plus faire longue prière,
Il s’assit en une Chayère,
Jouxte de son Autel assise.

CHAYET. s. m. Monnoie de Perse. Le chayet vaut cinquante deniers & dix mailles de notre monnoie. Tavernier.

CHAZAN. s. m. M. Ligthfoot dit que les Evêques dont il est parlé dans l’Ecriture, tiroient leur origine du chazan, ou de l’Evêque de Synagogue.

☞ CHAZELLES. Ville de France en Forez, à sept ou huit lieues de Lyon.

CHAZINZARIEN, ENNE. s. m. & f. Nom de secte. Chazinzarius, a ; Staurolatra. Hérétiques qui s’élevèrent en Arménie au VIIe siècle. On les nomma autrement Staurolatres, nom qui signifie en grec ce que Chazinzarien signifie en arménien, c’est-à-dire, Adorateur de la Croix ; car chazus en cette langue signifie Croix, dit Nicéphore, Liv. XVIII, c. 5, & on les nommoit ainsi, continue-t-il, parce qu’ils passoient pour n’adorer que la Croix. Ils faisoient une grande secte, & étoient Nestoriens, admettant deux personnes en Jésus-Christ. Ils avoient beaucoup d’autres erreurs, qu’ils disoient tenir par tradition d’un Grégoire, Evêque de la grande Arménie. Nicéphore les accuse encore d’offrir des azymes, de ne mettre point d’eau dans le calice, & d’observer un jeûne annuel au jour de la mort du chien de Sergius, le faut Docteur, qu’ils nommoient Artziburtzes. Le texte grec de Nicéphore les appelle Chatzinzariens. Χατζιντζάριος (Chatdzintdzarios).

CHAZNADAR-BACHI. Voyez Chasnatarbassi ou Chasnadar-bachi.

CHAZNAH-AGASI. s. m. Terme de Relation. Eunuque préposé à la garde du trésor de la Sultane Mere, & qui & l’intendance sur toutes les filles de sa Chambre. Senioris Turcarum Imperatricis Quæstor.

Ce nom est turc, & composé de Chasnah, trésor, & Aga, dont nous avons parlé en son lieu.

CHE.

CHÉABLE. adj. m. & f. Vieux mot. Caduc, sujet à tomber.

CHÉANCE. s. f. Vieux mot, qui veut dire, profit, utilité, avantage. Commodum, utilitas.

CHÉANTE. s. f. Vieux mot. Chûte.

CHEAUS. s. m. Terme de Chasse, qui se dit des petits de la louve & même des chiens & des renards. Catuli.

CHÉBULE. s. f. Kebula. Nom que l’on donne en Asie à ces fruits que l’on nomme en Europe Myrobolans. On les nomme chébules, du Cabulestan d’où il s’en tire une grande quantité. Voyez Myrobolans.

CHECAYA. s. m. Second Officier des Janissaires, qui les commande sous l’Aga, & qui est, dit Vigenère, dans ses Illustrations sur l’Histoire de Chalcondyle, p. 375. comme un Mestre-de-Camp, ou plutôt son Lieutenant. Il a connoissance de tout ce qui peut survenir entr’eux, & qui les concerne. C’est lui qui les range en bataille, quand il faut combattre. Il a quatre ducats par jour, & six cens de timar par ans, avec un Jazgi ou Ecrivain, pour faire les rôles, &c. On appelle encore le Checaya des Janissaires Protogero, mot grec, qui signifie, premier vieillard.

Il y a aussi le Chevaya de cuisine, qui est un Surintendant, ou Contrôleur des cuisines du Serrail, qui est le second Maître-d’Hôtel. Vigen. p. 337. Le Chevaya de l’écurie, qui est sous l’Imbroorbassi ou Grand-Ecuyer, & qui est comme son Lieutenant.

Ce mot signifie Lieutenant, & second toujours d’après le premier. Vigen.

CHECAGNI. s. m. Officier du Serrail du Grand Seigneur, Commis ou petit Trésorier. Les Checagnis sont sous le Chasnadarbassi. Vigen. Illust. sur l’Hist. de Chalcond. p. 331.

CHECHINQUAMIN. s. m. Petit fruit de la Virginie, qui est fort estimé parmi les Sauvages ; il est fort semblable au gland, si ce n’est qu’il a des écailles comme les noisettes.

☞ CHECO. Grande ville d’Asie, capitale du Royaume de Tonquin.

☞ CHECUAN. Ville d’Afrique, au Royaume de Fez, dans la Province d’Errif.

CHEDA. s. m. Monnoie d’étain qui se fabrique & qui a cours dans le Royaume du même nom, situé dans les Indes orientales, proche les Etats du Grand-Mogol.

CHEDABOUCTOU. s. m. Rivière de l’Acadie, qui se décharge dans la baie de Campseaux. Chedaboctous fluvius. Elle est si abondante en saumons, que Denis la nomme la rivière au saumon. Les saumons y sont forts, les moindres ont trois piés de long. Il y a aussi beaucoup de truites saumonnées. La rivière monte bien avant dans les terres ; il n’y va que des canots.

☞ CHEDERLES. Heros fabuleux, révéré par les Turcs. Ils disent que c’étoit un des Capitaines d’Alexandre, qui tua un furieux dragon auquel on avoit exposé une jeune fille, à qui il sauva la vie. Ils ajoutent qu’après avoir bu des eaux d’un fleuve, qui l’ont rendu immortel, il court le monde sur un cheval immortel comme lui, & assiste les guerriers qui l’invoquent. Ils ont dans leur Mosquée une fontaine de marbre, dont l’eau est fort claire, qui doit, disent-ils, son commencement à l’urine du cheval de Cherdeles. L’hippocrène des Poëtes fut moins grossièrement imaginée. Ils montrent fort près de là les tombeaux de son palefrenier & de son neveu, où ils disent qu’il se fait continuellement des prodiges en faveur de ceux qui les invoquent. Ils prétendent que si l’on avale une infusion de la raclure des pierres & de la terre où Cherdeles s’arrêta pendant qu’il attendoit le dragon, c’est un remède sûr contre la fièvre, le mal de tête & contre le mal des yeux. Voyez dans les histoires orientales de Possel, jusqu’où va la superstition des Turcs pour leur Chederles.

CHEF. s. m. Vieux mot qui signifioit autrefois la tête de l’homme, la partie la plus élevée dans l’homme, & qui n’es plus en usage qu’en Poësie & en matière de dévotion. Caput. Corneille a dit dans le Cid :

Et le mortel affront
Qui tombe sur mon chef, rejaillit sur ton front.

Il y a plusieurs chefs, plusieurs reliques de Saints dans cette Eglise. On conserve dans l’Eglise d’Amiens le chef de S. Jean. Chef se dit aussi dans le style burlesque, pour signifier la tête, la personne. Je n’ai fait aucune chose qui doive attirer sur mon chef un si déplorable méchef. Bens. On dit aussi en parlant sérieusement, le chef de Méduse.

Nicod dérive ce mot du grec κεφαλὴ, signifiant tête comme qui dire ceph, auss-bien qu’Henri Estienne ; mais Ménage soutient qu’il vient de capo, qui a été fait de caput.

Chef, se dit encore à présent en parlant des bestiaux. Capita. Cet homme a deux cens chefs de bêtes àcornes qu’il a donné à chepteil à son Fermier. Il y a deux cens chefs de volailles dans cette basse-cour ; pour dire, tant de pièces.

☞ Tête, chef. Le seconde de ces mots n’est d’usage dans le sens littéral, dit M. l’Abbé Girard, que quand on parle des reliques des Saints : le chef de S. Jean, de S. Denis : mais ils sont tous deux fort usités au figuré, avec cette différence que le mot de tête convient mieux lorsqu’il est question de place ou d’arrangement, & que le mot de chef s’emploie très-proprement lorsqu’il s’agit d’ordre ou de subordination. Syn. Fr.

☞ On dit la tête d’un bataillon, d’un bâtiment ; & le chef d’un entreprise, d’un parti. On dit aussi, être à la tête d’une armée, & commander en chef. Il sied bien au Chef de marcher à la tête des troupes.

☞ Ce mot chef a différentes acceptions au figuré, relatives à la situation de cette partie qui est la plus élevée, & à sa fonction dans le corps humain.

☞ On le dit de celui qui est le principal, le premier, qui a le premier rang, la principal autorité. Princeps, caput. Jesus-Christ est le Chef invisible de l’Eglise. Le Chancelier est le Chef de la Justice, & de tous les Conseils du Roi. Le Premier Président est le Chef du Parlement.

Il se dit aussi au féminin. La Reine Anne d’Autriche s’est rendue la Protectrice, le Chef, & la Regente souveraine de la Confrairie de N. D. des sept douleurs, érigée en l’Eglise des Augustins Déchausés, &c. Lett. Pat. du 20 Novembre 1656. Le Maire, Paris anc. & nouv.

Chef, se dit encore en termes de Guerre. Dux. Agamemnon étoit le Chef des Grecs qui assiegèrent Troye. Tous les Chefs de l’armée s’assemblèrent, c’est-à-dire, tous les principaux Officiers. On languit avec le pieux Enée de Virgile, & avec tous ceux qui accompagnoient ce Chef médiocre. S. Evr. Les Romains ont quelquefois refué le triomphe à d’utiles victoires, parce que la conduite du Chef ne répondoit pas à son bonheur. Mont. Quand une populace est frappée d’une vaine image de Religion, elle obéit plutôt à des devins, qu’à ses Chefs. Vaub.

On appelle chef de file, le soldat qui est au premier rang d’un bataillon. Miles principalis. Chef de demi-file, celui qui est le quatrième, quand les bataillons ne sont composés que de six soldats de hauteur.

Chef, se dit aussi de ceux qui sont les premiers en quelque charge, quoiqu’ils n’ayent pas droit de commandement sur les autres ; mais seulement quelque prérogative. Præfectus. Comme, le Chef d’une députation porte la parole, le Chef de gobelet donne à boire au Roi. Un Chef de Panneterie. Chef de cuisine. Chef d’Echansonnerie, Chef de Fruiterie, &c. La Dauphine avoit deux Chefs de Panneterie & deux Chefs d’Echansonnerie. Valbonnet.

Chef de parti. C’est celui qui se met à la tête de quelque parti, de quelque faction, qui en fait mouvoir les ressorts, & sans les avis duquel on ne fait rien. Duc partium, factionis, sectæ. Combien de gens se consolent de voir l’Eglise divisée, parce qu’ils se voient Chefs de parti ! Benn. Le Prince de Condé étoit le Chef muet de la conjuration d’Amboise. Maimb. Les mutins étoient d’autant plus formidables, qu’ils avoient à leur tête un Chef insolent & audacieux. S. Evr.

Chef-d’Escadre. s. m. Terme de Guerre & de Marine. C’est le nom d’un Officier Général des armées navales, qui commande un détachement ou division de vaisseaux. La charge de Chef-d’Escadre est à peu près, sur mer, ce qu’est celle de Brigadier sur terre. Les Chefs-d’Escadre ont séance & voix délibérative dans le conseil de guerre. La Cornette est le pavillon du Chef-d’Escadre. Il faut faire sentir la lettre f, en prononçant le mot Chef-d’Escadre.

Chef, se dit encore dans les familles & les maisons particulières. Caput, Pater familias. Il y a tant de chefs de famille dans cette Paroisse. Un tel Seigneur est Chef du nom & des armes de cette Maison, c’est-à-dire, l’aîné ou descendant de l’aîné : c’est lui seul qui doit porter les armes pleines de la Maison. On l’appelle en quelques lieux, Chef-d’hostie ; pour dire, d’hôtel ; & en la Coutume de Saintonge & de Poitou, Chemier.

Chef, se dit aussi d’une personne particulière, en quelques phrases : comme, il a dit cela de son chef à feipfo : pour dire, de lui-même, sans mission ni pouvoir, de sa tête, de son autorité privée. Cet Auteur ne dit rien de son chef, il emprunte tout des autres. Il n’a point de bien de son chef ; mais il a beaucoup hérité du chef de son oncle, de sont côté, du côté de son oncle.

On dit aussi, & souvent en mauvaise part, dire ou faire une chose de son chef, c’est-à-dire, sans consulter personne, sans avoir d’autorité pour cela ; & quelquefois même, sur-tout quand on parle de jeunes gens ou d’autres personnes qui par leur état ne doivent rien faire sans conseil ; faire une chose de son chef, c’est la faire sans raison, par pure fantaisie. Un inférieur ne doit pas de son chef promettre ce qui dépend de la volonté de son supérieur. Un Commis ne doit pas de son chef écrire au nom de son maître. Ce que nous aurions pû mettre, n’eût pas été le texte indubitable de l’Evangile, & il nous doit suffire de le représenter tel qu’il est, sans en retrancher rien, mais aussi sans y rien mettre de notre chef. P. Bouhours, Préf. du N. T.

Chef, se dit encore du commencement d’une pièce de toile, de drap, ou d’une autre étoffe. Caput. Le chef d’une pièce est toujours plus grossier, n’est jamais si beau que le milieu. On l’appelle aussi la tête.

Chef d’Octobre, pour dire, le premier jour d’Octobre. Cette expression est usitée non seulement dans les baux, mais encore dans le discours familier, & dans le style didactique. La rente, la pension écheoit au jour de S. Remi, chef d’Octobre.

Chef, en termes de Charpenterie, est la partie qui termine le devant d’un bateau. Pars extrema. Ce foncet a tant de toises entre chef & quille, c’est-à-dire, depuis le fond qui commence à se courber, jusqu’à l’autre bout. Sur la mer, on appelle cette partie estrave.

Chef, se dit aussi, en quelques lieux de la mer, pour signifier cap ou promontoire, & sur-tout en Normandie & en Poitou. Cornu, promontorium. Chef de Baye, cap à une lieue de la Rochelle.

Chef, signifie encore, en termes de Marine, un bout de cable qui est amarré à l’arrière d’un vaisseau qu’on veut lancer à l’eau, & à une boucle de fer ou à un pieu qui est en terre. On coupe le chef avec une hache, lorsque le vaisseau peut être lancé.

Chef signifie encore, chapitre, article en fait de littérature ou d’affaires. Caput. Toute cette doctrine se peut réduire à tant de chefs. Il y a plusieurs chefs d’accusation contre un tel. Il n’est appelant de cette sentence que d’un chef qui lui fait préjudice. Cette requête contient tant de chefs de demande.

On dit en ce sens, au Palais, qu’une sentence est présidiale au premier chef de l’Edit, lorsque la condamnation définitive n’excède pas 250 livres, Primum caput ; qu’elle est au second chef, quand elle ne juge par provision que jusqu’à 500 livres. On dit aussi, un crime de lèze-Majesté au premier chef, quand il concerne la propre personne du Roi. Crimen in ipsum Regem, in aipsam Principis personam admissum. Au second chef, quand il concerne l’Etat, comme la fausse monnoie, &c.

Chef. Terme de Coutumes. Ce mot chef, joint à quelques autres, se dit de plusieurs choses dans le Droit, dans les Coutumes, &c.

Chef-cens. On appelle chef-cens, Primigenius census, primitivum vectigal, le premier cens dû sur un héritage, par opposition à surcens, secundarium vectibal. Voyez Cens.

Chef-lieu, se dit des lieux principaux & dominans d’une Seigneurie, d’un Ordre, &c. Dynastæ princeps basilica, Ordinis domus primaria. C’est le lieu où le principal manoir du Seigneur est assis. Il faut aller rendre foi & hommage au chef-lieu, au lieu-chevel du fief dominant dont on relève. Dans la Coutume du Comté d’Hainaut, la ville de Mons, qui est la capitale du Comté, est appelée chef-lieu. Dans plusieurs Coutumes des Pays-Bas, chef-lieu veut dire Banlieue.

Chef-lieu, en matière de Finance, se dit de la Ville capitale d’une Généralité, où est le Bureau de la recette générale des Finances, & où les Receveurs des tailles apportent les deniers de leur recette.

☞ En matière bénéficiale, chef-lieu se dit du principal manoir d’un bénéfice qui a d’autres bénéfices ou annexes dans sa dépendance.

☞ C’est encore la principale maison d’un Ordre régulier ou autre, composé de plusieurs maisons.

Chef-Mets. Quelques-uns écrivent, chef-mais, chef-mois. C’est le principal manoir d’une succession.

Chef-d’Ordre. C’est la principale Maison de l’Ordre, & celle dont les autres dépendent. Les Abbayes qui sont chefs-d’Ordre sont toutes Régulières, & c’est-là où se tiennent les Chapitres généraux, comme Cluny, Prémontré, Cîteaux. On a réuni cette Abbaye à cet Evêché, tant en chef, qu’en membres.

Chef-Seigneur. Terme de Coutumes. Ce mot signifie Seigneur féodal, suzerain, censier, foncier : il signifie aussi Seigneur du fief-chevel d’où dépendent les autres. Tout homme qui possède un fief noble, & qui tombe en garde, est chef-Seigneur, mais il n’est pas nécessaire que le chef-Seigneur releve immédiatement du Roi. Translatitii beneficii dominus.

Chef, en termes de Blason, se dit de la partie supérieure de l’Ecu. Scuti caput, frons. Les armes de France sont trois fleurs-de-lys d’or en champ d’azur, deux en chef, & une en pointe.

Chef, se dit plus particulièrement d’une des pièces honorables dont l’écu est chargé. C’est celle qui se met au haut de l’écu, & qui doit contenir la troisième partie de sa hauteur. Coronis. Quand on taille l’écu en pierre, ou en relief, le chef se relève, & fait une éminence par dessus le reste. Il représente l’ancien diadême des Rois ou des Prelats, ou le timbre, ou le caque du cavalier. Souvent il est sans ornement, mais d’un autre émail que l’écu. Souvent aussi il est chargé de diverses pièces, & qui ont divers ornemens. Il y a des chefs échiquetés, coronis tessellata ; losangés, scutulata ; herminés, Mustellis albis sparsa ; emmanchés, runcinata ; dentés, denticulata ; de vair, petasata, &c.

Le chef-abaisse, se dit quand le chef est détaché du bord supérieur de l’écu par la couleur du champ qui le surmonte & qui le rétrécit du tiers de sa hauteur, depressa. Et quand il est séparé du bord par une autre couleur que celle du champ, on l’appelle surmonte, operta. On l’appelle aussi chef-chevronné, cantheriata ; chef-pale, palata ; chef-bande, tæniata, &c. quand le chef a un chevron, un pal, ou une bande qui le touchent du même émail que lui.

Chef-cousu, est un chef de couleur aussi-bien que le champ de l’écu, quoiqu’elle soit différente. Asfuta. Car afin que les armes ne soient point fausses, & qu’il n’y ait point couleur sur couleur, ni métal sur métal, on a feint qu’on avoit rogné l’écu par le dessus, & qu’on y avoit cousu & collé à la place un autre chef qui garde le même nom avec l’épithète de cousu.

Chef-retrait, se dit quand le chef est moindre que la troisième partie de l’écu. Accisa, rupta. On l’appelle aussi chef-rompu.

Chef-soutenu, se dit lorsque les deux troisièmes parties du chef sont au haut de l’écu, & que la troisième partie qui est en bas, est d’un autre émail. Fulta.

Chef. Nom d’un bandage pour la saignée du front. Il se fait à peu près comme le discrimen, & avec la même bande, excepté qu’au lieu de passer par-dessus la future sagittale, on va le long de la partie moyenne du pariétal, & l’on reverse le bout de la bande sur la partie moyenne de l’autre pariétal ; en sorte qu’on forme une espèce de petite barque sur la tête.

On appelle aussi chef, le rouleur d’une bande. Lorsqu’on la roule par les deux bouts, on la nomme bande roulée à deux chefs.

Chef, par rapport aux Soldats, est celui qui, dans un chambrée, est le plus ancien, comme un Caporal ou un Anspessade, & qui a soin de leur subsistance, tant en garnison, qu’en campagne. On dit, chef de chambrée, pour signifier celui qui est chargé du soin d’aller ou d’envoyer à la provision, pour faire vivre ses camarades, qui sont ordinairement au nombre de cinq, sept ou neuf. Chez les Romains, un chef de chambrée s’appeloit Dixainier. Decanus.

Chef-d’eau. Terme de Marine. On appelle ainsi la haute marée.

Chef se dit, parmi les Maîtres Coffretiers-Malletiers, de la double ficelle qu’ils emploient pour faire les coutures des ourlets & trépointes de plusieurs de leurs ouvrages. Cousu à deux chefs.

Chef. On appelle dans une Boulangerie, où l’on fait le biscuit de mer, le chef d’une fournée, un morceau de pâte du poids d’environ vingt livres, que l’on tire du levain de la dernières fournée, pour travailler aux fournées suivantes.

Chef du temps. Phrase adverbiale, qui fut autrefois en usage, & se trouve dans Marot. Elle signifie enfin, à la fin du temps. Tamdem.

Chef de Bureau, titre qu’on donne au premier Commis d’un Bureau chargé d’une affaire, & qui a inspection sur d’autres Commis qu’il fait travailler.

Chef des Saints. Dans le IVe siècle, Maxime & Fadir, chefs de Circoncellions, secte des Donatistes, prirent le titre de Chefs des Saints.

Chef, (en) se dit adverbialement, pour marquer la supériorité & le premier rang, & le titre. Supremus Præfectus ; summo cum imperio Præfectus. Il est Gouverneur en chef d’une telle place, c’est-à-dire, en titre, & non point par commission ni subordination. Le Greffier en chef du Parlement, c’est le Greffier titulaire, qui a droit de signer les Arrêts, le Greffier principal d’une Juridiction.

Mettre à chef, ou venir à chef, signifie, achever, venir à bout. Ad exitum perducere. Les Héros ont entrepris plusieurs actions difficiles, qu’ils ont mises à chef.

Le pis de leur méchef,
Fut qu’aucun d’eux ne put venir à chef
De son dessin… La Font.

Chef. s. m. Nom d’homme. Theuderius, Theodarius. Theudier, que le vulgaire appelle saint Chef, ou saint Cherf, de famille honnête, naquit au territoire de Vienne, en Dauphiné, vers le commencement du VIe siècle. Il y avoit alors à Vienne une coutume fort singulière. On y choisissoit un Solitaire ou un Religieux, que l’on croyoit plus avancé dans la perfection. On le renfermoit dans une cellule, où il s’engageoit de passer le reste de ses jours à prier sans cesse pour la ville, pour détourner les malheurs que leurs péchés pouvoient leur attirer. Saint Chef fut choisi ; on le tira de son Monastère, & on l’enferma dans une cellule, où, après avoir demeuré douze ans, il mourut l’an 575.

CHEF-D’ŒUVRE. s. m. Prononcez chef-d’euvre. Ouvrage exquis & extraordinaire de quelque art ou science. Opus elegans, elaboratum, perfectum. L’Eglise de S. Pierre de Rome est un chef-d’œuvre d’Architecture. Le frontispice du Louvre est un autre chef-d’œuvre. Cinna, les Horaces, Andromaque, sont des chef-d’œuvre dramatiques. Le Jugement de Michel-Ange est un chef-d’œuvre en Peinture. Les Amans appellent aussi leur Maîtresse un chef-d’œuvre de la nature. Les moindres ouvrages de Dieu sont des chef-d’œuvre. L’art, dans ses plus beaux chef-d’œuvre, n’a fait qu’imiter grossièrement la nature. P. Dan. Les Jansénistes ont prôné les Lettres Provinciales, comme le chef-d’œuvre de l’esprit humain. Id.

Chef-d’œuvre, se prend aussi quelquefois en mauvaise part, & pour signifier un ouvrage ridicule. Opus ridiculum. A vous dire le vrai, cette harangue étoit un chef-d’œuvre d’impertinence ; & en la lisant, j’ai désespéré du salut de son esprit. Balz.

Chef-d’œuvre signifie, chez les Artisans, un ouvrage qu’ils font pour faire preuve de leur capacité dans le métier où ils veulent se faire passer Maîtres. ☞ Tous les aspirans à la maîtrise subissent cette espèce d’examen dans chaque métier, en présence des Jurés. Artis specimen. Il y a des Maîtres de lettres, & des Maîtres de chef-d’œuvres. Les fils de Maîtres font, au lieu de chef-d’œuvre, une simple expérience. Le chef-d’œuvre des Selliers est un arçon à corps ; celui des Boulangers est du pain broyé ; celui des Savetiers un soulier qui se retourne ; celui des Mâçons, une pièce de trait, telle qu’une descente biaise par tête & en talus qui rachète un berceau ; celui des Charpentiers, la courbe rampante d’un escalier à vis bien dégauchie ; celui des Serruriers, une serrure de coffre fort, ou quelque panneau de rampe d’escalier ; celui des Menuisiers, une armoire, un coffre de moderne à fond de cuve, un chambranle de porte ou de cheminée ; celui des Plombiers, une cuvette à cul de lampe, ou un canon de gouttière, enrichi de moulures bien abouties ; celui des Vitriers un panneau de compartiment de verres de couleurs, cavés, encastrés & assemblés avec du plomb de chef-d’œuvre ; celui des Paveurs, une rose de petit pavé de grès & de pierre à fusil, &c. Mais on dit que le principal point est de bien arroser le chef-d’œuvre, c’est-à-dire, de faire bien boire les Jurés.

On dit à ceux qui ont brisé ou cassé quelque chose, ou fait quelque action d’étourdi & nuisible à quelqu’un, voilà de vos chef-d’œuvres, voilà un beau chef-d’œuvre.

Il ne faut point faire sentir l’f en prononçant le mot de chef-d’œuvre.

CHEFCIER ou CHEFECIER, ou CHEVECIER. s. m. Nom d’une dignité dans les Eglises. Capicerius, Capitiarius. On écrit plus communément chevecier. Les uns disent que c’étoit la même chose que le Primicerius, c’est-à-dire, le premier inscrit dans la matricule d’une Eglise, & que de même qu’il étoit nommé pour cela Primicerius, c’est-à-dire, le premier de la matricule, du catalogue appellé cera, parce qu’on écrivoit ce catalogue sur une petite planche enduite ou couverte de cire ; on l’appeloit aussi dans le même sens Capicerius, en françois Chefcier ; de caput, chef, & cera, catalogue, parce qu’il étoit le chef, c’est-à-dire, le premier dans le catalogue ou la matricule de l’Eglise. ☞ Celui qui étoit marqué le second dans la table, s’appeloit Secondicerius, comme qui diroit secundus in cerâ.

D’autres prétendent que le chefcier étoit celui qui avoit soin des ornemens des Ministres des Autels, une espèce de Sacristain. Ceux qui sont de ce sentiment, dérivent ce nom de Capitium, qui signifie la partie d’une Eglise qui est derrière l’Autel, où est, disent-ils, la Sacristie, & qu’on appelle en fraçnois chevet ou chevais. C’est le sentiment des Bénédictins. Acta. SS. Bened. sæc. III, P. I, p. 310. Ce sentiment ne paroît pas bien fondé. Dans nos anciennes Eglises, la Sacristie n’est point derrière l’Autel, mais à côté de l’Autel, & avancée plutôt en devant, que reculée vers le derrière de l’Autel. L’Auteur de l’histoire de S. Aignan d’Orléans, le tire à capiendâ cerâ, de ce qu’il prenoit la cire, parce qu’il avoit soin des cierges & du luminaire. Enfin, d’autres semblent le dériver de capa, chape, & cera, cire ; quand ils disent que le Chefcier est un Officier qui avoit soin des chapes & de la cire.

Les Macri, Vossius & Meursius, assurent que le Chefcier est celui qui levoit un tribut qui se prenoit par tête, une capitation ; & que ce mot s’est formé de capitatio. Le premier sentiment paroît le plus vrai. Le Chefcier de S. Etienne des Grès & des autres Collégiales qui ont cette dignité, n’en est pas le Sacristain, mais le chef & la première dignité. Voyez Chevecier.

CHEFVETAINE. s. m. Vieux mot. Capitaine.

☞ CHEGE. Petite ville de la haute Hongrie, capitale du Comté qui porte son nom, sur une branche de la Teisse.

CHEGOS. s. m. Poids dont les Portugais se servent aux Indes pour peser les perles. Il faut quatre chegos pour faire un carat.

CHEGROS ou CHIGROS. s. m. Filet enduit de poix, avec lequel les Savetiers, Boureliers & autres ouvriers, cousent & attachent les cuirs. Linum sutorium. On l’appelle autrement ligneul. Le mot de chegros ne se trouve que dans Nicod, qui avoue que plusieurs disent fil-gros au lieu de chegros. Et en effet, on croit que fil-gros est beaucoup meilleur. Plusieurs prononcent chigros, au lieu de chegros, particulièrement en Picardie. Voyez Fil-Gros.

☞ CHEIROBALISTE ou CHIROBALISTE. s. m. Baliste à la main ; machine pour lancer des flèches à la main. Χείρ, manus ; & balista, baliste. Voyez ce mot.

CHEIT-A-BUND. Sorte de soie qui se fait dans les Etats du Mogol ; elle tient le second rang parmi les six espèces qui s’y recueillent.

CHEILOCACE. s. f. Labrisulcium. Crevasse à la lèvre. Le Labrisulcium, ou l’ouverture de la lèvre supérieure, est un symptôme concomitant des écrouelles. Voyez le Dict. de James.

☞ CHEKAO. s. m. Espèce de pierre que les Chinois font entrer dans la composition de la porcelaine. Elle est formée de filamens & de stries assez semblables à ceux de l’amiante. Quand on la calcine, elle se réduit en plâtre.

☞ CHEKIANG. Province de la Chine, sur la côte orientale, entre Nanking & Fokien. Elle comprend onze grandes villes qui ont chacune leur territoire.

CHÉLÉ, s. f. signifie une sonde crochue, dont on se sert pour extraire les polybes du nez, χηλή. Il en est parlé dans Hippocrate, Lib. II de Morbis, & dans Ruffus Ephesius, cap. 4.

CHELEZZI. s. m. Officier de la maison du Grand-Seigneur, Grand-Dépensier, qui a sous lui trente Souschelezzi, lesquels ont la garde des menues provisions, comme ris, miel, olives, fromages, beurre, sucre, & semblables shoces, & dix Calvagis. Vigen. Illust. sur l’Hist. de Chalc. p. 337.

☞ CHÉLICIE. Petit Royaume d’Afrique, dans la basse Ethiopie, près de ceux de Siam & d’Ampaza.

CHÉLIDOINE. s. m. Chelidonius. Nom d’homme. Prudence composa sur la fin du IVe siècle, un poëme sous le titre des Couronnes, divisé en quatre chants, dont les premier est consacré à la mémoire des deux saints freres, Emetère & Chélidoine, qui souffrirent dans la ville de Calahorra. Baillet, 13 de Mars.

Chélidoine. s. f. Autrement la grande éclaire. Chelidonium majus ou Chelidonia. Prononcez Kelidoine. Plante qui a pris son nom du mot grec χελιδὼν qui signifie une hirondelle, parce qu’on a cru, dit Pline, que cette plante fleurissoit au retour de ces oiseaux, c’est-à-dire, au premier printemps, ou qu’étant bonne pour la vue, les hirondelles s’en servoient pour la rétablir à leurs petits. Sa racine est grosse comme le petit doigt, fibreuse, rougeâtre en dehors, & d’un jaune de saffran en dedans. Elle jette de son collet plusieurs feuilles longues au moins de demi-pié, velues, d’un vert-pâle, & découpées profondément en quatre ou conq segmens en manière d’aîlerons rangés comme dans les feuilles, composées & terminées par un segment beaucoup plus large que les autres. Chaque segment ressemble à la feuille du chêne, & il est pareillement incisé sur ses bords en ondes. Les tiges qui s’élèvent entre ces feuilles sont grèles, divisées en quelques branches, chargées de quelques feuilles assez semblables à celles du bas, & sont terminées par des bouquets de fleurs dont les pédicules communs sortent du côté opposé des branches de la tige, lesquelles branches naissent des aisselles des feuilles. Ces fleurs sont jaunes, couleur de la teinture du saffran, à quatre pétales soutenus par un calice, à deux petites feuilles qui tombent en même temps que la fleur s’épanouit. Des étamines sans nombre, & de la même couleur des pétals, entourent un pistil qui devient ensuite une silique longue de deux pouces environ, sur une ligne & demie de largeur, couleur d’olive, composée de deux panneaux appliqués sur les bords d’un chassis à jour ; c’est-à-dire, qui n’est couvert d’aucune membrane, comme dans presque toutes les autres siliques. Aux deux côtés de ce chassis sont attachées des semences menues, longuettes, noires & luisantes dans leur maturité. Toute la plante donne un suc jaune & âcre : elle est très-apéritive. On en recommande l’usage à ceux qui ont des dartres, soit prise intérieurement dans des aposemes, soit extérieurement en fomentation. On s’en sert aussi pour les maladies des yeux ; mais on tempère l’âcreté de son suc avec le lait. La plante qu’on nomme petite chélidoine, petite éclaire, ou petite scrophulaire, car on lui donne ces noms, est tout à fait différente de celle-ci. C’est une espèce de renoncule qui pousse des feuilles presque rondes, vertes, lisses, luisantes, nerveuses, plus petites que celles du lierre & plus molles, marquées quelquefois d’une tache purpurine ; la queue longue, se couchant en partie par terre. Il s’élève d’entre ses feuilles de petites tiges environ à la hauteur de la main, blanchâtres en bas, purpurines en haut, portant en leurs sommets de petites fleurs semblables à celles des renoncules, d’une belle couleur dorée éclatante. Il leur succède un fruit arrondi, vert-jaune, rempli de semences oblongues. La petite chélidoine est rafraichissante, résolutive, apéritive, propre pour les maladies de rate & le scorbut. On applique sa racine pilée sur les hémorrhoïdes. Voyez Éclaire.

CHELIDONIAS. s. m. Petite pierre figurée demi-sphérique, qui imite les plumes de l’hirondelle, ou qui, selon d’autres, se trouve dans l’estomac des jeunes hirondelles. Elle est très-mince, creuse, & d’un gris-sale. Elle vient le plus souvent de Malte.

CHELLES. Bourg de l’Île de France, à quatre lieues de Paris, sur la Marne. Cala. Sainte Baudour, femme de Clovis II y fonda une Abbaye de Religieuses, dans laquelle elles se retira après la mort du Roi son mari ; & où Clotaire II son fils fut enterré. Le Roi Robert y avoit un palais, qu’il appelle dans un Edit Kalæ nostræ Palatium. Du Chesne, Antid. des vill. de Fr. L. I, c. 30.

Chelles. s. f. pl. Toiles de coton à carreaux de différentes couleurs, qui viennent des Indes orientales, particulièrement de Surate.

☞ CHELEN. Ville de Pologne, au Palatinat de Russie, à huit milles de Lublin.

CHELME. adj. de t. g. Vieux mot, Rebelle, turbulent, séditieux, fanatique. La raison qu’on rend de la différence qui se trouve entre la longue & sérieuse harangue de M. d’Aubray, & celles des autres Ligueurs, qui sont toutes courtes & burlesques, c’est qu’il aimoit la vérité, & qu’il vouloit la manifester à ses auditeurs ; ce qu’il ne pouvoit faire sans entrer dans un grand détail des mauvais desseins des chefs de la Ligue, dont il étoit instruit mieux que personne : au lieu que les autres harangueurs étant tous Chelmes, il n’eut pas été séant de leur faire dire rien de bon. Voyez la Satyre Ménippée, in-8°. T. I, p. 237 & 238.

CHÉLONÉ. s. f. Terme de Mythologie. Nymphe qui fut changée en tortue, parce qu’elle avoit refusé de se trouver aux noces de Jupiter avec Junon, au sujet desquelles elle s’étoit permise quelques plaisanteries.

Chéloné. s. f. C’est une plante à laquelle M. de Tournefort donne ce nom, à cause de sa ressemblance avec l’écaille d’une tortue, χελώνη, tortue. Voyez-en la description dans le Dict. de James.

CHÉLONITE. s. f. C’est une pierre qui se trouve au ventre des jeunes hirondelles, qu’on croit bonne pour le mal caduc. Chelonia. Il y a une autre chélonite qui se trouve aux tortues des Indes, qui a la propriété de résister au venin. Quelques-uns la confondent avec la crapaudine.

Chélonite. s. f. Pierre figurée, représentant le corps d’une tortue qui n’a point de tête.

CHÉLONOPHAGES. s. m. pl. Peuples qui habitent un coin de la Carmanie. Ils ne mangent point d’autre chair que celle des tortues, dont les écailles servent à couvrir leurs maisons. Voyez le Dict. d’Hoffman.

☞ CHELVET. s. m. C’est-à-dire, retirez-vous, faites place. Cri par lequel on annonce au serrail que le Grand-Seigneur veut aller au jardin des Sultanes : à ce cri tout le monde se retire, & les Eunuques occupent toutes les avenues. Il y va de la vie d’approcher dans ces momens-là des murailles de ce jardin. Ricaut. de l’Emp. Ottom. cité par Mor.

☞ CHÉMA. s. m. Sorte de poids en usage chez les Athéniens. Ils en avoient deux. L’un pesoit trois gros, l’autre deux.

☞ Le Chéma des Romains étoit une mesure de fluides, contenant une livre & demie. Encyc.

☞ CHEMACK. Ville de la Natolie, dans le gouvernement de Chipre, sur les frontières de celui d’Alep.

CHEMAGE ou CHINAGE. Voyez Chinage.

CHEMAHICOGIN. s. m. C’est le nom que les Japonois donnent au Portugal. Chemahicoginum.

CHEMBALIS. s. m. Sortes de cuirs qui viennent du levant par la voie de Marseille.

CHEMER (se) v. récip. Terme populaire, qui se dit particulièrement des enfans qui ont du chagrin, du dégoût, ou de quelque mal inconnu qui les fait crier, & les empêche de prendre nourriture & de profiter. Tomber en chartre, Conficere se, confici tædio. On le dit quelquefois des personnes un peu plus avancées en âge. Cet enfant s’est chemé depuis qu’on l’a changé de nourrice.

Ce mot vient du latin gemere.

☞ CHEMERAGE. Terme de Coutume. Avantage du droit d’aînesse, en vertu duquel les puînés dans les Coutumes de parage tiennent de l’aîné leur portion de fief en parage, c’est-à-dire, sous son hommage.

CHEMIER. s. m. Vieux terme de Coutume. C’est l’aîné d’une famille noble, ou celui qui le représente dans un partage de fiefs, comme qui diroit le chef de la famille qui a un préciput, ou chef premier, qui jouit du droit de chemerage. Natu maximus ou gentis caput. Tous les puînés s’appellent paragers, parce qu’ils partagent également entr’eux.

☞ CHEMIN. Terrain qu’on suit, sur lequel on marche pour faire sa route, pour aller d’un lieu à un autre. Via. ☞ La plupart de nos Dictionnaires, comme le Vocabulaire, d’après l’Académie, confondent ces trois mots, chemin, route, voie ; espace, disent-ils, par où l’on va d’un lieu à un autre. Cependant ils ne sont nullement synonymes, quoiqu’ils soient relatifs à l’action de voyager.

☞ Le mot de route enferme dans son idée quelque chose de fréquenté & de battu. Route de Lyon, route de Flandres. On le dit proprement de tous les lieux par lesquels il faut passer pour aller d’un lieu à un autre dont on est éloigné. On va de Paris à Lyon par la route de Bourgogne, ou par la route du Nivernois.

☞ Le mot chemin, signifie précisément le terrain qu’on suit, l’espace de terre sur lequel on marche pour faire sa route. Si vous passez par tel endroit, vous aurez un beau chemin. Le grand chemin est toujours le plus sûr. Les routes diffèrent entr’elles par la diversité de leur situation & de leurs contours. On suit le chemin pavé ou le chemin des terres.

☞ On se sert quelquefois des mots de route & de chemin, pour désigner la marche, avec cette différence, dit M. l’Abbé Girard, que le premier ne regardant alors que la marche en elle-même, s’emploie dans un sens absolu & général, sans admettre aucune idée de mesure ni de quantité. Ainsi, l’on dit simplement être en route, faire route ; au lieu que le second, ayant non-seulement rapport à la marche, mais encore à l’arrivée qui en est le but, s’emploie dans un sens relatif à une idée de quantité, marquée par un terme exprès ou indiquée par la valeur de celui qui lui est joint, de sorte qu’on dit faire peu ou beaucoup de chemin, avancer chemin.

☞ Le mot voie, marque une conduite certaine vers le lieu dont il est question. Il ne désigne nullement la marche, mais la manière dont on voyage, la voiture ou la façon dont on fait cette marche. On va d’un endroit à un autre, par la voie de la poste ou par la voie du messager, par la voie de terre, ou par la voie d’eau. Voyez plus bas ces mots pris au figuré.

☞ Bergier, dans son livre des Grands chemins de l’Empire, dit que ce mot est du vieux françois. Quelques-uns le font venir de caymum, qu’ils disent signifier la même chose : d’autres du latin semita, d’où l’on a fait semin, chemin.

☞ On appelle chemin royal, via regia, le plus grand de tous les chemins, ordinairement le plus beau, le plus court & le plus commode.

Chemin public, ou grand chemin, via publica, se dit de tout chemin droit ou traversant, où tout le monde peut passer.

Voit-on les loups brigands, comme nous inhumains,
Pour détrousser les loups courir les grands chemins.

Boil.

Chemin des arbres, dans l’Artois & dans les pays conquis en Flandre, signifie grand chemin, chemin royal, chemin des troupes. Via militaris. Ce nom a été donné aux grands chemins par les gens de ce pays-là, parce que le Roi, en faisant élargir & accommoder les grands chemins, fit planter des arbres des deux côtés, d’où il revenoit deux avantages considérables ; l’un, que les troupes n’avoient pas besoin de guides pour connoître les chemins les plus courts & les plus commodes ; l’autre, qu’on avoit dans le pays une ressource pour tout l’attirail de la guerre, & sur tout de l’artillerie.

On appelle chemin du halage, un chemin que les Riverains des rivières navigables sont obligés de laisser sur les bords, pour le passage des chevaux qui halent ou tirent les bateaux. Voyez Tirage.

On appelle chemin de travers, Transversum iter, un chemin détourné, ou qui n’est pas sur la route des grandes villes, mais qui va d’un bourg ou d’un village à un autre, ou qui n’est pas le chemin ordinaire pour aller d’un lieu à un autre, si c’est quelque grand lieu. Via devia. ☞ On appelle aussi chemin de traverse tout sentier de détour plus court que le chemin ordinaire. Trames, semita. On appelle aussi chemin particulier, un chemin de traverse, & on l’oppose au chemin public, qui est la même chose que grand chemin.

☞ Le Chemin particulier est proprement celui qui est fait pour la communication du château d’un Seigneur au grand chemin, ou à quelque autre endroit.

Chemin creux, qui est enfoncé au-dessous du rez-de-chaussée. Iter depressum. Chemin fourchu, celui qui se divise pour aller en divers endroits, bivium, trivium, quadrivium, selon le plus ou le moins d’endroits où il conduit. Chemin difficile, qui est âpre, raboteux, ou qui est mal-aisé à tenir étant coupé en plusieurs endroits ; asperum, durum, difficile. Chemin bas, qui est dans la vallée,