Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/501-510

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Fascicules du tome 2
pages 491 à 500

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 501 à 510

pages 511 à 520


depressum. Chemin haut, qui est sur la colline, superum, supernum. Chemin passant, via celebris, frequens, expedita. Chemin frayé, trita.

La Romains appeloient chemins militaires, les chemins pratiqués pour envoyer les armées dans les Provinces de l’Empire ; via militaris. Ils appeloient chemin double, un chemin pour les charrois à deux chaussées, l’un pour aller, & l’autre pour venir, afin d’éviter l’embarras, bina, gemina. Ces deux chaussées étoient séparées par une levée en forme de banquette, pavée de briques pour les gens de pié. Il y avoit, d’espace en espace, des montoirs à cheval, & des colonnes militaires pour marquer les distances. Ils nommoient chemin ferré, un chemin pavé d’une pierre estrêmement dure. On appelle encore aujourd’hui chemin ferré, un chemin dont le sol est de vive roche, ou formé d’une aire de cailloutage, strata. Les chemins aquatiques sont l ou les chemins élevés à travers les étangs & les marais, ou les ponts construits sur les rivières & les torrens. J’ai découvert plusieurs vestiges des grands chemins des Anciens. Ce sont de gros massifs de cailloutages, mêlés de chaux, jetés dans la terre à dix ou douze piés de profondeur, sans s’assujettir à chercher le ferme, parce que de ces cailloutages ainsi mêlés avec le mortier, il se fait un corps qui se lie si bien, que le marbre n’est pas plus dur. Nous voyons en effet que cette espèce de mâçonnerie a résisté, depuis plus de seize siècles, aux injures du temps, & que toute la force des pics & des marteaux a peine à rompre cette masse, qui n’est composée que de petits cailloux de la grosseur d’un œuf, & même plus petits, Menestrier, Histoire de Lyon, p. 50.

☞ Chez les Romains on appeloit via, tout chemin public ou privé. Par le terme d’iter seul, on entendoit un droit de passage particulier sur l’héritage d’autrui ; & par celui d’actus, on entendoit celui de faire passer des bêtes de charge ou une charrette ou chariot sur l’héritage d’autrui ; ce qu’ils appeloient ainsi iter ou actus n’étoient pas des chemins proprement dits, mais des droits de passages ou servitudes rurales. Encyc. Quand les Romains se servoient du mot iter, pour exprimer un chemin public, ils y ajoutoient l’épithète publicum.

Il y a un Traité de la construction des grands chemins par Gautier Architecte-Ingénieur, & Inspecteur des grands chemins du Royaume. De la Pise en traite aussi dans son Hist. d’Orange, p. 35, & suiv. Isidore, Orig. L. XV, ch. dernier, rapporte que l’on croit que ce sont les Carthaginois qui ont les premiers pavé les grands chemins ; & ensuite les Romains. Voyez Bouche, Histoire de Provence, Tom. I, p. 126, de la mesure des chemins.

Chemin fendu, est un chemin pratiqué dans le roc, ou dans quelque butte ou montagne, dont on a ôté la crête & comblé le bas, pour le rendre plus doux. Charles Emmanuel II, Duc de Savoye, en fit couper un dans les Alpes en 1670. Le Roi en a fait faire en plusieurs endroits de son Royaume : il y en a entre Paris & Versailles.

Chemin percé, est celui qui est taillé dans le roc & qui reste vouté. Il y a des chemins percés dans le Royaume de Naples : on en voit un entre Bayes & Cumes, qu’on nomme la grotte de Virgile : il y en a un de Pouzol à Naples, qui a environ demi-lieue de longueur sur quinze piés de large, & autant de haut. Ce Chemin qui fut fait autrefois par un certain Coccius, a été élargi par Alphonse Roi d’Arragon & de Naples, & réduit à la ligne par les Vicerois.

Chemin couvert, en termes de Guerre, est le corridor qui est sur la contrescarpe, & qui est couvert de son parapet, qui règne tout autour du fossé de la place du côté de la campagne. Operta via. Sa largeur est de trois à quatre toises. Il a une banquette, & le glacis lui sert de parapet : les palissades le séparent du glacis. ☞ Il sert à défendre l’approche de la place, à rassembler les troupes nécessaires pour les sorties, & à en faciliter la retraite. Le Soldat y est à couvert du feu des assiégeans.

Chemin des rondes, est le chemin qui est sur la muraille, entre le parapet & le rempart, & qu’on laisse pour le passage des rondes. Via lustrandis vigiliis comparata. On ne s’en sert presque plus, à cause que n’ayant qu’un parapet d’un pié d’épaisseur, il est d’abord renversé par le canon des assiégeans.

On appelle aussi chemin des carrières, l’ouverture qu’on fait dans une carrière, pour en tirer la pierre, & le puits qu’on fait dans une carrière pour la fouiller. Via subterranea. Ainsi on dit, ouvrir les chemins ; pour dire, percer les carrières.

Chemin, dans les Verreries, est une voûte de figure longue, dans laquelle on met le bois pour échauffer le four.

Les Courtiers & Tonneliers, qui sont commis pour décharger le vin sur les ports de Paris, appellent chemin, une suite de chantiers ou de grosses solives sur lesquelles ils roulent les tonneaux du bateau jusqu’à terre ; car ils n’osent se servir de celui qu’on fait les Planchéeurs pour entrer dans les bateaux.

Chemin, en Bâtiment, est sur un plafond ou sur un ravallement, une disposition de règles que les ouvriers posent pour trainer les moulures.

☞ C’est aussi un enduit de plâtre dressé à la règle, & suivant lequel ils conduisent leur calibre. Encyc.

Chemin, en termes de Chorégraphie, sont des lignes qui, tracées sur un papier, représentent la figure que les danseurs décrivent sur le plancher pendant tout le cours d’une danse.

Chemin de Saint Jacques, est un nom que le peuple a donné à une trace blanche qui paroît dans le ciel, que les Anciens appeloient la Voie lactée, ou le Chemin-des-Dieux, & qu’on a découvert être un nombre infini de petites étoiles qu’on n’apperçoit qu’avec les lunettes. Elles font une sombre lueur qui cause cette apparence. Via lactea.

Chemin se prend dans un sens figuré pour les différens moyens qu’on emploie pour parvenir à quelque but. Faire son chemin dans le monde. On dit le chemin & la voie du ciel. Les souffrances sont la voie du ciel. On ne dit pas la route du ciel ; peut-être parce que le mot de route renferme dans son idée quelque chose de battu & de fréquenté.

☞ La bonne route, dit M. l’Abbé Girard, conduit surement au but ; la bonne voie y mène avec honneur ; le bon chemin y mène facilement. On ne va guère à la gloire que par le chemin de la vertu. Nous vivrions mieux, s’il nous étoit permis de faire deux fois le même chemin. Rochef. Le chemin du ciel n’est pas le chemin des honneurs ; & une timide piété est presque toujours malheureuse. Flech. Tous les peuples de la terre marchent avec une égale confiance dans les divers chemins qu’ils ont choisis pour arriver au salut. Le chemin de la vertu est hérissé de ronces & d’épines. S. Evr. L’amour propre voudroit que le chemin du salut fût si bien tracé & si bien marqué, qu’il fût impossible de s’y égarer. Port-R. Moliere dit des hypocrites, qu’on les voit

D’une ardeur non commune,
Par le chemin du ciel courir à leur fortune. Mol.

Soutiendrai-je ces yeux, dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur ?

Racine.

On dit figurément couper chemin à une maladie, à un procès ; pour dire, la prévenir, ou en empêcher le cours. On dit en ce sens, qu’on a mis un homme en beau chemin, qu’on lui a aplani le chemin ; pour dire, qu’on lui a levé les obstacles, les difficultés : qu’il s’est arrêté, qu’il est demeuré en beau chemin ; pour dire, qu’il abandonne un dessin, lorsque les principaux obstacles sont levés. On dit, qu’une affaire est en bon chemin ; pour dire, qu’elle est en bon train. On dit encore, en ce même sens, qu’un homme est dans le bon chemin, dans le chemin du salut, quand il est vertueux ; & au contraire, qu’il est dans le chemin de perdition, dans le chemin de la Grève, qu’il prend le chemin de l’hôpital ; pour dire, qu’il est vicieux, qu’il se fera pendre, qu’il se ruine. On dit aussi montrer le chemin à quelqu’un, donner exemple.

On appelle chemin de velours, un chemin sur une pelouse. via herbosa, cespititia. On dit figurément chemin de velours, pour dire, une voie facile, agréable. Il est arrivé à la fortune par un chemin de velours. Façon de parler familière.

On dit figurément. Chemin faisant ; pour dire, par occasion, ☞ en même-temps. Obiter, eodem tempore. En nous détaillant cette affaire, il nous dit, chemin faisant, les observations qu’il avoit faites.

Chemin, se dit proverbialement en plusieurs phrases. On dit d’une chose longue & étroite, que c’est le chemin de Ville-Juifve, long-boyau. Ce nom lui vient d’une maison seule qui est sur le grand chemin, où loge la poste, qu’on appelle Long-boyau. On dit qu’un homme est toujours par voie & par chemin, lorsqu’il n’est jamais au logis, qu’on le fait aller ça & là. On appelle le grand chemin des vaches, les chemins où on va par terre. Le grand chemin des vaches, dans un sens figuré, est l’usage commun, ordinaire. On dit aussi, bonne terre, méchant chemin ; parce que dans les bonnes terres qui sont grasses, les chemins sont mauvais. On dit qu’en tout pays il y a une lieue de méchant chemin ; pour dire, qu’il n’y a point d’affaire où l’on ne trouve des difficultés. On dit aussi, à chemin battu il ne croît point d’herbe ; pour dire, qu’il n’y a pas grand profit à faire dans un trafic connu de tout le monde. On dit aussi, il n’en faut point aller par quatre chemins ; pour dire, il en faut passer par là. On dit, bien dépenser & peu gagner, c’est le chemin de l’hôpital. On dit aussi, tous chemins vont à Rome, ou tous chemins vont à la ville, ☞ ce qui signifie au propre, qu’on peut arriver au même endroit par divers chemins ; & au figuré, que divers moyens conduisent au même but. On dit aussi en menaçant, je le menerai par un chemin où il n’y aura point de pierres ; pour dire, je le ferai marcher droit, le lui donnerai bien de l’exercice. On dit aussi en menaçant, il me trouvera toujours en son chemin ; pour dire, je lui susciterai toujours des obstacles dans toutes les affaires qu’il entreprendra. On appelle le chemin de Paradis, un chemin étroit, un défilé où l’on ne va qu’un à un. On dit, qu’un homme va son grand chemin, va son droit chemin, pour dire, qu’il agit franchement, & sans user d’aucune finesse ni supercherie.

De grand Seigneur, grand fleuve & grand chemin,
Fuis, si tu peux, d’être voisin.

CHEMINEAU. s. m. Sorte de pain que l’on fait à Rouen durant le Carême.

Le mot latin Simenellus, est l’étymologie qu’en donne le P. Dargonne, dans ses Mélanges publiés sous le faux nom de Vigneul Marville. Panis similaceus ex simila græcis σεμιδαλίτης. C’est ce qu’on appelle en Picardie seminiaux, selon la remarque de M. Du Cange, à laquelle on peut ajouter que les Normands qui changent aisément se en che, disent chemineaux.

CHEMINÉE. s. f. Lieu où l’on fait le feu dans les maisons. Camini spiraculum. La cheminée a plusieurs parties. L’âtre est précisément le lieu où on fait le feu, qui est garni de carreaux de brique, ou de pavés. Caminus, focus. Le contre-cœur de la cheminée est une plaque de fer de fonte pour conserver la muraille qui est auprès de l’âtre. Camini lamina ferrea arrectaria. Les piés droits de la cheminée qui soutiennent le manteau. Parastatæ. L’enchevêtrure de la cheminée. Funda. Le manteau de la cheminée, est la partie du tuyau qui est dans la chmbre, & qui a souvent divers ornemens d’architecture & de menuiserie, & sur-tout des corniches sur lesquelles on met des vases, des bustes & autres ornemens. Adversa spiraculi quod supra forum est lorica, ou, adversa camini lorica. La partie de dedans d’appelle la hotte de la cheminée. Camini fauces. Le tuyau de la cheminée est le canal de pierre, de brique ou de plâtre, par où s’élève la fulée, qui est divisée souvent en plusieurs languettes ou petits tuyaux. Canalis, spiraculum. On dit, qu’une cheminée fume, lorsque la fumée entre dans la chambre, au lieu de s’écouler par le tuyau, ou languette.

☞ Ce mot se dit quelquefois de la partie seulement de la cheminée qui avance dans la chambre. Cheminée de plâtre, de marbre : quelquefois aussi de la partie du tuyau qui s’élève au-dessus du toît. Un grand vent abat les cheminées.

Octavius Ferrarius prouve que les cheminées ont été en usage chez les Anciens, contre l’opinion de plusieurs. Il rapporte sur cela l’autorité de Virgile.

Et jam summa procul villarum culmina fumant.

Celle d’Appien Alexandrin, qui, racontant de quelle manière se cachoient ceux qui étoient proscrits par les Triumvirs, dit, L. IV des Guerres Civiles, que les uns descendoient dans des puits, ou des cloaques ; les autres se cachoient dans les toîts & dans les cheminées, & il croit que le mot grec καπνώδεις ὑπωρόφιας, fumaria sub tecto posita, ne peut s’expliquer autrement. Aristophane, dans une de ses Comédies, introduit le vieillard Polycléon enfermé dans une chambre, d’où il tâche de se sauver par la cheminée. Cependant le peu d’exemples qui nous en reste des Anciens, & l’obscurité des préceptes de Vitruve sur ce sujet, font juger que l’usage des étuves, dont ils avoient des appartemens entiers échauffés par des poëles, leur faisoit négliger cette partie du bâtiment, que le froid de notre climat nous a contraint de rendre un des principaux ornemens de nos habitations.

Il est certain que les Anciens avoient des cheminées dans leurs cuisines ; mais, selon quelques savans, ils échauffoient leurs chambres ou par des poëles, ou avec une espèce de charbon de terre qui brûloit sans faire de fumée, & que Suétone nous apprend que la chambre de Vitellius fut brûlée, parce que le feu prit à la cheminée. Nec antè in Prætorium rediit, quàm flagrante triclinio ex conceptu camini. Horace écrit à son ami de faire bon feu dans la cheminée.

Dissolve frigus, ligna super foco
Largè reponens.

Cicéron demande la même chose à son ami Atticus : Camino luculento, dit-il, tibi utendum censo. Cette question n’est pas décidée. Ce qu’il y a de constant, c’est qu’ils avoient des fourneaux pour échauffer leurs chambres & les autres appartemens de leurs maisons ; on les appeloit fornaces, vaporaria ; ils avoient aussi des poëles appelés hypocausta. Ces fourneaux, selon Philander, étoient sous terre : on les plaçoit dans le gros mur, d’où, par différens tuyaux qui traversoient chaque étage, ils échauffoient toute la maison. Dict. de Peinture & d’Architecture.

Il parut en 1713, à Paris, un livre intitulé La Méchanique du feu, ou l’Art d’en augmenter les effets, & d’en diminuer la dépense, dans lequel on examine quelle est la disposition des cheminées la plus propre à augmenter la chaleur ; & on démontre géométriquement que la disposition des jambages parallèles, & la hotte inclinée des cheminées ordinaires’, ne sont par propres pour réfléchir la chaleur dans les chambres ; que les jambages en lignes paraboliques, & la situation horizontale du dessous de la tablette, sont les plus propres à répandre la chaleur. Il enseigne sept différentes constructions de ses nouvelles cheminées, & les manières de les exécuter. L’Auteur est M. Gauger. On prétend qu’il n’est pas le premier inventeur de la cheminée qu’il décrit ; & qu’on trouve la description d’une cheminée semblable dans un Livre allemand imprimé à Leipsick en 1699. Journ. des Sav. 1714, p. 544.

Cheminée isolée, est une cheminée au milieu d’un chauffoir. Caminus insularius. Elle consiste en une hotte soutenue en l’air par des soupentes de fer, ou portée par quatre colonnes. On nomme aussi cheminée isolée, celle qui étant adossée contre une cloison, laisse un espace entre le contre-cœur & les poteaux, de peur du feu. Cheminée adossée, est une cheminée posée contre un mur. Parieti incumbens, applicatus. Cheminée angulaire, est une cheminée dont le plan est circulaire, & qui est située dans l’angle d’une chambre. Angulo applicatus. Cheminée en saillie, est une cheminée dont le contre-cœur affleure le nu du mur, & dont le manteau est en dehors. Prominens, eminens. Cheminée à l’angloise, est une cheminée à trois pans par son plan, & fermée en anse de panier. Cheminée affleurée, ou à la romaine, est celle dont l’âtre & le tuyau sont pris dans l’épaisseur du mir, & dont le manteau est en saillie. Cheminée en hotte, est celle dont le manteau est fort large par le bas, & s’élève en figure pyramidale, & est soutenu par des corbeaux de pierre. Il y avoit une cheminée en hotte dans la Grand’-Chambre du Parlement de Paris.

Les Organistes appellent tuyaux à cheminée, des tuyaux bouchés, au haut desquels on applique un petit cylindre en forme de cheminée, dont la circonférence est la quatrième partie du tuyau qui est au dessous.

On dit figurément & bassement de ceux qui ont une inflammation de gorge, pour avoir mangé des choses salées, ou de trop haut goût, qu’ils ont mis le feu à la cheminée.

On dit aussi, qu’un arrêt est donné sous la cheminée ; pour dire, qu’il a été rendu en cachette, & sans observer les formes. On le dit de même de tout ce qui est fait en cachette & contre les formalités requises.

On dit qu’un homme est noir comme la cheminée, comme un ramoneur de cheminée, pour exagérer, & dire qu’il a le visage brun. On dit aussi, qu’il faut faire une croix à la cheminée ; pour dire, qu’on est surpris de la visite d’une personne, qui avoit négligé long-temps de venir dans en une maison.

Ce mot, cheminée, s’est formé de caminata, qui se trouve souvent dans la basse latinité, non pas pour une chambre où il y a une cheminée, une chambre à feu. Caminata vient de caminus, qui vient du grec κάμινος, & signifie l’un & l’autre une cheminée ; & κάμινος vient de καίω, je brûle.

CHEMINER. v. n. Marcher, aller, faire du chemin pour arriver quelque part. Ire, incedere, iter ingredi. Après avoir bien cheminé dans le désert, nous trouvâmes un petit village, &c. Le peuple disoit autrefois ; mon chemin cheminois. Rabelais fait une allégorie de l’Île d’Odos, où les chemins cheminent, pour se moquer de ces phrases, où va ce chemin ; les batteurs & guetteurs de chemins, &c. Le mot de cheminer, dans le sens propre, est un peu vieux ; néanmoins on s’en peut encore servir sans scrupule, mais jamais hors du style familier. Je vis les vents & les nues cheminer sous mes pas. Voit. Cheminer avec molesse. Bens.

Et l’on me dit quand je chemine :
C’est pauvre chose qu’un goutteux. Saras.

Cheminer, se dit figurément. Feliciter procedere, rem facere. Cet homme cheminera ; c’est-à-dire, il s’avancera, il fera fortune. Cela revient au sà caminar des Italiens. C’est un terme de conversation. Bouh.

On dit cheminer droit ; pour dire, ne point tomber en faute. Non labi, non errare, vivere inculpatum culpæ expertem. Vous ferez fort bien de cheminer droit.

On dit, en parlant d’une pièce d’éloquence, d’un ouvrage d’esprit, comme d’une oraison, d’un poëme, qu’il chemine bien ; pour dire, que l’ouvrage est bien suivi, bien disposé. Recte, belle, procedit oratio, cujus partes singulæ aliæ cuse aliis recte connexæ sunt, Acad. Fr.

CHEMISE. s. f. La première pièce d’un habillement, vêtement de linge qu’on met immédiatement sur la peau, & qui prend depuis le cou jusqu’aux genoux. La chemise a un corps & des manches. Indusium, subucula. Celui qui donne la chemise au Roi, est la personne de la plus grande qualité qui se trouve à son lever. On fait des chemises de toile d’Hollande, de coton, de chanvre. Etre en chemise, c’est, n’avoir rien sur soi que sa chemise. Sultan Mourat ayant pris Bagdat par une intelligence secrète avec le Gouverneur, & sa femme s’étant empoisonnée pour ne point survivre à cette trahison, le Sultan, par rareté, fit apporter à Constantinople dans son trésor deux chemises de cette généreuse Dame, qu’il choisit parmi le butin, parce qu’elles étoient tellement enrichies de pierreries, qu’on les prisoit cinquante mille sequins. Du Loir, p. 254. On fait faire amende honorable aux criminels nus en chemise, pour marque d’une plus grande infamie. Si ma chemise savoit mon secret, je la brûlerois, disoit Métellus. Bouh.

Ah ! que j’ai de dépit que la loi n’autorise
A changer de mari comme on fait de chemise !

Mol.
.

Ce mot vient de camisia, que les Latins ont employé en cette signification, & qui se trouve dans la Loi Salique, & dans Victor d’Utique, Liv. I, de la persécution d’Afrique, c’est-à-dire, dès le Ve siècle ; & camisia a &té fait de cama, mot étranger qui signifie un lit, comme il signifie encore en Espagne, parce qu’on se servoit de chemises, quand on se mettoit au lit. Ménage. Camisias vocamus, quòd in his dormiamus in camis, id est, in stratis nostris. Isidore. Καμίσιον est défini de même dans les Gloses des Basiliques. Isidore la décrit ainsi, Orig. L. XIX, ch. 21, une tunique de lin, qui est appliquée au corps, & qui descend jusqu’aux piés. On trouve aussi camisa, dans l’assemblée d’Aix-la-Chapelle, ch. 22, comme les Bollandistes l’ont remarqué, Act. Sanctorum Feb. T. II, p. 618. F.

On a aussi appelé chemises, les aubes des Ecclésiastiques, dont le premier usage étoit pour les Lecteurs servant au Chœur. On trouve le mot de camisia dans S. Jérôme, dans une Epître ad Fabiolam ; & camisium dans Papias, & dans Codin.

Chemises à feu, ou Chemises soufrées, sont des morceaux de toile trempés dans une composition d’huile de pétrole, de canfre, & autres matières combustibles. Lintea sulfurata. On s’en sert sur mer pour mettre le feu à un vaisseau ennemi.

☞ On appelle aussi chemise ardente ou chemise de souffre, une sorte de chemise frottée de souffre qu’on fait vêtir aux criminels condamnés à être brûlés vifs.

On appelle aussi une chemise de maille, un corps de chemise fait de plusieurs mailles ou anneaux de fer, qu’on met sous le pourpoint comme une arme défensive. Lorica hamis confita.

Chemise blanche. Terme de jeu d’ombre. On dit prendre une chemise blanche, lorsqu’on écarte toutes les neuf cartes & qu’on en prend neuf autres. Nova lusoria folia primis depositis assumere ; ou, omnia lusori folia totidem aliis commutare.

On appelle chemise de Chartres, une petite médaille qu’on rapporte de Notre-Dame de Chartres, qui a deux petits aîlerons faits comme les manches d’une chemise.

On dit, qu’un homme n’a pas une chemise à mettre à son dos ; pour dire, qu’il est bien pauvre. On dit, qu’on l’a mis en chemise ; pour dire, qu’on l’a entièrement ruiné.

On dit aussi, qu’on mangera jusqu’à sa chemise à la poursuite d’une affaire ; pour dire, qu’on y dépensera jusqu’au dernier sol de son bien.

On dit, qu’on cacheroit, qu’on voudroit cacher un homme entre sa chair, entre sa peau & sa chemise, pour dire, qu’on emploieroit tous ses soins pour le mettre en sûreté.

On dit proverbialement, la chemise est plus proche que le pourpoint ; ce qui a été pris de Plaute mot pour mot. Tunica proprior pallio est.

On dit aussi, ma peau m’est plus proche que ma chemise, pour dire, qu’on doit préférer ses intérêts à ceux des autres, quelque liaison qu’on ait avec eux. Ac. Fr.

Chemise. Le peuple appela dans les commencemens les Chanoines Réguliers de Latran, les Freres de la Chemise. Frati della Camisia, à cause qu’ils portoient toujours des rochets sur leurs robes. P. Hélyot, T. II, p. 25.

Chemise, en termes de Fauconnerie, se dit du duvet de l’oiseau. Le duvet est la chemise de l’oiseau.

Chemise, se dit d’une feuille de papier blanc dans laquelle on met plusieurs papier qui concernent une même affaire, un même département, ou une même élection. On met ordinairement au dessus de la feuille de papier qui doit servir de chemise, un titre qui marque & qui explique la nature des pièces qu’elle renferme, & qui sert de renseignement pour les trouver lorsqu’on en a besoin.

☞ On appelle aussi, chemise, dans le commerce ; un morceau de toile qui enveloppe immédiatement quelques marchandises. Entre la chemise & la toile d’emballage on met de la paille, du papier, ou autres choses, pour garantir les marchandises.

Chemise, en termes d’Architecture militaire, c’est ce qui soutient le terre-plein d’un rempart, de crainte qu’il ne s’éboule. Il y a des chemises de pierre, ce sont les murailles dont un rempart est revêtu. Propugnaculum muro defensum, munitum. Il y a des chemises de gazon ou de fascines dans les lieux où la pierre est rare. La Fontaine, Devoirs des Offic. d’Artill. ch. X, enseigne la manière de les faire. Elever le rempart & sa chemise. Id. On dit mieux, un ouvrage revêtu.

☞ En Maçonnerie, on appelle encore chemise, certains ouvrages qui couvrent d’autres.

CHEMISETTE. s. f. Diminutif. Sorte de camisolle, ou partie du vêtement qui va jusqu’à la ceinture, & qui couvre les bras, le dos & l’estomac. Indusium. Les hommes portent sous le pourpoint des chemisettes de futaine, basin, ratine, chamois, ouatte, &c.

CHEMOSIS. s. f. Violente inflammation des yeux dans laquelle le blanc de l’œil s’éleve au-dessus du noir, & déborde de façon qu’il forme une espèce de bourlet ou d’hiatus, d’où cette maladie prend son nom. χήμωσις, de χαίνω, bâiller.

CHENAIE. s. f. Lieu rempli ou planté de chênes. Quercetum.

CHENAL. s. m. Courant d’eau, bordé des deux côtés de terres naturelles ou artificielles, où un vaisseau peut entrer. Alveus. Quand on ne peut avoir de Pilote d’un lieu où l’on n’a point été, & que c’est une nécessité d’y entrer, on mouille une ancre, s’il est possible, & l’on se tient sous voiles ; & l’on envoie la chaloupe & le canot, pour sonder le chenal jusqu’au mouillage. Bouguer.

CHENALER. v. n. Terme de Marine. C’est chercher un passage dans la mer en lieu où il y a un peu d’eau, en suivant ou rangeant les sinuosités d’un chenal, soit par le secours des balises, soit par celui de la sonde. Il y en a qui écrivent chenailler.

CHENAPAN. s. m. Vaurien, bandit. Expression populaire. Ce mot est tiré de l’allemand, où il signifie un brigand des montagnes noires. Voyez Schnapan.

CHÊNE. s. m. Quercus, ûs. Arbre dont on tire beaucoup d’utilité pour les arts. Sa hauteur varie selon son âge. Son tronc est gros, divisé en grosses branches, qui en jettent d’autres plus petites, garnies de feuilles oblongues, découpées, & comme ondées sur leurs bords, obtuses par leurs bouts, fermes, sèches, lisses,g labres, d’un vert-brun & luisant en dessus, pâle en dessous, & relevées en cet endroit d’une côte qui parcourt toute sa longueur. Ses fleurs sont des chatons longs de deux à trois pouces, composés de flocons d’étamines verdâtres, attachées par intervalle à un poinçon. Ces fleurs sont stériles. Les embryons naissent sur les mêmes piés de cet arbre, mais dans des endroits séparés. Cet embryon est terminé par quelques filets de pourpre, & devient ensuite un fruit qu’on nomme gland. Il est renfermé dans un calice qu’on appelle calotte, ou cupule, cupula ; il s’alonge & est couvert d’une enveloppe semblable à du parchemin. Ses feuilles sèchent & tombent toutes les années. Les différences des chênes se tirent sur-tout des variétés de leurs feuilles, de la grosseur ou petitesse de l’arbre, de même que du fruit, & enfin des pedicules de ces mêmes fruits ou de leurs calottes ou cupules. Daléchamp décrit une partie de ces variétés. Le chênes est assez commun en France. Son écorce est employée pour le tan des Tanneurs ; & comme son bois est plus dur qu’aucun autre que nous avons en Europe, c’est celui qui s’emploie le plus pour les gros ouvrages de menuiserie & de charpente. Le chêne se tourmente moins, & est moins sujet à la vermoulure que le noyer & le sapin. Les poutres, les solives, les portes & le parquetage se font ordinairement de ce bois : il est un de ceux qui résistent le plus long-temps aux injures de l’air, & qui se conservent le mieux dans l’eau. C’est pourquoi on le choisit préférablement à tout autre pour le pilotage & pour palissader. On prétend que nos premiers peres vivoient de glands : peut-être qu’ils choisissoient certaines espèces dont les semences étoient tendres & d’un goût supportable. Il y a encore certains endroits en Espagne où l’on mange des glands ; quoique depuis long-temps on ne les regarde que comme propres à engraisser les cochons. on dit cependant qu’il y a quelques endroits dans le Nord où les pauvres gens, dans les temps de disette, font encore du pain de gland.

Les noix de galle sont des excroissances qui se forment sur les chênes à l’occasion de la piquure de quelques insectes ; peut-être que les différences des noix de galle ne dependent que de la variété des espèces d’insectes ; & que comme les insectes d’un pays ne sont pas tous pareils à ceux d’un autre pays, quoique peu éloigné, il arrive aussi que sur la même espèce de chêne, on voit croître en Italie des galles fermes, grosses, solides ; pendant qu’en France elles sont molles, petites, & ne sont proprement que de fausses galles. On remarque que sur les chênes d’autres effets de piquure d’insectes : tantôt ce sont des pommes écailleuses, grosses comme de petites noix ; d’autrefois des pommes unies de couleur de chair, soutenues par un pédicule, & grosses comme une noix avec son brou ; & quelquefois les chatons étant piqués deviennent des grappes succulentes, & représentent assez bien des grappes de groseilles ; si ce n’est qu’elles ne sont pas si rouges, & qu’elles sont doucâtres. Enfin, on observe des pelotons velus & chargés d’une espèce de coton qui enveloppe souvent le vert qui a donné occasion à l’épanchement de la sève, & aux dérangemens des fibres de l’écorce de cet arbre. M. Cassini dit qu’il y a dans chaque bosse de chêne un œuf blanc, de la grosseur & de la figure d’un petit pois : & qu’en ayant ouvert plusieurs, il y a trouvé un ver, lequel se changeoit en mouche ; & cette mouche faisoit plusieurs œufs, d’où naissoient des fourmis, qui ensuite percent la bosse du chêne où elles sont enfermées. Quelques-uns appellent ces pelotons poil de chêne. On en fait des mèches aux lampes, car ce coton brûle, ainsi que la galle noire. Il croît aussi sur les branches de cet arbres une plante parasite qu’on appelle gui, Viscum Quercinum, recherché dans les arts par sa dureté, & par la beauté de ses veines, & recommandable en Médecine par sa propriété prétendue antiépileptique. Les Naturalistes reconnoissent encore deux sortes de plantes estimées lorsqu’elles croissent sur le chêne, qui sont le polypode ordinaire, & un lichien, qu’ils nomment mousse, dont les Parfumeurs se servent aussi pour la poudre de Chypre. Les racines de chêne ne sont pas exemptes de ces excroissances, elles y sont quelquefois ramassées en grappes assez considérables. Malpighi a examiné & décrit ces sortes d’excroissances. Voyez Galle.

Il y a dans le Northampton, en Angleterre, un chêne que l’on nomme le chêne du Roi Etienne, qui est un des prodigieux arbres que l’on ait jamais vus. La tradition du pays porte que ce Prince tua autrefois un cerf auprès de ce chêne ; & en mémoire de ce fait, le peuple des environs y fait tous les ans une espèce de procession, & renferme pour une heure ou deux, trente ou quarante enfans dans le creux de cet arbre. Si la tradition est vraie, il faut que ce chêne ait été planté il y a plus de cinq cens cinquante ans.

Le chêne a été fort honoré par les anciens : il étoit consacré à Jupiter Capitolin, qui en étoit couronné, pour avoir conservé les Citoyens. On en faisoit des couronnes civiques pour récompenser la bravoure des Soldats : on en faisoit aussi les statutes des Dieux. On couronnoit de chêne ceux qui avoient conservé la vie à des Citoyens. De là ces revers de médailles dans Auguste, dans Claude, dans Galba, qui ont une couronne de chêne, avec ces mot : Ob Cives servatos. Voyez Couronne.

Chêne, s. m. se prend aussi très-souvent pour le bois du chêne mis en œuvre, ou propre aux ouvrages de l’art. Ainsi l’on dit, une armoire de chêne, une table de chêne. Les formes de cette église sont de chêne de Dannemarck. Je veux que le cadre de ce tableau soit de chêne. Le bois de chêne, depuis cinquante jusqu’à cent, même cent soixante, est le meilleur bois pour bâtir, & dure jusqu’à six cens ans, sans dégénérer. Et quand il est employé en pilotis, il dure jusqu’à quinze cens ans. Aussi sert-il à bâtir les maisons, & à faire les œuvres vives d’un vaisseau.

Ce mot vient du latin quernus, qu’on a dit pour, quercus. Mén. D’autres le dérivent du chaldaïque czisna, signifiant robur.

On dit proverbialement, que la monnoie du Diable est des feuilles de chêne, qu’il fait paroître comme si c’étoit de l’or.

Chêne-vert. Cet arbre diffère du chêne ordinaire ; 1° par ses feuilles qui sont dentelées & comme épineuses sur leurs bords : elles ressemblent en quelque manière à celles du houx, Aquifolium ; mais elles sont blanchâtres en dessous. 2° Parce qu’il est garni de feuilles en tout temps, & qu’il ne s’élève as aussi haut que nos moyens chênes. On l’appelle Yeuse, Ilex ; & les Tanneurs se servent de son écorce comme celle du chêne blanc pour parer leurs cuirs. Le bois de l’yeuse est fort dut, & fait de bon charbon, qui en plusieurs endroits est le plus estimé, parce qu’il conserve le feu fort long temps, & qu’il n’entête point. Le chêne-vert, ou l’yeuse, est commun en Provence, en Languedoc & en Espagne. Son noyau est blanc, ferme & doux. On en mange en Espagne, comme nous mangeons des noisettes ; en France on le donne aux pourceaux pour les engraisser. Les feuilles & les glands du chêne-vert ont les mêmes qualités que ceux du chêne commun. Cet arbre, outre son gland, produit des galles rougeâtres qui, étant pilées & appliquées avec du vinaigre, sont fort utiles pour les plaies fraîches & pour la rougeur des yeux.

Il y a plusieurs espèces d’yeuses, qui se distinguent par les feuilles & par les fruits. Celle qui porte le kermès est celle qui vient plus basse & qui a ses feuilles plus petites ; son gland est fort gros. On l’a appelé arbre qui porte la graine d’écarlate, à cause que, dans le temps où la cochenille étoit moins commune, on s’en servoit pour teindre en rouge. Aujourd’hui on emploie plus de kermès, ou graine d’écarlate, en médecine que dans la teinture. Cette graine est ronde, petite, de couleur grise tirant sur le rouge par dehors, & pleine d’une liqueur luisante, semblable à du sang, dans laquelle nagent de petits vers, d’où vient qu’on l’a appelé vermillon. Voyez Kermès.

Quand on a coupé un chêne, on peut voir quel âge il avoit, en aplanissant sa souche, & comptant les veines qui s’y trouvent, qui sont autant de fèves. Voyez Aubier. Toutes les parties du chêne, savoir l’écorce, les feuilles, les glands, les calottes, & même le bois, ont une vertu astringente. Leur décoction est bonne dans le flux de sang, dans le cours de ventre & dans la dissenterie. On estime les glands dans la rétention d’urine, dans le calcul, & dans la colique. La décoction des feuilles tendres, faites avec du ivn, est singulière dans la douleur des dents, si on s’en lave souvent la bouche.

Esprit du bois de chêne. Terme de Chimie. C’est une distillation, un extrait de ce bois. C’est un excellent remède pour pousser les humeurs par la transpiration. Quand il ne les résout pas par cette voie, il les chasse par les urines. Il est propre, outre cela, contre le mal de dents, étant tenu dans la bouche. Il raffermit les gencives, & empêche qu’elles n’admettent davantage les humeurs qui causoient de la douleur. Voyez J. M. Hoffman, dans ses Chymica fundamenta.

On dit de quelqu’un qui est d’une grandeur extraordinaire, qu’il est grand comme un chêne.

Chêne (petit) Herbe qu’on appelle aussi Germandrée. Chamædris. Voyez Germandrée.

Chêne-le-Pouilleux. Petite ville ou bourg de Champagne, en France. Chêne-le-Pouilleux a le privilège d’envoyer, au Sacre de nos Rois, une compagnie d’environ quatre-vingt de ses Habitans, sous les armes ; lesquels, tambour battant & enseigne déployée, précèdent le Prieur de l’abbaye de saint Remi, lorsqu’il apporte la sainte Ampoule à la Cathédrale, accompagné de quatre Barons de la sainte Ampoule. Ce privilège leur a été accordé, parce qu’autrefois, dit-on, pendant les guerres des Anglois, ils retirèrent la sainte Ampoule des mains de ces ennemis qui l’enlevoient.

Chêne-Royal. Terme d’Astronomie. Nom qu’on a donné à une constellation de l’Hémisphère méridional, observée par Halley en 1667, dans l’île de Sainte-Hélène, & qu’il nomma ainsi, en mémoire du chêne où le Roi d’Angleterre se tint caché, quand il fut poursuivi par Cromwel, après la déroute de Worcester. On l’appelle aussi chêne de Charles : elle n’est pas visible sur notre hémisphère.

CHÊNEAU. s. m. Jeune chêne ou baliveau. Quercus junior. Le meilleur bois à brûler est de chêneau.

CHÊNEAU. s. m. Terme d’Architecture. Canal de plomb qui porte sur la corniche d’un bâtiment pour recevoir les eaux du comble, & les conduire dans la cuvette, dans un tuyau de descente, ou dans une gouttière. Compluvium. Chêneau à bord, est celui qui est seulement ourlé, & dont on voit les crochets de fer qui le retiennent. Cujus convolutus limbus est. Chêneau à bavette, est celui qui est recouvert par le devant d’une bande de plomb blanchi, pour cacher les crochets. Cujus pars anterior cooperta plumbeâ laminâ est, compluvium laminâ plumbeâ retectum. Chêneau est aussi, dans les grands édifices, une rigole taillée dans la pierre qui fait la corniche, & d’où les eaux coulent dans les gargouilles. On appelle aussi chêneau, un canal de bois qui reçoit les eaux d’un toit, & les jette en bas : & c’est apparemment de là que ce nom est venu d’abord, parce que c’est un chêneau ou petit chêne creusé & taillé en canal. En quelques Provinces, on dit Echeneau, mais mal. Voyez Chaîneau.

CHENER. v. n. Ce mot étoit autrefois en usage ; il signifie, s’ennuyer, dessecher d’ennui. Tædere, tædio affici, confici. Voyez Chemir.

☞ CHENERAILLES. Ville de France, dans la Marche, à quatre lieues de Guéret.

CHENET. s. m. Ustensile servant dans les cheminées pour soutenir le bois à brûler. Fulmentum ferreum quo ligan sustinentur, fulmentum focarium, subices focarii ☞ La partie qui soutient le bois est toujours de fer, & le devant est quelquefois de fer, souvent d’autre métal, de cuivre, d’acier doré, d’argent, &c. Ce mot vient apparemment de ce qu’autrefois leur partie inférieure représentoit un petit chien, comme on en a fait depuis avec des figures de lions, de mufles, de masques, &c. comme qui auroit dit chiennet. Ménage est de cet avis, & n’est pas le seul.

CHENETS. s. m. pl. En termes de mer, ce sont des ustensiles, dont les uns servent à la cuisines, & les autres à l’atelier, pour chauffer les planches ; & par leur moyen les Hollandois donnent le feu aux planches avec une grande facilité.

CHÉNETEAU. s. m. Jeune chêne ou baliveau au dessous de trois piés de tour. Conf. des Ordonn. des Eaux & Forêts.

CHÉNEVIÈRE, autrefois CHANVRIÈRE, lieu semé de chénevis, pour faire venir du chanvre. Solum cannbi, cannabo consitum. Epouventail de chénevière, est un vieux haillon attaché au bout d’une perche, pour épouvanter les oiseaux qui viennent manger les chénevis. Nos chénevières sont bien levées. Il faut cueillir la chénevière, c’est-à-dire, arracher le chanvre qui est dedans. Liger.

☞ On le dit aussi d’une chose dont on veut nous faire peur, & qui n’est propre à épouvanter que les personnes timides.

CHÉNEVIS. s. m. Petite graine qui est la semence de la plante dont on tire le chanvre. Cannabis semen. C’est un grain dont les oiseaux sont friands, & qui sert à nourrir ceux qui sont en cage. Voyez Chanvre.

Le chénevis étoit mis autrefois au nombre des légumes que l’on servoit frites au dessert ; mais à présent ce mauvais ragoût est entiérement banni des tables. Il est mauvais à l’estomac & à la tête ; & il aliéneroit l’esprit à qui en mangeroit beaucoup. L’on en fait de l’huile qui sert aux lampes, & à quelques pauvres gens qui en mangent au potage. De la Mare, Traité de la Pol. Liv. V, T. XV, ch. 3, où il cite Bruyer. Campeg. de re cibar. cap. 13.

CHÉNEVOTTE. s. f. C’est le tuyau de la plante produite par le chénevis, quand il est sec, & quand il a été dépouillé de sa filasse. Calamus cannabinus.

CHÉNEVOTTER. v. n. Terme d’Agriculture. Pousser du bois, & des branches foibles comme des chénevottes. Ramos tenuiores, debiles edere, producere. Les vignes n’ont fait que chenevotter cette année ; c’est-à-dire, n’ont pas poussé comme il faut, n’ont donné du bois que comme des chévenottes, marque d’altération au dedans du sep. Liger.

CHENICE. s. f. Ancienne mesure, qui étoit la huitième partie du boisseau. Elle étoit en usage à Athènes.

CHENIL. s. m. Bâtiment, lieu où on loge des chiens, & particulièrement ceux de chasse. Canum stabulum, canile. On appelle aussi chenil, le lieu où logent les Officiers de la Vénerie, les valets qui servent à la chasse, &c. parce qu’il est près de celui où sont les chiens. On prononce cheni.

On dit figurément d’un logement fort sale & fort vilain, que c’est un vrai chenil. Acad. Fr.

Ce mot vient de canile, qui a été fait de canis. Ménage.

CHENILLE. s. f. Insecte du genre des vers, qui ronge les feuilles des arbres, & qui à la fin se change en papillon, après avoir passé par l’état de chrysalide. Eruca, campe. Voyez M. De Reaumur, Hist. des Insect. Swammerdam dit que la chenille est le ver du papillon de nuit, qui se forme d’un œuf, dont l’écaille paroît comme d’un œuf de poule, & fragile. Le mâle a des aîles, & la femelle n’en a point. On voit sur le corps de la chenille quatre parties blanches tirant sur le jaune, qui ressemblent assez à ces vergettes dont on nettoie les habits ; elle a aux environs de la tête deux espèces de bouquets de plume noire. De chaque côté elle a deux petits avirons dont les filets ressemblent à ceux des plumes. Sa peau est parsemée de petits poils bruns, séparés les uns des autres, entre lesquels on découvre de petite plumes dont les couleurs sont fort agréables. Elle a seize piés, six au devant, huit au milieu, & deux derrière. D’abord elle est enveloppée du tissu qu’elle a filé, & elle s’y repose comme dans un nid, sans qu’il lui reste le moindre mouvement. A force de se tourner dans cette enveloppe, elle se dépouille de tous ses poils, & ce ver perd tout-à-fait son mouvement avant que de quitter sa peau : alors on lui donne le nom de nymphe dorée, chrysalis ou aurelia. Il y en a qui font des trous dans la terre pour s’y cacher ; d’autres filent autour de l’extrémité de leur corps un tissu qui les tient suspendues en l’air, où elles se dépouillent de leur peau. Dans la nymphe dorée, qui est celle du mâle, on découvre les yeux, la petite trompe & les cornes, les jambes & les aîles, & les petits poils dont son corps est couvert. La femelle a une autre nymphe dorée, qui diffère du mâle dans ses cornes, dans ses aîles, & dans la grandeur de son corps. Ensuite elle se change en papillon, dont le mâle a des aîles extrêmement vîtes, des cornes fort belles, & le corps bien fait. Ces parties manquent à la femelle qui a le corps fort gros & mal fait. Elle n’abandonne jamais ses œufs, & les attache toujours au tissu dont elle est revêtue. Fabius Colonna assure que, quand un chenille mange de plusieurs plantes, c’est une marque qu’elles ont la même qualité. Mais il y a des Naturalistes qui disent que chaque plante a sa chenille particulière, à laquelle elle sert d’aliment. Swammerdam en faisoit voir dans son Cabinet, de cinquante-quatre sortes, entre lesquelles il y en avoit de demi-chenilles & de demi-papillons.

Ménage tient que ce mot vient de canicula, à cause de la ressemblance qu’ont certaines chenilles à de petits chiens.

Chenille en bâton. Lorsqu’elle se trouve sur une branche, & qu’elle a cessé de prendre sa nourriture, son corps s’alonge tout entier, & se tenant d’une grande roideur sur les deux jambes de derrière, il forme avec la branche une angle de quarante-cinq degrés ; c’est-à-dire, que l’animal est là droit comme un bâton posé debout sur un plan, & dans une situation oblique ; ce que nos plus habiles Voltigeurs ne pourroient pas exécuter pendant un moment, avec quelque force qu’ils pussent cramponer leurs piés : cependant c’est dans cet état que la chenille se tranquillise. Hist. nat. des Abeilles, T. I, p. 20.

Les chenilles, qu’on appelle chenilles du Pin, dont parle Dioscoride, font leurs nids au sommet des branches des pins, où on les voit à milliers. Elles sont velues, roussâtres & revêtues de plusieurs petites peaux. Il y en a beaucoup dans les vallées d’Ananie & de Fleme, auprès de Trente. On les a aussi appelées campa, du grec κάμπη, à cause qu’elles font tort aux arbres. M. Ray, dans son Historia Insectorum, décrit plus de deux cens douze espèces de chenilles.

On dit figurément d’une personne maligne, qui fait du mal sans y être excitée, que c’est une méchante chenille. On dit de plusieurs Laquais derrière un carrosse, que c’est un vilain trochet de chenilles.

Chenille, terme de Rubanier. C’est une espèce de bout de passement, ou ornement de soie, qu’on met sur des habits & des baudriers, qui a la figure d’une chenille.

Chenille. s. f. Scorpioides. Plante annuelle à fleurs, légumineuse, & dont le fruit représente une chenille, d’où vient son nom françois, (celui de Scorpioides, queue de scorpion, ne convient qu’aux fruits de quelques espèces.) Sa racine est menue, de couleur de buis : elle donne à son collet quelques brins longs de sept à huit pouces au plus, couchés par terre ; des nœuds naissent des feuilles alternes, charnues, longues de deux pouces, étroites à leur origine, mais beaucoup plus larges vers leur extrémité, qui se terminent en pointe, semblables par leur figure à celles du buplevrum ordinaire, d’un vert un peu plus foncé. De leurs aisselles partent des pédicules longs de trois pouces environ, grêles, & qui soutiennent chacun une ou deux fleurs légumineuses, dont les calices sont des cornets verdâtres dentelés sur leurs bords. Le pistil de ces fleurs devient une gousse verte-pâle, hérissée, semblable à une chenille verte, de la même grosseur, & roulée sur elle-même. Cette gousse, dans sa longueur, est partagée en plusieurs loges qui contiennent chacune une semence couleur de buis, ovale : on éleve cette plante assez aisément. Des Curieux la cultivent, pour mettre dans des salades ses fruits qui trompent ceux qui ne sont pas prévenus.

☞ CHENISQUE, s. m. ou la petite Oie. Ornement que les Anciens pratiquoient à la poupe de leurs vaisseaux. Il consistoit en une tête d’oie avec son cou, χὴν, Oie.

CHÊNON. s. m. Terme de Vitrier. On appelle chênons, des vitres dont presque toutes les pièces paroissent engagées & liées les unes avec les autres comme les anneaux d’une chaîne, & forment différens carrés qui semblent tous se tenir.

CHENOSIRIS. s. f. Plante. Chenosiris. C’est le lierre que les anciens Egyptiens ont ainsi nommé, parce qu’il étoit consacré à Osiris.

CHENU, UE. adj. Vieux mot, qui signifie blanc de vieillesse. Canus. Ce mot n’est plus guère usité en prose, où il ne peut plus entrer qu’en riant, en badinant.

Pour moi je céde au temps, & ma tête chenue
M’apprend qu’il faut quitter les hommes & le jour.

Main.

Il vient de canutus, employé par les Latins en la même signification. Ménage. D’autres disent que ce mot vient par corruption de chef nu, ou depouillé de sa chevelure.

Chenu s’est dit aussi figurément & poëtiquement, des hautes montagnes, parce qu’elles sont toujours couvertes de neiges. Les Alpes chenues. On le dit aussi des ondes de la mer ; pour dire, qu’elles sont blanchissantes d’ecumes. Il n’est pas du style noble.

On compteroit plutôt les arênes menues,
Que baigne l’Océan de ses vagues chenues. Godeau.

CHEOIR, plus ordinairement CHOIR. v. n. Tomber. Cadere, decidere. Ce bâtiment n’est pas bien étayé, il est en danger de cheoir. Il chet de la neige, de la pluie, de la grêle. Expression tout-à-fait mauvaise en prose aussi-bien qu’en Poësie. On dit je chus, je suis chû, je cherrai : le petit peuple de Paris dit je choirai. On a dit autrefois chaer, chair, chaoir, & ensuite cheoir.

Ou aultrement foudre & tempête
Cherra sur toi. Marot.

Ce verbe, quelque besoin qu’on en ait en Poësie, est mort avec le grand Corneille, qui s’en est encore servi. Gloss. des Poës. du Roi de Nav.

Voltaire fait la même remarque, & ajoute que du temps même de Corneille, le mot cheoir ne pouvoit être employé pour, tomber en partage.

Cheoir signifie aussi diminuer en crédit, en fortune. Excidere. Ce Marchand a fait de grandes pertes, il est en danger de cheoir, s’il n’est pas assisté de ses amis. L’élévation des grands ne sert qu’à les faire cheoir de plus haut.

On dit qu’une personne penche du côté qu’elle veut cheoir, lorsqu’on s’apperçoit de ses sentimens, & qu’on prévoit de quel côté elle va opiner.

CHEOITE. s. f. Cheute, ou chûte. Casus, lapsus. Cheoite est formé de cheoir. Cheoite n’est plus d’usage.

☞ CHEP. Voyez Chepage.

CHEU ou CHU, UE. part. Tombé. Qui cecidit, accidit. Il est chû de bien haut. On dit, il est chû en pauvreté ; pour dire, il est devenu misérable, il n’a pas de pain.

CHEOURS. Voyez Ceols.

CHEPAGE ou CHEP. s. m. Vieux mot, qui signifie geole. Chepage, est la fonction, l’emploi de Géolier. Carceris custodia. Voyez Chépier.

CHEPENEC. s. m. Gros feutre ou bureau, dont les Turcs font des caparaçons à leurs chevaux pour l’hiver. Vigen. Illust. sur l’Hist. de Chalcond. p. 344.

CHÉPIER. s. m. Vieux mot, qui veut dire Géolier. Carceris custos ; & dans la basse latinité. Carcerarius. Il y a apparence que chépier s’est dit pour cépier, & que ce dernier mot vient de ceps, qui sont les fers dont on enchaîne les prisonniers.

CHEPTEIL ou CHEPTEL. s. m. Bail des bestiaux, qui se fait lorsqu’un Maître donne à un Fermier un nombre de bœufs ou de brebis, à condition de les nourrir, & d’en rendre pareil nombre à la fin du bail, & d’en partager le croît & le profit. Locatio pecorum salvâ sorte & mediâ lucri parte. C’est un grand trafic qui se fait dans les Provinces, que celui des bestiaux à cepteil.

Ce mot vient de capital & de capitau, qui se trouve dans les Coutumes, à cause que chepteil est composé de plusieurs chefs de bêtes qui forment un capital ; & il y a apparence que le mot de capital, qui signifie le fonds d’une rente, est venu d’une même source : car de même que ce capital ou chepteil produit un croît de bestiaux qui en fait le profit, de même le fonds d’une rente produit des intérêts. Ragueau prétend que ce mot vient de l’achat & prix du bétail pour lequel il est mis en bail, & non pas de capital, comme a prétendu Du Moulin, & il suppose qu’on doit lire chaptal. Du Cange prétend que ce mot vient de catallum, qu’on a dit pour capitale, d’où on a fait chaptel, chatel, & catel, d’où est venu aussi le mot de cateux, qui se dit des biens en partie meubles, & en partie immeubles. Mais je crois, avec plus d’apparence, qu’il vient de chatal, vieux mot celtique, ou bas-breton, qui signifie un troupeau de bêtes. On trouve quelquefois chaptel, chaptail & chetel ; mais de quelque manière que ce mot soit écrit, il faut aujourd’hui prononcer chetel.

☞ CHEPTELIER. Terme de Jurisprudence. Preneur d’un bail à cheptel, d’un bail de bestiaux dont le produit doit se partager entre le preneur & le bailleur.

CHEPU. s. m. Terme de Tonnelier. Billot de bois élevé de deux ou trois piés, sur lequel on bûche d’autre bois qui n’est pas solide.

CHEQ. s. m. Chérif, Prince de la Mecque, Grand-Prêtre de la Mecque, & comme souverain Pontife de tous les Mahométans. Meccanus Princeps, Summus Mahometanorum Pontifex. Le Cheq est reconnu Chef de la religion Mahométane par les différentes sectes qui la partagent ; & le Grand)Seigneur, le Sophi, les Mogols, & les Kans des Tartares, lui envoient des présens, sur tout des tapis, pour couvrir le tombeau de Mahomet, & des tentes pour lui ; car le Cheq a une tente près de la Mosquée de la Mecque dans laquelle il demeure pendant les dix-sept jours de dévotion du pélerinage à la Mecque. Chaque année on change ce tapis & cette tente, & le Cheq en envoie des morceaux aux Princes qui ont offert de nouvelles tentes ou de nouveaux tapis : quelquefois il les envoie tous entiers, mais ce n’est qu’aux plus grandsPrinces. Son revenu est considérable, & consiste dans les presens que les Princes & les Pélerins Mahométans font à la Mosquée de la Mecque & à Médine. Les dévotions du Pélerinage durent dix-sept jours, pendant lesquels le Cheq défraye les Pélerins ; pour cela le Grand-Seigneur lui envoie tous les ans une très-grande somme ; & afin qu’elle le soit, le Cheq a soin de persuader qu’il y a tous les ans pendant ces jours-là septante mille Pélerins, & que s’il y en avoit moins, les Anges, en forme d’hommes, viendroient achever ce nombre.

CHEQUE. s. m. & f. Bohême, qui est de Bohême. Bohemus. Les Bohêmes, en leur langue, c’est-à-dire, en langue esclavone, sont nommés cheques ; & ils ont pris ce nom de Chech, premier fondateur de leur Monarchie, si l’on en croit Jean Herburt de Sulstin, dans son Hist. des Rois de Pologne.

CHEQUI. s. m. C’est un des quatre poids dont on se sert dans les Echelles du Levant, particulièrement à Smyrne. Il pèse six livres un quart, poids de Marseille.

CHER, ÈRE. Qui est de grande valeur. Carus, pretiosus. Les diamans sont chers. Les tableaux sont chers, quand ils sont des grands Maîtres. Autrefois on disoit chier pour cher.

Ce mot vient du latin carus, qui est opposé à vilis, en ce qu’in appelle une chose vile celle qui st commune ; & chère celle que peu de personnes ont. Id quo multi carent. Carus, cher, ami, est pris du celtique car, Pezron ; ou le prétendu celtique car de carus. D’autres font venir cher de χάρις, gratia.

Cher se dit figurément des personnes pous lesquelles on a de la tendresse & de l’amitié, & des choses pour lesquelles on a de l’attachement, des choses & des personnes qui ont ou nous paroissent avoir une grande valeur. Carus. Ce fils vous est cher. Son repos lui est fort cher. L’honneur nous doit être plus cher que la vie. La mémoire d’un si fidèle ami m’est encore chère & précieuse. Vill. Les hyperboles, si chères aux Italiens & aux Espagnols, ont moins de crédit parmi nous. Bouh. La mort nous avertit tous les jours par de tristes exemples, qu’il faudra un jour renoncer à nos plus chers engagemens. Flech. L’Eglise ne devoit pas vous être moins chère, parce qu’elle vous paroissoit défigurée. Nicol. Le mérite qui nous est cher, nous paroît tout d’un autre prix que celui que nous haissons. Ch. d. Mer.

On dit dans le style familier, mon cher, sans rien ajouter ; pour dire, mon cher ami. On dit aussi dans le même sens, ma chère : ☞ expression cavalière, par laquelle on veut ordinairement marquer la supériorité. Mon cher Monsieur : cette expression assez familière, n’est pas plus honnête.

Cher sert aussi à exprimer l’excès, ou réel, ou d’opinion, du prix d’une chose. On dit qu’une chose est chère, quand elle est à plus haut prix qu’à l’ordinaire, ou quand elle est portée au delà de sa valeur, ou quand la somme d’argent qu’il y faut mettre, est trop grande, relativement à notre état. Les blés sont chers cette année, plus chers qu’à l’ordinaire. Ce diamant est cher, il n’y a pas de proportion entre sa qualité & la somme qu’il faut donner. Cela est trop cher pour moi, cela est d’un trop grand prix, relativement à mes facultés.

☞ Le mot de cher se dit aussi du Marchand qui veut vendre une chose plus qu’elle ne vaut, ou qui veut gagner plus que les autres sur sa marchandise. Ce Marchand est cher, trop cher, il perdra tous ses chalans. C’est chère épice.

Cher se prend aussi adverbialement. Vendre cher, trop cher. Carè, cariùs, magno pretio. Cela me coûte cher. J’ai acheté sa maison trop cher.

Cher se dit aussi dans le sens figuré ; vendre cher sa vie, se bien défendre. Les hommes achètent bien cher l’empire qu’ils se sont attribué sur les femmes. S. Evr. Les Mathématiques exigent de trop profondes méditations ; il faut être bien amoureux d’une vérité, pour l’acheter si cher. Id.

Ah que vos yeux sur moi se sont bien exercés !
Et qu’ils m’ont vendu cher les pleurs qu’ils ont versés.

Racine.

☞ Pour faire entendre qu’on se vengera d’un homme dont on a reçu quelque injure, on dit proverbialement & figurément, qu’on lui fera payer plus cher qu’au marché.

CHER. Caris. Il y a deux rivières de ce nom. La plus considérable prend sa source dans les montagnes de la haute Auvergne à Auzence, arrose une grande partie du Berry, & se jette dans la Loire en Touraine, vis-à-vis de Langest. L’autre est dans la principauté de Sedan.

CHERAFIS. s. m. Qu’on nomme autrement Tela. Espèce de médailles ou de jetons d’or qui se fabriquent en Perse.

CHERAFS. s. m. pl. Changeurs Banians établis en Perse, particulièrement à Scamachi sur la mer Caspienne.

☞ CHERAMIDI ou CHRAMIDI. Petite ville de la Morée, au Belveder, vers les confins de la Zaconie, entre Calamata & Zernata.

☞ CHERAQUIS. Peuple sauvage de l’Amérique, à l’ouest de la Virginie. On appelle quelquefois ces sauvages les Têtes plates.

CHERAY ou CHAHY. s. m. On nomme ainsi en Perse un des poids dont on se sert dans le Commerce. C’est ce qu’on nomme autrement le poids civil, ou commun, qui est double de ce qu’on appelle poids légal.

☞ CHERAZOUL. Ville du Curdistan sur la route de Ninive ou Mosul à Hispahan.

CHERBET. s. m. Voyez Sorbet.

CHERBOURG., que Du Chesne, Antiq. des vill. de Fr. L. VII, c. 14, & M. Danneville, écrivent Cherebourg ; mais son nom le plus en usage est Cherbourg, selon la remarque de M. Corneille. Sigebert à l’an 1163, l’appelle Cæsaris burgum, ou burgus ; & Du Chesne & Valois l’ont suivi. Froissard dit que César la fonda, quand il conquit l’Angleterre ; cependant il est certain que César ne passa point par-là pour aller en Angleterre. Le P. Briet, Baudrand, Hoffman, l’appellent Caroburgus. Cherbourg est une ville & port de mer en Normandie, à l’extrêmité du Cotenton. Quelques-uns ont cru que le nom de Cherbourg venoit de Cherebert Roi de Paris, qui la fonda dit-on : mais 10, la ressemblance des noms ne suffit pas pour persuader qu’il en soit le fondateur ; & 2°. le Cotentin n’étoit pas dans son partage. Ainsi l’on ne sait rien de la fondation de Cherbourg, ni de l’origine de son nom. Il y a à Cherbourg une manufacture de glaces & de cristaux. Messieurs de l’Académie déterminent la longitude de Cherbourg à 16 degrés, & sa latitude à 49 degrés 38 minutes.

Selon les nouvelles observations, le Méridien de Cherbourg est plus à l’occident que celui de Paris de 0 h. 16’ 8”, & en parties de l’équateur 4° 2’ 0” : c’est-à-dire, que sa longitude est de 15° 49’ 20”. Pour sa latitude, il est au 49° 38’ 10”.

☞ CHER-CENS. Voyez Cens.

CHERCHE. s. f. Soin qu’on prend de trouver quelque chose. Inquisitio, investigatio. Quand on a besoin de trouver quelque acte, il faut payer le Notaire, le Greffier pour la cherche : dans ce sens cherche ne se dit point, on dit recherche.

Cherche ou Cerce, en termes d’Architecture, est la description d’une ligne courbe, qui ne se peut faire d’un trait de compas ou d’autre instrument, mais en cherchant plusieurs points & en tâtonnant, comme sont les coupes de pierres en figures elliptiques, coniques, paraboliques, &c. C’est le trait d’un arc surbaissé en rampant, ou de quelque autre figure tracée par des points. Collecta ex lineolis attextis linea integra quæ sit dimensio totius cujuspiam. Ces cherches s’appellent de divers noms, surbaissée, surhaussées, ralongées. comme il s’en voit plusieurs dans les anciennes voûtes gothiques. La cherche surbaissée est celle qui a moins d’élévation que la moitié de sa base. La cherche surhaussée est celle qui est au dessus de cette proportion. La cherche ralongée, c’est la ligne d’un plan circulaire ralongée dans son élévation, comme le rampant d’un escalier à vis. On dit aussi la cherche d’une voûte ; pour dire, sa rondeur.

On dit cerce ou cherche. Quelques-uns, parmi lesquels est Felibien, disent cerche, & c’est le mieux : car ce mot, suivant l’opinion de Daviler, qui est vraie, vient de l’italien cerchio. Comme les Italiens sont de grands maîtres en Architecture & en Peinture, nous avons pris d’eux beaucoup de mots de ces deux Arts. M. Frézier est du même sentiment. Les calibres sont des espèces de cerches.

Cherche-fiche ou Cherche-pointe. C’est une espèce de poinçon de fer rond ou pointu, dont les Serruriers se servent pour trouver le trou des ficher. Veruculum.

CHERCHER. v.a. Apporter la diligence nécessaire, se donner du mouvement, des soins, pour trouver quelque chose. Quærere, conquirere, inquirere, investigare. Le Seigneur a dit, Cherchez, & vous trouverez. Cherchez premièrement le Royaume de Dieu, & on vous donnera le reste. Les hommes terrestres ne cherchent que les trésors, ne cherchent qu’à faire firtune. Un Philosophe ne cherche que la vérité. Mon esprit ne suit point un Auteur qu’il faut toujours chercher. Boil. Bien souvent nous cherchons querelle à nos amis pour nous décharger, & nous mettre en liberté. S. Evr. Rien ne choque davantage que ceux qui cherchent des applaudissemens avec trop d’ardeur. Bell. Pour trouver la vérité, il faut la chercher soi-même, & ne se pas reposer sur les lumières des autres. Maleb.

Ce mot vient de circare, selon Ménage, qui signifie aller en rond.

On dit en ce sens, un ambitieux ne cherche que la gloire ; un avare ne cherche que le profit. Un Géomètre cherche la quadrature du cercle, un Chimiste la pierre philosophale, un Machiniste le mouvement perpétuel. Chercher un passage à la table d’un livre. C’est un homme qui cherche ce qu’il veut dire, il a de la peine à s’expliquer. Il cherche en sa mémoire.

Chercher l’ennemi, se dit d’une armée qui se met en marche, & qui fait des mouvemens pour aller combattre l’ennemi.

☞ On dit chercher noise, chercher querelle ; pour dire, se mettre de propos délibéré dans le cas de se brouiller avec quelqu’un. Chercher malheur ; faire des choses capables d’attirer quelque malheur à celui qui les fait. On dit de même chercher à se faire battre.

Chercher se dit aussi des animaux, & figurément des choses inanimées. Indagare, vestigare, odorari. Un chien cherche le gibier. La foudre cherche un passage à travers la nue. Tous les purgatifs cherchent les humeurs dans le corps. L’aiguille aimantée cherche le nord, se tourne vers le nord.

On dit populairement chercher sa vie : pour dire, gueuser, mendier.

On dit, chercher de l’argent ; pour dire, en demander à emprunter. Mutuam pecuniam rogare, petere.

Chercher se dit proverbialement en ces phrases. Il cherche midi où il n’est qu’onze heures, pour marquer qu’un homme est un écornifleur. Mendicare. On dit aussi, chercher midi à quatorze heures, pour dire, chercher une chose en un lieu où elle n’est pas ; ou plutôt, faire de mauvaises difficultés où il n’y en a point à faire. On dit, chercher une aiguille dans une charretée de foin ; pour dire, qu’il est presque impossible de trouver la chose qu’on cherche. On dit aussi, qu’on cherche quelqu’un à pié & à cheval, ou par mer & par terre ; pour dire, par tout. On dit encore que le bien cherche le bien ; pour dire, que plus on est riche, & plus on a de moyens de s’enrichir.

CHERCHEUR, EUSE. s. m. Celui qui cherche. Investigator, indagator. Ce mot ne se dit guère qu’en mauvaise part. Un chercheur de franches lippées ; c’est-à-dire, un écornifleur. Parisitus. Un chercher de pierre philosophale.

Chercheur. On dit d’un homme qui a cherché long temps inutilement une chose qu’un autre trouve ensuite aisément, que c’est un plaisant chercheur, un beau chercheur.

M. de S. Evremont s’est servi de ce mot en bonne part, en parlant des curieux de la nature & des secrets de l’art.

Il y a eu autrefois en Angleterre une secte qu’on nommoit la secte des Chercheurs. M. Stoupp, dans la Religion des Hollandois, dit; qu’il se trouve encore aujourd’hui de ces gens-là dans les Provinces-Unis. Ils conviennent, dit-il, de la vérité de la Religion de Jesus-Christ ; mais ils soutiennent qu’aucune des Religions établies parmi les Chrétiens n’est cette vraie Religion de Jesus-Christ que nous devons professer pour avoir part au salut. En un mot, ils n’ont point encore pris de parti, & ils ne se sont point déterminés aux choix d’aucune. Ils lisent l’Ecriture avec beaucoup d’application ; & ils prient Dieu de les éclairer, afin qu’ils puissent embrasser la véritable Religion pour le servir selon sa volonté. Il se pourroit bien faire que cette secte de Chercheurs fût de l’invention de M. Stoupp.

Grotius étoit un Chercheur. Les Chercheurs cherchent l’Eglise comme cachée dans un désert. Pélisson.

CHERCONNÉE, s. f. Espèce de chuquelas, ou étoffe des Indes, soie & coton.

CHERQUE, s. m. & adj. C’est la même chose que Circassien. Voyez en son lieu.

CHÈRE, s. f. Accueil gracieux, réception favorable. Comis & humana alicujus excipendi ratio. Ce prince l’a reçu favorablement ; il n’y a point de chère qu’il ne lui ait faire quand il a apporté cette nouvelle. Quand on revoit un ami qu’on croyoit mort, on ne sait quelle caresse, quelle chère lui faire. Expression tout-à-fait familière & bourgeoise. On a dit autrefois chière pour chère.

Ce mot de chère vient de l’Italien cera, ou ciera. On prononce chera, qui signifie visage, aussi-bien que cara en espagnol, parce que les plus grands témoignages d’amitié paroissent sur le visage. Et même on a dit autrefois chère, pour signifier le visage ; de-là est venu le proverbe, Chère d’homme fait vertu ; c’est-à-dire, visage, présence d’homme.

Que ressemblez-vous bien de chère,
Et du tout à votre bon père.

On trouve en un autre endroit, en faisant une chère fade, pour dire, en faisant mauvaise mine.

On en a fait le verbe chèrer, qui signifie, faire bonne mine. Ménage remonte plus haut, & prouve que cara a signifié aussi visage en latin. On a dit aussi en grec κάρα. Tous ces mots viennent du latin caro.

Chère se dit, par extension, des chiens, pour signifier les carresses qu’ils font à leur maître. Blanditiæ. Quand ce petit chien revoit sa maîtresse, il ne sait quelle chère lui faire.

Chère. Terme sous lequel on comprend tout ce qui regarde le service de la table, & la quantité, la qualité, la délicatesse des viandes, & la manière de les apprêter. On dit chez les Cabaretiers, tant pour la bonne chère, c’est-à-dire, tant pour le couvert & les autres menus frais, que l’on ne compte pas en détail. Ac. Fr. 1740.

Chère se dit aussi des repas qu’on donne à ses hôtes, à ses amis. Victus, victus ratio, mensa. Bonne chère, lautus & elegans victus, magnifica & opipara mensa. Mauvaise chère, tenuis, tenuissimus victus, cæna exigua, aspera. Cet homme fait grande chère à tous ceux qui le viennent voir. On le dit aussi de la manière de se traiter en famille, en particulier. C’est un avare qui fait maigre chère chez lui, il se laisse mourir de faim.

On dit qu’un homme est homme de bonne chère, pour dire qu’il aime la bonne chère, & qu’il s’y connoît. On appelle chère entière, un grand repas suivi de plusieurs divertissemens ; & chère de Commissaire, un repas où l’on sert chair & poisson. Ac. Fr.

On dit proverbialement, il n’est chère que d’avaricieux, quand il traite, tout y va.

CHÈREMENT, adv. D’une manière chère, tendrement, avec affection. Amantissime, studiossime. Il aime chèrement ses enfans. Cet homme conserve chèrement tout ce qu’il a. Je conserverai chèrement le souvenir des obligations que je vous ais. Il y a des opiniâtres à qui l’on ne peut faire quitter une opinion : au contraire, ils conservent chèrement tout ce qui peut la confirmer. Maleb.

Chèrement signifie aussi beaucoup, à haut prix. Acheter des vivres bien chèrement, magno, permagno pretio, carè. Ablanc. On le dit aussi au figuré. Il lui vendit bien chèrement les services qu’il lui avoit rendus. B. Rab. Cet homme a vendu chèrement sa vie ; pour dire, il a donné beaucoup de peine à ses ennemis ; il en a bien tué, avant que d’être tué lui-même.

CHÉRER, v. n. Vieux mot, qui veut dire, se réjouir : il est formé de chère.

Chérer, vieux v. Faire des chères ou des amitiés à quelquÉun. Benignè, benevolè agere cum aliquo, tractare aliquem.

Ne vous forcez de me chérer ;
Chère ne quiert point violence,
Mes vers vous veulent révéver,
Non obliger votre excellence. Marot.

CHERF. Voyez CHEF.

CHÉRIF ou SHERIF, s. m. signifie Prince chez les Arabes & les Maures. C’est celui qui doit succéder au Calife, de même que le Coadjuteur à l’Evêque. Princeps. Le Roi de Maroc se qualifie, le Grand Chérif, ou le Chérif des Chérifs ; c’est-à-dire, le premier & le plus puissant des successeurs de Mahomet. On appelle Chérifs les descendans de Mahomet. Le Mozambique étoit autrefois sous la domination des Sarrazins, & un Chérife Maure y commandoit. Bouh. Car le P. Bouhours écrit Chérife, mais sans nécessité.

C’est une erreur de la plûpart des Européens, que le Grand-Seigneur est Souverain de la Mecque & de Médine, & que les Chérifs qui y commandent ne sont que des Gouverneurs ou des Vassaux tributaires. Il est vrai que les Turcs ayant détruit l’Empire des Califes, & leurs ayant succédé par droit de conquête, le Sultan a aussi succédé à la dignité & à toute l’autorité des anciens Califes, premiers successeurs de Mahomet : mais il est vrai aussi que dans la décadence & la division de cet Empire, la race du prétendu Prophète s’est conservé la souveraineté & la possession de ces deux fameuses villes & du pays où elles sont situées, sans opposition des autres Princes Mahométans, & sans être dans la dépendance d’aucun ; au contraire, les plus puissans d’entre ces Princes ont pour les Chérifs, & pour les lieux qu’ils possèdent, une extrême vénération, leur envoyant souvent des offrandes & des présens considérables ; & dans les titres fastueux qu’ils se donnent, ils ne prennent que l’humble qualité de serviteurs des deux villes sacrées de la Mecque & de Médine, ce qui est particulièrement vrai à l’égard du Grand-Seigneur. Voyage de l’Ar. Heur. p. 142, 143.

Cette race des enfans du Prophète, pour parler comme les Orientaux, tire son origine de Fatime, fille de Mahomet, épouse d’Aly, laquelle eut deux fils, Hassan & Hussein, qui ont fondé deux grandes maisons dans le Mahométisme, & qui sont les peres de tous les Chérifs ou descendans de Mahomet qui sont aujourd’hui dans le monde. Id. p. 143, 144.

La Maison d’Hassan a été divisée en deux branches principales, dont la première est restée en Arabie, & a donné des Chérifs à la Mecque & à Médine ; la seconde est passée en Afrique, & a donné naissance aux Rois de Maroc & aux autres Chérifs qui sont en Afrique. La Maison d’Hussein, second fils de Fatime, sont, selon les Orientaux, les Rois de Perse d’aujourd’hui, & les autres Chérifs de l’Asie. Id. p. 144.

Quoique la branche aînée de la Maison de Hassan se soit multipliée en une infinité de Maisons ou de Familles différentes dans l’Arabie, il n’y a jamais eu que quatre principales Maisons qui ont regné à la Mecque & à Médine, qui sont celles de Beni-Cayder ou Kader, de Beni-Moussatani, autrement Beni-Hassan, de Beni-Hachem, & de Beni-Kitada. Le Chérif qui regne aujourd’hui à la Mecque est de cette dernière Maison, laquelle, à ce qu’on prétend, occupe la Principauté depuis plus de 500 ans ; & celui qui règne à Médine est de la Maison de Beni-Hachem, qui regnoit aussi à la Mecque avant celle de Beni-Kitada. Id. p. 144, 145.

La parenté qui est entre les Chérifs d’une même Maison, devient parmi eux un sujet de discorde. Quelquefois la division se met aussi entre les deux Chérifs régnans de la Mecque & de Médine. Alors le Grand-Seigneur, en qualité de Calife, ne manque guère de prendre connoissance de leurs différens, de parler aux Chérifs avec fermeté, & d’installer quelquefois par force un Chérif à la place d’un autre, mais qui doit toujours être de la Maison régnante, toute l’autorité du Sultan ne pouvant pas interrompre cet ordre établi. Id. p. 145, 146. Et cette hauteur de la part du Sultan, & la soumission de la part des Chérifs, ne détruisent pas pour cela leur souveraineté. Id.

Chérif. Monnoie d’or de Turquie, qui vaut à Marseille quatre livres dix sous. Nummulus aureus.

CHÉRIR, v. a. voyez Cher. Aimer quelque personne avec tendresse. Amare, diligere, carum habere. Un honnête homme chérit sa femme. On chérit sa Maîtresse sur toutes choses.

Que le peuple à son gré nous craigne ou nous chérisse,

Le sang nous met au trône, & non pas son caprice.

Rac.
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Comment se reprocher un crime qu’on chérit ?

Quin.


On n’insulte jamais à ce qu’on a chéri. Corn.

CHÉRI, IE. part. Dilectus, amatus. Objet chéri. Chéri de la fortune. Chéri des cieux. Il y a des affections chéries & des vices favoris, sur lesquels les plus gens de bien même ne s’observent pas assez. S. Evr.