Aller au contenu

Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/811-820

La bibliothèque libre.
Fascicules du tome 2
pages 801 à 810

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 811 à 820

pages 821 à 830


pain de sucre, ou quelquefois d’une pomme de pin. Voyez Conifère.

CONISALE. s. m. faux Dieu de l’Antiquité. Conisaltus. C’étoit un Dieu impur, adoré chez les Athéniens, qui l’honoroient à peu près de la même manière que les Lampsaciens honoroient Priape. Strabon, L. III. Plusieurs croient que Priape & Conisale sont la même divinité, à laquelle on rendoit le même culte dans deux endroits différens.

CONISE ou CONYSE. s. f. Conysa. Genre de plante dont les fleurs sont des bouquets à fleurons cévasés en étoile par le haut, & portés chacun sur un embryon ou semence chargée d’une aigrette. Ils sont soûtenus par un calice écailleux, verdâtre ; c’est sur tout par ce calice qu’on distingue les Conyses des Elycrysum. Ce genre comprend plusieurs espèces ; la plus commune est la Conysa major ou Baccharies. Ses feuilles sont un peu plus larges que celles de la verge dorée, velues, & d’un verd plus terni. Ses fleurs naissent par bouquets, & ses fleurons sont jaunâtres. Il y en a encore une autre espèce commune à la campagne, dans plusieurs endroits du Royaume. Elle croît dans les bois, & fleurit sur la fin de l’été. Ses fleurs sont d’un beau jaune, & ses feuilles sont menues comme celles de la Linaire. Conysa linariæ folio ; inst. R. herb. Plusieurs plantes portent le nom de Conysa dans les Auteurs de Botanique, mais la plûpart n’en ont pas le caractère.

Conysa vient du mot grec κώνωψ, moucheron. On croit que la conise chasse les moucherons.

☞ CONISTERIUM, terme d’Histoire ancienne. κονίστρα. chez les Grecs, Pulverarium chez les Latins, l’endroit où l’on rassembloit la poussière que les Athlètes se jetoient sur le corps après s’être frotés d’huile, afin d’avoir plus de prise les uns sur les autres.

CONJUGAISON. s. f. terme de Grammaire. Distribution par ordre de toutes les parties des verbes ou inflexion différente des verbes suivant leurs voix, leurs divers modes, leurs temps, les nombres & les personnes. Conjugatio. Les Latins avoient quatre conjugaisons. La plûpart des Grammairiens François réduisent aussi les nôtres à quatre ; qui sont celle des verbes en er, comme parler ; celle des verbes en re comme croire, dire, faire ; celle des verbes en ir, comme polir ; celle des verbes en oir, comme voir, &c.

Conjugaison de nerfs, terme d’Anatomie. Conjonction de certaines paires de nerfs qui ont la même origine, & qui concourent ensemble. Nervorum conjugatio. Il y a dans le corps humain 40 conjugaisons ou paires de nerfs, 10 partent du cerveau ; 30 de la moëlle de l’épine.

CONJUGAL, ALE. adj. qui concerne l’union d’entre le mari & la femme. Conjugialis, conjugalis. Les maris & les femmes se doivent également garder la foi conjugale ; ils sont tenus à se rendre le devoir conjugal. Les loix ont permis à la femme de se plaindre, quand elle a été abusée par une vaine promesse d’amour conjugal. G. G. A voir l’indifférence des maris & des femmes, il semble qu’il n’y air rien de plus fade que la tendresse conjugale. S. Evr. La tourterelle avec ses tendres gémissemens, & ses tristes sanglots, est le symbole de la fidélité conjugale. Id. La mort ne peut effacer l’impression sainte de l’union conjugale. Pat.

CONJUGALEMENT. adv. d’une manière conjugale ; selon l’union qui doit être entre le mari & la femme. Conjugum ritu, more. Vivre conjugalement, c’est vivre comme mari & femme. Enée regrette un peu trop conjugalement sa chère épouse. S. Evr.

CONJUGUER, v. a. donner aux verbes, suivant les voix, les modes, les personnes, les nombres & les temps, les différentes inflexions & terminaisons, suivant les règles de la Grammaire. Conjugare, inflectere. Conjuguer un verbe. Décliner un nom. Il est aussi réciproque. Ce verbe se conjugue ainsi. Les verbes se conjuguent différemment selon les diverses langues ; les uns ont plus de temps que les autres.

Au lieu de conjuguer le verbe Amo, il faisoit des actes d’amour. Je vous aime, mon Dieu, vous m’aimez, aimer, être aimé, rien davantage. Bouhours.

CONJUGUÉ, ÉE. part. pass. & adj. Conjugatus.

On appelle, en termes de Grammaire, des mot conjugués, ceux qui ont de la liaison, de l’affinité, de la ressemblance entr’eux, & qui n’ont que la terminaison ou quelques lettres différentes, comme justice, juste, justement ; homme, humain, humanité ; & généralement tous les primitifs & leurs dérivés.

Conjugués, (Nerfs) en Anatomie, certaines paires de nerfs qui ont la même origine, & qui concourent à la même opération, à la même fonction,

Conjugué, feuille conjuguée, terme de Botanique, regardé par plusieurs, comme synonime de pinnatum folium : mais Linnæus applique ce terme aux feuilles qui ne sont composées que de deux folioles. Voyez Feuille.

Conjugués, (Diamètres) en Géométrie dans les sections coniques, ceux qui sont réciproquement parallèles à leurs tengentes au sommet.

CONJUNGO. s. m. terme de Collège. C’est un mot latin qui signifie je joins, & qui s’est introduit dans notre langue pour signifier que l’on joint des choses qui ne devroient pas être jointes, en écrivant de suite ce qui devroit être séparé, & omettant ce qui est entre deux. Nous trouvons dans les anciens manuscrits bien des conjungo. Les Copistes passoient quelquefois plusieurs lignes pour avoir plutôt fait, & écrivoient tout de suite, ce qui ne se suivoit pas dans leur original. Les Ecoliers de Philosophie & de Théologie sont sujets à faire des conjungo. Quand ils ont été absens, ils écrivent tout de suite ce que l’on dicte quand ils reviennent en classe.

☞ CONJURATEUR. s. m. celui qui forme ou conduit une conjuration. Conjuratus, conjurationis artifex. C’est un dangereux conjurateur. Vaugelas prétend que ce mot n’est pas françois, & qu’il faut dire conjuré. L’usage est contre Vaugelas. D’ailleurs conjurateur & conjuré ne sont point synonimes, & ne sauroient être employés l’un pour l’autre. Conjuré, celui qui est entré dans une conjuration ; Conjurateur, celui qui la forme, qui la conduit.

Conjurateur se dit quelquefois dans une autre signification, de ces prétendus Magiciens qui par certaines paroles, caractères ou cérémonies s’attribuoient le pouvoir d’évoquer, de chasser les Démons à leur fantaisie, de détourner les tempêtes, les maladies & les autres fléaux. Evocator Dæmonum, incantator.

Conjurateur des Démons. Il se vantoit d’être le conjurateur des tempêtes.

CONJURATION. s. f. terme d’Antiquité romaine. On donnoit ce nom à une cérémonie qui se pratiquoit dans les grands dangers de la République & dans les occasions inopinées.

☞ Les Soldats assemblés au Capitole, faisoient serment, juroient entre les mains du Général de défendre la République, & de sacrifier leur vie pour elle. Ce serment fait, ils marchoient à l’ennemi sous les ordres du Général. Cette cérémonie jusqu’au serment s’appeloit tumulte, & après le serment prenoit le nom de conjuration. Des mots cum, ensemble, & jurare, jurer en semble.

☞ Ce mot qui, dans sa signification primitive, se prenoit dans un sens favorable, a été déterminé à un sens odieux, & ne se dit plus qu’en mauvaise part, pour exprimer un complot de gens mal intentionnés, contre le Prince ou contre l’Etat. Conjuratio. Tramer, faire, former une conjuration. Entrer dans une conjuration. La conjuration de Catilina fut découverte par Cicéron. Saluste nous a donné l’Histoire de la conjuration de Catilina, & l’Abbé de S. Real l’Histoire de la conjuration de Venise.

☞ Complot, conspiration, conjuration, considérés dans une signification synonime. Complot est le terme générique, qui se dit d’un mauvais dessein quelconque, formé contre deux ou plusieurs personnes. Conjuration & conspiration ne se disent que d’un mauvais dessein formé par un grand nombre de personnes contre le Souverain ou contre l’Etat. Mais quelles sont les idées propres qui caractérisent ces deux mots, & les empêchent d’être synonimes ? car on dit, la conjuration de Catilina, la conjuration de Venise, la conspiration des poudres ; & l’on ne diroit pas la conspiration de Catilina, la conjuration des poudres. Les Encyclopedistes disent que la conjuration est de plusieurs particuliers, & la conspiration de tous les ordres de l’État. Cela peut être ; mais cela ne paroît pas suffisant. Il me semble que le mot de conjuration dit quelque chose de plus fort que celui de conspiration. Conspiration dit uniquement le complot de plusieurs personnes réunies contre l’autorité légitime. Conjuration ajoûte à cette idée celle du serment par lequel les conjurés s’obligent à poursuivre leur entreprise. Conjurare, jurer ensemble. Un ou deux ou plusieurs particuliers forment un mauvais dessein contre l’Etat : voilà le complot. Un grand nombre de gens mal intentionnés de tous les Ordres de l’Etat, si vous voulez, entrent dans ce complot : voilà la conspiration formée. Les conspirateuts promettent de s’aider, de demeurer unis, de ne se point détacher : voilà la conjuration. Je soumets cette idée, ainsi que toutes les autres, au jugement du public.

Conjuration, sont aussi des paroles, caractères ou cérémonies magiques, par lesquelles les magiciens prétendent évoquer ou chasser les esprits malins, & détourner les choses nuisibles. Evocatio Dæmonum, incantatio. Les livres de Nécromancie sont pleins de conjurations, également vaines, superstitieuses & inutiles, mais toutes condamnables.

Conjuration, en matière Ecclésiastique, signifie Exorcisme. Dæmonum, adjuratione divini nominis, expulso ; Exorcismus. Le Démon n’est sorti du corps de ce possédé qu’après plusieurs conjurations. Le Prêtre en faisant l’eau bénite fait plusieurs conjurations & exorcismes.

Conjuration se dit aussi des instantes prières qu’on fait à quelqu’un au nom des choses qu’on croit les plus capables de l’émouvoir, & presque de la même manière que les Magiciens font à l’égard des Esprits. Obsecratio, obtestatio. Ce pere se rendit aux conjurations que lui fit sa femme de pardonner à son fils.

CONJURE, terme de Coutumes, semonce & conjure, ☞ c’est la prière, l’invitation que le Seigneur féodal ou son Juge fait à ses feudataires ou censiers de venir juger une affaire qui est de leur compétence.

☞ CONJUREMENT. s. m. synonime de conjure dont on vient de parler.

CONJURER, v. a. prier avec instance au nom de ce qu’on respecte le plus, de ce qu’on a de plus cher. Obsecrare, obtestari. On a conjuré cet homme au nom de Dieu, de tous ses parens, & de tous ses amis ; mais il n’a pas voulu pardonner. Je vous conjure par ce que vous avez de plus cher au monde, par le souvenir de notre ancienne union, &c. per deos oro te, per antiquam necessitudinem nostram, &c.

Pendant que votre main sur eux appesantie,
A leurs persécuteurs les livroit sans secours,
Il conjuroit ce Dieu de veiller sur vos jours. Racine.

On le dit plus simplement. Aimez-moi, écrivez-moi souvent, je vous en conjure.

Conjurer se dit aussi dans la signification d’exorciser, employer certaines prières pour chasser les Démons. Dæmones, adjuratione divini nominis expellere, fugare, ejicere. Conjurer le Diable. La formule des conjurations dont use l’Eglise est conçue ainsi. Esprit immonde, je te conjure par le sacré nom de Dieu, &c. adjuro te per Deum vivum.

☞ En parlant de ces prétendus Magiciens qui se vantent de faire des choses merveilleuses par le moyen de certaines prières ou de quelques cérémonies, conjurer est synonime de chasser, détourner. Averruncare. On dit en ce sens, conjurer la tempête, les serpens, les maladies, la fièvre, & en général toutes les choses nuisibles. Il y a des gens qui se vantent d’avoir le secret de conjurer les orages ; ce qu’il y a de plus étonnant, il se trouve des sots qui les croient.

☞ On dit au figuré, conjurer l’orage, la tempête ; détourner par sa prudence ou par son adresse un malheur dont on est menacé. Ce Prince étoit menacé de toutes parts ; les Confédérés étoient sur le point d’entrer dans ses Etats, mais il a trouvé le moyen de conjurer la tempête.

Conjurer, terme de Coutume. Conjurer & semondre ses vassaux, en parlant d’un Seigneur féodal ou de son Juge, c’est inviter les vassaux à venir juger un procès ou un différent concernant ses sujets. Evocare. C’est dans ce sens qu’on dit que Philippe le Bel conjura ses Pairs pour faire rendre jugement contre le Roi d’Angleterre.

☞ Enfin conjurer signifie former un complot contre l’Etat ou contre le Prince avec d’autres personnes. Conjurare. Catilina conjura contre sa patrie. Cinna conjura contre Auguste. Et absolument, César étoit toujours prêt à conjurer.

Conjurer contre quelqu’un, signifie encore agit de concert avec d’autres pour le perdre, pour le ruiner.

☞ Avec un régime direct. On dit conjurer la ruine de sa patrie. Et même, en parlant d’une seule personne qui agit contre les intérêts d’une autre, qui a formé un mauvais dessein contre un particulier, on dit conjurer la perte de quelqu’un.

Conjuré, ée. part. Voyez le verbe.

☞ CONJURÉ se dit substantivement en parlant de celui qui est entré dans une conjuration, dans un complot contre l’Etat ou contre le Prince. Conjurationis particeps, conjuratus. On le dit ordinairement au pluriel. On arrêta le chef des conjurés, les principaux conjurés.

☞ CONNAUGHT & CONNACIE. Conacia, & Conachtia. Province d’Irlande, dans la partie occidentale de l’Île, bornée par les provinces de Linster, d’Ulster, de Munster & par l’Océan. Capitale Galloway.

CONNERAY, bourg de France dans le Maine.

CONNÉTABLE. s. m. Officier de la Couronne, qui étoit au-dessus des Maréchaux de France, & le premier Officier des armées : il ne subsiste plus ni en France ni en Angleterre. Comes stabuli, rei bellicæ summus in Gallia Præfectus, Connestabilis, Constabularius, Comestabulus. Avant Hugues Capet, lorsqu’il y avoit en France un Maire du Palais, le Connétable étoit ce qu’est aujourd’hui le Grand Ecuyer ; mais après que la charge de Maire du Palais fut abolie, le Connétable devint le chef principal de toutes les armées sous l’autorité du Roi. Ce mot est féminin, lorsqu’on parle de la femme d’un Connétable. Madame la Connétable. Comitis stabuli conjux. On a appelé quelquefois Connétables, des Chefs, Capitaines & Gouverneurs d’une ville, d’une frontière, ou d’une place forte, comme le Connétable de S. Malo. Alain Chartier fait mention d’un Connétable de la ville de Bourdeaux sous Charles VII.

L’origine de ce mot vient de Comes stabuli, parce qu’autrefois cette charge a été exercée par le grand Ecuyer de France qui n’avoit que l’intendance des Ecuyers du Roi. On l’établit ensuite Chef de toute la Gendarmerie : & c’est une dignité qui est venue des Gots. Le premier Connétable qu’on trouve avoir commandé les armées, est un Comte de Vermandois, sous Louis le Gros. Mais depuis cette charge s’accrut beaucoup en autorité, & en pouvoir. A la vérité le Connétable a toujours été l’un des cinq grands Officiers de la Couronne, & l’on remarque même qu’il signoit toutes les Lettres patentes qui s’expédioient ; mais il n’étoit pas le premier. Le grand Chambellan & le grand Echanson étoient d’ordinaire avant lui. Cette grandeur commença sous le règne du père de Saint Louis, en la personne de Matthieu de Montmorency, qui fut fait Connétable en 1218. Il porta fort haut les droits & les prérogatives de cette dignité. Elle n’étoit pourtant encore que dans le quatrième rang : & ce ne fut que sous Philippe de Valois que le Connétable devint le premier Officier militaire de la Couronne. L’épée est la marque de cette première charge du Royaume. Le Connétable la recevoit nue de la main du Roi à qui il en faisoit ensuite hommage. Il avoit le droit de commander les armées par préférence à tout autre, sans exception, après le Roi. On crut la dignité de Connétable ensevelie avec le Connétable de Saint Paul, qui fut exécuté à mort en 1475. François I, la fit revivre en faveur de Charles de Bourbon. Elle a été supprimée en 1627, après la mort du Connétable de Lesdiguieres. Tant qu’il y a eu en France un grand Sénéchal, (il y en a eu depuis Pépin juqu’à Philippe Auguste,) le Connétable n’a été que le premier Ecuyer du Roi. Le Gendre.

☞ Depuis la suppression de cette charge, il ne laisse pas d’y avoir au sacre des Rois, un Connétable, c’est-à-dire, un Seigneur qui représente cet Officier de la Couronne.

La juridiction de Connétable subsiste encore, & le siège en est établi à la table de marbre du Palais à Paris sous le nom de Connétablie & Maréchaussée, parce que, quand il y avoit un Connétable, cet Officier & les Maréchaux de France ne faisoient qu’un Corps, dont le Connétable étoit le chef, & rendoit avec eux la Justice.

Du Moulin le dérive de cuneus stabilis ; d’autres de Comes stabilis, mais avec moins de fondement & d’apparence. Gollut, dans ses Mémoires des Bourguignons, L. II, c. 41, tire Connétable de Connincs ou Konincs, qui en celtique signifie Roi & de Staphel, qui veut dire sûreté, garde ; de sorte que de Connincs Staphel se seroit fait Connétable, & qu’il signifie, Garde, ou Assurance du Roi ; mais il n’y a nulle apparence à cette étymologie.

Voyez sur le Connétable ce qu’a recueilli du Tillet, I. P. page 389 & suiv. & Lymnæus, Notita Regni Franc. L. II, 26. Le Gendre, Mœurs des François, p. 208 & suiv. Boutillier en sa Somme rurale, du droit de Connétable & de son Office. Hotoman, De Comestabulo, 6, 14. Franco-Galliæ, &c.

Connétable est aussi le nom qu’on a donné aux chefs des Connétablies, qui étoient des compagnies de gens de guerre, ou à ceux qui commandoient dans une contrée, dans une ville.

M. de Tillemont, Histoire des Emper. T. IV, p. 494, dit ce mot Connétable, d’un Officier des Empereurs Romains, qu’on appeloit en latin Tribunus stabuli, c’est-à-dire, Tribun de l’écurie, & qu’il appelle plus proprement encore grand Ecuyer. Agilon, dit-il, Connétable ou grand Ecuyer de l’Empereur Constance. Anne Comnène, dans l’Histoire de son pere Alexis Comnène, L, XIII, parle de Connétables, qu’elle appelle Κονοσταύλες ; mais ce n’étoit point une charge unique, comme elle étoit en France, comme elle l’est encore dans les endroits où elle subsiste, mais comme nos Maréchaux de France, qui sont plusieurs. La même chose se trouve dans Pachymère.

Connétable, dans l’Artillerie, est un certain Officier qui distribue dans les batteries la poudre, & les boulets aux Canoniers, & tout ce qui est nécessaire pour le service du canon.

☞ En Angleterre, on donne le nom de Connétable à certains Officiers de police, établis pour la conservation de la paix & la révision des armes, & aux Châtelains & Gouverneurs des châteaux. Les premiers ont un bâton de commandement, & dès qu’ils en touchent quelqu’un, il est constitué prisonnier.

Connétable est aussi un titre de dignité qui se donne en d’autres Royaumes à quelques personnes de qualité, dans la maison de qui elle est héréditaire. Ainsi en Espagne il y a un Connétable de Castille, un Connétable de Navarre, &c.

☞ CONNÉTABLIE, s. f. Juridiction du Connétable & des Maréchaux de France sur les gens de guerre, & tout ce qui a rapport à la guerre directement ou indirectement, tant en matière civile que criminelle. Quoique le titre de Connétable ne subsiste plus, la Juridiction donc il jouissoit subsiste encore sous le nom de Connétablie & Maréchaussée de France. Jurisdictio Connestabilis, ou Marescallorum Galliæ, in Curiæ Parisiensis palatio. La Connétablie connoît de tous excès, & crimes commis par les gens de guerre, tant de pié que de cheval ; au camp ou dans les garnisons, ou sur la route : des actions personnelles qu’ils peuvent avoir les uns contre les autres, &c. La Connétablie ne juge point en dernier ressort : les appellations ressortissent au Parlement. Le Lieutenant-Général, le Procureur du Roi de la Connétablie. Il y a aussi le Grand Prévôt de la Connétablie avec ses quatre Lieutenans & ses Archers, qui suivent l’armée pour faire le procès aux gens de guerre qui ont failli, & pour mettre le taux & la police sur les vivres.

☞ Les Maréchaux de France sont présidens nés de la Connétablie, & ils y viennent quand ils le jugent à propos, habillés comme les Ducs & Pairs, en petit manteau, avec un chapeau orné de plumes.

☞ On appelle encore Connétablie, la Juridiction de Messieurs les Maréchaux de France, dans les contestations qui concernent le point d’honneur, dont ils décident par eux-mêmes, & sans appel. La Connétablie se tient ordinairement chez le Doyen des Maréchaux de France, comme représentant le Connétable.

On a aussi appelé autrefois Connétablies, des bandes & compagnies de gens de guerre. Cohortes, turmæ. Froissart appelle Connétablies, des escadrons & bannières de Cavalerie. Le Roi Jean ordonna l’an 1351, que tous les piétons fussent mis par Connétablies & compagnies de 25 ou 30 hommes, & que chaque Connétable eut doubles gages.

Connétablie est encore le nom de la charge de celui qui commandoit ces Connétablies, ou troupes de gens de guerre.

CONNEXE. adj. m. & terme de Palais. Ce qui a de la liaison, de la dépendance. Connexus. Ces deux principes, ces deux raisons sont connexes, dépendent l’une de l’autre. Ces deux affaires sont connexes, doivent être jointes & jugées ensemble.

☞ CONNEXION. s. f. du latin connexio, connexus. Liaison, rapport que certaines choses ont less unes avec les autres ; dépendance qui se trouve entr’elles. On dit qu’il y a de la connexion entre deux idées, entre deux Jugemens, entre l’antécédent & le conséquent, entre des propositions & la conséquence qu’on en tire.

☞ CONNEXITÉ. s. f. Ce mot est souvent employé comme synonime de connexion. C’est proprement la disposition réciproque qu’ont deux choses pour être jointes l’une à l’autre. Mutua rerum convenientia. Il y a connexité entre la morale & la jurisprudence, entre la physique & la médecine. Quelques gens prétendent qu’il y a quelque sorte de différence entre Connexité & connexion. Ils veulent que connexité signifie une liaison, & une dépendance naturelle, qui se trouve entre les choses, sans que nous y contribuions rien de notre part, telle qu’elle est entre la Physique & la Médecine. Au lieu que connexion ne signifie, selon eux, qu’une liaison qui est à faire, & à laquelle nous devons contribuer par notre art : comme si on disoit par la connexion de ces deux propositions, vous verrez que l’une sert d’éclaircissement à l’autre. Quoique les Auteurs que nous avons pû consulter, confondent la signification de ces deux termes, il paroît pourtant qu’on doit les distinguer. Richelet semble aussi en avoir senti la différence ; puisqu’après avoir dit que connexion signifie rapport, il dit que connexité signifie, ce par quoi une chose a rapport à une autre.

☞ Le mot de connexion, disent les Encyclopédistes, désigne la liaison intellectuelle des objets de notre méditation ; celui de connexité, la liaison que les qualités existantes dans les objets, indépendemment de nos réflexions, constituent entre ces objets. Ainsi il y aura connexion entre des abstraits, & connexité entre des concrets, & les qualités & les rapports qui font la connexité seront les fondemens de la connexion ; sans quoi notre entendement mettroit dans les choses ce qui n’y est pas.

CONNIDAS. s. m. Connidas. Précepteur ou Gouverneur de Thésée, qui, au rapport de Plutarque, dans la vie de ce Héros, fut adoré comme un Dieu. On célébroit à Athènes des fêtes en son honneur nommées connidies ; on lui sacrifioit un Bélier.

☞ CONNIDIES. s. f. plur. Voyez Connidas.

CONNIFFLE. s. f. espèce de grande coquille, comme celles que les Pèlerins rapportent de Saint Jacques, & de S. Michel. C’est un excellent manger. On en trouve grand nombre dans la rivière du Havre de la Haive, sur la côte de l’Acadie. Denis, Desc. de l’Am, Sept, P. I, C. 3.

CONNIL. s. m. vieux mot. On dit aujourd’hui Lapin.

CONNILLER, v. n. chercher des ruses, des détours, des subterfuges pour s’esquiver, pour se cacher. Subterfugere. Comment la Philosophie qui me doit roidir le courage pour fouler aux pies les adversités, vient à cette mollesse, de me faire conniller par des détours couards & ridicules ? Mont. Cette expression est sur tout fort en usage dans l’Anjou. On ne s’en sert plus ailleurs.

CONNILLIÈRE. s. f. subterfuge, ou échappatoire. Il est vieux. Suffugium. C’est aux dépens de notre franchise, & de l’honneur de notre courage, que nous désavouons notre pensée, & cherchons des connillieres en la fausseté pour nous accorder. Montagne.

☞ CONNIVENCE. s. f. du latin Connivencia, qui signifie littéralement, clignement des yeux. C’est la dissimulation d’un mal qu’on peut & qu’on doit empêcher. C’est une tolérance qui nous rend complices du mal que nous devrions empêcher. Ce mot ne peut se prendre qu’en mauvaise part, parce qu’il est relatif à la conduite de celui qui favorise une action qu’on devroit punir. La connivence des parens est la cause du désordre des enfans. La connivence des Magistrats est un crime.

☞ CONNIVER, v. n. se rendre complice par tolérance & par dissimulation d’un mal qu’on peut & qu’on doit empêcher. Connivere in re aliquâ. Un Magistrat ne doit pas conniver avec un Procureur, ne doit pas conniver aux friponneries d’un Procureur. C’est un crime dans un pere de conniver aux débauches de ses enfans : ce Receveur & ce Commis connivent ensemble.

☞ CONNOISSABLE. adj. de t. g. qui est aisé à connoître. Qui facilè potest agnosci. Il est presque toujours employé avec la négative. Sa maladie l’a tellement changé, qu’il n’est plus connoissable.

☞ CONNOISSANCE. s. f. C’est en général la représentation que l’esprit se fait d’un objet, c’est-à-dire, la perception de la convenance ou disconvenance qui se trouve entre deux de nos idées, cognitio. La connoissance actuelle est la perception présente que l’esprit a de la convenance ou de la disconvenance de quelqu’unes de ses idées, ou du rapport qu’elles ont l’une à l’autre.

Connoissances, (Les) en matière de philosophie, & sur-tout en Algèbre, ne s’acquierent que par trois voies ; l’une qu’on appelle synthétique, ou de composition, lorsque d’une chose connue on descend à une moins connue, dont on tire une conséquence. La seconde analytique, lorsque de la conclusion on remonte aux principes sur lesquels elle est fondée. La troisième s’appelle d’inquisition, lorsque, sans avoir proposé aucune conséquence à démontrer, on examine avec attention les principes, & on regarde quelle conséquence on en peut tirer.

☞ On dit qu’un homme connoît une proposition, lorsque cette proposition ayant été une fois présentée à son esprit, il a apperçû la convenance ou la disconvenance des idées dont elle est composée, & qu’il l’a placée de telle manière dans sa mémoire, que toutes les fois qu’il vient à réfléchir sur cette proposition, il en voit la vérité, ou conserve la souvenir de la conviction, sans en retenir les preuves. C’est ce qu’on appelle connoissance habituelle.

☞ C’est ce précieux dépôt de vérités, confié à la mémoire, qui fait les richesses de l’esprit, auquel on donne le nom de connoissances. Cet homme a acquis plusieurs connoissances dans la physique par des expériences & une étude de trente ans. Démosthène se remplit l’esprit de toutes les connoissances qui pouvoient l’embellir.

☞ On dit qu’un homme à bien des connoissances, qu’il a de grandes connoissances ; pour dire, qu’il sait, qu’il a appris bien des choses ; qu’il a une grande connoissance de certaines choses, comme livres, tableaux ; pour dire, qu’il a une grande pratique, un grand usage de ces choses là, qu’il est en état d’en juger ; parler en connoissance de cause, être au fait de l’affaire dont on parle.

Connoissance se dit aussi de l’étude, & de l’attention qu’on a faite ou sur soi-même, ou sur les autres, pour en pénétrer le fonds, & en connoître les bonnes, ou les mauvaises qualités. Sans la connoissance de soi-même, toutes les vertus qu’on a d’ailleurs sont des occasions de chûte, parce qu’on ne sait pas mesurer ses forces à ses entreprises. Nic.

Connoissance se dit de la fonction, de l’exercice des facultés de l’ame. C’est dans ce sens qu’on dit, dans le langage ordinaire, qu’un homme a perdu connoissance, est sans connoissance. Il s’est donné un coup si violent en tombant, qu’il a perdu toute connoissance. Mens, ratio. On dit qu’un enfant est en âge de connoissance, quand il est en âge de raison, de discrétion. Rationis compos.

Connoissance signifie aussi juridiction, droit qu’on a de juger de quelque chose. Jus cognoscendi de re aliqua. Le Juge d’Eglise ne prend connoissance que des choses purement spirituelles. On a attribué au Parlement la connoissance des duels. Le Conseil a évoqué à lui, & retenu la connoissance de ce procès, & l’a interdit à tous autres Juges.

Connoissance se dit encore des personnes ☞ avec lesquelles l’on a ou l’on a eu des relations, des habitudes, qu’on voit souvent. Familiaritas, amicitia, consuetudo. On trouve bien peu de vrais amis, mais il est aisé de faire bien des connoissances. Faire de nouvelles connoissances, préférer les nouvelles aux anciennes. Je vous veux donner la connoissance de cet homme. Il lui a donné à dîner pour renouveller connoissance Cet homme a bien des connoissances, des amis, des intrigues. J’étois un jeune homme avide de connoissances illustres. Ménage.

☞ Dans ce sens, on dit qu’on est en pays de connoissance, quand on est dans un lieu où l’on connoît ceux qui y sont & où l’on est connu. On le dit au propre de personnes, & au figuré des choses auxquelles ont est accoutumé ; quand on parle à un géometre de figures, il dit qu’il est en pays de connoissance.

Connoissance charnelle, en termes de Palais, & en style de casuiste, signifie habitation charnelle, conjonction de l’homme & de la femme pour la génération. Coitus. L’affinité charnelle est une proximité qui provient d’une connoissance charnelle, sans aucune parenté naturelle. Pontas. L’affinité provient non-seulement de la connoissance charnelle, qui est permise dans le mariage, mais encore de toute autre en général, quelque illégitime & illicite qu’elle doit. Id.

Connoissances, en termes de Chasse. ☞ Certaines marques imprimées par le pié du cerf, & & auxquelles on reconnoît l’âge & la grosseur du cerf que l'on chasse. On le dit aussi des indices de l’âge & de la forme du cerf par les autres parties, par la tête, les fumées. Indicia, vestigia. Ainsi Moliere a fait dire à un Chasseur, dans ses Fâcheux, des pinces de son cerf, & de ses connoissances. On dit qu’un cerf a une connoissance, quand il se peut faire distinguer des autres par quelques marques.

On a aussi sur la mer connoissance des cîtes par les divers signes qui s’y rencontrent, qui font juger du lieu ou l’on est, tant par la description qu’on en trouve dans les Routiers, que par la couleur & hauteur des terres, caps & montagnes qu’on découvre, & par la nature du fond & du sable, les herbes, poissons & oiseaux qu’on y voit, & autres indices. Locorum notitia. Avoir connoissance d’une terre se dit sur mer, pour la voir.

CONNOISSEMENT f. m. terme de Commerce de mer. C’est un acte signé du Capitaine du vaisseau & de l’Ecrivain, qui contient la déclaration des marchandises d’un vaisseau, de leur qualité, du nom de ceux qui les ont chargées, & à qui elles sont adressées, & de l’envoi, ou du lieu où elles sont destinées, avec soumission de les porter au lieu de leur destination. Acta manu Præfecti navis obsignata quibus descripta continentur quæcumque navis complectitur.

Connoissement ne se dit pas seulement de la lettre du Capitaine d’un vaisseau, mais de toute lettre, acte, passeport &c. qui peuvent servir à faire connoitre ce qu’il est, d’où il vient, où il va, ce qu’il porte, &c. & servir à sa sûreté. Le Capitaine du bâtiment Génois, qui, selon l’usage des tartanes & des barques qu’on envoie dans les ports voisins, n’avoit que des patentes de santé, n’ayant pu fournir d’autre connoissement, le vaisseau Anglois s’en empara malgré, &c. Gaz. 1741, p. 320.

☞ Cet acte fait la sûreté des propriétaires des marchandises. Il doit être triple, afin que le chargeur, celui à qui les marchandises sont adressées, & le maître ou l’écrivain du vaisseau en ayent chacun un.

Le Connoissement ne se fait proprement que pour une partie de la marchandise dont le vaisseau est chargé : car quand un marchand charge tout le vaisseau pour son compte, cet acte s’appelle charte-partie, particulièrement sur l’Océan.

☞ Sur la Méditerranée, on appelle police de chargement, ce qu’on entend par connoissement sur l’Océan.

CONNOISSEUR, EUSE. Celui, celle qui a les connoissances nécessaires pour bien juger de la chose dont il est question. Homo intelligens, doctus rerum æstimator, existimator. Montrez vos tableaux à ce curieux, c’est un fort bon connoisseur. Je m’en rapporte aux connoisseurs. Ces connoisseurs, qui se donnent voix décisive sur tous les ouvrages, retardent le progrès des sciences par la chaleur de leurs contradictions. La Bruy. La plûpart des connoisseurs demeurent d’accord de cela. Rac.

Vous, dont les bons mots enjoués
De tous les connoisseurs sont justement loués. Mlle l’Héritier.

Connoisseur n’est pas la même chose qu’Amateur. Connoisseur, en fait d’ouvrages de Peinture, ou d’autres Arts, renferme moins l’idée d’un goût décidé pour cet Art, que d’une connoissance fine, & d’un discernement exquis & délicat. On n’est guère connoisseur sans être amateur ; mais on peut être amateur sans être connoisseur. Bon connoisseur ; fin connoisseur. Dict. de Peint. & d’Arch.

Connoisseur est aussi adj. Ces particularités n’échapperont pas à un œil connoisseur.

CONNOÎTRE, v. a. Novisse, cognoscere. Il a au présent je connois. Corn. & à l’impératif connoi, ou connois, lorsqu’il est suivi du relatif en, connois-en l’importance. Vaug. Appercevoir la convenance ou la disconvenance de ce qui est l’objet actuel de nos pensées, ou les rapports des idées qui ont déjà été présentées à notre esprit. Connoître le bien & le mal. Voyez Connoissance.

☞ Dans l’usage ordinaire, ce mot a plusieurs acceptions différentes, dont quelques-unes même sont fort éloignées de la principale.

☞ Il signifie quelquefois avoir une idée empreinte dans l’esprit, que quelqu’objet présent rappelle. Il me semble que je connois cet homme-là. Je ne le connois que de vue ; je le connois à sa voix, à ses manières. J’étois connu de lui comme on se connoît dans la foule, sans avoir rien de particulier avec lui.

☞ On dit de quelqu’un qu’on le connoissoit mal, quand on se trompe au caractère. Mais quand on ignore quel est l’homme à qui l’on parle, il faut dire, je ne le connoissois pas, & non je le connoissois mal, comme a fait Corneille dans une de ses pièces.

Connoître signifie aussi avoir une grande pratique, un grand usage des choses que l’on a examinées & étudiées, pénétrer jusqu’au fond des choses. Summam habere rei alicujus notitiam. Il connoît cette science à fond. Cet homme connoît les tableaux, se connoît en pierreries.

☞ On le dit également des personnes. On ne connoît presque jamais parfaitement personne : la connoissance des gens qu’on voit le plus souvent, n’est qu’un art de conjecture, où l’on se trompe facilement. Scud. On croit connoître ses amis ; mais dans la suite la fortune ou l’ambition renverse tout ; & votre discernement trouvant toujours une nouvelle occupation, se lasse, & se rebute & cesse de chercher à connoître ce qu’il avoit cru connoître pour toujours. Id. Nous avons plus d’intérêt à jouir du monde qu’à le connoître. S. Evr. Pour bien connoître l’homme, il faut descendre dans son cœur, afin d’y voir les passions se former.

☞ C’est dans ce sens qu’on dit qu’un pilote connoît la mer ; qu’un homme connoît le monde, qu’un courtisan connoît la Cour.

Les Princes sont d’étranges gens,
Heureux qui ne les connoît guère,
Plus heureux qui n’en a que faire.

☞ On dit, dans le même sens, se connoître soi-même. Le précepte de se connoître soi-même, nosce te ipsum, est un principe de conduite, sans lequel on fait bien de faux pas. Nic. On n’est vertueux que par hasard, quand on ne se connoît point. Pour ceux qui commandent aux autres, rien ne leur aide à se connoître, ils sont seuls à juger d’eux-mêmes. La raison pourquoi on connoît mieux les autres qu’on ne se connoît soi-même, est que par le commerce que nous avons avec nos propres inclinations, rien ne nous est nouveau en nous-mêmes, & tout nous est nouveau en autrui. Scud.

Connoître à (Se), ou en quelque chose, c’est y être plus propre que les autres, être en état d’en juger. Les femmes se connoissent plus finement à bien faire les choses, parce que l’avantage de plaire leur est naturel. Le Ch. de M. Se connoître en poësie, en musique, &c.

Connoître, (Se faire) montrer ce qu’on est. Manifestare, probare se. Il s’est fait connoître, il s’est signalé en cette occasion. Quelqu’un reprochant au jeune Scipion, qui briguoit la censure, qu’il ne connoissoit personne, c’est, répondit-il, que j’ai toujours travaillé à me faire connoître, plutôt qu’à connoître les autres.

Connoître se dit quelquefois pour avoir des habitudes, commerce avec quelqu’un. Il connoît tout le monde. Je ne connois point cet homme-là, ni ne le veux connoître.

☞ En style d’Ecriture, connoître une femme, c’est avoir commerce avec elle, cognoscere. L’Ecriture dit que David coucha avec Abigaïl, mais qu’il ne la connut point.

Connoître, paroît quelquefois synonyme à discerner. La nuit étoit si noire, qu’on ne pouvoit connoître personne.

Connoître signifie quelquefois avoir de la considération, des égards pour les autres. Habere rationem. Il se joint avec la particule négative. Un juge doit être impartial, ne connoître personne quand il s’agit de rendre justice. Les gens fiers n’ont jamais d’amis ; dans la prospérité, ils ne connoissent personne ; & dans l’adversité, personne ne les connoît.

☞ Dans une signification plus étendue, il signifie refuser d’admettre, de recevoir. Ne connoître point de supérieur, n’en point avoir, ou prétendre n’en point avoir. Agnoscere, admittere. Les Grecs ne veulent point connoître le Pape, avouer qu’il est chef de l’Eglise Universelle. C’est dans ce Cens qu’on dit qu’un libertin ne connoît ni Dieu ni Diable.

☞ On le dit de même des loix, des coutumes qui ne sont point admises, qui ne sont point reçues en certains pays. On ne connoît point la Communauté des biens en Normandie. En tel endroit on ne connoît point le Droit Romain, en France nous ne connoissons point la Bulle, In cœnâ Domini.

Connoître signifie encore sentir, éprouver. Experire, sentire. Ce climat est si tempéré, qu’on n’y connoît ni le chaud, ni le froid ; pour dire, qu’on n’y en sent point : on n’y connoît point la goutte, la gravelle.

☞ En termes de Manège, on dit qu’un cheval connoît la bride, les éperons, &c. pour dire, qu’il répond avec justesse à ces aides, qu’il sent & exécute ce que le cavalier demande par les aides de la bride, des éperons, &c. Voyez répondre aux aides.

Connoître, construit avec de, ou quelque équivalent, signifie avec droit, pouvoir de juger de certaines matières. Jus habere de se aliqua cognoscendi. Les Prévôts des Marchands connoissent de tous les cas Royaux. Le Parlement connoît des duels, des affaires des Ducs & Pairs en première instance. Le Grand-Conseil connoît des règlemens de Juges, de la contrariété d’Arrêt. Je ne veux point connoître de vos différends ; c’est-à-dire, je ne veux point m’en mêler.

On dit populairement d’un homme que l’on ne connoît en aucune sorte : je ne le connois ni d’Eve ni d’Adam.

On dit qu’un homme ne se connoît point ; pour dire, que l’orgueil lui fait oublier ce qu’il est. Et on dit aussi qu’il ne se connoît point, lorsque quelque passion le met hors de lui. Acad. Fr.

Connoître signifie quelquefois dans l’Ecriture, aimer, approuver, comme au ch. 10 de S. Jean, v. 24, où Jesus-Christ dit : je connois mes brebis, & mes brebis me connoissent ; c’est-à-dire, ; j’aime mes brebis, & mes brebis m’aiment, au ch. 7 de S. Matth. v. 23. Jesus-Christ dit, parlant aux méchans, je ne vous ai jamais connu ; c’est-à-dire, je ne vous ai jamais approuvé. C’est en ce même sens qu’au ch. 25 de S. Matth. v. 12, Jesus-Christ dit aux Vierges folles ; je ne vous connois point. S. Paul, dans son Epitre 2, à Timothée, dit, que le Seigneur connoît ceux qui sont à lui ; c’est-à-dire, aime.

CONNU, UE, part. & adj. Cognitus, notus.

On appelle les terres connues, les terres découvertes par les Voyageurs, ou marquées par les Géographes ; par opposition aux inconnues, où l’on n’a point pénétré.

☞ CONNOR, ville d’Irlande, dans la Province d’Ulster, dans le Comté d’Autrien.

CONNOTATION. s. f. Ce mot est répété plusieurs fois dans le IIe Ch. de la seconde partie de la Grammaire générale & raisonnée. Ce qui fait, dit l’Auteur, qu’un nom ne peut subsister par soi-même, est quand outre sa signification distincte, il y en a encore une confuse, qu’on peut appeler connotation d’une chose, à laquelle convient ce qui est marqué par la signification distincte : ainsi la signification distincte de rouge, est la rougeur. Mais il la signifie, en marquant confusément le sujet de cette rougeur, d’où vient qu’il ne subsiste point seul dans le discours, parce qu’on y doit exprimer ou sousentendre le mot qui signifie le sujet.

CONOCARPODENDRON. s. m. Arbre qui croît dans le pays des Hottentots, près du Cap de Bonne Espérance. Voyez-en la description dans le Dictionnaire de James. Κωνοκαρπόδενδρον.

CONODIS. s. m. petite monnoie dont on se sert à Goa, & dans tout le Royaume de Cochin. Elle vaut sept deniers argent de France.

☞ CONOIDE, terme de Géométrie. Corps ou solide qui a la figure d’un cône, & dont le sommet est arrondi. Le conoïde est un solide produit par la circonvolution entière d’une section conique autour de son axe. Ce solide se nomme conoïde parabolique, quand il est produit par la circonvolution entière d’une parabole autour de son axe ; conoïde hyperbolique, quand il est produit par la circonvolution entière d’une hyperbole autour de son axe ; & conoïde elliptique ou sphéroide, quand il est produit par le mouvement achevé d’une ellipse autour de l’un de ses axes. Le fameux conoïde de moindre résistance trouvé par MM. Newton, Fatio, & de l’Hôpital, n’a que la 67e partie de la résistance de sa grande base.

Les Médecins appellent conoïde, ou conarium, une glande qui se trouve vers le troisième ventricule du cerveau, qui ressemble à une pomme de pin : c’est pourquoi M. Descartes l’appelle pinéale, & y établit le siège de l’ame raisonnable.

CONOIDAL, ALE. adj. m. & f. terme de Géométrie, qui appartient au conoïde. Une superficie conoïdale est la surface d’un conoïde, Extima conoïdis superficies. On dit une superficie conoïdale parabolique, hyperbolique, ou elliptique, selon la différente forme du conoïde.

CONONITES. C’est le nom qu’on a donné autrefois à une branche d’Eutychiens. Ils furent ainsi appelés d’un Evêque nommé Conon. Voyez Euthychiens.

CONQUE. s. f. mesure de grains, dont on se sert à Bayonne, & à S. Jean de Luz. On se sert de la conque pour mesurer les sels à Bayonne. Deux conques composent un sac, mesure de Dax.

Conque. s. f. grande coquille plate. Concha. On voyoit dans ce tableau Vénus portée sur une conque. On peint les Néréides, les Dieux marins sur des conques. On donne aussi le nom de conque à certaines coquilles en spirale, dont, suivant la Fable, les Tritons se servoient comme de trompettes. Acad. Fr. 1740.

Conque, terme de Conchyliogie. On appelle ainsi les coquilles bivalves, particulièrement celles du genre de l’huitre.

Conque de Vénus. Concha Veneris. Nom qu’on a donné à une coquille bivalve, presqu’ovale, à cause de sa ressemblance avec la vulve d’une femme.

Conque anatifere. Voyez Anatifere.

Conque sphérique. C’est une coquille de forme ronde, que l’on rapporte à la quatorzième famille des coquilles de forme sphérique, appelées Globosæ en latin, & en françois Tonnes. Le sommet de la tête & les petites tubérosités déterminent le caractère essentiel de ces coquilles ; car les coquilles de cette quatorzième famille, pour être véritablement sphériques doivent être de forme ronde, enflées dans leur milieu, la tête peu garnie de tubercules, avec une bouche très-évasée qui ne soit point garnie de dents.

Les Anatomistes ont appelé la conque de l’oreille, non-seulement la seconde cavité de sa partie extérieure, située autour de la première qui est au commencement du conduit auditif ; mais encore quelques-uns ont donné le nom de conque ou de coquille, à la première cavité de l’oreille interne, qu’on appelle autrement la caisse du tambour. Il y en a qui le donnent aussi au vestibule du labyrinthe, qui est la seconde cavité de l’oreille interne.

Il y a aussi en Anatomie les conques ou coquilles supérieures & inférieures du nez. La partie inférieure de chaque portion latérale de l’os ethmoïde ressemble en quelque sorte à une coquille longuette, comme est celle d’une moule. Je lui donne le nom de coquille ou conque supérieure des narines. Winslow. Les inférieures sont deux, & situées dans les fosses nasales, au dessous des ouvertures des sinus maxillaires, & immédiatement au dessus des orifices inférieurs des conduits lacrymaux du nez. Elles couvrent ces derniers orifices en manière d’auvent, à peu-près comme les conques ou coquilles supérieures, c’est-à-dire, presque dans le même sens que l’os ethmoïde couvre les ouvertures maxillaires ; on les appelle aussi lames spongieuses inférieures du nez. Le mot de cornet ne convient pas en d’autres langues. Id.

CONQUÉRANT, ANTE, qui fait de grandes conquêtes. Voyez ce mot. Populorum domitor. Alexandre, Tamerlan, Mahomet II, ont été de grands Conquerans. Il est difficile d’être équitable & Conquérant en même temps : la vaillance & la justice sont deux vertus qui marchent rarement ensemble. Voit. Je ne saurois souffrir un Conquérant tel qu’Enée, qui ne fournit que des larmes aux malheurs, & des craintes à tous les périls qui se présentent. S. Evr. L’Orateur est une espèce de Conquérant : l’esprit est la place que l’on attaque. P. Rap. Clovis étoit brave, & selon l’esprit des Conquérans, injuste & sanguinaire. Mez. Clovis ié jeta dans les excès où l’ambition & la bonne fortune précipitent les Conquérans. P. Dan. C’est à un Conquérant à réparer une partie des maux qu’il a faits.

En vain aux Conquérans,
L’erreur parmi les Rois donne les premiers rangs ;
Entre ces grands Héros ce sont les plus vulgaires. Boil.

On appelle figurément une belle personne, une Conquérante, parce qu’elle s’assujétit tous les cœurs. On le dit d’un Amant heureux. Je ne doute pas que cette femme n’ait rendu son mari le plus heureux des Conquérans par la difficulté de la conquête.

☞ On dit adjectivement un peuple Conquérant.

On dit figurément & familièrement d’un homme, d’une femme, qui ont plus d’agrément, qui sont plus parés qu’à l’ordinaire, qu’ils ont l’air Conquérant. Acad. Franc.

Conquérant, (Le Grand) terme de Fleuriste. C’est un œillet brun sur un blanc assez fin ; sa fleur est fort grosse, & comme elle est garnie de beaucoup de feuilles, elle s’élève à la façon d’un petit dôme : ses panaches ne sont pas fort gros, ni fort détachés, ayant des mouchetures sur les feuilles, mais qui ne ternissent point la beauté de la fleur ; sa plante est robuste, mais néanmoins susceptible du blanc. Quoique son bouton soit gros, il ne se fend point.

CONQUEREUR. s. m. Ce mot se trouve dans Coëffeteau pour Conquerant, mais il n’est plus en usage. Corn. Voyez Conquérant.

CONQUÉRIR, v. a. se rendre maître d’un pays, d’un Royaume à main armée. Acquérir le droit de Souveraineté sur un pays qu’on oblige à se soumettre à son Empire par la supériorité des armes. Terras armis quærere, sub imperium subjicere, in ditionem, in potestatem redigere. Fernand Cortès a conquis le puissant Royaume de Mexique avec une poignée d’Espagnols. Mahomet II conquit 200 Villes, 12 Royaumes & deux Empires ; savoir de Trébisonde & de Constantinople. Il n’est guère en usage qu’au prétérit indéfini, je conquis, & au prétérit défini, j’ai conquis. S’il peut être employé au subjonctif, il faut dire, qu’il conquière, & non pas qu’il conquere. Vaug. Corn.

Ce mot vient de conquiro, chercher ensemble, & de ce que dans les premiers siècles, des colonies, ou des troupes de gens sortoient de leur pays pour aller chercher ensemble des pays à habiter & s’y établir. On trouve dans la basse latinité conquæstus pour conquêts. Voyez le Monast. Anglic. sol. 710, & les Acta SS. Mart. T. II, p. 524, D.

CONQUIS, ISE. part. Subjectus sub imperium, in ditionem, in potestatem reductus.

CONQUERRE, vieux v. a. Conquérir.

CONQUÊT. s. m. terme de pratique. C’est un bien acquis pendant la communauté entre un mari & une femme, qui entre dans la communauté qui conséquemment se partage également, avenant la mort de l’un ou de l’autre, entre le survivant & les héritiers du prédécédé, au cas que la femme accepte la communauté. Bona parta. Cette terre n’est ni un propre ni un acquêt du mari, c’est un conquêt.

☞ Il faut excepter les biens qui leur adviennent par succession tant en ligne directe, qu’en ligne collatérale, & ceux qui leur adviennent par donation en ligne directe, qui sont propres à celui des conjoints auquel ils adviennent.

☞ On appelle aussi conquêts les biens acquis par plusieurs personnes qui, sans être mariées, sont en communauté tacite, dans les pays où ces sortes de communautés sont autorisées par la coutume.

Il y a dans le pays de Brai, du côté de Beauvais, vingt-quatre villages qu’on appelle les conquêts de Gournai, ou simplement les conquêts. Ils sont depuis plusieurs siècles du Domaine de Gournai, & ont été conquis ou par Hugues I, Seigneur de Gournai, en 1070, ou par Hugues II, en 1159. Descrip. Geogr. & Hist. de la Haute Norm. T. I, p. 18. & 19.

Conquet, (Le) petite Ville maritime de France en Basse-Bretagne, au pays de Cornouailles, avec un bon port, & une bonne rade, à cinq lieues de Brest. Elle est fort riche. Conquestus.

CONQUÊTE. s. f. acquisition de la souveraineté que fait un Prince étranger d’une certaine étendue de pays, d’une Province, d’un Royaume, par la supériorité de ces armes. On le dit de l’action de conquérir & du pays conquis, c’est à dire obligé de se soumettre à une domination étrangère. Bello quæsita, parta, Imperio addita, adjecta. Les conquêtes d’Alexandre s’étendirent bien loin, & avec une extrême rapidité. La conquête est un brigandage dès qu’on y attache le pouvoir destructif. Ben. L’usurpation d’une Province à force ouverte, est revêtue du beau nom de conquête. S. Evr. Il y a des crimes qui deviennent glorieux par leur éclat : de-là vient que prendre des Provinces injustement, s’appelle faire des conquêtes. Rochef. Le droit de conquête, dit M. de Montesquieu, est un droit nécessaire, légitime, & malheureux, qui laisse toujours à payer une dette immense, pour s’acquitter envers la nature humaine.

Conquête se dit figurément, sur tout en termes de galanterie, quelquefois en style de spiritualité. Conciliatio animorum. On dit qu’une belle femme fait bien des conquêtes ; pour dire, qu’elle a bien gagné des cœurs ; qu’un tel est sa conquête ; pour dire, qu’il est son amant. Le saint homme ne songeoit qu’à faire des conquêtes de charité, & à ramener les brebis égarées dans la bergerie. P. d’Ori. Ce n’est pas l’ajustement qu’on censure dans les femmes, c’est l’intention de plaire, & l’ambition de faire des conquêtes. S. Evr. Nos prudes & vertueuses aïeules ne connoissoient point l’art d’enchaîner les cœurs, & de faire des conquêtes galantes. M. Scud. Cet habile Prédicateur sait rassembler toutes ses forces pour faire la conquête du pécheur qui résiste. Une conquête amoureuse fait aujourd’hui toute l’ambition des Romains, amollis par les douceurs d’une vie délicieuse. S. François Xavier eut besoin d’un grand courage & d’une grace bien puissante, pour tenter une conquête aussi périlleuse que celle des Idolâtres du Japon. On dit proverbialement qu’un homme est en pays de conquête, qu’il vit comme en pays de conquête ; pour dire, qu’il y vit à discrétion, qu’il traite les habitans avec dureté.

Conquête, (La) terme de Fleuriste. C’est un œillet violet-brun admirable, sur un blanc de neige. Sa fleur est très-large, n’est point sujette à crever, & porte graine volontiers. Sa plante est robuste, mais les marcottes ont peine à prendre racine : sur la fin il coffine ses fleurs. Il peut souffrir 4 boutons. Quelques-uns ont cru que c’étoit le Primo ; il n’y a point de différence dans la fleur, mais seulement dans le fanage. Morin. Conquête Bacquelan, est un pourpre & blanc fort détaché & large, sujet au blanc ; ses marcottes sont délicates mais sa fleur est riche, portant des panaches de pièces emportées. Id. Conquête du Sautoir, est un violet pourpre & blanc, régulièrement panaché, large & rond, garni de feuilles, qui graine, & ne creve point. Sa fleur est assez jardine, sa plante assez vigoureuse. Il a pris naissance à Lille chez M. du Sautoir. Id. Conquête d’Estrées, est un violet & blanc qui porte une grosse fleur, qui pourtant ne se fend point. Sa plante est délicate. Id. Conquête de verdiere, violet foncé sur un fin blanc. Sa plante est délicate, sa fleur n’est point hâtive. Conquête constant, c’est ce qu’on appelle Médor. Conquête de Laube, est un violet-brun sur un grand blanc. Il est fort rond & garni de feuilles, sa fleur est large & bien tranchée ; mais sa plante, qui est délicate, ne produit point beaucoup de marcottes. Il porte le nom d’un Fleuriste de Lille chez qui il a pris naissance. Conquête des Prés, est un violet blanc, qui porte une grosse fleur avec de gros panaches. Conquête malin, est un cramoisi haut sur un blanc passable, assez large, sa plante robuste. Conquête rouge, est une même espèce d’œillet que le Bel Inconnu, & la Belle Ecossoise. La Conquête de Los est de couleur d’ardoise. Morin.

CONQUÊTER. v. a. Il signifie la même chose que conquérir, mais il est vieux. Ce mot vient de conquæstare qu’on a dit dans la basse latinité dans la même signification.

Conquête ée. part. Voyez Conquis.

CONQUISITEUR. s. m. Conquisitor, terme d’histoire ancienne. Nom que l’on donnoit à Rome à ceux qu’on envoyoit rassembler les soldats qui ne se rendoient point sous leurs enseignes.

CONROY, & CONROIT. s. m. Ce mot a plusieurs significations dans nos vieux Auteurs. 1o. Il veut dire troupe, suite, train. 2o. Soin. 3o. Projet, dessein. 4o. Ce qu’il y a de principal en quelque chose. Voyez encore Corrois.

CONROYER. Voyez Corroyer.

CONROYEUR. Voyez Corroyeur.

CONSACRANT. adj. subst. Le Prêtre qui dit la Messe & qui consacre l’Hostie. Sacerdos divinorum verborum vi Christi corpus efficiens.

Ce mot, selon Du Cange, vient de consecratus ; c’est-à-dire, qui participe aux mêmes Sacremens. Car on ne consacre que les choses qui ont un usage commun parmi les Ecclésiastiques.

Consacrant se dit aussi de celui qui sacre un Evêque. L’Evêque consacrant. Le Consacrant.

☞ CONSACRER, v. a. signifie particulièrement l’action du Prêtre lorsqu’il prononce les paroles sacramentelles, en vertu desquelles le corps & le sang de J. C. sont réellement sous les espèces du pain & du vin. Panem & vinum vi verborum divinorum in Christi corpus & sanguinem convertere. Consacrer une Hostie. Le Prêtre consacra autant d’Hosties, qu’il y avoit de Communians.

Consacrer signifie quelquefois simplement convertir l’usage d’une chose prophane en un usage pieux, en sorte qu’elle devienne sainte, sacrée ;☞ sanctifier une chose commune ou profane, par le moyen de certaines cérémonies, la dédier à Dieu. Sacrare, dedicare, consecrare. L’Evêque aujourd’hui consacre, bénit, dédie une belle Eglise ; il a consacré des Calices ; le Pape a consacré des Médailles, des Agnus-Dei, des Pains, des Pâtes ; c’est-à-dire, il a accordé des Indulgences à ceux qui les porteroient avec respect, avec dévotion. Se consacrer au servite des Autels. Consacrer à Jesus-Christ sa virginité, Voyez Consécration.

Consacrer se dit en particulier de toute la cérémonie qui se fait pour conférer la puissance épiscopale ; c’est-à-dire, l’imposition, l’onction du chrême, & la bénédiction que reçoit celui qui est nommé à l’Episcopat. Consecrare. L’Evêque se doit faire consacrer dans trois mois du jour de sa promotion, sous peine de destitution de fruits.

Consacrer une Religieuse. Voyez Consécration.

Consacrer, chez les medaillistes Voyez Consécration.

Consacrer signifie aussi dédier, dévouer, offrir à Dieu sans observer aucune cérémonie particulière. Un tel a quitté le monde, & a consacré le reste de ses jours à Dieu. Devovere.

Consacrer, dans ce sens, se dit aussi en choses simplement morales, Devovere, mancipare. Quand on se consacre à la gloire, il faut renoncer à tout, pour courir après elle.

☞ On dit de même consacrer à quelqu’un son temps, ses veilles, ses soins, lui dévouer tout cela. Consacrer sa jeunesse, sa vie à l’étude, au barreau, à la guerre. Se consacrer au barreau. Il signifie encore perpétuer, immortaliser. Ce Conquérant a élevé un trophée, un arc de triomphe, pour consacrer la mémoire de ses exploits à la postérité.

Consacrer se dit encore dans une signification particulière ; pour dire, relever le mérite d’une chose, y attacher une idée de grandeur, accorder des louanges à des choses qui n’en méritent point. De tout temps l’Esprit humain a eu un penchant naturel à consacrer ses opinions & ses passions, en les imputant aux divinités. S. Real. La fortune consacre les grands crimes, & ils deviennent des vertus, quand ils sont couronnés par le succès. Bizot.

Et je l’ai vûe aussi cette cour peu sincère
Des crimes de Néron approuver les horreurs,
Je l’ai vûe à genoux consacrer ses fureurs.

Consacrer signifie encore, sacrifier, destiner, déterminer quelque chose à un certain usage. Addicere, destinare. J’ai mis une telle somme d’argent à part, que j’ai consacré à augmenter ma Bibliothèque. Consacrez tout votre loisir à l’étude de la sagesse.

☞ On dit que l’Eglise a consacré un mot ; pour dire, qu’elle l’a tellement déterminé à une signification particulière, que hors de-là il n’a point d’usage. Nous avons plusieurs mots consacrés dans l’Eglise Romaine, tels que ceux de consubstantialité, transubstantiation, procession, &c.

☞ On dit aussi que l’usage a consacré une façon de parler ; pour dire, qu’elle est établie par l’usage, & qu’il n’y faut rien changer, quoi qu’elle soit contre les règles. C’est ainsi que nous disons, & devons dire, lettres Royaux.

CONSACRÉ, EE. part Consecratus. Il a toutes les significations de son verbe. Hostie consacrée. Vers consacrés à l’immortalité & à la Religion. Autel consacré. Personne consacrée à Dieu.

CONSACRÉ, ÉE. adj. Ce mot se dit aussi de certains termes, & de certaines phrases particulières qui ne sont bonnes qu’en de certains endroits, & en de certaines occasions. Consubstantiel, transubstantiation, sont des mots consacrés : le premier, pour signifier que le Fils de Dieu est une même substance avec le Père ; & le second pour signifier le changement qui se fait du pain & du vin au corps & au sang de Jesus-Christ par la consécration. Le P. Bouhours, dans la préface de sa traduction du Nouveau Testament, dit qu’il n’a jamais pris la liberté de donner sans nécessité un autre tour à ces Hébraïsmes qui étoient ordinaires aux Apôtres, lors même qu’ils parloient en grec ; comme sont dans l’Evangile, fils de perdition, enfans de lumière, abomination de désolation, portes de l’enfer : & dans les Epîtres vase d’élection, vase de colère, vase de misericorde, enfans de ténèbres, homme de péché, & semblables expressions qui viennent de la langue sainte, qui sont comme consacrées, & qui perdent souvent beaucoup de leur force, quand on les veut expliquer en d’autres termes ou par périphrases. Dépouiller le vieil homme, revêtir le nouvel homme, sont des phrases consacrées pour signifier les deux parties de la régénération, qui consiste à céder de mal faire, & à apprendre à bien faire.

Que tes Citations soient courtes & serrées,
Et n’en change jamais les phrases consacrées. Vill.

CONSANGUIN, INE. On appelle au Palais, freres consanguins, ceux qui sont nés de même pere, par opposition à freres utérins, qui sont seulement nés d’une même mère. Fratres consanguinei. Selon le sentiment commun, les freres germains & consanguins ne peuvent se plaindre du testament inofficieux, qu’en alléguant la turpitude de la personne, qui a été instituée ; mais Van Water, dans ses Observations sur le droit Romain, prétend que les consanguins pouvoient se plaindre de l’inofficiosité, même quand le testament n’étoit point en faveur d’une personne incapable. Dans l’Edit de Constantin qui réforme la loi 21, Cod. de inoff. testam. qui accordoit aux freres & aux sœurs sans distinction, la plainte d’inofficiosité ; le mot de frere germain est souvent mis pour celui de consanguin. Ce qu’il dit dans la suite, qu’il ne pourra intenter cette action que agnatione durante, en est une preuve bien sensible.

Comme on dit au Palais frere consanguin, on dit aussi sœur consanguine, par opposition à sœur utérine. Les sœurs consanguines sont celles qui ont le même pere, mais non pas la même mere. Ces termes ne sont que de Palais.

Ce mot vient de consanguineus, composé de cum & sanguis. Ainsi dans son origine, il signifie ceux qui sont du même sang, dans qui le même sang coule

CONSANGUINITÉ. s. f. Parenté du côté du père. Consanguinitas. Le mariage est défendu par l’Eglise jusqu’au quatrième degré de consanguinité inclusivement : mais par la loi de la nature, la consanguinité n’est point un obstacle au mariage, excepté en ligne directe. La consanguinité finit au sixième ou au septième degré ; excepté pour la succession à la Couronne : en ce cas, la consanguinité se perpétue à l’infini.

CONSAULX. s. m. Mot du vieux langage, qui a signifié Conseil & Consul, ou Echevin.

CONSCIENCE. s. f. Témoignage ou jugement secret de l’ame raisonnable, qui donne l’approbation aux actions qu’elle fait, qui sont naturellement bonnes, & qui lui fait un reproche, ou qui lui donne un repentir des mauvaises. Lumière intérieure, sentiment intérieur, par lequel l’homme se rend témoignage lui-même du bien & du mal qu’il fait. Conscientia. La conscience est ce que nous dicte la lumière naturelle, la droite raison. Quelquefois nous n’avons point d’autre guide pour régler notre conduite, que la conscience, & alors c’est à notre égard l’interprète des volontés de Dieu. La conscience est un Juge incorruptible, qui ne s’appaise jamais : c’est un miroir qui nous montre nos taches ; un bourreau qui nous déchire le cœur. La conscience a ses erreurs, elle a de faux scrupules, & de ridicules inquiétudes. Une bonne action devient mauvaise, si elle est faite contre le dictamen de la conscience. On est coupable, même en agissant selon les mouvemens de sa conscience, lorsqu’on a des règles plus sûres que l’on peut consulter. Celui à qui la conscience présente l’erreur à la place, & sous la forme de la vérité, est cependant obligé à obéir aux ordres, & à suivre les suggestions de sa conscience qui le trompe, s’il n’a point de règle plus sûre qui le puisse déterminer, C’est par cette raison qu’on appelle la conscience le for intérieur. Il y a des consciences timides & délicates, qu’il ne faut point alarmer. S. Evr. Ces troubles, ces remords de la conscience, & ces regrets qui dévorent l’ame, sont figurés par le vautour de la fable qui déchiroit sans cesse le cœur de Prométhée. Le Mait. Il n’y a point de tribunal plus sévère que celui d’une bonne conscience. S. Evr. Il ne faut pas confondre la conscience, cet instinct secret que Dieu donne à l’ame pour l’éclairer, & pour lui faire discerner le bien & le mal, avec les fantaisies & les caprises de notre volonté pervertie ; ni ériger en principes de conscience, les dogmes dont une passion aveugle & opiniâtre trouve à propos de s’entêter. Poiret. Ce n’est plus la joie & la sérénité que le sentiment d’une bonne conscience étale sur le visage ; les passions tristes & austères ont pris le dessus. La Bruy. La flaterie endort le pécheur dans une fausse paix, & dans la tranquillité d’une conscience trompée. Flech. La voix de la conscience, quelque droite qu’elle paroisse, ne doit jamais prévaloir contre les décisions de l’Eglise.

☞ Il est bien certain que la conscience est le meilleur Casuiste que l’on puisse consulter ; ce n’est que quand on marchande avec elle, qu’on a recours aux subtilités du raisonnement. Elle est la voix de l’ame, comme les passions sont la voix du corps ; ainsi il n’est pas étonnant que ces deux langages se contredisent si souvent. Mais pour fixer les idées dans une matière aussi importante, nous joindrons ici quelques observations avec quelques règles, tirées de Burlamaqui & de Pufendorf.

☞ La conscience n’est proprement que la raison elle-même, considérée comme instruite de la règle que nous devons suivre, ou de la loi naturelle ; & jugeant de la moralité de nos propres actions, & de l’obligation où nous sommes à cet égard, en les comparant avec cette règle, conformément aux idées que nous en avons.

☞ Souvent aussi l’on prend la conscience pour le jugement même que nous portons sur la moralité de nos actions : jugement qui est le résultat d’un raisonnement complet, ou la conséquence que nous tirons de deux prémisses, ou directement exprimées, ou tacitement conçues. On compare ensemble deux propositions, dont l’une renferme la loi, & l’autre l’action dont il s’agit, & l’on en déduit une troisième, qui est le jugement que nous faisons de la qualité de notre action. Tel étoit le raisonnement de Judas. Quiconque livre à la mort un innocent, commet un crime ; voilà la loi : Or, c’est ce que j’ai fait ; voilà l’action. J’ai donc commis un crime ; voilà la conséquence, ou le jugement que sa conscience portoit sur l’action commise.

☞ La conscience suppose donc la connoissance de la loi, & en particulier celle de la loi naturelle, qui étant la source primitive de la justice, est aussi la règle suprême de notre conduite ; & comme les loix ne peuvent nous servir de règle, qu’autant qu’elles sont connues, il s’ensuit que la conscience devient ainsi la règle immédiate de nos actions ; car il est bien évident qu’on ne peut se conformer à la loi qu’autant qu’elle est connue.

☞ Il faut donc éclairer sa conscience, la consulter, & en suivre ses conseils. Eclairer sa conscience, en s’instruisant exactement de la volonté du Législateur & de la disposition des loix, afin d’avoir de justes idées de ce qui est ordonné, défendu ou permis, sans quoi le jugement que nous ferions de nos actions seroit vicieux : connoître parfaitement l’action dont il s’agit, faire attention aux circonstances qui l’accompagnent, & aux conséquences qu’elle peut avoir ; sans quoi l’on pourroit se méprendre dans l’application des loix, dont les dispositions générales souffrent plusieurs modifications, suivant les différentes circonstances qui accompagnent nos actions ; ce qui influe nécessairement sur leur moralité & sur nos devoirs.

☞ Nous devons faire usage de ces connoissances pour diriger notre conduite. Il faut donc, quand il est question d’agir, consulter sa conscience, & en suivre les conseils. C’est là une obligation indispensable ; car la conscience étant, pour ainsi dire, le ministre & l’interprête des volontés du Législateur, les conseils qu’elle nous donne ont toute la force & l’autorité d’une loi, & doivent produire le même effet sur nous.

☞ On s’abuseroit donc grossièrement, si, sous prétexte que la conscience est la règle immédiate de nos aurions, l’on croyoit que chacun peut toujours faire légitimement tout ce qu’il s’imagine que la loi permet ou ordonne. Car la conscience n’a quelque part à la direction des actions humaines, qu’autant qu’elle est instruite de la loi, à qui seule il appartient proprement de diriger nos actions.

☞ Avant que de se déterminer à suivre les mouvemens de sa conscience, il faut examiner si l’on a les lumières & les secours nécessaires pour juger de la chose dont il s’agit ; sans quoi l’on ne peut rien entreprendre sans une témérité inexcusable & très-dangereuse.

☞ Supposé qu’en général on ait ces lumières & ces secours nécessaires, il faut voir ensuite si l’on en a fait actuellement usage, en sorte qu’on puisse, sans un nouvel examen, se porter à ce que la conscience suggère.

☞ Quand on a fait tout cela, on a fait tout ce que l’on pouvoit & ce que l’on devoit faire ; & il est moralement certain que l’on ne peut ni se tromper dans ses jugemens, ni s’égarer dans ses déterminations. Si, malgré toutes ces précautions, il arrivoit encore de se méprendre, ce seroit pour lors une faute de foiblesse, inséparable de l’humanité, & qui porteroit son excuse avec elle aux yeux du Souverain Législateur.

☞ Nous jugeons de nos actions avant que de les faire. C’est la conscience antécédente ; ou après les avoir fait, c’est la conscience subséquente. Un homme sage doit consulter sa conscience avant que d’agir, pour sçavoir si ce qu’il va faire est bien ou mal : & après avoir agi, pour se confirmer dans le bon parti, s’il l’a pris, ou pour redresser son tort, s’il s’est trompé dans son premier jugement, & se précautionner contre de pareilles fautes à l’avenir.

☞ La conscience subséquente est tranquille ou inquiète, suivant que le jugement que nous portons de notre conduite, après cette révision, nous absout ou nous condamne.

☞ La conscience est décisive ou douteuse, suivant le degré de persuasion où l’on est au sujet de la qualité de l’action. L’on doit se porter promptement, volontiers & avec plaisir à ce qu’une conscience décisive ordonne. Se déclarer contre les mouvemens d’une telle conscience, c’est le plus haut degré de dépravation & de malice. A l’égard de la conscience douteuse, lorsque l’esprit demeure comme en suspens par le conflit des raisons qu’il voit de part & d’autre, & qui lui paroissent d’un poids égal, il ne faut rien négliger pour se tirer d’incertitude, & s’abstenir d’agir, tant que l’on ne sçait pas si l’on fera bien ou mal. Sans cela, on témoigneroit un mépris indirect pour la loi, en s’exposant volontairement au hasard de la violer ; mais si l’on se trouve dans des circonstances où l’on soit nécessairement obligé de se déterminer & d’agir, il faut par une nouvelle attention, tâcher de démêler quel est le parti le plus probable, le plus sûr, & dont les conséquences soient les moins dangereuses.

☞ Dans la conscience scrupuleuse, qui est produite par des difficultés légères & frivoles, qui s’élèvent dans l’esprit, quoi que l’on ne voie d’ailleurs aucune bonne raison de douter ; de tels scrupules ne doivent pas nous empêcher d’agir, s’il le faut ; & l’on en sera bientôt délivré, si l’on examine la chose attentivement.

☞ Dans la conscience probable, où le jugement qu’on porte n’est fondé que sur des vraisemblances, sans qu’on en puisse démontrer la certitude par des principes incontestables, quoique l’on soit bien convaincu de sa vérité ; on doit faire tout son possible pour augmenter le degré de vraisemblance de ses opinions ; & il ne faut se contenter de la probabilité, que quand on ne peut pas faire mieux.

☞ La plus grande difficulté est pour la conscience erronée. La conscience décisive est droite ou erronée, suivant qu’elle décide bien ou mal. Celui qui croit devoir s’abstenir de la vengeance proprement dite, quoique la loi naturelle permette une légitime défense à une conscience droite. Celui qui pense que la loi qui veut qu’on soit fidèle à ses engagemens, n’oblige pas envers des hérétiques, & que l’on peut légitimement s’en dispenser à leur égard, a une conscience erronée. On demande ce qu’il faut faire dans une conscience erronée.

☞ Il faut toujours suivre les mouvemens de sa conscience, lors même qu’elle est erronée, & soit que l’erreur soit vincible ou invincible.

☞ Cette règle peut d’abord paroître étrangère, dit Burlamaqui, puisqu’elle semble prescrire le mal ; car on ne sçauroit douter que celui qui agit suivant une conscience erronée, ne prenne un mauvais parti ; mais ce parti est encore moins mauvais, que si l’on se déterminoit à faire une chose que l’on est fermement persuadé être contraire à la disposition des loix ; car cela marqueroit un mépris direct du Législateur & de ses ordres, au lieu que le premier parti, quoique mauvais en foi, est cependant l’effet de la disposition louable d’obéir au Législateur, & de se conformer à sa volonté.

☞ Mais celui qui suit les mouvemens d’une conscience erronée n’est excusable que lorsque l’erreur est invincible ; car si l’erreur est vincible, & que l’on se trompe sur ce qui est ordonné ou défendu, l’on pèche également, soit qu’on agisse suivant sa conscience, ou contre ses discours, ce qui fait voir combien on est intéressé à éclairer sa conscience, puisque dans le cas dont nous parlons, on est dans la triste nécessité de faire mal, quelque parti que l’on prenne.

☞ Si l’on ne se méprend qu’au sujet d’une chose indifférente, & que l’on se soit faussement persuadé qu’elle est ordonnée ou défendue, on ne pèche alors que quand on agit contre les lumières de sa conscience.

En Métaphysique, on entend par la conscience ce que d’autres appellent sens intime, c’est-à-dire le sentiment intérieur qu’on a d’une chose donc on ne peut former d’idée claire & distincte. Dans ce sens, on dit que nous ne connoissons notre ame, & que nous ne sommes assurés de l’existence de nos pensées, que par la conscience ; c’est-à-dire par le sentiment intérieur que nous en avons, & par ce que nous sentons ce qui se passe en nous-mêmes.

Un directeur de conscience est celui qui conduit les ames dans les voies de la vie spirituelle, qui lève les doutes & les scrupules d’une conscience timorée ou trop délicate. On appelle une conscience cautérisée, une conscience endurcie &