Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/231-240

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Fascicules du tome 3
pages 221 à 230

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 231 à 240

pages 241 à 250


entailles ou crénelures qui ressemblent à un rang de dents. Autrefois l’usage étoit de ne mettre des denticules qu’à la corniche de l’ordre Ionique : on ne laisse pas d’en voir aux restes du théâtre de Marcellus ; ce qui fait croire que Vitruve n’a pas eu la conduite de cet édifice. Vitruve donne à chaque denticule pour sa largeur, la moitié de la hauteur, & à la cavité de la coupure qui est entre les denticules, deux parties des trois qui font la largeur du denticule. Le même Auteur remarque au ch. 2. du liv. 4. que les Grecs n’ont jamais de denticules au-dessous des modillons, parce que les modillons représentent les forces, & les denticules représentent les bouts des chevrons qui ne peuvent pas être au-dessous des forces. Les Romains n’ont pas suivi cette règle, excepté au Panthéon, où il n’y a point de denticules au-dessous des modillons, ni au portique, ni au-dedans du bâtiment.

On appelle denticules en guillochis, des denticules faits d’une petite platebande continue, & qui retournent d’équerre par en haut & par en bas.

Denticule, s. m. Terme d’Architecture. C’est le même carré sur lequel on taille les denticules.

☞ DENTICULÉ. adj. On appelle, en termes de Blason, un Ecu denticulé, lorsque sa bordure a des dents faites des denticules d’Architecture.

DENTIER. s. m. Un rang de dents. Dentium ordo. Cette femme a un beau dentier. Ce mot est vieux.

DENTIFRICE. s. m. Terme de Médecine, qui se dit des remèdes avec lesquels on se frotte les dents. Dentifricium. Il y en a de secs, dont quelques-uns sont en forme de poudre, composés avec les coraux, la pierre-ponce, le sel, l’alun, les coquilles d’œufs, d’escargots & d’écrevisses, la corne de cerf, l’os de seche, &c. On en fait aussi en forme d’opiate avec ces mêmes poudres, en y ajoutant du miel. Il s’en prépare encore avec des racines cuites avec l’alun, & séchées au four. D’autres sont en forme de liqueur, qu’on tire par distillation d’herbes desséchantes, & de médicamens astringens. Les Hollandois disent que le meilleur opiate, ou dentifrice, qui conserve les dents belles, est de les frotter avec du beurre. Les Espagnols les frottent avec de l’urine.

DENTISTE. s. m. Chirurgien qui s’occupe de ce qui concerne les dents, qui sait ou guérir, ou prévenir les maladies des dents. Tant de gens s’ingèrent de travailler aux dents, quoiqu’ils soient d’une autre profession, que je crois qu’il y aura bientôt plus de Dentistes, que de personnes affligées de maux de dents. Ce mot se joint ordinairement à celui de Chirurgien. Chirurgien-Dentiste. C’est celui qui se borne au soin des dents, qui les nettoie, qui les tient en bon état, qui prévient ou guérit les maladies des dents, qui les arrache. Dentium curator, dentium Chirurgus. Il n’y a nulle part de Chirurgiens-Dentistes si habiles qu’à Paris.

☞ DENTITION. s. f. Sortie naturelle des dents, qui se fait en différens temps, depuis l’enfance jusqu’à l’adolescence. Dentitio. Il se fait deux dentitions dans l’homme ; la première comprend le temps destiné à la production des dents de lait : la seconde embrasse les années où l’on voit naître toute la suite des dents secondaires. Du Chemin.

DENTS. Terme de Conchyliologie. Ce sont de petites éminences, ou pointes qui garnissent la bouche d’une coquille.

DENTURE. s. f. L’ordre dans lequel les dents sont rangées. Dentium ordo. Une belle, une vilaine denture.

En termes d’Horlogerie, on appelle denture, le nombre de dents qu’on donne à chaque roue. C’est le nombre des dents de la grande roue qui règle la denture des autres.

DÉNUDATION. s. f. Denudatio. Terme de Philosophie Hermétique. La dénudation Philosophique est un changement qui arrive à la matière de la pierre philosophale, lorsqu’elle devient noire : ce changement s’appelle dénudation.

Dénudation, Se dit aussi en Chirurgie, du dépouillement des os qui paroissent à découvert dans les fractures, ou dans quelque autre accident. La dénudation est assez ordinaire dans les fractures & dans les amputations, lorsque l’opération est malfaite, c’est-à-dire lorsque l’os n’a pas été scié exactement au niveau de la masse des chairs. Nudatio, denudatio. État de l’os qui paroît à découvert.

DÉNUEMENT. s. m. Privation, dépouillement. Rerum omnium spoliato. Il ne vaut rien ni au propre, ni au figuré. Il est vrai pourtant que les dévots s’en servent, & qu’ils disent, le dénuement de toutes choses : Etre dans un parfait dénuement des créatures & de soi-même. Mais les dévots ont une langue particulière, fort différente du commun langage, & ils ne doivent pas servir de modèle pour l’expression. Bouh.

☞ DÉNUER. v. a. Dépouiller, dégarnir des choses nécessaires, ou regardées comme telles. Spoliare, nudare, exspoliare, dispoliare. La fortune l’a dénué de tout. Ce gouverneur a dénué sa place de vivres, de munitions. Ce père s’est dénué de tout pour l’établissement de ses enfans. Il est plus souvent employé avec le pronom personnel.

Dénué, ée. part. Ordinairement employé comme adj. dans la signification de dépourvu. Un homme dénué de biens, de secours, d’assistance. Dénué d’esprit, de bon sens, de conseil. Dénué d’agrémens.

DENYZELI. s. m. Ville de l’Anatolie, où il y a des ruines antiques qui étonnent par leur beauté. On les appelle Aroudon.

DEO.

DÉOGRATIAS. s. m. Nom d’homme. Deogratias. S. Augustin composa le Traité du Catéchisme à la prière de Déogratias, Diacre de Carthage. Fleur. Un autre Deogratias fut ordonné Evêque de Carthage en 454. ou 453. C’est au premier livre de l’Histoire de Victor de Vite, C. VIIIe qu’est contenu tout ce qu’on sait de S. Déogratias, successeur de S. Quodvultdeus. L’auteur du petit livre François intitulé l’Aumône Chrétienne, le nomme incongruement Grâce à Dieu. Chastelain, Mart. T. I, p. 86. Peut-être Déogratias n’étoit-il pas le nom même de ces Saints, mais une interprétation Latine de leur nom Punique, ou Carthaginois, qui étoit tel que sont en Hébreu יהוהנן, Jehohanan ; ou, אלחנן, Elhhanan, qui signifie à-peu-près la même chose.

Quand un enfant se rend, & qu’il ne veut plus manger à table, on lui dit proverbialement Deogratias, les Moines sont sous, par allusion à ce qui se fait chez les Moines, où, quand le dîner est fini, le lecteur, au signe que lui fait le Supérieur, chante Tu autem Domine miserere nobis, & tous les Moines, en se levant de table, répondent Deo gratias.

DEOLS. Ville de France dans le Berry. Doli. Dolensis vicus, & Castrum Dolense. On l’appelle aussi Bourg de Deols, & quelques-uns Bourgdieux. Valois. Le Pays de Deols est abondant en vins & en laines ; sa jurisdiction s’étend à plus de 20 lieues. Il a plus de douze cens fiefs & arrière-fiefs qui en dépendent : Ce qui fit que Charles IX. l’érigea en Comté en faveur du Baron d’Aumont. Du Chêne, Antiq. des Villes de Fr. P. I. C. 116.

DÉONAIRE. s. m. & f. Nom de Secte. Deonarius. Les Déonaires étoient une Secte de Manichéens, ou de Pauliciens, dont parle l’Auteur du livre intitulé Historia Vezeliacensis, dans son L. IV. p. 644. Quelques uns disent que les Déonaires étoient peut-être ce que nous appelons maintenant Déistes.

DEP.

DÉPAÏSER. Voyez DÉPAYSER.

DÉPAQUETER, v. a. Défaire un paquet, l’ouvrir. Fascem solvere. Il a fait dépaqueter à ce Marchand toute sa boutique, & il n’a rien acheté. Il a dépaqueté ce paquet de lettres pour les rendre à leur adresse.

Dépaqueté, ée. part.

DE PAR. Préposition qui régit l’accusatif, & qui signifie, de la part, par l’ordre, par le commandement. On a défendu de par le Roi les passemens d’or & d’argent. Ab Rege, de mandato Regis. Voyez à la préposition De.

DÉPARAGER. v. a. Terme de Coutume. Déparager une fille, c’est, la marier à une personne d’une condition inégale. Puellam impar in matrimonium collocare.

☞ En Normandie le frère ne doit pas déparager sa sœur. Ainsi, quand un frère, pour avoir meilleur marché du mariage avenant de sa sœur noble, la marie à un roturier, elle est déparagée. Dans ce cas elle est en droit de prendre des Lettres de rescision, pour faire augmenter le mariage avenant, & les parens doivent être assemblés à l’effet de le régler & liquider. Ferriere. Déparager un fief. Oter le parage, le faire cesser. Voy. Parage.

☞ DÉPAREILLER, v. a. Oter le pareil. On le dit ordinairement des choses qui doivent être doubles. Dépareiller des gants, des bas, des tableaux ; & quelquefois ôter l’une de plusieurs choses pareilles. Dépareiller des lions. On le dit de toutes les choses qui ont moins de débit quand elles sont dépareillées. Disparare, impar facere. Imperfectum reddere. Ne m’ôtez point ce livre-là, vous dépareilleriez l’ouvrage. On m’a volé bien des livres, & dépareillé une partie de ma bibliothèque. C’est la même chose que déparier, avec cette différence que déparier se dit particuliérement des animaux qui sont appariés.

Du Cange dérive ce mot de dispariliare, qu’on a dit en la basse Latinité dans la même signification.

Dépareillé, ée. part. Cet ouvrage est dépareillé, on en a perdu un tome, j’aimerois autant qu’on m’eût pris tous les autres.

DÉPARER. v. a. Oter l’agrément, l’ornement ordinaire que quelque chose a, ou doit avoir. Deformare. Cette femme a de grands traits de beauté, mais elle a un nez mal fait qui la dépare. Une aile qui manque à ce beau bâtiment le dépare tout-à-fait. Ce mot n’a guère d’usage que quand il s’agit d’Eglise : Voyez l’article qui suit. Quand il s’agit de toute autre chose, on se sert plus ordinairement de défigurer.

Déparer, signifie aussi, ôter les paremens extraordinaires d’un autel, en changer. Ornatum tollere. Sitôt que le service fut achevé, on dépara l’autel. Il faut déparer l’Eglise pour la tendre de deuil.

Déparé, ée. part.

DÉPARIER, v. a. De deux choses qui sont pareilles ou appariées ensemble, en ôter, en séparer une. Disparare. La blanchisseuse a déparié mes manchettes : mais il se dit particulièrement des animaux qui se joignent ensemble. Il faut bien prendre garde de déparier ces pigeons. Par impari jungere. J’avois deux paires de tourterelles ; mais elles sont dépariées. Il se dit aussi, en manège, des chevaux de carosse de différent poil, ou de différente taille, qu’on ne trouve pas à propos d’atteler ensemble, parce que cela feroit un méchant effet. Il faut que j’achette d’autres chevaux, les miens sont tous dépariés.

Déparié, ée. part. pass. & adj. Disparatus.

DÉPARLER. v. n. Cesser de parler. Tacere. On ne l’emploie qu’avec la négative, dans le style familier, en se plaignant de ceux qui veulent toujours parler, & de qui l’on dit qu’ils ne déparlent point. Non cessare a loquendo. Il ne déparle point de tout le jour. Cet homme est le plus grand parleur qu’on ait jamais vu, quand il est dans une compagnie, il ne déparle point.

DÉPART. s. m. Sortie d’un lieu à dessein de faire un voyage. Discessus, profectus. Cet Officier prépare son équipage, il est sur son départ. Une heure avant son départ il délibéroit encore de sa route. On n’attend que le vent pour le départ des vaisseaux. On disoit autrefois départie.

Départ & Départie, se disoient autrefois pour séparation, & départ se dit encore dans ce sens à la monnoie. Ce mot vient du latin, pars partie, & partiri, partager. Ainsi départ pris pour sortie d’un lieu ; signifie proprement l’action de se séparer des personnes avec qui l’on est. Voy. Départie.

Départ, en termes de Monnoie & de Chimie. C’est une opération, ou plutôt une suite d’opérations par lesquelles on sépare l’or d’avec l’argent. Le départ par la voie sèche, se fait à l’aide du feu & du soufre. Le départ par la voie humide, est quand cette séparation se fait par le moyen de l’eau forte. C’est celui qui doit être le plus en usage, tant parce qu’il y a moins de déchet, que parce qu’on peut affiner l’or jusqu’au dernier degré. Boizard, Tr. des Monn. P. I. C. 22. où il décrit toutes les circonstances de ce départ, p. 205. & suiv. Auri purgatio.

Or de départ, qu’on appelle autrement or en chaux, ou or moulu. C’est l’or retiré du creuset après la dernière opération du départ, ou de l’affinage avec l’eau forte. L’or de départ se fond dans un creuset, & l’on en fait des lingots dont l’or, se trouve très-fin ; ou bien on emploie cet or à dorer des ouvrages qu’on appelle vermeil doré : pour cela on l’amalgame avec du mercure, & on l’emploie ensuite à ces sortes d’ouvrages.

Eau de départ, autrement Eau Régale, est une eau forte, à laquelle on a ajoûte du sel commun, ou du sel ammoniac, outre les autres sels dont l’eau forte ordinaire est composée afin qu’elle ait la force de dissoudre l’or, & de le séparer des autres métaux. Aurariæ & diremtionis administra aqua.

DÉPARTAGER. v. a. Oter le partage. Æquationem sententiarum tollere. Il se dit au Palais des procès où les Juges ont été partagés, & se sont trouvés en nombre égal d’avis différens ; on les envoie en une autre chambre pour les départager. Voyez Compartiteur.

☞ En matière Civile une seule voix suffit pour départager. En matière criminelle il en faut deux : & dans le cas de partage le jugement passe à l’avis le plus doux.

☞ DÉPARTEMENT. s. m. Terme qui se dit en diverses occasions & de diverses choses. Il signifie en général partage, distribution qui se fait de certains objets entre plusieurs personnes. Distributio, partitio.

☞ Ce mot est employé en parlant des différentes affaires d’état, distribuées par le Roi entre les quatre Sécretaires d’Etat, & des différentes provinces dont la connoissance leur est attribuée. Département de la Guerre, département de la Marine, &c. Un tel Secrétaire d’Etat a dans son département la Marine, la Normandie, la Maison du Roi, &c.

☞ On dit, dans le même sens, département des Finances en parlant de la distribution qui est faite par le Roi au Contrôleur Général & aux Intendans des Finances, des affaires de Finances qui se traitent au Conseil, & des Provinces relativement aux mêmes objets.

Départemens des Intendans des Provinces, départemens des Intendans de Marine, distribution qui est faite par le Roi de ces Officiers dans les différentes Provinces & Généralités, ou dans les différens ports de France & Provinces Maritimes du Royaume. Voy. Intendant.

☞ Les départemens de la Marine en France sont sur l’Océan, Brest, le Havre, Rochefort. Dunkerque, étoit autrefois le premier. Sur la Méditerranée, Marseille & Toulon.

Départemens des Fermiers Généraux, sont la distribution qui se fait entr’eux tous les ans des objets de travail pour le service des Fermes. Département des Gabelles, du tabac, &c.

Département, est aussi la distribution, la répartition qu’on fait des tailles, & autres impositions sur les Elections & les Paroisses. Vectigalium descriptio. Ce sont les Intendans de Justice à qui l’on adresse les commissions des tailles & autres levées de deniers, pour en faire le département sur les Elections, Villes & Paroisses. On leur mande d’en faire le département le plus juste qu’il leur sera possible.

Département, se dit aussi de l’assignation de logement des Troupes, des quartiers qu’on leur distribue. Distributio, stativa, & selon les saisons, hiberna, hibernacula, ou æstiva. Ils tirèrent au sort les villages les plus proches, & chacun alla à son département. Ab. Ce Régiment a obtenu cette année un bon département pour passer son quartier d’hiver.

Département, en termes d’Architecture, est l’ordonnance & description des membres, chambres & parties, dont est composé un bâtiment, en un plus grand, ou un plus petit nombre de pièces, selon leurs grandeurs, suivant la différence des personnes, & c’est la première partie du devis, selon Savot. Ordo, dispositio. Cette signification étoit en usage autrefois, aujourd’hui département signifie certaines parties d’une maison destinées à un usage particulier. Département des cuisines, des écuries, des domestiques de la bouche, &c. ce sont les pièces destinées à l’usage des domestiques, à servir pour la bouche, à préparer à manger, &c.

Département. Vieux mot. Départ. Discessus, profectio.

DÉPARTIE. s. f. Vieux mot. Départ, séparation. Separatio, discessio. La débonnaire Reine (Blanche) répondit en plorant : Beau, très-doux fils, que sera-ce ? comment pourra mon cœur souffrir la départie de vous & de moi ? Anonyme, vie de S. Louis.

Cruelle départie,
Malheureux jour !
Que ne suis-je sans vie
Ou sans amour !

DÉPARTIR, v. a. Distribuer ; partager quelque chose entre plusieurs. Partiri, dispertiri, dividere, distribuere. Les Romains se faisoient élire Empereurs en départant de grosses sommes de deniers aux soldats. Les faveurs du Ciel, les dons de la nature, ne se départent pas également sur tous les hommes.

Entre les animaux, leur Auteur, de raison
A qui plus, à qui moins, départit une dose.

Nouv. ch. de vers.

☞ On le dit, dans le même sens, en parlant des tailles ; c’est alors diviser une chose entre plusieurs personnes, & donner à chacun sa part convenable. Il y a six mille francs de taille à départir sur cette Paroisse, il faut en donner à chacun ce qu’il en peut porter.

On dit, à la Chasse, départir les quêtes, lorsqu’on assigne à chaque Veneur qui va au bois le canton de la quête.

Départir, se dit, en termes de Palais, de tous les procès que l’on partage entre les Juges, & dont on distribue les pièces, afin de les examiner. Ce procès sera bien-tôt jugé, on l’a départi.

Départir, avec le pronom personnel, signifie se déporter, quitter, céder, abandonner une prétention, une demande, une opinion. Ab aliquâ re discedere, rei alicui renunciare. Les Grands ont de la peine à se départir des prétentions qui sont dans leurs Maisons, quelque vaines qu’elles soient. La partie adverse s’est départie d’une requête qu’elle avoit présentée, s’en est désistée. Ce Docteur a tenu long-temps cette opinion, mais enfin il s’en est départi. Se départir de son droit. Le Mait. Il est à croire qu’il ne s’est pas départi de ses sûretés sans raison. Pat. Ce n’est pas une règle dont on ne puisse se départir. Id. Sédécias Roi d’Israël donna sa parole au Prince des Assyriens, de ne se départir jamais de son alliance. Maucroix.

☞ On dit aussi se départir de son devoir, manquer à ce qu’on doit. Officio deesse. Se départir du respect, de l’obéisséance qu’on doit à quelqu’un, s’en écarter, s’en éloigner. Dans ce cas il s’emploie ordinairement avec la négative. On ne doit jamais se départir de l’obéissance qu’on doit à son Souverain, du respect qu’on doit à ses supérieurs. Desciscere, deficere ab.

Départir, signifie en Chimie, & en termes de Monnoie, séparer. Dirimere, separare. L’or ne se peut départir d’avec l’argent qu’avec l’eau régale, ou l’eau de départ. Un pot à départir, ou matras, est un vaisseau de terre où l’on met l’eau forte & la grenaille d’or que l’on veut départir, ou dissoudre. Voyez dans Boizard, Tr. des Monn. P. I. C. 22. la manière de départir l’or.

Départir, v. n. Vieux mot. Partir, s’en aller. Abire, discedere, proficisci.

Départi, ie. part pass. & adj. Divisus, distributus.

On appelle maintenant au Conseil, Commissaires départis dans les Provinces pour l’exécution des ordres du Roi, ceux qu’on nommoit ci-devant Intendans de Justice, Police & finances dans chaque Généralité.

Départir. s. m. Départ. Discessus, profectio. Avant son départir. Marot.

DÉPASSER. v. a. Retirer une chose d’un endroit où elle étoit passée. On ne le dit guère queues rubans, des lacets ou choses semblables qu’on a fait passer dans des boutonnières, des œillets, &c. Educere. Il faut dépasser la corde de ce nœud coulant. Il faut dépasser ce lacet, ce ruban.

Dépasser un vaisseau, en termes de Marine, c’est, aller plus vite qu’un autre vaisseau, & le laisser derrière. Vincere, antecedere. Dépasser la tourne-vire, c’est la changer de côté. Dépasser est aussi, aller au-delà d’un certain lieu, soit qu’on ait intention d’y aller, soit qu’on ne l’ait pas. Nous dépassâmes de dix lieues Goa, où nous voulions donner fond. Guill. Nos Pilotes ont été bien étonnés de voir terre. Ils croyoient avoir dépassé l’Isle de Cocos. Choisi, Journal de Siam. Nos Pilotes nous assurent que nous n’irons point autrement jusqu’à ce que nous ayons dépassé le soleil. Ibid.

On dit au jeu de Billard, faire dépasser une bille, pour dire, faire repasser la bille qui avoit déjà passé.

Dépasser. Terme de Manufacture en soie. C’est ou dégager les fils des lisses, ou défaire les lacs qui servoient à former le dessein sur l’étoffe. Encyc.

Dépassé, ée. part. p.

DÉPAVER. v. a. Oter le pavé qui est en œuvre. Pavimentum refodere. On a dépavé les rues. On a fait dépaver cette cour. Les ravines, les torrens dépavent les chemins.

Dépavé, ée. part. Un chemin dépavé, une cour dépavée.

DÉPAYSER. Prononcez DÉPÉÏSER. v. a. Faire sortir quelqu’un de son pays natal pour le faire passer dans un autre. Aliquem e patrio solo evocare regionem in aliam. Les parens de ce jeune homme l’ont envoyé en Italie pour le dépayser.

Dépayser, signifie aussi, corriger quelqu’un des défauts, de l’accent, des mœurs du pays. Dedocere. On n’est pas un an à la Cour qu’on y est bien dépaysé, qu’on y a pris une autre manière de vivre, & de parler. A le bien prendre, un honnête-homme n’a point de métier, l’étendue de son esprit le dépayse par-tout. Ch. de Mer. Du Cange dérive ce mot de dispatriare, qu’on a dit en la basse Latinité dans la même signification.

Dépayser, signifie aussi, faire changer de pays à un homme qui y est habitué, pour lui faire perdre ses connoissances, pour le mettre dans un lieu où il n’ait pas les mêmes avantages. Aliquem de patriâ extrahere, & in aliam regionem mittere. Un Supérieur dépayse un Religieux qui a quelque mauvaise habitude, & le transfère dans un autre Couvent. Il est arrivé un affront à cette famille, qui l’a obligée à se dépayser, à s’aller habituer en un autre pays.

Dépayser, se dit aussi au Palais, en parlant des évocations qu’on fait pour tirer une affaire d’une jurisdiction en une autre plus éloignée. Evocare domo. Mes parties avoient trop de crédit en ce Parlement, je les ai fait évoquer ailleurs pour les dépayser. On le dit aussi, en fait de dispute, pour dire mettre quelqu’un sur un sujet sur lequel il ne soit pas si préparé. On pressoit fort ce Docteur sur un point de Jurisprudence, il a fait naître une question de Théologie qui a dépaysé son adversaire.

Dépayser, se dit encore, dans le style familier, pour dire, donner à quelqu’un de fausses idées, pour empêcher qu’il ne soit au fait de quelque chose.

Dépaysé, ée. part. Il a les significations de son verbe, en Latin & en François.

DÉPÈCEMENT. s. m. Action par laquelle on met en pièces. Les Bouchers font le dépècement d’un bœuf, le mettent en pièces pour le vendre.

DÉPECER, v. a. Mettre en pièces, ou en morceaux. In frusta dividere, discerpere, frustatim concidere. On dépèce un chapon, une volaille, pour en servir, pour en faire une capilotade. Un Gentilhomme bas-Normand ayant mis une perdrix sur son assiette, pour la dépecer, & la servir à ses voisins, M. de Montausier lui dit, Eh, Monsieur, qui voudra manger de ce gibier, après avoir traîné sur votre assiette ? Ce sera moi, Monseigneur, repartit le Gentilhomme, qui avoit l’esprit présent, & personne n’en sera dégoûté que moi seul. De Vign. Marv. On dépèce des habits, du linge, des étoffes, quand on les découd, quand on les coupe pour en séparer les pièces, & les faire servir à d’autres usages. On dépèce un vaisseau quand il est vieux, c’est à-dire, on le rompt, on le met en pièces.

Le Lion par ses ongles compta,
Et dit, nous sommes quatre à partager la proie,
Puis en autant de parts le cerf il dépeça. La Font.

Du Gange dérive ce mot de depitare, qu’on a dit dans la basse Latinité pour signifier la même chose.

Dépecé, ée. part. pass. & adj. Divisus infrusta, frustatim concisus.

DÉPECEUR. s. m. Marchand qui achète les bateaux qui ne peuvent plus servir, les dépèce, les désassemble, & vend les planches & autres bois qu’il en tire. Lignorum ex lintribus solutis mercator. Les dépéceurs achètent à bon marché les bateaux qui ont passé le canal, & en vendent les bois bien cher. Ce dépéceur s’est enrichi à ce métier-là.

DÉPÊCHE. s. f. Lettre qu’on envoie en diligence par un courrier exprès pour quelque affaire d’Etat, ou quelque autre chose importante : lettre concernant les affaires publiques. Epistola, litteræ. Le Roi a ordonné à son Ambassadeur par sa dépêche. Nos habiles gens d’affaires sont formés à un certain style de dépêches peu convenable à l’Histoire. S. Evr. Ce mot se dit aussi pour le paquet même qui contient ces sortes de lettres ; mais alors il n’a point de singulier. Le courrier a rendu ses dépêches.

DÉPÊCHES, dans le Commerce. Ce mot s’entend parmi les Marchands & les Banquiers, des lettres qu’ils écrivent chaque ordinaire à leurs Correspondans.

Conseil des dépêches. C’est un Conseil qui se tient dans la chambre du Roi, en présence de M. le Dauphin, M. le Duc d’Orléans, M. le Chancelier, & les quatre Secrétaires d’Etat y assistent. On y traite des affaires des Provinces ; chaque Secrétaire d’Etat tient mémoire des résolutions qui s’y prennent, & en envoie les expéditions dans son département. Consilium de mittendis maturè litteris. Depuis la mort du Roi Louis le Grand, les affaires qui alloient au Conseil des dépêches, sont portées au Conseil des affaires du dedans du Royaume.

On dit proverbialement de la mort d’un homme qui ne servoit qu’à incommoder les autres, voilà une belle dépêche ! ou, belle dépêche ! Quand le Duc de Bourbon fut tué devant Rome, Charles-Quint ne le regretta guère, & dit que c’étoit une belle dépêche pour lui. De Vign. Marv. On dit familièrement, se battre à dépêche compagnon, pour dire, se battre rudement & sans vouloir pardonner à son ennemi. On dit aussi travailler à dépêche compagnon, pour dire, travailler vîte & diligemment.

DÉPÊCHER, se dit aussi des courriers qu’on envoie exprès & en diligence pour porter quelques ordres. Mittere. On a dépêché un courrier à l’Ambassadeur. On lui dépêcha des Officiers pour lui apprendre la résolution des troupes. Ab. On dit encore, dépêcher un criminel, lui faire en diligence son procès, & sans le faire languir. Nocentem statim plectere. Il se dit aussi de l’Exécuteur de la Justice. Le Bourreau a dépêché bien vîte ce criminel, il ne l’a point fait languir. On le dit encore d’un homme qui, en se battant, a bien-tôt tué son ennemi, s’en est bien-tôt défait. Il le dépêcha bien vîte. En parlant d’un Médecin, entre les mains de qui l’on a vu mourir beaucoup de malades, on dit, qu’il en a beaucoup dépêchés. Approperare alicui mortem. Tout cela est familier.

Dépêcher, v. a. Faire quelque chose à la hâte, expédier promptement. Dépêcher un ouvrage. Properare aliquid. Expression familière. Dépêchez ce que vous avez à faire, & absolument, Dépêchez. Maturato opus est.

Dépêché, ée. part.

DÉPÉDANTISER. v. a. Ce mot se dit en riant pour, tirer de la pédanterie. Rusticitatem dedocere.

Se Dépédantiser, devenir plus poli, cesser d’être pédant, renoncer à la pédanterie. Les Savans, depuis un certain temps, se sont fort dépédantisés, & la politesse du siècle s’est répandue jusque dans l’érudition la plus critique. Mem. de Trév. Juillet 1724. p. 1339.

DÉPEINDRE, v. a. Je dépeins, nous dépeignons, je dépeignis, j’ai dépeint, que je dépeigne, je dépeindrois que je dépeignisse. Représenter avec le pinceau & des couleurs quelque histoire, quelque action, quelque paysage, tempête ou autre chose. Pingere, alicujus rei vel hominis formam effingere, exprimere. Michel-Ange a dépeint le Jugement dernier dans un beau tableau qui est à Rome. Dans cette acception il n’est pas d’usage.

Dépeindre, se dit plus ordinairement de ce qui nous est représenté par le discours, soit de vive voix, soit par écrit. Scripto vel oratione depingere. Le grand secret d’un Poëte Comique est de dépeindre les hommes & les actions, de les représenter au vif & au naturel. Je reconnois cet homme de la façon que vous me le dépeignez. Dépeindre l’ardeur du soldat qui monte à l’assaut. Ab. Les Poëtes Tragiques anciens ont beaucoup mieux réussi à exprimer les qualités des Héros, qu’à dépeindre la magnificence des grands Rois. S. Evr. Il ne falloit pas me dépeindre si bien, & il valoit mieux me faire moins ressemblant, & me faire un peu plus aimable. Voit. Les Auteurs se dépeignent dans leurs ouvrages, on y reconnoît leurs mœurs & leurs caractères. L’Auteur de l’Esprit de M. Arnaud s’est parfaitement bien dépeint dans cet Ouvrage. S. Evr. N’auriez-vous pas sujet de me croire aussi lâche que vous me dépeignez, si vous deviez ma justification à vos menaces ? Lett. Portugaises.

Car c’est peu qu’avec art la main dépeigne un vice,
Il faut en le voyant que mon cœur le haïsse. Vill.

Dépeint, einte. part.

DÉPENAILLÉ, ée. part. pass. & adj. Mal vêtu, qui a ses habits en lambeaux. Pannosus, a. Il est populaire.

A ces mots, il se vit houspillé, tiraillé :
Et trop heureux de fuir, s’enfuit dépenaillé.

L’Abbé de Villiers, Poëme de l’Amitié.

DÉPENDAMMENT. adv. D’une manière dépendante, avec dépendance. Ex alterius arbitrio, voluntate. L’ame agit souvent dépendamment des organes.

DÉPENDANCE. s. f. Sujétion, subordination. Vivendi ratio, conditio quæ in alterius potestate, arbitrio posita est, quæ alterius voluntati subjacet. Ce Prince tient ses sujets dans une grande soumission & dépendance. Les Philosophes aiment la liberté, & n’aiment point à vivre dans la dépendance. Les Moines vivent tous dans la dépendance d’un Général. Les hommes cherchent à se donner, & s’assujettissent avec plaisir, si on les laisse choisir leur dépendance. S. Evr. Il est difficile que par lui-même ou par ceux qui sont dans sa dépendance, il ne traverse tout ce que je désire. P. de Cl. Sans le concours immédiat de Dieu dans routes nos actions, l’on détruit l’infinie dépendance dans laquelle les créatures sont à l’égard du Créateur. Jur. La dépendance est insupportable à un homme de cœur, & sur-tout celle de l’esprit. S. Evr. Notre ignorance, & nos doutes nous font sentir notre dépendance. Id. Dieu a voulu accoutumer l’homme à croire sans avoir une connoissance évidente & parfaite de ce qu’il croit, afin de le tenir dans la dépendance & dans la servitude.

L’amour prétend par-tout naître sans dépendance,
Et jamais par la force on n’entra dans un cœur. Mol.

Dépendance, signifie aussi connexité, suite nécessaire. Connexio, cognatio. Toutes les propositions de Géométrie, ont une suite & une dépendance les unes des autres. On a renvoyé ce procès en un autre Parlement avec toutes ses circonstances & dépendances. Le mot de circonstances exprime tout ce qui peut avoir rapport à l’affaire : celui de dépendances, tout ce qui en fait partie, ce qui y est nécessairement lié, ce qui en est une branche.

Dépendance, se dit aussi de ce qui fait partie d’un tout. Appendix, accessio. Ce hameau est de la dépendance de cette Paroisse. Cette métairie est une des dépendances d’une telle terre. La Bresse est des premières dépendances de la Couronne. Patru. Les dépendances d’un fief, sont les terres, prés, bois, qui en composent le domaine, les censives, droit de chasse, de pêche, &c.

☞ DÉPENDANT. ante. adj. Se dit de ce qui a quelque relation à un autre avec infériorité, de ce qui est une suite nécessaire d’une autre chose, de ce qui fait partie d’un tout, des choses qui appartiennent à une autre, comme en étant un accessoire. Voyez Dépendance. Un homme dépendant d’un autre. Une affaire, une question dépendante d’une autre question, &c.

En termes de Marine on dit, venir en dépendant, tomber en dépendant. Navis quæ eodem cum aliâ vento desertur. Un vaisseau vient en dépendant, lorsqu’il est au vent d’un autre vaisseau, & que, pour le reconnoître, il s’en approche peu-à-peu, tenant toujours le vent pour n’être pas coupé, & mis sous le vent. Tomber en dépendant, c’est approcher à petites voiles & faire vent arrière pour arriver. Les vaisseaux ennemis se laissoient tomber en dépendant sur leurs côtes.

DÉPENDRE. v. a. Je dépens, je dépendis, j’ai dépendu, que je dépende. Détacher une chose de l’endroit où elle est pendue. Rem aliquam suspensam demittere. Il faut dépendre ce tableau pour le mettre plus bas. On a dépendu la lampe pour la reblanchir.

DÉPENDUE. ue. part.

☞ DÉPENDRE, v. n. Être sous la domination, sous l’autorité de quelqu’un. Alterius voluntati, arbitrio esse subjectum. Les sujets dépendent des Rois, les enfans de leurs parens, les domestiques de leurs maîtres. La conservation de tous les êtres dépend de la Providence.

☞ Quelquefois ce verbe n’exprime qu’une simple subordination. Les Tribunaux subalternes dépendent des Tribunaux supérieurs. Il y a une subordination entre les hommes, qui les fait dépendre les uns des autres.

☞ En matière de fief, dépendre est synonyme à relever. Un arrière-fief dépends du fief dominant. En matière bénéficiale, on dit qu’un Prieuré, qu’une cure dépendent d’une Abbaye, c’est-à-dire, que la nomination en appartient au Titulaire de l’Abbaye.

Dépendre, se dit aussi des choses connexes, & qui ont une suite nécessaire l’une de l’autre, alors il est synonyme à procéder, provenir & s’ensuivre. Pendere. Les effets dépendent de leurs causes. Ces deux procès dépendent tellement l’un de l’autre, que si j’en gagne un, l’autre est infaillible. La conséquence d’un syllogisme dépend des prémisses. La fortune des gens dépend fort souvent de leur mérite. Ablanc.

☞ On dit en Morale : d’un moment dépend l’éternité.

Madame, mon bonheur ne dépend que de vous. Racine.

☞ Il sembloit que la destinée des Rois dépendît du caprice de leur sujets.

☞ On dit cela dépend de moi, j’ai le pouvoir de le faire ou de ne le pas faire. Hoc arbitrii mei est.

DÊPENDRE. v. a. du Latin dispendere. Vieux mot, qui veut dire la même chose que dépenser. Dêpendre n’est plus en usage. Mén. Bouh. Les cœurs généreux aiment à dépendre.

On dit proverbialement, qui bien gagne, & bien dêpend, n’a pas besoin de bourse pour serrer son argent. On dit aussi c’est un homme qui est à lui à vendre & à dêpendre, pour dire qui lui est absolument dévoué. On trouve despendre & dêpendre, on ne prononce point l’s, dans ce mot quand il y en a.

DÉPENS. s. m. pl. frais ; ce qui a coûté, ce qu’on a dépensé à quelque entreprise, ou à quelque affaire. Sumtus, impensæ. Il a employé beaucoup d’argent à la poursuite de cette affaire. Il aura bien de la peine à tirer ses dépens. On dit proverbialement c’est un homme qui gagne bien ses dépens, pour dire, il rend bien autant de service qu’il coûte à nourrir, & qu’un homme est condamné aux dépens, quand il ne retire pas d’une affaire tout l’argent qu’il y a mis : & d’un homme avancé en âge, que plus de la moitié de ses dépens sont payés.

☞ On dit figurement faire la guerre à ses dépens, faire dans l’exercice d’un emploi, ou dans la poursuite d’une entreprise des frais auxquels on n’est point obligé, & dont on ne sera point remboursé.

☞ Ce mot ne s’emploie guère ailleurs que dans une acception générale, avec la préposition à. S’enrichir aux dépens du public. Vivre aux dépens d’autrui, c’est-à-dire, aux frais & sur le compte d’un autre. Un Ambassadeur d’Espagne voulant engager Alexandre VIII à se déclarer contre la France, lui disoit qu’elle étoit ruinée, & qu’elle ne pourroit plus entretenir ses armées. Je le crois bien répondit le Pape, car elle les fait toutes subsister aux dépens de ses voisins.

Dépens, se dit aussi au figuré. Se justifier aux dépens d’autrui. Aliorum incommodo, detrimento, periculo. Un habile homme se fait sage aux dépens d’autrui en profitant de ses fautes. Faut-il obéir à cette chimère d’honneur aux dépens de ce qu’il y a de plus doux dans la vie ? S. Ev. Au lieu que les Princes n’apprennent qu’aux dépens de leurs sujets, & de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses ; par le secours de l’Histoire ils forment leur jugement sur les événemens passés sans rien hazarder. Boss. Il n’est pas permis de soutenir les dogmes de la Religion aux dépens des vertus qu’elle commande.

Aux dépens du prochain, s’il fait rire les gens,
Le prochain à son tour fait rire à ses dépens. Vill.

Dépens, en termes de pratique, sont les frais qui ont été faits dans les procédures de la poursuite d’un procès qui entrent en taxe, & qui doivent être payés à celui qui a obtenu gain de cause par celui qui a succombé. Ferriere. Impensæ litis, ou expensæ. La condamnation d’amende emporte celle des dépens. On obtient un exécutoire suivant la taxe & la liquidation des dépens, sur une déclaration de dépens réglée entre les Procureurs. On prononce quelquefois dépens compensés, sans dépens. Régulièrement celui qui perd la cause ou son procès, doit être condamné aux dépens ; mais, pour des raisons particulières, les Juges prononcent quelquefois dépens compensés ; par exemple, dans les contestations entre parens, quand il y a, entre autres personnes qui ne sont point parentes, des demandes respectives dans lesquelles elles succombent de part & d’autre, &c. Des dépens croisés, ce sont ceux dont on a interjeté appel. Il faut réfondre les dépens des défauts & contumaces. Les dépens de contumace sont ceux qu’on a été obligé de faire pour obliger une partie de comparoître, ou de défendre, & que le demandeur peut répéter préalablement, & avant que de continuer aucunes poursuites. C’est la raison pour laquelle ils sont appelés préjudicieux, parce qu’ils doivent être payés avant que la partie qui les doit puisse être reçue à procéder en la cause.

On conclud toutes les requêtes par une demande de dépens, dommages & intérêts.

Dépens réservés. Les Juges prononcent dépens réservés quand ils rendent quelque jugement qui ordonne un interlocutoire pour éclaircir la contestation principale qui est à juger.

Dépens provisionels, sont ceux des demandes afin de provision, ou de défenses, ou de main levée de défenses portées par un jugement.

DÉPENSE. s. f. Emploi de son bien, argent que l’on emploie à quelque chose que ce puisse être. Sumtus expensum, impensa. On ne doit faire de dépense qu’à proportion de son revenu. N’insultez point ceux qui sont au dessous de vous par l’éclat de votre dépense, & n’irritez point l’envie, M. Esp. Dans les gens de Cour la modestie de la dépense n’est le plus ordinairement qu’une vertu politique. Id. S. Evremont dit à une belle personne, laissez les autres se ruiner en habits & pierreries ; la nature a fait pour vous toutes les dépenses. La dépense de la Maison de Louis XI qui n’étoit au commencement de son règne que de 28 à 50 mille livres, monta sur la fin du même jusqu’à 80603 livres, suivant la supputation qu’en fait Matthieu. Mascur.

Dépense ordinaire & extraordinaire. Terme de Finance, sont différentes dépenses qu’on fait pour la régie d’une affaire. Les dépenses ordinaires comprennent tous les appointemens, loyers de Bureaux, & autres frais qu’on a coutume de faire & qu’on envisage comme fixes. Les dépenses extraordinaires sont celles qui sont regardées comme casuelles, & qui ne peuvent point être fixées. Les appointemens sont des dépenses ordinaires, parce qu’ils sont fixes. Les gratifications sont des dépenses extraordinaires, parce qu’elles sont casuelles.

Dépenses secrètes. On appelle dépenses secrètes, celles qu’un Souverain permet de faire à un Général d’Armée, & qu’il lui permet de porter à tel point qu’il veut, sans exiger de lui qu’il en rende aucun compte.

On dit faire de la dépense, pour dire, faire beaucoup de dépense. Et faire une dépense sourde, pour dire, faire une dépense secrète qui ne paroît point. Acad. Fr.

Dépense, en termes de Pratique, c’est le chapitre d’un compte qui se met après la recette, dans lequel on fait voir l’emploi de ce qu’on a reçu. Expensum. On ne doit point allouer la dépense d’un compte, si elle n’est justifiée par quittances valables.

Dépense, en Architecture, est un lieu proche de la cuisine, où l’on serre les provisions de la table, & ce qui y sert ordinairement. Cella penaria. Chez les grands Seigneurs on l’appelle office. La dépense est une pièce du département de la bouche.

Dépense, sur mer, c’est le lieu où le maître valet tient les vivres qu’il distribue. Dans les navires de guerre, on place ordinairement la dépense au fond de cale, proche la cuisine, & il y a une ouverture par laquelle on donne les vivres. Mais, dans les Vaisseaux marchands, la dépense est plus souvent placée à la même hauteur que la cuisine. Dans un vaisseau de cent trente-quatre pieds de long de l’étrave à l’étambord, la dépense doit avoir cinq pieds & demi de long, & cinq de large. Dépensier d’un vaisseau, c’est proprement le maître valet.

Dépense, est aussi un terme de Religieux & de Religieuses. C’est le lieu où sont les pots, les tasses, le pain & le vin. Penarium, cellaria. &c.

Dépense, se dit aussi du petit vin qu’on donne à boire aux valets, qu’on fait avec de l’eau qu’on fait cuver sur le marc pressuré, en quelques lieux, boire ou beuvande. voyez Petit-vin.

Dépense, en Hydraulique, la dépense des eaux est leur écoulement ou leur débit en un certain temps. On mesure cette dépense par le moyen d’une jauge percée de plusieurs trous, depuis un pouce jusqu’à deux lignes circulaires. Encyc.

La dépense naturelle est celle que feroient les eaux jaillissantes si leurs conduites & éjutages n’étoient pas sujets à des frottemens.

La dépense effective est celle que l’on conhoît par l’expérience, toujours moindre que celle donnée par le calcul.

DÉPENSER. v. a. Employer son bien à acheter, donner, ou faire autres choses qui ne se font qu’avec de l’argent. Sumtum, impensam facere, dispendere, erogare. On a tort de dépenser son argent à acheter cent vaines curiosités. C’est dépenser son bien à propos que d’en faire part aux pauvres. Ceux qui aiment à dépenser sont bien-tôt ruinés. Pétrone dépensoit son bien, non pas dans la débauche, mais dans un luxe poli & curieux. S. Evr. On disoit autrefois dépendre, mais il est vieux & hors d’usage.

☞ On dit absolument qu’un homme aime à dépenser, qu’il dépense en chevaux, en habits, &c.

On dit en proverbe, Il y a plus de moyens de dépenser que d’acquérir. On dit aussi, qu’un homme ne dépense guère en espions, quand il ne sait pas les choses qui lui sont le plus importantes à découvrir.

Dépensé, ée. part.

On dit proverbialement, journée gagnée, journée dépensée, en parlant de ceux qui n’épargnent rien, qui dépensent l’argent à mesure qu’ils le gagnent.

☞ DÉPENSIER. iere. adj. Qui fait, qui aime à faire des dépenses excessives. Sumtuosus, qui effusè vivere amat. C’est un homme fort dépensier, une femme fort dépensière : & substantivement, c’est un grand dépensier. Il n’est que du langage commun, bourgeois.

C’est aussi dans quelques familles, l’économe, ou celui qui a soin de faire la dépense d’un ménage, d’une communauté. Promus, Promus condus, procurator peni, cellarius, œconomus. Il se dit sur-tout parmi les Religieux & Religieuses, pour signifier celui ou celle qui a soin de la cave & du reste de la dépense. Il y en a qui écrivent dépencier avec un c ; ce mot, & tous les autres qui ont la même origine, s’écrivent aujourd’hui sans s dans la première syllabe.

Dépensier d’un vaisseau. Voyez Dépense en Marine.

☞ DÉPERDITION. s. f. Terme didactique, qui signifie une perte qui cause dépérissement. Il n’est guère usité que dans cette phrase, déperdition de substance. Il se fait chez nous une continuelle déperdition de substance. Cette déperdition est beaucoup plus considérable dans ceux qui s’occupent à des travaux pénibles, fatiguans. C’est pour réparer ces pertes continuelles que nous sommes obligés de prendre des alimens.

On appeloit autrefois suture conservative, une suture par laquelle on empêchoit que dans les grandes plaies où il avait déperdition de substance, les bords ne s’éloignassent trop l’un de l’autre. Dionis.

En Chimie, lorsqu’après avoir fait dissoudre l’or & l’argent, &c. on ne retire pas toute la matière qu’on avoit mise, & qu’il s’y trouve quelque déchet, on dit qu’il y a déperdition. Voy. Déchet.

DÉPÉRIR. v. n. S’altérer, se ruiner ; diminuer de valeur & de qualité. Deteriorem fieri. Les provisions qu’on garde dépérissent tous les jours, & se corrompent. Un bâtiment qui n’est point entretenu dépérit bien-tôt. Les chevaux entre les mains d’un mauvais cocher dépérissent, deviennent maigres. Un enfant en chartre dépérit à vue d’œil. La beauté dépérit. Laisser dépérir l’armée. Abl. L’armée dépérit tous les jours. Voit. Elle est dépérie, elle a dépéri.

☞ En matière criminelle, on dit que les preuves dépérissent par la longueur du temps, pour dire qu’elles deviennent plus foibles ou plus difficiles par la mort des témoins.

☞ On dit aussi, que des dettes dépérissent, pour dire que le recouvrement en devient plus difficile.

Dépéri, ie. part. Deterior factus.

DÉPÉRISSEMENT. s. m. État de décadence, altération d’une chose qui diminue. Imminutio. La plupart des choses sont sujettes au dépérissement. Celui qui est cause du dépérissement de quelque chose, est condamné aux dommages & intérêts. Il ordonne, pour éviter ce dépérissement, que l’aîné aura seul ma maison. Patru.

☞ DÉPÊTRER, v. a. Dégager, débarrasser. Expedire. Il ne se dit au propre que des pieds, quand ils sont embarrassés. Dépêtrer, ou démêler un cheval, lui remettre les jambes où elles doivent être, quand il vient à les passer par-dessus ses traits, quand il s’est engagé dans ses traits. Il s’étoit engagé dans ce marais mais il s’en est dépêtré. Expedire se.

☞ Il se dit plus ordinairement au figuré, pour tirer d’embarras, mais dans le style familier seulement. Il a eu bien de la peine à se dépêtrer de cette mauvaise affaire, de cet importun. La pauvreté est si gluante qu’on ne sauroit s’en dépêtrer. Abl. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour le dépêtrer d’un engagement si mauvais pour lui. Mad. de Sév.

Dépêtré, ée. part. Cheval dépêtré. Expeditus, explicatus.

DÉPEUPLEMENT. s. m. Action par laquelle on dépeuple. Depopulatio. Le dépeuplement de la Grèce & de l’Asie est venu du gouvernement violent des Turcs. Les guerres continuelles ont causé le dépeuplement de nos Provinces. On dit aussi le dépeuplement d’une forêt, quand on y a fait de grandes dégradations, qu’on y a abattu quantité d’arbres.

DÉPEUPLER, v. a. Diminuer le nombre des habitans d’un pays, d’une ville. Urbem civibus orbare. Les guerres d’Orient ont dépeuplé la Grèce & l’Asie. La peste a dépeuplé cette ville, l’a presque rendue déserte. Le joug de la tyrannie, les courses des Barbares dépeuplent les pays.

☞ On dit, dans le même Cens, dépeupler un étang, une rivière, les dégarnir de la plus grande partie du poisson.

☞ On dit de même que les braconniers dépeuplent une terre, un pays de gibier. Dépeupler une garenne de lapins, un colombier de pigeons. Vacuare.

Dépeupler, se dit aussi, en termes d’Eaux & forêts & de Jardinage. Dépeupler une forêt, une pépinière, c’est en tirer beaucoup d’arbres ou de plan.

☞ On le dit aussi de plusieurs autres choses dont on diminue le nombre.

Elle dépeuple de bijoux
Les boutiques du Pont au Change. Bens.

Dépeuplé, ée. part. Depopulatus.

DÉPHLEGMATION. s. f. Voy. DÉFLEGMATION.

DÉPHLEGMÉ. Voyez DÉFLEGMÉ.

DÉPHLEGMER. Voyez DÉFLEGMER.

DÉPIÉ. s. m. Terme de Coutumes & de Jurisprudence féodale. Dépié de fief, signifie démembrement de fief. Distractio, distractio feudi. Voyez Démembrement de fief.

DÉPIÉCER. Terme de Coutumes & de Jurisprudence féodale. Dépiécer un fief, signifie, démembrer un fief, le mettre en pièces. Feudum distrahere, partiri dividere. Voyez Démembrer.

DÉPILATIF, ive. adj. Terme de Médecine. Ce qui fait tomber le poil, les cheveux, étant appliqué dessus. J’ordonnai le liniment dépilatif suivant. Degori.

DÉPILATION. s. f. Action de dépiler, de faire tomber le poil avec des dépilatoires. Les Anciens se servoient de résine pour dépiler,

Nullus totâ nitor in cute, qualem
Bruttia præstabat calidi tibi fascia visci,


dit Juvénal, v. 13. & 14. de la 9e. Satyre (Ce que Martignac a ainsi traduit : vous ne prenez aucun soin d’avoir la peau nette par tout le corps, comme lorsque vous usiez d’un dépilatoire de poix chaude du pays des Brutiens ; & à cette occasion il remarque que la poix que l’on étendoit toute chaude sur du linge, ou sur du cuir, étoit un dépilatoire merveilleux.) La dépilation faisoit paroître frais & dodu. M. le Duchat, note sur Rabelais.

☞ Ces médicamens qui ne font qu’arracher le poil par leur qualité agglutinative ne sont pas, à proprement parler, des dépilatoires. Ils procurent, mais n’opèrent pas la dépilation. On ne doit appeler dépilatoires que les remèdes qui agissent sur le poil, & le détruisent.

DÉPILATOIRE. s. m. Emplâtre ou drogue qu’on applique sur le poil pour le faire tomber. Dropax. Il est principalement composé d’orpiment, & est fort caustique, même dangereux. Pour des cheveux crûs sur le front d’une fille je prescrivis un dropax ou dépilatoire de cette sorte. Dégori.

DÉPILER. v. a. Terme de Médecine. Faire tomber le poil avec des dépilatoires. Pilos detrahere, avellere, depilare. Les gens propres veut chez les Baigneurs pour se faire dépiler. On ne le dit pas de ceux à qui les cheveux tombent naturellement. Dégori dans son Trésor de la pratique de Médecine, donne plusieurs remèdes pour se dépiler.

Ce mot vient de pilus, poil, & de la particule de qui marque l’action par laquelle on ôte quelque chose, on détruit, on défait une chose.

DÉPIQUER. v. a. Faire que quelqu’un ne soit plus piqué, lui ôter le chagrin qu’il a de quelque chose. Lenire, mitigare. Si j’ai été assez heureux pour trouver quelque place dans votre amitié, ce gain là me dépique de toutes mes pertes. Voit. On s’en sert quelquefois dans la conversation.

Puisque ce mot sert à enrichir notre Langue, & qu’on dit se piquer & être piqué de quelque chose dans un sens opposé, je suis d’avis que nous disions aussi se dépiquer, à condition toutefois qu’on n’imitera pas la mauvaise affectation de certains jeunes gens qui le disent si souvent que cela seroit capable d’en dégoûter ; car les meilleures choses rebutent quand on en use avec excès. Mots à la mode.

DÉPISTER. v. a. Rechercher comme à la piste, découvrir des choses inconnues par d’autres connues. On y dépiste les premières traces du territoite Liégeois, de son étendue, de ses bornes, &c. Journ. de Trév. Août 1737. Ce terme est forgé pour marquer l’attention d’un Auteur à faire des recherches sur des Antiquités, comme d’un homme qui suit à la piste les choses qu’il cherche.

☞ DÉPIT. s. m. Chagrin mêlé d’un peu de colère ; agitation impatiente contre quelqu’un qui nous obstine ou nous mécontente. Stomachus. Concevoir un dépit, du dépit. Faire une chose par dépit, de dépit. Le moment du dépit est l’heure du berger. S. Evr. Je rends justice à ses bonnes qualités ; mais c’est avec une espèce de dépit. S. Evr. Ne fût-on pas né Poëte, le dépit tient quelque lieu de génie. Bouh. C’est la pensée de Juvénal, Sat. I. v. 79

Si natura negat, facit indignatio versum.

La constance Philosophique doit être sans aucun mélange de dépit & de chagrin. Balz. Tel qui étoit comblé de faveurs, les devoit moins à son mérite qu’au dépit qu’en pouvoit concevoir son concurrent. Var. Il y a des momens où je suis si transportée de dépit, que je souhaiterois d’en aimer un autre ; mais au milieu de ce dépit, ne vois rien au monde d’aimable que vous. Lett. Port.

☞ La Fontaine a hasardé ce mot comme adjectif

Il est trop mon ami pour toucher ce point-là.
Votre ami tant qu’il vous plaira,
Dit Nérine honteuse & dépite ;
Caliste a des appas, Eraste a du mérite.

Ce mot vient du Latin dispectus. Ménage. Guichart le fait venir de despicio, ou de l’Hébreu dapi, qu’il dérive de daphah, qui veut dire, injure, opprobre.

En Dépit, Sorte de préposition qui régit le génitif devant les noms & les pronoms, & qui étant mise devant les verbes, est suivie de que, comme la préposition malgré, dont elle a la signification. En dépit que vous en ayez, malgré vous. Ingratiis tuis. J’en viendrai à bout en dépit de tout le monde. Invito quolibet ac repugnante. En dépit des pluies de l’hiver. Etiam irruente pluviâ, sæviente hieme. Voit. Il est des plaisirs dont je saurai jouir en dépit de la mauvaise fortune. Id. On dit d’un mauvais Poëte qu’il fait des vers en dépit d’Apollon. En dépit de Minerve. Invitâ Minervâ.

Tes écrits, il est vrai, sans art, & languissans,
Semblent être formés en dépit du bon sens. Boil.

De mes yeux languissans un éloquent silence,
En dépit de moi-même explique ma souffrance. La Suze.

☞ DÉPITER. v. a. Donner du dépit. Sollicitare, irritare, succendere. Cette rebuffade l’a dépité. Cette partie l’a tellement dépité qu’il n’a pas joué depuis. Dépiter un enfant, lui donner occasion de se mutiner. Voyez Mutiner.

☞ Il est plus ordinairement employé comme réciproque. Se dépiter, concevoir du dépit, agir par dépit. Stomachari, indignari. Se dépiter contre le jeu. Il s’est dépité de ce que vous lui avez dit. Cet écolier s’est dépité & a renoncé à l’étude. La vieillesse est chagrine & se dépite toujours. Théop. Vous m’ordonnez de ne me plus dépiter que de 15. ans en 25. ans. Voit.

☞ On dit proverbialement, qu’un homme s’est dépité contre son ventre, ce qui signifie dans le sens propre se priver de manger par dépit ou par chagrin ; & dans le sens figuré, faire par le même motif une chose qui peut nous nuire.

Dépité, ée. part. & adj. Indignatus, stomachatus. C’est un Amant dépité. Mol. Elle parut dépitée.

Sire Apollon, dépité contre moi,
De ce qu’avais fait écorne à sa gloire,
En le quittant pour suivre une autre loi,
M’enjoua d’une .... P. du Cerc.

DÉPITEUX, euse. adj. Qui est sujet à se dépiter, à bouder. Indignari, stomachari facilis, stomachosus. Il ne se dit guère que des petits enfants. C’est un fort dépiteux marmot. Voit. Il est vieux.

Dépiteux, euse. Dans nos vieux Auteurs, signifie sans pitié, cruel. Immitis, e.

Mais cette gent fut aspre & dépiteuse
Blasmant les Dieux, de meurdre convoiteuse. Marot.

☞ DÉPLACEMENT. s. m. Action par laquelle on ôte une chose de la place qu’elle occupoit, par laquelle on la change de place. Translatio ex uno loco in alium. La chambre paroîtra plus grande après le déplacement de ce bureau, de cette armoire.

☞ DÉPLACER, v. a. Oter quelque chose de la place qu’elle occupoit. Dimovere loco. On déplace un livre dans une bibliothèque, des meubles dans un appartement. Ne déplacez rien. Que personne ne se déplace. Loco cedere.

Déplacer, signifie aussi prendre la place d’un autre. On ne déplace point un honnête homme. En entrant dans une compagnie, si quelqu’un vous offre sa place, vous direz : M. je ne vous déplacerai point. Vous ne déplacez personne, ce siège étoit vide.

Déplacer, en termes de Pratique, signifie transporter des meubles d’une maison dans une autre par autorité de justice.

Déplacer, se dit figurément pour ôter à quelqu’un sa place, son emploi, pour y mettre une autre personne. Un nouveau ministre déplace souvent les créatures de son prédécesseur.

Déplacer, se dit encore pour mettre une chose en une place qui ne lui convient point. Voilà un tableau déplacé, il fait là un mauvais effet, il faudroit le mettre au milieu.

☞ On le dit de même figurément des personnes placées dans des postes qui ne leur conviennent pas, dans des emplois pour lesquels elles ne sont pas propres. Ce jeune homme paroît né pour le métier de la guerre, c’est le déplacer que de le mettre dans la robe. On dit plus souvent déplacé au participe.

Déplacé, ée. part. & adj. Amotus loco. On le dit de ceux qui sont placés dans des emplois pour lesquels ils ne sont pas propres. Ce jeune homme dans la nouvelle charge qu’il exerce paroît déplacé. Tentare aliquid invito marte, invitâ minervâ.

☞ On le dit aussi des choses mal placées, qui ne sont pas à propos, ou qui sont contre les bienséances. Il y a dans ce discours bien de l’esprit déplacé. Voilà des louanges bien déplacées. Jamais reconnoissance ne fut plus déplacée. Præposterus, intempestivus, alienus. A une injure si déplacée & si éloignée des règles de la modération & de la bienséance, nous n’opposerons qu’une réponse. Dissert. sur l’origine de l’Ab. de S. Bertin, pag. 176. Méprisons ces indignes maximes, que la science avilit la grandeur, qu’elle est dans les Grands une vertu déplacée. Mariotte, Mem. de Tr.

☞ DÉPLAIRE, v. n. Être désagréable. Le jeu me déplaît à la mort. Cette femme n’est pas belle mais elle ne déplaît pas. Celui qui croit se venger en déplaisant, se fait plus de mal qu’il n’en fait aux autres. Ch. de Mer. Cet homme ne déplaît que pour vouloir trop plaire. Boil. Il y a des gens que la crainte de déplaire empêche de plaire. Displicere. Voyez Plaire.

☞ Il signifie aussi donner du chagrin, choquer, offenser. Le péché déplaît à Dieu. Les Payens ne croyoient pas que l’impureté déplût à leurs Dieux. Il est au désespoir d’avoir été assez malheureux pour vous déplaire.

En vain je veux contre elle écouter ma colere,
Toute ingrate qu’elle est, je crains de lui déplaire. Corn.

☞ Dans ce dernier sens il s’emploie aussi impersonnellement. Il me déplaît fort d’être obligé de plaider contre vous. Il ne vous déplaira pas que je vous dise, &c.

☞ On le dit aussi avec le pronom personnel, pour s’ennuyer. Cet homme se déplaît par tout où il est. Il n’aime que la solitude : il se déplaît en compagnie.

On le dit aussi des animaux. La tourterelle se déplaît, quand elle a perdu son pair. Ægrè sert.

☞ On le dit figurément des plantes, par rapport au sol, ou à l’exposition qui ne leur est pas propre. Les plantes qui croissent dans les lieux humides, se déplaisent dans un terrein sec & pierreux. Respuunt, non amant.

DÉPLAISANCE. s. f. Vieux mot qui signifioit chagrin, mélancolie. Tristitia, dolor, ægritudo. Il y a des maladies qui viennent de déplaisance, & qui minent peu-à-peu.

☞ Ce mot est quelquefois employé pour dégoût, éloignement, dans cette phrase unique du langage commun, prendre quelqu’un en déplaisance.

DÉPLAISANT, ante. adj. Qui est chagrinant, désagréable. Ingratus, asper, molestus. C’est une chose déplaisante. Les gens polis le disent rarement. Cail. M. Crevier en parlant de Q. Varius, Tribun du peuple, dit qu’il étoit déplaisant dans toute sa personne. Il faut que l’antithese soit bien prodiguée dans un discours, pour qu’elle devienne un vice déplaisant. Mém. de Trév. Ces exemples prouvent l’usage de ce mot.

☞ DÉPLAISIR. s. m. Chagrin, douleur, peine d’esprit. Ægrimonia, ægritudo ; dolor. Cela me donne un sensible, un mortel déplaisir. Ce qui devroit lui donner de la joie lui donne du déplaisir. Lætis rebus ægrescere. Ce père a eu le déplaisir de voir mourir tous ses enfans avant lui. Sa fille lui a donné le déplaisir de se marier malgré lui ; & il en a conçu un mortel déplaisir. Les déplaisirs qui me pressent sont insupportables. Voit.

Le secret pour trouver le repos de la vie
N’est pas de se conduire au gré de ses desirs :
Qui saura les borner, & régler son envie,
Verra bien-tôt la fin de tous ses déplaisirs. P. D. L.

Déplaisir, se dit aussi, en style bourgeois, dans la signification de mécontentement, sujet de plainte. Les enfans donnent souvent à leurs parens des sujets de déplaisir. Je ne crois pas vous avoir jamais fait aucun déplaisir.

DÉPLANTER, v. a. Oter une plante de terre. Les Fleuristes déplantent tous les ans leurs oignons. Les laitues ont besoin d’être déplantées & replantées pour les faire pommer. On déplante un jeune arbre pour le replanter ailleurs. Explantare, deplantare.

Deplanter, Terme de marine. Voy. Déraper.

Déplanté, ée, part.

DÉPLANTOIR. s. m. Outil de Jardinier qui sert à déplanter & à replanter les plantes, qu’on veut transporter avec la terre sans en détacher les racines, afin que cette transplantation ne les retarde point, ou ne les fasse point mourir. Ce déplantoir est fait de feuilles de fer blanc, mises en rond en forme de tuyau, avec des charnières aux deux côtés, qui se rejoignent ensemble par le moyen d’un gros fil de fer, lequel, passant par les charnières, entretient la rondeur du déplantoir. Ferrei cujusdam instrumenti genus, quo ad evellendas plantas utuntur hortulani. On le fait entrer dans la terre jusqu’au-dessous des racines de la plante qu’on veut enlever, & après qu’on l’a enlevée, & qu’on l’a placée dans le lit qu’on lui a destiné, on ôte le fil de fer, & alors, les côtés du déplantoir venant à se séparer, la motte de l’arbre, ou de la plante, sort en son entier, & se place commodément. On appelle aussi déplantoir, une houlette qui sert au même usage, & pour transplanter les tulipes, les anémones, & autres plantes qui ne sont pas fort avant dans la terre. Brevis, acuti, concavique pedi genus. Cette houlette ressemble à celle des Bergers ; on la fait seulement un peu plus concave, & plus pointue pour les terres dures & pierreuses.

DÉPLÉTION. s. f. Terme de Chirurgie employé par quelques auteurs pour signifier l’action de désemplir les vaisseaux. Le premier effet de la saignée est la déplétion. Depletio.

☞ DÉPLIER & DÉPLOYER, v. a. Etendre ce qui étoit plié. Déplier une serviette, déplier du linge ; une robe. On le dit particulièrement des étoffes que les marchands étalent sur leurs bureaux, pour les faire voir à ceux qui les marchandent. Explicare, evolvere, pandere, expandere. Les Marchands déplient cent pièces d’étoffe pour en trouver une qui soit au gré des chalands. On dit aussi, déplier les voiles, les tentes, &c.

Déplier le Trait. Terme de Chasse. C’est, alonger la corde de crin qui tient à la botte du limier. Producere, extendere.

Déplier, se dit aussi figurément pour, étaler, faire parade, faire montre. Aperire, patefacere. C’est-là qu’il a déplié tous les trésors de son ame. Pat. Il déplia ses bataillons & les étendit. Il déplia toute son éloquence. Voyez Déployer, qui est plus usité.

Déplié, ée. part.

DEPLISSER. v. a. Oter, défaire les plis. Explicare, crugare, tollere. Déplisser une chemise, un-haut-de-chausses.

☞ On le dit de tous les plis faits à l’aiguille. Il est aussi réciproque. Cet habit se déplisse. Les plis s’en défont.

Déplissé, ée. part,

DÉPLORABLE. adj. m. & f. Qui mérite d’être déploré, digne de pitié. Deplorandus, miserandus, miserabilis. Le sac de Rhodes fut un spectacle bien déplorable. L’histoire déplorable & lamentable de Pyrame & Thisbé. On ne le dit guère que des choses.

Il n’est rien de plus déplorable,
Que le funeste état où ta main m’a réduit. L’Ab. Tétu.

DÉPLORABLEMENT. adv. D’une manière déplorable. Miserabiliter, miserabilem in modum. Cet Avocat a plaidé mon affaire déplorablement ; c’est-à-dire, très-mal. Il s’est conduit déplorablement.

DÉPLORER. v. a. Plaindre avec de grands sentimens de compassion. Deplorare, destere, lugere, miserari. Les Prophètes ont prédit & déploré le malheur de Jérusalem long-temps avant qu’il arrivât. Héraclite déploroit sans cesse le malheur de la condition humaine. On ne sauroit trop déplorer l’aveuglement & le malheureux état d’un pécheur. Déplorer la misere du temps. Ablanc. Ce mélancolique passe les journées entières à déplorer les malheurs de la vie, & à raconter des choses lamentables avec une voix triste & langoureuse, comme s’il étoit payé pour pleurer. M. Scud. Ceux que la religion sépare se regardent comme des aveugles, & déplorent l’égarement l’un de l’autre. Fonten. Je veux déplorer toutes les calamités du genre humain. Boss. Il ne se dit que des choses.

Déploré, ée. part. pass & adj. Deploratus. On dit dans un sens figuré, au Palais, qu’une cause est déplorée, qu’une affaire est déplorée ; pour dire, qu’elle ne vaut rien, qu’elle est insoutenable, qu’il n’y a aucune espérance de la faire réussir. On dit figurément, qu’une santé est déplorée, pour dire, qu’on n’en espère rien, qu’on désespère de la guérison du malade. On appelle une maladie déplorée, une maladie sans remède. Acad. Fr. Cette mauvaise phrase a disparu de la dernière édition.

DÉPLOYER. A la même signification que Déplier ; mais déplier est le plus usité dans la plupart des phrases où l’un & l’autre s’emploie. On dit pourtant cette armée marchoit à enseignes déployées, & l’on ne diroit pas bien enseignes dépliées. On dit aussi sur mer, déployer les voiles, déployer le pavillon, l’arborer & le laisser voltiger au gré du vent.

Déployer, se dit figurément pour étaler, faire parade. Adhibere, ostentare, explicare, expandere, uti aliquâ re. Déployer ses charmes. Cet Orateur a déployé toute son éloquence pour haranguer le Roi. Ce Prince a déployé toute sa magnificence pour paroître en ce Carrousel. Le Cardinal Mazarin déploya tous les secrets de la politique pour conclure la paix. Flech. Dieu ne déploie point sa Toute-Puissance pour autoriser le mensonge. Ab. de T. A l’envi leur amour se déploie. Rac. On dit aussi, rire à gorge déployée, pour dire, de toute sa force. Rire à gorge dépliée ne se dit point.

☞ Ces deux verbes déplier, & déployer, viennent de deplicare, qui a le même sens, & qui se trouve dans la basse latinité. L’anonyme qui a écrit les miracles que Sainte Geneviève fit après sa mort, s’en sert, pour exprimer l’extension d’un membre qui étoit retiré. Voy. Bollandus, Act. SS. Jan. T. I. p. 150. & 151. On trouve aussi displicare, Ibid., Mart. T, I. p. 549. B.

Déployé, ée. part. pass. & adj.

☞ DÉPLUMER, v. a. Oter les plumes à un oiseau, ne se dit point. Déplumer est réciproque. Se déplumer, perdre ses plumes. Les oiseaux se déplument pendant la mue. Nudari plumis.

Déplumé, ée. part. & adj. Deplumis. A qui les plumes sont tombées.

☞ DE PLUS. adv. synonyme avec outre cela, & d’ailleurs. Ils signifient tous trois surcroît, augmentation. Præterea. Mais de plus s’emploie fort à propos lorsqu’il est seulement question d’ajouter encore une raison à celles qu’on a déjà dites. Il sert précisément à multiplier, & n’a rapport qu’au nombre. Voy. les autres mots. Pour qu’un état se soutienne, il faut que ceux qui gouvernent soient modérés, que ceux qui doivent obéir, soient dociles, & que de plus les loix y soient judicieuses.

DÉPOLIR. v. a. Oter le poli de quelque chose. Polituram tollere. Il faut dépolir les glaces de miroirs, Politam glaciem obscurare, quand on s’en veut servir dans des yeux artificiels pour en faire une rétine, afin qu’elle reçoive les espèces, & qu’elle ne les réfléchisse point.

DÉPOINTER. Une pièce d’étoffe. C’est couper les points qui tiennent en état les plis.

DÉPONENT. adj. m. Terme de la Grammaire Latine, qui se dit des verbes qui ont la terminaison & la conjugaison passives, & la signification active, & qui perdent un de leurs participes passifs. Verbum deponens. C’est le nom que les Grammairiens donnent à ces sortes de verbes, comme minor, qui a pour participes minans, minaturus & minatus, & qui n’a point minandus, qui est un participe passif. On les appelle déponens, parce qu’ils ont perdu & déposé la signification passive, du latin deponere.

DÉPONIBLE. adj. De tout genre. Qu’on peut déposer, à qui l’on peut ôter sa charge, qui peut être révoqué. Deux Prêtres muables & déponibles à la volonté des Gouverneurs de l’Hôpital. Régl. de l’Hôp. Sainte Croix de Joinville. C’est un terme de Palais. Amovible a la même signification, & est plus en usage.

DÉPOPULATION. s. f. C’est la même chose que dépeuplement. L’action de dépeupler une ville, un pays. Mais ce mot se prend plus souvent dans le sens passif, & désigne la diminution des habitans par quelque cause que ce soit. C’est l’opposé de population. Voy. ce mot. M. de Montesquieu, parlant du grand nombre d’Eunuques que les Orientaux sont obligés d’entretenir pour garder leurs femmes, s’écrie : Quelle dépopulation ne doit pas s’ensuivre de ce grand nombre d’hommes morts dès leur naissance. Je touche dans une Lettre au Père Parennin, Missionnaire, plusieurs articles du Gouvernement Chinois, que je crois en soi de véritables défauts, & ce qui est plus surprenant, des défauts qui vont à la dépopulation dans ce florissant Empire, celui du monde qui est le plus peuplé. M. de Mairan de l’Académie des Sciences, Lettre à M. l’Abbé Desfontaines, dans les Observations sur les Ecrits Mod.

DÉPORT. s. m. En matière bénéficiale. Droit que les Archidiacres ou les Evêques ont en plusieurs Diocèses, de jouir une année durant d’une Cure qui est vacante par mort, en la faisant desservir, & aussi d’en jouir pendant le litige si elle est contestée. Sacerdotia in causam caduci lapsa. Si la Cure vient à vaquer deux fois dans une seule année, il n’y a qu’un seul déport. Voy. Choppin & Ragueau.

Le déport est une espèce d’annate, & est par conséquent odieux, parce qu’il a été plutôt établi pour l’utilité des Evêques & des Archidiacres que pour celle de l’Eglise. C’est pourquoi il fut entièrement abrogé par le Concile de Basle, dont le Décret a été inséré dans la Pragmatique-Sanction : mais le Concordat, qui est la règle de l’Eglise Gallicane, a rétabli les annates & les déports, qui ont enfin été confirmés dans les Etats de Blois. Il n’est pas uniforme dans tous les Diocèses.

L’usage des déports pour la première année des cures vacantes est principalement en Normandie. Les Evêques en ont les deux tiers, & les Archidiacres ont l’autre tiers, il en vient outre cela quelque chose aux Doyens Ruraux. Les Evêques & les Archidiacres de Normandie n’ont pas à la vérité joui toujours des déports, ils ne sauroient même produire de titres valables pour appuyer ce droit. Mais, comme ils en sont depuis très-long-temps en possession, il est devenu en quelque manière un droit commun à leur égard.

Toutes les Cures ne sont pas sujettes au déport. Celles qui dépendent d’Abbayes exemptes de la Jurisdiction des Evêques sont aussi exemptes du déport ; les Cures, par exemple, qui sont dans les exemptions de Fescamp & de Montivillier, ne paient point de déport aux Evêques de Normandie.

☞ En matière de fief, on appelle aussi déport le droit qu’un Seigneur féodal a de jouir du revenu d’un fief la première année après la mort du possesseur. Ce droit est différent dans les différentes coutumes. C’est ce qu’on appelle rachat, relief, Voy. ces mots.

Déport, se dit quelquefois au Palais, pour dire, délai. Sans déport, c’est-à-dire, sans délai, sur le champ. Sine morâ. On a condamné ce coquin de Frippier en dix écus d’amende payable sans déport, sans sortir de-là. Déport d’un Juge, d’un Arbitre. Voyez Déporter.

Déport, Terme de Coutumes. Dans les Coutumes d’Anjou & du Maine, déport signifie casuel ; c’est un certain droit que le Seigneur prend sur un fief servant lorsqu’il n’y a point d’homme pour le desservir. Le déport de fief est réglé pour le Seigneur à une année de revenu, à condition d’en donner le tiers, ou une portion sortable au mineur. Le déport de fief n’est plus en usage.

Déport, est aussi un vieux mot, qui veut dire, joie, plaisir. Gaudium, voluptas, lætitia. Celui jour passerent en joie & déport. Guy de Waroye. Ils revenoient de la chasse, où ils avoient eu moult gracieux déport. Id.

DÉPORTATION. s. m. Sorte de bannissement en usage chez les Romains, par lequel on assignoit à quelqu’un une Isle, ou autre lieu pour sa demeure, avec défense d’en sortir à peine de la vie. Deportatio. C’est le terme dont se servent les Jurisconsultes. Par la déportation on perdoit les droits de citoyen Romain. Ulpien met cette différence entre la relégation, & la déportation ; que la déportation obligeoit à une demeure fixe pour toujours, au lieu que la relégation se révoquoit, & donnoit un peu plus de liberté. La déportation étoit un bannissement perpétuel, avec interdiction du feu & de l’eau. Voyez Exil. En France on n’admet point cette différence, & on dit seulement relégation.

DÉPORTEMENT. s. m. Conduite & manière de vivre. On ne le dit qu’au pluriel, & il se prend ordinairement en mauvaise part. Vitæ, vivendi ratio. On donne des Gouverneurs à la jeunesse pour veiller sur ses déportemens. Il a été châtié pour ses mauvais déportemens. Ses déportemens me sont connus. Ablanc. Les mauvais déportemens des jeunes gens viennent le plus souvent de leur mauvaise éducation. Mol. Ses déportemens donnent prise à tout le monde. B. Rab.

DÉPORTER. Qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, se désister, se départir. Quitter, abandonner une entreprise, un dessein. Discedere ab aliquâ re, rem aliquam abjicere. Cet homme étoit entré dans la Ferme Générale, mais il s’en est déporté en faveur de ses associés. Ce jeune homme briguoit cette charge, cet emploi, mais il s’en est déporté de lui-même. Se déporter de ses prétentions, de la recherche d’une fille.