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Dictionnaire de la Bible/Tome 3.2.c JOËL-KURZENIECKI

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Dictionnaire de la Bible
Letouzey et Ané (Volume IIIp. 1579-1580-1915-1916).

Migne en a donné une traduction française dans le Dictionnaire des Apocryphes, in-4°, Paris, 1858, t. ii, col. 403-420. Il a été édité d’après deux manuscrits par M. E. James, Apocrypha anecdota, Oxford, 1897. t. ii, Cf. Trochon, Introduction, 2 in-8°, Paris, 1886, t. i, p. 484 ; T. K. Cheyne, Encyclopsedia biblica, in-4°, Londres, 1899, t. i, col. 254. V. Ermoni.

    1. JOBAB##

JOBAB (hébreu : Yôbâb), nom de cinq personnages dans l’Écriture.

1. JOBAB (Septante : ’Iwgaë), le treizième et dernier fils de Jectan. Gen., x, 29 ; I Par., i, 23. Il devint le père d’une tribu arabe. Le pays où il s’établit est resté jusqu’ici inconnu. On en retrouve peut-être la trace dans une inscription découverte par Ed. Glaser àjjadaqan, dans l’Yémen. Corpus inscript, semit., t. lv, p. 54, pi. x, n. 37. À la ligne 6, il est fait mention des chefs d’une région appelée 32>rt>, Yuhaibib ou Yuhaibab, nom où nous retrouvons les éléments essentiels de 231>, Yôbâb. Cette inscription paraît dater du milieu du VIIIe siècle avant notre ère. Le même nom de lieu a été retrouvé dans une autre inscription, mais, ni dans l’une ni dans l’autre, aucune indication ne permet de déterminer la situation exacte de la localité qu’elle désigne. M. Joseph Halévy est le premier qui ait proposé l’identification de Jobab et de Yuhaibab. Voir Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, in-8°, Berlin, 1890, t. ii, p. 303. — Bochart, Phaleg, II, 29 ; Opéra, 3e édit., 3 in-f », Leyde, 1692, 1. 1, col. 143, avait Cru retrouver les Jobabites dans les’IœëaptTou de Ptolémée, VI, 7, 24, habitants de l’Arabie méridionale, sur la côte maritime, près des Sachalites. Gesenius, Thésaurus, p. 559, penche pour cette opinion. Elle ne repose cependant que sur une ressemblance imparfaite du nom. A. Sprenger, Die aile Géographie Arabiens, in-8°, Berne, 1875, p. 297, croit même que les’Iwâapîxai n’ont jamais existé. « Les’Iw^apiTai, dit-il, sont les Wabar. On désigne par ce mot le sable de la mer et aussi la tribu qui habitait là où est le sable, lorsqu’il y avait encore en cet endroit des jardins et des champs. Les Wabar sont un peuple fabuleux qui n’a jamais existé. » F. Vigouroux.

2. JOBAB (Septante : ’Iw6âë), roid’Édom, fils de Zara, de Bosraft. i, col. 1859). Gen., xxxvi, 33-34 ; I Par., i, 44-45. Il succéda à Bêla (voir BélaI, 1. 1, col. 1560) eteut lui-même Husam (col. 784) pour successeur. D’après une addition ap ocryphe placée à la fin de la traduction grecque de Job dans les Septante (voir Bible polyglotte, t. iii, 1902, p. 822), Jobab serait le même personnage que Job, mais le livre même de Job montre que cette hypothèse est sans fondement, car on n’y rencontre aucune allusion au règne du saint patriarche sur le paysd’Édom, etde plus l’orthographe des deux noms est en hébreu complètement différente.

    1. JOBAB fltoêàS)##


3. JOBAB fltoêàS), chananéen, roi de Madon. Ce fut le premier prince à qui s’adressa Jabin (voir Jabin 1, col. 1055), roi d’Asor (voir AsoR 1, t. i, col. 1105), lorsqu’il forma la confédération des rois du nord de la Palestine contre Josué. Elle fut battue près du laî Mérom. Jos., xi, 1, 7-8. Les Septante font Jobab roi de Maron (Maptôv), nom qu’ils donnent au lac Mérom. Voir Madon.

4. JOBAB (Septante : ’Iiùkâê), de la tribu de Benjamin, fils de Saharaim. Sa mère s’appelait Hodés (col. 726). I Par., viii, 9.

5. JOBAB (Septante : ’Iw6â6), de la tribu de Benjamin, septième fils d’Elphaal (t. ii, col. 1705). I Par., viii, 18,

    1. JOBANIA##

JOBANIA (hébreu : Ybneydh, « Jéhovah bâtit ; » Septante : ’Ienvaâ ; Alexandrinus : ’Ieëvaâ), Benjamite et fils de Jéroham. Il fut probablement un des premiers des principaux Benjamites qui s’établirent à Jérusalem après la conquête de cette ville par David. I Par., ix, 8.

    1. JOCHABED##

JOCHABED (hébreu : Yôkébéd ; Septante : ’I(o Z a6éS), de la tribu de Lévi, femme d’Amram et mère d’Aaron, de Moïse et de Marie. Exod., vi, 20 ; Num., xxvi, 58-59. L’étymologie de son nom est importante, parce que si le nom abrégé de Jéhovah, Yô, en forme le premier élément, il en résulte que le nom divin était connu avant la vision de l’Horeb où Dieu en expliqua le sens à Moïse. Exod., iii, 14. Parmi les exégètes, les uns admettent que.Tochabed signifie : « Jéhovah est gloire ; » les autres lui cherchent une origine étrangère, égyptienne ou autre. Voir Eb. Nestlé, Die isrælitischen Eigennamen, in-8°, Haarlem, 1876, p. 77. Malgré la divergence des opinions, on ne peut contester que le nom de Yokébéd ne soit un nom propre hébreu, de formation parfaitement régulière, le second élément, kébéd, « grave, de poids, » étant bien connu dans la Bible et le premier, Yô, étant une contraction très fréquente du nom divin. Voir Jéhovah, col. 1244, et les noms qui suivent celui-ci et commencent par Jo. Il est, de plus, peu vraisemblable que ce nom ait été altéré. — Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, Jochabed devint la femme d’Amram, dont elle était déjà la tante, étant la sœur de Caath, père de son mari. Exod., vi, 20. Voir Amram 1, t. i, col. 522. Les Septante et la Vulgate ont rendu le mot dôdàh, « tante, » par cousine : 8jf otépa taO àSe^tpo-j to-j mxrpijç, patruelem suam, pour dissimuler sans doute l’illégalité apparente de ce mariage ; mais les unions de ce genre, prohibées, depuis, par la loi mosaïque, Lev., xviii, etc., ne l’étaient pas sous l’époque patriarcale, comme le prouve l’exemple d’Abraham qui avait épousé une parente plus proche encore. Gen., xx, 12. Voir Sara 1. Jochabed était donc de la même tribu que son mari. Aussi est-elle appelée « fille de Lévi », Exod., ii, 1 ; Num. xxvi, 59 ; ce qu’il faut entendre, du reste, en ce sens qu’elle descendait de Lévi, fils de Jacob, et non qu’elle était la propre fille de Lévi. Voir Caath, t. ii, col. 1. — Jochabed était une femme aussi sage que pieuse. Quand elle eut donné le jour à son second fils, qui devait être Moise, elle le cacha pendant trois mois pour le soustraire à la mort à laquelle le pharaon avait condamné tous les nouveau-nés mâles des Hébreux. N’espérant plus alors pouvoir le soustraire davantage aux recherches des Égyptiens, elle l’exposa sur le Nil dans une nacelle de papyrus, en le confiant à la Providence, et en recommandant à sa fille Marie de veiller sur ce précieux dépôt confié aux eaux du fleuve. Elle devait espérer son salut, car il y a bien lieu de croire que c’est elle qui avait suggéré à sa fille de l’offrir elle-même comme nourrice de son enfant, si Dieu le sauvait. Grâce à sa prudence, lorsque la fille du pharaon eut sauvé Moise, sa mère fut chargée de l’élever et elle put de la sorte, en le nourrissant de son lait, lui inspirer ces sentiments de foi et de religion profonde qui le préparèrent à devenir le libérateur et le législateur du peuple de Dieu. Exod., ii, 3-11. F. Vigouroux.

    1. JODAJA##


JODAJA, prêtre, contemporain du grand-prêtre Joacim. II Esd., xii, 19. Voir Idaia 2, col. 806.

JŒD (hébreu : Yo’ed, « Jéhovah est témoin ; » Septante : ’IùiâS), père de Mosollam, de la tribu de Benjamin. II Esd., xi, 7.

JOËL (hébreu : Yô’êl, « Jéhovah est Dieu ; » Septante : ’IuïJX ; Vulgate, Joël et Johel), nom de quinze Israélites.

1. JOËL, fils aîné du prophète Samuel, I Reg., viii, 2, et père d’Héman qui fut un des trois chefs de chœur

du temps de David (voir Héman 2, col. 587). I Par., vi, 33 ; xv, 17. La Vulgate écrit son nom Johel dansl Par., vi, 33. Son père Samuel, lorsqu’il fut devenu vieux, le chargea, ainsi que son frère Àbia, de rendre la justice à Bersabée, mais l’avarice leur fit violer, à l’un et à l’autre, les règles de la justice ; ils se laissèrent corrompre par des présents et le peuple, irrité de leur conduite, refusa de les accepter pour juges et réclama un roi à Samuel. I Reg., viii, 2-5. — Le nom de Joël devrait se lire aussi I Par., vi, 28 (hébreu, 13), mais il est tombé du texte hébreu par une faute qui est très ancienne, car elle existait, non seulement quand saint Jérôme lit sa traduction, mais déjà du temps des Septante. Ceux-ci ont traduit ainsi l’original, d’où le nom de Joël avait disparu : Ylôç SafioMYiV ô « ptoxii-coxo ; Eavi, xa’AStâ, et la Vulgate : « Les fils de Samuel : le premier-né Vasséni et Abia. » Ces deux versions, pour trouver deux fils à Samuel, ont fait un nom propre de va-Senî, adjectif ordinal qui veut dire « et le second ». Le texte hébreu primitif portait sûrement : « Les fils de Samuel : Joël, le premier né, et le second Abia. » Le qerl dans les Bibles hébraïques supplée le nom de Joël.

2. JOËL, fils de Josabias, dé la tribu de Siméon. Il était chef d’une famille importante de cette tribu et prit part, sous la règne d’Ézéchias, à l’expédition que firent un certain nombre de Siméonites contre Gador (voir Gador, col. 34). I Par., iv, 35, 38-41.

3. JOËL, père de Samaïa de la tribu de Ruben. I Par., v, 4. Sa généalogie est un sujet de contestation parmi les exégètes qui lui attribuent des ancêtres différents. Les uns la font descendre de Ruben par Charmi ou Carmi (voir Charmi 1, t. ii, col. 958), les autres par Enoch ou Hénoch (voir Hénoch 4, col. 594). L’historien sacré énumère ses descendants et raconte sommairement quelques épisodes de leur histoire, I Par., v, 4-6, etpeut-étre ꝟ. 8-10, mais il ne nous fait pas connaître le père même de Joël. La version syriaque a mis Charmi au lieu de Joël ; cependant il n’y a pas lieu de changer ce dernier nom. Comme Joël est nommé immédiatement après les propres fils de Ruben, il est probable que la suite de la généalogie nous donne le nom des enfants du fils aîné de Ruben, c’est-à-dire d’Hénoch et que Joël est le fils aîné d’Hénoch.

4. JOËL ! père de Samma, de la tribu de Ruben. I Par., v, 8. Un certain nombre d’interprètes croient que ce Joël est le même que Joël qui eut un fils appelé Samia, v, 4, et que Samma ne diffère pas de Samia.

5. JOËL, un des chefs de la tribu de Gad, qui demeurait dans le pays de Basan. I Par., v, 12.

6. JOËL, lévite dont le nom est écrit Johel par la Vulgate. I Par., vi, 36. Voir Johel 2.

7. JOËL, fils d’Izrahia. I Par., vii, 3. La Vulgate écrit son nom Johel. Voir Johel 3.

8. JOËL, frère de Nathan, un des vaillants soldats de David. I Par., xi, 38. Il est appelé Igaal (col. 837), dans II Reg., xxiii, 36, et là il est donné comme « fils » de Nathan de Soba, et non comme « frère ». Le Codex Vaticanus porte-jîô ;, « fils, » dans I Par., xi, 38, comme dans II Reg., xxiii, 36.

9. JOËL, lévite. I Par., xv, 7, 11. C’était le chef de la famille des Gersonites, ayant sous ses ordres cent trente serviteurs du sanctuaire, du temps de David. Il fut un de ceux qui prirent part à la translation de l’arche, de la maison d’Obédédom à Jérusalem.

10. JOËL, lévite, fils de Jéhiel, de la descendance de

Gerson et de la famille de Léedan. I Par., xxiii, 8. Il était un des gardiens du trésor de la maison du Seigneur. I Par., xxvi, 22. Il n’est peut-être pas différent da Joël 9.

11. JOËL, fils de Phadaïas, un des chefs de la demi-tribu de Manassé transjordanique. I Par., xxvii, 20. Il vivait du temps de David.

12. JOËL, lévite, fils d’Azarias, de la iamille de Caath, qui vivait du temps d’Ézéchias, roi de Juda. II Par., xxix, 12.

13. JO EL, de la famille de Nébo. Il avait épousé une’femme étrangère et Esdras l’obligea de la quitter. I Esd x, 43.

14. JOËL, fils de Zéchri. II Esd., xi, 9. Il était de la tribu de Benjamin et gouverna ceux de sa tribu et de la tribu de Juda qui habitèrent Jérusalem après la captivité de Babylone.

15. JOËL (hébreu : Yô’èl ; Septante : ’Iwy)), ), un des douze petits prophètes (fig. 272). On n’a presque aucun renseignement sur sa vie. Nous savons qu’il était fils

272.

Le prophète Joël. D’après Michel-Ange. Chapelle sixtiiic.

Phatuel, Joël, i, 1 ; il était du royaume de Juda. S. Jérôme, In Joël, t. xxv, col. 949-950. Certains indices de sa prophétie laissent supposer qu’il vivait à Jérusalem, i, 13 ; ii, 1, 9, 15 ; iii, 1, 6, 8, 16, 17, 20-21. LePseudo-Épiphane dit qu’il était de la tribu de Ruben et qu’il était né à Béthoron, entre Jérusalem et Césarée ; De vitis

prophet., xiv, t. xun, col. 407. On a supposé aussi qu’il était prêtre ou lévite à cause de la mention qu’il fait des offrandes, des fêles du temple et des prêtres ; d’autres auteurs au contraire pensent qu’il n’était pas prêtre à cause de la manière dont il parle des prêtres, I, 13 ; II, 17. Kaulen, Einleitung, 3e édit., Fribourg, 1892, p. 406. L’époque où il a vécu est fort discutée. Voir ce qui est dit sur la date de sa prophétie dans l’article suivant.

16. JOËL (LE LIVRE DE). — I. OCCASION ET DIVISION.

— La prophétie de Joël fut écrite à l’occasion d’une invasion de sauterelles, dont nous chercherons plus loin à déterminer la signification, telle qu’on n’en avait jamais vu de pareille. Ce premier fléau fut suivi d’un autre non moins terrible : les sauterelles avaient tout dévasté dans les champs ; une grande sécheresse qui survint après et qui dura plusieurs années mit le comble à la désolation.

— La prophétie, outre un court préambule, 1, 1, se divise en deux parties, qui ont la forme de discours : 1° i, 2-n, 17 ; — 2° ii, 18-m. Les deux parties sont nettement marquées et séparées par deux versets qui servent en même temps de transition, ii, 18-19 : « Le Seigneur a montré du zèle pour sa terre, il a pardonné à son peuple. Et le Seigneur a répondu et dit à son peuple, etc. »

II. Analvse.

i" partie : i, 2-il, 17. — Elle peut se subdiviser en deux sections : 1° Description de l’invasion des sauterelles, i, 2-n, 11. — Le prophète décrit d’une manière générale l’horreur de cette invasion, i, 24 ; — puis il la décrit graduellement pour mieux montrer le deuil de chacun : les vignes sont détruites et les ivrognes ne peuvent plus satisfaire leur passion, ꝟ. 5-7 ;

— le peuple est convié à se lamenter, parce que, par suite de la dévastation des champs, on ne peut plus offrir le sacrifice, ꝟ. 8-12 ; — les prêtres aussi doivent gémir, eux qui sont chargés d’annoncer au peuple la gravité de la situation et de l’exhorter à la pénitence, ꝟ. 13-17 ; — le prophète décrit les souffrances des bêtes des champs et adresse une prière à Dieu, ꝟ. 18-20 ; — il annonce que le jour du Seigneur est proche et en décrit toutes les horreurs, ii, 1-11. — 2° Exhortation à la pénitence, ii, 12-17 ; Dieu, par la bouche de son prophète, exhorte le peuple à se convertir et à faire pénitence de ses crimes ; cette pénitence doit être avant tout « intérieure », ꝟ. 1214 ; — elle doit aussi se manifester par des « actes extérieurs », ꝟ. 15-17.

Il" PARTIE : ii, 18-IH. — Le prophète promet au peuple, qui s’est converti et a fait pénitence, une foule de biens ; cette partie embrasse quatre sections, dont chacune annonce un bien particulier : 1° L’ennemi du peuple de Dieu sera bientôt détruit, et une pluie abondante apportera la fertilité à la terre, ii, 18-27. — 2° Le deuxième bien sera une effusion du Saint-Esprit sur son peuple et sur toutes les nations, ꝟ. 28-29. — 3° Le troisième c’est le jour du Seigneur ; ence jour le Seigneur anéantira tous les ennemis des Juifs ; il indique les signes avant-coureurs de ce jour, ꝟ. 30-32, et décrit le jour lui-même, m, 1-17. — 4° Enfin le quatrième bien, suite du our du Seigneur, le plus précieux, sera la plénitude des bénédictions messianiques, iii, 18-21.

III. Authenticité.

Nous ne nous arrêterons pas à démontrer l’authenticité de la prophétie de Joël, parce qu’elle n’a jamais été contestée par personne, du moins dans son ensemble. Quelques auteurs ont bien mis en question l’authenticité de certains passages, car ils ont prétendu’reconnaître différents auteurs, différentes mains ; mais ceci touche à la question de l’unité littéraire dont nous allons nous occuper.

IV. Unité d’auteur. — I. théorie rationaliste. — Certains critiques, parmi lesquels se distingue M. Vernes, Le peuple d’Israël et ses espérances, p. 46, dans Méanges de critique religieuse, in-12, Paris, 1881, p. 221, cf. Trochon, Les petits prophètes, Paris, 1883, p. 94,

ont soutenu l’existence de deux Joël. Af. Vernes s’appuie sur les deux parties de la prophétie qui seraient, prétend-il, inconciliables ; ces deux parties contiennent la description du jour de Jéhovah ; pour l’auteur de la première description, i-ii, 27, 1e jour de Jéhovah consiste dans une invasion de sauterelles et dans une sécheresse, tandis que pour l’auteur de la seconde description, ii, 28-in (hébreu, m-iv), il consiste dans la victoire remportée par Jéhovah sur les nations ennemies ; ces deux conceptions ne peuvent appartenir au même auteur ; elles supposent deux auteurs différents et deux dates différentes : il faut donc distinguer, d’après lui, un Proto et un Deutéro Joël.

u. preuves de l’usité d’auteur. — L’unité d’auteur se prouve : 1° Par l’évidence interne : tout dans la prophétie est tellement enchaîné, tout se tient d’une manière si étroite et se suit d’une manière si régulière, tout y est si bien ordonné qu’il est impossible d’y reconnaître deux auteurs. — 2° Par la conciliation des deux descriptions : la différence de la double description du jour de Jéhovah s’explique si l’on se place dans la situation et les circonstances du prophète : « Pendant l’invasion des sauterelles, Joël invite ses compatriotes à voir dans ce fléau le signe avant-coureur du jour de Jéhovah, le début du châtiment du peuple d’Israël. Mais, après que le peuple s’est repenti, le prophète lui promet la bénédiction divine, le triomphe sur ses ennemis et le jour de Jéhovah désigne alors le jour du châtiment des nations païennes. » Bruston, Histoire critique de la’littérature prophétique des Hébreux depuis les origines jusqu’à la mort d’Isaie, Paris, 1881, t. i, p. 41. Cf. Ed. Montet, De recentissimis disputahonibus de Joelis setate, in-8°, Genève, 1880 ; H. Grætz, Der einheitliche Charakter der Prophétie Joels, in-8°, Breslau, 1873.

V. ÉPOQUE DE LA COMPOSITION DU LIVRE.

La date

de la prophétie de Joël est très discutée. Jahn, Einleitung, t. ii, p. 502, soutient qu’il vécut et prophétisa sous Manassé (688-633). — J. A. Theiner, Die zivôlf Propheten, Leipzig, 1830, p. 59, et Bertholdt, Einleitung, p. 1604, le font vivre sous Ézéchias. — Eckermann, Ioel metrisch ùbersetzt, 1786, croit qu’il vécut sous le > roi Josias (640-625). — D’après Bunsen, Gott in Geschichte, 3 in-8°, Leipzig, 1857-1858, t. iii, p. 19, il aurait vécu et prophétisé entre 956 et 946, après l’invasion de Sésac, roi d’Egypte, la 5= année du règne de Roboam. — Pour T. F. Bauer il prophétisa en 915. — Le docteur Karle, Joël ben Phatuel, in-8°, Leipzig, 1877, place son ministère entre 950-945. — Les opinions principales sont les suivantes :

I. joel est antérieur À isaie et À amos. —La grande majorité des exégetes est d’accord sur ce point. Les raisons sur lesquelles on s’appuie relèvent de la critique interne : 1° Isaîe connaissait les oracles de Joel ; il a reproduit, xiii, 6, un membre de phrase de Joel, I, 15, « parce que le jour est proche. » Cf. aussi Is., XIII, 10, etJoel, , ii, 10. Cf. Jer., xxv, 30, etJoel, iii, 16. —2° Amos, qui a vécu sous Ozias, roi de Juda, et Jéroboam II roi d’Israël, connaît Joel et l’imite : a) premiers mots de la prophétie d’Amos, l, 2, et Joel, m (hébreu, iv), 16, ces mots appartiennent au contexte de Joel ; donc c’est Amos qui a emprunté ; b) Amos termine sa prophétie ea décrivant presque dans les mêmes termes que Joel, . « les montagnes [qui| distilleront la douceur, » la prospérité future de la Palestine ; Amos, ix, 13, et Joel, m (hébreu, iv), 18 ; — c) lorsque Amos, iv, 9 b, représente Dieu se plaignant d’avoir envoyé inutilement les sauterelles pour amender le peuple, il paraît faire allusion à la plaie décrite par Joel, i, 4 ; ii, 25 ; la chose est d’autant plus naturelle qu’ils emploient le même mot, gdzâni, pour désigner la sauterelle ou la chenille ; d} enfin il paraît exister un certain parallélisme entre Joel, m (hébreu, iv), 4-10, et Amos, I, 6-10.

II. LE COMBIEN DE TEMPS A-T-IL PRÉCÉDÉ AMOSf — H

règne sur ce sujet deux opinions. — i n opinion. — Certains auteurs placent le ministère prophétique de Joël au commencement du règne d’Ozias, viiie siècle, et font de Joël un contemporain d’Osée ; ainsi saint Jérôme, In Joël, i, t. xxv, col. 950 ; saint Cyrille d’Alexandrie, In Joël, t. lxxi, col. 328 ; Théodoret de Cyr, In Joël, t. lxxxi, col. 1633 ; parmi les modernes : catholiques : Aug. Scholz, Einleitung, t. iii, p. 543 ; Schegg, Geschichte der letzten Prophelen, t. i, p. 49 ; Reinke, Messianische Weissagungen, t. iii, p. 128 ; Zschokke, Historia Ant. Testamenti, p. 261 ; Knabenbauer, In prophetas minores, Paris, 1886, t. i, p. 188-189 ; Cornely, Introductw specialis, Paris, 1887, t. ii, p. 540 ; — parmi les protestants : Rosenmuller, Scholia in Proph. minores, t. i, p. 425 ; De Wette, Einleitung, 7e édit., p. 317 ; Hengstenberg, Christologie, t. i, p. 332 ; Havernick, Einleitung, t. ii, p. 302 ; Bleek-Wellhausen, Einleitung, p. 416 ; Meyrick, dans The Speaker’s Commentary, t. vi, p. 494 ; Davidson, Introduction, p. 249. — Cette opinion s’appuie sur deux raisons : 1. La place occupée par Joël : dans le texte hébreu et la Vulgate, Joël occupe le second rang, immédiatement après Osée, dans la série des petits prophètes ; on suppose d’autre part que les petits prophètes ont été classés suivant un ordre rigoureusement chronologique ; — mais on peut répondre en premier lieu que dans les Septante, Joël n’occupe que la quatrième place, après Osée, Amos et Michée ; cf. H. B. Swete, The Old Testament in greek, Cambridge, 1894, t. iii, p. 38 ; en second lieu qu’il n’est pas démontré que dans le classement des petits prophètes on ait strictement suivi l’ordre chronologique ; — 2. Dépendance de Joël par rapport à Abdias : Joël connaît et cite Abdias ; cf. Abd., 17, et Joël, ii, 32 : « Sur le mont Sion… est le salut » [suivi dans Joël de : « comme l’a dit le Seigneur » ] ; Abd., 10-18, et Joël, i, 15 ; ii, 1 ; m (hébreu, iv), 3, 4, 7, 8, 12, 14, 17, 19 ; d’autre part on prétend qu' Abdias est postérieur à Joas ; cf. Cornely, op. et t. cit., p. 542 ; — on peut répondre qu’il est vrai que Joël a imité Abdias, mais qu’on se trompe quand on assigne à Abdias une époque si récente.

2e opinion. — D’autres auteurs croient que Joël a prophétisé sous le roi Joas (877-838, ou mieux 837-801), et dans les premières années de son règne ; ainsi parmi les protestants : Credner, Der Prophet Joël, in-8°, Halle, 1831, p. 41 ; Krahmer, De Ioelisœtate, Gœttingue, 1833 ; Hitzig, Die klemen Propheten, 1838 ; 3e édit., 1863 ; 4e édit., parH. Sleiner, 1881 ; Delitzsch, dans la Zeitschrift de Rudelbach et Guericke, 1851, p. 306 ; Keil, Einleitung, p. 309 ; Schmoller, Die Propheten Hoseas, Ioel und Amos, p. 112 ; Aug. Wunsche, Die Weissagungen des Prophet. Joël, 1872 ; — parmi les catholiques : Movers, Krilik. Untersuchungen uber die Chronologie, p. 119 ; Welte, Einleitung, t. ii, p. 111 ; Danko, Historia revel. ' Vet. Testamenti, p. 378 ; Trochon, Joël. Paris, 1883, p. 93 ; Kaulen, Einleitung, 3e édit., p. 406 ; Vigouroux, Man. bibl., 11e édit., t. ii, p. 789, 790. Credner, qui peut être regardé comme un des premiers défenseurs de cette opinion, l’a condensée dans les deux conclusions suivantes : 1. Joël a prophétisé au commencement du règne de Joas (IVReg., xii) ; — après l’invasion de Juda par Sésac (III Reg., xiv, 25-26), à laquelle ferait allusion Joël, iii, 17 b, 19 ; — après le règne de Josaphat et la révolte des Édomites sous Joram (IV Reg., viii, 20-22), auquel événement ferait allusion Joël, iii, 19 b ; — après le pillage des trésors royaux par les Philistins et les Arabes (II Par., xxi, 16-17) ; — 2. Il prophétisa avant l’expédition des Syriens sous la conduite d’Hazæl, qui reçut pour rançon de sa retraite les trésors du temple livrés par Joas (IVReg., XII, 17-18) ; — avant les invasions assyriennes et chaldéennes. Cf. Driver, Introduction to the Literature of the Old Testament, 7e édit., p. 309-310. — Cette opinion s’appuie sur les raisons suivantes, qui ne sont pas toutes de même valeur : 1. Parmi les ennemis du

peuple de Lieu Joël ne mentionne que Tyr, Sidon, les Philistins, les Grecs [Yevànim et les Sabéens, iii, 4-9 ; il ne fait aucune mention des Syriens, menacés plus tard par Amos, i, 3-5, parce qu’ils avaient fait une campagne contre Jérusalem sous leur roi Hazaél, comme t nous l’avons déjà dit ; cf. aussi II Par., xxiv, 23-24 ; par conséquent il a écrit avant ces événements ; de plus il ne fait aucune mention des Assyriens et des Chaldéens, parce qu’ils ne menacèrent Jérusalem qu'à une époque postérieure, tandis qu’Osée en parle, v, 13 ; vii, 11, etc. — Cornely et Knabenbauer, Ibid., répondent ainsi à cet argument : en premier lieu on suppose que Joël voulut et dut nommer tous les ennemis de son peuple, ce qui n’est pas certain ; en second lieu quand, iii, 2, il parle de « tous les peuples », omnes gentes, il a en vue un plus grand nombre de peuples que ceux qu’il mentionne explicitement dans la suite à titre d’exemples ; en troisième lieu s’il ne parle pas expressément des Syriens, c’est que Joël appartenait au royaume du Sud (Juda), tandis qu’Amos et Osée appartenaient au royaume du Nord (Israël) ; or, b= Syriens eurent surtout afïaire au royaume d’Israël ; ils ne firent contre Juda qu’une petite expédition regardée comme un châtiment de Dieu, Il Par., xxiv, 24 ; s’il ne mentionne pas les Assyriens, cette prétérition ne prouve rien ; en effet les Assyriens, même au temps d’Achab, étaient un danger pour la Palestine ; on sait qu’Achab fut vaincu à Karkar par Salmanasar II ; cf. Schrader, Keilinschriflen und Altes Testament, 2e édit., p. 199 ; Vigouroux, Bible et découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 460 ; si donc cette raison était valable, il faudrait conclure que Joël a prophétisé même avant Achab ; enfin, ce qu’il dit contre les Phéniciens, les Philistins et les Édomites ne prouve pas qu’il soit aussi ancien qu’on le prétend, puisque Amos, i, 6-15, dit la même chose. — 2. Joël ne s'élève pas contre les péchés occasionnés en Juda par la puissance assyrienne, et que reprennent vivement Osée et Amos ; il n’attaque pas l’idolâtrie à laquelle se laissa aller le peuple sous Joram, Ochozias et Athalie ; enfin il suppose que Dieu est fidèlement servi, que le culte divin s’exerce régulièrement, i, 9, 13 ; ii, 17 ; or, ces traits ne conviennent qu’aux premières années de Joas. — Cornely, ibid., p. 341-342, répond que les débuts du règne d’Ozias ne diffèrent pas de ceux du règne de Joas, II Par., xxvi, 4-5, 7 ; ce n’est que dans la suite que ce prince se pervertit, Ibid., ꝟ. 16 ; par conséquent les traits relevés dans la prophétie de Joël conviennent aussi aux premières années du règne d’Ozias. Ces deux raisons ne sont donc pas décisives. Les suivantes paraissent plus concluantes. — 3. Joël ne fait aucune mention du roi, tandis qu’il mentionne, i, 14, les « anciens », comme jouissant d’une certaine autorité. Ce silence se comprend naturellement dans l’hypothèse où nous nous plaçons, car Joas encore enfant était sous la tutelle du grand-prêtre Joiada. — 4. Il mentionne, iii, 2, 12, la vallée de Josaphat, ainsi appelée probablement du roi Josaphat (910-885) ; il est donc postérieur au roi Josaphat ; de plus le moment où il parle de cette vallée ne doit pas être bien loin de la date de la victoire remportée à cet endroit par ce roi sur les Moabites et les Ammonites. II Par., xx, 22.

III. JOËL EST ANTÉRIEVR À LA CAPTIVITÉ DE BABY LONB. — Ce point est résolu par ce que nous venons de dire. Si nous l’examinons en particulier, c’est à cause des difficultés soulevées par la critique moderne. Quelques auteurs prétendent, par les procédés de la critique interne, trouver dans la prophétie de Joël des indices de l'époque postexilienne ; ainsi parmi les protestants : A. Merx, Die Prophétie des Joël und ihre Ausleger, Halle, 1879 ; F. W. Farrar, The Minor Prophets, their lives and times, dans les Men of the Bible, Londres, 1890, surtout p. 105-112, 120-123 ; cf. Driver, Introduction, p. 310-312 ; — parmi les catholiques : Ant. Scholz, Commentât' zum Bûche desPropheten Joël, Wûrzbourg,

1885. — 1. D’après eus, Joël, iii, 2-3, 6, fait allusion aux invasions assyriennes et chaldéennes. Il n’en est rien : ces passages peuvent très bien se rapporter à la perte de territoire subie par Juda à l'époque de la révolte des j Édomites suivie de celle de Lobna. IV Reg., vrn, 22. — 2. En admettant que tout le monde pût entendre la trompette résonnant dans Sion, ii, 1, 15, pour convoquer le peuple aux assemblées saintes et au jeûne, il ne s’ensuit pas que l'état fût réduit à une mince étendue, ce qui arriva après la captivité ; on peut supposer que Joël, établi à Jérusalem, s’adresse surtout aux habitants de la ville sainte. — 3. Il n’est pas non plus certain que les prêtres et les anciens aient une grande prééminence, ce qui ne se réalisa qu’après la captivité ; en effet, i, 2, les vieillards sont uniquement appelés à déclarer s’ils se souviennent d’avoir jamais vu une pareille calamité ; i, 13, les prêtres sont représentés comme ministres de l’autel, ce qui fut vrai à toutes les époques ; n, 17, ils gémissent et adressent à Dieu des prières en faveur du peuple coupable ; de ce qu’il nomme les ivrognes, i, 5, faudra-t-il conclure qu’ils occupaient une place importante ? — 4.Il n’est pas vrai que l’auteur s’en tienne uniquement à la stricte observance de la loi, qu’il ne recommande que les rites extérieurs, et qu’il n’exhorte jamais à la conversion à Dieu, comme les prophètes antérieurs à la captivité ; en effet, ii, 13, il recommande la rénovation intérieure ; et ꝟ. 12, il demande la conversion à Dieu ; et nous savons ce qu’on entendait par « conversion à Dieu », elle consistait à se détourner du péché, à abandonner les mauvaises voies, à fuir l’impiété, le culte des idoles. Cf. III Reg., VIII, 35, 47-48 ; II Par., yi, 24, 26, 37 ; Vu, 14 ; Is., vi, 10 ; x, 21 ; xxxi, 6 ; Jer., iii, 14, 22 ; iv, 1 ; xv, 19 ; xxvi, 3 ; xxxv, 15 ; Ezech., iii, 19 ; xiv, 6 ; xviii, 23, 30 ; xxxiii, 9, etc. Il n’est donc pas vrai que l’auteur soit l’adepte d’un judaïsme étroit, d’une espèce de pharisaisme légal. — 5. II n’est pas vrai non plus qu’il enseigne que les Juifs seuls seront sauvés, et que tous les autres peuples périront ; ii, 28, 32, il demande le salut de tout le monde.

— 6. Le livre de Joël n’est pas, comme on le prétend, _une espèce de mosaïque, composée de pièces empruntées aux autres prophètes ; l’auteur connaît assurément beaucoup de choses qui touchent à l’histoire, aux institutions nationales ; mais ces éléments sont contenus dans le Pentateuque, et pour les connaître, il n'était pas besoin d’utiliser les écrits des autres prophètes ; la connaissance des écrits mosaïques était suffisante. — 7. Il est faux qu’il n’y ait aucun ordre dans sa prophétie, comme nous l'établirons plus tard ; si l’auteur se rencontre sur certains points avec d’autres prophètes : jugement des nations, Joël, m (hébreu, iv), 2, et Ezech., xxxviii, 22 ; Soph., iii, 8 ; —fertilité du pays, Joël, m (hébreu, iv), 18, et Amos, ix, 13 ; — la source qui sort de la maison de Dieu, Joël, ni (hébreu, iv), 18, et Ezech., xlvii, 1-12 ; cf. aussi Zach., xiv, 8 ; — l’effusion de l’Esprit, Joël, ii, 28, et Ezech., xxxix, 29, il ne s’ensuit pas que c’est lui qui emprunte et non les autres prophètes ; il faut en dire autant de certaines ressemblances qu’on prétend constater entre Joël et d’autres auteurs ; Joël, I, 11°, et Jer., xiv, 4* ; Joël, i, 13, et Jer., iv, 8 ; Joël, i, 20, et Jer., xiv, 5-6 ; Joël, ii, 3, et Jer., xii, 10 ; Joël, ii, 4, et Ezech., i, 22-23 ; Joël, ii, 5-6, et Jer., vi, 23-24 ; Joël, ii, 9, et Jer., v, 10 ; IX, 21 ; en admettant qu’il y ait dépendance, il resterait à prouver que c’est Joël qui dépend des autres prophètes, ' et non le contraire. — 8. Les formes irrégulières qui seraient l’indice de l'époque postexilienne ne prouvent pas la thèse qu’on voudrait établir : PeléSét, « Palestine, a Joël, IV, 4 (hebr.), se trouveaussi dansls., xiv, 23, 33 ; Ps. lx, 10 ; lxxxiii, 8 ; lxxxvii, 4 ; cviii, 10, et surtout Exod., xv, 14 ; — la forme niphal du verbe hâyâh, « être, » Joël, ii, 2, se lit aussi dans Exod., xv, 6 ; Deut., iv, 32 ; xxvii, 9 ; Jud., xix, 30 ; xx, 3, 21, etc. ; — la forme hophal du verbe kâraf, « couper, » Joël, i, 9,

est inusitée ailleurs ; maison trouve de ces particularités isolées dans chaque auteur ; — il faut dire la même chose de la ponctuation 'ërûk, Joël, ii, 5, et de certains axa ? X^ojava, qu’on croit avoir remarqués dans Joël, 1, 17 (termes d’agriculture, dont migrôn se trouve aussi dans Is., x, 28, appliqué à une ville), et iv, 11, 'ùS, « rassembler ; » — quant à l'étymologie du mot Phatuel, que l’on veut expliquer par le chaldéen petai, Dan., iii, 2, 3, elle n’est pas encore fixée. Cf. Knabenbauer, In prophetas minores, t. i, p. 190-194.

VI. Canonicité.

La canonicité du livre de Joël n’a jamais soulevé de doutes sérieux. — 1° Joël a toujours été placé au canon juif et au canon chrétien. Voir Canon, t. ii, col. 137-147. — 2° La tradition juive, contenue dans l’Ancien Testament, reconnaît la canonicité du livre de Joël ; les auteurs postérieurs le citent et l’imitent ; aux textes déjà cités, col. 1587, on peut ajouter les suivants : Is., xiii, 6, et Joël, i, 15 ; Jon., iii, 9, et Joël, n, 14 ; Mich., vil, 10, et Joël, ii, 17 ; Sophon., i, 15, et Joël, ii, 11 (cf. Zach., xiv, 8, et Joël, iii, 18). — 3° Le Nouveau Testament cite Joël ; cf. Act., ii, 16-17, 21 (discours de saint Pierre) ; Rom., x, 13 ; Apoc, rx, 2, 7-9 (image des sauterelles) ; xiv, 14-18 (image de la faucille). — 4° Les Pères de l'Église citent le prophète Joël. S. Justin, Dial. curn Tryph., n. 87, t. vi, col. 685 ; S. Irénée, Adv. haïr., iii, 12, n. 1, t. vii, col. 892-893 ; Tertulien, Adv. Marc, v, 4, 8, 17, t. ii, col. 476, 489, 513 ; Adv. Jud., 13, col. 635 ; Clément d’Alexandrie, Strom., v, 13, t. IX, col. 129 ; Origène, De princ., ii, 7, t. xi, col. 216 ; Eusèbe, In Ps. lxiv, t. xxiii, col. 624 ; In Ps. cxliv, t. xxiv, col. 61 ; S. Hilaire, In Ps. lxiv, n. 4, t. ix, col. 415 ; S. Athanase, In Ps. lxiv, t. xxvii, col. 284 ; S. Cyrille de Jérusalem, Catech., xvi, 29, t. xxxiii, col. 960 ; Catech., xvii, 19, col. 992 ; S. Macaire d’Egypte, Hom., l, 4, t. xxxiv, col. 817 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xii, 13, t. xxxvi, col. 445, 448 ; Didjme, De Trinit., ii, 2, 5, t. xxxix, col. 456, 500 ; De Spir. Sancto, 11, col. 1043 ; S. Epiphane, Hier., lxxiv, 4, t. xli, col. 481 ; S. Ambroise, De Spir. Sancto, Prolog., 18 ; i, 7 ; ii, 2, t. xvi, col. 708-709, 724, 747 ; S. Jean Chrysostome, Cont. Jud., 5, t. xi.viu, col. 820 ; In Ephes., Hom. ii, 2, t. lxii, col. 18 ; S. Augustin, De civ. Dei, xviii, 30, n. 3, t. xli, col. 587.

VII. Style et langue.

Le Livre de Joël, au point de vue du style, est regardé comme une production classique : « Son style s'élève par la sublimité au-dessus des autres prophètes, excepté Isaie et Habacuc. Il unit la force de Michée à la tendresse de Jérémie et à la vivacité de couleurs de Nahum. Sa description de l’invasion des sauterelles est un admirable morceau littéraire ; on l’a accusé d’exagération, mais l’exactitude de chaque trait est garantie par les voyageurs qui ont été témoins du fléau, comme Shaw, Volney, etc. » Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. ii, p.790. Sa langue est d’une très grande pureté et d’une belle élégance. Tous les auteurs sont d’accord sur les mérites et la beauté littéraires de la prophétie de Joël. Cf. Lowth, De sacra poesi Hebr., Gœttingue, 1770, Præl., xxi, p. 432 ; Trochon, /oei, p. 96 ; Knabenbauer, In proph. min., t. i, p. 193 ; Driver, Introduction, 7e édit., p. 312-313.

VIII. Texte.

Original.

C’est l’hébreu, et l’hébreu

de la belle époque ; on a relevé de très rares particularités, qui sont du reste de peu d’importance, où la langue semble aramiser ou chaldaiser. — 2° État du texte.

— Dans le texte massorétique la prophétie de Joël est divisée en quatre chapitres, tandis que dans les Septante et la Vulgate elle n’en a que trois. Dans le texte hébreu, le chapitre n se termine au jl. 27, au lieu de se terminer au ꝟ. 32, comme dans les Septante et la Vulgate. Dans quelques éditions du texte hébreu, le chapitre IV est lui-même subdivisé en deux, le chapitre IV ayant huit versets et le chapitre v treize versets, 9-21. Dans la Peschito, la prophétie n’a aussi que trois chapitres.

1589

JOËL (LIVRE DÉ) — JOHA

1590

IX. Explication de quelques passages.

I. l’invasion des sauterelles. — On a donné à cette description deux interprétations : 1° Interprétation symbolique. — Le Targum, certains Pères de l’Église, saint Éphrem, saint Cyrille d’Alexandrie, Théodoret et, parmi les auteurs modernes, Luther, Ribeira, Hengstenberg, Hâvernick, Pusey, voient dans ces sauterelles les ennemis du peuple de Dieu : Assyriens, Mèdes. Perses, Grecs ; cette interprétation s’appuie sur deux raisons très contestables : — t. ii, 20, Joël semble affirmer que l’armée des sauterelles vient du nord ; or, ajoute-t-on, on sait que les sauterelles viennent toujours du sud, du désert d’Arabie ; mais on a constaté des exceptions à cette règle. Cf. Trochon, Joël, p. 117. — 2. i, 15 ; ii, 1, Joël déclare que le jour du Seigneur est proche ; mais il distingue le jour du Seigneur de l’invasion des sauterelles. — 2° Interprétation littérale. — D’autres auteurs prennent les sauterelles au sens littéral, parce que : 1. Rien dans le texte ne laisse supposer qu’il s’agisse d’un symbole. — 2. Joël ne parle que des dégâts causés dans les champs et du mal fait aux animaux ; or, s’il avait en vue les invasions étrangères, il aurait surtout parlé du mal fait aux hommes. — 3. La description se rapporte à un fait passé et non à un événement futur comme les invasions. — On pourrait peut-être concilier ces deux solutions, par trop exclusives, dans une opinion intermédiaire, « en admettant, comme cela paraît très vraisemblable, que Joël, dans sa seconde partie, considère l’invasion dont il a parlé dans la première comme type du jugement de Dieu qui approche. » Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 792. Cf. Trochon, Joël, p. 95 ; Driver, Introduction, p. 308.

u. l’effusion du saint-esprit. — Cette prophétie est littéralement messianique. Le prophète prédit la descente du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte ; c’est saint Pierre lui-même qui en a donné l’interprétation authentique et autorisée. Act., ii, 17-21 ; cf. Joël, ii, 2832. — Dans ce même passage, ii, 31, et ii, 10 ; iii, 15, le prophète annonce des phénomènes extraordinaires. Cf. Is., xiii, 10 ; Ezech., xxxii, 7. Notre-Seigneur a interprété la signification de ces prodiges ; il nous apprend, Matth., xxiv, 29 ; Marc, xiii, 24 ; Luc, xxi, 25, que ces prodiges s’appliquent aux signes qui précédèrent immédiatement la ruine de Jérusalem, cf. Luc, xxi, 11, et plus particulièrement à ceux qui précéderont le jugement dernier.

III. JUGEMENT DANS LA VALLÉE DE JOSAPHAT.

Cette

vallée, qui esc devenue si populaire chez les peuples chrétiens, à cause de son rôle eschatologique, n’est mentionnée que dans le livre de Joël, m (hébreu, iv), 2, 12. On ne connaît pas exactement l’emplacement de cette vallée. D’après les uns, son nom est symbolique ; d’après les autres, c’est la vallée du Cédron. — 1<> Interprétation symbolique. — Certains auteurs pensent que la vallée de Josaphat est un pur symbole ; elle indiquerait simplement, conformément à l’étymologie du mot [Josaphat = Jehovdh juge], le jugement de Dieu qui s’exerce contre les nations. Cf. Knabenbauer, In proph. min., t. i, p. 237. Les raisons de cette interprétation sont : 1. On ne voit pas comment tous les peuples pourraient être rassemblés et jugés dans une vallée de la Judée. — 2. Il n’est pas sûr qu’il ait existé une vallée portant le nom de Josaphat. — 3. Jamais les ennemis des Juifs n’ont été vaincus et détruits dans une vallée près de Jérusalem, comme aurait été celle de Josaphat.

— ^"lnterprétationlittérale. — D’autres pensent que cette -vallée est située dans la vallée du Cédron, à l’est de Jérusalem, cf. II Reg., xviii, 18, où elle est appelée « vallée du roi » ; Gen., xiv, 17, où elle est appelée « vallée de Savé » ; c’est dans la vallée du Cédron que commença la Passion du Sauveur ; c’est donc là qu’aura Jieu son triomphe. Cf. Trochon, Joël, p. 123-124. On donne en ellot aujourd’hui le nom de vallée de Josaphat

à une partie de la vallée du Cédron, mais l’opinion que le jugement dernier aura lieu dans cet endroit n’est qu’une croyance populaire. Voir Josaphat (Vallée de).

IV. PROPHÉTIE DU DOCTEUR DE LA JUSTICE : II, 23. —

Cette prophétie est aussi messianique ; c’est ainsi que l’ont entendue la grande masse des exégètes ; le « Docteur de justice » est Notre-Seigneur même. Cf. le passage parallèle dans Is., lv, 4. Cependant, d’autres exégètes entendent ce verset directement de la suite des prophètes et secondairement de Jésus-Christ. Knabenbauer, In proph. min., t. i, p. 229.

X. Bibliographie.

Parmi les Pères de l’Église : S. Jérôme, In Joelem, t. xxv, col. 947-988 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joelem, t. lxxi, col. 328-408 ; Théodoret, In Joelen, t. lxxxi, col. 1633-1664. — Parmi les modernes : "Wunsche, Die Weissagungen des Pr. Joels, in-8°, Leipzig, 1872 ; ’Schmoller, Die Proplieten Hosea, Joël und Amos (dans le Bibelwerk de Lange, t. xviii), in-8°, Leipzig, 1872 ; J. A. Karle, Joël ben Pethuél, in-8°, Leipzig, 1872 ; "E.-J. Montet, Etude littéraire et critique sur le livre du prophète Joël, in-8°, Genève, 1877 ; *A. Merx, Die Prophétie des Joël und ihre Ausleger von der àltesten Zeiten bis zu den Reformatoren, in-8°, Halle, 1879 ; ’Le Savoureux, Le prophète Joël, in-4°, Paris, 1888 ; *W.L. Pearson, The Prophecy of Joël, in-8°, Leipzig, 1885 ; ’J. Wellhausen, Die kleinen Propheten ùbersetzt, 1892 ; *H. Holzinger, Sprachkaracter und Abfassungszeit des Bûches Joël, dans la Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1889, p. 89-131 ; ’Driver, Joël and Amos, dans Cambridge Bible for Schooh, 1897 ; * J. T. Beck, Erklàrung der Proplieten Micha und Joël, in-16, Gutersloh, 1898. V. Ermoni.

    1. JOÉLA##

JOÉLA (hébreu : Yôé’ldh, « que [Dieu] aide ! » Septante : ’IeXta ; Alexandrinus : ’IwiiXdt), fils de Jéroham de Gédor (voir Jéroham 5, col. 1303), un des vaillants soldats qui allèrent rejoindre David à Siceleg. I Par., xii, 7.

    1. JOÉZER##

JOÉZER (hébreu : Yo’ézér, « Jéhovah est aide ; » Septante : ’Iwfrxpâ ; Alexandrinus et Smaiticus : ’IwÇaâp), un des vaillants soldats de David, qui s’était joint à lui à Siceleg. C’était un lévite de la branche de Coré (Vulgate : de Carehim. Voir Carehim, t. ii, col. 259). I Par., xii, 6.

    1. JOGLI##

JOGLI (hébreu : Yoglî. « exilé ; » Septante : ’EyXi)) père de Bocci (voir Bocci 1, t. i. col. 1823), de la tribu de Dan, du temps de Moïse. Num., xxxiv, 22.

JOHA, nom de trois Israélites dans la Vulgate. En hébreu, l’orthographe du nom du troisième, Yû’âh, diffère de celle des deux premiers, Yâhd’, par la métathèse d’une lettre. C’est probablement l’orthographe Yâ’dfy qui est la bonne. Voir Joah, col. 1551.

1. JOHA (hébreu : Yâhd’; Septante : 'Tu>Sâ ; Alexandrinus : ’Iwa^oi), fils de Baria, de la tribu de Benjamin. Baria demeurait à Aialon et, aidé de Samas, il mit en fuite, avec ses fils, parmi lesquels Joha est nommé le dernier, les habitants de Geth. I Par., viii, 16. Voir Baria 3, t. ii, col. 1461.

2. JOHA (hébreu : Yôhâ’; Septante : ’IwÇctl), fils de Samri et frère de Jédihel. Voir Jédihel 1, col. 1218. Il est qualifié de Thosaite (voir ce mot). C’était un des plus vaillants soldats de David. I Par., xi, 45.

3. JOHA (hébreu : Yô’dh ; Septante : ’Iovâx’» Alexandrinus : ’Iwà « ; Josèphe, Ant. jud., X, IV, 1 : ’Iwaxr, ;), fils de Joachaz, historiographe du roi de Juda, Josias. Ce prince le chargea, avec quelques autres de ses officiers, de la restauration du temple de Jérusalem. II Par., xxxiv, 8.

    1. JOHANAN##


JOHANAN, nom de quinze Israélites et d’un Ammonite dans la Vulgate. Dans le texte hébreu, ce nom est écrit tantôt sous la forme complète Yehôhânân, tantôt sous la forme contractée Yôhânân ;, « Jéhovah est grâce ou miséricorde. » Dans les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament et dans le Nouveau Testament, ce nom est devenu’Imâvvrjç, Joannes. Voir Jean, col. 1153.

1. JOHANAN (hébreu : Yôhânân ; Septante : ’Iuvâ, dans IV Beg., xxv, 23 ; ’Iwâvav dans Jérémie [Septante, xlvii, 8, 13, 15, 16 ; xlix, 1, 8 ; l, 2, 4, 5]), fils de Carée. C était un des chefs de l’armée juive pendant le siège de Jérusalem par les Chaldéens. Il avait réussi à s’échapper de la ville et à se réfugier au delà du Jourdain chez les Ammonites. Lorsque, après la ruine définitive du royaume de Juda, Nabuchodonosor eut placé Godolias à la tête du pajs, Johanan fut un des premiers à aller lui faire sa soumission à Masphath où le nouveau gouverneur avait établi sa résidence. Il l’avertit, mais en vain, du projet qu’avait formé Ismahel de l’assassiner. Godolias, ne pouvant croire à tant de noirceur, tomba, en effet, sous les coups d’Ismahel. Voir Godolias, col. 259, et Ismahel 2, col. 994. Johanan se mit à la poursuite du meurtrier et délivra les prisonniers qu’il emmenait mais il ne réussit pas à saisir le coupable (587 avant J.-C). IV Eeg., xxv, 23-25 ; Jer., XL, 8-xli, 16. Quoique Johanan n’eût rien à se reprocher dans le crime qui avait été commis et qu’il eût même cherché à le prévenir, il craignit que Nabuchodonosor ne voulût venger sur les Juifs la mort de son gouverneur et il crut qu’il ne pourrait être en sûreté qu’en Egypte. Jérémie essaya en vain d’empêcher l’exécution de son projet ; il fut lui-même entraîné de vive force par Johanan avec les fuyards dans la vallée du Nil. Jer., xli, 17-18 ; xlii-xliii. Voir Jérémie 8, col. 1262.

2. JOHANAN (hébreu : Yôhânân ; Septante : ’Iwavâv), fils aîné du roi de Juda Josias. I Par., iii, 15. Comme il n’est pas question de lui à propos de la succession de son père, il est probable qu’il était mort avant Josias ou qu’il succomba avec lui sur le champ de bataille de Mageddo. IV Reg., xxiii, 29. La plupart des interprètes adoptent l’une ou l’autre de ces deux explications.

3. JOHANAN (hébreu : Yôhânân ; Septante : ’Iuavdcv), fils d’Elioénai, descendant de David par Zorobabe). I Par., m, 24.

4. JOHANAN (hébreu : yôhânân ; Septante : ’Irnaviv), grand-prêtre, fils d’Azarias et père d’un autre Azarias. Il était petit-fils d’Achimaasetarriére-pelit-filsdeSadoc. « C’est lui qui exerça les fonctions du sacerdoce dans la maison [le Temple) que bâtit Salomon à Jérusalem. » 1 Par., vi, 10. Son pontificat se continua probablement sous le règne de Roboam. Voir Grand-Prêtre, col. 304.

5. JOHANAN (hébreu : Yôhânân ; Septante : ’Iraavâv), Benjamite qui alla rejoindre la troupe de David à Siceleg, et fut un de ses plus braves soldats. I Par., xii, 4.

6. JOHANAN (hébreu : Yôhânân ; Septante : ’Iwavdîv ; Alexandrinus : ’Iwvav ; Sinailicus : ’Iwov), le huitième des Gadites qui allèrent se joindre à la troupe de David dans le désert de Juda. I Par., xii, 12. Voir Gaddi 2, col. 32. Ces Gadites se distinguaient particulièrement par leur bravoure qui les fait comparer à des lions. Leurs exploits et l’incursion hardie qu’ils firent au delà du Jourdain est racontée I Par., xii, 15.

7. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante : ’Itùv&Oai ; Alexandnnus : ’Iwvâ), lévite, sixième fils de Mésélémias, de la branche de Coré, dans la descendance de Caath, un des portiers du tabernacle du temps

de David. I Par., xxvi, 3. D’après le ꝟ. 1, il est rangé parmi « les fils d’Asaph », mais Asaph est ici une forme abrégée d’Abiasaph, un des chefs des Corites. I Par., ix, 19. Le chef de chœur appelé Asaph était d’une autre famille, c’est-à-dire de celle de Gerson, et non de celle de Caath. Voir Asaph 1, t. i, col. 1056.

8. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante : ’Iaiaviv), un des chefs (has-iâr) de l’armée de Josaphat, roi de Juda. II Par., xvii, 15. Il commandait à 280000 hommes d’après le texte, mais ce chiffre, comme celui des hommes placés sous les ordres des autres généraux, ꝟ. 14-18, doit avoir été grossi par les copistes. Ce Johanan est probablement le même que Johanan 9.

9. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante : ’Iftxivav), père d’Ismæl, qui commandait à cent hommes lorsque le grand-prêtre Joiada mit Joas sur le trône. II Par., xxiii, 1. Ce Johanan doit être le même que Johanan 8.

10. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante : ’Iwavrj ;), père d’Azarias, un des chefs de la tribu d’Éphraim qui vhait du temps d’Achaz, roi de Juda. Il contribua, avec d’autres chefs de sa tribu, à faire remettre en liberté les prisonniers que les Israélites emmenaient du royaume de Juda. II Par., xxviii, 12.

11. JOHANAN (hébreu : Yôhânân ; Septante : ’Itoavdtv), fils d’Eccétan, chef de la famille d’Azgad, qui retourna avec Esdras en Palestine, à la tête de 110 hommes. I Esd., viii, 12.

12. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante : ’Iwocvâv), fils d’Éliasib (voir Émasib 6, t. ii, col. 1668), un des prêtres qui vivaient du temps d’Esdras. Celui-ci, rempli de douleur à cause des mariages que de nombreux Israélites avaient contracté avec des femmes étrangères, se retira, pour y faire pénitence, dans la chambre de Johanan. I Esd., x, 6. — Néhémie nous apprend que les lévites, chefs de famille, et les prêtres furent inscrits au temps d’Éliasib, de Joiada, de Johanan et de Jaddua. II Esd., xii, 22. Et l’auteur sacré ajoute ꝟ. 23 : « Les fils de Lévi, chefs de famille, furent inscrits dans le livre des Annales, jusqu’au temps de Johanan, fils d’Éliasib. » Dans ce dernier passage, la Vulgate lit Jonathan au lieu de Johanan, mais c’est Johanan qu’il faut lire, comme le porte le teite hébreu. Johanan eut un frère aîné appelé Joiada. Voir Joiada 6, col. 1596. Certains interprètes confondent Johanan, frèro de Joiada, avec Jonathan, fiL de ce Joiada, II Esd., xii, 11, lequel devint grand-prêtre après son père. Voir Jonathan 10, col. 1615.

13. JOHANAN (hébreu : Yehôl.iânàn ; Septante : ’Ioiavdiv), de la famille de Bébaï, qui vivait du temps d’Esdras. Il avait épousé une femme étrangère et consentit à s’en séparer. I Esd., x, 23.

14. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante : ’Iwvâv ; Alexandrinus : ’LavaOav), fils de Tobie l’Ammonite, du temps de Néhémie. Ce Tobie s’opposait à la restauration de la ville de Jérusalem, et avait néanmoins des alliés et des amis parmi les Juifs : il avait fait, en outre, épouser à son fils Johanan une fille du prêtre Mosollam. II Esd., VI, 18.

15. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante r’Iwavotv), chef de la famille sacerdotale d’Amarias, sous le pontificat de Joacim, peu de temps après le retour de la captivité de Babylone. II Esd., iii, 12-13.

16. JOHANAN (hébreu : Yehôhânân ; Septante i -i’Iwavâv), un des prêtres qui firent partie du chœur des musiciens lors de la dédicace des murailles de Jérusalem, après qu’elles eurent été relevées par Néhémie. II Esd., xil, 41 (hébreu, 42).

    1. JOHEL##

JOHEL, nom écrit ordinairement Joël. "Voir Joël. La lettre h a été ajoutée pour rendre Yaleph hébreu.

1. JOHEL, fils aîné de Samuel. I Par., vi, 33. "Voir Joël 1.

2. JOHEL, lévite, fils d’Azarias (voir Azarias 9, t. i, col. 209) et père d’Elcana (voir Elcana 3, t. ii, col. 1046), dans la branche de Caath. I Par., vi, 36 (hébreu, 21). Il parait être le même que celui qui est appelé Saùl, fils d’Ozias, un peu plus haut, dans le même chapitre, ꝟ. 24 (hébreu, 9). Il fut un des lévites qui aidèrent le roi Ezéchias dans le rétablissement du culte divin. II Par., xxix, 12.

3. JOHEL, fils d’Izrahia, de la tribu d’Issachar. I Par, , vil, 3. Il fut un des chefs de l’armée de David.

    1. JOHNSON John##


JOHNSON John, de Cranbrook, théologien protestant anglais, né le 30 décembre 1662 à Frindsbury, dans le comté de Kent, où son père Thomas était pasteur, mort à Cranbrook, le 15 décembre 1727. Il fit ses études à Cambridge, où il passa ses examens, puis occupa différents postes dans l’église protestante. En 1689, il épousa Marguerite, fille de Thomas Jenkin, qui lui donna cinq enfants. Il fut, en 1697, pasteur à Appledore, puis, en 1707, à Cranbrook, où il écrivit ses principaux ouvrages, et où il mourut : on le désigne généralement sous le nom de Johnson de Cranbrook. On a de lui une paraphrase des Psaumes intitulée : Holy David and his old english translation cleared, Londres, 1706. Ses ouvrages, qui sont souvent anonymes, ne parurent pas tous de son vivant ; parmi ceux que ses filles ont publiés après sa mort, on peut citer : Daniel’s prophecy of the LXX weeks explained, qui a paru en 1748, dans le même volume que plusieurs autres traités et qu’une vie de l’auteur par Thomas Brett. A. Régnier.

    1. JOIADA##


JOIADA, nom de six Israélites dans la Vulgate. Un septième, qui porte aussi ce nom en hébreu, est appelé Joiadé dans la Vulgate, qui a adopté pour ce personnage la transcription des Septante. Dans le texte original, le nom est écrit de deux manières différentes, tantôt sous sa forme pleine, Yehôyâdd’, et tantôt sous sa forme abrégée, Yôyâdd, ’« Jéhovah connaît. »

1. JOIADA (hébreu : Yehôyâdd’; Septante : ’IwSaé), père de Banaïas, un des plus fameux guerriers de David. II Reg., viii, 18 ; xx, 23 ; xxiii, 20, 22 ; III Reg., i, 8, 26, 32, 36, 38, 44 ; ii, 25, 29, 34, 35, 46 ; I Par., xi, 22 ; XVIII, 17 ; xxvil, 5. Dans tous ces passages, il est nommé simplement comme père de Banaïas. Nous apprenons seulement, de plus, dans le dernier qu’il était un « prêtre-chef », hak~kôhën rô’S, c’est-à-dire une sorte de vicaire du grand-prêtre. Quelques interprètes entendent cette appellation dans le sens d’officier de David, mais leur opinion est peu vraisemblable. Si l’on donne à kôhên sa signification ordinaire de « prêtre », il en résulte que Banaias était un descendant d’Aaron et, dans ce cas, son père peut être le même que Joiada 3. La Vulgate, I Par., xxvii, 5, n’a pas traduit le mot rô’S, « chef, » et elle applique à Banaïas le titre de « prêtre », sacerdos, qui, dans le texte original, se rapporte à Joïada. En revanche, I Par., xi, 22, elle attribue à Joïada la qualification de vir robustissimus, « vaillant soldat, » qui appartient à son fils Banaïas.

2. JOÏADA (Septante : ’Iuôaé, ’Iuaôai), grand-prêtre

contemporain d’Athalie et de Joas. — Joïada avait épousé Josabeth, fille du roi Joram et sœur du roi Ochozias. Quand Athalie fit périr tous les enfants de ce dernier pour régner elle-même, Josabeth sauva le plus jeune, Joas, et l’apporta à Joiada, qui, de concert avec elle, le tint caché et l’éleva dans le Temple. Voir Joas, col. ; Josabeth. Joïada, non content de préserver de la destruction la descendance royale, résolut de rendre à Joas le trône de ses pères. Il se mit à l’œuvre avec une prudence et un courage auxquels Dieu accorda plein succès. Lorsque l’enfant eut sept ans, Joïada s’entendit avec cinq chefs, qui parcoururent le royaume pour donner le mot d’ordre aux lévites et aux chefs de famille. Ceux-ci vinrent à Jérusalem et jurèrent fidélité au roi dans le Temple. Joiada leur montra alors le jeune Joas, puis organisa la reconnaissance solennelle de sa royauté. Il divisa en trois troupes les lévites et les prêtres, qui avaient à commencer leur service le jour du sabbat ; la première troupe devait monter la garde à la demeure du roi, la seconde à la porte des Seuils ou des Coureurs, qui donnait accès du côté du palais d’Athalie, et la troisième à la porte de Sur ou du Fondement, qui était sans doute l’une des entrées du Temple. Ceux qui sortaient de service devaient, de leur côté, faire la garde autour du roi, l’accompagner partout, les armes à la main, et mettre à mort quiconque tenterait de s’introduire en armes dans le Temple. L’accès des parvis serait laissé au peuple. Joiada arma tous ces hommes avec les lances et les boucliers que David avait placés dans la maison du Seigneur. Quand tous furent à leur poste, Joiada fit approcher Joas, lui imposa le diadème et le rouleau de la Loi, le proclama roi, lui fit les onctions sacrées et poussa le cri de : Vive le roi ! qui fut répété par tout le peuple. A cette clameur, Athalie accourut, se rendit compte de ce qui se passait, mais fut entraînée hors du Temple pour être mise à mort. Voir Athalie, t. i, col. 1207. Le grand-prêtre renouvela alors l’alliance du roi et du peuple avec Jéhovah. La première conséquence de ce serment fut la démolition du temple de Baal, de ses images et de ses autels, et la mort de Mathan, prêtre de l’idole. Le service des lévites et des prêtres fut réorganisé conformément à la loi, et des gardiens furent placés aux portes du Temple, afin d’en interdire l’entrée à toute personne souillée. Quant au jeune roi, il fut conduit dans son palais par la porte supérieure et le passage des Coureurs, et il y prit place sur le trône royal. Son avènement fit la joie de tout le pays. Joiada avait été vraiment l’àme de cette heureuse révolution. IV Reg., xi, 2-21 ; II Par., xxii, 11-xxiii, 21.

Joiada, après avoir été le protecteur de Joas, en devint le conseiller naturel. Tant qu’il vécut, il réussit à le maintenir dans le bien et la fidélité à Dieu. Au bout de quelques années, Joas se préoccupa de réparer le Temple. Dans ce but, il ordonna aux prêtres et aux lévites de recueillir l’argent nécessaire parmi le peuple. Ceux-ci n’accomplirent ce devoir qu’avec nonchalance, si bien que Joas dit à Joiada : « Pourquoi n’as-tu pas veillé à ce que les lévites apportassent de Juda et de Jérusalem l’impôt ordonné par Moise ? » et aux prêtres : « Pourquoi n’avez-vous pas réparé ce qui est à réparer au Temple ? » Joas semble l’avoir pris d’un peu haut avec le vieux pontife auquel il devait le trône. Parlait-il ainsi par zèle pour la maison de Dieu ? Ou bien supportait-il déjà avec quelque impatience la tutelle de son conseiller ? En tout cas, il serait injuste d’incriminer un vieillard plus que centenaire, auquel son grand âge ne permettait pas la même vigilance qu’au temps passé. D’ailleurs, l’entente persista entre Joiada et le jeune roi. On établit dans le Temple même un coffre destiné à recevoir les offrandes ; les représentants du roi et du pontife le vidaient ensemble. Joas et Joïada employèrent de concert les ressources ainsi obtenues, soit à faire exécuter les réparations dans le Temple, soit à procurer

les ustensiles nécessaires à l’exercice du culte. Le quatrième livre des Rois, xii, 6, assigne à la vingt-troisième année du règne l’incident qui se produisit entre Joas, alors âgé de trente ans, et Joiada. D’après Josèphe, Ant. jud., IX, viii, 2, la raison qui aurait empêché le pontife d’envoyer quêter dans le royaume, c’est qu’il savait ses concitoyens fort peu disposés à donner.

Pendant tout son pontificat, les sacrifices furent offerts avec la régularité et la magnificence désirables. Joiada mourut âgé de cent trente ans. II Par., xxiv, 15 ; Josèphe, Ant. jud., IX, viii, 3. Les critiques soulèvent contre ce chiffre des difficultés qui paraissent sérieuses. Joïada, mort à cent trente ans, devait avoir environ quatre-vingt-quinze ans au moment ou Joas fut reconnu roi. IVReg., xii, 6. Le roi Joram, dont Joiada avait épousé la sœur, Josabeth, monta sur le trône à trente-deux ans, IVReg., vm, 17 ; son règne fut de huit ans, celui de son fils Ochozias fut seulement d’un an, IV Reg., viii, 26, et celui d’Athalie fut de six ou sept ans. IV Reg., xi, 3. Donc quinze ans avant le règne de Joas, Joiada, âgé d’environ quatre-vingts ans, aurait épousé la sœur d’un prince de trente-deux ans. Il y a là une invraisemblance qui, jointe à celle d’une longévité si extraordinaire, autorise à penser que les chiffres qui marquent l’âge de Joiada ont subi des modifications ultérieures. Il n’en est pas moins certain cependant que ce grand-prêtre mourut « âgé et rassasié de jours ». II Par., xxiv, -15. On l’inhuma dans la cité de David et dans le tombeau même des rois, d’où quelques années après, par un contraste significatif, Joas allait être exclu. Voir Joas 3, col. 1557. Cet honneur était dû à celui qui avait préservé de la destruction et restauré la royauté de David, qui s’était montré si fidèle à Dieu, si zélé pour le Temple et si dévoué pour son peuple. II Reg., xii, 1-16 ; II Par., xxiv, 1-16. Quand il eut disparu et que Joas tomba aux mains de mauvais conseillers, on put se rendre compte de ce que le royaume avait perdu. « On reproche à Joiada de n’avoir pas chassé immédiatement de Jérusalem (après l’avènement de Joas) une multitude d’étrangers idolâtres, que les relations amicales de Josaphat avec la .maison d’Omri [AmriJ y avaient amenés. Les personnages les plus influents du royaume, partisans des deux derniers règnes, demeurèrent donc dans la ville sainte. C’était une grande imprudence de laisser si près du roi des hommes qui, après avoir été longtemps au pouvoir, voudraient y revenir, soit par la force, soit par la dissimulation et la flatterie. » Meignan, Les prophètes d’Israël, Paris, 1892, p. 329. La clémence du grand prêtre contribua, en effet, à ce retour offensif d’influences pernicieuses à Jérusalem. Mais un vieillard de son âge pouvait-il dépenser plus d’énergie qu’il ne fit pour substituer Joas à Athalie ? S’attendait-on, de la part d’un grand-prêtre, à des exécutions incompatibles avec son caractère sacré et avec sa douceur naturelle ? Et enfin, la faiblesse même de Joas qui, après avoir été pendant plus de trente ans sous la tutelle de Joiada, se laissa ensuite entraîner si facilement dans le parti contraire, n’est-elle pas la cause principale des malheurs qui attristèrent la fin du règne ? Joiada eut pour successeur son fils Zacharie. Voir Zacharie, grand-prêtre. — Sur le nom de Barachie qui lui est donné probablement dans Matth., xxiii, 35, voir Barachie 9, t. i, col. 1447. D’après quelques commentateurs, Jérémie, xxix, 26, rappelle au prêtre Sophonie le zèle du grand-prêtre Joiada ; mais, d’après bon nombre d’exégètes, Joiadé dont parle le prophète, est un simple prêtre moins ancien. Voir

Joiadé.
H. Lesêtre.

3. JOÏADA (hébreu : Yehoyàdâ’; Septante : ’IuxxSâ ;), chef (ndgîd ; Vulgate -.princeps) des descendants d’Aaron, c’est-à-dire des prêtres, qu’il amena à David, au nombre da trois mille sept cents, pour le reconnaître comme roi à Uébron après la mort de Saul. I Par., xii, 27.

Il est possible que ce soit le père de Banaïas. Voir Joiada 1.

4. JOÏaDA (hébreu : Yehôyddd’; Septante : ’Itùtai), fils de Banaias, et l’un des principaux conseillers de David. I Par., xxvii, 34. Il fut choisi parle roi avec Abiathar pour exercer cette fonclion après qu’Achitophel, qui la remplissait auparavant, se fut rangé du parti d’Absalom. Plusieurs critiques soutiennent qu’il y a ici une interversion dans le texte et qu’au lieu de « Joiada, fils de Banaias », il faut lire Banaïas, fils de Joiada, mais on ne voit pas pourquoi Banaias n’aurait pas pu avoir un fils auquel il aurait donné le nom de son grand-père et pourquoi il n’aurait pas pu devenir conseiller de David.

5. JOIADA (hébreu : Yôyâdd’; Septante : ’Iw’cSoî), fils de Phaséa. Du temps de Néhémie, il rebâtit avec Mosollam, fils de Berodia, la porte de Jérusalem appelée la « Vieille Porte », Sa’ar kay-Yesânâh, il la couvrit et en posa les battants et les verroux. II £sd., iii, 6.

6. JOIADA (hébreu : YôyâdS ; Septante : ’IwSal), fils et successeur du grand-prêtre Éliasib. II Esd., xii, 10-11, 22. Il vivait du temps de Néhémie. Celui-ci chassa un de ses fils parce qu’il avait épousé la fille de Sanaballat l’Horonite, qui était un ennemi des Juifs. II Esd., XIII, 28. Joiada eut pour successeur un autre de ses fils appelé Jonathan. Voir Jonathan 10, col. 1615, et Grandprêtre, col. 305.

    1. JOÏADÉ##

JOÏADÉ (hébreu : Yehôyâdd’, voir Joïada, col. 1593 ; Septante : ’IwSaé), prêtre qui vivait du temps de Jérémie. Jer., xxix, 25. La plupart des commentateurs confondent ce Joiadé avec le grand-prêtre Joiada 2, et pensent que le prophète le nomme à cause de sa célébrité, quoiqu’il fût mort depuis longtemps et qu’il eût eu déjà à cette époque plusieurs successeurs dans le souverain pontificat. Mais l’explication naturelle du passage de Jérémie est qu’il parle d’un Joiadé qui avait vécu de son temps. Ce Joiadé est appelé « prêtre » et « prince (nâgid ) de la maison de Jéhovah », ce qui veut dire probablement, non pas qu’il était grand-prêtre, mais assistant ou vicaire du grand-prêtre, chargé spécialement du soin de la maison de Dieu. Son titre officiel devait être « second prêtre », tandis que le pontife suprême était appelé « premier prêtre ». Ce titre de second prêtre est donné expressément, IV Reg., xxv, 18, à Sophonie, dont Jérémie parle dans sa prophétie. Jer., xxix, 28, 29. Joiadé était un ami et un défenseur du prophète et il semble avoir été persécuté pour ce motif par Séméias le Néhélamite, qui le supplanta, et par Sophonie, fils de Maasias. Voir ces noms.

    1. JOIARIB##

JOIARIB (hébreu : Yôyârïb ; deux fois seulement, I Par., 10, et xxiv, 7, avec la forme pleine Yehôyârib, « Jéhovah défend ou protège » ), nom de trois ou de quatre Israélites.

1. JOIARIB (Septante : ’luxply. ; Alexandrmus : ’Iuapetê, Motpeiê), chef de la première classe des vingt-quatre familles sacerdotales du temps de David. I Par., xxiv, 7. On retrouve plusieurs fois la mention de la classe sacerdotale à laquelle il avait donné son nom dans la suite de l’histoire sainte. Quelques-uns de ses membres retournèrent à Jérusalem après la captivité de Babylone. I Par., IX, 10 ; II Esd., xi, 10. Sous le pontificat de Joacim, fifs de Josué (voir col. 305), le chef de la famille s’appelait Mathanaï. II Esd., xii, 19 ; cꝟ. 6. Les Machabées, I Mach., ii, 1, et l’historien Josèphe, Vita, l, étaient de la famille de Joiarib. Dans I Mach., ii, l, la Vulgate écrit Joarib le nom de Joiarib et Jarib dans I Mach., xiv, 29. Voir Joarib, col. 1555. —Le nom de Joiarib dans II Esd., xi, 10, peut désigner la classe

sacerdotale de ce nom, ce qui est plus probable, ou bien un prêtre contemporain de Néhémie qui portait ce nom.

2. JOIARIB (Septante : ’Iwapiu.), un des Israélites qui revinrent avec Esdras de la captivité de Babylone. I Esd., Viu, 16. Il est qualifié de « sage » et il avait été chargé, avec quelques autres, avant le départ pour la Palestine, de chercher des lévites afin de les ramener à Jérusalem.

3. JOIARIB (Septante : ’Iiotapiê), de la tribu de Juda, fils de Zacharie et père d’Adaia. II Esd., xi, 15. Il descendait probablement de Séla, comme semble l’indiquer la qualification de « Silonite ». Il est nommé, en sa qualité d"ancêtre, dans la généalogie de Maasia, qui était chef de la famille de Joiarib du temps de Néhémie.

4. JOIARIB (Septante : ’IcoapîS), prêtre qui vivait du temps de Néhémie, d’après certains interprètes, II Esd., xi, 10 ; xii, 6, et qui fut père de Malhanai. II Ésd., XII, 19. D’après d’autres commentateurs, le nom de Joiarib sert seulement, dans ces passages, à désigner la première classe sacerdotale. Voir Joiarib 1.

    1. JOIE (hébreu##


JOIE (hébreu, ordinairement : êimhâh ; Septante : yaoâ ; Vulgate : gaudium, Isetitïa), plaisir, satisfaction de i’àme, par opposition à la trhtesse.

I. Dans l’Ancien Testament. — 1° Quoique le dictionnaire hébreu soit assez pauvre, il possède un nombre de mots relativement considérable pour exprimer le sentiment de la joie. Outre éimhâh, qui est le terme le plus ordinaire, il a encore les substantifs èâsôn, Ps. xlv, 8 ; Is., xii, 5 ; lxi, 3 ; Jer., xxxi, 13 ; Joël, 1, 12, joint souvent à iimljiâh, par exemple, àdàôn vesimhdh, pour exprimer « une grande joie », Is., xxil, 13 ; xxxv, 10 ; li, 3, 11, etc. ; — maèôs, Is., xxiv, 8 ; cf. Il ; Ps. xlviii, 3 ; — gîlàh, ls., lxv, 18 ; — hedvdh, I Par., xvi, 27 ; II Esd., vm, 10 ; — ma’âdannîm, Prov., xxix, 17 ; cf. I Sam., xv, 32 ; et les verbes sîis ou Us, Deut., xxx, 9, etc. ; — sdmah, Exod., iv, 14, etc. ; — hdddh, Job, iii, 6 ; Exod., xvin, 9 ; Ps. xxi, 7 ; —’ânag (à Vhithpahel), Ps. xxxvii, 11, etc. ; —’dlas, Job, xx, 18 ; Prov., vii, 18, — et’âlas, ISam., ii, l ; Ps. v, 12 ; ix, 3 ; Prov., xi, 10, etc. ; — gll (poétique), Job, iii, 22, etc. ; —’ûr (à l’Inthpahel), Job, xxxi, 29, sans parler de plusieurs autres verbes ou mots qui, comme rdnan, rînndh, Jer., xxxi, 7, etc. ; Ps. xxx, 6, etc., expriment les manifestations extérieures de la joie et de l’allégresse. — Parmi les expressions qui désignent la joie, il en est quelques-unes de particulièrement remarquables. La « joie » est appelée le « bien du cœur » dans Deut., xxviii, 47 ; Is., lxv, 14 (voir Gesenius, Thésaurus, p. 546) ; et ceux qui sont « joyeux » sont dits « bons de cœur », tôbê lêb, I (III) Reg., viii, 66, ou « de cœur bon », be-lêb tôb, Eccle., ix, 7. Cf. I Sam., xxv, 36 ; II Sam., xiii, 28 ; Esth., i, 10 ; Jud., xix, 6, 9 ; Ruth, iii, 7 ; I (III) Reg., xxi, 7 ; Eccle., vii, 3, passages où le radical tôb, qui exprime ordinairement ce qui est « bon », désigne particulièrement « la joie » ou ce celui qui est joyeux ». Gesenius, Thésaurus, p. 544, 591. Voir aussi Eccli., xxx, 16. Cf. Prov., xv, 13 ; xvii, 22 ; xxiii, 15.]

2° La joie étant « le bien du cœur », l’Écriture recommande fréquemment de se’réjouir. Les Psaumes et les livres des prophètes, en particulier, sont pleins de passages qui font l’éloge de la joie et exhortent les enfants d’Israël à se livrer à l’allégresse. Dieu lui-même éprouve des sentiments de joie et il veut que les siens se réjouissent comme lui, avec lui et pour lui. Elle est un bien si précieux que c’est dans le Seigneur qu’en est la source. Le Psalmiste, xlhi (xlii), 2, l’appelle « le Dieu de [sa] joie et de [son] allégresse ». L’Ecclésiaste, II, 26, range la joie parmi les dons de Dieu, comme le fera plus tard saint Paul. Gal., v, 22. Cf. Ps. xvi (xv) 9, 11 texte hébreu) ; xxxvii (xxxvi), 4 ; Job, xxii, 20 ; Hab.,

m, 18. Il existe en hébreu des noms propres, comme les suivants : Yahdî’êl (Vulgate : Jediel) ; I Par., v, 24 ; Yehdeyâhû (Vulgate : Jehedeia) ; I Par., xxiv, 20 ; xxvii, 30, qui signifient « Dieu » ou « Jéhovah réjouit ». Dieu est donc la joie des justes, ainsi que le dit saint Augustin, Conf., x, 22, t. xxxii, col. 793, en résumant toute la doctrine révélée sur ce point : Est gaudium qiLod non datur impiis, sed eis qui te gratis colunt, quorum gaudium tu ipse es. Et ipsa est beata vita gaudere ad te, de te, propter te, ipsa [est et non altéra. Qui autem aliam putant esse, aliud sectantur gaudium, sed non ipsum verum.

3° Dieu se réjouit donc lui-même et il veut que les siens se réjouissent. Il se réjouit de son œuvre, c’est-à-dire de la création, Ps. ctv (cm), 31 ; Prov., viii, 31, parce qu’elle est bonne. Gen., i, 31. Plein d’affection pour son peuple, Ps. exux, 4, il se réjouit aussi quand il le comble de ses bienfaits et lorsqu’il le délivre de l’oppression. Is., lxii, 5 ; lxv, 19 ; Jer., xxxii, 41 ; Soph., iii, 17. Et il lui demande de l’honorer avec les mêmes sentiments :

Servez Jéhovah avec joie ;

Venez avec allégresse en sa présence. Ps. c (xcix), 2.

Voir Ps. xcvn (xevi), 12 ; cxviii (cxvii), 24 ; lxviii (lxvii), 4 ; xxxiii (xxxii), 1 ; v, 12 ; lxiv (lxiii), 11 ; civ (cm), 34 ; cxxxii (cxxxi), 9 ; xxxii (xxxi), 11 ; Prov., x. 28, etc. Il exige qu’on le serve avec joie. Deut., xxviii, 47 ; Job, xxii, 19. — La première raison pour laquelle on doit se réjouir en Dieu, c’est sa grandeur même. Le Psalmiste invite ainsi tous les hommes, Ps. xcv (xciv), 1-3 :

Venez, chantons Jéhovah avec allégresse ! Poussons des cris de joie au rocher de notre salut. Allons au-devant de lui avec des louanges ! Faisons retentir des cantiques en son honneur ! Car Jéhovah est un Dieu grand. Un grand roi au-dessus de tous les dieux.

Voir aussi Ps. cv (civ), 1-3 ; ix, 3 ; lxiii (lxii), 6-7 ; lxvi, (lxv), 1-2 ; cxviii (xcvn), 4-9 ; xi.vii (xlvi), 2-9 ; xcn (xci), 5-6 ; xcvn (xevi), 8-9, 1, 11 ; cxlix, 5 ; Mich., vii, 9 ; Is., xii, 6, etc.

4° Une autre cause de joie pour Israël, ce sont les bienfaits dont Dieu le comble. Il doit se réjouir des bienfaits généraux que le Seigneur lui accorde comme au reste des hommes :

Poussez des cris de joie en l’honneur de Jéhovah,

Vous tous, habitants de la terre !

Servez Jéhovah avec joie,

Venez avec allégresse en sa présence !

Sachez que Jéhovah est le [seuil Dieu !

C’est lui qui nous a faits,

Et non pas nous ;

Nous sommes son peuple et le troupeau de son pâturage.

Entrez dans ses portes avec des louanges,

Dans ses parvis avec des cantiques ;

Glorifiez-le, bénissez son nom,

Car Jéhovah est bon, et sa miséricorde durable ;

Il est Adèle de génération en généraUon. Ps. c (XGIX), 1-5.

Voir aussi Ps. xiii (xii), 6 ; xxxi (xxx), 7-9 ; xxxv (xxxiv), 9-10, 27-28 ; xl (xxxix), 17-18 ; lxvii (lxvi), 4-8 ; lxxxi (lxxx), 2-17 ; cxiii (cxii), 9 ; cxlix, 1-4 ; Is., xxv, 9 ; xliv, 23 ; xlix, 13 ; lxi, 10, etc. Dans l’élan de leur pieux enthousiasme, les prophètes sacrés invitent la nature et les cieux à se réjouir avec eux en actions de grâces des bienfaits de leur créateur :

Que les cieux se réjouissent et que la terre tressaille, Que la mer retentisse avec ce qu’elle renferme’Que les champs soient dans les transports avec ce qu’ils

[contiennent.

Que tous les arbres des forêts poussent des cris de joie, Devant Jéhovah, car il vient ; Il vient juger la terre.

Il jugera le monde avec justice Et les peuples selon sa fidélité. Ps. xevi (XCV), 11-10.

Cf. I Par., xvi, 32. Voir aussi Ps. lxxxis (lxxxvih), 13 ; Is., xxxv, 1-3, etc.

5° Mais Israël n’a pas seulement à remercier Dieu de ses bienfaits généraux, il doit se réjouir aussi des dons spéciaux qu’il lui a faits : le don de la Loi et la promesse du Messie : « Je garde à jamais tes commandements, car ils sont la joie de mon cœur, » dit l’auteur du Psaume eux (cxviii), qui a eu un sentiment si profond de la beauté et du prix de la Loi. « Des oies que m’indiquent tes commandements, je me réjouis plus que de toutes les richesses, » ꝟ. 111, 14 ; cꝟ. 16, 47, 70, 24, 35, etc. — L’attente du Messie, dont la venue transformera le monde, remplit aussi de joie Israël. Les prophètes comme les Psalmistes lui rappellent souvent cette promesse, et ils lui peignent l’avènement du Sauveur du monde avec les plus brillantes couleurs :

Le peuple qui marchait dans les ténèbres

Voit briller une grande lumière,

Et sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre de la mort

Resplendit une lumière éclatante.

Tu rends le peuple nombreux,

Tu lui prépares une grande joie.

Us se réjouissent devant toi,

Gomme on se réjouit au temps de la moisson,

Comme on est dans l’allégresse quand on partage le butin.

Is., ix, 1-2. Cf. ii, 11 ; xxxv, 10 ; xlii, 10-13 ; lxvi, 1-4, 10 ; liv, 1 ; lxi, 10 ; lv, 12-13 ; lxv, 18 ; lxi, 1-3 ; xii, 2-3 ; Jer., xxxi, 4, 7 ; xxx, 19 ; Zach., ix, 9.

6° On voit que la joie à laquelle les auteurs sacrés invitent le peuple de Dieu est surtout une joie religieuse, aussi se manifestait-elle avec éclat dans les fêtes du Seigneur. Moise lui avait prescrit expressément de célébrer avec joie le culte divin, Deut., xii, 7 ; cf. xiv, 26 ; xvi, 15 ; Lev., xxiii, 40 ; et il fut fidèle à ce précepte. Ps. xlii (xli), 5 ; xlhi, 3-4. Nous savons avec quel éclat et quelle jubilation David et les douze tribus avec lui transportèrent l’arche à Jérusalem, II Reg., vi, 1-2, 12-19 ;

I Par., xv, 3-28 ; et puis comment Salomon célébra la dédicace du Temple. III Reg., viii, 1-66 ; II Par., v-vii. Des fêtes analogues, quoique moins éclatantes, se renouvelèrent du temps d’£sdras, I Esd., vi, 16, 22, de Néhémie,

II Esd., xii, 27, 41 ; cf. viii, 9-10, et des Machabées. I Mach., iv, 42-58 ; II Mach., ii, 15-20. Cf. Esth., ix, 31 Ps. cxxii(cxxi), 1.

7° L’Écriture recommande principalement de se réjouir en Dieu, mais les joies naturelles elles-mêmes ne sont pas proscrites, pourvu qu’elles soient raisonnables et modérées. Deut., xxx, 9. Cf. Eccle., ix, 7 ; xi, 9 ; Prov., v, 1819 ; Eccle., ix, 9 ; Prov., xviii, 22 ; xxiii, 15 ; Is., lxii, 5 ; Deut., xii, 7 ; Eccli., xxx, 15-16, etc. Les auteurs sacrés font cependant remarquer que la vraie joie est le privilège du juste, parce qu’elle est la récompense du bien qu’il fait et le fruit de la bonne conscience. Prov., xxi, 15. Cf. xiv, 9 ; xii, 20 ; I Par., xvi, 10 ; II Par., vi, 41 ; Job, xxii, 29 ; Ps. v, 12 ; xxxii (xxxi), 11 ; xxxv (xxxrv), 27 ; xl (xxxrx), 17 ; lxiv (lxiii), H ; lxx (lxix), 5 ; Eccli., i, 12 ; Prov., xxix, 6. Ils condamnent expressément les jouissances mauvaises. Prov., 11, 14 ; Ose., vii, 3. — Un des châtiments que Dieu inflige aux coupables ou qui est la conséquence de sa vengeance contre les pécheurs, c’est la privation de la joie. Is., xxi, 4, 5, 7, 8, 11 ; Joël, i, 2. Tandis que les justes se réjouissent, les méchants sont dans la tristesse. Is., xli, 16 ; lxv, 13-14 ; Ps. liv (lui), 8 ; cxlvii, 42 ; Is., xiv, 7 ; Jer., vil, 34 ; xvi, 9 ; Lam., v, 15. Pour" les bons, même les pratiques de pénitence deviennent une source de joie, Zach., viii, 19, tandis que pour les méchants, les jouissances sont mêlées d’amertume. Cf. Eccle., ii, 2.

II. La. joie dans le Nouveau Testament. — l » Nous retrouvons dans les Evangiles et dans les Épîtres la même doctrine que dans les Psaumes et dans les prophéties, mais la joie est encore plus épurée et plus surnaturelle.

— Dans le Nouveau Testament grec, la « joie » est ordi nairement exprimée par -/apâ (Vulgate, gaudium), Matth., ii, 10 ; xiii, 44 ; Marc, xiv, 16 ; Luc, viii, 13. etc., et « se réjouir » par /"’P'* (Vulgate, gaudeo). math., u, 10 ; Jac, xiii, 29, etc. À x « P « > gaudium, est opposé Xujrij, tristilia, Joa., xvi, 20 ; II Cor., ii, 3 ; Heb., xii, 11 (mœror) ; et à xa’P" ! xXou’eiv, flere, Rom., xli, 15 ; I Cor., vu, 30, ou xXaietv xai 8pï)vetv, plorare et flere, Joa., XVI, 20, ou Xyin]v sxeiv, tristitiam habere. Joa., XVI, 22. Les Septante et les écrivains du Nouveau Testament, ont une expression inconnue aux auteurs profanes et qui est propre à leur dialecte, àyaXkiâaiç, exultatio, « grande joie, s Luc, I, 14 G°i nt à x « P « )> ^4 ; Act., Il, 46 ; Heb., i, 9 ; Judse, 24, et àY « XXiàou.at, exultare, « se réjouir beaucoup. » Matth., v, 12 ; Luc, i, 47 ; x, 21 ; Act., ii, 26 ; xvi, 34 ; xix, 7 ; Joa., viii, 36 ; I Pet., i, 6, 8 ; iv, 13. Voir E. F. Gelpke, Neutestamentliche-lexikahsche Studien, dans les Theologische Studien und Kriliken, 1849, p. 645-646.’AyaXkiâaii ; correspond au gil hébreu, et a été adopté par les Pères grecs. Voir S. Clément, 1 Cor., xviii, xxxiii.

2° Un des souhaits les plus ordinaires aux Grecs était de « se réjouir » : yaXçt, xafpetv, c soyez joyeux. » Voir l’histoire et le sens de cette salutation, dans Thésaurus grseese linguse, édit.Didot, t. viii, col. 1229-1232, comme chez les Latins celui « d’être fort, de se porter bien », voie. Ce souhait se lit Matth., xxvi, 49 ; xxvii, 29 ; xxviii, 9 ; Marc, xv. 18 ; Luc, I, 28 ; Joa., xix, 3 ; Act., xv, 23 ; xxiii, 26 ; II Joa., 10-11 ; Jac, 1, 1. La Vulgate traduit dans tous ses passages x aî Pe > X a, P stv > P ar ave > excepté Act., xv, 23 ; xxiii, 26, et Jac, i, l, qui sont le commencement de lettres, où elle emploie salutem. Cf. II Mach., ix, 19 ; Tob., v, 11, Rom., xv, 13. — Les Apôtres ont substitué ordinairement à cette salutation le mot plus chrétien et le souhait plus surnaturel de la grâce divine : x*P’?> gratta. Rom., i, 7 ; I Cor., i, 3 ; II Cor., i, 2, etc. ; I Pet., i, 2 ; II Pet., i, 2 ; II Joa., 3. Voir H. Cremer, Biblisch-theologisches Wôrterbuch der neutestamentlichen Grâcitât, ! ’édit., in-8°, Gotha, 1893, p. 937-944. Cf. Suidas, au mot x a’P £tv > édit. Bernhardy, 1853, t. ii, col. 1610 ; J. H. Schleusner, Novus Thésaurus Veleris Testamenti, 1821, t. v, p. 496-497.

3° Jésus est la source de la joie des chrétiens. Dans son discours de la Cène, il dit à ses Apôtres : « Je vous ai parlé ainsi, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. » Joa., xv, 11 ; cf. xvl, 20-22, 24 ; xvii, 13. La joie est la récompense de ses élus. Matth., xxv, 21, 23. Le royaume de Dieu est « joie dans le Saint-Esprit », Rom., xiv, 17, et la joie est un des dons du Saint-Esprit. Gal., v, 22 ; cf. Luc, x, 20. Aussi l’Apôtre écrit-il à ses chers Philippiens : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je vous le répète : Réjouissez-vous. » Phil., iv, 47. Voir aussi ii, 18, 28 ; iii, 1. Cf. II Cor., xiii, 11 ; I Thess., v, 16. Saint Jean dit à son tour, dans ses deux premières Épltres : « Nous vous écrivons ces choses, afin que vous vous réjouissiez et que votre joie soit complète. » I Joa., i, 4 ; cf. II Joa., 11. Jusque dans les peines, il faut se réjouir en Dieu. II Cor., vi, 10. Cf. Rom., xii, 12 ; I Cor., vii, 30 ; Col., i, 24.

4° Un trait saillant, qui distingue la joie telle qu’elle nous est présentée dans le Nouveau Testament, de la manière dont elle nous est décrite dans l’Ancien, c’est que la souffrance endurée pour l’amour de Dieu devient une joie et un honneur. Les Apôtres, maltraités par le Sanhédrin, se retirent « joyeux, parce qu’ils ont été iugés dignes (xaT7] !  ; iwflr)<rav, digni habiti sunt) de souffrir des outrages pour le nom de Jésus ». Act., v, 41. El saint Paul écrit aux Corinthiens : « Je surabonde de joie au milieu de toutes nos tribulations. » II Cor., vil, 14. Le martyre le plus cruel va ainsi devenir un sujet d’allégresse pour les confesseurs du Christ, le bonheur le plus envié. Voir S. Ignace, Epist. ad Rom., 1, 3, 4, i’atr. Apost., 3e édit., Gebhardt, t. ii, p. 56, 60. — Cf. A. Wunsche, Die Freude in den Schriften des alten

Bundes, in-8°, Weimar, 1896 ; 0. J. Nave’s Index-Digest of ilte Holy Scripture, in-8°, Londres (1900), p. 750-755.

F. Vigouroux. JOINTURE, l’endroit où sont reliés ensemble deux os ou deux objets solides. 1° L’ange touche Jacob kaf yerêkô, à « la cavité de sa cuisse », to wXatoc toû [Airjpoû, nervus femoris, Gen., xxxii, 25 (26), 32 (33), c’est-à-dire à l’endroit où le fémur s’emboîte dans l’os iliaque, auquel il est rattaché par le gîd han-nâséh, veipo ;, nervus, le nerf ou muscle ischiatique. — Job, xxxi, 22, en faisant serment pour protester de son innocence, dit : « Que mon bras (mon humérus) tombe de mon épaule, » sikmâh, xÀ£Î ;, junclura, c’est-à-dire de l’endroit où l’humérus s’emboîte dans l’omoplate. — Ézéchiel, xxxvii, 7, dans sa vision de la résurrection, représente les ossements des morts qui s’agitent et se réunissent 'ésém 'él 'asniô, « os à os, > npôç tJiv àppiovtav aô-roû, ad juncturam suam. — Saint Paul, Eph., iv, 16, compare l'Église à un corps humain « relié par toute jointure (à<pr, junctura) surajoutée ».— Dans Cant., vii, 2 (Vulgate, l), il ne s’agit pas des jointures de la cuisse, juncturse, mais de ses contours, hammûqê, de ses proportions harmonieuses, pu8[Lo£. — 2° Le roi Achab est blessé par une flèche qui pénètre « entre les joints », debâqîm, c’est-à-dire au défaut de la cuirasse. III Reg., xxii, 34 ; II Par., xviii, 33. Les versions traduisent : àvajisa-ov toû jtve-j(j.ovoç xai àvajjiéaov cou Ôtopaxoç, inter pulmonem et stomachum, « entre le poumon et l’estomac. » Le mot hébreu vient de dèbéq, oij[ië).Y|(ia, glutinum, « soudure, » l’endroit où deux pièces de métal doivent être réunies. Is., xii, 7. Les jointures des pièces de métal qui forment la base des bassins d’airain dans le temple de Salomon sont appelées Selabblm, è^Eyô^eva, juncturse. III Reg., vii, 28, 29. — Par contre, ce que les versions appellent orpof eî ;, « courroies tordues, » commissures alque juncturse, sont des » ! e/io6berôt, des « crampons », pour la fabrication desquels David a fait amasser du fer. I Par., xxii, 3. Ce que la Vulgate désigne sous le même nom de juncturse, parmi les ornements du Temple, ce sont des peqà'îm, sculptures en forme de « coloquintes », itf-taXa x « l àvây^ça. III Reg., vi, 18. Voir Coloquinte, t. ii, col. 859. — 3° Il est fait allusion aux jointures entre des pièces de bois dans cette phrase d’Habacuc, II, 11 : « La pierre crie de la muraille et l’assemblage (kdfis, xivOocpoç, quod inter juncturas sedificiorum est) du bois lui répondra. » Kdfis est traduit par Symmaque : <rûv8e<7[Lo ; oixoSo[ ».î| ;, « lien de construction, » et par Théodotion et la Quinta : êv8e<7(ioc ÇûXou, « lien de bois. » Les paroles d’Habacuc ont un sens analogue à celui des paroles de Notre-Seigneur : « Si ceux-ci se taisent, les pierres crieront. » Luc, xix, 40. Les Chaldéens ont détruit des nations et tout ravagé ; les murailles de pierre et les constructions de bois crient vengeance contre eux, à défaut d’habitants massacrés ou déportés. Cf. Rosenmuller, Prophel. minor., Leipzig, 1814, t. iii, p. 408-411. — 4° Les jointures entre étoffes paraissent désignées par les mots hoberét, cu(jl60Xti, ut possint invicemcopulari, Exod., xxvi, 4, 10, et mahbéret, èrcw|ju ;, junctura. Exod., xxviii, 27 ; xxxix, 20. Notre-Seigneur dit qu’on ne met pas une « pièce » (àit ! 8XiQiia) neuve sur un vieil habit. La Vulgate rend le mot grec par commissura, une jointure, une couture, prenant par métonymie la partie pour le tout. Matth., ix, 16 ; Luc, v, 36. — 5° Les versions traduisent encore par « jointure » les mots tabba’af, désignant les anneaux en usage dans le Tabernacle, Exod., xxvi, 24, voir Anneau, t. i, col. 636 ; tneljabbérôt, des poutres ou solives de bois destinées à empêcher l'écartement des constructions, II Par., xxxiv, 11 ; et enfin ijsvix-rripîai, juncturse, en grec « les liens » des gouvernails. Act., xxvii, 40. Il s’agit ici des cordages au moyen desquels on remontait les gouvernails le long des flancs du navire, pour les remettre ensuite à l’eau quand on voulait naviguer. Voir

Gouvernail, col. 283.
H. Lesêtre.


    1. JOLY DE F LEUR Y Jean Orner##


JOLY DE F LEUR Y Jean Orner, théologien, né à Paris en janvier 1700, mort dans cette ville le 27 novembre 1755. Ayant embrassé l'état ecclésiastique, il devint en 1734 chanoine de Notre-Dame de Paris, abbé d’Aumale en 1729 et l’année suivante abbé de Chézy. Nous avons de cet auteur : Paraphrase et explication de l’Ancien Testament, 41n-12, Paris, 1754 ; Paraphrase et explication des quatre Évangiles réunis en un seul, 4 in-12, Paris, 1754 ; Paraphrase et explication des Psaumes avec le texte latin de la Vulgate et les variantes hébraïques, in-12, Paris, 1755. — Voir Quérard, La France littéraire, t. iv, p. 237.

B. Heurtebize.

1. JON (François du) ou JUNIUS, théologien protestant, né à Bourges le l sr mai 1545, mort à Leyde. le 13 octobre 1602. Fils d’un jurisconsulte, il se livra d’abord à l'étude du droit ; puis, après quelques années, s’adonna à la théologie. Il devint ministre de l'église wallonne à Anvers, à Limbourg et près d’Heidelberg. Frédéric III, électeur palatin, le fit venir dans cette dernière ville, afin d’y travailler avec Tremellius à une traduction latine du Nouveau Testament : il y occupa ensuite une chaire de théologie. Au cours d’un voyage qu’il fit en France, il fut chargé par Henri IV d’une mission en Allemagne. Il revenait en son pays d’origine, lorsqu’une chaire de théologie lui fut offerte à l’université de Leyde. François du Jon, qui se montra toujours très tolérant vis-à-vis des catholiques, a composé un grand nombre d’ouvrages, parmi lesquels : BibliorumPars I, id est quxiique hbriMoschis (sic) latini recens ex Hebrsso facti brevibusque scholiis illustrati ab 1mmanuele Tremellio et Francisco Junio, in-f », Francfortsur-le-Main, 1575 ; Pars II, id est libri historici, in-f », Francfort, 1576 ; Pars III, id est libri poetici, in-f », Francfort, 1579 ; Pars IV, id est libri prophelici, in-f », Francfort, 1579 ; Libri apocryphi sive Appendix Testamenti Veteris ad canonem priscee Ecclesise adjecta, latinaque recense grseco sermone facta et notis brevibus illustrata per Franciscum Junium, in-f », Francfort, 1579. Une édition postérieure a pour titre : Biblia sacra sive libri canonici prisées Judœorum Ecclesise a Deo traditi latini recens ex Hebreeo facti brevibusque scholiis illustrati ab Iman. Tremellio et Francisco Junio. Accesserunt libri qui dicuntur apocryphi latine redditi et notis quibusdam aucti a Francisco Junio. Quibus etiam adjunximus Novi Testamenti libros ex grseco a Theod. Beza in lalinum versos notisque itidem illustratos, in-4°, Londres, 1581 ; Acta Apostolorum, ex Arabica translatione latine reddita cum interpretatione locorum obscuriorum, in-8°, Leyde, 1578 ; Sacra parallela, id est comparatio locorum Scripturse Sacrée qui ex testamento veteri in novo adducuntur summam utriusque in verbis convenientiam, in rébus consensum, in mutationibus fidem veritatemque breviter et perspicue ex fontibus Scripturx Sacrée genuinaque linguarum ebrseae et grsecse conformatione monstrans, in-8°, Heidelberg, 1590 ; Apocalypsis Joannis apostoli et evangelutm methodica analysi argumentorum novisque brevibus ad rerum intelligentiam et catholicse christianse ecclesiee historiam perlinentibus illustrata, in-8°, Heidelberg, 1591 ; Expositio prophétie Danielis in Heidelbergensi academia dictata et cum cura excepta a Grutero, in-4°, Heidelberg, 1593 ; Pentateuchi explicationes analylicse, 5 in-4°, Leyde, 1594^ Methodica quatuor Psalmorum i, ii, ni et îv explicatio. Preemittuntur in librum Psalmorum prolegomena, in-4°, Heidelberg, 1594 ; Enarratio Psalmi Ll Irenicum sive in Psalmum ci meditatio, in-8°, Leyde, . 1594 ; Lectiones in Jonam prophetam, in-4°, Heidelberg, 1594 ; Perbreves notée in Epistolam Judée apostoli, in-8°, Leyde, 1599 ; De linguæ Hebrmee prxstantia et antiquitate, in-8°, Brème, 1608 ; Commentaria in Ezechielem prophetam, in-f », Genève, 1610 ; In Epistolam*

III. - 51 -i

ad Ebrseos metkodtca et brevu enarratio, in-8o, Heidelberg, 1610. Dans les œuvres de cet auteur, publiées en deux in-f°, Genève, 1613, on remarque en outre : Anatylica expositio in Evangelia Matthxi et Marci. On attribue encore quelquetois à François du Jon l’ouvrage suivant : Bïblia grseca seu Divinse Scripturse nernpe Veleris acNovi Testamenti omnia recensa viro doctissimo diligenter recognita, in-f », Francfort-sur-le-Main, 1597. — Voir Vila t. Junii Bituricensis ab ipsomet eonscripta, in-4°, Leyde, 1595, et dans le t. i de ses œuvres ; Fr. Gomar, Oratio funebris in obitum l. Junii, in-4°, Leyde, 1602 ; Walch, Biblioth. theologica, t. iv, p. 71, 72, 447, 553, etc. ; Haag, La avance protestante, in-8o, Paris, 1853, t. iv, p. 381.

B. Heurtebize.

2. JON (François du) ou JUNIUS, théologien protestant, fils du précédent, né à Heidelberg, en 1589, mort à Windsor, le 19 novembre 1677. Après avoir consacré plusieurs années aux sciences mathématiques, François du Jon se livra à l’étude de la littérature et de la théologie. Il visita ensuite la France, où habitaient presque tous les membres de sa famille, et, en 1620, se fixa en Angleterre, où il devint bibliothécaire du comte d’Arundel. En octobre 1676, il se retira à Oxford et, étant venu à Windsor rendre visite à son neveu Isaac Vossius, il mourut dans cette dernière ville. Parmi ses nombreux ouvrages, nous ne mentionnerons que les suivants : Observationes in Willerami paraphrasim Cantici Canticorum, in-8o, Amsterdam, 1655 ; Annotationes in harmoniam latino-francicam quatuor evangelistarum, latine a Tatiano confectam, in-8o, Amsterdam, 1655 ; Cxdemonis paraphrasis poetica Geneseos, in-4°, Amsterdam, 1655 ; Quatuor D. N. Jesu Christi Evangeliorum versiones peranliquæ duse, Gothica scilicet et anglosaxonica, quarum illam ex celeberrimo codice argenteo nunc primum deprompsit Franciscus Junius ; hanc autem ex codieibus manuscriptis collatis emendatius recudi curavit Thomas Mareschallus, cujus etiam observationes in’utramque versionem subnectuntur. Accessit glossarium Gotkicum Francisa Junii, in-4°, Dordrecht, 1665. — Voir Haag, La France protestante,

1853, t. iv, p. 390.
B. Heurtebize.

JONA, nom, dans la Vulgate, de deux personnages qui sont appelés d’une manière différente dans le grec du Nouveau Testament. Jona n’est d’ailleurs, pour Jona 1, qu’une forme abrégée de’Iwcxvv/) ; ou Jean, laquelle n’est, elle-même, que la forme grécisée de Yehôhànân ou Yôhdnân. Voir Jean, col. 1153, et Johanan, col. 1591. Dans Jona 2, le nom peut s’interpréter « colombe », si c’est la forme véritable, mais plusieurs manuscrits grecs portent’Iwâvvou ou’Iwâvou, et le font dériver ainsi de Johanan.

1. JONA (grec : ’Iwvâv ; d’après Tischendorf : ’Icovapi), fils d’Éliakim et père de Joseph, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, iii, 30. H n’est pas mentionné dans l’Ancien Testament.

2. JONA (grec : ’Iwvâ ; d’après Lachmann : ’Iuâvo’j), nom du père de saint Pierre, qui est appelé pour cette raison Bar-Jona, Matth., xvi, 17, ou « fils de Jona ». Joa., i, 42 ; xxi, 15. Voir Bar-Jona, t. ii, col. 1461. On ne connaît de lui que son nom.

    1. JONADAB##

JONADAB (hébreu : Yehônâdàb, et par contraction Yônâddb, ’n. Jéhovah encourage » ), nom d’un neveu de David et du fondateur des Réchabites.

1. JONADAB (hébreu : Yônâdâb ; une fois, Yehônâdàb ; Septante : ’IiovaSôë), fils de Semmaa et neveu du roi David. Il se rendit célèbre par sa sagesse et sa perspicacité, II Reg., un, 3, mais il ne fit pas toujours

un bon usage de ces dons naturels. Il était l’ami de son cousin Amnon, fils de David, et il lui fit avouer son amour coupable pour sa sœur Thamar. Il lui conseilla alors de teindre une maladie pour attirer sa sœur chez lui et satisfaire sa passion criminelle. Ce conseil pervers fut suivi et amena le déshonneur de Thamar, et quelque temps après la mort d’Amnon qu’Absalom fit tuer pour venger sa sœur. II Reg., xiii, 5-29. Voir Amnon 1, et Absalom 1, t. i, col. 500 et 92-93. Après ce dernier événement, on annonça à David que tous ses fils avaient été mis à mort par Absalom, mais Jonadab, devinant aussitôt ce qui s’était passé, l’assura qu’Amnon seul avait péri à cause de la violence qu’il avait faite à sa sœur. II Reg., xiii, 30-36.

2. JONADAB (hébreu : Yehônâdàb, dans IV Reg., x, 15, 23, et Jer., xxxv, 8, 14, 16, 18 ; Yônddâb dans Jer., xxxv, 6, 10, 19 ; Septante : ’IwvaSié), fils de Réchab, fondateur des Réchabites. Il descendait de Réchab et appartenait par conséquent à la tribu des Cinéens.

I Par., ii, 55. Voir Cinéen, t. ii, col. 769. Nous connaissons deux épisodes de sa vie. 1° Il vivait du temps de Jéhu et lorsque celui-ci se rendit à Israël pour s’emparer de la royauté et punir la famille d’Achab de son idolâtrie et de ses crimes, Jonadab l’accompagna. IV Reg., x, 15, 23. — 2° Jérémie, xxxv, nous apprend qu’il avait imposé à ses descendants l’obligation de mener la vie nomade, vivant sous la tente, ne se livrant point à l’agriculture et s’abstenant de vin. Voir Réchab et Réchabites. — Le Psaume lxx, 1, porte en titre, dans les Septante et la Vulgate : « Psaume de David. Des fils de Jonadab et des premiers captifs. » Ces mots ne se lisent pas dans le texte hébreu. Ils peuvent signifier que le Psaume lxx était souvent chanté par les Réchabites et les premiers captifs. — D’après un conte oriental, les fils de Jonadab, dans la suite des temps, habitèrent les lies Fortunées ou îles Canaries. Voir F. Nau, La légende inédite des fils de Jonadab, fils de Réchab, et les îles Fortunées ; texte syriaque attribué à Jacques d’Édesse et traduction française, dans la Revue sémitique de M. J. Halévy, 1898, p. 263 ; 1899, p. 54, 136, et à part, in-8o, Paris, 1899.

1. JONAS (hébreu : Yônâh, « colombe, t, S. Jérôme, In Jon., Prol., t. xxv, col. 1117 ; Septante : ’Iwvâ ;  ; Vulgate : Jonas), le cinquième des petits prophètes (fig. 272). — Le prophète Jonas était fils d’Amathi, Jon., 1, 1, et appartenait au royaume d’Israël. Une tradition, qui a été recueillie par certains Pères, affirme que Jonas était le fils de la veuve de Sarepta, ressuscité par le prophète Élie. III Reg., xvii, 17-24 ; cf. S.Jérôme, / » Jon., Prol., t.’xxv, col. 1118 ; Pseudo-Épiphane, De vitis Propk., xvi, t. xliii, col. 407. Cette tradition doit vraisemblablement son origine à une ressemblance des deux mots hébreux : ’Ami(aî, nom du père de Jonas, et’ëmét, « vérité, vrai, fidèle, » appliqué à la parole de dieu par la veuve de Sarepta. I (III) Reg., xvii, 24. Cf. Calmet, Dictionnaire de la Bible, 1783, t. iii, col. 195. —

II naquit à Gethhépher (Vulgate : Geth quæ est inOpher), IV Reg., xiv, 25, dans la tribu de Zabulon (voir Gethhépher, col. 228), et vivait sous le règne de Jéroboam II, roi d’Israël. Voir col. 1303. On ne conteste guère, en effet, l’identité du prophète Jonas et du personnage de ce nom, fils d’Amathi, qui annonça à ce monarque le rétablissement des anciennes frontières de son royaume et ses victoires sur la Syrie et Damas. IV Reg., xiv, 25. Nous ne connaissons de sa vie avec certitude que ce qui est rapporté dans ce passage et dans le livre prophétique qui porte son nom. Voir Jonas 2.

Plusieurs critiques ont cru, mais sans preuve, que la prophétie dont parle l’auteur des Rois est celle qu’Isaie, Xvl, reproduit comme une prophétie ancienne, ꝟ. 13. Voir Bleek-Wellhausen, Einleitung in dos alte Testa

ment, 1878, p. 453. Sur son voyage et sa mission prophétique à Ninive, voir Jonas 2. — Les traditions ou les légendes sur Jonas sont nombreuses ; mais elles n’ont pas assez de consistance pour mériter un sérieux crédit,

272. — Le prophète Jonas. Bas-relief d’une des portes de bronze de Saint-Paul-hors-les-Murs à Rome, exécutées à Constantinople vers la fin du xr> siècle, et détruites par l’incendie qui suivit la mort de Pie VII. D’après N. M. Nicolai, Délia basiltca di SanPaolo, in-fRome, 1815, pl. xvii.

Pour ce qui regarde son tombeau, l’opinion la plus probable le place à Gethhépher, au lieu même de sa naissance. Cf. S. Jérôme, InJon., Prol., col. 1119 ; Trochon, Jonas, dans les Petits Prophètes, Paris, 1883, p. 216-217 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 494 ; V. Guérin, La Terre Sainte, in-4°, Par13, 1882, p. 304-305. V. Ermoni.

    1. JONAS (LE LIVRE DE)##


2. JONAS (LE LIVRE DE). — I. CARACTÈRE DU LIVRE.

— Le livre de Jonas n’est pas une prophétie au sens propre du mot, quoique son auteur soit placé parmi les prophètes. C’est simplement le récit historique de la mission que le prophète reçut de Dieu d’aller prêcher la pénitence à Ninive, et de la manière dont il s’en acquitta.

II. Division et analyse.

Le livre se divise en trois sections : 1° Jonas reçoit l’ordre d’aller prêcher à Ninive et n’obéit pas, i-n ; 2° sur un nouvel ordre de Dieu, il se rend à Ninive, y prêche et sa prédication produit de merveilleux effets, m ; 3° le prophète éprouve du mécontentement à cause du pardon accordé aux Ninivites, et reçoit de Dieu une leçon salutaire, IV. Pour d’autres divisions cf. Kilber, Analysis biblica, édit. Tailhan, Paris, 2856, t. i, p. 495, 496 ; Trochon. Les petits prophètes, Paris, 1883, p. 217, 218 ; Cornely, Introductio specialis, Paris, 1887, t. ii, 2, p. 557, 558.

l" section : Ordre d’aller prêcher à Ninive, i-ii. — Dieu ordonne à Jonas de se rendre à Ninive pour y prêcher la pénitence ; le prophète résiste aux ordres de Dieu ; au lieu de se rendre à Ninive, il va à Joppé, et s’embarque sur un navire phénicien qui allait à Tharsis,

en Espagne, i, 1-3. — Une violente tempête assaille le navire, ꝟ. 4 ; — les matelots sont saisis d’eflroi ; pendant ce temps Jonas est endormi au fond du navire, ꝟ. 5-6

— on tire au sort pour savoir qui est la cause de ce malheur ; Jonas demande qu’on le jette à la mer pour sauver le navire ; de leur côté les matelots font tous leurs efforts pour échapper au naufrage, jp. 7-14 ; — enfin Jonas est jeté à la mer, ꝟ. 15-16. — Il est englouti par un poisson qu’on suppose avoir été une espèce de requin vorace, ii, 1, et non une baleine, comme on le dit vulgairement, voir Baleine, 1. 1, col. 1413. — Dans le ventre du poisson, le prophète adresse à Dieu une prière, ꝟ. 210. — Sur l’ordre de Dieu, le poisson vomit Jonas sur le rivage, ꝟ. 11, en un endroit qui n’est pas indiqué.

1P section : Jonas prêche à Ninive, m. — Dieu renouvelle au prophète l’ordre de se rendre à Ninive, J. 1-2 ; — le prophète obéit cette fois, il se rend dans la capitale de l’Assyrie et y prêche la pénitence, ꝟ. 3-4 ; — les Ninivites se rendent à ses exhortations et font pénitence, ꝟ. 5-9 ; — Dieu retire sa sentence d’extermination, MO-..

ni’section : Mécontentement de Jonas et réponse de Dieu, iv. — Le prophète est mécontent du pardon accordé par Dieu aux habitants de Ninive, $. 1 ; — il adresse à Dieu des plaintes, ꝟ. 2-3. — Dieu lui reproche son irritabilité, ꝟ. 4. — Jonas quitte la ville, et se construit une hutte pour se mettre à l’abri des ardeurs du soleil. Dieu fait pousser une plante dont la croissance fut si rapide qu’elle protégea le prophète de son ombre, ꝟ. 5-6. On pense généralement que cette plante était le ricin. Cf. S. Jérôme, In Jon., iv, 6, t. xxv, col. 1148 (voir Ricin). — Un ver pique la plante et elle se flétrit immédiatement ; Dieu envoie un vent brûlant, et Jonas, exposé aux ardeurs du soleil, exprime sa douleur, ꝟ. 78. — Dieu répond au prophète, t. 9-11, et lui donne une leçon salutaire.

III. Auteur du livre.

Le livre est-il de Jonas lui-même ? — On reconnaît, même parmi les catholiques, que cette question est libre de sa nature et qu’il n’existe aucune raison décisive ni pour ni contre. Cf. Knabenbauer, Inproph. minores, Paris, 1886, t. i, p. 361.

I. opinion de la critique négative.

Elle affirme que le livre est postérieur à Jonas. Mais les divergences commencent quand il s’agit d’en fixer la date : Goldhorn croit qu’il appartient à l’époque de la captivité assyrienne ; Rosenmuller et Bertholdt le placent au temps du roi Josias ; Jager se prononce pour l’époque de la captivité de Babylone ; Jahn, Knobel, Koster, Ewald, E. Meier en placent la composition après la captivité ; Watke, au iiie siècle avant J.-C. ; Hitzig, à l’époque des Machabées, et en Egypte ; Bleek dit d’une manière générale qu’il fut écrit longtemps après Jonas. Cf. Trochon, Les petits prophètes, p. 220. D’après Driver, on ne s’éloigne pas beaucoup de la vérité en le plaçant au Ve siècle avant J.-C. ; Introduction, 7e édit., Edimbourg, 1898, p. 322.

II. PREUVES EN FAVEUR DE LA COMPOSITION DU

livre par le propbbte lui-même. — 1° Directes. — 1. L’insertion au canon ; la prophétie de Jonas a toujours fait partie du canon juif et a été placée au nombre des livres prophétiques, les nebi’im ; or on ne comprendrait pas pourquoi les Juifs ont mis au rang des livres prophétiques un écrit de cette nature qui ne contient pas de prédictions comme les autres, s’ils n’avaient pas eu de fortes raisons de croire qu’il était proprement l’œuvre d’un prophète. — 2. L’Ecclésiastique, après avoir loué Isaie, Jérémie et Ézéchiel, auteurs de leurs livres respectifs, parle, xlix, 12, des douze petits prophètes ; il regarde donc Jonas comme l’auteur du livre qui porte son nom au même titre que les onze autres petits prophètes. — 3. L’antiquité et la tradition, soit juive, soit chrétienne, sont favorables à l’authenticité. — 4. Le récit lui-même porte un certain cachet d’authenticité l’auteur raconte hum-'

blement les fautes de Jonas : sa désobéissance aux ordres de Dieu ; son audace à discuter avec lui ; sa cruauté à vouloir la destruction de toute la ville de Ninive. Cet accent de sincérité conient mieux à Jonas lui-même qu’à un autre auteur ; car un autre auteur n’eût jamais dévoilé avec autant de franchise les faiblesses du prophète Jonas pour lequel les Juifs avaient tant de vénération. Cf. Cornely, Introductio specialis, t. ii, p. 564. 2° Preuves indirectes ou réponses aux objections.


Les objections contre l’authenticité sont de deux sortes : littéraires et philologiques. — 1. Littéraires. — a) On dit que l’auteur parle toujours à la troisième personne ; mais cette raison n’est pas concluante, car d’autres prophètes, tels qu’Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, parlent parfois à la troisième personne. "— 6) On dit aussi que le récit n’a rien qui trahisse un témoin oculaire ; mais il n’a rien non plus qui dénote le contraire. — c) D’après, iii, 3, Ninive « était » une grande ville ; on en conclut qu’elle n’existait plus au moment où l’auteur écrivait et que par conséquent le livre est postérieur à la destruction de Ninive ; mais cet imparfait, hdyetâh (f, v, eral), peut être, comme disent les grammairiens, un imparfait synchronistique ; l’auteur se reporte au temps où il visita la ville, et par conséquent à un temps passé. — d) Le chapitre ii, 2-10, contiendrait des emprunts à certains Psaumes de date récente ; cf. Jon., ii, 2, et Ps. cxx, l ; — y. 3 et Ps. xviii, 4, 7 ; xlii, 7 ; —ꝟ. 4 et Ps. xlii, 8 ; — y. 5 et Ps. xxxi, 23 ; —ꝟ. 6 et Ps. xviii, 5 ; lxix, 2 ; — y. 8etPs. xviii, 7 ; cxliii, 4 ; — ꝟ. 9 et Ps. xxxi, 7 ; — ꝟ. -10 et Ps. iii, 9 ; xlii, 5 ; l, 14, 23 (d’après l’hébreu) ; mais, outre que beaucoup de critiques pensent que la prière de Jonas est antérieure aux Psaumes qui viennent d’être cités, même si l’on admettait que Jonas a puisé dans les Psaumes, il faudrait prouver que ces Psaumes sont de date récente et postérieurs au vine siècle avant J.-C, ce que l’on ne peut faire. — e) On affirme que le ton général et les sentiments accusent un auteur récent ; on insiste surtout sur « l’universalisme » du salut, qui est promis à tout le monde ; mais cet universalisme est enseigné par d’autres prophètes anciens. Cf. Is., ii, 2, 3 ; Ose., ii, 24, cité par saint Paul, Rom., ix, 25. — f) On ajoute que l’omission du nom du roi des Assjriens, dans le chapitre iii, prouve que ce roi n’était pas connu de l’auteur ; iii, 6, 1e simple titre : « roi de Ninive, » n’aurait jamais été donné au roi si celui-ci avait été encore en vie ; mais c’est le contraire qui est vrai : c’est surtout le roi régnant qu’on désigne simplement par son titre, au lieu de l’appeler par son nom propre. — 2. Preuves philologiques. — On prétend que le livre de Jonas contient des /ormes de date récente, des aramaismes : 1, 5, sefînâh, « navire ; » ce mot ne se trouve pas ailleurs, mais comme c’est un terme technique de marine, il a pu être emprunté aux Phéniciens, peuple navigateur ; — I, 6, rab, « chef » [des matelots !  ; ce mot était déjà employé à l’époque de Jérémie ; cf.Jer., xxxix, 9 ; — 1, 6, [hithpahel] du verbe’àSat dans le sens de « penser » ; ce mot se trouve à la forme kal dans Jer., v, 28 ; Dan., vi, 4 ; Ps. cxlvi, 4 ; ne se trouve plus ailleurs ; c’est unaramaisme qui s’explique bien par le dialecte galiléen, propre à Jonas ; — i, 7, be-Séllemî, « en quoi, pourquoi ; » i, 12, selli, « en quoi, parce que ; » IV, 10, Se « que ; » dans ces mots on emploie la forme abrégée ëa [w] pour la pleine’asér ["lira] ; cette forme abrégée se trouve dans des livres plus anciens ; cf. Jud., v, 7 (bis) ; vi, 17 ; et Cant., i, 6, 7 ; viii, 12 ; — ii, 1, 2 ; iii, 2, qâra’, dans le sens de « prêcher » ; ce mot se trouve avec la même signification dans Exod., xxxii, 5 ; Is., xl, 6 ; xliv, 7 ; lviii, 1 ; Jer., ii, 2 ; vii, 7 ; Joël, iv (hébreu), 9 ; Prov., i, 21 ; rai, l ; xs, 1 ; — i, 4, hêtil, « susciter ; » ce mot se trouve dans I Sam. (Reg.), xviii, 11 ; xx, 33 ; — i, 11, 12, Sâfaq, « se taire ; » se trouve dans Prov., xxvi, 20 ; — ii, 1 ; iv, 6, quhel de) mânâh, « préparer, » employé comme dans j Par., ix, 29 ; Dan., i, 10, 11 ; ce mot se trouve sous

d’autres ormes dans Num., xxiii, 10 ; II Reg., xxiv, 1, IV Reg., xii, 11 ; Is., lxv, 12 ; Jer., xxxiii, 13 ; Job, vii, 3 ; le pihel peut donc s’expliquer par le dialecte galiléen ; — iii, 7, ta’am dans le sens de « jugement » ; cf. Dan., iii, 10, 29 ; I Esd. (hébreu), vi, 14 ; vii, 23 ; c’est là un mot technique pour désigner les édits des rois assyriens et babyloniens ; l’auteur prouve par là qu’il connaissait les usages assyriens ; — iv, 10, ’âmal, « travailler ; » ce mot se trouve dans Deut., xxvi, 7 ; Jud., v, 26 ; — IV, 11, ribbô, « mille ; » ce mot se trouve sous la forme rebâbâh dans Lev., xxvi, 8 ; Deut., xxxii, 30 ; Jud., xx, 10 ; au duel on le trouve dans Ps. lxviii (hébreu), 18 ; — I, 9, locution, ’Ëlôhê haè-sâmaîm, « Dieu du ciel ; » cette locution se trouve dans Gen., xxiv, 3. — En résumé, si l’on excepte quelques termes techniques et quelques idiotismes galiléens, la langue du livre est parfaitement régulière.

IV. Caractère historique du récit.

i. opinion DES rationalistes. — La critique négative nie le caractère historique des faits racontés dans le livre de Jonas, mais les explique de manière très diverse. — Pour H. von der Hardt, Less, Palmer, Krahmer, le récit est une simple allégorie ; pour Eichhorn, c’est une légende ; pour Augusti, Renan, Muller, c’est un conte ; pour Koster, Jager, Hitzig, c’est une fiction prophétique didactique ; pour Grimm, c’est le récit d’un songe ; pour d’autres, c’est un mjthe, emprunté au mthe grec d’Hésione (Rosenmùller, de Wette, Friedrichsen, Forbizer), ou au mjthe babylonien d’Oannès (Baur) ; R. Simon, Pareau, Gesenius. Jahn, Winer, Knobel, Nicmeyer, Paulus, Ewald, Driver y voient un enseignement didactique ou une parabole ; Driver va même jusqu’à dire que le but du livre est une explication pratique de la doctrine de Jérémie, xviii, 7-8 ; cf. Trochon, Les petits prophètes, p. 220, 221, 224, 225 ; Cornély, Introductio specialis, t. ii, 2, p. 562 ; Driver, Introduction, p. 323, 324 ; J. Friedrichsen, Kritische Vebemcht uber die verschiedenen Ansichten uber Jona, 2e édit., Leipzig, 1841 ; Ed.Riehm, dans les Theologische Studienund Knliken, 1862, p. 413.

II. PREUVES EN FAVEUR DU CARACTÈRE HISTORIQUE. —

° Directes. — 1. L’insertion aucanon juif’. Commenous l’avons déjà dit, les Juifs mirent le livre de Jonas au nombre des livres prophétiques ; cela prouve qu’ils étaient convaincus de son historicité ; s’ils n’y avaient vu qu’une parabole, ils l’auraient mis au nombre des hagiographes.

— 2. La tradition juive. Cette tradition nous est parvenue par deux voies : — a) le livre de Tobie, xiv, 4 (texte grec), mentione explicitement les paroles de Jonas louchant la destruction de Ninive ; — 6) l’historien Josèphe, Ant. jud., IX, x, 2, résume le livre de Jonas comme un document historique. — 3. Notre-Seigneur, dans le Nouveau Testament, parle de l’engloutissement de Jonas dans le ventre d’un poisson comme d’un fait réel. Matth., XII, 39-41 ; xvi, 4 ; Luc, xi, 29, 30, 32. — 4. Arguments intrinsèques : a) La mission de Jonas à Ninive concorde très bien avec les circonstances historiques de son époque : c’est à peu près à cette époque que s’établissent les premières relations entre l’Assjrie et Israël ; cf. Ose., v, 13 ; x, 6 ; quelques années après la mort de Jéroboam II, sous lequel avait vécu Jonas, et sous le règne de Manahem, le roi d’Assyrie Phul [= Théglathphalasar III] (745-727 avant J.-C.) envahit le royaume d’Israël. Cf. IV Reg., xv, 19, 20. — 6) La description de Ninive qu’on lit dans Jonas, iii, 3, s’accorde avec les renseignements donnés par les historiens classiques. Cf. Diodore de Sicile, ii, 3. Les travaux modernes ont confirmé d’une manière assez exacte ce que dit Jonas sur les dimensions de Ninive. Cf. Layard, Nineveh and Babylon, Londres, 1853 ; Id., Nineveh and its Remains ; Oppert, Expédition en Mésopotamie, Paris, 1862 ; Jones, Topography of Nineveh, dans le Journal of the Ii. Asialic Society, 1855, t. xv, p. 297-335 ; G.Raw

linson, The five great Monarchies, 2e édit., p. 252-261 ; Billerbeck-Jeremias, Der Untergang Nineveh’s, dans les Beilrâge zur Assyriologie, t. iii, p. 127-131 ; Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 601-604 ; t. iii, 467-471. — c) La profonde corruption morale de Ninive, dont parle le prophète Jonas, est attestée par d’autres prophètes. Cf. Nah., iii, 1 ; Soph., ii, 25. — d) Le deuil imposé aux hommes et aux animaux, Jon., iii, 5-8, est aussi une coutume asiatique. Cf. Hérodote, rx, 24. — e) Enfin le ton général du livre : « Qui, sinon un témoin oculaire, aurait dépeint ces matelots adorant chacun leurs propres dieux, mais craignant la colère de Jéhovah et le suppliant dès qu’ils entendent parler de lui ? Les Ninivites qui croient en Dieu et se repentent dans le sac et la cendre, font aussi un contraste caractérisé avec le prophète israélite, qui fuit Jéhovah, et qui, même après sa miraculeuse délivrance, se montre encore chagrin de la miséricorde divine envers les païens. Tout cela constitue bien des traits historiques, qui excluent toute invention et toute fiction. Aussi Delitzsch appelle-t-il avec vérité le livre de Jonas une confession de péché écrite plus tard par le prophète repentant, avec un profond mépris de soi-même. » Trochon, Les petits prophètes, p. 223. 2° Preuves indirectes ou réponses aux objections.


1. On dit que le livre contient des miracles nombreux et incroyables ; mais il y a bien d’autres livres de la Sainte Écriture qui contiennent des miracles ; il faut donc, comme dit saint Augustin, ou les admettre tous ou les rejeter tous, Epist. cil, t. xxxiii, col. 382 ; rien n’est impossible à Dieu, et il ne nous convient pas de distinguer entre miracles et miracles. — 2. On dit aussi qu’il est impossible de croire à cette mission de Jonas chez les Ninivites ; mais qu’y a-t-il d’impossible en cela ? Nous avons des exemples analogues de la conduite de Dieu à l'égard des peuples païens : miracles de Joseph et de Moïse en Egypte, de Josué à l’entrée du peuple dans le pays de Chanaan, d’Elie en Phénicie, d’Elisée en Syrie ; pourquoi Dieu n’aurait-il pas pu se révéler aux Ninivites ? — 3. Comment, dit-on, un seul individu a-t-il pu produire un si grand effet sur une si vaste cité? Mais la grâce de Dieu est toute-puissante ; dès lors que cette conversion soudaine est l’effet de la grâce divine, on ne peut nullement la regarder comme impossible. — 4. On ajoute qu’il n’est resté aucun souvenir de cet événement dans les textes assyriens ; mais cette difficulté est loin d'être concluante ; car il y a d’autres événements dont il n’est resté aucun souvenir dans les textes ; de plus, les textes assyriens n’ont pas encore livré leur dernier secret ; ajoutons qu’Hàvernick a cru voir une allusion à cet événement dans Ézéchiel, iii, 5, 6 ; mais ce passage est trop vague. — 5. Il n’est pas facile, dit-on encore, d’imaginer un monarque, tel que ceux qui sont décrits dans les inscriptions assyriennes, se soumettant avec tant de docilité à ce que demandait Jonas. On oublie que les Assyriens étaient particulièrement superstitieux et crédules et qu’ils ne doutaient point qu’un Dieu étranger pût leur infliger des châtiments ; de nombreux textes en font foi. — 6. Il est étonnant que la conversion des Ninivites, si elle s'était produite sur une si vaste échelle, ait eu un résultat si peu durable ; car les Assyriens sont toujours représentés comme idolâtres dans l’Ancien Testament. — Le livre de Jonas dit que les Ninivites crurent aux menaces du prophète et firent pénitence, mais non qu’ils devinrent monothéistes et cessèrent d’adorer leurs propres dieux. Driver, " Introduction, p. 324.

V. Canonicité.

Elle n’a jamais été contestée. 1° Le livre a toujours fait partie du double canon, juif et chrétien. — 2° Notre-Seigneur l’a employé comme Écriture divine. Matth., sii, 39-41 ; xvi, 4 ; Luc, si. 21, 30, 32. — 3° Les nombreuses représentations de Jonas dans les catacombes (fig. 273, 274, 275) et sur les sarcophages chrétiens des premiers siècles, qui reproduisent toutes les

scènes de son livre, attestent que l'Église le tenait pour canonique. Cf. Canon, t. ii, fig. 63, col. 159. Voir aussi t. ii, fig. 392, col. 1081. C’est un des écrits de l’Ancien Testament, auxquels les artistes chrétiens à toutes les époques

273. — Jonas englouti par le poisson. Cubiculum de sainte Cécile. D’après Garrucci, Storia dell’arte cmstiana, t. ii, p. 22.

ont fait le plus d’emprunts. Voir fig. 276. Cf. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2e édit., p. 412, 427-429 ; Marucchi, Eléments d’archéologie chrétienne, in-8°, Rome, lflOO, p. 301 ;

274. — Jonas rejeté par le poisson. Cubiculum de sainte Cécile. D’après Garrucci, Stona dell’atte ensttana, t. ii, pl. 22.

E. Hennecke, Altchristliche Malerei, in-8°, Leipzig, 1896 ; O. Mitius, Jonas auf den Denkmalern des chnstlichen Alterthums, in-8°, Fnbourg-en-Biisgau, 1897, p. 105-114, qui énumère 175 représentations. — 4° Les Pères apos 275. — Jonasà l’ombre de la cucurbite. Cubiculum de sainte Cécile. D’après Garrucci, Storia deU’arte cristiana, t. ii, pl. 22.

toliques : qu’il nous suffise de citer saint Clément do Rome, I Cor., vil, 7, édit. O. de Gebhardt et Ad. Harnack, Leipzig, 1900, p. 4. Saint Clément rappelle que Jonas annonça la catastrophe de Ninive.

VI. Signification symbolique de l’histoihe de Jonas. — En général les Pères de l'Église se sont plu à

voir une signification symbolique dans l’histoire de Jonas. Qu’il nous suffise de mettre en relier les principaux aspects de ce symbolisme : la mission du prophète devait éclairer Israël sur la situation du monde païen par rapport au royaume de Dieu. Israël, opprimé par les peuples païens, était naturellement porté à les regarder comme incapables de salut. La mission de Jonas à Ninive concourut pour beaucoup à détruire ce préjugé.

l’admirable leçon de charité qu’il lui donne, iv, 10, 11, montrent bien à Israël l'étendue et les secrets de la miséricorde divine. La mission de Jonas tut une preuve de la volonté qu’a Dieu de sauver tous les hommes, selon I Tim., ii, 4, et comme une prophétie de la conversion future des gentils, ainsi que l’ont justement remarqué les Pères. « Sous le nom de Ninive, il annonçait le salut aux gentils, » dit saint Jé 276. — Jonas. D’après une miniature d’un Psautier du Xe siècle. Bibliothèque Nationale. Cod. gr., 130. — Au bas, à gauche, Jonas est jeté dans la mer et englouti par le poisson. À droite, le monstre rejette sa proie. Au-dessus, le prophète, nimbé, debout sur les rochers du rivage, remercie Dieu de sa délivrance. À gauche, Jonas, k la porte de Ninive, est reçu par un vieillard accompagné de jeunes gens. Sur la porte, des curieux.

Cette admissibilité des païens au salut est assez nettement indiquée dans plusieurs traits du récit : attitude des matelots païens, qui craignent et invoquent le Dieu du ciel et de la terre ; — impression produite par la prédication de Jonas à Ninive ; — pénitence générale des habitants de la ville ; — la conduite du prophète ellemême exprime bien les sentiments du peuple juif à l'égard des gentils : il essaye de se soustraire à la mission que Dieu lui impose, parce qu’il ne peut comprendre la bonté de Dieu à l'égard de Ninive, nr, 2 ; — cependant l’action de Dieu finit par le gagner ; alors il reconnaît sa faute et prie les marins de le jeter à la mer, i, 12. — La manière dont Dieu réprimande Jonas,

rôme, Epist. lui, ad Paulinum, t. xxtll, col. 5î6 ; Kaulen, Liber Jonse proplietse, in-8°, Mayence, 1862, p. 79.

VII. Éléments messianiques dans le livre de Jonas. — Il n’y a pas, à strictement parler, de prophéties messianiques dans le livre de Jonas ; sa prédication à Ninive est une annonce de la prédication des Apôtres et de la conversion des gentils comme on vient de le voir. De plus, Jonas lui-même lut, par sa vie, une figure de Notre-Seigneur ; cf. S. Jérôme, In Ose., iii, 12, t. xxv, col. 928 ; In Jon., Prol., col. 1117 : 1° Jonas envoyé à Ninive pour prêcher le salut et la pénitence représente Jésus-Christ envoyé dans ce monde pour le sauver. — 161C

JONAS (LIVRE DE) — JONATHAN

4644

2o Jonas qui ne veut pas prêcher aux Ninivite « i, peuple païen, rappelle Jésus-Christ qui se dit uniquement envoyé pour sauver les brebis perduesde la maison d’Israël. Matth., xv, 24. — 3o Le séjour de trois jours de Jonas dans le ventre du poisson a été interprété par Notre-Seigneur lui-même, Matth., xii, 40, comme la figure des trois jours qu’il passa dans le tombeau. Cf. S. Augustin, Epist. cil, t. xxxiii, col. 383-386.

VIII. Texte et langue.

Le texte original du livre est l’hébreu avec quelques particularités propres au dialecte galiléen. Le style est généralement beau et élégant ; l’auteur exprime ses idées avec beaucoup de vivacité et de naturel. Au point de vue de la phraséologie, on peut signaler des ressemblances avec d’autres écrivains ; cl. Jon., 1, 14, et Jer., xxvi, 15 ; — Jon., iii, 8 b, et Jer., xviii, ll b ; xxvi, 3 a ; — Jon. iii, 9o, et Joël, ii, 14 ; — Jon., iii, 9 b, et Exod., xxxii, 12 b ; — Jon., iii, 10 b, et Exod., xxxii, 14 ; — Jon., iv, 2 b, et Exod., xxxiv, 6 b ; Joël, ii, 13 b ; —Jon., iv, 3o, 8 b, et III Eeg., xix, 4 b.

IX. Bibliographie.

Outre les ouvrages cités, cf. S. Éphrem, Opéra Sxjriaca, t. ii, p. 234-315 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Jon., t. lxxi, col. 597-637 ; Théodoret de Cyr, In Jon., t. lxxxi, col. 1720-1740 ; pour d’autres anciens commentateurs, soitcatholiques, soit protestants, voir Trochon, les Petits prophètes, p. 228-230 ; — pour des travaux plus récents, cf. (Brunengo), Ninive ai ternpi di Giona profeta, dans la Civiltà cattolica, 15 mai 1880, p. 401-418 ; * M. Kalisch, Bible Studies, part. II, Londres, 1878 ; * C. H. H. Wright, Biblical Essays, 1886, p. 3498 ; * Frz. Delitzsch, Messianische Weissagungen, in-8o, Leipzig, 1890, p. 88 ; * H. Martin, The prophet Jonah, in-8o, Londres, 1891 ; * Clay Trumbull, Jonah in Nineveh, Philadelphie, 1892 ; * J. Kennedy, On the Book of Jonah, Londres, 1895 ; P. Kleinert, Die Propheten Obadja, Jona, 2e édit., in-8o, Bielefeld, 1893 ; M. Lôwy, Ueber das Buch Jona, in-8o, Vienne, 1892 ; A. Fournier, Sur la traduction par S. Jérôme d’un passage de Jonas, in-8o, Paris, 1895 ; * B. Wolf, Geschichte der Propheten Jona, nach einer Karschemischen Handschrift der k. Bibliolhekzu Berlin, in-8o, Berlin, 1897 ; Frz. Kaulen, Liber Zonas prophétie expositus, in-8o, Mayence, 1862 ;

  • Alb. Rebattu, De libri Jonse sententia theologica, Iéna,

1875 ; * A. C. O’Connor, Élude sur le livre de Jonas, in-8o, Genève, 1883. V. Ermoni.

    1. JONAS Justus Judonis##


3. JONAS Justus Judonis, théologien allemand, luthérien, né à Nordhausen le 5 juin 1493, mort à Eisfeld le 9 octobre 1555. Après avoir suivi des cours de droit à Wittenberg, il fut professeur à l’université d’Erfurt où il avait commencé ses études et devint chanoine de Saint-Séverin ; mais il embrassa avec ardeur les erreurs prêchées par Luther, se maria, et lut le compagnon fidèle de cet hérétique. Il enseigna le droit à Wittenberg, puis la théologie et attaqua avec violence les croyances et les cérémonies de l'Église romaine. Il fut un des rédacteurs et des principaux défenseurs de la confession d’Augsbourg. Il prêcha la réforme dans divers États de l’Allemagne et, afin de propager les nouvelles doctrines, se fit le traducteur des œuvres de Luther et de Mélanchton ; il fut le collaborateur du premier dans sa traduction de la Bible en langue vulgaire. Il assista à la mort de Luther et, en 1553, devint superintendant d’Eisfeld. Parmi ses écrits nous ne mentionnerons que : Prmfatio in Epistolas diviPauli Apostoliad Corinthios, in-4o, Erfurt, 1520 ; Annotaliones in Acta Apostolorum, in-8o, Wittenberg, 1524. — VoirL. Reinhard, Commentatio historico-theologica de vita et obilu jusli Jonse, theologi magnis in Christi ecclesiam merilis ce ; leberrimi et B. Lutheri in emendandis sacris adjutoris et socii laborum fidelissimi, in-8o, Weimar, 1731 ; G. C. Knapp, Narratio de Justo Jona, theologo Wittebsrgensi atque Halensi, in-4o, Halle, 1817 ; Walch, Bibl". theologica, t. iv, p. 654. Heurtebize.

    1. JONATHAN##

JONATHAN (hébreu : Tehôndtân, forme complète, et ïdnâfdn, forme abrégée ; les deux formes sont employées presque indifféremment dans l'Écriture, « Jéhovah a donné ; » Septante : 'IwvâOav), nom de vingt Israélites dans le texte hébreu. La Vulgate a conservé la lorme Jonathan pour quinze personnages ; pour les cinq autres, elle a donné à leur nom la terminaison latine de Jonathas.

1. JONATHAN (hébreu : Yehônâtân), fils de Gersam et petit-fils de Moïse, ou bien leur descendant, si le mot « fils » ne doit pas être pris dans son sens propre et rigoureux. Jud., xviii, 30. Le texte massorétique porte « fils de Manassé », au lieu de « fils de Moïse », au moyen de l’intercalation d’un ii, dans le nom hébreu de Môséh, mais une note rabbinique porte la leçon Môséh que nous lisons dans la Vulgate et" dans plusieurs manuscrits grecs. On a supposé, à tort ou à raison, que le nom de Manassé avait été substitué à celui de Moïse, par respect pour le nom du législateur qu’avait déshonoré la conduite de son descendant. Jonathan, en effet, joua un rôle indigne de son origine dans l'épisode de son histoire qui nous a été conservé. Étant encore jeune, il quitta Bethléhem de Juda où il habitait et erra à l’aventure dans le pays pour y chercher fortune. Il arriva ainsi à la montagne d'Éphraim, chez Michas, homme riche de cette contrée qui s'était fait fabriquer une idole d’argent et l’avait placée dans un sanctuaire domestique. Apprenant que son hôte était lévite, Michas lui proposa de devenir prêtre de son idole, moyennant dix sicles d’argent par année et son entretien. Jonathan accepta et demeura chez l'Éphraimite jusqu'à ce que les Danites, ayant dérobé l’idole de Michas, l’emmenèrent avec eux à Dan, où lui et ses fils furent les prêtres de l’idole jusqu'à la captivité. Il n’avait pas été étranger à tout ce qu’avaient fait les Danites en ces circonstances. Se trouvant à l'étroit dans le sud de la Palestine, ces derniers avaient envoyé cinq d’entre eux explorer le pays et, au cours de leur voyage, ils avaient rencontré chez Michas Jonathan qui leur avait assuré, après avoir consulté Dieu, qu’ils trouveraient ce qu’ils cherchaient. Ils constatèrent, en eftet, qu’il était facile de s’emparer de Lais (appelée depuis Dan), et à leur retour ils rendirent compte de leur message. Six cents Danites partirent alors pour aller s'établir à Lais, et, sur leur route, en passant chez Michas, ils s’emparèrent de l’idole et des autres objets du culte idolatrique, et ils déterminèrent Jonathan à les accompagner pour leur servir de prêtre. C’est ainsi qu’il abandonna son ancien maître et lui fut infidèle comme il l’avait été à la loi de Dieu. Jud., xviii. L'événement raconté dans ce chapitre dut servir plus tard de prétexte à Jéroboam I" pour établir à Dan le culte idolatrique du veau d’or. Voir Jéroboam Ier, col. 1303.

2. JONATHAN (hébreu : Yehônâfân), fils de Samaa. frère de Jonadab et neveu de David. Il se distingua par sa bravoure et, comme son oncle David, tua en combat singulier un géant de la race d’Arapha ou Rapha (voir Arapha, t. i, col. 878), qui avait six doigts à chaque main et à chaque pied. II Reg., xxi, 20-21 ;

I Par., xx, 6-7. Certains commentateurs identifient ce Jonathan avec le conseiller de David du même nom mentionné I Par., xxvii, 32, mais celui-ci est qualifié d’oncle et non de neveu de David. D’après quelques commentateurs, Jonathan est le même que le prophète Nathan. Voir Isai, col. 936.

3. JONATHAN (hébreu : Yehônâfân), un des héros {gibbôrîm) de David. Dans I Par., xi, 34, il est appelé fils de Sage, Ararite (voir Arari, t. i, col. 882), et dans

II Reg., xxiii, 32, la Vulgate le donne comme fils de Jassen. Le passage semble altéré. Le texte hébreu porte : Bèuê 1615

JONATHAN — JONATHAS

-1646

YdSén ; Yehônâtàn ; Sammâh, etc., et non pas : Filii Jassen, Jonathan, Semma, etc., comme a traduit la Vulgate ; c’est-à-dire que la ponctuation massorétique ne rattache pas Benê YâSen à Jonathan, ainsi que l’a fait saint Jérôme. D’après R. Driver, Notes on the Hébrew Text of the Books of Samuel, in-8°, Oxford, 1890, p. 283, le texte doit être ainsi corrigé : « Jassen (ou Assem, transformation du nom de Jassen dans I Par., xi, 33), le Gunite (ou descendant de Guni, au lieu de Gézonite qu’on lit dans le texte actuel ; voir Gézonite et Guni i, col. 235 et 368) ; Jonathan, fils de Semma. » Cf. II Reg., uni, 32-33.

4. JONATHAN (hébreu : Yônâtân), de la tribu de Juda, second fils de Jada, père de Phaleth et de Ziza. I Par., Il, 32-33. Il était petit-fils de Jéraméel. Son frère Jéther étant mort sans enfants, ses deux fils représentèrent toute la descendance de Jada.

5. JONATHAN (hébreu : Yehônàfân), fils d’Ozias, trésorier de David, chargé de la garde des biens que le roi possédait dans les champs, dans les villes, les villages et les tours ou citadelles. La Vulgate ne parle pas des champs que mentionne le texte hébreu (sddéh). I Par., xxvii, 25,

6. JONATHAN (hébreu : Yôndtân), oncle de David et son conseiller, qualifié de « homme sage et lettré ». 1 Par., xxvii, 32. Certains commentateurs confondent ce Jonathan avec Jonathan 2, fils de Samaa.

7. JONATHAN (hébreu : Yôndtân), un des lévites qui furent envoyés par Josaphat, dans les villes de Juda, latroisièmeannéedesonrégne, pour instruire le peuple dans la loi de Dieu. II Par., xvii, 8.

8. JONATHAN (hébreu : Yôndtân), père d’Abed, de la famille d’Adan. Abed revint, à la tête de cinquante hommes, avec Esdras, de la captivité de Babylone en Palestine. IEsd., viii, 6.

9. JONATHAN (hébreu : Yôndtân), fils d’Azahel. Il était probablement prêtre et fut chargé par Esdras avec Jaasia, d’après la Vulgate, de dresser la liste des Israélites qui avaient épousé des femmes étrangères. I Esd., x, 15. D’après le texte hébreu, Jonathan s’opposa au dénombrement. Voir Jaasia, col. 1053.

10. JONATHAN (hébreu : Yôndtân), fils de Joïada et père de Jeddoa. II Esd., xii, II. Beaucoup de critiques pensent qu’il est le même que celui qui est appelé Johanan dans II Esd., xii, 22. Voir Johanan 12, col. 1592. Tout ce que le livre de Néhémie nous apprend de lui, en lui attribuant ce qui est dit de Johanan, c’est qu’à son époque on modifia la manière de conserveries listes généalogiques. II Esd., xii, 22. C’est peut-être ce grandprêtre qui est aussi nommé II Mach., i, 23. Voir Jona-THAS 5. Josèphe parle de ce grand-prêtre sous le nom de’ItoâvvT) ; ou Jean. Anl jud., XI, vii, 1. Il le fait vivre sous le régne d’Artaxerxès Mnémon (405-359 avant J.-C), et raconte qu’il fit périr son propre frère Jésus dans le Temple de Jérusalem, parce que Bagosès, général perse, avait promis à Jésus de lui donner le souverain pontificat. Ce crime attira beaucoup de calamités sur les Juifs. Eusèbe, dans sa Chronique, t. II, t. xix, col. 478, l’appelle Jean, et dans sa Démonstration évange’lique, vin, t. xxii, col. 616, Jonathan. Son pontificat dura trente-deux ans. Voir J. Selden, De successwne in Pontificatum Ebrœorum libii duo, i, 7, dans ses Opéra oninia, édit Wilkins, 3 in-f°, Londres, 1726, t. ii, col. 116.

41. JONATHAN (hébreu : Yehônâtàn), prêtre qui vivait du temps du grand prêtre Joacim (voir Joaciji 2,

col. 1551) et qui était le chef de la famille sacerdotale de Milicho. II Esd., xii, 14.

12. JONATHAN (hébreu : Yehônâtàn), prêtre, contemporain du grand-prêtre Joacim. Il était le chef de la famille sacerdotale de Sémaïa. II Esd., xii, 18.

13. JONATHAN (hébreu : Yôndtân), père de Zacharie. Zacharie fut un des prêtres qui jouèrent de la trompette à la fête de la dédicace des murailles de Jérusalem. Il est dit lui-même fils de Séméia, pour indiquer sans doute qu’il appartenait à la classe sacerdotale de Séméia. II Esd., xii, 34.

14. JONATHAN (hébreu : Yehônâtàn), scribe contemporain de Jérémie. Lorsque le prophète voulut sortir de Jérusalem pour aller à Anathoth, il fut accusé faussement de vouloir se rendre aux Chaldéens et jeté en prison dans la maison de Jonathan qui fut son geôlier. Il oblint du roi Sédécias de ne pas rester dans cette prison où il serait mort, mais d’être incarcéré dans le vestibule de la prison du palais royal, où il resta jusqu’à la prise de la villeparles Chaldéens. Jer., xxxvii, 14, 19 ; xxxviii, 26.

15. JONATHAN (hébreu : Yôndtân), fils de Carée et frère de Johanan. Il se rendit avec son frère à Masphath auprès de Godolias, que Nabuchodonosor avait nommé gouverneur de la Judée après la prise de Jérusalem. Jer., xl, 8. Voir Johanan 1, col. 1591. Le nom de Jonathan est omis dans les Septante, de même que dans quelques manuscrits hébreux. Il n’est pas nommé non plus dans IV Reg., xxv, 23.

16. JONATHAN BEN-UZZIEL. On lui a : tribue des Targums sur différents livres de l’Ancien Testament. Voir Targums.

    1. JONATHAS##


JONATHAS, nom, dans la Vulgate, de cinq Israélites qui sont appelés Jonathan dans le texte original. Voir Jonathan, col. 1614.

1. JONATHAS (hébreu : Yehônâtàn et Yôndtân), fils aîné de Saul et d’Achinoam. I Reg., xiv, 50. — Jonathas apparaît pour la première fois aux côtés de son père dans la lutte contre les Philistins. Il est déjà assez habile et assez brave pour que Saul lui confie un corps de guerriers. Pendant que le roi se tenait avec deux mille hommes à Machmas, Jonathas en commandait mille à Gabaa de Benjamin. De là, il se porta sur Géba*, dont il battit la garnison. Voir Gabaa 2, col. 4. Ce fait d’armes eut pour résultat de mettre en mouvement les Philistins, qui accoururent en armes à Machmas. Ils étaient en nombre tellement supérieur, que les Israélites prirent peur ; les uns se cachèrent dans les cavernes, les fourrés, les rochers et les citernes ; les autres fuirent même au delà du Jourdain, dans le pays de Gad et de Galaad. Saul n’avait avec lui que six cents hommes. Il campait avec Jonathas à Gabaa, tandis que les Philistins occupaient Machmas. Les deux localités ne sont, à vol d’oiseau, qu’à une distance de quatre kilomètres ; mais une vallée profonde les sépare, et l’altitude de Machmas atteint 607 mètres. Voir la carte de Benjamin, t. i, col. 1588. Du camp des Philistins sortirent trois bandes qui s’en allèrent ravager les pays d’alentour. Les Israélites n’avaient aucun moyen de les arrêter. Les Philistins les obligeaient de recourir à eux pour l’achat et l’entretien de leurs outils. Tout naturellement, ils se gardaient bien de fournir des armes à leurs voisins. Seuls le roi et son fils en possédaient. Un jour Jonathas proposa à son écuyer de s’avancer ensemble jusqu’à un poste de Philistins établi sur le passage qui mené à Machmas. « Peut-être, disait-il, Jéhovah inlerviendra-t-il pour nous ; il lui est facile de sauver avec peu d’hommes comme avec beaucoup. »

L'écuyer accepta avec empressement. Jonathas convint que si les Philistins leur disaient : « arrêtez, nous allons à vous, s ils resteraient en place ; mais que s’ils disaient : « Montez, » ce serait le signe que Dieu était pour eux. L’entreprise n'était donc pas laissée à l’aventure ; Jonathas, qui avait en vue le bien de son peuple, comptait que Dieu daignerait montrer sa volonté en fournissant le signe indiqué par lui. Gédéon avait agi de même avant de partir en guerre contre les Madianites. Jud., vi, 36-40. Ce n'était pas là tenter Dieu. Voir Gédéon, col. 147. Les deux jeunes gens se portèrent aussitôt en avant, à l’insu de Saul. « Voici les Hébreux qui sortent des cavernes où ils s'étaient cachés, » dirent les Philistins en les apercevant au bas de la vallée. Ceux du poste avancé leur crièrent pour se moquer d’eux : « Montez donc, nous avons quelque chose à vous faire savoir. » C'était le signe attendu de Dieu. Jonathas et son écuyer se mirent, sans être vus, à escalader les rochers, tombèrent tout d’un coup sur le poste des Philistins, qui ne s’attendaient pas à pareille audace, et leur tuèrent une vingtaine d’hommes. La panique se répandit aussitôt parmi les ennemis campés à Machmas, et gagna ceux qui pillaient dans les environs. Les sentinelles de Gabaa s’aperçurent du désordre et avertirent Saul, qui constata l’absence de Jonathas et de son écuyer. On consulta à la hâte le Seigneur ; mais le tumulte augmentant dans le camp des ennemis, Saul s'ébranla avec les siens et vit que les Philistins se combattaient les uns les autres dans une confusion extrême. Les Israélites qui se trouvaient au milieu d’eux, peut-être à titre de serviteurs ou de marchands, se mêlèrent aux nouveaux arrivants ; ceux qui s'étaient cachés dans la montagne arrivèrent à leur tour, et tous ensemble poursuivirent les Philistins d’abord du côté de Béthaven. Voir Béthaven, t. 1, col. 1666. La journée fut rude. Pour activer la poursuite, Saul avait fait jurer à ses hommes que personne ne prendrait aucune nourriture avant que la vengeance contre les ennemis ne fût complète. On dut passer par une forêt dans laquelle des essaims d’abeilles avaient fait leur miel au creux des arbres et des rochers. Le trop plein des ruches coulait abondamment, mais personne n’y toucha. Jonathas, qui ne savait rien du serment imposé par son père, en prit à l’extrémité d’un bâton et le porta à ses lèvres, ce qui servit à le ranimer après tant de fatigues. Quelqu’un lui fit observer qu’il contrevenait au serment. Il répondit en blâmant l’acte de Saul, qui contribuait plutôt à affaiblir les hommes et à ralentir la poursuite. Les Philistins s’enfuyaient naturellement du côté de leur frontière. Quand ils furent arrivés à Aialon, à plus de trente kilomètres à l’ouest de Machmas, voir Aialon, t. i, col. 296, les Israélites, absolument exténués, tombèrent sur le butin abandonné là par les fuyards, tuèrent les animaux et mangèrent à la hâte, sans que tout le sang eût été séparé de la chair. La loi défendait de manger le sang. Levit., iii, 17. Sans tenir compte de la nécessité extrême, Saul s’opposa à cette infraction, et obligea ses hommes à préparer leur nourriture d’une manière plus conforme à la loi. La nuit était venue. Le roi voulait se remettre en route surle-champ pour exterminer tous les ennemis. Le Seigneur consulté ne répondit pas. Saul interpréta ce silence comme l’indication d’une faute commise. Il promit de mettre à mort le coupable, fût-il son fils. On tira au sort. Le sort désigna Saul et Jonathas, puis Jonathas seul. Celui-ci dit aussitôt : « J’ai goûté un peu de miel au bout du bâton que j’avais à la main ; me voici, je mourrai. » Saul proclama qu’il en serait ainsi. Mais alors toute l’armée se récria, en rappelant qu'à Jonathas était due la délivrance d’Israël, et que Dieu même avait combattu avec lui. Saul dut l'épargner et arrêter là sa poursuite contre les Philistins. I Reg., xiil, 2-xiv, 46. Saûl avait été souverainement imprudent en exigeant de ses hommes le serment de ne rien prendre avant la victoire

complète, et la remarque faite à ce sujet par Jonathas était fort judicieuse. Quant au silence du Seigneur, il ne pouvait accuser Jonathas qui, en réalité, n’avait commis aucune faute, puisqu’il ne connaissait pas le serment paternel. Ne désapprouvait-il pas, au contraire, Saul lui-même dans son acharnement à poursuivre ses ennemis jusque sur leur territoire, où ils auraient pu se retourner avec avantage contre lui ? Il est vrai que le sort, dirigé par le Seigneur, désigna Jonathas ; mais cette désignation devait être sans conséquence, grâce à l’intervention de l’armée.

Quand le jeune David parut à la cour de Saûl, après son combat contre Goliath, Jonathas s'éprit pour lui de la plus vive affection : « L'âme de Jonathas s’attacha à l'âme de David, et Jonathas l’aimait comme son âme. » En preuve de son amitié, Jonathas donna à David son manteau, ses vêtements, son épée, son arc et sa ceinture. I Reg., xviii, 1-4. Il lui montra son dévouement dans les circonstances les plus délicates. Quand Saul, en proie à l’esprit du mal, parla de faire mourir David, Jonathas avertit son ami et réussit ensuite à changer le cours des idées de son père, de sorte que David put revenir à la cour. I Reg., six, 1-7. Mais bientôt après, Saùl fut repris de ses accès de fureur et partit à la poursuite de celui qu’il regardait comme un ennemi. David put joindre Jonathas, auquel il se plaignit de cette persécution imméritée. Il lui paraissait presque impossible d'échapper à un si puissant adversaire. « Entre la mort et moi, dit-il, il n’y a qu’un pas. » On était à la veille de la néoménie, et, à cette occasion, il devait prendre part au festin royal. Il déclara qu’il s’abstiendrait et pria Jonathas de l’avertir de l’effet que son absence produirait sur Saul. « Puisque nous avons contracté amitié l’un avec l’autre, ajouta-t-il, si je suis coupable, ôte-moi la vie toi-même plutôt que de me mener à ton père. » Jonathas promit de l’informer des dispositions du roi et convint avec lui d’un signal destiné à les lui faire connaître. Saul ne dit rien le jour de la néoménie ; mais le lendemain, loin de se contenter des excuses que lui présentait son fils de la part du fugitif, il s’emporta avec violence et lui dit : « Fils pervers et rebelle, ne sais-je pas que tu as comme ami le fils d’Isaï, pour ta honte et la honte de ta mère ? Envoie-le chercher et qu’on me l’amène, car il est digne de mort. » Et il s’efforça de le frapper de sa lance. Le lendemain matin, Jonathas alla aux champs, près de l’endroit où David se tenait caché. Il avait son carquois et s'était fait accompagner d’un enfant. « Cours, dit-il à celui-ci, et trouve les flèches que je vais tirer. » Il tira bien au de la de l’enfant et lui cria : « La flèche n’est-elle pas plus loin que toi ? » C'était le signal convenu pour annoncer la colère implacable de Saul. L’enfant parti sans se douter de rien, David se montra et se prosterna devant Jonathas. Tous deux s’embrassèrent et pleurèrent ensemble. Jonathas protesta de nouveau de son inaltérable amitié et ensuite ils se quittèrent, l’un pour rentrer en ville, l’autre pour se mettre à l’abri de la vengeance du roi. I Reg., xx, 1-43.

Poursuivi par Saul, David se trouvait un jour dans une forêt du désert de Ziph, un peu au sud d’Hébron. Voir Ziph et la carte de Juda. Jonathas accompagnait son père, surtout dans le dessein de veiller sur les jours de son ami. Il alla trouver David dans la forêt et, pour l’encourager au milieu de tant d'épreuves, il lui dit ces nobles paroles : « Ne crains rien, la main de Saul, mon père, ne t’atteindra pas. Tu régneras sur Israël, et moi je serai le second auprès de toi. Saul, mon père, le sait bien, n Saul et Jonathas avaientils été informés du sacre de David ? I Reg., xvi, 13. Il n’est pas nécessaire de le supposer pour justifier les paroles de Jonathas. Samuel n’avait-il pas dit publiquement à Saul : « Jéhovah I déchire aujourd’hui de sur toi la royauté d’Israël et il la I donne à un autre qui est meilleur que toi ? » I Reg.,

xv, 28. La suite des éVénemenfs montrait assez que cet autre ne pouvait être que David. Jonathas, qui se rend Compte des desseins de la Providence, n’aspire pas à la succession de son père. Avec une abnégation qu’inspirent l’élévation de son caractère et la profondeur de son affection, il sera heureux d’occuper le second rang auprès de son ami. I Reg., xxiii, 16-18. Voir David, t. ii, col. 1312-1314. Dieu ne permit pas que ce vœu fût réalisé. Dans une bataille livrée aux Philistins sur les monts de Gelboé, voir Gelboé, col. 156, Saul périt avec ses trois fils. Les habitants de Jabès en Galaad vinrent prendre les cadavres et les ensevelirent. I Reg., xxxi, 1-13.

En apprenant la mort de Saul et de Jonathas, David éprouva la plus amère douleur. Il prit le deuil avec ses compagnons et jeûna tout le jour. Il composa en l’honneur des deux héros un chant funèbre dans lequel il consacrait à Jonathas les plaintes les plus touchantes. II Reg., i, 11-27 :

taine de Rogel. Ils partirent sur-le-champ. Trahis par un enfant et poursuivis par ordre d’Absalom, ils se cachèrent à Bahurim dans une citerne et purent enfin communiquer leur message au roi fugitif, qui, instruit des plans de son fils, s’empressa de traverser le Jourdain. II Reg., xvii, 15-22. —2° Jonathas reparaît dans une seconde circonstance. Le jour du sacre de Salomon, ce fut lui qui annonça à Adonias et à ses partisans qui voulaient l’élever sur le trône que le peuple venait d’acclamer le nouveau roi. III Reg., i, 42-49. C’est le dernier descendant du grand-prêtre Héli dont l’histoire fasse mention.

L’arc de Jonathas n’a jamais reculé,

Et l’énée de Saul ne revenait pas à vide.

Saul et Jonathas, aimables et chers pendant leur vie.

N’ont pas été séparés dans leur mort.

Ils étaient plus légers que les aigles,

Ils étaient plus lorts que les lions…

Je pleure sur toi, Jonathas, mon frère !

Toi, mes délices, toi, dont l’amour pour moi

Était plus grand que l’amour des femmes.

David ne s’en tint pas là. Devenu roi, il rechercha s’il n’existait plus personne de la famille de Saul, afin de pouvoir faire du bien aux survivants, en souvenir de Jonathas. Un ancien serviteur de Saul, Siba, lui dit qu’il restait un fils de Jonathas, appelé Miphiboseth. C’était un pauvre enfant qui était tombé des bras de sa nourrice le jour où celle-ci, à la mort de Saul et de Jonathas, s’enfuit précipitamment en emportantMiphiboseth, alors âgé de cinq ans. Dans sa chute, l’enfant se blessa aux deux pieds et en demeura estropié pour toute sa vie. Il Reg., iv, 4. David le fit venir, lui annonça qu’il lui rendrait tous les biens de son père et ferait de lui son - commensal. En même temps, il attacha Siba et les siens au service de l’enfant. II Reg., ix, 1-13. Voir Miphiboseth. Quand, plus tard, les Gabaonites réclamèrent la mort des descendants de Saûl, David fit épargner Miphiboseth, toujours à cause de Jonathas. À cette occasion, il alla prendre à Jabès de Galaad les restes de Saul et de Jonathas, et les fit ensevelir dans le pays de Benjamin, à Çêia’ou Séla, Jos., xviii, 28, dans le sépulcre de Cis, père de Saul. II Reg., xxi, 7-14.

Il est peu de figures plus touchantes et plus sympathiques que celle de Jonathas. Sa jeunesse, son intrépidité, sa loyauté, son désintéressement, sa générosité, son dévouement pour le peuple, faisaient de lui déjà un prince accompli. Ses qualités de cœur et son inébranlable amitié pour David le mettent hors de pair. Cette amitié, née au moment où le fils d’Isaf était en faveur, survécut à sa disgrâce, s’accrut avec les épreuves de David, brava les menaces injustes de Saul, et l’emporta même sur l’ambition légitime que pouvait avoir Jonathas de succéder à son père. Jonathas n’aimait pas pour lui-même. Sa mort tragique ne fit que rendre son souvenir plus cher à David et sa vertu plus admirable à la postérité. H. Lesètbe.

    1. JONATHAS (hébreu Yehôndtân)##


2. JONATHAS (hébreu Yehôndtân), fils du grandprêtre Abiathar. Il fut un fidèle serviteur de David. 1° Pendant la révolte d’Absalom, il fit connaître à son maître les projets des révoltés et contribua ainsi à les déjouer. David, avec beaucoup d’habileté, avait chargé Jonathas et quelques autres de cette mission. II Reg., xv, 36. Abiathar et Sadoc, que renseignait Chusaï, transmirent par une servante les nouvelles à leurs fils, Jonathas et Achimaas, qui se tenaient cachés près de la fon 3. JONATHAS (grec : ’ItovotSav 6 êroxaXou|iSvo< ; ’Atiçojç ; Vulgate : Jonathan qui cognominabatur Apphus ; Jonathas ; la Vulgate l’appelle partout Jonathas, exceptéIMach., 11, 50), Ie plus jeune des filsde Mathathias. Il portait le surnom d’Apphus, en hébreu hapsûs, c’est-à-dire le rusé. I Mach., ii, 5. Voir Apphus, 1. 1, col. 799. Après la défaite et la mort de Judas Machabée, ses partisans élurent pour leur chef son lrère Jonathas. IAIach., IX, 23-31 ; Josèphe, Ant.jud., XIII, I, 1. Il resta quelque temps dans l’inaction, attendant une circonstance favorable. II chercha tout d’abord à meltre en sûreté ses, biens personnels, en les confiant à son frère Jean, qui devait les transporter dans le pays ami des Nabuthéens. Jean fut attaqué en route par les fils de Jambri (col. 1115) et mis à mort. Jonathas et Simon le vengèrent, en attaquant les fils de Jambri pendant des fêtes nuptiales. Un certain nombre de ces brigands furent tués et le reste s’enfuit dans les montagnes. Voir Jean Gaddis, col. 1153. A leur retour, Jonathas et sa troupe furent assaillis, sur les bords du Jourdain, par Bacchide et une armée syrienne ; ils coururent les plus grands dangers et ne s’échappèrent qu’en traversant le Jourdain à la nage. I Mach., ix, 32-43 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 2-4. Voir Bacchide, t. i, col. 1373. — Jonathas ne put empêcher Bacchide d’établir fortement la domination syrienne en Judée. Le premier livre des Machabées ne nous dit presque rien de Jonathas pendant cette période, qui va de l’an 160 à l’an 153 avant J.-C. Il nous apprend seulement qu’en 158 le parti juif favorable aux Grecs avertit le roi de Syrie que Jonathas et ses partisans se préparaient à un soulèvement. Bacchide fut envoyé de nouveau avec une armée nombreuse pour les détruire, Le général syrien essaya en vain d’assiéger Simon dans Bethbessen, t. i, col. 1667, et il ne put empêcher Jonathas de ravager le pays. Il accepta la paix que lui offrit ce dernier, el regagna la Syrie. I Mach., IX, 57-72 ; Josèphe. Ant.jud., XIII, i, 5-6. Ce traité affermit la puissance de Jonathas qui, de Machmas où il habitait, gouverna le peuple d’Israël et extermina les impies. I Mach., ix, 73 ; Josèphe, Ant. tud., XIII, i, 6. Après la mort d’Antiochus IV Épiphane, Alexandre Balas, qui se faisait passer pour son fils, disputa le trône à Démétrius et s’empara de Ptolémaide. Démétrius essaya de gagner Jonathas à son parti et lui promit un agrandissement à sa puissance. Il lui reconnut le droit de réunir une armée et de fabriquer des armes, deux choses absolument interdites jusque-là aux Juifs par les Syriens. Jonathas vint à Jérusalem ; on lui rendit les otages que retenait la garnison de la citadelle, et il les remit à leurs parents. Maître de la ville, il en restaura les murs et fortifia Sion. Les étrangers qui occupaient les places fortes bâties par Bacchide s’enfuirent ; quelques-uns seulement restèrent à Bethsur (t. i, col. 1746), qui leur servit de retraite. I Mach., x, 1-14 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, ii, 1. Cette place et la citadelle de Jérusalem étaient donc désormais les seules possessions syriennes en Judée. De son côté, Alexandre Balas se préoccupa d’attirer à lui Jonathas et les Juifs. II écrivit à Jonathas une lettre dans laquelle il l’appelait son frère, lui conférait le titre de grand-prêtre et d’ami du roi. En même temps, il lui envojait la pourC22

pre et une couronne d’or et lui demandait son amilié. I Mach., x, 16-20 ; Joséphe, Ant. jud., XIII, ii, 2-3. Alexandre se montrait ainsi plus libéral que Démétrius, et ce tut à lui que se rallia Jonatbas. Voir Alexandre Balas, t. i, col. 348. Il revêtit les insignes de grand-prêtre le jour de la fête des Tabernacles, le quinzième jour du septième mois de l’an 160 de l’ère des Séleucides, c’est-à-dire à l’automne de 153 avant J.-C.

I Mach., x, 21. Cette nouvelle attrista Démétrius, qui résolut de surenchérir sur les offres de son adversaire.

II promit une large exemption d’impôts, la reconnaissance de Jérusalem comme ville libre, l’abandon de la citadelle au grand-prêtre, la liberté sans rançon de tous les Juifs faits prisonniers dans les guerres précédentes, l’exemption de taxes et de corvées pour tous les Juifs tous les jours de fête et durant les trois jours qui précèdent et les trois jours qui suivent. Personne, pendant ce laps de temps, ne pourra les inquiéter, c’est-à-dire les traduire en justice, les faire emprisonner, etc. Trente mille Juifs seront enrôles dans les armées du roi, établis en partie dans ses forteresses et soldés par lui. Quelques-uns d’entre eux seront appelés à prendre part à la direction des affaires du royaume et placés dans des postes de confiance. La liberté leur est assurée de pratiquer leur loi. Ainsi les édits d’Antiochus Épiphane seront rapportés. Les trois villes de Samarie annexées à la Judée feront partie de cette province et obéiront au grand-prêtre. Démétrius fait don de Ptolémaïde et de son territoire au Temple de Jérusalem pour les dépenses du sanctuaire. C’était un don précieux, mais la ville était au pouvoir d’Alexandre Balas. Démétrius pensait exciter par là les Juifs à la conquérir sur son compétiteur. Il y ajoutait un présent annuel de quinze mille sicles d’argent, soit plus de deux millions sur les revenus royaux, le montant des sommes dues au trésor royal ; enfin, les cinq mille sicles d’argent prélevés jusquelà par le roi sur les revenus du sanctuaire seront désormais abandonnés aux prêtres. De plus, le temple de Jérusalem et son territoire jouiront du droit d’asile, personne ne pourra saisir les biens de ceux qui s’y seront réfugiés tant qu’ils y demeureront ; la restauration du Temple et des murailles de Jérusalem sera faite aux frais du roi. I Mach., xii, 24-45 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, il, 3. Ces promesses étaient magnifiques, mais Jonathas n’y ajouta pas foi, car il se souvenait du mal fait par Démétrius aux Juifs. Il se rangea au parti d’Alexandre Balas et lui resta fidèle jusqu’à la fin. Alexandre triompha de Démétrius, qui périt dans la défaite qu’il essuya. I Mach., x, 45-59 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, ii, 4 ; Polybe, m, 5 ; Justin, xxxv, 1, Appien, Syriac, 67. L’année même de sa victoire, 150 av. J.-C, Alexandre eut l’occasion de montrer sa reconnaissance à Jonathas, et de lui accorder des honneurs. Il invita le prince juit à assister à son mariage avec Cléopâtre, fille de Ptolémée VI Philométor. Quelques Juifs renégats, mécontents de voir Jonathas si avant dans la faveur du roi, le calomnièrent auprès de lui ; mais, loin de les écouter, Alexandre lit de riches présents au prince machabée, le fit revêtir de la pourpre et asseoir auprès de lui ; il lui donna le titre d’ami du roi, de stratège, c’est-à-dire de chef militaire, et de méridarque, c’est-à-dire de gomerneur civil probablement de la province de Judée. I Mach., x, 59-65 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 1-2. Jonathas revint joyeux à Jérusalem, mais il fut bientôt obligé de combattre contre Apollonius, général de Démétrius II, fils de celui qu’avait vaincu Alexandre Balas. Apollonius, au nom de son maître, provoqua Jonathas à une bataille dans la plaine. Celui-ci, à la tête de dix mille hommes et secondé par son frère Simon, alla camper près de Joppé et assiégea cette ville. Malgré la garnison syrienne, les habitants lui ouvrirent les portes. Apollonius furieux se dirigea vers Azot, ville du pays des Philistins, et engagea la lutte dans la plaine. Jonathas sut habilement

déjouer les embûches d’Apollonius, remporta sur lui une éclatante victoire, détruisit Azot et le temple de de Dagon, et revint à Jérusalem chargé de riches dépouilles. I Mach., x, 66-87 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 34. Voir Apollonius, t. i, col. 775 ; Démétrius 2, t. ii, col. 1362 ; Azot 1, t. i, col. 1307 ; Dagon, t. ii, col. 1204. En reconnaissance du secours qu’il lui avait donné par cette campagne, Alexandre lui donna l’agrafe d’or que portaient les parents du roi et la ville d’Accaronavec son territoire. IMach., x, 88-89 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, IV, 4. Voir Accaron, 1. 1, col. 105.

Peu après, Ptolémée VI tenta de s’emparer du royaume d’Alexandre Balas ; il s’avança à travers la Syrie et toutes les villes lui ouvrirent leurs portes parce qu’Alexandre avait donné ordre de le bien recevoir, puisqu’il était son beau-père. Les habitants d’Azot lui montrèrent les ruines de leur cité et celles du temple de Dagon, brûlé par Jonathas, afin d’exciter sa colère contre lui, mais Ptolémée resta indifférent. Il reçut bien Jonathas, qui vint au-devant de lui à Joppé et rentra à Jérusalem, après avoir accompagné le roi d’Egypte jusqu’au fleuve Éleuthère. IMach., xi, 1-7 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 5-7. Après la défaite et la mort d’Alexandre, suivie bientôt de celle de son vainqueur, Ptolémée VI, Démétrius II régna sur la Syrie. Jonathas essaya alors de s’emparer de la citadelle de Jérusalem. Démétrius, averti par les Juifs apostats, enjoignit à Jonathas de lever le siège et devenir le trouver. Celui-ci, sans cesser l’attaque, se rendit à l’invitation du roi de Syrie, porteur de magnifiques présents et accompagné de prêtres et d’anciens d’Israël. L’entrevue eut une heureuse issue. Loin d’écouter les accusations des adversaires de Jonathas, Démétrius le traita avec honneur, le confirma dans le souverain pontificat et lui donna le titre de premier des amis du roi. Le prince juif obtint de plus l’immunité de la Judée, des trois provinces annexées et de la Samarie, la promesse de trois cents talents, c’est-à-dire de deux millions cinq cent cinquante mille lrancs. Le roi confirma toute ses promesses dans une lettre où il proclamait son amitié avec les Juifs. I Mach., xi, 2037 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 9. Cette attitude de Démétrius s’explique par la crainte qu’avait ce prince de perdre son trône. Jonathas profita d’une nouvelle révolte suscitée contre Démétrius par Diodote Tryphon pour demander au roi de Syrie de retirer les garnisons qui restaient encore dans la citadelle de Jérusalem et dans les forteresses, parce qu’elles attaquaient souvent les Juifs. Démétrius non seulement le lui accorda, mais encore lui promit de nouveaux honneurs, mais, en même temps, il lui demanda un contingent de troupes. Jonathas envoya à Antioche 3000 hommes qui sauvèrent le roi, lors de la révolte de cette ville contre lui, et mirent tout à feu et à sang. Ils revinrent à Jérusalem, chargés de dépouilles, après que la ville eut fait sa soumission. I Mach., xi, 41-51 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 2-3. Sorti du danger, Démétrius manqua à sa parole. Il ne jouit, du reste, pas longtemps de son triomphe. Tryphon le renversa peu après du trône et le remplaça par le jeune Antiochus VI. Ce prince confirma Jonathas dans son suprême sacerdoce, dans le gouvernement des quatre nomes, la Judée, Aphæréma, Lydda et Ramathaim, ou, suivant Josèphe, Accaron. Il lui envoya, pour son propre usage, des vases d’or, un manteau de pourpre et une agrafe d’or. Il établit son frère Simon gouverneur du pays qui s’étend depuis les limites de Tjr jusqu’aux frontières d’Egypte. I Mach., xi, 57-59 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 3-4. Voir Antiochus, 5, t. i, col. 703. Jonathas traversa alors le Jourdain avec une armée grossie des troupes syriennes. Ascalon se soumit spontanément à lui, Gaza lui livra des otages ; il parcourut ainsi tout le pays jusqu’à Damas. I Mach., xi, 60 62 ; Joséphe, Ant. jud., XIII, v, 5. Là, il apprit que les généraux de Démétrius l’attaquaient avec une armée nom

breuse à Cadès en Galilée, et voulaient l'écarter des affaires. Laissant son frère Simon en Judée, il marcha vers le pays appelé l’eau de Génésar, c’est-à-dire vers le lac de Génésareth, et, avant le jour, pénétra dans la plaine d’Azor (ou Asor). Une partie de son armée prit la fuite, effrayée par l’apparition soudaine de troupes syriennes, placées en embuscades. Après avoir déchiré ses vêtements et mis de la terre sur sa tête, il pria, puis revint au combat, et mit les Syriens en déroute. Témoins de ce succès, ceux des Juifs qui avaient fui revinrent sur leurs pas et, tous ensemble, poursuivirent les Syriens jusqu'à Cadès. Trois mille étrangers périrent ce jour-là, et Jonathas revint à Jérusalem. I Mach., xi, 63-74 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 6-7. Voir Asor 1, t. i, col. 1106 ; Cades 2, t. ii, col. 22 ; Génésar 1, col. 173. Jonathas, pour affirmer son indépendance, chercha à se créer des alliances. Il envoya une ambassade à Rome et une autre à Lacédémone. Il parait, d’après les instructions et les lettres confiées aux ambassadeurs, que les Juifs étaient déjà en relations d’amitié avec Rome et avec Lacédémone. L’un et l’autre pays répondirent favorablement aux avances qui leur furent faites. I Mach., xil, 1-23 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 8 ; cf. xii, iv, 10. Voir Arius, t. i, col. 965 ; Rome ; Lacédémoniens, t.'iv, col. 7.

Cependant, Jonathas apprit que les généraux deDémétrius rentraient en campagne avec une armée plus nombreuse, il marcha contre eux jusqu’au pays d’Amathite. Voir Amathite, t. i, col. 447. Grâce à ses espions, il fut informé du projet qu’ils avaient de le surprendre. Le voyant sur ses gardes, les ennemis s’enfuirent. Jonathas les poursuivit, mais ils passèrent le fleuve Éleuthère sans qu’il pût les' atteindre. Voir Éleuthère, t. ii, col. 1664. Il attaqua ensuite et mit en déroute les Arabes Zabadéens. Il revint à Damas chargé de leurs dépouilles. I Mach., xii, 24-33 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 10-11. Voir Arabes, t. i, col. 830. De retor- à Jérusalem, il assembla les anciens du peuple et, de concert avec eux, résolut de bâtir des forteresses dans la Judée. Ce fut alors qu’il éleva un mur d’une grande hauteur entre la citadelle et la ville. Ce mur porta le nom de Caphététha. I Mach., XII, 35-37. Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 10-11. Voir Caphététha, t. ii, col. 210. Peu après, Tryphon résolut de supplanter le jeune Antiochus VII, fils d’Alexandre Balas, et de s’emparer du trône. Craignant que Jonathas ne s’opposât à son dessein, il chercha à s’emparer de lui pour le mettre à mort. Il se rendit pour cela à Bethsan ; Jonathas vint à sa rencontre avec 40000 hommes d'élite. Tryphon eut peur à la vue de cette armée considérable et, changeant de tactique, il reçut Jonathas avechonneur et ordonna à sa propre armée d’obéir au prince juif comme à lui-même. Il fit à Jonathas un reproche amical de fatiguer inutilement son peuple comme s’ils étaient en guerre l’un contre l’autre, lui persuada de renvoyer son armée en ne gardant avec lui que quelques hommes, il l’engagea à venir à Ptolémaide (voir Accho. t. i, col. 108), qu’il voulait lui livrer en même temps que les autres forteresses, les troupes royales et les fonctionnaires de ces villes. Jonathas ajouta foi à ce langage perfide. Il retint d’abord auprès de lui 3000 hommes, puis en renvoya encore 20C0 en Galilée et n’en garda définitivement que 1000. Dès qu’il fut entré à Ptolémaide, les habitants de cette ville fermèrent les portes, s’emparèrent de Jonathas et massacrèrent son escorte. Trjphon poursuivit les 2000 hommes que venait de renvoyer Jonathas, mais ceux-ci, grâce à leur courage héroïque, parvinrent à rentrer en Judée. La capture de Jonathas causa dans tout Israël une profonde consternation. On le crut mort, et les nations voisines s’apprêtèrent à écraser la nation privée de son chef. I Mach., xii, 35-54 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 10 ; vi, 3. Simon, frère de Jonathas, ranima les courages et le peuple juif le choisit pour chef à la place du prisonnier. Tryphon, apprenant que Simon

avait remplacé Jonathas, lui envoya dire qu’il ne retenait son frère qu'à cause de l’argent que celui-ci lui devait. II demandait cent talents d’argent et ses deux fils en otage. Simon ne fut pas dupe de ce mensonge ; il envoya néanmoins l’argent pour ne pas attirer sur les Juifs la colère du général syrien et ne pas avoir la responsabilité de la mort de Jonathas. Tryphon manqua à sa parole, garda Jonathas et marcha contre les Juifs. Arrivé près de Bascama (t. i, col. 1490), il mit à mort Jonathas et ses fils. Simon recueillit les ossements de son frère et les ensevelit à Modin, la ville de ses pères. Les Juifs pleurèrent leur vaillant chef pendant longtemps. Le tombeau où reposa Jonathas avec son père et ses frères fut digne d’eux. C'était un édifice élevé et qu’on apercevait de loin. Il était bâti avec des pierres blanches, polies de tous côtés. À l’entour, se dressaient de hautes colonnes surmontées de trophées d’armes. Près des armes, étaient sculptés des navires, et l’ensemble pouvait se voir de la mer. Ce monument existait encore du temps de Josèphe, c’est-à-dire au premier siècle après J.-C. I Mach., xiii, 1-30 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, vi, 1-5 ; Revue archéologique, 1872, p. 265. Cf. E. Schurer, Geschichte des Jùdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, in-8°, Leipzig, 1890, t. i, p. 156, 174-190.

E. Beurlier.

    1. JONATHAS##


4. JONATHAS, fils d’Absolom ou Absalom, I Mach., xiii, 11 (voir Absalom 2, 1. 1, col. 99), et frère de Mathathias. I Mach., xi, 70. Simon Machabée l’envoya à Joppé, déjà occupée par les Juifs, I Mach., xii, 33, avec des troupes nouvelles et il y resta après avoir chassé de la ville les habitants sur la fidélité desquels il ne pouvait compter. I Mach., xiii, 11.

    1. JONATHAS##


5. JONATHAS, prêtre qui vivait du temps de Néhémie et qui est peut-être le Jonathan de IIEsd., xii, 11. Voir Jonathan 10, col. 1615. Lorsque Néhémie eut retrouvé le feu sacré, il fit un sacrifice solennel en action de grâces. Pendant cette cérémonie, tous les prêtres firent des prières, « Jonathas commençait et les autres répondaient. » II Mach., i, 23. « Ce passage, dit C. L. W. Grimm, Dàs zweite Buch der Maccabder, 1857, p. 45, contient le seul exemple d’un sacrifice accompagné d’une prière publique solennelle. »

1. JONC. 1° Hébreu : 'agmôn, Is., IX, 13 ; XIX, 15, lviii, 5 ; Septante : [it’xpo ;, Is., ix, 13 ; tlXo ;, Is., xix, 15 ; xpixoç, Is., lviii, 5 ; Vulgate : refrxiians, Is., ix, 13 ; xlx, 15 ; circulus, Is., lviii, 5. — 2° Hébreu : 'âhû, Gen., xli, 2, 18 ; Job, viii, 11 ; Septante : à/ei, Gen., xli, 2, 18 ; PoÛtohov, Job, VIII, 11 ; Vulgate : loci palustres, in pastu paludis virecta, Gen., xli, 2, 18 ; carectum, Job, vin, 11. — 3° Hébreu : gômé', Exod., ii, 3 ; Job, viii, 11 ; Is., xxxv, 7 ; Septante : Dioç, Exod., ii, 3 ; Is., xxxv, 7 ; jtâitupoç, Job, viii, 11 ; Vulgate : scirpea, scirpus, Exod., il, 3 ; Job, viii, 11 ; juncus, Is., xxxv, 7. — 4° Hébreu : sûf ; Exod., ii, 3, 5 ; Is., xix, 6 ; Septante : êXoç, Exod., il, 3, 5 ; xâ7uupo{, Is., xix, 6. —5° Hébreu : 'ârôf ; Septante : ây_i ; Vulgate : nudabitur, Is., xix, 7. — L’Ecclésiastique, xl, 16, parle de mmip, mot traduit par les Septante ax el > (Vulgate : viriditas). — Plante herbacée croissant dans les marais ou sur le bord des eaux.

I. Description.

Sous ce nom l’on désigne vulgairement les herbes vivaces, dures, parfois coupantes ou acérées, qui habitent les marécages. Elles appartiennent soit au véritable Juncus, soit à la famille voisine des Cypéracées. Mais tandis que les vrais joncs ont une fleur pourvue d’un périanthe régulier à six divisions, cette enveloppe florale manque aux diverses Cypéracées ou s’y trouve remplacée par de simples soies.

1° Certaines espèces de joncs sont spéciales aux bords de la mer ou ne se retrouvent à l’intérieur des terres que près des sources salées. Elles se distinguent, en outre, à la rigidité de leurs chaumes terminés en pointe

vulnérante : tels sont le Juncus maritimus Lamark et le J. aculus Linné, ce dernier à Heurs rapprochées en tètes et entremêlées de bractées saillantes. D’autres ont leurs feuilles articulées et comme pourvues de nodosités internes le long du limbe, comme le Juncus lamprocarpus Ehrardt. Enfin les plus communs ont leurs leuilles réduites à des écailles brunes tout à la base des chaumes. Ils comprennent le Juncus glaucus Linné ! (fig. 277) à tige striée, de couleur glauque et que sa souplesse permet d’utiliser comme liens sans se rompre, avec les deux formes souvent confondues sous le nom de Juncus communis, mais que Linné distinguait déjà spécifiquement pour la forme de leur inflorescence lâche et étalée chez le J. effusus (fig. 278), arrondie et contractée dans le J. canglomeratus. 2° Les Cypéracées ont aussi un chaume raide et

2T7. — Juncus glaucus. 278. — Juncus effusus.

coriace, que leur pauvreté en substances alimentaires place au-dessous de toutes les autres herbes des prairies : elles peuplent les pâturages bas et humides où leur aspect d’un vert sombre et noirâtre les fait souvent reconnaître à distance. De même que chez les Graminées les tleurs rapprochées en épillet n’ont point d’autres enveloppes protectrices que de simples bractées ou glumes ; leurs feuilles sont engainantes à la base et terminées par un limbe étroit, allongé et parcouru dans sa longueur par de fines nervures parallèles. Mais leur chaume est triquètre et souvent à angles coupants, leurs feuilles sur trois rangées verticales au lieu d'être distiques, avec une gaine entière, c’est-à-dire sans fente longitudinale Les Cyperus se reconnaissent à leurs épillets distiques. Le style est bifide chez le Cyperus lœvigatus Linné, auquel on rattache comme variété le Ci distachyus d’AUioni à épillets seulement plus longs et moins nombreux. Partout ailleurs l’ovaire est trigone et terminé par un stigmate à trois branches, notamment chez le C. Papyrus dont la tige découpée en lames minces fournissait le papier des anciens et près duquel se rangent un certain nombre de types également vivaces par leur rhizome, à chaume élancé et qui abondent de

nos jours encore dans les marais de la Palestine et de l’Egypte. C. longus, fig. 279, et C. rotundus de Linné. — De ce nombre encore est le C. esculentus (fig. 280) dont le collet de la racine produit des fibres renflées à leur extrémité, et ainsi transformées en tubercules alimentaires de forme arrondie. — Enfin, de nombreuses espèces de Cypéracées, appartenant aux genres Scirpus, Sclttenus, Cladium et surtout Car ex, sont désignées avec les précédentes sous le nom vulgaire de jonc pour l’aspect général, la consistance coriace de toutes leurs parties, leurs mauvaises qualités comme plantes fourragères, et enfin pour leur habitation dans les lieux humides. À ces caractères le Scirpus Holoschœnus join', même une souplesse de tige qui ne le cède en rien aux joncs les plus flexibles. Quant au Butomus umbellatus, vulgairement jonc fleuri, c’est une plante toute différente portant une cyme terminale, de larges fleurs roses, et qui descend à peine des régions septentrionales jusqu’aux limites de la Syrie. F. Hy.

II. Exégèse.

i. noms et identification. — Divers noms rendent en hébreu ce que nous désignons communément sous le nom vulgaire de joncs :

1° 'Agmôn, comme l’insinue l'étymologie Çâgam, marais), est une plante de marais. Is., lvhi, 5. Dans Jer., li, 32, le terme 'âgammim (pluriel de 'àgam) désigne des lieux plantés de joncs ou de roseaux, juncetum, arundinetum. « Les jonchaies sont brûlées. » Cette plante des marais est une petite plante, croissant dans les lieux bas, puisqu’on la met en opposition avec les hautes branches du palmier, « Yagmôn et le palmier, » Is., IX, 13 ; xix, 15, pour signifier métaphoriquement les petits et les grands. Les Septante n’ont rendu que l’idée générale, Is., ix, 13, jj. ! xpo ;  ; pour la Vulgate elle n’a pas saisi le sens et a traduit par refrsenans. Is., ix, 13 ; six, 15. Un passage d’Isaie, lviii, 5, nous invile à voir dans Vagmôn une plante flexible s’inclinant facilement au moindre souffle de vent. Tous ces caractères marquent bien une plante comme le jonc ou le roseau, mais sans déterminer entre l’une ou l’autre. Peut-être le nom convient-il aux deux. Cependant un texte de Job, xl, 26 (Vulgate, 21) fait plutôt penser au jonc : car il s’agit d’une herbe, d’une plante pouvant servir de corde, de lien : aussi les Septante ont-ils justement rendu ici 'agmôn par sxoïvo ;. 'Agmôn désigne donc plutôt le jonc. 2° 'Afyâ est un mot d’origine égyptienne, d’une racine

J^ J^. ® ij|, , a/ioiFi, « verdir ; » J^. ® Jt, a]}, est un

jonc, de même aussi sous une autre forme ® iii, a)}u. Le copte a conservé le mot sous la forme xi, ahi, ou plutôt xxi, ahi. Par ce nom achi, dit S. Jérôme, Comm. in h., 1. "VII, xix, 7, t. xxiv, col. 252, les Égyptiens entendent toutes les plantes vertes des marais. Cependant si ce terme peut être ainsi pris dans un sens général, il a aussi le sens d’une espèce particulière de plantes, le jonc. Car il est mis dans Job, viii, 11, en parallèle avec le papyrus :

Le papyrus peut-il verdir sans humidité, Et le jonc (dhw) croître sans eau ?

La Vulgate a traduit en cet endroit par carectum ; le poOtoiiov des Septante a le même sens. Si 'âhû paraît désigner le jonc, il en marque dans Gen., su, 2, 18, une espèce particulière pouvant servir de pâture aux bestiaux. Les sept vaches grasses dans le songe de Pharaon, paissaient dans le 'âfyû : ce que la Vulgate a rendu par : in locis palustribus, in pastu paludis virecta, mais les Septante ont gardé le mot ay, 6 '- Une espèce de jonc, le souchet comestible, Cyperus esculentus, répond à ces conditions : il était abondant en Egypte. — Un certain nombre d’exégètes, à la suite de Raschi et d’Abulwalid voient encore le mot 'dhû, mais

au pluriel D » rm, ’âl.âin (pour D’irm *â#âi ; îm), dans Osée,

XIII, 15, tandis que la plupart traduisent par frères. Comme dans ce passage on ne compare pas Éphraim aux autres tribus (ses frères), mais qu’on désigne par là Israël tout entier, le contexte paraît favoriser la traduction des premiers. Novack, Die kleinen Propheten ûberselzt und erklârl, in-8°, Gœttingue, 1897, p. 81 ; Cheyne, Hosea, in-12, Cambridge, p. 125. — Le mot aX" se lit dans la traduclion des Septante pour l’Ecclésiastique, xi, 16 : « Il est comme un jonc ( « x el) sur le bord des torrents qui se dessèche avant l’arrivée des pluies. y> On s’attendait à voir inN, ’âhû, dans le texte hébreu récemment découvert, mais on a trouvé un mot différent, monp, qui n’a pas encore été expliqué d’une façon satisfaisante. A. E. Cowley et Ad. Neubauer, The original Rebrew of a portion of Ecclesiaslicus (xxxix, 45 to xlix, il], in-4° ; Oxford, 1897, p. 6 ; Israël Lévi,

d’une façon très différente par les exégètes. La plupart rattachent ce mot à la racine’ârâh, « vider, mettre à nu, » et y voient, les uns, un infinitif à côté duquel ils sousentendent le même verbe à un temps défini, et traduisent comme la Vulgate, nudabitur ; « tout ce qui est près du fleuve sera mis à nu, » tandis que les autres y reconnaissent un nom, dans le sens de prairie, lieux nets, sans arbres, libres, mais verdoyants. Fr. Buhl, Handivôrterbuch, in-8°, Leipzig, 1895, p. 603. Mais quelques interprètes, remarquant que les Septante ont traduit par 2/t, et que David Kimchi regarde’drop comme le nom d’une herbe verte (Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1788, t. ii, p. 230), estiment qu’il s’agit ici d’une plante croissant sur le bord de l’eau. Le contexte des jr. 6 et 7 favorise cette manière de voir : « Les fleuves tariront, dit le prophète, les canaux d’Egypte se videront, se sécheront : le roseau et le jonc se faneront ; les’àrôp sur le Nil, sur le bord du fleuve,

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279. — Cyperus longus.

289. — Cyperus esculentus.

L’Ecclésiastique, ou la sagesse de Jésus, fils de Sira, 1 « partie, in-8°, Paris, 1898, p. 32.

3° Gômé’, de la racine gâmâ’, n absorber l’eau, boire, » est reconnu par tous pour une plante aquatique, le jonc du Nil, bien connu sous le nom de papjrus. Voir Papyrus, t. iv, col. 2079. x

4° Sûf a été rapproché de l’égyptien ^^ J^ * — ~- 4f,

tuf, on t=b f t | 4 *li, tufi, qui désigne le jonc et en particulier le papyrus. W. Max Muller, Asien und Europa nach Altàgyptischen Denhmâlern, in-S°, Leipzig, 1893, p. 101 ; Frd. Delitzsch et Haupt, Beilràge zur Assyriologie, in-8°, Leipzig, 1890, t. i, p. 603. Ce mot s’est conservé dans le copte jcooy^j djoouf. Les textes marquent bien une plante d’eau, Exod., ii, 3, 5, bas-sûf, « dans les joncs. » C’est le sûf, le jonc, qui a donné le nom en hébreu à la mer désignée du temps des Septante et depuis sous le nom de mer Rouge : la mer de sûf. Exod., x, 19 ; xiii, 18 ; xv, 4. Max Muller, Asien und Europa, p. 42. Autrefois sans doute les bords de cette mer étaient couverts de papyrus en telle abondance que la pensée serait venue naturellement de la caractériser ainsi. Dans Is., xix, 6, le sûf est une plante aquatique mise en parallèle avec le roseau : « Le roseau et le sûf se faneront. » Il s’agit ici très probablement du jonc. Au contraire, dans Jonas, ii, 6, il est préférable de voir certains herbages de mer, comme une espèce d’algue ou de varech. Voir Algue, t. i, col. 36. 5°’Arôf qui ne se lit que dans Is., xix, 7, est entendu

et tout ce qui sera semé sur la rive séchera, sera emporté et ne sera plus. » On parle d’abord des canaux et des bras du fleuve qui Se vident, puis des plantes qui croissent sur leurs rives. S’il s’agit de plantes, ’ârôp est bien placé entre les roseaux et les joncs, ꝟ. 6, et tout ce qui est semé. ꝟ. 7. De plus ne pourrait-on pas rapprocher ces’ârôp, croissant sur les bords du Nil, de la plante appelée en copte Apo, une espèce de souchet, le Cyperus longus, plante abondante en Egypte, puisque les anciens habitants du pays désignaient certaines contrées marécageuses du Delta sous le nom de champ des

aroù, * JW « ï’V. Loret, La flore pharaonique, in-8°, Paris, 1892, p. 30 ; et Le champ des souchels, dans le Recueil de travaux, 1890, t. xiii, p. 197-201.

II. vsages et comparaisons.

Certains joncs, comme le souchet comestible, le Cyperus esculentus et d’autres, pouvaient servir à la pâture des troupeaux sur le bord du Nil. Gen., xli, 2, 18. C’est dans les joncs du fleuve que fut exposée la corbeille où la mère de Moise avait déposé son enfant, afin qu’il ne fût pas emporté par les eaux. Exod., ii, 3, 5. On se servait.du jonc pour lier, attacher. Ainsi les Égyptiens, comme les pêcheurs de nos jours, attachaient les petits poissons avec des joncs passés dans les ouies. En fixant une extrémité à la rive, ils rejetaient le poisson, ainsi attaché, dans l’eau pour le conserver vivant. Parlant du Léviathan, le crocodile, Dieu dit à Job, xi., 26 (Vulgate, 21) : « Lui passeseras-tu un jonc dans les narines (comme s’il s’agissait

d’un petit poisson) ? » — Le jonc est flexible et s’incline au moindre souffle du vent. Reprenant l’hypocrisie des Juifs, Dieu, par son prophète, Isaïe, lviii, 5, avertit que le jeûne qu’il approuve n’est pas celui où l’on se borne à des démonstrations extérieures, « celui qui fait pencher la tête comme un jonc. » Mis en parallèle avec les hautes branches du palmier, le jonc, qui croit dans les lieux bas et s’élève peu, est le symbole des petits comparés aux grands. Is., ix, 13 ; xix, 15. — Celsius, Hierobotanicon, t. i, 310-356, 465-477 ; t. ii, 229 ; H. B. Tristram, The natural history of the Bible, in-8°, Londres, 1899, p. 433-437 ; Fr. Wœnig, Die P flanzen im alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886, p. 135 ; L. Fonck, Streifzûge durch die Bibhsche Flora, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 32-35. E. Levesque.

était apportée sur les marchés de Tyr. D’autre part qdnéh a la signitication plus étendue de roseau en général, et de là le sens de canne à mesurer.

Un certain nombre d’exégètes ou de palestinologues, sans tenir à la signitication stricte de roseau, reconnaissent dans le qânéh aromatique YAndropogon schœnanthus ou jonc odorant. H. B. Tristram, The natural history of the Bible, 8e édit., in-8°, Londres, 1889, p. 439 ; L. Cl.Fillion, Atlas d’histoire naturelle de la Bible, in-4°, Paris, 1884, p. 4. Pline, H. N., xii, 48 ; xxi, 72, reconnaît les propriétés odorantes de VAndropogon schœnanthus : il dit qu’on en trouve en une contrée de la Cœlésyrie ; mais que le plus estimé est celui des Nabuthéens et en second lieu celui de Babylone. Il ajoute que, frotté, il donne une odeur de rose. Dioscoride, l, 16, indique

2. JONC ODORANT (hébreu : qânéh, Cant., IV, 14 Is., XLHI, 24 ; Ezech., xxvii, 19 ; Septante : *àXau.oç, Cant. iv, 14 ; 8juta5(j.a, Is., xliii, 24 ; xpoxidt ;, Ezech., xxvii, 19 Vulgate : fistula, Cant., iv, 14 ; calamus, Is., xliii, 24 Ezech., xxvii, 19 ; hébreu : qenéh bôsém, Exod., xxx. 23 ; Septante : xaXâ|iou tiwSoviç ; Vulgate, ca ! amus ; hébreu qânéh hattôb, Jer., vi, 20 ; Septante : xivà(i.ipu.ov ; Vulgate calamum suave olenlem), nom vulgaire d’une plante aromatique qui, selon quelques exégètes, serait VAndropogon schœnanthus.

I. Description.

Plusieurs graminées des régions subtropicales, du genre andropogon, ont reçu le nom de jonc odorant à cause des principes aromatiques reniermés dans leurs feuilles ou plus habituellement dans leurs racines. Ce sont des herbes vivaces et cespiteuses, à épillets composés d’un rachis velu portant deux fleurs, dont l’intérieure, stérile, est réduite à une glumelle écailleuSe ; ces épillets disposés par deux sur les rameaux de la panicule sont pourvus, en outre, de grandes bractées imitant des spathes.

Dans cette série viennent se placer d’abord deux espèces de l’Inde qui fournissent le parfum nommé vétiver, VAndropogon rnuricatus Retz, à inflorescence simple, et l’A. nardus Linné à ramuscules floraux plusieurs fois divisés. Puis plusieurs autres dont les panicules sont resserrées en épis, telles que VA. schœnanthus Linné (fig. 281), espèce du Bengale qui se retrouve en Arabie, caractérisée par ses fleurs dépourvues d’arêtes, l’A. circinalus Hochstetter d’Arabie, remarquable par ses longues feuilles enroulées en crosse, l’A. iwarancusa Roxburg des montagnes de l’Afghanistan, à rachis hérissé de poils courts, enfin l’A. laniger Desfontaines de Barbarie, à épillets enveloppés dans un duvet laineux.

F. Hy.

II. Exégèse.

Le qânéh est mis au rang des parfums les plus exquis, à côté du nard, du cinnamome. Cant., iv, 14. Il entrait dans la composition aromatique brûlée sur l’autel des parfums. Is., xliii, 24 ; Jer., vi, 20. Dans ce dernier passage il est mis en parallèle avec l’encens de Saba :

Pourquoi m’offrez-vous l’encens de Saba

Et le qânéh au doux parfum des terres lointaines ?

Ces terres lointaines paraissent être l’Arabie, d’après le parallélisme avec Saba. C’est de la même contrée qu’on l’apportait sur les marchés de Tyr. Vedan, peut-être Aden, et Javan de Huzal(col.786), tribu arabe de P^émen, venaient vendre à Tyr, avec le fer fabriqué, la casse et le qânéh odorant. Ce parfum est célèbre surtout parce qu’il entrait dans la composition de l’huile d’onction, qu’il était absolument interdit aux particuliers de reproduire. Exod., xxx, 23. Ce parfum à base d’huile d’olive était un composé de myrrhe, de cinnamome, de casse et de qânéh odorant : sur 500 sicles de myrrhe et autant de casse, on mettait 250 sicles seulement de cinnamome et 250 -de qânéh odorant. D’après tous ces textes le qânéh est « ne plante d’un parlum exquis qui venait d’Arabie et

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281. — Andropogon schœnanthus.

les mêmes lieux de provenance, « l’espèce de Nabathée qui est la meilleure ; la seconde est celle d’Arabie que d’aucuns appellent de Babylone. » Mais au lieu de la Cœlésyrie il met la Lybie, ce qui semble plus exact et conforme aux données égyptiennes. Pour lui aussi, l’odeur du jonc est comparée à celle de la rose. Traité des Simples de Ibn el-Beithar, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, in-4°, Paris, 1877, t. xxiii, p. 35. Dans les recettes du Kyphi ou parfum sacré des anciens Égyptiens nous trouvons mentionné VAndropogon schœnanthus. Les anciens auteurs, comme Dioscoride, De mat. tnedica., i, 24, Plutarque, De Is. Osir., 80, Galien, De antidotis, ii, 2, qui s’étaient occupés de la composition de ce parfum, le désignaient par le nom de <r/oïvo ;, schœnus. Les documents hiéroglyphiques nous ont révélé les noms que lui

donnaient les Egyptiens. C’est le [ ïï i i » ^ u ament, jonc ou souchet occidental : ce qui répond bien à l’indication de lieu donnée par Dioscoride, De mat. med., i, 16, la Lybie. Une des recettes du Kyphi donne un équivalent à ce premier nom : $u ament, c’est-à-dire,

, ^m

„qamKeS, oi

>*, ?, = !

, qam

en-Kei, « jonc d’Ethiopie » (cf. copte kxiii, hébreu ndi, gomé’, jonc), appelé aussi dans un texte de Dendcrah

^* i i i ! » 1 1 - t - Kek Nahsi, « jonc de Nigritie » ou du pays de Punt. V. Loret, Le Kyphi, parfum sacré des anciens Égyptiens, dans le Journal asiatique, juilletaoût 1887, p. 76-80, 88-89, 110-112 ; Les fêtes d’Osiris au mois de Khoiak, dans Recueil de trav. relatifs à Varchéol. égypt., 1883, t. iv, p. 21 ; 1884, t. v, p. 93. La Flore pharaonique d’après les documents hiéroglyphiques, 2° édit., Paris, 1892, p. 25. Un certain nombre de caractères, comme sa provenance, son emploi dans les recettes les plus fameuses de parfumerie, permettent donc d’identifier l’Andropogon schœnanthus avec le qânéh bôsém : mais ce ne sont que des ressemblances générales. D’après d’autres savants, si l’on examine le nom même de qânéh et qu’on le compare avec le même nom connu en Egypte et dans d’autres contrées, le qanéh ne doit pas être identifié avec l’Andropogon schœnanthus ou jonc odorant, mais bien avec YAcorus aromatwus ou roseau aromatique. Voir ce dernier nom.

E. Levesque.

    1. JONES John##


JONES John, théologien catholique, né à Londres en 1575, mort dans cette même ville le 17 décembre 1636. D’une famille appartenant à la religion anglicane, il étudia à l’université d’Oxford ; mais s’y étant converti au catholicisme, il passa en Espagne et entra dans l’ordre de saint Benoit où il reçut le nom de Léandre de Saint-Marlin. Après avoir enseigné à Douai la théologie et la langue hébraïque, il revint en Angleterre où il fut choisi pour supérieur général de son ordre en ce pays. Son principal ouvrage est une édition de la Bible sous le titre : Biblia cum glossa ordinaria a Slmho Fuldensi collecta, novis Patrum græcorum et lalinorum explicationibus locupletata etpostillaNicolai Lxjrani cum additiombus Pauli Burgemis ac Matthise Thoringi replias, theologorum Duarensium studio emendatis. Omnia denuo recensuit Leander a Sancto Martino adjecitque plures antiquos ac novos tractalus, analyses, parallela, tabulas chronologicas et prosographicas cum indicibus copiosissimis, ut merito heec edilio dici possit theologorum et concionatorum Thésaurus, in-f », Anvers, 1634. Nous citerons en outre de ce même auteur : Sacra ars mémorise ad Scripturas divinas in promptu habendas memonterque addlscendas accomodata, in-8°, Douai, 1623 ; Conciliatio locorum specie tenus pugnantium totius iscripturse, in-8°, Douai, 1623. Ce dernier travail n’est qu’un abrégé d’un ouvrage plus considérable du P. Séraphin Cumiron, religieux de l’ordre de Saint-François. — Voir D. François, Bibliothèque générale des Écrivains de l’Ordre de S. Benoit, t. ii, p. 50 ; Ziegelbauer, Hist. rei literarise ord. S. Benedicti, t. ii, p. 59, 149, 150 ; t. iv,

p. 13, 22, 58.
B. Heurtebize.
    1. JONGHEM (Henri de)##


JONGHEM (Henri de), Belge, religieux franciscain, né vers 1602 à Hasselt dans la principauté de Liège, mort à Maseick, sur la Meuse, le 20 octobre 1669. En 1643 il fut chargé d’enseigner la théologie au couvent de Louvain. Nous lui devons : Brevis elucidatio htteralis libri Job ex probatis auctoribus excerpta, in-8°, Anvers, 1661. — Voir Paquot, Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des Pays-Bas, t. xviii (1770), p. 334.

B. Heurtebize.
    1. JOPPÉ##

JOPPÉ (hébreu : Yâfô et Yâf ô" ; grec : ’Iôtcoti), ville maritime de Palestine qui peut être considérée comme le port ordinaire de Jérusalem. C’est aujourd’hui Jaffa (fig. 282).

I. Nom et identification.

Ce nom se lit dans les listes géographiques des pylônes de Karnak (n » 62), écrit Iapû ou Iopû. Dans les inscriptions assyriennes, c’est Ia-ap-pu-u, équivalant à Iappû. La signification de ce nom tenue pour la plus probable est celle de « beauté »,

de la racine Yàfâh, « être beau. » Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 612. Tout en lui reconnaissant cette étymologie, les anciens lui donnent cependant quelquefois le sens xaTa<rxo7r^, scopula, « lieu d’observation. » Cf. Origenianum lexicon nominum hebraic, Pat. lat., t. xxiii, col. 1230. Selon saint Grégoire de Nazianze, c’est xaTotcrxoTni tî)î x a P 5° > scopula gaudii. Orat. Il apolog., t. xxxv, col. 507. La position de Joppé est également favorable aux deux interprétations, mais la seconde n’est pas philologiquement explicable. L’identité de Yâf a’des Arabes, notre Jaffa, et de Joppé est universellement admise et hors de toute contestation.

II. Situation.

La position de Joppé « sur la mer », ir iris 8aXdctr<Tï ; ç, est positivement affirmée, I Mach., xiv, 34, et indirectement en une multitude de passages. Cf. II Par., ii, 15 ; I Esd., iii, 7 ; Jonas, i, 3 ; I Mach., xiv, 5 ; II Mach., xii, 3-4 ; Act., x, 5. Elle était près de la frontière septentrionale de Dan, cf. Jos., XIX, 46 ; dans le voisinage de Lydda, Act., IX, 38, et à plus d’une journée de marche de Césarée. Act., x, 8-9 ; 23-24. Ptolémée Philométor se rendant d’Egypte à Ptolémaïde trouvait Joppé sur sa route, après avoir passé à Azot. I Mach., xi, 4-7. Ces indications bibliques sont complétées par les documents profanes. Les récits assyriens citent Joppé, avec Beth Dagon (aujourd’hui Beit-Dedjân), Benê-Barak (Ibn-lbraq) et Asor (probablement Yâsour), comme ville voisine et dépendante d’Ascalon et d’Amgaruna (Accaron). Prisme de Taylor ou cylindre G de Sennachérib ; Cuneiform Inscriptions, 1. 1, 38-39. Josèphe indique cette ville à cent cinquante stades (30 kilom.) d’Antipatris, Ant. jud., XIII, xv, 1 ; entre Jamnia, au sud, et Césarée, au nord. Bell, jud., IV, XI, 5. Elle était entre Jamnia et Apollonia, selon Pline, H. N., v, 14. Ptolémée place Joppé aux degrés 65, 20 de latitude, et 32, 30 de longitude ; le port de Jamnia à 65 et 32, et Apollonia à 66 et 32, 30. Géographie, xvi, Descriptio Paliestinse Judieee. — Jaffa est, en réalité, au nord-ouest, à cinq kilomètres de Yâsour, à neuf de Bexl-Ded)ân, à dix-sept de Lydd ou Lydda, à dix-huit de Ramléh, à vingt et un au nord de Yabnéh, l’ancienne Jamnia ; à vingt-trois au nord-ouest de’Aqer (Accaron), à trente-trois au nord-ouest A’Esdoud (Azot) ; à seize au sud d’Arsouf, que l’on croit être l’Apollonia des Grecs et des Romains, et à cinquante également au sud de Césarée. La distance entre Jaffa et Jérusalem, située à l’est-sud-est, est de soixante-deux kilomètres.

III. Description.

Jaffa ou Joppé est bâtie sur une colline rocheuse s’élevant de trente mètres environ au-dessus de la plaine qui s’étend vers l’est, et de cinquante au-dessus du niveau de la Méditerranée, qui baigne sa base, se développant en arc du sud au nord-est. Les maisons de la ville, couvrant toutes les pentes de la colline, sont encore pour la plupart, aujourd’hui comme jadis, à terrasse plate. Voir Act., x, 9. Les toits de tuiles rouges tendent cependant de plus en plus à lui donner un aspect moderne. Des remparts dont elle a toujours été entourée dans le passé, il reste, le long du rivage et au sud, des pans de muraille crénelée et quelques bastions, au pied desquels gisent de vieux canons hors d’usage, débris de la dernière restauration qui en a été faite dans la première partie du xixe siècle. Au sommet de la colline, on voyait, il y a peu d’années, un château-fort rebâli lui-même, sans aucun doute, à la place des anciennes citadelles, et probablement avec leurs débris ; l’église de Saint -Pierre et le couvent des franciscains de Terre Sainte couronnent aujourd’hui la hauteur. Les rues de la ville sont extrêmement étroites, tortueuses, obscures et sales. Le quai, peu développé lui-même, est ordinairement encombré de chameaux et d’autres bêtes de somme chargés de toutes sortes de produits et de marchandises. Les colonnes monolithes de marbre ou de granit qui forment les portiques de la principale mosquée, située au nord-est, paraissent provenir de plus

anciennes constructions ; ce sont à peu près les seuls débris offrant un certain caractère d’antiquité ; encore peuvent-elles avoir été ainsi que l’ont été une partie des pierres des remparts et des bâtiments de la ville actuelle, empruntées aux ruines de Césarée. Le périmètre de la ville était trop étroit pour contenir la population augmentée depuis trente ans par une immigration incessante d’étrangers ; des rues nouvelles, des quartiers étendus et des colonies se sont élevés autour de la colline primitive, doublant au moins l’assiette de la ville.

— Le port si célèbre de Jaffa est une anse naturelle ouverte au nord, de trois cents mètres de longueur et de cent de largeur, tormée par une bande de récifs, avec une

qui lui a le plus mérité son nom de Yâfâh, c’est celle de ses vergers. L’officier de Pharaon qui nous a laissé la plus ancienne relation de voyage connue, et traversait la Palestine à l’époque de Ramsès II ou de Ménephtah, célèbre déjà les enclos verdoyants de Joppé en leur prospérité, et se laisse attirer à l’appât de leurs fruits mûrs et savoureux. Voir F. Chabas, Voyage d’un Égyptien en Syrie, en Phénicie, en Palestine, au xiv siècle avant noire ère, Chalon-sur-Saône et Paris, 1866, p. 250, 315. De la ville haute, l’oeil embrasse un vaste espace que l’industrie des habitants plus favorisée pourrait développer encore, formant un seul et unique bosquet ; c’est un fourré de figuiers, d’amandiers,

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282. — Vue de Jafla. D’après une photographie.

passe à l’ouest resserrée entre deux rochers proéminents, distants de cinq mètres à peine l’un de l’autre, dans laquelle les flots s’engouffrent en déferlant. C’est l’entrée par où passent d’ordinaire, non sans danger, les barques amenant des navires mouillés au large les pèlerins qui viennent visiter la Terre-Sainte ; les bateaux de dimension un peu plus grande pénètrent par le nord. Ce bassin était sans doute assez vaste et assez profond pour contenir les petits navires de la haute antiquité, mais les grands bâtiments, ainsi que les vapeurs actuels, ont toujours dû ancrer au loin ; aujourd’hui, à moitié comblé par les sables, il n’abrite plus que les barques ordinaires et les voiliers de faible tonnage. Aux regards, du voyageur arrivant du large, Jaffa, avec ses maisons blanches sur le fond d’un bleu violacé des monts lointains de Judée et de Samarie, s’élevant sur sa colline au-dessus de la ligne d’un gris jaunâtre des rivages palestiniens et s’avançant dans la mer, se présente comme une personne amie lui tendant les mains pour l’accueillir en cette Terre Promise tant souhaitée. — La splendeur

DICT. CE LA BIBLE,

d’abricotiers et de pêchers ; de gigantesques sycomores, de cocotiers, de mûriers et de citronniers chargés à la fois de fruits et de fleurs répandant au loin leur suave parfum ; d’orangers dont les branches ploient sous le poids de leurs énormes fruits d’or ; de grenadiers à la fleur écarlate, et de bananiers aux larges feuilles, pardessus lesquels le palmier élancé agite sa tête en panache. De cette verdure touffue, émergent, çà et là, de jolies villas près desquelles l’incessante noria déverse des torrents d’eau allant de toute part entretenir cette fécondité et arroser des plants de légumes de toute sorte dissimulés parmi les arbres.

IV. Histoire.

Avant les Hébreux.

Répétant

l’assertion des habitants du pays, les auteurs latins font remonter la fondation de Joppé aux temps antédiluiiens. Cf. Pomponius Mêla, De situ orbis, i, 12 ; Pline, H. N., v, 14. Elle aurait été bâtie par Jopes, fille d’Éole et ôpouse de Céphée, qui lui aurait imposé son nom. Voir Etienne de Byzance, ’èv’EDvixoïc, au mot’Io’irr).Des écrivains moins anciens en attribuent l’origine à Japhet

111. - 52

4635

JOPPÉ

1636

fils de Noé, qui l’aurait bâtie avant le déluge, parce qu’ils ont cru reconnaître son nom dans celui de Joppé ou de Jaffa. Cf. Adrichomius, Theatrum Terri » Sanctee, Cologne, 1600, p. 23 ; Quaresmius, Elucidalio Terrx Sanctse, t. IV, Peregrinat. j », c. I, Anvers, 1639, t. ii, p. 4. C"est à Joppé, selon les récits de la fable, qu’Andromède aurait été attachée sur un rocher, exposée au monstre marin et délivrée par Persée. Au Ier siècle, on prétendait reconnaître les vestiges des chaînes qui avaient retenu la princesse ; au ive siècle, on les montrait encore à saint Jérôme. Josèphe, Bell, jud., III, ix, 3 ; Strabon, Géographie, xvi, 759 ; Pline, H. N., v, 14 ; S. Jérôme, In Jonam, i, 3, t. xxv, col. 1123. Cf. Epist. cviii, ad Eustochium, t. xxii, col 883. — M. Scaurus, officier de Pompée dans l’expédition de Syrie, fit transporter de Joppé à Rome les ossements d’un poisson gigantesque dont la longueur était de quarante pieds et dont une des côtes était plus grande que celle d’un éléphant des Indes ; il les montra au peuple, au temps de son édilité, comme étant le squelette du monstre tué par Persée. Pline, H. N., ix, 4 ; Solin, De mirabihbus mundi, c. xxxiv. Le mythe d’Andromède paraît être à Reland une réminiscence de Jonas et du poisson qui l’engloutit. Palœstina, p. 866. Il se pourrait qu’il se rattachât au culte de Dagon et de Dercéto, son épouse, qui, encore en honneur à Joppé au commencement de l’ère chrétienne, comme l’atteste Pline, H. N., v, 14, avait dû être celui des anciens temps. Ce qui est certain c’est que Joppé est très ancienne. Josué la cite avec les villes données à la tribu de Dan. Jos., xix, 46. Avant cette époque Thothmès III la nomme déjà, sur un des pylônes de Karnak, parmi les villes conquises par lui en Syrie. Voir Maspero, Sur les noms géographiques de la liste de Thotmès III, qu’on peut rapporter à la /wde’e, 1880, p. 9. Nous avons entendu célébrer ses jardins, par un officier de Ramsès ou de Ménephtah. On a trouvé encore une lettre de cette période, parmi les tablettes cunéiformes de Tel el-Amarna, écrite au roi d’Egypte par son gouverneur de Joppé, pour l’informer de l’état du pays et lui demander ses ordres. Cf. Conder, The Tell Amarna Tablets, Londres, 1894, p. 115-117.

2o Au temps des Israélites jusqu’après la captivité.

— Joppé, quoique attribuée par Josué à la tribu de Dan, xix, 46, ne paraît pas, non plus que les autres villes du littoral, avoir été soumise aux Israélites avant le règne de David, qui assujettit au tribut le pays des Philistins et toute la région maritime. Cf. Jud., i, 34 ; xviii, 1 ; II Reg., viii, 1 ; Eccli., xlvii, 8. Elle semble avoir appartenu alors aux Amorrhéens et non aux Philistins. Cf. Jud., i, 34. Sous le règne de Salomon, elle fut le port où les Syriens d’Hiram amenèrent les bois de cèdre, nécessaires à la construction du Temple, pour les transporter de là à Jérusalem. II Par., ii, 16. Elle dut échapper à Juda, au temps du schisme des dix tribus, ainsi que le reste du littoral. À partir de ce moment Joppé subit l’incertitude des autres villes de ces régions. Soumises peut-être par Sésac, roi d’Egypte, lors de sa campagne contre Roboam, elles ne tardèrent pas à recouvrer leur indépendance, mais pour courber bientôt la tête devant la puissance formidable des Assyriens. Tandis qie Jéroboam II régnait à Samarie et Amasias ou son fils Ozias à Jérusalem, elles furent, une première fois, assujetties par RammannirarlII (812-783). Western Asiatic Inscriptions, t. i, p. 35, 1. 11-14. C’est vers ce temps que le prophète Jonas, envoyé à Ninive, vint, pour échapper à sa mission, s’embarquer sur un navire partant pour Tharsis. Jon., i, 3 ; cf. IV Reg., xiv, 25. Sous le règne d’Achaz, elles payaient encore le tribut à Théglathphalasar III. Western Asiatic Inscriptions, t. ii, p. 67 ; t. iii, p. 10, n. 2. Ézéchias soumit de nouveau à Juda toutes les villes, du pays des Philistins. IV Reg., xviii, 8. Joppé était de leur nombre, nous le savons par les inscriptions de Sennachérib. Ce roi, en

effet, la 3 « année de son règne (701), qui était la 14o du règne d’Ézéchias, IV Reg., xviii, 13, entra en campagne pour châtier le roi de Juda et les villes du littoral méditerranéen qui s’étaient révoltés contre lui. Après avoir raconté la prise d’Ascalon, « poursuivant ma campagne, continue-t-il, je marchai contre Beth-Dagon, Joppé, Benébaraq, Azot, les villes de Zidqa (Ézéchias) qui m’avait refusé obéissance ; je les pris et j’en emmenai les habitants prisonniers. » Prisme de Tajlor ou Cylindre C. de Sennachérib, col. ii, lignes 6568 ; West. Asiat. Inscriptions, 1, 38-39. Pendant le règne de Manassé (697-642), les expéditions d’Asarhaddon (672^ et d’Assurbanipal (668, 663 [ ?J, 647) maintinrent ces villes sous le joug ou le leur imposèrent de nouveau. Voir

    1. ASARHADDON##


ASARHADDON, t. i, Col. 1059 ; ASSURBANIPAL, Col. 1114 1116. Les Chaldéens, avec Nabuchodonosor, vinrent recueillir l’héritage de l’Assyrie que l’Egypte avait un instant tenté de s’attribuer.

3o Depuis le retour de la captivité jusqu’à la dispersion des Juifs. — Les Perses avaient remplacé les Chaldéens et les Juifs étaient revenus à Jérusalem pour relever le Temple : Joppé fut le port désigné par Cyrus, où l’on devait, comme au temps de Salomon, amener les cèdres du Liban destinés à la construction du second Temple (536). I Esd., iii, 7. Alexandre, ayant à son tour supplanté les Perses (333), Joppé, pendant deux siècles, se trouva être, comme toutes les villes du littoral syrien, le jouet des rivalités des rois grecs d’Egypte et de Syrie. Antiochus IV Épiphane, en se rendant en Palestine, débarqua à Joppé, avant de monter à Jérusalem. II Mach., iv, 21. À cette époque, un certain nombre de familles juives habitaient Joppé. Les payens, dans les premiers temps de la guerre des Machabées, commirent à leur égard une des plus odieuses trahisons que puisse enregistrer l’histoire. Affectant de vouloir entretenir des relations de l’amitié la plus étroite, ils invitèrent les Juifs à une promenade sur mer. Ceux-ci, ne soupçonnant aucune perfidie, montèrent avec leurs femmes et leurs enfants sur les barques qu’on leur offrait ; mais lorsqu’elles furent en pleine mer, les payens les coulèrent. Deux cents personnes au moins furent ainsi noyées. Judas Machabée, en apprenant ce double forfait, appela ses hommes d’armes et, invoquant la juste vengeance de Dieu, il marcha contre les assassins de ses frères. Il pénétra dans le port pendant la nuit, mit le feu aux barques qui s’y trouvaient et tua tous ceux qui cherchaient à échapper aux flammes. Il s’éloigna ensuite, laissant croire aux habitants qu’il reviendrait pour les exterminer et détruire leur ville. II Mach., xii, 3-7. Les frères de Juda ne devaient pas tarder à réunir Joppé à la Judée. — Demétrius II Nicator, ayant débarqué en Syrie dans l’intention de supplanter Alexandre Balas, Apollonius se déclara pour Demétrius et vint à Jamnia avec de grandes forces pour attaquer Jonathas, resté fidèle à Alexandre. Provoqué par le général syrien, Jonathas assisté deson frère Simon, avec dix mille hommes de choix, descendit devant Joppé. La ville était gardée par une garnison qu’y avait laissée Apollonius. Les Juifs commencèrent l’attaque. Les habitants effrayés ouvrirent les portes et remirent la ville aux mains de Jonathas (147). I Mach., x, 74-76. — Peu de temps après Ptolémée VI Philométor, beau-père d’Alexandre, se rendant d’Egypte à Ptolémaide, Jonathas qui était retourné à Jérusalem après avoir infligé une défaite complète à Apollonius, descendit de nouveau à Joppé, mais en grande pompe et chargé de présents, pour venir à la rencontre du roi d’Egypte. Ils se saluèrent, passèrent la nuit ensemble et le lendemain se dirigèrent vers le fleuve Éleuthère (146). I Mach., xi, 6 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, IV, 5. — Tandis que Jonathas était retenu dans la Transjordane, occupé à lutter contre les forces de Demétrius et de ses alliés, son frère Simon, ayant reçu l’avis que les habitants de Joppé voulaient

Temettre la forteresse aux gens de Démétrius, vint lui-même l’occuper et y établir une garnison. I Mach., xii, 33-34. Jonathas ayant été perfidement retenu prisonnier à Plolémaïde, par Tryphon, nouveau compétiteur à la couronne de Syrie, Simon prit en main le pouvoir et réunit aussitôt une armée. Soupçonnant les habitants de Joppé d’avoir formé le dessein de remettre la place à l’usurpateur, il s’empressa d’y envoyer, pour les expulser et garder la ville, Jonathas, fils d’Absalom, avec un fort détachement composé de soldats mercenaires (143). I Mach., xiii, 11 ; Josèphe Ant.jud., XIII, vi, 3. — Les efforts des Machabées avaient enfin triomphé et obtenu l’indépendance de leur peuple (142). Simon qui avait succédé à Jonathas assassiné par Tryphon, s’occupa de rechercher tout ce qui pourrait procurer la prospérité de la nation ; un de ses premiers soins fut de trouver un port pour établir des relations commerciales avec les Iles, c’est-à-dire avec l’Europe : il choisit Joppé. Il semble avoir agrandi ce port, l’avoir embelli et en avoir célébré l’inauguration par des fêtes splendides et solennelles (140). I Mach., Xiv, 5. Pour la protéger plus mûrement, il fit faire de nouvelles fortifications à la ville. Cependant la gloire et la prospérité de Simon et spécialement l’occupation de Joppé portèrent ombrage à Antiochus VII Sidètes. Il refusa le secours d’hommes et d’argent que Simon lui envoyait contre Tryphon enfermé dans Dora, rétracta tous ses engagements et réclama Joppé ainsi que Gazara et l’Acra de Jérusalem, lesquelles il prétendait être sa propriété. « Nous n’avons rien pris qui ne fût à nous et l’héritage de nos pères, répondit Simon. Quant à Joppé et Gazara, ces villes ne cessaient d’exercer les plus extrêmes violences contre notre peuple et notre pays ; nous vous donnons pour elles cent talents. » L’offre fut repoussée dédaigueusement et Cendebée, chef des armées de terre « t de mer, envoyé aussitôt contre les Juifs. Cendebée fut complètement défait près d’Azot et dut prendre la fuite (135). I Mach., xv, 25-41 ; xvi, 1-10. — Les récits de l’Ancien Testament s’arrêtent à cette victoire, suivie de près par la mort de Simon ; c’est à Josèphe que nous devons avoir recours pour la suite de l’histoire. — L’année suivante, la première du gouvernement de Jean Hyrcan (134), Antiochus brûlant de venger l’humiliation de ses armes, envahit la Judée ; Joppé fut Teprise. Hyrcan ne put éloigner son ennemi qu’en dépouillant le tombeau de David de ses trésors et en les livrant à son ennemi ; mais aussitôt délivré, il envoya une ambassade à Rome renouveler l’alliance conclue avec les Romains, par son frère, et réclamer les villes et le territoire qui lui avaient été enlevés. Un décret du Sénat déclara « que Joppé et son port, Gazara et ses fontaines et toutes les autres villes prises par Antiochus, lui seraient restituées » (127). Ant. jud., XIII, viii, 2-4 ; lx, 2. Alexandre Jannée (106-78) était encore tranquille possesseur de Joppé ; il creusa non loin de la ville, au nord, entre la mer et Antipatris, un fossé profond et construisit devant un mur muni de tours et de bastions de bois, sur une longueur de cent cinquante stades, pensant arrêter Antiochus XII Dionysios qui menaçait d’envahir la Judée. Celui-ci brûla les tours, combla le fossé et passa, pour se rendre en Arabie. Ant. jud., XIII, xv, 1 ; Bell, jud., i, iv, 7. Pompée, après avoir disposé de Jérusalem, déclara Joppé ville libre, la rattacha à la province de Syrie et l’enleva aux Juifs (63). Ant. jud., XIV, iv, 4 ; Bell, jud., i, vii, 7. Jules César, vainqueur de Pompée, et dictateur (48-44), décida que Joppé, qui dés le commencement, depuis qu’ils avaient lait amitié avec les Romains, a appartenu aux Juifs, serait à eux comme auparavant. Les revenus de la ville, du port et du territoire devaient être l’apanage du grandprêtre et ethnarque des Juifs, Hyrcan U, fils d’Alexandre, et de sa famille. Joppé était du reste exemptée de payer le tribut à la ville de Jérusalem. Ant. jud., XIV, x, 6.

Joppé se déclara pour Antigone quand il eut posé sur sa tête la couronne royale (40), et Hérode, à son retour de Rome où il venait de se faire déclarer roi de Judée par le Sénat, dut la prendre de force avec l’aide des Romains (37). Ant. jud., XIV, xv, 1 ; Bell, jud., i, xv, 4. Antoine la retira des mains d’Hérode pour la donner à Cléopâtre, mais Auguste, après la bataille d’Actium, la lui restitua, avec toutes les villes dont l’avait dépouillé l’avarice de cette femme (31). Ant. jud., XV, iv, 1 ; vii, 3 ; Bell, jud., i, xviii, 5 ; xx, 3. — Jusqu’à ce temps, mais surtout sous les princes Asmonéens et depuis Simon, Joppé, à cause de sa force, de son port et de son commerce, devait être considérée comme la première ville de la côte palestinienne, du moins elle était l’égale des plus considérables.Hérode devait la faire déchoir de ce rang. En faisant de la Tour de Straton la ville de Césarée, et en y créant un port vaste et commode, le roi de Judée devait attirer vers la ville nouvelle tout le mouvement maritime ; cette situation dura jusqu’à la venue des Arabes et des Francs. Bien que déchue de son importance, Joppé demeura toutefois une des principales villes du littoral et le chef-lieu d’une des dix toparchies de la Judée. Bell, jud., III, iii, 5 ; Pline, H. N., v, 79. — Après la mort d’Hérode, Joppé passa aux mains de son fils Archélaùs (4 avant J.-C.-6 après J.-C). Ant. jud., XVII, xi, 4 ; Bell, jud., II, vi, 3. À la déchéance et l’exil de ce prince, elle fut soumise à la juridiction de Césarée où les procurateurs romains chargés de gouverner la Judée rattachée à la province de Syrie, établirent leur siège. Les habitants juifs de Joppé furent des premiers à accueillir le christianisme. Leur église paraît avoir été dès lors nombreuse et florissante. La résurrection de la veuve Tabitha par saint Pierre contribua à l’accroître encore. Le prince des Apôtres s’y arrêta longtemps chez le corroyeur Simon, dont la demeure était proche de la mer. C’est là que Pierre eut la vision de la nappe remplie d’animaux de tous genres, purs et impurs, et entendit la voix qui l’invitait à accueillir les gentils dans le sein de l’Église. Il réfléchissait à la signification de ce qu’il venait de voir et entendre, quand les envoyés du centurion Corneille vinrent le prier d’aller à Césarée (40). Act., ix, 36-43 ; x et xi, 5-12. — Quand éclata le soulèvement des Juifs contre les Romains, Cestius Gallus, gouverneur de Syrie, descendit à Césarée avec toutes ses forces. Il en envoya aussitôt, par terre et par mer, une partie contre Joppé. Les Romains la surprirent et l’occupèrent sans combat. Tous les habitants sans distinction, au nombre de huit mille quatre cents personnes, furent, passés au fil de l’épée ; la ville fut pillée et livrée aux flammes (65). Bell, jud., ii, xviii, 10. Joppé n’avait pas tardé à se relever de ses ruines. Un grand nombre de-Juifs révoltés ou échappés des villes saccagées par les Romains, étaient venus s’y établir et s’y fortifier. Comme ils ne trouvaient pas de ressources dans lepajs qui avait été entièrement dévasté, ils fabriquèrent des navires et se mirent à exercer la piraterie sur les côtes de la Phénicie, de la Syrie et de l’Egypte. Vespasien, arrivé à Césarée, averti de ce qui se passait, expédia un détachement composé de cavalerie et d’infanterie. Il était nuit quand les soldats romains arrivèrent devant Joppé. Ils la trouvèrent mal gardée. Les habitants d’ailleurs effrayés n’osèrent point opposer de résistance. Ils montèrent sur leurs barques et allèrent passer la nuit en pleine mer, hors de la portée des traits. Le lendemain matin, un vent violent s’étant élevé, les barques se brisèrent les unes contre les autres ou contre les rochers du rivage ; d’autres furent submergéees par les flots et les Romains massacrèrent impitoyablement tous ceux qui cherchèrent à gagner la rive. Quatre mille deux cents personnes périrent ainsi et la ville fut renversée de fond en comble. À la place de la citadelle, Vespasien fit établir un camp où il laissa un peu d’infanterie chargée d’em

pêcher les révoltés de venir de nouveau occuper la place, et un groupe de cavaliers pour achever la destruction des localités des alentours (67). Bell, jud., III, ix, 2-4.

Depuis la dispersion des Juifs.

Un ou deux

siècles après, nous trouvons Joppé rebâtie. Le christianisme y a refleuri, elle est devenue le siège d’un évêché et les noms de plusieurs archevêques subsistent parmi ceux de plusieurs signataires des conciles du v « au VIIe siècle. Voir Lequien, Oriens christianus, Paris, 1740, t. iii, col. 625-630. Les pèlerins, attirés par les souvenirs bibliques de Joppé, s’écartent souvent, pour la visiter, de la route directe deCésarée à Jérusalem. Sainte Paule romaine et sa fille sainte Eustochium, accompagnées de saint Jérôme, veulent voir le port où Jonas s’est embarqué (384). Epist. cvnr, ad Eustoch., t. xxii, col. 883. Le prêtre Virgilius, vers 500, et Théodosius, vers 530, sont attirés par le souvenir de saint Pierre et de la résurrection deTabitha. Loc. cit. Saint Antonin de Plaisance, vers 570, recherche la sépulture de cette sainte femme. Itinerarium, t. lxxii, col. 915. — Avec les Arabes (637), Joppé, dorénavant appelée plus communément làla’ou Jaffa, redevint le port principal de la Terre-Sainte. Saint Willibald (723-726) y visita, en venant s’y embarquer, « l’église de saint Pierre l’apôtre, où il ressuscita la veuve appelée Dorcas. » Bien que la ville fût alors assez petite, elle était cependant devenue le grand marché de la Palestine et le port de Ramleh, capitale de la région. Yaqouby (891), Géographie, Leyde, 1861, p. 117 ; El-Mouqadassi (985), Description de la Syrie, Leyde, 1877, p. 174, — Pendant les croisades et depuis Jaffa subit les péripéties les plus diverses. Voir Tudebod, Hist. hierosolym. itmere, t. clv, col. 813 ; Raymond d’Agile, Hist. hierosolym., xxxv, ibid., col. 653-654 ; Albert d’Aix, t. VII, c. xii et xiv, dans Recueil des historiens des Croisades, Htstor. occidentaux, t. iv, p. 515516 ; Daniel, higoumène russe (1106), dans Itinéraires russes en Orient, Genève, 1889, 1. 1, p. 52-53 ; de Rozière, Cartulaire du Saint-Sépulcre, Paris, 1849, n. 14, 16, etc., p. 16, 19 ; Sebast. Paoli, Codice diplomatico del sacro ordine gerosohrnitano, n. 173, t. i, p. 215 ; cf. Itinéraires français de la T. S. écrits awe xi’, xw et xiip siècles, Genève, 1880, p. 92, 181, 191, 192 ; Assises de Jérusalem, édit. Beugnot, Paris, 1841, t. i, p. 262 ; Guillaume de Tyr, Histor. rerum transm-, t. XIV, c. xii, t. cci, col. 594 ; Foucher de Chartres, Historia hierosolymitana, t. II, c. xx, t. clv, col. 878 ; c. xxx, col. 884885 ; Abu’1-Feda, Annales, âansRistoriens des Croisades, Historiens orientaux, t. i, p. 56 ; Ibn el-Atir, Histoires, ibid., p. 691 ; Continuala belli sacri historia, t. CCI, i, XXIV, c. xi-xii, col. 945-946 ; Abu’1-Féda, ibid., p. 74 ; Continuata belli sacri historia, t. XXIV, c. lxxxviii, col. 1006, p. 83^ ; Joinville, édit. N. de Wailly, Paris, 1865, c. c-cx, p. 230-252 ; Continuata belli sacri historia, t. XXVI, c. iii, col. 1042 ; Abu’1-Feda, loc. cit., p. 152 ; Continuata belli sacri / « sfona, I. XXVI, c. xiii, col. 1050 ; Abu’1-Feda, Géographie, édit. Reinaud et de Slane, Paris, 1840, p. 239 ; Isaac Hélo, en 1334, dans Carmoly, Itinéraires de la Terre-Sainte, Bruxelles, 1847, p. 248 ; le seigneur de Caumont, Voyaige d’Oultremer (1418), Paris, 1858, p. 46-47 ; Félix Fabri, Evagatorium Terrse Sanclse, Stuttgart, 1843, t. i, p. 191 ; Aquilante Rochetta, Peregrinatione di Terra Santa, in-8°, Palerme, 1630, p. 372-374 ; Mich. Nau, Voyage nouveau de la Terre-Sainte, Paris, 1679, p. 21-24 ; Turpetin (1715) ; Voyage de Jérusalem, édit’. Couret, Orléans, 1889, p. 31-32 ; Rich. Pockoke 1733-1738), Voyages, Paris, 1772, p. 5-6. Bonaparte l’assiégea et la prit le 3 mars 1799 ; Thiers, Hist. de la Révolution française, t. x, p. 291, 300 ; Am. Gabourd, Hist. de la Révolution et de l Empire, Paris, 1847, t. v, p. 480. Ibrahim pacha s’en empara et l’occupa, en décembre 1831. De Geramb, Pèlerinage à Jérusalem et au mont Sinaï, 8e édit., Paris, 1848, t. i,

p. 72-73. Un tremblemement de terre renversa, en 1838, une partie de la ville et ses fortifications.

État actuel.

Jaffa qui, il y a trente ans, comptait

à peine dix mille habitants, a aujourd’hui une population d’environ 30000 âmes, dont 15000 musulmans, 8900 chrétiens (6000 grecs, 1000 latins, 900 protestants, 600 melkites, 300 maronites, 100 arméniens) et 5000 Juifs. La rade de Jaffa est devenue l’une des principales du Levant et un des centres les plus importants du commerce entre l’Orient et l’Occident. Tandis que l’Europe lui envoie les produits de son industrie, Jaffa expédie à la Grèce, la Russie, la France, l’Allemagne, l’Angleterre et jusqu’en Amérique, les fruits agricoles de la campagne des alentours, le blé, l’orge, le doura, . le sésame, l’huile d’olive, le vin des vignobles de Richon (’Aîn-Qâra’), le savon, et surtout les oranges de ses jardins. La valeur des produits exportés en ces dernières années a été, en moyenne, d’après l’estimation officielle de la douane, de treize millions de francs » La vapeur, en abrégeant les voyages, a multiplié les pèlerins et les visiteurs, et le nombre de ceux qui abordent à Jaffa est annuellement d’environ cinquante mille, tant juifs et musulmans que chrétiens. La plupart, depuis l’établissement de la voie ferrée entre Jaffa et Jérusalem, traversent rapidement la ville pour se rendre à la station du départ. Aux chrétiens qui ont le loisir de visiter la ville, on fait voir, non loin des restes du mur méridional et du phare, une petite mosquée que l’on dit être à la place de la maison de Simon le corroyeur. Les documents du moyen âge indiquent, en effet l’église de Saint-Pierre vers le sud de la ville et vers l’angle sud-ouest. Cf. Sebast. Paoli, Codice diplomatico del sacro rmhtare ord. gerosolym., n. 173 (ann. 1193), Lucques, 1733, t. i, p. 213. Dernièrement, le mur d’une construction contigue à la petite mosquée, du côté du midi, s’étant écroulé, laissa paraître deux absides et quelques pans de murs d’une grande église, de caractère médiéval ; cette découverte ne permet guère de douter que la tradition actuelle ne soit la continuation de la tradition du xiie siècle. La situation de la maison de la veuve Tabitha, si jamais elle a été connue, parait oubliée aujourd’hui. On montre toutefois, comme il y a trois ou quatre siècles, dans les jardins, à un kilomètre et demi de la ville, vers l’est, et à un demi-kilomètre de la fontaine d’Abou-Nabbout, la grotte sépulcrale où cette sainte femme aurait été ensevelie. Elle consiste en une chambre taillée dans le tuf, dans laquelle on descend par un escalier de six ou sept marches. Elle est pavée en mosaïque et les fours sépulcraux ont été pratiqués dans trois de ses côtés. Les Russes, propriétaires de cet hypogée, l’ont transformé en une chapelle surmontée d’une petite coupole. Les documents sont trop rares et trop pauvres en données topographiques précises, pour garantir l’identité de ces tombeaux avec ceux montrés jadis aux pèlerins et assurer de leur authenticité. Une église dédiée à la sainte s’élève non loin du sépulcre. Quelques - uns ont prétendu, mais sans preuves, que la demeure de cette vénérable femme se trouvait dans la même propriété. — Voir Quaresmius, Elucidât ™ Terrse Sanctse, t. IV, Peregrinatio I’, c. i, Anvers, 1739, t. ii, p. 1-6 ; Mislin, Les Saints Lieux, Paris, 1858, t. ii, p. 127-140 ; V. Guérin, La Judée, c. i, t. i, p. 1-22 ; Fr. Liévin de Hamm, Guide indicateur de la Terre-Sainte, 4e édit., Jérusalem, 1897, t. i, p. 89-103.

L. Heidet.

    1. JOPPITES##

JOPPITES (grec : loizmzai ; Vulgate : Joppitœ), habitants de la ville de Joppé. Ils imitèrent les Juifs qui habitaient avec eux à une promenade en mer et en noyèrent traîtreusement deux cents. Judas Machabée les châtia sévèrement. II Mach., xii, 3-7. Voir Joppé, col. 1636.

JORA (hébreu : Yârdh ; Septante : ’Iwpâ), chef d’une famille dont les descendants, au nombre de cent douze, .

1641

JORA — JÔRAM

1642

Tevinrent de la captivité de Babylone en Palestine avec Ssdras. I Esd., ii, 18. Dans II Esd., vii, 24, il est appelé Hareph. Voir Hareph, col. 428. Il fut un de ceux qui -signèrent l’alliance avec Dieu du temps de Néhémie. il Esd., x, 19.

    1. JORAÏ##

JORAÏ (hébreu : Yôraï ; Septante : ’Iwpsi), un des chefs de famille de la tribu de Gad qui habitèrent dans le pays de Galaad et de Basan et dont le dénombrement eut lie"u pendant le règne de Joathan, roi de Juda, et de Jéroboam II, roi d’Israël. I Par., v, 13, 17.

    1. JORAM##

JORAM (hébreu : Yehôrâtn, et par contraction, Yôrâm, « Jéhovah élève ; » Septante : ’Iwpâji, excepté II Reg., VIII, 10, qui a’IsSSovipâji. ; voir Joram 1), nom de quatre Israélites et d’un fils du roi d’Émath. La Vulgate écrit fautivement le nom de Joram 5 Joran.

1. JORAM (hébreu : Yôram), fils de Thoù, roi d’Émath (t. ii, col. 1718). Son père l’envoya au roi David pour le féliciter de la victoire qu’il avait remportée sur Adarézer (t. i, col. 211), roi de Soba. II Reg., viii, 10. Dans i Par., xviii, 10, il est appelé Adoram. Voir Adoram 2, t. i, col. 233. Cette dernière leçon est probablement la bonne. Il est peu vraisemblable qu’un Hamathéen portât un nom dans lequel Jéhovah entre comme élément composant. Les Septante qui lisent’IsSSoupàiJi. au lieu de Joram, dans II Reg., viii, 10, confirment que le nom de Joram est altéré dans ce passage du texte hébreu et de la Vulgate.

2. JORAM, roi d’Israël (896-884, selon la chronologie ordinaire ; 855-844, selon la chronologie assyrienne). Il était fils’d’Achab et succéda à son frère Ochozias, qui n’avait régné que deux ans. Il fut moins impie que son père et que sa mère, Jézabel, et il ne craignit pas de détruire les statues de Baal qu’ils avaient élevées. Néanmoins il resta fidèle aux traditions schismatiques de Jéroboam. Sa première campagne fut dirigée contre Mésa, roi de Moab. D’après la stèle de ce dernier, Amri, roi d’Israël, avait été longtemps l’oppresseur de Moab et s’était emparé du pays de Médaba. Voir Médaba, Mésa.’Comme Moab était une région de pâturages, Amri lui avait imposé un tribut de cent mille agneaux et de cent mille béliers avec leur laine. IV Reg., iii, 4. Mésa se plaint que cette oppression dura pendant le règne d’Amri et celui de ses fils. À la mort d’Achab, Mésa se révolta contre la suzeraineté israélite et cessa de payer le tribut. IV Reg., iii, 5. Ochozias qui, à la suite de sa chute, resta infirme pendant toute la durée de son règne éphémère, ne put songer à le faire rentrer dans l’obéissance. Joram au contraire s’en préoccupa dès son avènement ; mais il comprit qu’il ne pouvait entreprendre -seul cette expédition. Le royaume de Moab occupait le sud-est de la mer Morte, et le profond ravin dans lequel -coule l’Arnon opposait aux envahisseurs du nord une barrière infranchissable. Voir Arnon, t. i, col. 1022. Il -fallait donc passer par le sud, et pour cela contourner la mer Morte par l’ouest, traverser le Ghôr et gagner les plateaux de Moab. Or, cette expédition n’était possible -qu’avec le concours des rois de Juda et d’Édom, dont il fallait de toute nécessité emprunter le territoire pour -atteindre la frontière méridionale des Moabites. Joram commença par faire le recensement de ses troupes à Samarie ; puis il envoya demander au roi de Juda, Josaphat, de se joindre à lui. Celui-ci avait déjà fait campagne avec Achab, père de Joram, II Par., xviii, 134, et il s’était associé à Ochozias pour une entreprise maritime. II Par., xx, 35-37. Il n’hésita pas à promettre le concours qui lui était demandé et, pour mieux se préparer, voulut savoir par quelle voie l’on marcherait contre Moab. « Par le désert d’Édom, » lui fit répondre Je roi d’Israël. Josaphat envoya aussitôt avertir le roi

d’Édom de la campagne qni allait commencer et requit sa participation. Josèphe, Ant. jtid., IX, iii, i, dit que Joram fut splendidement accueilli à Jérusalem par Josaphat et que les alliés se résolurent à attaquer Mésa par le sud, parce que ce dernier ne pouvait se douter qu’une armée affrontât la traversée du désert pour arriver à lui. — Ici se présente une difficulté. Depuis que David avait assujetti les Iduméens, II Reg., viii, 14, ceux-ci n’avaient plus de roi. Sous Josaphat même, il n’y avait pas de roi dans Édom ; c’était un nissâb, un fonctionnaire royal qui gouvernait. III Reg., xxii, 48 (hébreu). Voir Gouverneur, 12o, col. 285. Ce fut seulement sous Joram, fils de Josaphat, que les Iduméens se révoltèrent contre Juda et se donnèrent un roi. IV Reg., viii, 20. On ne peut s’arrêter à l’hypothèse d’une erreur de copiste substituant, d’après la recension des Septante de Lucien, le nom de Josaphat à celui de son petit-fils Ochozias, qui lui aussi fit campagne avec Joram d’Israël contre les Syriens. IV Reg., viii, 28. Cette campagne contre les Syriens est trop éloignée parmi les événements du règne de Joram, pour avoir interrompu son expédition contre Moab. À cette époque, il est vrai, il y avait un roi îduméen ; mais comment le roi de Juda eùt-il lait si facilement alliance avec un prince qui venait de se révolter contre lui ? Le roi d’Édom qui part en guerre avec Joram et Josaphat est donc simplement le rm$âb. Du reste, on ne le consulte pas ; du moment que Josaphat veut passer par l’Idumée, le gouverneur israélite n’a qu’à s’y prêter docilement et à fournir le contingent qui lui est réclamé.

Les trois rois partirent donc pour contourner la mer Morte par le sud, à travers le pays d’Édom. Mais au bout de sept jours de marche, le manque d’eau se fit péniblement sentir à toute l’armée. Les eaux abondantes qui arrosent le Ghôr viennent de l’est ; on s’en trouvait encore assez loin ; leur accès était même probablement gardé par les Moabites. Dans cette détresse, Joram se mit à désespérer, tandis que Josaphat demanda si dans l’expédition ne se trouvait pas quelque prophète qui pût intéresser le Seigneur à leur sort. Elisée était là. Les trois rois allèrent le trouver. Par égard pour Josaphat, le prophète consulta le Seigneur et rendit cet oracle : « Ainsi parle Jéhovah : Faites dans cette vallée des fosses, des fosses ! Car voici ce que dit Jéhovah : Vous n’apercevrez point de vent et vous ne verrez pas de pluie ; et cette vallée se remplira d’eau et vous boirez, vous, vos troupeaux et votre bétail. » Il leur annonça ensuite leur victoire sur Moab. Le lendemain, dès l’aube, l’eau arriva en abondance du côté d’Édom. Un phénomène, aujourd’hui bien connu, s’était produit. Une abondante pluie d’orage avait inondé les plateaux du désert de Tih et l’eau déjà fortement teintée par la décomposition des terres rouges qu’elle avait traversées, descendait en torrents par Vouadi el-Fiqréh ou Vouadi el-Djeib, qui viennent tous deux de l’Idumée. Cette eau aurait été bientôt absorbée par le sol brûlant ; aussi le prophète avait-il ordonné de creuser des fosses pour la recueillir. Voir Inondation, col. 883. Les Moabites se tenaient en armes à leur frontière pour arrêter les envahisseurs. Quand le soleil monta à l’horizon, ils aperçurent en face d’eux des eaux rouges comme du sang et crurent que les rois confédérés s’étaient battus ensemble et avaient abondamment versé le sang. Ils marchèrent alors pour piller le camp ennemi. Josèphe, Ant. jud., IX, iii, 2, observe qu’il n’y avait là qu’une coloration de l’eau en rouge, due aux rayons du soleil. « Ceux qui ont visité les rives méridionales de la mer Morte savent quelles étranges couleurs changent parfois l’aspect des objets. Nous avons vu la mer Morte vraiment rouge le soir du 1er novembre 1897. » Lagrange, dans la Revue biblique, 1901, p. 542. Des colorations analogues peuvent être constatées même sur nos côtes, au lever ou au coucher du soleil. Les Moabites ne se seraient pas émus

d’un spectacle auquel ils étaient accoutumés, si l’apparence du sang ne se fût montrée là où d’ordinaire ils ne voyaient que du sable. La conséquence de leur erreur fut une déroute. Accourus en pillards sur un sol rugueux ou mouvant, ils furent battus par les troupes alliées. Le pays de Moab était ouvert. Les Israélites y pénétrèrent et, comme l’avait dit Elisée, ils détruisirent les villes, couvrirent de pierres les meilleurs champs, bouchèrent toutes les sources d’eau, abattirent les arbres utiles et vinrent cribler de traits la ville principale de Mésa, Qir tfârâèét où Kérak, dont les murailles les arrêtèrent. Le roi de Moab, enfermé dans sa capitale, vit bientôt que toute résistance était impossible. À la tête de sept cents hommes d'élite, il fit une sortie et tenta de se frayer un passage jusqu’au roi d'Édom, soit qu’il crût ses troupes plus faciles à vaincre, soit qu’il espérât pouvoir détacher de la coalition un peuple dont il n’ignorait pas les aspirations à l’indépendance. La sortie fut repoussée. Mésa se tourna alors vers le dieu de Moab, Chamos. Voir Chamos, t. ii, col. 528. Pour attirer sa protection, le roi prit son fils aîné, qui devait lui succéder, et l’immola en holocauste sur le haut de sa muraille. Ce rite sanguinaire était fort en usage chez les anciens Carthaginois, dans les calamités publiques. Cf. Tertullien, Apologet., ix, 1. 1, col. 314 ; S. Jérôme, M 7s., xlvi, 2, t. xxiv, col. 450 ; Dollinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. ii, p. 327. Josèphe, Ant. jud., IX, iii, 2, dit qu'à la vue de ce cruel sacrifice, les rois alliés, émus de pitié, abandonnèrent le siège et retournèrent chez eux. Il est plus probable que les Moabites se détendirent avec l'énergiedu désespoir, et que les Israélites renoncèrent à emporter la place. En somme, la campagne tourna court. Elisée n’en avait pas prédit l’issue définitive et le livre des Rois se contente de dire que, dans leur indignation, les Israélites reprirent le chemin de leur pays. Cette indignation ne paraît pas avoir visé Mésa, autrement ils n’en auraient été que plus animés à l’exterminer. IV Reg., iii, 1-27. Dans l’inscription de sa stèle, le roi de Moab énumère tout ce qu’il fit à l’occasion de cette guerre. Naturellement, il ne parle pas de sa première défaite à l’entrée du pays ; mais il ne manque pas d’attribuer son salut à Chamos, auquel il bâtit un sanctuaire nouveau en témoignage de reconnaissance. Cf. Lagrange, L’inscription de Mésa, dans la Revue biblique, Paris, 1901, p. 522-545.

Battus par Achab, III Reg., xx, 29-30, dont ils avaient d’ailleurs tiré vengeance, III Reg., xxii, 31-35, les Syriens restaient les rivaux acharnés du royaume d’Israël. Joram le savait et se tenait sur ses gardes. Peut-être même les appréhensions qui lui venaient de ce côté l’empêchèrent-elles de pousser à fond sa campagne contre les Moabites. Les Syriens ne sa gênaient pas, même quand la guerre n'était pas déclarée, pour faire des razzias sur le territoire israélite. IV Reg., v, 2. Un jour Joram reçut une lettré du roi de Syrie, lui annonçant qu’il lui envoyait Naaman, général de ses armées, pour qu’il le guérit de la lèpre. Joram eflrayé crut que son voisin lui cherchait une mauvaise querelle. Il fallut qu’Elisée le rassurât et lui fit dire de lui envoyer Naaman, qu’il guérit en effet. IV Reg., v, 5-10. Les hostilités n’en reprirent pas moins bientôt après entre les deux peuples. Mais il se trouva que toutes les mesures stratégiques que prenait Bénadad II étaient aussitôt connues de Joram, qui manœuvrait en conséquence. Le roi de Sjrie crut à une trahison de la part d’un des membres de son conseil ; on l’avertit qu’Elisée, le prophète, connaissait et divulguait tous ses secrets. Il envoya des hommes pour le prendre : Elisée que ces hommes ne connaissaient pas, les conduisit lui-même jusque dans Samarie, à la merci de Joram, qui, surl’ordre du prophète, les renvoya sains et saufs à leur maître. A la suite de cette aventure, Bénadad, par crainte d’Elisée, raconte Josèphe, Ant. jud., IX, iv, 4, renonça à la

guerre de ruses et se crut assez fort pour attaquer de front le roi d’Israël. Joram s’enferma dans Samarie. Lesiège de la ville tut entrepris par ies Syriens ; il devint si rigoureux qu’une horrible famine en fut la conséquence et qu’une femme en vint à manger son enfant. Joram était désespéré ; il se revêtit d’un cilice pour donner, au moins extérieurement, l’exemple de la pénitence et essayer de fléchir le courroux divin. Puis sa fureur se tourna subitement contre Elisée. Le texte sacré ne dit pas pourquoi ; Josèphe prétend que le roi accusait le prophète de ne pas user de son pouvoir auprès de Dieu pour faire cesser tant de maux. Les émissaires du roi se rendirent à la demeure d’Elisée pour le mettre à mort : « Voici que ce fils d’assassin envoie quelqu’un pour me couper la tête, » dit le prophète, en faisant allusion au meurtre de Naboth par Achab et Jézabel. III Reg., xxi, 19. Le roi suivait son envoyé. Elisée l’avertit que le lendemain les vivres abonderaient à Samarie. La nuit suivante, en effet, les Syriens furent saisis de panique et s’imaginèrent que des Héthéens et des Égyptiens accouraient au secours de Joram. Ils s’enfuirent au delà du Jourdain, laissant après eux toutes sortes de dépouilles et de provisions. Samarie fut ainsi délivrée et copieusement ravitaillée. IV Reg., vi, 24-vn, 20. Voir Elisée, t. ii, col. 1694.

Quelque temps après, Elisée appelé à Damas auprès de Bénadad, qui était malade, prédit sa mort prochaine, et annonça à Hazæl, l’un de ses principaux officiers, qu’il serait roi de Syrie à la place de son maître. Mais il fit cette annonce les larmes aux yeux, car il savait tout le mal qu’Hazæl devait causer aux enfants d’Israël. IV Reg., viii, 7-15. Voir Hazæl, col 459. Les craintes du prophète ne tardèrent pas à se réaliser. Joram paraît avoir profité du changement de roi en Syrie pour essayer de rentrer en possession de Ramoth-Galaad. Le roi Ochozias, de Juda, sur l’avis de ses conseillers, se joignit à Joram d’Israël dans cette expédition. La ville fut prise, mais Joram fut blessé et s’en retourna à Jezræl pour se faire soigner et recommencer ensuite la guerre contre les Syriens. La ville de Ramoth-Galaad resta à la garde de Jéhu, officier de Joram, qu’Elisée envoya sacrer roi d’Israël. Voir Jéhu 2, col. 1245. À quelque temps de là, Ochozias se rendit à Jezræl, pour faire visite à Joram, , qui n'était pas encore complètement guéri de sa blessure.

Jéhu s’y transporta peu après de son côté, pour exécuter les ordres qui lui avaient été donnés par Elisée. Du haut d’une tour de Jezræl, le veilleur vit arriver une troupe. Joram envoya successivement au-devant d’elle deux cavaliers, qui ne revinrent pas. Le veilleur reconnut enfin les nouveaux arrivants : « C’est l’allure de Jéhu, car il conduit comme un fou. » Joram fit aussitôt atteler pour se porter à sa rencontre avec Ochozias. Quand il fut à portée, il s'écria : « Est-ce la paix, Jéhu ? » La réponse fut telle que le roi comprit le péril qui le menaçait. Il tourna bride. Mais Jéhu lui décocha une flèche qui l’atteignit entre les épaules et lui perça le cœur. Joram s’affaissa sur son char. Jéhu fit saisir son cadavre pour qu’on Je jetât dans le champ de Naboth. Il poursuivit ensuite Ochozias qui, blessé à son tour, s’en alla mourir à Mageddo. IV Reg., viii, 28-29 ; ix, 1629 ; II Par., xxii, 5-9 ; Josèphe, Ant. jud., IX, vi, 1-3. Ainsi périt le malheureux Joram. Il s'était montré énergique en plusieurs circonstances, avait rendu la justice à ses heures, IV Reg., viii, 4-6, s'était habilement ménagé le concours des rois de Juda et, en somme, avait profité du crédit dont Elisée jouissait auprès de Dieu. Mais il subit le prophète et le craignit sans l’aimer jamais. Durant tout son régne, il resta soumisà l’influence néfaste de sa mère, Jézabel, qui ne périt qu’après lui, , et c’est à elle surtout qu’il dut d'être un roi impie, bien que moins mauvais que ses parents. Il ne régna que.

douze ans.,
H. Lesêtre.

1645

JORAM — JOSABETH

1646

3. JORAM, roi de Juda (889-881, suivant la chronologie ordinaire ; 852-845, selon la chronologie assyrienne).

II était le fils aîné de Josaphat, auquel il succéda à l’âge de trente-deux ans, la cinquième année de son homonyme, Jorarn, roi d’Israël. Il ne suivit pas les exemples de son père. Marié à la fille d’Achab, Athalie, il obéit à l’impulsion de cette femme et se conduisit comme les pires rois d’Israël. Il commença son règne par un affreux carnage. Il avait six frères, que son père avait libéralement dotés. Sitôt qu’il sentit son trône assuré, il les fit impitoyablement massacrer, et avec eux plusieurs chefs du royaume, sans nul doute pour s’emparer de leurs biens. Peut-être obéissait-il aussi aux suggestions d’Athalie, qui rêvait de régner seule un jour et qui, en tous cas, n’imita que trop bien l’exemple de son mari. IV Reg., xi, 2. — De son temps, les Iduméens se révoltèrent. Ils avaient été gouvernés jusque-là par un nifàâb, fonctionnaire qui commandait au nom du roi de Juda.

III Reg., xxii, 48 (hébreu). Josèphe, Ant. jud.. IX, v, 1, dit qu’ils le tuèrent. À sa place, ils se donnèrent un roi, comme les Moabites. Joram dut partir pour les soumettre, afin de ne point perdre une suzeraineté que son père lui avait léguée et dont Josaphat s’était utilement servi dans la guerre contre les Moabites. Il se porta avec tous ses chars sur une localité appelée §âcir, qui n’a pas encore été identifiée, cf. Buhl, Geschichte der Edomiter, Leipzig, 1893, p. 64, mais qui devait se trouver dans une plaine accessible à la charrerie de guerre. La rencontre ne fut pas heureuse. Du texte sacré, peu clair en ce passage, il semble résulter qu’il y eut une surprise de nuit tentée par Joram, que celui-ci battit les Iduméens qui l’entouraient, put s’échapper avec ses chars, mais qu’ensuite son armée se débanda devant la résistance opposée par les ennemis. LTdumée garda désormais son indépendance. À la même époque, la ville de Lobna, située dans la plaine de Juda, se révolta également. C’était une ville lévitique qui avait droit d’asile. Jos., xxi, 13. Voir Lobna.. — Ces défections n’étaient que trop méritées par la conduite impie de Joram. Il créa des hauts-lieux dans les montagnes de Juda ; il s’appliqua même à introduire jusque dans Jérusalem l’idolâtrie et l’immoralité qui en est la conséquence. Dans ce zèle pour le mal se reconnaît l’influence néfaste d’Athalie. Il était dans les desseins de Dieu de conserver la lignée de David. Cependant Joram méritait le châtiment et le prophète Élie le lui signifia par écrit. Après lui avoir rappelé ses actes d’idolâtrie et le meurtre de ses frères, « qui valaient mieux que lui, » il ajoute : « Jéhovah frappera ton peuple d’une grande plaie, tes fils, tes femmes et tout ce qui t’appartient ; quant à toi, il te frappera d’une maladie violente, d’un mal d’entrailles qui s’aggravera de jour en jour, jusqu’à ce que tes entrailles sortent par suite de cette maladie. » La prophétie ne tarda pas à s’accomplir. Des bandes de Philistins et d’Arabes venus du sud envahirent la Palestine, purent arriver jusqu’à la maison du roi, pillèrent toutes les richesses qu’ils y trouvèrent et emmenèrent avec eux les fils et les femmes du roi, à l’exception du plus jeune, Ochozias. Il n’est pas question de Jérusalem dans ce coup de main. Les bandes de pillards profitèrent donc vraisemblablement d’un séjour de Joram dans une maison de campagne, pour la garde de laquelle il n’avait pas pris les précautions suffisantes. Les brigands arabes ne se contentèrent pas d’enlever les fils du roi ; ils les mirent à mort. II Par., xxii, 1. La maladie d’entrailles se déclara la sixième année du règne de Joram, et elle dura deux ans. Voir Dysenterie, t. ii, col. 1518. Le roi mourut en proie à de violentes douleurs, au bout de huit ans de règne. Il ne laissa aucun regret après lui. Ni sa femme Athalie, ni son fils Ochozias n’osèrent lui décerner des honneurs que lui refusait la réprobation populaire. Les funérailles solennelles avec des parfums furent supprimées, et si Joram tut inhumé dans la cité

de David, du moins ce ne fut pas dans le sépulcre des rois. IV Reg., viii, 16-24 ; Il Par., xxi, 1-20.

H. Lesêtre.

4. JORAM (hébreu : Yôrdm), lévite de la famille de Gersom, fils d’Isaie, père de Zéchri et grand-père de Sélémith, qui vivait du temps de David. I Par., xxvi, 25.

5. JORAM, JORAN (hébreu : Yehôrâm), un des prêtres qui furent envoyés par Josaphat dans les villes de Juda pour enseigner au peuple la loi de Moïse. II Par., xvii, 8.

    1. JORIM##

JORIM (grec : ’Iwpei’n), ^ s de Mathath et père d’Éliézer, l’un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, iii, 29. Son nom est probablement une altération de Joram.

JOSA (hébreu : Yôsâk ; Septante’Iwofa), fils d’Amasias, un des chefs de la tribu de Siméon, du temps du roi Ézéchias. Il fut un de ceux qui se mirent à la tête des Siméonites, lorsqu’ils allèrent s’emparer de Gador.

I Par., iv, 34. Voir Gador, col. 34.

    1. JOSABA##


JOSABA, femme du grand-prêtre Joïada. IV Reg., xi, 2. Dans II Par., xxii, 11, elle est appelée Josabeth.

    1. JOSABAD##


JOSABAD, un des meurtriers du roi Joas. Il Par., xxiv, 26. Son nom est écrit Jozabad dans IV Reg., su, 19. Voir Jozabad 1.

    1. JOSABETH##

JOSABETH (hébreu : Yehôséba’; Septante : ’Iioiraêel ; Vulgate : Josaba, dans IV Reg., xi, 2 ; hébreu : Yehôsabe’at : Septante : ’Iwuaéeéô ; Vulgate : Josabeth, dans

II Par., xxii, 11 ; ’I<.xra6é6ï), dans Josèphe, Ant.)ud., IX, vii, 1), fille de Joram roi de Juda et femme du grand-prêtre Joiada. Elle n’était point fille de la reine Athalie, d’après Josèphe, Ant.)ud., IX, vii, 1, et n’était par conséquent que la demi-sœur d’Ochozias, fils et successeur de Joram sur le trône de Jérusalem. Cf. Pseudo-Jérôme, Quxst. hebr. in II Par., xxi, 17, t. xxiii, col. 1393. Josabeth épousa le grand-prêtre Joiada, col. 1594. C’est le seul cas mentionné dans l’Écriture du mariage d’une princesse royale avec un grand-prêtre, mais les rois, par suite de la polygamie, ayant de nombreux enfants, l’union avec une des filles du roi ne devait pas être une distinction très extraordinaire. Cf. I Reg., xviii, 19 ; xxv, 44 ; III Reg., iv, 11-15. — En dehors de Josabeth, on ne connaît le nom que de deux autres femmeî de prêtre, celui de la femme d’Aaron et celui de la mère de saint Jean-Baptiste qui avait épousé le prêtre Zacharie. Elles s’appelaient toutes les deux Elisabeth, Exod., vi, 23 ; Luc, i, 5 (t. ii, coi. 1688, 1689), et, par une singulière coïncidence, leur nom est formé de la même manière que celui de Josabeth, avec cette seule différence que le nom divin n’est pas le même, Josabeth signifiant « [celle dont] Jéhovah est le serment », et Elisabeth « [celle dont] El (Dieu) est le serment ». — La Providence se servit de Josabeth pour sauver la race de David de la destruction. Lorsque l’ambitieuse Athalie (t. i, col. 1207), à la mort de son fils Ochozias, fit massacrer sa postérité pour s’emparer du trône, la femme du grand-prêtre Joiada réussit à dérober à ses coups son neveu Joas avec sa nourrice et à le cacher dans le Temple où elle le fit élever, pendant six ans, de concert avec son mari, jusqu’au jour où le pontife put le faire proclamer roi. Voir Joas 3, col. 1556. Le texte sacré dit que Joas fut caché d’abord « dans la chambre des lits », c’est-à-dire dans un appartement où l’on emmagasinait tout ce qui servait à la literie, et qui devait être une des dépend inces du Temple. IV Reg., xi, 2 ; II Par., xxii, 11. Ces détails sont racontés en termes identiques dans ces deux passages du texte original, quoique la Vulgate ait donné du premier une traduction un peu différente (elle fait enlever l’enfant et la nourrice de la chambre à coucher du palais royal, 1647

JOSABETH — JOSAPHAT

au lieu de dire que Josabeth les fit cacher dans la chambre des lits). Joïada avait sans doute sa demeure dans les dépendances du Temple et c’est là que la tante de Joas l’éleva jusqu’à son avènement au trône, sans doute avec son fils Zacharie, qui succéda plus tard à son père dans le souverain pontificat.

F. VlGOL’ROUX.

    1. JOSABHÉSED##

JOSABHÉSED (hébreu : YuSab fréséd, « la miséricorde est revenue ; » Septante : ’AaoêiS ; Alexandrinus : ’Ao-oêaoiS), fils de Zorobabel. I Par., iii, 20. Les enfants de Zorobabel sont partagés dans le texte sacré en deux catégories, la première contenant deux fils et une fille ; la seconde, a cinq fils » dont Josabhésed est le dernier. Les trois premiers enfants ne sont pas comptés dans ce nombre de « cinq fils ». On a supposé, pour expliquer cette anomalie, ou qu’ils n’étaient pas fils d’une même mère, ou que les trois premiers étaient nés en Babylonie pendant la captivité et que les cinq autres étaient nés après le retour en Palestine. La signification du nom de Josabhésed s’accorderait assez bien avec cette dernière explication, mais elle ne peut suffire à la rendre certaine.

    1. JOSABI À##

JOSABI À (hébreu : Yôhbyâh, « Jéhovah fait habiter ; » Septante : ’Inaët’a), père de Jéhu, de la tribu de Siméon et l’un des cheis de cette tribu. I Par., iv, 35.

    1. JOSACHAR##

JOSACHAR (hébreu : Yôzdkâr, « Jéhovah s’est souvenu ; » Septante : ’IsÇip^âp ; Alexandrinus : ’ItoÇa^àp), fils de Sémaath. IV Reg., xii, 21. Sémaath était une femme ammonite. II Par., xxiv, 26. Dans ce dernier passage, Josachar est appelé Zabad, par suite de la suppression du nom divin initial et de la confusion des lettres semblables 3, k, et 3, b ;-i, r, et "r, d. Un manuscrit de Rossi l’appelle Yôzdkâd. C’était un des serviteurs du roi de Juda, Joas, et il tua son maître dans sa maison de Mello avec Jozabad, fils de Somer. D’après Josèphe, Ant. jud., IX, viii, 4, les deux meurtriers voulurent ainsi venger la mort de Zacharie, fils de Joïada, que le roi ingrat avait fait périr, mais le texte sacré ne dit rien sur le mobile qui les poussa à commettre ce crime. Amasias, successeur de Joas, les fit mettre à mort l’un et l’autre après son avènement au trône. II Par., xxv, 3.

    1. JOSAIA##

JOSAIA (hébreu : Yôsavyâh ; Septante : ’Itouiâ), fils d’Elnæm, un des vaillants soldats de David. I Par., xi, 46. Son nom est écrit au moins de huit manières différentes dans les manuscrits hébreux.

    1. JOSAPHAT##

JOSAPHAT (hébreu : YehôMfât, « Dieu juge ; » Septante : ’IaxxaçctT), nom de six Israélites et d’une vallée. Le nom de Josaphat 5 est écrit dans le texte hébreu Yôsâfât au lieu de Yehvsâfât.

    1. JOSAPHAT##


1. JOSAPHAT, fils d’Ahilud, annaliste ou historiographe de David, II Reg., viii, 16 ; xx, 24 ; I Par., xviii, 15, et de Salomon. III Reg., iv, 3. Voir Historiographe, col. 723.

    1. JOSAPHAT##


2. JOSAPHAT, fils de Pharué. Salomon le chargea de prélever les redevances de la tribu d’Issachar et de l’approvisionner pendant un des douze mois de l’année. III Reg., iv, 17.

3. JOSAPHAT (hébreu : Yehffêâfât ; Septante : ’Iw(Taçit), quatrième roi de Juda depuis le schisme (914-889 avant J.-C, ou 877-853 d’après la chronologie assyrienne).

— Il était fils du pieux roi Asa, qui avait régné quarante et un ans à Jérusalem et laissé par conséquent derrière lui des traditions de vertu auxquelles son successeur tint à rester fidèle. Josaphat monta sur le trône à l’âge de trente-cinq ans. Il s’appliqua à faire observer partout

la loi de Dieu. II fit disparaître du pays les femmes de mauvaise vie qui s’y trouvaient encore, malgré les efforts d’Asa, ainsi que les hauts lieux, II Par., xvii, 6, et les idoles, dont le peuple avait si grand’peine à se déprendre ; encore ne réussit-il pas complètement sur ce point, puisque des hauts lieux continuèrent à subsister. III Reg., xxii, 44. La troisième année de son règne, il prit une mesure excellente. Il chargea cinq de ses principaux fonctionnaires, accompagnés de neuf lévites et de deux prêtres, d’aller enseigner au peuple ses devoirs envers le Seigneur. Ces missionnaires avaient avec eux le livre de la loi de Jéhovah ; ils parcoururent toutes les villes de Juda, remédièrent ainsi à l’ignorance du peuple et tâchèrent de corriger son inclination pour l’idolâtrie. II Par., xvii, 7-9. Grâce à la sagesse de son administration, Josaphat devint un prince riche et puissant. De tout son royaume, on lui apportait des présents. Les pays voisins le respectaient et, sauf en une seule occasion, n’entreprirent rien contre lui. Les Philistins lui payèrent un tribut ; les Arabes lui amenèrent sept mille sept cents béliers et autant de boucs. Il travaillait d’ailleurs avec intelligence à la sécurité et à la prospérité du pays. Il fit exécuter des travaux de toutes sortes dans les villes de Juda, et bâtit même des citadelles et des villes servant de magasins. Son armée était tenue en excellent état. Il avait des garnisons dans les villes fortes, et en outre il disposait de trois corps de troupes dans Juda et de deux dans Benjamin, ce qui contribuait puissamment à affermir son autorité et à le faire respecter de tous. II Par., xvii, 5, 10-19.

Josaphat était devenu roi la quatrième année d’Achab, roi d’Israël. III Reg., xxii, 41. Il suivit une politique tout autre que celle de ses prédécesseurs dans ses rapports avec le royaume du nord. Depuis le schisme, Juda et Israël avaient toujours été en état d’hostilité réciproque. Josaphat, au contraire, fit alliance avec Achab. Il maria même son fils Joram avec Athalie, fille de ce prince. II Par., xxi, 6. Il ne prévoyait pas les tristes conséquences qui devaient résulter de ce mariage pour le royaume de Juda. Peut-être contracta-t-il cette alliance en vue de certains intérêts politiques dont le texte sacré ne parle pas et qu’il ne permet pas de démêler.

II est regrettable que le roi n’ait pas été arrêté par ce qu’il devait savoir de l’impiété d’Achab et de Jézabel, sa femme, et par ce qu’il entendait dire de la conduite du prophète Élie à leur égard. Comme Ochozias, fils de Joram, avait vingt-deux ans quand il succéda à son père, IV Reg., viii, 26, comme avant lui Joram régna huit ans, IV Reg., viii, 17, et Josaphat vingt-cinq ans,

III Reg., xxii, 42, il s’ensuit que le mariage de Joram et d’Athalie dut se faire vers la dixième année du règne de Josaphat. Cette alliance obligea le roi de Juda à prêter son concours au roi d’Israël dans ses guerres contre la Syrie. La dix-huitième année de son règne, il alla visiter à Samarie le roi Achab, qui fit de grands frais en son honneur et lui proposa avec une certaine insistance de venir avec lui au siège de Ramoth-Galaad. Josaphat y consentit, malgré les prédictions peu rassurantes d’un prophète nommé Michée. Voir Achab, t. i, col. 123, 124 ; Michée. À Ramoth, au moment de livrer bataille, Achab se déguisa pour ne pas être reconnu des Syriens, qui de leur côté avaient ordre de ne viser que le roi d’Israël. Josaphat faillit être victime de cette ruse d’Achab. Les Syriens le prenaient pour le roi d’Israël, et il eut grand’peine à échapper aux coups. Achab n’en fut pas moins frappé à mort. Pendant que Josaphat revenait tranquillement à Jérusalem, le prophète Jéhu vint à sa rencontre et lui dit : « Fallait-il aider l’impie, et devais-tu aimer ceux qui haïssent le Seigneur ? C’est pourquoi Jéhovah est irrité contre toi. Mais il s’est trouvé en toi de bonnes choses, car tu as fait disparaître du pays les idoles et tu t’es appliqué de tout cœur à chercher Dieu. » II Par., xviii, 1-xix, 3. JOSAPHAT

1650

De retour à Jérusalem, Josaphat poursuivit son œuvre de réformes. Il voulut lui-même visiter en personne les localités dans lesquelles il avait précédemment envoyé ses représentants. Il alla dans toutes les villes, de Bersabée à la montagne d’Éphraim, y contrôla l’administration de la justice et recommanda aux juges de procéder en tout avec équité et impartialité, puisque c’est au nom de Dieu qu’ils rendaient leurs arrêts. À Jérusalem, il établit un tribunal supérieur, composé de lévites, de prêtres et de chefs de famille ou anciens, pour connaître des causes plusgraves ou plus difficiles. À la tête de ce tribunal, il mit le grand-prêtre Amarias pour les affaires religieuses et Zabadias pour les affaires civiles. Il avertit également les membres de ce tribunal d’avoir à juger avec fidélité et intégrité, dans la crainte de Jéhovah. II Par., xix, 4-11.

Quelque temps après, mais avant la vingtième année de son règne, Josaphat fut informé qu’une coalition de Moabites, d’Ammonites et de Maonites (Vulgate : de Ammonilis, II Par., xx, 1) s’était formée contre lui et venait pour le combattre. Ils arrivaient de l’autre côté de la mer Morte, non pas de la Syrie, dind, mê’ârâm, comme le dit le texte actuel par suite d’une faute de transcription évidente, mais mra, mê’ëdôm, de l’Idumée, qui occupe tout le sud de la mer Morte. Il est vrai que les Iduméens dépendaient alors des rois de Juda, qui les faisaient gouverner par un fonctionnaire israélite appelé nisçab. III Reg., xxii, 48. Voir Iduméens, col. 834. Les envahisseurs empruntèrent certainement leur territoire pour contourner la mer Morte par le sud. S’ils étaient arrivés par le nord pour attaquer Josaphat, on ne s’expliquerait pas qu’ils soient redescendus jusqu’à Engaddi. Les Iduméens, surpris et inférieurs en forces, ne purent songer à leur disputer le passage ; peut-être l’avertissement donné à Josaphat venait-il d’eux. Cependant les coalisés avaient remonté la côte occidentale de la mer Morte et campaient à Asasonthamar ou Engaddi, vers le milieu de cette côte et à peu près à la hauteur d’Hébron. Voir Engaddi, t. ii, col. 1796, et la carte de Juda. Josaphat commença par prescrire un jeûne général et par convoquer son peuple dans le parvis neuf du Temple pour y implorer l’intervention du Seigneur ; car il se sentait incapable de résister aux hordes innombrables qui s’avançaient contre lui. Les femmes et les petits enfants mêlèrent leurs supplications à celles des hommes de Juda. Alors l’esprit du Seigneur inspira un lévite nommé Jahaziel, col. 1106, descendant d’Asaph, qui dit au nom de Dieu : « Ne craignez pas, n’ayez pas peur en face de cette multitude nombreuse, car ce ne sera pas vous qui combattrez, ce sera Dieu. » Il ordonna ensuite de marcher contre les ennemis le lendemain, parce qu’ils devaient gravir la montée de Sis et qu’on les rencontrerait à l’extrémité de la vallée, en face du désert de Jéruel, col. 1317. Des concerts de louange et de reconnaissance répondirentà cette assurance du prophète. Le lendemain, de grand matin, les guerriers de Juda se mirent en route, accompagnés de lévites qui chantaient des cantiques au Seigneur. Ils se dirigèrent vers le désert de Théeué, au sud de Bethléhem, à une vingtaine de kilomètres de Jérusalem. Arrivés sur une hauteur qui domine le désert, ils virent le sol couvert des cadavres de tous leurs ennemis. Une panique ou peut-être une discussion violente avait armé les Ammonites et les Moabites contre les Maonites de Séir. Voir Maonites. Ceux-ci anéantis, les deux autres tribus en étaient venues aux mains et ^avaient abouti à s’exterminer mutuellement. Josaphat et son peuple mirent trois jours à recueillir les riches dépouilles de leurs envahisseurs. Ils s’assemblèrent ensuite dans une vallée voisine, afin de bénir le Seigneur. Pour perpétuer leur reconnaissance, ils donnèrent à cette vallée le nom de’Éméq Berâkâh, « vallée de bénédiction. » Voir Bénédiction (Vallée de), t. i, col. 1583.

De retour à Jérusalem, ils célébrèrent encore dans le Temple la protection dont les avait favorisés le Seigneur. Cet événement contribua à fortifier la situation de Josaphat vis-à-vis des autres peuples qui voyaient avec terreur la puissance que lui prêtait Jéhovah. II Par., xx, 1-30.

Ochozias avait succédé à son père Achab, roi d’Israël, la dix-huitième année de Josaphat. Il ne régna que deux ans. C’est dans cet intervalle que le roi de Juda, qui était toujours maitre de l’Idumée et venait d’être débarrassé des Maonites de Séir, tenta, à l’imitation de Salomon, d’avoir une flotte à Asiongaber pour l’envoyer chercher les denrées précieuses à Ophir. Le livre des Rois ne nomme que Josaphat comme promoteur de l’entreprise, mais le livre des Paralipomènes, complétant le récit précédent, ajoute qu’il y avait entente entre Josaphat et Ochozias, et que ce dernier participa à la construction des vaisseaux. Ni l’entreprise ni l’entente avec le roi d’Israël ne furent approuvées de Dieu. Un prophète nommé Éliézer vint dire à Josaphat : « Puisque tu t’es associé avec Ochozias, Jéhovah détruit ton œuvre. » Les vaisseaux furent brisés par la tempête dans le port d’Asiongaber. Voir Asiongaber, t. i, col. 1100. L’inexpérience des marins hébreux eut sans doute aussi sa part dans la catastrophe. Alors Ochozias fit à Josaphat cette proposition : « Si tu veux, mes hommes iront avec les tiens sur des vaisseaux. » Le roi de Juda se refusa à renouveler la tentative ; l’avertissement du prophète suffisait à l’en détourner. III Reg., xxii, 48-50 ; II Par., xx, 35-37.

Après s’être allié avec Achab et son fils aîné, Ochozias, Josaphat ne put refuser de le taire avec le second fils, Joram. Le mariage d’Athalie et du fils de Josaphat ne permettait guère à ce dernier de décliner les avances des rois d’Israël. D’ailleurs Joram avait à châtier son tributaire révolté, Mésa, roi de Moab, et il savait que le roi de Juda avait eu gravement à se plaindre des Moabites, au moment de leur coalition avec les Ammonites et les Maonites. Josaphat n’hésita pas à prendre part à cette campagne, non cependant sans s’être assuré le concours d’un prophète de Jéhovah, ainsi qu’il l’avait tait avant de partir pour Ramoth-Galaad avec Achab. La campagne, commencée par une victoire, n’aboutit pas, et les deux rois d’Israël et de Juda retournèrent dans leur pays sans avoir obtenu grand résultat. Voir Joram, col. 1641. En somme, les actions concertées de Josaphat avec Achab, Ochozias et Joram, ne furent jamais couronnées de succès. IV Reg., m, 4-27. —Josaphat mourut à soixante ans, après vingt-cinq ans de règne. Il fut inhumé avec ses pères dans la cité de David (cf. col. 1654). Roi d’une haute piété, d’un grand amour pour la justice et d’un complet dévouement pour son peuple, il eût mérité tous les éloges s’il n’avait consenti au funeste mariage de son fils avec la fille de Jézabel. De cette faute, dont Josaphat n’eut sans doute pas conscience, puisque l’historien sacré ne l’incrimine pas à ce sujet, découlèrent les plus déplorables conséquences : l’impiété de son propre fils Joram, le meurtre de tous ses autres fils par ce même Joram, l’impiété d’Ochozias de Juda, fils de Joram et d’Athalie, le massacre de presque toute la race royale de Juda par Athalie, le règne de cette temme criminelle, plus tard la perversion de Joas, en un mot l’introduction dans la dynastie de David des mœurs impies et cruelles qui déshonoraient la royauté d’Israël.

H. Lesêtre.
    1. JOSAPHAT##


4. JOSAPHAT, fils de Namsi et père de Jéhu, roi d’Israël. IV Reg., ix, 2, 14.

    1. JOSAPHAT le Mathanite##


5. JOSAPHAT le Mathanite, un des vaillants soldats de David. I Par., xi, 43. Il était probablement originaire de la TransJordanie, comme celui qui le précède et celui qui le suit dans la liste des « forts » de David, mais on

ne peut faire que des hypothèses â ce sujet. Voir Mathanfte.

    1. JOSAPHAT##


6. JOSAPHAT, prêtre qui vivait du temps de David. Il fut un des sept qui sonnèrent de la trompette, lorsqu’on transporta l’Arche de la maison d’Obédédom à Jérusalem. I Par., xv, 24.

7. JOSAPHAT (VALLÉE DE) (hébreu : ’Éméq Yehôsâfdt ; Septante : KoiXàt’Iw<xa<pd<T ; Vulgate : Vallis Josaphat), vallée nommée seulement dans Joël. D’après sa prophétie, après le retour de Juda et de Jérusalem de

Vierge à l’angle sud-est des murs de Jérusalem et sépare le Temple du mont des Oliviers (fig. 283). En l’an 333. le Pèlerin de Bordeaux dit : « Ceux qui vont de Jérusalem par la porte Orientale faire l’ascension du mont des Oliviers, ont à gauche la vallée qui est appelée de Josaphat. » Patr. Lat., t. viii, col. 791. Peu après, Eusèbe.et à sa suite, saint Jérôme, répètent la même chose : « Vallée de Josaphat. Elle est située, disent-ils, entre Jérusalem et le mont des Oliviers. » Onomast. sacr., 1862, p. 260, 261. À partir du iv siècle, la dénomination de « vallée de Josaphat », au lieu de vallée de Cédron, est d’un* usage universel. Elle est employée dans tous les récils

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283. — Vallée de Cédron. D’après une photographie.

la captivité, Dieu rassemblera en cet endroit tous les gentils, Joël, iii, 2 (hébreu, iv, 2) et il y siégera pour juger tous leurs méfaits contre Israël. Joël, iii, 12 (hébreu, v, 4). Deux questions se posent à ce sujet : l°La vallée dont parle Joël est-elle une vallée réelle ou une vallée symbolique ? 2° Quel est le jugement annoncé par le prophète ?

Situation de la vallée.

« La vallée de Josaphat,

où Dieu… jugera les peuples, doit être prise au figuré, dit A. Neubauer, Géographie du Talmud, 1868, p. 51. Le midrasch dit : Une telle vallée n’existe pas. » Il est certain que, en dehors de Joël, l’Écriture ne mentionne aucune vallée de ce nom ; il est certain également qu’on ne trouve dans aucun écrit antérieur au IVe siècle de localisation de cette vallée ; mais, à partir de cette époque, la tradition juive et la tradition chrétienne, et plus tard la tradition musulmane, s’accordent à identifier la vallée de Josaphat avec cette partie de la vallée de Cédron qui s’étend à peu près du Tombeau de la

des pèlerins. Voir Pierre diacre, dans Sanctse Silvise Peregrinatio, édit. Gamurrini, in-4°, Rome, 1887, p. 120, 121, etc.

Aucun auteur antérieur au rv » siècle ne donnant à la vallée de Cédron le nom de vallée de Josaphat, il est probable que c’est seulement vers cette époque qu’il devint en Usage. Au Ve siècle, cette identification n’était pas encore universellement connue, car saint Cyrille d’Alexandrie, Comm. in Joël., 38, t. lxxi, col. 388, la place à quelques stades de Jérusalem, et dit qu’« on rapporte qu’elle est stérile et propre à l’équitation », ce qui ne convient nullement à la vallée appelée aujourd’hui vallée de Josaphat. — Il faut remarquer, d’ailleurs, que non seulement cette identification n’est pas très ancienne, mais qu’elle est en contradiction avec le langage de Joël. Il appelle la vallée dont il parle por, ’éméq. Or la vallée de Cédron n’est jamais appeléedans la Bible hébraïque’éméq, mais toujours bru, . nahal, Gen., xiv, 17 ; II Sam., xviii, 18, ce qu’on

appelle aujourd’hui dans le pays un ouadi.’Éméq se dit d’une vallée large et importante, comme la vallée d’Esdrelon et la vallée de Gabaon, tandis que nabal se dit d’une vallée étroite, d’une gorge, d’un ravin. Les deux termes ne sont pas synonymes et il n’existe pas un seul exemple où l’un des deux soit employé pour l’autre. — Malgré ces raisons, la tradition persiste et continue à être acceptée par de nombreux pèlerins. « Nous voilà dans la vallée de Josaphat, dit Mislin, Les Saints Lieux, t. ii, 1858, p. 457. Aucun lieu sur la terre n’évoque de plus solennelles pensées : c’est la vallée des larmes, du recueillement et de la mort. Rien d’animé ne distrait celui qui vient méditer dans cette triste solitude : une ville ensevelie sous ses malheurs, un torrent « même manière que vous l’y avez vu monter. » Act., 1, 11. Tout cela a fait croire que c’est ici qu’aura lieu le jugement dernier. Je sais qu’on peut discuter beaucoup sur la valeur des mots ; mais chacun est libre d’adopter le sentiment qui lui paraît le plus raisonnable : ce qui est de foi, c’est qu’il y aura un jugement. » Knoll, qui croit aussi que le dernier jugement sera rendu dans la vallée de Josaphat, reconnaît néanmoins que ce n’est pas certain et il ajoute dans ses Institutiones théologies theoretiese, pars V », sectio III", c. ii, a. 1, t. vi, p. 522 : Multi putant quemlibet locum, in quojudicium habetur, et boni a malts separantur, vallem Josaphat nuncupari posse. On donne aujourd’hui à l’un des quatre tombeaux les plus remarquables de la vallée, le nom

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284. — Tombeau de Josaphat. D’après une photographie.

sans eau, partout des monuments funèbres, des roches nues, quelques arbres sans verdure, des montagnes arides, des tombes brisées, le souvenir des martyrs et des prophètes, l’agonie du Fils de Dieu et sa venue à la fin des siècles pour juger tous les hommes : voilà ce qui saisit l’âme et la remplit d’émotion et d’effroi. » Mislin reconnaît d’ailleurs lui-même plus loin, p. 500, qu’il n’est pas certain que le jugement dernier doive avoir lieu dans cette vallée. « Elle est plus communément, dit-il, appelée vallée de Josaphat, soit à cause du tombeau de Josaphat, Bède, De Locis sanctis, vi, soit à cause de sa destination future, vallée de Josaphat signifie vallée du jugement. Le Seigneur a dit par la bouche du prophète Joël : « J’assemblerai toutes les nations, et « je les ferai descendre à la vallée de Josaphat, et là « j’entrerai en jugement avec elles. » Joël, iii, 2. Et plus loin : ’« Que les nations se lèvent et montent vers la « vallée de Josaphat, parce que j’y serai assis pour « juger les nations. » Joël, v, 12. Les anges qui apparurent aux disciples, après l’ascension de notre Sauveur, leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi demeurez-vous là les yeux levés vers le ciel ? Ce Jésus qui, du « milieu de vous, s’est élevé dans le ciel viendra de la

de Josaphat. Il est situé derrière le tombeau d’Abraham (voir fig. 284), et cette désignation paraît assez ancienne ; mais le tombeau portait anciennement un autre nom, celui de Siméon ou de Joseph, et le texte sacré dit expressément que Josaphat avait été enterré avec ses pères dans la cité de David. III Reg., xxii, 51. C’est sans doute par suite de l’application de la prophétie de Joël à la vallée de Cédron qu’on l’appela vallée de Josaphat et qu’on donna aussi le nom de ce roi à l’un des plus beaux tombeaux.

Jugement annoncé par le prophète.

Les opinions

sont très partagées sur la nature du jugement prédit par le prophète Joël. Les uns y voient une allusion aux « multitudes » d’ennemis, Joël, iii, 14, dont le Seigneur fit triompher Josaphat sans coup férir, dans le désert de Juda. Voir Jéruel, col. 1317. II Par., XX. Le roi et le peuple remercièrent solennellement Dieu de ce triomphe dans la vallée de Bénédiction (voir t. ii, col. 1583), ꝟ. 26. « C’est évidemment cette Vallée de bénédiction que Joël appelle vallée de Josaphat, » dit Le Savoureux, Le prophète Joël, in-8°, Paris, 1888, p. 132. L’allusion aux captifs d’Israël que nous lisons Joël, iii, 2, n’est guère conciliable avec cette explication, mais

cet événement a pu fournir au prophète l’image qu’il emploie. Cf.J. T. Beck, Erk lârung der Propheten M icha und Joël, in-12, Gutersloh, 1898, p. 236. D’autres commentateurs voient là une prophétie des victoires des Machabées, sans qu’il soit possible, dans ce cas, de localiser « la vallée de Josaphat ». L’opinion commune, c’est que Joél parle dans son oracle du jugement dernier, dans lequel toutes les injustices seront réparées et tous les pécheurs punis. Comme conséquence de cette interprétation, la croyance populaire a localisé la scène du jugement dernier dans la vallée qui avait reçu le nom de Josaphat ; le plus vif désir d’un grand nombre de musulmans et surtout de Juifs, est d’être enterré dans la vallée même pour y attendre le jugement final et leurs tombes abondent dans cet étroit espace. La coutume de s’y faire enterrer est d’ailleurs très ancienne. Il y avait déjà un cimetière dans la vallée de Cédron du temps du Toi Josias, IV Reg., xxiii, 6, mais la proximité de la ville permet d’expliquer pourquoi on y ensevelissait les morts, sans autre raison que celle de la commodité qu’offrait pour cela la vallée. F. Vigouroux.

    1. JOSÉDEC##

JOSÉDEC (hébreu : Yehôsâddq, « Dieu est justice ; » Septante : ’Iwo-aSâx, ’IaxraSIx), descendant d’Aaron, fils du grand-prêtre Saraias, I Par., vi, 14, et père du grandprêtre Josué ou Jésus (col, 1688). I Esd., iii, 2, 8 ; v, 2 ; x, 18 ; Eccli., xlix, 14 ; Agg., i, 1, 12, 14 ; ii, 3, 5 ; Zach., "VI, 11. Excepté dans le premier passage, il n’est jamais nommé que comme père de Josué. Il vivait du temps du roi Sédécias. À la prise de Jérusalem, son père Saraias fut fait prisonnier par Nabuzardan, le chet de l’armée chaldéenne, et emmené prisonnier à Réblafha (Riblah), dans le pavs d’Émath, ou se trouvait alors Nabuchodonosor. Le roi de Babylone le fit mettre à mort, IV Reg., xxv, 18-21 ; et Josédec lui succéda dans le souverain pontificat. Mais il fut aussitôt emmené lui-même en captivité, I Par., vi, 15, et il y mourut. À la fin de la captivité, son fils Josué ramena avec Zorobabel les exilés en Palestine. Voir Josué 4, col. 1688.

    1. JOSEPH##

JOSEPH (hébreu : Yôsêf, « que [Dieu] fasse croître ; » Septante : ’Ioi^cp), nom de seize personnages de l’Ancien ou du Nouveau Testament. La Vulgate écrit toujours leur nom Joseph (indéclinable), excepté dans les livres des Machabées, où elle écrit Josephus. Voir Joseph 8 et 9.

    1. JOSEPH##


1. JOSEPH, fils de Jacob et de Rachel. Ce nom lui fut

donné à cause des circonstances qui accompagnèrent sa naissance. Rachel avait été longtemps stérile. Gen., xxix, 31 ; xxx, 1. À la fin Dieu fit cesser sa stérilité, et elle enfanta un fils, en disant : « Le Seigneur m’a enlevé, ’âsaf, mon opprobre. » Gen., xxx, 22-23. Elle l’appela Joseph, disant : « Que le Seigneur ajoute, yôséf, un autre fils. » Il y a là un jeu de mots très sensible en hébreu : ’âsaf, « enlever, » ydsaf, « ajouter. » — Joseph signifie donc « ajoutant », ou « que [le Seigneur] ajoute ». Le désir de Rachel d’avoir un autre fils après Joseph se réalisa à la naissance de Benjamin. Gen., xxxv, 17, 18. — Peut-on déterminer approximativement la date de la naissance de Joseph ? La Genèse nous dit, xli, 46, que Joseph était âgé de 30 ans lorsqu’il devint vice-roi d’Egypte ; d’autre part il était âgé de 16 ans (hébreu et Septante, 17), vers l’époque où il fut vendu par ses frères. Gen., xxxvii, 2. Jacob n’arriva en Egypte que quelques années après l’élévation de Joseph, c’est-à-dire en 1923 avant J.-C.Voir Chronologie, t. ii, col. 737. On peut donc placer la naissance de Joseph vers l’an 1988avant J.-C, mais cette date est loin d’être certaine.

I. Histoire de Joseph depuis sa naissance jusqu’à son arrivée en Egypte. — I. enfance de joseph. — Joseph, fils de Rachel, l’épouse prélérée de Jacob, inspira à son père un plus grand amour que ses autres frères, parce qu’il était l’enfant de sa vieillesse, Gen., xxxvii, 3,

et aussi probablement à cause des qualités de son caractère. Jacob avait donc pour lui une prédilection toute spéciale ; c’est pourquoi il lui fit faire une robe de plusieurs couleurs, tunicam polymitam, très probablement une tunique qui descendait jusqu’aux talons, et appelée à cause de cela kefônét passim, « tunique des extrémités » ou bien « de morceaux » divers. Cette tunique était portée par les filles de rois, II Reg., xiii, 18, 19, et aussi par certains Sémites. Voir, t. ii, la figure en couleur vis-à-vis de la col. 1066. Joseph commença par mener avec ses frères la vie pastorale ; tous ensemble ils paissaient les troupeaux de leur père aux environs d’Hébron et de Sichem. Il ne tarda pas à s’attirer leur haine. Trois faits concoururent à les indisposer contre lui : 1° Joseph les accusa d’un crime énorme devant son père, ce qu’ils eurent naturellement de la peine à lui pardonner. Gen., xxxvii, 2. — 2° La prédilection de Jacob, dont nous venons déparier, excita leur jalousie ; aussine pouvaient-ils plus lui parler avec calme et douceur. — 3° Deux songes que Joseph leur raconta mirent le comble à leur mécontentement. Une première fois, Joseph avait rêvé qu’il liait avec ses frères des gerbes dans les champs, que tout à coup sa gerbe s’était levée et s’était tenue debout, tandis que celles de ses frères l’entouraient et l’adoraient. Dans un second songe, Joseph vit le soleil, la lune et onze étoiles qui l’adoraient. Ces songes présageaient qu’il serait élevé au-dessus de ses frères. Son père chercha à en atténuer la mauvaise impression, mais ses frères, profondément irrités, résolurent de le perdre. Gen., xxxvii, 5-18. Un jour qu’ils faisaient paître leurs troupeaux à Sichem, Jacob envoya Joseph vers eux pour avoir de leurs nouvelles ; Joseph se rendit donc de la vallée d’Hébron à Sichem, mais il n’y trouva pas ses frères. Informé par un inconnu qu’ils s’étaient proposé d’aller à Dothain, il y alla et les y rencontra. Lorsque ses frères l’eurent aperçu de loin, ils résolurent de le tuer ; ils se disaient l’un à l’autre : Allons, tuons-le, et jetons-le dans une vieille citerne ; nous dirons à notre père qu’une bête féroce l’a dévoré. Ruben, ému de ces propos et pris de compassion, leur conseilla de ne pas verser le sang de leur frère, mais de le jeter vivant dans une citerne desséchée. Son dessein était de le sauver et de le rendre à son père. Ses frères s’arrêtèrent à ce projet ; aussitôt que Joseph fut arrivé près d’eux, ils lui ôtèrent sa tunique et le jetèrent dans une citerne sans eau. Gen., xxxvii, 12-24.

II. JOSEPB vendu PAR ses frères.

Après ce forfait, ses frères s’assirent pour manger. Pendant leur repas, ils virent des Ismaélites qui venaient de Galaad avec des chameaux chargés de parfums, de résine et de myrrhe, se rendant en Egypte. Ces Ismaélites sont aussi appelés Madianites. Gen., xxxvii, 25, 28, 36. Ces deux noms se prennent indifféremment l’un pour l’autre, comme on le voit par le texte ; on doit présumer que l’un (Ismaélites ) est un nom générique et l’autre (Madianites) un nom spécifique. Juda conseilla alors à ses frères de vendre Joseph à ces marchands madianites ; cette proposition fut bien accueillie. Joseph fut retiré de la citerne et vendu aux Madianites pour la somme de vingt [pièces, sicles] d’argent. Dans la loi mosaïque cette somme est le prix d’un jeune esclave de cinq à vingt ans. Lev., xxvii, 5. Il est impossible de déterminer d’une manière certaine la valeur de la somme reçue par les frères de Joseph ; en supposant qu’il s’agisse de sicles d’argent, et que le sicle eût alors la valeur qu’il avait à l’époque où les Septante traduisirent l’Ancien Testament en grec, et du temps de Notre-Seigneur, c’est-à-dire 2 fr. 84 de notre monnaie, Joseph fut vendu pour la somme de 56 fr. 80. Les Madianites conduisirent Joseph en Égjpte. Ruben n’était pas alors avec ses frères. Sa qualité d’alné’le rendait responsable de leur conduite. Quand il retourna à la citerne, n’y ayant pas trouvé l’enfant, il déchira ses vêtements et se lamenta. Mais ses frères pri&

rent la tunique de Joseph, et l’ayant trempée dans le sang d’un chevreau, l’envoyèrent à leur père. Jacob, ayant reconnu la tunique de Joseph, s’écria : a. Une bête féroce a dévoré mon fils, une bête a dévoré Joseph. » Il déchira ses vêtements, se couvrit d’un cilice et pleura son fils fort longtemps. Gen., xxxvii, 25-34. Arrivés en Egypte, les Madianites vendirent Joseph à Putiphar, eunuque du Pharaon et chef de sa garde. Gen., xxxvii, 36 ; xxxix, 1. C’est la traduction exacte de l’hébreu, soi 1 hattabbâhim (Septante : àpxif.âY €l P 0V î « chef des cuisiniers ; » Vulgate : magister militum, « chef des soldats » ). Cf. IV Reg., xxv, 8 ; Dan., ii, 14. Désormais l’Egypte sera le théâtre où s’exercera l’action de Joseph. Cf. Act., vii, 9. II. Joseph en Egypte.

i. date de son arrivée en Egypte. — On peut affirmer avec certitude que Joseph arriva en Egypte du temps des rois Hyksôs, XVe dynastie : ainsi on ne peut contester l’exactitude du témoignage de Jean d’Antioche : 'E6a<jt>eu<jav èv Aîyû’SFtM xai oi xaXoû[j.5voi noniiveç, Fragm., 39, dans Muller, Histor. Grsec. fragm., t. iv, p. 555. Ces rois Hyksôs, de l’égyptien hiq Saousou, « chef, roi des pillards, des voleurs, » dont les Grecs ont tiré Hyksôs, Hykoussôs appliqué au peuple, etpar suite Trotiiiveç, « pasteurs, « étaient d’origine étrangère et asiatique. Champollion, Lettres à M. de Blacas relatives au musée royal égyptien de Turin, in-8°, Première lettre, Paris, 1824, p. 57 ; Rosellini, Monumenti storici, t. i, p.175-178 ; Brugsch, Geschichte Aegypten’s, in-8°, Leipzig, 1877, p. 173-174 ; Ed. Meyer, Geschichte des alten Aegyptens, in-8°, Berlin, 1887, p. 205 ; Maspero, Histoire ancienne, Paris, 1897, t. ii, p. 54, note 4. Ces rois Hyksôs avaient dû hériter en Egypte du domaine royal tel qu’il était vers la fin de la xiv » dynastie ; ils devaient donc exercer une domination immédiate sur le Delta entier d’Avaris à Sais, de Memphis à Bouto. Les monuments trouvés à Tanis et à Bubaste prouvent assez clairement que la partie orientale du Delta était sous leur autorité immédiate ; le reste est démontré par le passage de l’inscription de Stabel-Antar où la reine Hâtasou dit qu’elle « releva les monuments détruits au temps où les Àmou 1= Saousou] régnaient sur la terre du nord ». Golénischeff, Notice sur untexte hiéroglyphique du Stabel-Antar, dans le Recueil de travaux, 1881, t. iii, p. 2-3. — Mais quel était le roi alors régnant et dont Joseph eut à expliquer les songes ? Une tradition assez ancienne affirme que Joseph arriva en Egypte sous un roi appelé Apho phis ; cette tradition nous a été conservée par George Syncelle : nâui erv|i.TOcp(ôv/]Tai Sti ètcI’AtptSçetoç *ip !  ; ev’Iw^tp ttjç AïfûitTou. Chronogr., édit.Dindorꝟ. 1829, p. 115. C’est sans doute l’un des Apôpi des textes égyptiens, et probablement le second, le plus célèbre, celui qui restaura les monuments des Pharaons thébains et qui grava son nom sur les sphinx d’Aménemhât III, ou sur les colosses de Mîrmasaou. Le même historien va jusqu’à dire que les Hébreux arrivèrent enÉgyptel’anl7d’Apophis. Ibid., p. 201. Sur la valeur de ces données chronologiques, cf. Erman, Zur Chronologie der Hyksôs, dans la Zeitschnft fur agyptische Sprache, 1880, p. 125-127 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. ii, p. 98-99.

n. joseph dans LA maison de putiphar. — Les bénédictions de Dieu accompagnèrent Joseph dans la maison de son maître ; tout lui réussissait heureusement ; aussi gagna-t-il la confiance de Putiphar qui lui livra le gouvernement de sa maison. Joseph fut une source de bénédictions et de prospérité pour la maison de son maître. Gen., xxxix, 2-5. La situation de Joseph dans la maison de Putiphar répond très bien aux coutumes égyptiennes. En Egypte toutes les familles riches avaient un intendant pour gérer leurs affaires : très souvent on voit ces fonctionnaires représentés sur les fresques, surveillant tout ce qui se rapporte à l’agriculture, au jardinage, à la pêche, aux récoltes. « Les hôtels des différentes administrations se pressaient dans l’enceinte avec

leurs directeurs, leurs régents, leurs scribes de toute classe, leurs gardiens, leurs manœuvres qui portaient les mêmes titres que les employés correspondants des administrations d’État : l’Hôtel Blanc, l’Hôtel de l’Or, le Grenier, étaient parfois chez eux, comme chez Pharaon, le double Hôtel Blanc, le double Hôtel de l’Or, le double Grenier. Les plaisirs ne différaient point à la cour du suzerain ou à celle de son vassal : la chasse au désert, la chasse au marais, la pêche, l’inspection des travaux agricoles, les exercices militaires, puis les jeux, les chants, la danse, sans doute aussi les longues histoires et les séances de magie, jusqu’aux contorsions des bouffons attitrés et aux grimaces des nains. » Maspero, Histoire onc., Paris, 1895, 1. 1, p. 298-299, description de la maison d’un seigneur égyptien. — La Genèse, xxxix, 6, fait cette réflexion : « En sorte qu’il (Putiphar) n’avait d’autre soin que de se mettre à table et de manger. » Cette réflexion est tout à fait égyptienne ; en Egypte le seigneur se déchargeait en effet de tout sur le nombreux personnel de sa domesticité. — Bientôt Joseph fut soumis à une grande épreuve. L’Écriture nous dit qu’il <c était beau de visage et très agréable ». La femme de Putiphar s’éprit de passion pour lui et lui fit de coupables propositions. La conduite de cette femme répond à ce que nous savons des mœurs de l’Egypte ancienne, les femmes n’étaient pas des modèles de moralité ; elles s’abandonnaient assez facilement au vice. Yigouroux, Ibid., p. 39-40. Le Papyrus Harris, n° 500, nous a conservé un’vivant souvenir de scènes analogues, pl. xii, lig. 2-11 ; pl. xiii, lig. 3-8 ; cf. Maspero, Études égyptiennes, in-8°, Paris, 1879, t. i, p. 243-249, Erman, Aegypten und àgyptisches Leben in AUerthum, Tubingue, 1885, p. 518-519 ; Maspero, Histoire anc, 1897, t. ii, p. 503-506. — Joseph repousse les avances de la femme de son maître, elle revient à la charge : même résistance énergique de la part de Joseph. Un jour enfin Joseph se trouvant seul dans la maison, la femme de son maître le prend par le manteau et le sollicite au. crime ; le jeune Hébreu indigné s’enfuit en lui laissant son manteau entre les mains. L’Égyptienne, outrée de dépit, l’accuse auprès des gens de sa maison et auprès de son mari ; celui-ci, irrité, fait saisir Joseph et le jette en prison. Mais le Seigneur était avec Joseph ; c’est pourquoi il lui fit trouver grâce devant le gouverneur de la prison, lequel lui remit le soin et la garde de tous ceux qui y étaient enfermés. Gen., xxxix, 6-23.

III. josepe en prison.

Joseph fut d’abord traité avec dureté. Ps. Civ (hébreu, cv), 17-18. Il arriva, on ne sait pas combien de temps après, que deux eunuques du Pharaon, son grand échanson et son grand boulanger, offensèrent leur maître et furent jetés dans la même prison que Joseph. Les gens au service du Pharaon étaient aussi nombreux que variés ; c’était une véritable hiérarchie ; le Papyrus Hood et un autre document du British Muséum nous en ont conservé la liste. Cf. Brugsch, Die Aegyptologie, in-8°, Leipzig, 1891, p. 211-227 ; Maspero, Éludes égyptiennes, 1888, t. ii, p. 1-66. On nous parle de « l’inspecteur des fabricants des cheveux du roi », Mariette, Les Mastabas, in-î°, Paris, 1891, p.250, 446, 447 ; du « directeur des fabricants des cheveux du roi », E. et J ; de Rougé, Inscriptions hiéroglyphiques recueillies en Egypte, 2 in-4°, Paris, 1879-1880, pl. lx ; du « directeur de ceux qui font les ongles du roi », Mariette, Ibid., p. 283-284 ; du « directeur des huiles parfumées du roi et de la reine », Mariette, Ibid., p. 298 ; des « cordonniers royaux », Maspero, Ibid., t. ii, p. Il ; du « directeur des étoffes du roi », Mariette, Ibid., p. 185 ; du « directeur du linge blanc », Mariette, Ibid., p. 252 ; des « blanchisseurs royaux », Maspero, Les contes populaires, ^’édit., Paris, 1889, p. 2 ; des « . chefs des musiciens et préposés aux divertissements du roi ». Mariette, Ibid., p. 154-155. — Plus considérable encore était le personnel occupé à l’alimentation du roi : « Le personnel de bouche dépas

sait les autres parle nombre. II n’en pouvait être autrement si l’on songe que le maître devait le vivre non seulement à ses serviteurs réguliers, mais encore à tous ceux de ses employés et de ses sujets qu’une affaire attirait à la résidence : même les pauvres diables qui venaient se plaindre à lui de quelque avanie plus ou moins imaginaire se nourrissaient à ses frais en attendant justice. Maîtres-queux, sommeliers, pannetiers, bouchers, pâtissiers, pourvoyeurs de poisson, de gibier ou de fruits, on n’en finirait pas si l’on voulait les recenser tous l’un après l’autre. Les boulangers qui enfournaient le pain ordinaire ne se confondaient pas avec ceux qui brassaient les biscuits. Les cuiseurs des soufflés et ceux des pelotes avaient la préséance sur les galetiers et les fabricants de confitures fines sur les simples confiseurs de dattes. Si bas qu’on descendit sur l’échelle, c’était un honneur à s’enorgueillir toute la vie et à se vanter après la mort au cours d’une épitaphe, que d’occuper un poste dans la domesticité royale. » Maspero, Histoire anc., t. i, p. 279-280. — Le gouverneur de la prison confia la garde de ces deux fonctionnaires royaux à Joseph. Gen., XL, 4. Pendant qu’ils étaient en prison, le chef des boulangers et le chef des échansons eurent chacun un songe la même nuit ; le lendemain, Joseph, ayant connu la cause de la profonde tristesse qui régnait sur leur visage, interpréta avec l’aide de Dieu leur songe, et son interprétation se réalisa : le grand échanson fut délivré et rétabli dans sa charge. Joseph lui avait recommandé de se souvenir de lui après sa délivrance et d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon ; mais le grand échanson, une fois délivré, oublia son interprète. Gen., XL, 5-23. — L’épisode des songes. rentre tout à fait dans les mœurs égyptiennes. De toute antiquité l’Egypte a attaché aux songes la plus grande importance et professé la plus grande vénération pour ceux qui étaient capables de les interpréter. Is., xix, 3 ; cf. Vigouroux, ibid., p. 58. Voilà pourquoi la magie était devenue un art et avait pris beaucoup de développement : « Les magiciens instruits à son école (du dieu Thot) disposaient comme lui des mots et des sons qui, émis au moment favorable avec la voix juste, allaient évoquer les divinités les plus formidables, jusque par de la les confins de l’univers : ils enchaînaient Osiris, Sît, Anubis, Thot lui-même, et les déchaînaient à leur gré, ils les lançaient, ils les rappelaient, ils les contraignaient à travailler et à combattre pour eux. » Maspero, Histoire anc, t. i, p. 212, 213. La plupart des livres magiques renferment des formules destinées à « envoyer des songes », tels le Papyrus 3229 du Louvre, Maspero, Mémoire sur quelques Papyrus du Louvre, pl. i-vm et p. 113-123 ; le Papyrus gnostique de Leyde et les incantations en langue grecque qui l’accompagnent. Leemans, Monuments égyptiens, t. i, pl. i-xiv, et Papyri grseci, t. ii, p. 16 ; cf. aussi Revillout, Les arts égyptiens, dans la Revue égyptologique, 1880, t. i, p. 169-172 ; et parmi les auteurs anciens : Tacite, Hist., iv, ’83 ; l’auteur des Homélies clémentines, i, 5, t. ii, col. 60 ; Origène, Cont. Cels., i, 68° t. xi, col. 788. Sur l’art de tirer les horoscopes et le calendrier des jours fastes et néfastes, cf. Papyrus Sallieriv, pl. i, lig, 2-3, 8-9 ; pl. ii, lig. 4, 6-8 ; pi. iii, lig. 8 ; pl. iv, lig. 3, 8 ; pl. v, lig. 1, 5, 8 ; pl. vi, lig. 5-6 ; pl. vii, lig. 1-2 ; pi xii, lig. 6 ; pl. xv, lig. 2, 6 ; pi. xvii, lig. 2-3 ; pl. xviii, lig. 6-7 ; pl. xix, lig. 4 ; pi. xxiii, lig. 2-3, 8-9 ; S. Birch, Select Papyri, Londres, 1844 t t. i, pl. CXLIV-CLXVHI ; Salvolini, Campagne de Rhamsèsle Grand, mS°, Paris, 1835, p. 121, note l ; E.de Rongé, Mémoire sur quelques phénomènes célestes, dans la Revue archéologique, l re série, 1852-1853, t. ix, p. 653691 ; Chabas, Le calendrier des jours fastes et néfastes de l’année égyptienne, in-8°, Paris, 1870, p.21-107.

iv. songes du pharaon. — Deux ans après, le Pharaon eut deux songes : celui des sept vaches grasses et des sept vaches maigres, et celui des sept épis chargés

de grains et des épis maigres. Gen., xli, 1-7. — Ces deux songes ont une couleur absolument égyptienne : le premier représente une scène pastorale, le second une scène agricole, et les deux scènes se passent sur les bords du Nil. Le Nil, les génisses et le blé, c’est à peu près toute la vie matérielle de l’ancienne Egypte. Les Égyptiens en avaient tellement conscience qu’ils avaient divinisé ces trois éléments : le Nil était représenté par trois dieux : Osiris du Délia, Khnoum de la cataracte, HarSâfit d’Hêracléopolis ; la déesse Naprît représentait l’épi mûr, Hâthor était la vache nourricière ; quant aux génisses, elles étaient consacrées à la déesse Isis, épouse d’Osiris, qui représentait la plaine grasse du Delta. — À son réveil, le Pharaon s’adressa à tous les « magiciens », hartumîm, et à tous les sages d’Egypte pour avoir l’explication de ses songes, mais aucun ne put les expliquer. Gen., xli, 8. — En Égjpte, les magiciens et les sages de la maison royale formaient une caste influente et privilégiée ; ils étaient les conseillers mêmes du roi. Les hommes au rouleau, khri-habi, n’avaient pas seulement pour rôle d’initier le Pharaon à la connaissance des rites et des formules religieuses, mais ils étaient aussi chargés d’expliquer les secrets de la nature : on appelait les « maîtres des secrets du ciel » ceux qui voient ce qu’il y a au firmament, sur la terre et dans l’Hadès, ceux qui savent toutes les recettes des devins et des sorciers. Tenti est « homme au rouleau en chef, … supérieur des secrets du ciel qui voit le secret du ciel ». Mariette, Les Mastabas, p. 149. « Le régime des saisons et des astres n’avait plus de mystère pour eux, ni les mois ni les Ijours et les heures favorables aux entreprises de la vie courante ou au commencement d’une expédition, ni les temps durant lesquels il fallait éviter de rien faire. Ils s’inspiraient des grimoires écrits par Thot, et qui leur enseignaient l’art d’interpréter les songes ou de guérir les maladies, d’évoquer les dieux et de les obliger à travailler pour eux, d’arrêter ou de précipiter la marche du soleil sur l’océan céleste. On en citait qui séparaient les eaux à volonté et les ramenaient à leur place naturelle rien qu’avec une courte formule. Une image d’homme ou d’animal, fabriquée par eux avec une cire enchantée, s’animait à leur voix et devenait l’instrument irrésistible de leur vengeance… Les grands eux-mêmes daignaient s’initier aux sciences surnaturelles et recevaient l’investiture de ces pouvoirs redoutables. Un prince magicien ne jouirait plus chez nous que d’une estime médiocre : en Egypte, la sorcellerie ne paraissait pas incompatible avec la royauté, et les magiciens de Pharaon prirent souvent Pharaon pour élève. » Maspero, Hist. anc, t. i, p. 281-282 ; Id., Les contes populaires de l’Egypte ancienne, 2e éd., p. 67, 60-63, 175, 180-181 ; Ad. Erman, Die Mdrchen des Papyrus Westcar, in-f », Berlin, 1890, pl. viii, lig. 12-26. — Le grand échanson se souvint alors de Joseph et raconta au Pharaon que cet esclave hébreu avait interprété son propre songe et celui du grand pannetier. Gen., xli, 9-13. Le roi fait immédiatement appeler Joseph ; celui-ci se rase, change de vêtements et se présente devant le Pharaon. Gen., xli, 14. — Ce détail correspond aussi à merveille aux coutumes égyptiennes. Hérodote nous apprend que les Égyptiens se rasaient complètement, ii ; 36 ; cette coutume était pratiquée surtout par les grands personnages et dans les circonstances solennelles, comme lorsqu’ils étaient reçus par le Pharaon ; les monuments nous les montrent alors le visage complètement rasé et portant des perruques sur la tête. Voir, fig. 285, un ministre d’Aménothès III (xviii « dynastie) reçu à l’audience royale. Le Pharaon en Egypte, en tant que fils de Ra, était un être au-dessus des mortels ; aussi l’abordait-on comme on aborde un dieu, les yeux bas, la tête ou l’échiné pliée, on « flairait le sol », sonù-to, devant lui, on se voilait la face de ses deux mains pour la protéger contre l’éclat de son regard, on récitait enfin une formule d’adoration

avant de lui exposer l’objet de sa visite. Voir Maspero, ibid., t. i, p. 265. Les précautions prises par Joseph faisaient donc partie des formalités du protocole royal égyptien. — Le Pharaon raconte à Joseph ses deux songes. Joseph explique au Pharaon ses deux songes. Les

réserve, pendant les années de fertilité, la cinquième partie des fruits de la terre afin de pourvoir aux besoins des sept années de famine ; le roi agrée ce conseil, et, convaincu que Joseph était l’homme le plus apte à remplir une telle charge, il l’établit premier ministre ;

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285. — Le roi Aménothès III donnant audience à un de ses ministres. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. III, Bd. 77.

sept vaches grasses et les sept épis pleins annonçaient sept années d’abondance : les sept vaches maigres et les sept épis vides annonçaient sept années de disette. En prévision de la famine qui ravagera l’Egypte il conseille au roi de confier l’administration de tout le rojaume à un homme prudent et habile, pour qu’il établisse des officiers dans toutes les provinces chargés de mettre en

en même temps il ôta son anneau et le mit dans la main de Joseph, et lui mit au cou un collier d’or. Gen., xli, 25-42. — Ici nous rencontrons de nouveau plusieurs indices des coutumes égyptiennes. Les vaches et les épis étaient le symbole ordinaire des années d’abondance et de disette. R. S. Poole, Ancient Egypt, dans la Contemporavy Review, mars 1879, p. 752 ; l’anneau était le signe -1663

JOSEPH

166-ï

de l’autorité, parce qu’il servait en même temps de sceau pour les actes publics ; ce que les égyptisants appellent aujourd’hui le cartouche, dans lequel le roi insérait ses noms et prénoms, n’est qu’un anneau dans lequel la gravure remplaçait le chaton moderne ; cet usage existe encore de nos jours dans la chancellerie pontificale : c’est avec Vanneau du pêcheur que le Souverain Pontife marque toutes ses encycliques et ses bulles ; le collier était l’ornement de tous les grands personnages. Voir la collation du collier, t. ii, col. 837, fig. 308. Les Égyptiens avaient du reste une vraie passion pour les bijoux : « Hommes et femmes aimaient les bijoux et se chargeaient le cou, la poitrine, le haut des bras, les poignets, la cheville, de colliers et de bracelets à plusieurs rangs. C’étaient des files de coquillages perforés, mêlés à des graines, à de petits cailloux brillants ou de forme bizarre. On substitua, par la suite, des imitations en terre cuite aux coquilles naturelles et des pierres précieuses aux cailloux, ainsi que des perles d’émail, les unes rondes, les autres allongées en poires ou en cylindres : plusieurs plaquettes en bois, en os, en ivoire, en faïence, enterre colorée, percées de trous où passer les fils, maintenaient l’écart entre les rangs et fixaient les extrémités du collier. » Maspero, Histoire anc, t. i, p. 57-58. Cf. Rosellini, Monumenli storici, pl. v, 18 ; Schweinmrth, Les dernières découvertes botaniques dans les anciens tombeaux de l’Egypte, dans le Bulletin de VInslitut égyptien, 2 « série, 1886, t. vi, p. 261 ; Maspero, Guide du visiteur, in-16, Boulaq, 1883, p. 270-271, n. 4129, 4130 ; p. 276, n. 4160 ; E. B. Tylor, Primitive Culture, 2 in-8°, Londres, 1891, t. ii, p. 189, 205. — Après lui avoir remis l’anneau et le collier, le Pharaon changea son nom et lui lit épouser Aseneth, fille de Putiphar, prêtre d’Héliopolis, Gen., xli, 45. Voir ces noms.

y. joseph premier MINISTRE. — Joseph avait donc subi une épreuve de treize ans. Dieu venait de récompenser sa foi et ses vertus ; il était âgé de trente ans lorsqu’il fut élevé à la seconde dignité du royaume. Gen., xli, 46. Désormais savie se résume dans deux grands faits : son administration et sa conduite à l’égard de ses frères et de son père.

Administration de Joseph.

Joseph commença.

par visiter toute l’Egypte, l’inspection des provinces était encore un devoir des ministres du roi. Arrivent les sept années de fertilité pendant lesquelles on entasse dans les greniers royaux de grandes provisions de hlé. Gen., xli, 45-49. — Quiconque a étudié l’égyptologie n’a aucune peine à comprendre l’exactitude de ces détails. La culture du blé était une des principales occupations et des principales ressources des Égyptiens ; elle absorbait toute une armée d’ouvriers, qui se partageaient les différentes besognes. Dans la cité royale, il y avait un bâtiment appelé la « Maison des grains », Pahabou, Brugsch, Dictionnaire hiéroglyphique et démotique, 7 in-4°, Leipzig, 1880-1882* Supplément, p. 749750, au mot À ri ; dans toutes les villes, presque dans toutes les maisons il y avait des greniers, sennou, pour recevoir le blé. Les greniers « étaient de vastes réceptacles en briques, ronds, terminés en coupoles, accotés par dix et plus, mais sans communication de l’un à l’autre. On n’y voyait que deux ouvertures, l’une au sommet par laquelle on introduisait le grain, une au niveau du sol par laquelle on le retirait : un écriteau affiché au dehors, souvent sur le volet même qui fermait la chambre, annonçait l’espèce et la quantité des céréales. La garde et la gestion en étaient confiées à des troupes de portiers, de magasiniers, de comptables, de primats (hhorpûû) qui commandaient les manœuvres, d’archivistes, de directeurs (mirou). » Maspero, Histoire anc, t. i, p. 285, 286. Voir Grenier, fig. 76-78, col. 344-345. Cf. Maspero, Trois années de fouilles, dans les Mémoires de la mission française, Paris, 1889, 1. 1, pl. m ; Études égyptiennes, t. ii, p. 181-182 ; Rosellini, Monumenti civili, pl. xxxiv, I

2 ; Newberry, Béni Hasart, t. i, pl. xiii. Sur ces entrefaites Joseph eut deux fils qu’il appela Manassé et Éphraim d’une manière symbolique. Gen., xli, 50-52. Aux années de fertilité succédèrent les sept années de disette : de tout côté on se rendit en Egypte pour se procurer du blé ; mais les provisions de blé mises en réserve sur toute la surface du territoire ne tardèrent pas à s’épuiser. L’Egypte elle-même fut affamée ; on s’adressa au Pharaon pour lui demander de quoi vivre ; le Pharaon se contenta de renvoyer le peuple à Joseph. Durant ces jours de détresse, Joseph fut la providence de l’Egypte et de beaucoup d’autres régions : il fit ouvrir tous les greniers et vendit du blé aux Égyptiens. Gen., xli, 53-56.

2° Conduite de Joseph à l’égard de ses frères et de son père. — La famine avait dépassé les frontières de l’Egypte et envahi le pays de Chanaan : de partout on se rendait en Egypte pour acheter des subsistances. Le patriarche Jacob, ayant entendu dire qu’on vendait du blé en Egypte, ordonna à ses enfants de s’y rendre pour y acheter le nécessaire et échapper ainsi à la mort. Les enfants de Jacob, à l’exception de Benjamin, se rendirent donc en Egypte pour y acheter du blé ; ils se présentèrent à Joseph et se prosternèrent devant lui. Celui-ci les reconnut et fit semblant de les traiter un peu durement : il feignait de les prendre pour des espions ; ses frères se défendirent contre une pareille imputation. Joseph insista et les soumit à une épreuve : après les avoir gardés trois jours en prison, il les remit en liberté et leur ordonna de retourner chez eux et de revenir en Egypte en amenant avec eux leur dernier frère Benjamin : en attendant leur retour, il garda Siméon comme otage. Les frères partirent avec leurs ânes chargés de blé, et racontèrent à Jacob ce qui s’était passé. Cependant la famine continuait à ravager le pays de Chanaan ; le blé du premier voyage étant consommé, Jacob ordonna à ses fils de retourner en Egypte avec des présents pour le gouverneur et, sur les instances de Juda, après avoir longtemps résisté, il consentit à laisser partir Benjamin. Gen., xlii-xliii, 1-14. — La scène des dons, des présents et des tributs est tout à fait conforme aux habitudes des peuples orientaux ; on la trouve fréquemment représentée dans la plupart des tableaux thébains de la xviip dynastie, voir t. ii, col. 1067, fig. 384, les présents offerts par les Amou. Voir aussi t. i, col. 715. fig. 179. — Les frères de Joseph retournèrent donc en Egypte. Joseph ordonna à son intendant de les faire entrer dans sa maison et de préparer un festin pour midi ; l’intendant s’acquitta de sa commission, et en même temps remit Siméon en liberté. Joseph étant entré, ses frères lui offrirent leurs présents, et, selon la coutume orientale, ils le saluèrent en se baissant jusqu’à terre. Joseph leur demanda des nouvelles de leur père, et, ayant aperçu Benjamin, il fut ému. Après être sorti pour pleurer, il resta pour dîner avec ses frères qu’il traita avec la plus grande déférence, surtout Benjamin. Gen., xliii, 15-34. — Le verset 32 contient un détail tout à fait égyptien. Hérodote, H, 41, nous apprend qu’il n’était pas permis aux Égyptiens de manger avec des étrangers ; nous savons, d’autre part, qu’aux repas des Égyptiens, chaque convive avait sa table. Wilkinson, Manners and Customs, 1878, t. ii, p. 391, 393 ; Lepsius, Denkmàler, X. IV, pl. xcvi ; Rosellini, Monumenti civili, pl. lxxix. Le repas fini, Joseph ordonna à son intendant de remplir de blé les sacs de ses frères et d’y déposer l’argent de chacun : il fit de plus cacher sa coupe d’argent dans le sac de Benjamin. Ses frères partirent le lendemain. Joseph envoya son intendant pour les arrêter sous prétexte qu’ilsavaient volé sa coupe ; on examina les sacs et l’on trouva la coupe dans celui de Benjamin. Ses frères revinrent tristement dans la ville, Gen., xliv, 1-13, et Joseph leur déclara qu’il garderait comme esclave celui dans le sac

duquel on avait trouvé sa coupe d’argent. Juda le pria d’une manière touchante de le retenir comme esclave à la place de Benjamin. Joseph ne put plus se contenir : il fit sortir tous les Égyptiens et, resté seul avec ses frères, il se fit reconnaître : « Je suis Joseph. » Puis il leur dit que Dieu l’avait conduit en Egypte pour leur salut. Il les renvoya alors auprès de leur père Jacob pour lui dire de venir s’établir en Egypte. Gen., xlivxlv, 1-15. Le Pharaon lui-même, ’ayant su que les frères de Joseph étaient en Egypte, leur avait témoigné beaucoup de bienveillance et les avait engagés de son côté à revenir s’établir en Egypte avec toute leur famille. Jacob fut rempli de joie en apprenant que son fils Joseph vivait encore. Gen., xlv, 21-28.

Arrivée de Jacob en Egypte.

Jacob se rendit en

Egypte avec les siens. Averti par Juda de l’arrivée de son père, Joseph alla à sa rencontre et l’embrassa en pleurant ; ensuite il avertit Pharaon de l’arrivée des siens, après avoir recommandé à ses frères et à toute Ja maison de son père de dire au Pharaon qu’ils étaient pasteurs, afin de demeurer dans la terre de Gessen. Le roi la leur donna en effet. Voir Gessen, col. 218. C’était la région la plus fertile de l’Egypte. Gen., xlvi, 1-xlvh, 41.

Dernières années de Joseph.

La famine continuait

de sévir ; tout le monde s’adressait à Joseph pour avoir du blé. Joseph en vendit à tous les Égyptiens, soit à prix d’argent, soit en échange de leurs troupeaux, soit enfin en échange de leurs terres ; il acquit ainsi au Pharaon toutes les terres d’Egypte, à l’exception de celles des prêtres. Gen., xlvii, 13-22. — Deux détails égyptiens méritent d’être signalés. Au verset 20, nous constatons une aliénation de toutes les propriétés privées au profit de l’État. C’est là un fait qui n’avait rien d’anormal dans l’ancienne Egypte. En Egypte en effet, on admettait en principe que le sol entier appartenait au Pharaon, mais des circonstances de diverse nature l’empêchaient de gouverner immédiatement par lui-même toutes les provinces du royaume. Le verset 22 nous apprend que le domaine des prêtres fut respecté ; les terres des prêtres, regardées comme sacrées, étaient exemptes de toutes les charges. Les Égyptiens, et spécialement les princes et les seigneurs, faisaient de grandes donations aux temples ; les textes ne laissent aucun doute sur ce sujet ; la grande Inscription de Siout nous a conservé un exemple de ce genre, lig. 24, 28, 41, 43, 53 ; un personnage du nom de Hàpizaoufi y fait mention des revenus qu’il attribue aux prêtres « sur la maison de son père », c’est-à-dire sur son bien patrimonial, et « sur la maison du prince », c’est-à-dire sur le domaine princier. Cf. Maspero, Études de mythologie et d’archéologie égyptiennes, in-8°, Paris, 1893, 1. 1, p. 53-75 ; Erman, Zehn Vertrâge aus dem mittleren Reich, dans la Zeitschrift fur dgyptische Sprache, 1882, p. 159-184. « Ces donations au dieu {nutir hotpuu) étaient régies, ce semble, par des conventions analogues à celles qui gouvernent les biens de mainmorte de l’Egypte moderne ; jointes au temporel primitif du temple, elles formaient dans chaque nome un domaine considérable, sans cesse élargi de dotations nouvelles. Les dieux n’avaient point de filles qu’il fallût pourvoir, ni de fils entre qui diviser leur héritage. Tout ce qui leur échéait leur restait à jamais et des imprécations insérées dans les contrats menaçaient de peines terribles en ce monde et ailleurs quiconque leur en déroberait la moindre parcelle. » Maspero, Histoire anc., t. i, p. 303. Cf. S. Birch. Sur une stèle hiératique, dans les Mélanges égyptologiques de Chabas, 2 « sér., in-8°, Paris, 1862, p. 324-343. Le domaine des temples était tellement considérable qu’il couvrait un tiers environ du territoire. Diodore de Sicile, i, 21, 73. Voir, dans le Grand Papyrus Harris, l’énumération des biens que le seul temple d’Amon Thébain possédait sous Ramsès III. — Joseph fournit aux Égyp

tiens de la graine pour ensemencer leurs champs, à la condition qu’ils donneraient la cinquième partie des revenus des terres, ce qui fut accepté avec joie. Gen., xlvii, 23-26. — Ce fait est aussi parfaitement égyptien. L’étendue du domaine royal « demeurait assez considérable pour que le souverain n’en exploitât que la moindre portion au moyen des esclaves royaux, et fût obligé de confier le reste à des fonctionnaires d’ordres divers : dans le premier cas, il se réservait tous les bénéfices, mais aussi tous les tracas et toutes les charges ; dans le second cas, il touchait sans risque une redevance annuelle dont on fixait la quotité sur place, selon les ressources du canton ». Maspero, Histoire anc., t. i, p. 283. Cf. Lepsius, Denkniàler, ii, 107. — Les terres des prêtres furent de nouveau et pour le même motif exceptées de cette charge.

Mort de Jacob et de Joseph.

Jacob, sur le point

de mourir, fit promettre à Joseph de ne pas l’enterrer en Egypte, . mais de transporter ses ossements dans le sépulcre de ses ancêtres. Gen., xlvii, 29-31. Il lui témoigna une dernière fois sa prédilection en lui attribuant une double part d’héritage, Tune pour son fils Éphraim et l’autre pour son fils Manassé, Gen., xlviii, 9-22 ; Ezech., xlvii, 13, et lui donna sa bénédiction suprême. Gen., xlix, 22-26. Après la mort de son père, Joseph fit embaumer son corps et, avec la permission du Pharaon, on le transporta au pays de Chanaan pour être enterré à Hébron auprès de ses pères. Gen., l, 1-13. — Joseph continua à traiter ses frères avec bonté ; il leur fit aussi promettre par serment, à l’exemple de Jacob, de transporter ses restes en Palestine. Il mourut à l’âge de cent dix ans, son corps fut embaumé, Gen., L, 14-25, et plus tard enseveli près de Sichem, où l’on voit encore aujourd’hui un monument (fig. 286) qui rappelle le lieu de sa sépulture, non loin du Puits de Jacob, probablement dans le champ que son père lui avait donné. Joa., iv, 5 ; Exod., xiii, 19 ; Jos., xxiv, 32. — Sur l’usage égyptien de l’embaumement des cadavres, voir t. ii, col. 1724. Quant à l’âge de cent dix ans, il est curieux de remarquer que les Égyptiens souhaitaient d’atteindre cet âge. Voir Goodwin, dans Chabas, Mélanges égyptologiqv. es, 1° série, p. 231-237 ; Maspero, Histoire anc, t. i, p. 214. L’auteur de l’Ecclésiastique, xlix, 16-17, a fait l’éloge de Joseph, « cet homme de miséricorde, qui a trouvé grâce aux yeux de toute chair, » et qui « naquit pour le salut de ses frères et l’appui de sa famille ». Saint Paul a loué sa foi. Heb., xi, 21-22. Voir aussi Sap., x, 13-14.

III. Authenticité de l’histoire de Joseph. — On n’a rien découvert dans les textes égyptiens qui se rapporte directement à l’histoire de Joseph ; nos meilleurs exégètes le reconnaissent. Vigouroux, op. cit., p. 4. Une liste de Tothmès III rappelle seulement les noms de Joseph et de Jacob, Yoseph-el, Yakob-el, mais ils s’appliquent à des tribus. Cf. W. N. Grofl, Lettre à M. Revillout sur le nom de Jacob et de Joseph en égyptien, in-4°, Paris, 1885 ; MaxMuller, Asien und Europa, 189’A, p. 164. — A défaut de preuves directes et positives, on a du moins des preuves indirectes. Si l’égyptologie n’établit pas, à elle seule, la réalité de l’histoire de Joseph, elle montre qu’elle est en parfait accord avec tout ce que nous savons de l’Egypte, de ses usages et de ses coutumes.

La couleur locale.

Cette histoire présente une

couleur locale frappante, comme nous l’avons déjà remarqué. Les écrivains rationalistes eux-mêmes ont reconnu ce fait : « La peinture des mœurs égyptiennes par cet écrivain est généralement très exacte. » Evvald, Geschichte des Volkes Isræls, 3e édit., 1864, t. i, p. 599. Aux traits déjà cités, il faut en ajouter un autre : la famine. Les famines sont fréquentes dans les contrées orientales ; elles ont pour cause principale le manque de pluie et la sécheresse qui détruit presque complètement les récoltes. La Genèse nous raconte des faits analogues

III. - 53

antérieurs à l’histoire de Joseph, xii, 10 ; xxvi, 1. Tous ceux qui connaissent tant soit peu l’Orient, sont, pour ainsi dire, familiarisés avec un pareil phénomène. Qu’il me suffise de rappeler le dernier fait dans cet ordre d’idées. En 1890, M. Wilbourg découvrit dans l’île de Sehel une inscription connue sous le nom de « stèle de la famine ». Cf. H. Brugsch, Die biblischen sieben Jahre der Hungersnoth, in-8°, Leipzig, 1891. Cette inscription atteste qu’en l’an xviii de son règne, le roi Zosiri, de la 111° dynastie, avait expédié le message suivant à Madir, sire d’Éléphantine : « Je suis accablé de douleur pour le trône même et pour ceux qui résident dans le palais, et mon cœur s’afflige

thèse, cette inscription serait presque un décalque de la description de la Genèse.

Les mots égyptiens.

L’histoire de Joseph contient

un certain nombre de mots égyptiens : — 1. Noms propres. — Le Nil est appelé en égyptien aur ; on le trouve dans l’hébreu biblique sous la forme yeor, qui signifie la « rivière », le « fleuve ». Gen., xli, 1. — Le nom donné à Joseph par le Pharaon reconnaissant est égyptien. Ce nom est dans le texte hébreu sdfenat pa’enêah. Gen., xli, 45. La Vulgate latine a traduit par « sauveur du monde ». En égyptien ce nom signifie littéralement « celui qui approvisionne (soutient) la vie », djfen pa-ankh. — Joseph prit pour épouse une femme

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286. — Tombeau de Joseph, près de Balata et de Naplouse. D’après une photographie de M. L. Heidet (1899).

et souffre grandement parce que le Nil n’est pas venu en mon temps, l’espace de huit années. Le blé est rare, les herbages manquent et il n’y a plus rien à manger ; quand n’importe qui appelle ses voisins au secours, ils se hâtent de n’y pas aller. L’enfant pleure, le jeune homme s’agite, les vieillards leur cœur est désespéré, les jambes repliées, accroupis à terre, les mains croisées, les courtisans n’ont plus de ressources ; les magasins qui jadis étaient bien garnis de richesses, l’air seul y entre aujourd’hui et tout ce qui s’y trouvait a disparu. Aussi mon esprit se reportant aux débuts du monde, songe à s’adresser au Sauveur qui fut ici où je suis pendant les siècles des dieux, à Thot-Ibis, ce grand savant, à Imhotpou, fils de Phtah Memphite. Quelle est la place où naît le Nil ? Quel est le dieu ou quelle est la déesse qui s’y cache ? Quelle est son image ? » Maspero, Histoire anc, t. i, p. 240-241. Cet auteur y voit une pièce fabriquée, vers le milieu du m » siècle avant notre ère, par les prêtres de Khnoumou, Anoukit et Satit, jaloux de l’influence prise en Nubie par la déesse Isis de Philæ grâce aux troupes grecques ; dans cette hypo égyptienne appelée Aseneth, Gen., xli, 45 ; ce nom est égyptien : as, « siège, demeure, » et Neitli, nom d’une déesse égyptienne ; la signification du nom est donc : « siège, demeure de [’a déesse] Neith. » Voir Aseneth, 1. 1, col. 1082. L’eunuque du Pharaon s’appelle Putiphar, Gen., xxxix, 1 ; c’est encore un nom égyptien qui se décompose en quatre mots : pa, « le, » tu, « donner, » pa, « le, » Ra, « Ra, » le dieu Soleil ; le nom entier signifie « le donné à Ra ». — 2. Noms communs. — a)’Abrêk, Gen., xli, 43. Voir Abrek, t. i, col. 90 ; — 6) les bœufs que le Pharaon vit en songe, paissaient dans les’âhû, Gen., xli, 2 ; il n’est pas difficile de reconnaître dans ce mot l’égyptien akh qui veut dire « verdoyer » et « verdure, roseau » ; — c) le mot êefaf, Gen., xli, 17, qui désigne les « bords » [du Nil] est aussi égyptien, spet en égyptien signifie rigoureusement « lèvre » ; — d) le mot sêë, Gen., xli, 42, que la Vulgate a traduit par stola byssina, « robe de fin liii, » vient de l’égyptien Ses, qui veut dire « tisser », d’où « tissu, étoffe ». Cf. V. Ermoni, L’ugyptologie et la Bible, dans les Annales de philosophie chrétienne, 1900,

p. 500-501 ; K. Levesque, Les mots égyptiens dans l’histoire de Joseph, dans la Revue biblique, juillet, 1899, p. 412-419.

La littérature romanesque.

Il existe dans la littérature

égyptienne un roman connu sous le nom de Conte des deux frères, qui présente la plus grande analogie avec l’épisode de la vie de Joseph, où le jeune hébreu est tenté par la femme de Putiphar et repousse ses avances. Deux frères, Anoupou et Bitiou, vivaient en paix au fond d’une ferme : un jour la femme de l’aîné, Anoupou, s’éprend du cadet, Bitiou, et s’offre à lui ; Bitiou refuse, et la femme d’Anoupou se plaint à son mari de ce qu’il lui ait fait violence ; ses bestiaux avertissent Bitiou du danger, et Phrâ-Harmakhis l’entoure d’une eau pleine de crocodiles au moment du danger, et le fait triompher à la fin de ses persécuteurs. Cf. Papyrus d’Orbiney, n. 10183 du British Muséum ; Birch, Select Papyri, t. ii, pl. ix-xix ; E. A. W. Budge, An egyptian reading book, Londres, 1888, p. 1-25 ; Groff, Étude sur le Papyrus d’Orbiney, Paris, 1888 ; E. de Rougé, Notice sur un monument égyptien en écriture hiératique, dans l’Atheneum français, 1852, et dans la Revue archéologique, i" sér., t. viii, p. 30 ; Goodwin, Cambridge Essays, p. 382 ; H. Brugsch, Aus dem Orient, Berlin, 1864, p. 7 ; Lepage-Renouf, Records of the past, t. ii, p. 137 ; Maspero, Les contes populaires de l’Egypte ancienne, 2e édit., Paris, 1889, p. xii-xiv, 1-32 ; Pétrie, Egyptian Taies, 2e sér., p. 36-86 ; Ebers, Aegypten und die Bûcher Moses, p. 314, 315 ; cf. aussi Brugsch, Steininschrift und Bibelwort, in-8°, Berlin, 1891, p. 77-103 ; Vigoureux, op. cit., p. 42-55 ; Heibert, Vont Parodies bis zum Schilfmeer, Géra, 1877, p. 61-96. Certains ont pensé que l’histoire de Joseph avait fourni le point de départ de cette histoire. On ne peut l’établir, mais elle nous montre du moins que l’histoire de la femme de Putiphar ne paraissait pas invraisemblable aux Égyptiens.

IV. Joseph figure de Notre-Seigneur.

Tous les Pères se sont accordés à voir dans Joseph une figure de Notre-Seigneur Jésus-Christ, persécuté lui aussi par ses frères, vendu à prix d’argent, humilié sur la croix et exalté dans sa Résurrection et son Ascension et sauvant son peuple de la mort du péché. Voir Caron, Essai sur les rapports entre le saint patriarche Joseph et Notre-Seigneur Jésus-Christ, in-4°, 1825. — Beaucoup de Pères aussi ont célébré ses vertus et particulièrement

sa charité. Cf. S. Ambroise, De Josepho patriarcha, t. xiv, col. 641-672 ; Pseudo-Augustin, Sermo cccxuii, De Susanna et Joseph, t. xxxrx, col. 1505-1511. — L’Église a vu dans le Joseph de l’ancienne loi la figure du Joseph de la nouvelle loi ; bréviaire romain, au 19 mars.

V. Bibliographie.

Outre les ouvrages cités au cours de cet article, voir : A. H. Niemeyer, Charakteristik der Bibel, 5 in-8°, 5e édit., Halle, 1795, t. ii, p. 326426 ; Th. Smith, The History of Joseph, 5e édit., Edimbourg, 1875 ; Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, Paris, 1888, p. 153-158 ; Robiou, Les Pasteurs en Egypte et le ministère de Joseph, dans la Revue des questions historiques, juillet 1869, p. 212-220 ; A. H. Kellogh, Abraham, Joseph and Moses m Egypt, in-8°, NewYork, 1887, p. 52-81 ; H. G. Tomkins, The Life and Times of Joseph in the light of. Egyptian Lore, in-12, Londres, 1891. Pour l’histoire légendaire de Joseph, voir le Koran, chapitre de Joseph ; d’Herbelot, Bibliothèque orientale, p. 496, à l’article ïousoûf ben Jacob ; F. G. Robles, Legéndas de José, hijo de Jacob, sacadas de dos manuscritos morinos de la Bibliotheca nacional de Madrid, in-f°, Saragosse, 1888. On peut voir aussi Testamenta duodecim patriarcharum, dans Migne, Patr. gr., t. ii, col. 1037-1149 ; cf. Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. i, n. 62, p. 129-130 ; Apocryphes, t. i, >cok 771. V. Ermoni.

    1. JOSEPH##


2. JOSEPH, nom ethnique. Le nom de Joseph, fils de Jacob, est employé comme un nom de tribu ou de peuple pour désigner : 1° les deux tribus issues de lui par ses deux fils, Éphraïm et Manassé. Sa descendance est alors appelée simplement « Joseph », Deut., ixini, 13, 16 ; Ezech., xrvu, 13, ou bien benê Yôsêf, jfilii Joseph, « les fils de Joseph, » Num., i, 10 ; xxvi, 28 ; Jos., xvi, 1 ; xvii, 14, etc., ou enfin bêt Yôsêf, domus Joseph, « la maison de Joseph. » Jos., xviii, 5 ; Jud., i, 22, 35 ; II Reg., xix, 20, etc. — 2° « Joseph, la maison de Joseph » s’entendent de tout le royaume d’Israël, parce que la tribu d’Éphraim en était la principale. Ezech., xxxvii, 16, 19 ; Amos, v, 6 ; Abd., 18, Zach., x, 6. — 3° Dans le Psaume lxxx (hébreu, lxxxi), 6, « Joseph » désigne poétiquement tout le peuple d’Israël.

    1. JOSEPH##


3. JOSEPH, père d’Igal, de la tribu d’Issachar. Son fils fut un des douze espions envoyés par Moïse pour explorer la Terre Promise. Num., xiii, 8.

    1. JOSEPH##


4. JOSEPH, lévite, fils d’Asaph, qui vivait du temps de David. Il fut désigné par le sort pour être à la tête du premier chœur de chantres sur les vingt-quatre entre lesquels les trois familles d’Asaph, d’Héman et d’Idithun avaient été partagées pour le service du sanctuaire. I Par., xxv, 2, 9.

    1. JOSEPH##


5. JOSEPH, Israélite de la famille de Bani. Il avait épousé une femme étrangère et Esdras l’obligea de la quitter. I Esd., x, 42.

    1. JOSEPH##


6. JOSEPH, prêtre et chef de la famille sacerdotale de Sébénias après le retour de la captivité de Babylone. II Esd., xii, 14.

    1. JOSEPH##


7. JOSEPH, fils d’Ozias, ancêtre de Judith. Judith, vin, 1.

8. JOSEPH (grec : ’IiÔ7 « pos ; Vulgate : Josephus), fils de Zacharie, un des chefs de l’armée juive qui fut battue par Gorgias (col. 277), vers 164 avant J.-C., pendant que Judas Machabée était allé faire une campagne dans le pays de Galaad. I Mach., v, 18, 56-60.

9. JOSEPH (grec : ’Itào-eçoç ; Vulgate : Josephus), nom d’un des fils de Mathathias, dans II Mach., viii, 22 ; x 19. Il paraît être le même que Jean. Voir Jean Gaddis, col. 1153.

10. JOSEPH, époux de la sainte Vierge. Il était fils d’Héli et descendait de David. Luc, iii, 23 ; Matth., i, 20 ; Luc, I, 27 ; ii, 4. Il habitait Nazareth et était artisan de son état, Jésus estappelé fils d’un artisan, Matth., xiii, 55, ou artisan lui-même. Marc, vi, 3. Suivant la tradition la plus commune, il exerçait le métier de charpentier, comme le dit saint Justin, Dial. cum Tryph., 88, t. vi, col. 688. L’Écriture nousle représente comme un homme juste, c’est-à-dire fidèle à l’observance de la loi mosaïque. Matth., i, 19. Cf. Luc, i, 6 ; ii, 25.

I. Mariage de Joseph et de Marie.

Joseph devint l’époux de la sainte Vierge. Matth., i, 18 ; Luc, l, 27 ; il, 5. Quoiqu’ils gardassent la virginité, ils avaient contracté un vrai mariage. Voir S. Thomas, III », q. xxix, a. 2, concl. ; ’S. Augustin, De cons. Evangel., ii, c. i, t. xxxiv, col. 1071, 1072 ; Benoît XIV, Délie Feste dx Gesù Cristoe délia B. Vergine Maria, in-8°, Venise, 1792, p. 212-215 ; Vacant, Dictionnaire de théologie, article Antidicomarianites, t. i, col. 1378-1382. C’est à cause de ce mariage que Joseph est appelé « père s de Jésus et Jésus « fils » de Joseph. Luc, ii, 33, 41, 48 ; iii, 23. On se demande si le mariage fut contracté avant ou après l’Incarnation. Ce qui a donné lieu à cette question c’est l’expression desponsata de Matth., i, 18. Faut-il traduire

cette expression par « mariée » ou par « fiancée » ? Les Pères ne sont pas d’accord. Saint Thomas pense que le mariage était contracté, mais que la célébration solennelle n’avait pas encore eu lieu ; il croit que Matth., i, 20 : « Ne crains pas de recevoir Marie ton épouse, » doit s’entendre de la célébration solennelle du mariage, quoique Marie fût déjà dans la maison de Joseph. Sans rejeter comme impossible l’autre interprétation, il déclare que celle-ci s’accorde mieux avec le texte évangélique : Prirtium tamen, magis consonat Evangelio. III », q. xxix, a. 2, ad3° m. — De nos jours l’opinion que le mariage ne fut contracté qu’après l’Incarnation compte beaucoup de partisans : on en donne les raisons suivantes : 1° L’impression générale du récit. Matth., 1, 18-25. La lecture de ce passage, laite sans idée préconçue, porte naturellement à y voir la relation du mariage de Marie et de Joseph. — 2° Le vrai sens de desponsari, desponsata, [ivyjcttsusîv, n’est point « épouser », mais « se fiancer » ; c’est tellement vrai, que Luc, i, 27, unit desponsata à virgo : or on dit bien une « vierge fiancée », mais on ne peut pas dire une « vierge mariée ». — 3° Chez les Juifs les fiançailles solennelles précédaient le mariage, qui n’était célébré ordinairement qu’un an plus tard : la grande cérémonie consistait à conduire la fiancée dans la maison de son époux. Deut., xx, 7. C’est ainsi qu’il paraît plus naturel d’entendre antequam convertirent, Matth., i, 18 ; à cette époque Joseph et Marie n’habitaient pas dans la même maison ; par conséquent ils n’étaient pas mariés. Cf. Patrizi, De prima Angeli ad Josephum Mante sponsum legalione Comment., Rome, 1876 ; Id., De Evangfliis libri 1res’, Fribourg, 1855, t. ii, p. 123-124 ; Fillion, Evangile selon saint Matthieu, Paris, 1889, p. 41, 42. Il faut remarquer d’ailleurs qu’en soi la question n’a pas une grande importance, les fiancés ayant les droits des époux. J. Knabenbauer, Comment, in Matth., 1892, p. 17-18.

II. Marie devient mère de Jésus.

On peut conjecturer avec assez de fondement que Joseph était établi depuis longtemps à Nazareth avec Marie quand eut lieu le mystère de l’Annonciation. Luc, i, 26-27. — Joseph ne tarda pas à être soumis à une rude épreuve : la sainte Vierge avait conçu du Saint-Esprit. Matth., i, 18 ; Luc., i, 35. Saint Joseph ignorait complètement le secret du mystère de l’Incarnation ; Marie ne lui avait rien dévoilé. Quand le saint patriarche s’aperçut qu’elle allait devenir mère, il ne voulut pas la diffamer et la dénoncer pabliquement ; il songea à la répudier en secret, sans bruit, c’est-à-dire, en se tenant à la teneur même de la loi mosaïque, sans mentionner dans le document, le libellus repudii, les motifs du renvoi. Matth., i, 19. — Comme il méditait ce projet, l’ange du Seigneur lui apparut en songe, le rassura et lui fit connaître le mystère de la conception virginale : Marie enfantera un fils, et Joseph devra l’appeler Jésus, parce qu’il sauvera son peuple de ses péchés. Matth., 1, 20-21. Joseph, rassuré par ce songe, fit comme l’ange lui avait prescrit. Matth., i, 24.

III. Voyage a Bethléhem.

Joseph résidait à Nazareth, lorsque fui publié le décret de César Auguste, prescrivant le dénombrement des habitants de l’empire dans leur lieu d’origine. Il fut ainsi obligé de se rendre à Bethléhem, pour se (aire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Luc, ii, 1-5. Pendant qu’ils étaient dans cette ville, Marie enfanta son fils premier-né. Luc, h, 6-7. Les bergers des alentours, prévenus par l’ange du Seigneur, se rendirent à Bethléhem pour voir le mystère qui s’y était accompli, t. 8-15 ; ils y trouvèrent Marie Joseph et l’enfantcouché dans une crèche.^. 16. — Lorsque les Mages vinrent adorer l’enfant dans la crèche, il n’y a pas de doute que Joseph ne fût présent, quoique le texte ne le mentionne pas. Matth., ii, 11. — Les jours de la purification prescrite par la loi pour la femme qui relevé de ses couches étant accomplis, Joseph et Marie, se rendirent à Jérusalem pour y présenter l’enfant au

Temple et faire les offrandes légales. Luc, ii, 21-24. Le vieillard Siméon, homme juste et craignanfDieu, prit l’enfant dans ses bras, le bénit, et chanta un cantique de joie et d’action de grâces, Luc, ii, 25-32 ; le père et la mère de Jésus furent dans l’admiration : Siméon les bénit et annonça à Marie que l’enfant était établi pour la ruine et la résurrection d’un grand nombre en Israël. Luc, ii, 33-34. Il est difficile de déterminer si le voyage à Jérusalem eut lieu avant ou après la visite, des Mages.

IV. Fuite en Egypte.

Après le départ des Mages, sans qu’on puisse préciser le temps, l’ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, il lui prescrivit de se retirer en Egypte avec la mère et l’enfant, et d’y rester jusqu’à nouvel ordre, parce qu’Hérode méditait la perte de l’enfant. Joseph obéit immédiatement et se rendit en Egypte, Matth., ii, 13, 14 ; il y resta jusqu’à la mort d’Hérode. Matth., ii, 15. À la mort de ce monarque, l’ange lui apparut de nouveau en songe et lui dit de retourner dans la terre d’Israël. Joseph se leva aussitôt, prit l’enfant et sa mère et se mit en route pour son pays. Mais, apprenant qu’Archélaùs régnait en Judée, à la place de son père, il craignit d’y aller, et, averti pendant son sommeil, il se retira en Galilée dans la ville de Nazareth. Matth., ii, 19-23.

V. Joseph a Jérusalem.

Saint Luc, ii, 40, raconte que chaque année les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la célébration de la Pâque. À l’âge de douze ans Jésus monta avec eux à Jérusalem. Après la fête, Marie et Joseph repartirent sans se douter que l’enfant ne les suivait pas. En chemin, ayant constaté que Jésus n’était pas avec les pèlerins, ils retournèrent à Jérusalem et, après trois jours de recherches, ils le trouvèrent dans le Temple discutant avec les docteurs. Aux questions de sa mère, Jésus répondit en disant qu’il devait vaquer aux affaires de son père. Il descendit alors avec eux à Nazareth et il leur était soumis. Luc, ii, 42-51.

VI. Mort de Joseph.— Les Évangiles ne nous apprennent plus rien sur la vie du saint patriarche. On peut induire seulement qu’il était mort avant la Passion du fait que Notre-Seigneur sur la croix confia sa mère aux soins de l’apôtre saint Jean. Joa., xix, 27. Cf. Act., i, 14. Comme il n’est pas nommé non plus, quand il est dit que Jésus était cherché par sa mère et ses frères, Matth., xii, 46 ; Marc, iii, 31 ; Luc, viii, 19, on conclut généralement de cette omission que le saint patriarche n’était plus vivant. L’opinion commune qu’il était mort avant* le commencement de la vie publique du Sauveur est probablement fondée. Quant à la durée de sa vie, elle n’est mentionnée que dans les Évangiles apocryphes. L’Histoire de Joseph le charpentier, 10, le fait mourir à 1Il ans. Evangelia apocrypha, 2e édit., Tischendorꝟ. 1876, p. 126. Il finit probablement ses jours à Nazareth et c’est là qu’il dut être enterré. Les plus anciens monuments figurés représentent saint Joseph encore jeune au moment de son mariage avec la sainte Vierge ; ce n’est que plus tard, sous l’influence des légendes des Évangiles apocryphes, qu’on l’a représenté comme déjà vieux à cette époque. De Waal, dans F. X. Kraus, Encyklopadie der christlichen Alterlhhmer, 1886, t. ii, p. 73.

VII. Prérogatives de saint Joseph.

Les prérogatives de saint Joseph ont été clairement énurnérées et expliquées par Suarez. — 1° Joseph fut vraiment l’époux de la sainte Vierge. — 2° De là il mérita d’être appelé et d’être regardé comme le père de Jésus-Christ. — 3° Joseph n’eut pas seulement le nom de père, il en eut aussi l’affection, la sollicitude et, s’il est permis de parler ainsi, l’autorité. — 4° Pour le même motif, Joseph fut en quelque sorte le chef et le supérieur de la sainte Vierge, et même de Jésus-Christ en tant qu’homme. — 5° Enfin Joseph fut uni à Marie et à Jésus par un lien tout spécial d’amour, et de parfaite amitié, qui résultait de sa grande dignité, Opéra, Paris, 1860, t. xix, Disp. Ylll, De sancto Joseph

healæ YxrginU sponso, sect. i, p. 122. Le pape Pie IX a ajouté un nouveau titre à la gloire du saint patriarche en le proclamant patron de toute l’Église, par un décret du 8 décembre 1870.

VIII. Saint Joseph dans les Évangiles apocryphes. — Il se forma dans les premiers siècles de l’Église toute une littérature légendaire sur la vie de saint Joseph. Les principaux écrits apocryphes, sur la vie du saint patriarche, sont : le Protévangile de Jacques ; dans Tischendorf. Evangelia apocrypha, p. xii-xxii, 1-50 ; Pseudo-Matt }iseiEvangelium, ibid., p. xxii-xxix, p. 51-112 ; De nativitate Mariée, ibid., p. 113-121 ; Historia Josephi fabri lignarii, ibid., p. xxxm-xxxvi, p. 122-139. V. Hrit, Anthologia arabica, Iéna, 1774, p. 41, contient l’original arabe et la traduction latine avec des notes de YHistoria Josephi fabri hgnarii. La vie de la Vierge et la mort de Joseph, dans F. Robinson, Coptic Apocryphal Gospels, in-8°, Cambridge, 1896, p. 2-41, 130-159. Voir Évangiles apocryphes, t. ii, col. 2115. Ces récits sont remplis de légendes et de fables, dont quelques-unes sont devenues populaires. Notre-Seigneur, dans l’Histoire de Joseph le charpentier, est censé raconter à ses disciples, sur le mont des Oliviers, la vie de son père nourricier. Joseph était de Bethléhem. Il se maria à quarante ans avec une femme appelée Melcha ou Escha d’après les uns, Salomé d’après les autres, il vécut quarante-neuf ans avec elle. Il en eut quatre fils et deux filles. La mère mourut lorsque Jacques était encore jeune. Joseph demeura avec ce dernier, ses autres enfants s’étant mariés. Il vivait ainsi depuis un an, continuant toujours son métier de charpentier, lorsque les prêtres firent publier dans la Judée qu’ils cherchaient un vieillard de la tribu de Juda pour le faire épouser ^ Marie qui demeurait dans le Temple depuis l’âge de trois ans et qui en avait maintenant douze ou quatorze. Joseph se rendit à Jérusalem et trouva là plusieurs autres concurrents. Le grand-prêtre prit la baguette de chacun d’eux et après avoir prié dans le Temple la leur rendit. Quand Joseph reçut la sienne, une colombe en sortit et se reposa sur sa tête. Raphaël a représenté la scène des baguettes dans son célèbre tableau du mariage de la sainte Vierge : on y voit les prétendants éconduits briser la baguette qui ne leur a servi de rien. Deux ans après eut lieu le mystère de l’Annonciation. Des apocryphes reproduisent alors les scènes connues des Évangiles, en les défigurant plus ou moins, le voyage à Bethléhem, la fuite en Egypte, le retour à Nazareth. Joseph meurt enfin le 20 juillet. Jésus promet de bénir ceux qui célébreront l’anniversaire de la mort de son père nourricier. Les différents récits ne s’accordent pas d’ailleurs entre eux et sont pleins de contradictions, sur lesquelles il est inutile d’insister. Ce qu’il importe de relever dans ces fables, c’est qu’elles sont la source de l’opinion adoptée par quelques Pères et anciens écrivains ecclésiastiques, d’après laquelle saint Joseph aurait eu une première femme qui lui aurait donné plusieurs enfants. Les auteurs de ces productions apocryphes ont voulu expliquer ainsi à leur manière comment les Évangiles donnaient des « frères » à Notre-Seigneur, ne se rendant pas compte que ce titre signifie simplement « cousins » ou « parents ». Voir Frères de Jésus, t. ii, col. 2404. Leur autorité historique est nulle, et ce n’est pas assurément par leur témoignage qu’on peut établir que saint Joseph eut une autre épouse que Marie. Saint Jérôme, Adv. Helvidium, 17, t. xxiii, col. 201-202, atteste que saint Ignace, saint Pplycarpe, saint Irénée et saint Justin martyr avec beaucoup d’autres enseignèrent que le Sauveur n’avait point eu de frères proprement dits.

IX. Bibliographie.

Tillemont, Mémoires, Paris, 1701, t. i, p. 73-79 ; Acta sanctorum, martii t.-m, 1668, p. 4-25 ; Benoît XIV, De canoniz., t. IV, p. 2, c. xx, n. 7-58 ; A. M. Affaitati, Patriarca davidico, spiegato nella vitae santità eminente di S. Giuseppe, in-8°, Mi lan, 1716 ; Calmet, Dissertation sur saint Joseph, dans ses Nouvelles dissertations, in-4°, Paris, 1720, p. 253-272 ; A. Sandini, Historia’familise sacrée ex antiquis monumentis collecta, in-8°, Padoue, 1734 ; Analecta juris Pontifiai, Rome, 1860, p. 1509 ; J.-J. Bourassé, Histoire de saint Joseph, in-8°, Tours, 1872 ; E. H. Thomson, The Life and Glones of St. Joseph, 1891. V. Ermoni.

11. JOSEPH, père de Janné et fils de Mathathias, le moins ancien des ancêtres de ce nom dans la généalogie de Notre-Seigneur. Luc, iii, 24.

12. JOSEPH, père de Séméi et fils de Juda, le second des ancêtres de Notre-Seigneur portant ce nom dans sa généalogie. Luc, iii, 26.

13. JOSEPH, fils de Juda et père de Jona, un des trois ancêtres de Notre-Seigneur qui ont porté ce même nom. Luc, iii, 30.

14. JOSEPH (’iMcrric), fils de Marie, femme de Cléophas, frère de saint Jacques le Mineur et cousin de Notre-Seigneur, un de ceux qui sont appelés ses trères. Voir Frères de Jésus, t. ii, col. 2404. Matth., xiii, 55 ; xxvii, 56 ; Marc, vi, 3 ; xv, 40, 47. On ne sait rien de certain sur l’histoire de ce Joseph. Voir Vigoureux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. v. p. 407-420.

15. JOSEPH d’Arimalhie, disciple de Notre-Seigneur, qui l’ensevelit et le fit enterrer dans son propre tombeau. Il est surnommé d’Arimathie pour le distinguer de ses homonymes qui étaient nombreux de son temps. Voir Arimathie, t. i, col. 958. C’était un homme riche, Matth., xxvii, 57, juste et pieux. Luc, xxiii, 50. Il était membre du sanhédrin : c’est le sens du titre de « conseiller » que lui donnent saint Marc et saint Luc (sù^iripLioii PouXaUniç, nobilis decurio, Marc, xv, 43 ; pouXevrriç, deatrlo, Luc, xxiii, 50). « Il attendait le royaume de Dieu, » annoncé par les prophètes, Marc, xv, 43, et il n’avait point donné son consentement aux actes du sanhédrin qui avait condamné Jésus, Luc, xxiii, 51, mais, « par crainte des Juifs, » il n’avait pas osé se déclarer publiquement son disciple avant sa mort. Joa., xix, 38. Quand le Sauveur eut été crucifié, son courage se réveilla et « il osa (toXiit|(ioc ?, audacter) aller trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus ». Marc, xv, 43. Le gouverneur romain fut surpris d’apprendre que le crucifié était déjà mort, mais le centurion lui ayant confirmé le fait, il accorda à Joseph sa requête. Marc, xv, 44-45. Celui-ci enveloppa alors de fin fin et de parfums qu’il acheta exprès, la dépouille sacrée et la déposa, aidé par Nicodème, dans le tombeau qu’il s’était fait tailler pour lui-même dans le roc, et qui était situé dans son jardin près du Calvaire. Le corps du Sauveur fut le premier qui y fut enterré et le tombeau que « l’homme riche » d*Arimathie s’était préparé devint ainsi le Saint-Sépulcre. Matth., xxvii, 59-60 ; Marc, xv, 46 ; Luc, xxiii, 53 ; Joa., xix, 38-42. Isaïe avait annoncé dans le chapitre où il décrit à l’avance la passion du Messie, que « son tombeau serait avec le riche ». Is., lui, 9. Voir Sépulcre (Saint :).

Les Évangiles ne nous apprennent plus rien sur Joseph d’Arimathie et c’est tout ce que nous savons de certain sur son compte. L’Église grecque célèbre sa fête le 31 juillet et l’Église romaine le 17 mars ; il ne figure dans le martyrologe romain que depuis 1585. On prétend que sous Charlemagne son corps fut apporté de Jérusalem à Moyenmonster, dans le diocèse de Toul, mais qu’il en fut enlevé depuis par des moines étrangers. Tillemont, Mémoires, 2e édit., Paris, 1701, t. i, p. 81 ; Acta sanctorum, martii t. n. 1668, p. 507-510. Une légende fabuleuse fait venir Joseph d’Arimathie en Gaule

et de là en Angleterre. Ibid., p. 509 ; Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, t. i, p. 270 ; W. Smith et H. Wace, Diclionary of Christian Biography, 1882, t. iii, p. 439. F. Vigouboux.

16. JOSEPH, appelé Barsabas (t. i, col. 1470) et surnommé le Juste. Voir Juste. Act., i, 23. Ce fut un des deux disciples qui furent présentés après l’Ascension, par les premiers membres de l’Église, comme étant dignes de prendre la place d’apôtre laissée vacante par la trahison de Judas Iscariote. Dans l’embarras où l’on était de choisir entre lui et Matthias, on s’en rapporta i au sort qui désigna le second. Joseph, nous pouvons en être assurés, dit saint Jean Chrysostome, Hom., iii, 4 ; iv, 1, In Act., t. lx, col. 38, 45, ne s’en offensa point, puisque l’Écriture, qui ne dissimule point ces sortes de fautes, n’en a rien dit. Act., i, 15-26. Il résulte du récit des Actes que Joseph Barsabas s’était attaché à Notre-Seigneur au commencement de son ministère. Act., i, 21-22. C’est donc avec raison, selon toutes les vraisemblances, qu’il est mis au nombre des soixante-dix disciples. Eusèbe, après Clément d’Alexandrie, H. E., i, 12, t. xxi, col. 117. Papias, qui vivait immédiatement après les Apôtres, raconte que Joseph Barsabas, ayant bu du poison, n’en ressentit aucun mal. Eusèbe, H. E., iii, 39, col. 297. Les martyrologes d’Usuard et d’Adon, qui placent sa fête au 20 juillet, disent qu’il se livra au ministère de la prédication, qu’il souffrit beaucoup de persécutions de la part des Juifs et qu’il mourut en Judée. Tillemont, Mémoires, Paris, 1701, t. i, p. 119 ; Acta sanctorum, julii t. v, 1727, p. 22-24.

17. JOSEPH, nom de saint Barnabe. Act. iv, 36. Voir Barnabe, t. i, col. 1461.

18. JOSEPH BEN-CHIYAH (a » n "O « p> n), célèbre rabbin, appelé aussi Joseph l’aveugle (m>3* Tria, nihôr iaggi’, qui signifie « le très éclairé » et est en même temps un euphémisme pour « aveugle » ), né à Babjlone vers 270, mort vers 333. Le Talmud le nomme simplement Rabbi Joseph. Il fut l’élève de Juda ben-Yecheskel, le fondateur de la célèbre école de Pumbadita, et le condisciple et ami de Rabba ben-Nachmani, l’auteur du Midrasch Rabba, auquel il succéda vers 330 comme directeur de l’école de Pumbadita. Joseph ben-Chiyah traduisit de l’hébreu en chaldéenles Psaumes, les Proverbes et Job. On lui a attribué même une version complète de l’Ancien Testament en chaldéen. Il s’occupa aussi beaucoup de théosophie kabalistique. La paraphrase des Psaumes, des Proverbes et de Job qui porte son nom se trouve dans les Bibles rabbiniques et dans les Polyglottes d’Anvers, 1572, de Paris, 1645, et de Londres, 1657. Voir Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopadie, sect. ii, t. xxxi, p. 75 ; Grœtz, Histoire des Juifs, trad. Bloch, in-8°, Paris, 1888, t. ht, , p. 212. D’après L. Wogue, Histoire de l’exégèse biblique, in-8°, Paris, 1881, p. 151, il est fort douteux que les paraphrases de Joseph ben-Chiyah nous soient parvenues, parce que le style et le caractère de celles qui portent son nom sont si différents qu’il est difficile de les attribuer à un seul auteur. On peut supposer cependant qu’il a inspiré ses élèves qui seraient les vrais auteurs de ces ouvrages conçus selon son enseignement.

19. JOSEPH BEN-GORION, appelé aussi JOSIPPON (]inu p ps’DV), auteur de la chronique appelée isd iïnn, Sêfér hay-yâéâr, « Livre du Juste, » et aussi Sêfér Yôsippôn, « Livre de Josippon, » ou Yôsîppôri hà’îbri, t Josippon l’Hébreu. » L’auteur se donne comme vivant au premier siècle de notre ère, du temps de Titus, et semble vouloir se faire passer pour Flavius Josèphe. Sa chronique commence à Adam et finit à la ruine de Jérusalem par les Romains. Les uns en placent la composi tion au IXe siècle, les autres au x*. La première édition en fut publiée à Mantoue en 1476-1479 ; elle a été souvent réimprimée depuis et on l’a traduite en latin et en allemand. Voir Furst, Bibliotheca judaica, t. ii, p. 111-114 ; G. Karpeles. Gescliichte der judischen Literatur, in-8°, Berlin, 1886, p. 534, 1017.

20. JOSEPH BEN-SCHEMTOB, commentateur juif espagnol, qui vivait vers le milieu du xv siècle. Parmi ses œuvres, on remarque un Commentaire sur les Lamentations, composé à Médina del Campo en 1441 ; un Commentaire sur la Genèse, l-vi, 8, et une Exposition, du Deutéronome, xv, 11, On a aussi de lui des écrils philosophiques et polémiques contre le christianisme. Voir Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopadie, sect. ii, t. xxxi, p. 87-93 ; G. Karpeles, Gescliichte der jud. Lit., p. 818-820 ; L. Wogue, Hist. de l’exégèse biblique, p. 281.

    1. JOSÈPHE Flavius##


JOSÈPHE Flavius, historien juif, du premier siècle de l’ère chrétienne.

I. Sa vie.

Josèphe naquit à Jérusalem, la première année du règne de Caligula, par conséquent l’an 37-38 après J.-C. Sa vie nous est connue par les détails qu’il en donne lui-même dans ses propres écrits. Son père, Matthias, occupait un rang distingué dans la classe sacerdotale. Cf. Vita, 1 ; Bell, jud., proœm., 1 ; Ant. jud., XVI, vii, 1. Josèphe acquit de bonne heure une telle science à l’école des rabbins qu’à quatorze ans, prétend-il, il discutait sur la loi avec les principaux personnages de la ville. À seize ans, il possédait à fond les doctrines des pharisiens, des sadducéens et des esséniens. Mais, avant de faire son choix entre les trois sectes, il alla passer trois ans au désert, sous la direction d’un solitaire nommé Banus. À dix-neuf ans, il revint à Jérusalem pour s’agréger à la secte des pharisiens. Vita, 2. Sept ans après, il se rendit à Rome afin d’y tirvailler à la libération des prêtres que le procurateur Félix avait fait déporter. Il réussit dans sa mission, grâce à l’intervention de l’impératrice Poppée, avec laquelle il avait été mis en rapport par un acteur juif du nom d’Alityrus. Peu après son retour en Judée, la guerre éclata entre les Juifs et les Romains (66). Josèphe partagea d’abord l’avis des pharisiens modérés, qui inclinaient à la soumission. Mais, les hostilités une fois commencées, il se mit en avant et fut chargé de présider à la résistance de la Galilée. À l’arrivée de Vespasien, la province se soumit. Josèphe s’enferma dans la place forte de Jotapata, s’y défendit d’abord, puis, resté le dernier parmi ses officiers qui s’étaient tués, les uns après les autres, dans l’ordre désigné par le sort, il se rendit aux Romains. Vita, 7 ; Bell, jud., III, viii, 7-8. Conduit à Vespasien, il prédit au général son élévation à l’empire. Bell, jud., III, viii, 9 ; Suétone, Vespas., 5 ; Dion Cassius, lxvi, 1. Cette prédiction valut au prisonnier - d’être traité avec égards. Vita, 75. Quand, deuxans plus tard, en 69, les événements la réalisèrent, le nouvel empereur rendit la liberté à Josèphe ; eu reconnaissance, celui-ci ajouta à son nom celui de Flavius, qui était le nom de famille de son libérateur. Il suivit d’abord ce dernier à Alexandrie, puis revint auprès de Titus, dans l’entourage duquel il resta jusqu’à la fin de la guerre de Judée. Pendant le siège de Jérusalem, il fut employé souvent comme parlementaire. Mais ses compatriotes le regardaient comme un traître et l’accueillaient à coups de pierres ; il fut même une fois gravement atteint. Bell, jud., V, iii, 3 ; vi, 2 ; vii, 4 ; IX, 2-4 ; xiii, 3 ; VI, ii, 1-3 ; ii, 5 ; vii, 2. Après la prise de la ville, il fut autorisé à emporter ce qu’il voulait, mais ne prit que quelques livres sacrés, et profita de son crédit pour arracher au supplice de la croix un bon nombre de ses amis. Il accompagna Titus à Rome, et s’y fixa définitivement. Vespasien lui accorda une habitation dans son palais, avec le droit de citoyen romain

et un subside annuel. Vita, 76 ; Suétone, Vespas., 18. Titus et Donatien lui conservèrent les mêmes faveurs. On ne sait en quelle année mourut Josèphe. Il survécut à Agrippa II, qui mourut la troisième année de Trajan (100). Vita, 63. Il s’était marié trois fois, d’abord avec une Juive qu’il épousa à Césarée, pendant sa captivité, et qu’ensuite il répudia, puis avec une Juive d’Alexandrie, quand il vint dans cette ville à la suite de Vespasien, eniin, après un second divorce, avec une Juive de Crète qui lui donna plusieurs enfants. Eusèbe, H. E., ni, 9, t. xx, col. 241, dit que Josèphe eut l’honneur d’une statue à Rome.

II. Ses œuvres. — C’est à Rome que Josèphe écrivit les livres qui nous sont restés de lui. Ses ouvrages sont au nombre de quatre : 1° Histoire de la guerre de Judée, IleplToO’IouSaixoû îto>.é|Jou, divisée en sept livres. Après avoir résumé, dans les deux premiers livres, l’histoire des Juifs depuis Antiochus Épiphane (175 avant J.-C.) jusqu’à la fin de la première année de la guerre, il traite dans le troisième de l’insurrection de Galilée, et, dans les quatre autres, de tous les événements qui se sont accomplis jusqu’à la conclusion définitive de la campagne. Après avoir composé cette histoire en araméen, Josèphe la traduisit lui-même en grec. À partir du troisième livre, il écrit en témoin oculaire. L’ouvrage fut terminé sous Vespasien, puisque l’auteur suppose achevé le temple de la Paix, qui fut terminé en 75. Dion Cassius, lxvi, 15 ; Bell, jud., VII, v, 7. Josèphe présenta son histoire à Vespasien, à Titus et au roi Agrippa II, qui lui accordèrent leurs suffrages. — 2° Les Antiquités judaïques, ’Iou8aïxr| àpxaioXofïa. Cet ouvrage, divisé en vingt livres, raconte l’histoire du peuple israélite des origines au commencement de la guerre de Judée. Les dix premiers livres suivent, pas à pas, les récits bibliques jusqu’à la captivité de Babylone. Du onzième au quatorzième, l’histoire est conduite depuis le règne de Cyrus jusqu’à celui d’Hérode. Les quinzième, seizième et dixseptième livres ont pour objet le règne d’Hérode, et les trois derniers vont de la mort de ce prince au début de la guerre. Josèphe se propose dans cette œuvre de relever, aux yeux du monde romain et grec, le prestige de la nation juive, en montrant qu’elle aussi remonte à une haute antiquité et ne manque pas de grands hommes. Ant. jud., XVI, vi, 8. Dans la partie biblique de son Ouvrage, il atténue certains traits qui auraient pu choquer des lecteurs de la gentilité, en fait valoir d’autres, mais altère les récits sacrés par son trop grand nombre d’emprunts aux traditions rabbiniques, particulièrement dans l’histoire des patriarches et de Moïse : Pour la période qui va de Néhémie à Antiochus Épiphane (440-175), il n’utilise guère que des sources légendaires, se montrant ainsi fort mal renseigné sur une époque dont il est seul à parler. Il écrit l’histoire des Asmonéens à l’aide du premier livre des Machabées et des historiens profanes Polybe, Strabon et Nicolas Damascène. Il suit encore ce dernier pour le règne d’Hérode, qui est raconté avec détail ; mais ensuite il se montre moins heureux dans l’histoire de ses successeurs, sauf celle des deux Agrippa. Il enregistre avec soin la succession et les principaux actes des grands-prêtres depuis le retour de la captivité. Voir col. 305-307. Il écrivit cet ouvrage, ainsi que les deux suivants, à la requête d’un personnage appelé Épaphrodite. Ant. jud., proœm., 2 ; Cont. Apion., ii, 41 ; Vita, 76. Les Antiquités judaïques, -à la suite d’un travail intermittent, proœm., 2, ne furent terminées que la treizième année deDomilien (93-94), l’auteur ayant alors cinquante-six ans. XX, xi, 2. Sur le passage de cet ouvrage relatif à Jésus-Christ, voir col. 1516. — 3° h’Autobiographie (Vita) ne donne de la vie de Josèphe que quelques courts détails, au commencement (1-6) et à la fin (75-76). Le reste du livre n’est qu’une apologie de la conduite de l’auteur pendant son commandement en Galilée. Cette apologie est dirigée contre Juste de

Tibériade, qui avait écrit une histoire de la guerre de Judée dans un sens qui ne convenait pas à Josèphe. L’ouvrage est postérieur à la mort d’Agrippa (100). — 4° Contre Apion ou De l’antiquité des Juifs. C’est un plaidoyer assez taible, écrit postérieurement à l’an 93, contre un auteur égyptien qui avait contesté l’ancienneté de la religion juive. — Le quatrième livre des Machabées, intitulé IIep ceJToxpokopoç Xoy’o’e.oû, « de l’empire de la raison, » et attribué a Josèphe par quelques Pères, n’est pas de lui. Par contre, il avait composé une histoire des Séleucides à laquelle il renvoie plusieurs fois, Ant jud., VII, xv, 3 ; XII, v, 2 ; XIII, ii, 1, 2, 4 ; iv, 6 ; v, 11, etc., et qui ne nous est point parvenue. III. Sa valeur historique.

Dans l’antiquité chrétienne et au moyen âge, l’œuvre de Josèphe a joui de la plus grande estime. Saint Jérôme, Ep.xxii, ad Eusloch., 35, t. xxii, col. 421, appelle cet écrivain « un Tite-Live grec ». Mais depuis lors, des études critiques plus précises ont conduit à le juger moins favorablement. Josèphe a un caractère peu honorable. Il songe avant tout à sa gloire et à son intérêt personnels. Sans doute, il ne renie pas ses ancêtres, mais, dans ses récits de la guerre de Judée, il méconnaît gravement le côté héroïque et grandiose de la lutte soutenue contre les Romains, et se montre admirateur trop servile de ces derniers. Il attribue la résistance à quelques fanatiques, alors qu’il sait bien qu’elle est le fait de tout un peuple, dans les rangs duquel il a lui-même combattu. Ses récits de la guerre sont en général exacts ; autrement il n’aurait pas osé en appeler au témoignage de Vespasien et de Titus. Cf. de Champagny, Rome et la Judée, Paris, 1876, t. i, p. 150-154. Cependant ses préventions ou savanité le font parfois tomber dans d’assez graves erreurs. Cf. de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, Paris, 1866, p. 59, 64, 91, 99, 228, 229, 287, 291, 327, 343, 419, 423. Les longs discours qu’il met sur les lèvres de ses héros ne sont que des exercices de rhétorique. Les À ntiquités judaïques sont l’ouvrage de Josèphe qui présente le plus d’importance au point de vue biblique. Il est composé avec beaucoup plus de négligence que la Guerre de Judée ; la lassitude de l’auteur est sensible dans les derniers livres. Le but principal que se propose Josèphe, la glorification historique de son peuple, fausse encore souvent son jugement. D’autre part, il ne veut rien dire qui puisse être désagréable aix Romains. Ainsi, par exemple, passe-t-il complètement sous silence tout ce qui avait trait aux espérances messianiques ou à leur réalisation. Les réticences sont manifestes, quand il parle de la sentence portée au paradis terrestre », Ant. jud., i, i, 4, de la prophétie de Jacob, II, viii, 1, de celle de Daniel, X, xi, 7, etc. Il sait que les Juifs attendaient le Messie, mais que, dans leur idée, ce Messie devait être un libérateur et un conquérant temporel. Cette attente était connue du monde païen. Tacite, Hist., v, 13 ; Suétone, Vespas., 4. Josèphe, pour excuser ses compatriotes, dit qu’ils se sont soulevés sur la foi d’un « oracle ambigu », yj>tiup.0Q ànçîëolo ;. Bell, jud., VI, v, 4. Il n’est pas sûr même qu’il ait seulement fait mention de Jésus-Christ (voir coꝟ. 1516), et, de tout le mouvement causé en Palestine et dans le monde romain par la prédication de l’Évangile, il semble ne rien savoir. Toujours pour cacher les passions politiques de ses compatriotes et s’efforcer d’assimiler les institutions juives à celles des Romains et des Grecs, il fait des pharisiens, des sadducéens et des esséniens, les membres de simples sectes philosophiques, semblables à celles des stoïciens ou des épicuriens. — Il faut se défier des modifications que Josèphe apporte aux récits bibliques dans les dix premiers livres des Antiquités. Ses additions ne sont parfois que l’écho des rêveries rabbiniques. La manière dont il parle des lois et des coutumes mosaïques représente plus exacte- ; ment l’interprétation et l’application qui s’en faisaient

de son temps. À ce point de vue, il est utile à consulter. Dans les livres suivants, Josèphe cite assez souvent ses sources, mais il les utilise parfois beaucoup trop librement, ainsi qu’on peut s’en convaincre lorsque le contrôle est possible. Cf. Grimm, Dos erste Buch der Maccabâer, Leipzig, 4853, p. xxviii. Il fait pourtant quelquefois œuvre de critique. Ant. jud., XIV, i, 3 ; XVI, vii, 1 ; XIX, i, 10, 14. Du reste, la valeur des différentes parties des Antiquités dépend à la fois des sources que Josèphe a consultées et de la manière dont il les a utilisées. En somme, sans être un écrivain nî un historien de premier ordre, Josèphe fait bonne figure parmi les auteurs de son époque. Il n’a ni plus de défauts ni moins de qualités que la plupart des historiens grecs ou latins qui ont écrit au premier et au iie siècle. — Les œuvres de Josèphe ont été traduites d’assez bonne heure en latin. Saint Jérôme ne voulut pas se charger de cette traduction. Epist. lxxi, ad Lutin., 5, t. xxii, col. 671. Cassiodore l’exécuta. Le institut, div. lit., xvil, t. lxx col. 1133. La première traduction imprimée est de J. Striussler, Augsbourg, 1470. Plusieurs autres ont élé données depuis. Le texte a été reproduit, avec la traduction ou avec appareil critique, par Hudson, Oxford, 1720 ; Havercamp, Leyde, 1726 ; Oberthûr, Leipzig, 17821785 ; B. Nfese, Berlin, 1887-1895, etc. R. Arnauld d’Andilly a publié une traduction française, Paris, 16671668. Une nouvelle traduction française a élé commencée, sous la direction de Th. Reinach, par J. Weill, Paris, 1900. Cf. Ceillier, Hisl. gén. des auteurs sacrés et ecclés., Paris, 1729, t. i, p. 552-580 ; Jost, Geschichle der Isræliten, Berlin, 1821, t. ii, Anhang, p. 55-73 ; Chasles, De l’autorité historique de Flavius Josèphe, Paris, 1841 ; Niese, Der judische Historiker Josephus, dans la Historische Zeitschrift, Berlin, 1896, p. 193-237 ; et surtout Schùrer, Geschichte des judischen Volkes im Zeitalt. J. C, Leipzig, 1901, t. i, p. 74-106.

H. Lesêtre.
    1. JOSIAS##

JOSIAS (hébreu ; Yo’Siyâhû, « Jéhovah guérit ; » Septante : ’Iwalaç), nom d’un roi de Juda et d’un Israélite revenu de la captivité.

X. JOSIAS (hébreu : Yo’Uydhû ; Septante : ’IwaJaç), un des rois de Juda (639-608). — Il était fils d’Amon, mort à vingt-quatre ans, après deux ans de règne seulement, et petit-fils de Manassé, roi de Juda pendant cinquante-cinq ans. L’impiété de Manassé, imitée d’ailleurs par son fils, avait été telle, que l’historiensacré la signale comme une des causes déterminantes de la destruction du royaume de Juda. IV Reg., xxiii, 26 ; xxiv, 4. Manassé s’était converti avant sa mort, mais le peuple ne l’avait pas imité. II Par., xxxiii, 12-16. C’est donc après cinquante-sept ans d’infidélité officielle au Seigneur que Josias arrivait au trône, et il n’avait que huit ans ! IV Reg., xxii, 1 ; Par., xxxiv, 1. Il semblait voué presque fatalement aux influences pernicieuses qui pervertissaient le royaume depuis plus d’un demi-siècle. Cependant Josias fut un des princes les plus religieux qui aient occupé le trône de David. Il marcha dans la voie droite, sans jamais s’écarter d’un côté ni de l’autre. Cet éloge est d’autant plus caractéristique, de la part de l’auteur sacré, qu’il n’est appliqué en ces termes à aucun autre roi. De quelle tutelle Dieu se servit-il pour élever le jeune roi dans l’amour exclusif du bien ? Est-ce celle de sa mère Idida, celle de Jérémie qui commença à prophétiser la treizième année de Josias, Jer., i, 1 ; xxv, 3, celle de Sophoniequi rendit ses oracles sous le même règne, Soph., i, 1, celle du grand-prêtre Helcias, qui auraitété pour Josias ce que Joïada avait été pour Joas ? Aucun document ne permet de le dire. Peut-être toutes ces influences se sont-elles concertées pour préparer une réaction salutaire dans le royaume. Toutefois aucune affirmation n’est possible sur ce sujet. Dès la huitième année de son règne, alors qu’il n’avait que seize ans Josias fit œuvre d’initiative per sonnelle et « commença à rechercher le Dieu de David, son père ». II Par., xxxiv, 3. À vingt ans, il exerça son autorité royale en entrant personnellement en lutte contre l’idolâtrie qui faisait loi dans tout le royaume, depuis que Manassé l’avait installée partout. Il s’occupa tout d’abord de Jérusalem et de Juda, qui le touchaient de plus près. Les hauts-lieux, les idoles de toute nature, sculptées ou fondues, les autels des Baals, les statues du soleil, tout fut renversé et détruit ; la poussière des idoles fut répandue sur les sépulcres de ceux qui les avaient adorées et les ossements de leurs prêtres furent brûlés sur leurs autels. On saitque le simple contact des ossements humains constituait une souillure. Num., xix, 1122. La destruction des hauts-lieux est d’autant plus remarquable que des rois pieux comme Asa, II Par., xv, 17 Josaphat, III Reg., xxii, 44 ; Joas, IV Reg., xii, 3 ; Ozias, IV Reg., xv, 4, n’avaient pas réussi à supprimer ces repaires idolâtriques. Ezéchias seul, IV Reg., xviii, 4, les avait anéantis de son temps. Quand Juda et Jérusalem furent purifiés, Josias étendit son action aux provinces de l’ancien royaume d’Israël, Manassé, Ephraim, Siméon et mêmeNephthali. Au milieu des ruines de ces tribus, il détruisit les symboles de l’idolâtrie, particulièrement les statues du soleil. Il retourna ensuite à Jérusalem, renseignement qui prouve que le jeune roi présida de sa personne à toutes ces destructions. II Par., xxxiv, 3-7. L’auteur des Paralipomènes observe d’ailleurs qu’il « commença » ces purifications à sa vingtième année. Cette observation donne à penser que la tâche que Josias s’était imposée ne fut pas accomplie tout entière cette première année. Elle l’occupa pendant presque tout son règne. C’est pourquoi l’auteur des livres des Rois, qm parle de ce sujet avec beaucoup plus de détails, ne raconte ce qu’il a à en dire qu’à la fin de sa notice sur Josias. On remarque aussi que le roi étend son action purificatrice même sur l’ancien royaume d’Israël, qui alors formait une simple province de l’Assyrie. Le roi d’Assyrie en effet n’était guère en mesure, à cette époque, de surveiller ce qui se passsait dans cette province éloignée de son empire. Menacé par Cjaxare, roi des Médes, qui assiégeait Ninive, le roi d’Assyrie fit appel à des barbares du nord-ouest, les Scythes, qui obligèrent Cyaxare à lever le siège de Ninive pour aller défendre ses propres États, et ensuite ne se gênèrent pas pour dévaster tout le domaine assyrien, jusqu’aux confins de l’Egypte. Voir t. i, col. 1168. Cette invasion se produisit précisément vers la douzième année de Josias. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1899, t. iii, p. 477. À Babylone, Napobolassar, gouverneur de la ville au nom du roi assyrien, s’était déclaré indépendant et avait même pris le nom de roi ; à titre de révolté contre Ninive, il pouvait compter sur l’appui de Cyaxare. Enfin, le pharaon d’Egypte, Psammétique Ier, avait profité de l’affaiblissement de l’Assyrie pour étendre la main du côté de la Phénicie, et s’était emparé d’Azot, qui pouvait être regardée comme la clef de la province syrienne. Voir Azot, t. i, col. 1308 ; Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 484, 505, 506. Josias garda la neutralité au milieu de tous ces conflits ; mais on comprend que, de son temps, la Samarie ait été quelque peu à l’abandon et que l’autorité assyrienne n’ait pas été en mesure de s’opposer efficacement à son intervention, qui ne revêtait d’ailleurs qu’un caractère religieux. La dix-huitième année de son règne, Josias, à l’exemple d’un de ses prédécesseurs, Joas, s’occupa des réparations à exécuter dans le Temple. Il chargea le scribe Saphan, le chef de la ville Maasia, et l’archiviste Joha, de s’entendreavec le grand-prêtre Helcias, afin d’employer à ces travaux l’argent que les portiers du Temple avaient reçu et celui que les lévites avaient recueilli, tant dans le royaume que parmi les Israélites demeurés dans Manassé, Ephraïm et les autres tribus. On consacra ces* sommes à l’achat du bois et des pierres nécessaires et

au. salaire des charpentiers et des maçons. Les conducteurs des travaux, Johath, Abdias, Zacharie etMosollam, étaient des hommes de zèle et de confiance ; on crut inutile de leur demander des comptes. Des lévites, choisis parmi les plus habiles musiciens, surveillaient les ouvriers. IV Reg., xxii, 3-7 ; II Par., xxxiv, 8-13. Cette entreprise de Josias fut l’occasion d’un incident des plus importants. « Au moment où l’on sortait l’argent qui avait été apporté dans la maison de Jéhovah, le prêtre Helcias trouva le livre de la loi de Jéhovah par la main de Moise. » II Par., xxxiv, 14. Ces expressions excluent formellement l’hypothèse d’une trouvaille antérieure, dont le grand-prêtre aurait réservé la révélation à un moment favorable. Elles ne vont pas cependant jusqu’à l’aire du rouleau en question un autographe de Moise ; c’est la Loi de Jéhovah « par la main de Moïse », c’est-à-dire la Loi que Moise avait jadis écrite et promulguée au nom du Seigneur. Mais les paroles de l’historien restent justes même s’il s’agit d’une copie plus ou moins ancienne ; c’est toujours « la Loi de Jéhovah par la main de Moise ». Helcias remit le volume à Saphan, qui le porta au roi et le lui lut. Après cette lecture, le roi déchira ses vêtements et ordonna de consulter Jéhovah. Il redoutait la colère du Seigneur, parce qu’on n’avait tenu aucun compte des paroles contenues dans lelivre. Saint Jérôme, ! » Ezech., i, i, t. xxv, col. 17, et saint Jean Chrysostome, In Matth., ix, t. lvii, col. 180, disent que ce livre n’était pas le Pentateuque, mais seulement le Deutéronome. Le Pentateuque ne pouvait en effet être entièrement inconnu de Josias, qui venait de prendre tant de mesures contre l’idolâtrie. Il s’agissait du Deutéronome, spécialement de la partie v-xxviii, qui répète le décalogueet contient les malédictions contre les transgresseurs. Depuis cinquante-sept ans, les cultes idolâtriques étaient installés officiellement à Jérusalem et dans tout le royaume. Il n’est donc pas étonnant que cette partie des anciens livres ait échappé à la mémoire de beaucoup d’Israélites, et à la connaissance de Josias et des hommes les plus jeunes parmi son peuple. On ne peut dire cependant jusqu’à quel point Helcias, les prêtres et les lévites partageaient l’ignorance générale. Voir Pentà.teuque, Deutéronome.

Helcias et les envoyés du roi allèrent consulter la prophétesse Holda. Voir Holda, col. 727. Celle-ci annonça que le Seigneur allait déchaîner sur le royaume les malédictions écrites dans le livre qu’on venait de trouver. Ces malédictions étaient méritées par l’idolâtrie persistante du peuple. Quant au roi, parce qu’il s’était humilié devant Dieu, il ne verrait pas de son vivant les calamités annoncées et serait placé dans le sépulcre de ses pères. IV Reg., xxii, 8-20 ; II Par., xxxiv, 14-28. — Il ne semble pas qu’on ait eu besoin de lire à Holda l’écrit trouvé dans le Temple. Elle en connaissait le contenu, ce qui tendrait à démontrer que le Deutéronome était encore connu d’un certain nombre d’Israélites fidèles. — Après avoir reçu la réponse de la prophétesse, le roi fit rassembler le peuple dans le Temple, lut en public le livre de l’alliance qu’on avait trouvé et fit jurer fidélité au Seigneur par tous les hommes de Jérusalem et de Benjamin qui étaient réunis. Il voulut que la Pàque suivante fût Célébrée solennellement selon toutes les règles. Ces régies, formulées par Moise, furent observées sans hésitation, ce qui prouve qu’on les connaissait bien. IV Reg., xxiii, 21-23 ; II Par., xxxv, 1-19. Josias prescrivit aux lévites de mettre dans le Temple l’arche qui en avait été retirée ; il leur rappela qu’ils n’avaient plus à la porter sur leurs épaules, puisqu’elle devait toujours rester dans le Saint des saints, et leur recommanda de se consacrer tout entiers à leur ministère, selon les classifications établies par David et par Salomon. II Par., xxxv, 3, 15. Sur ses propres biens, il donna au peuple trente mille agneaux ou chevreaux pour la Pâque et trois mille bœufs pour les sacrifices. Sa libéralité fut imitée par

Helcias et d’autres chefe, qui donnèrent de leur côté-sept mille six cents agneaux et huit cents bœufs. Jadis, sous David, I Par., xvi, 1-3, et Salomon, I Par., vii, 8, on avait offert de solennels sacrifices ; sous Asa, II Par., xv, 11, 12, et sous Joas, II Par., xxiii, 16-20, on avait renouvelé officiellement l’alliance avec le Seigneur ; sous Ézéchias, il y avait eu à la fois renouvellement de l’alliance, purification du Temple et célébration de la Pâque, II Par., xxix, 10, 17 ; 1-27 ; mais, en cette dernière occasion, les prêtres étaient en petit nombre. II Par., xxix, 34. Sous Josias, au contraire, tout se réunit pour donner à la triple solennité un éclat extraordinaire, ce qui permet à l’historien sacré de dire : « Aucune Pâque pareille à celle-là n’avait été célébrée en Israël depuis les jours du prophète Samuel ; aucun des rois d’Israël n’avait célébré une Pâque comme celle de Josias, avec les prêtres et les lévites, tout Juda et ce qui s’y trouvait d’Israël, et les habitants de Jérusalem. » II Par., xxxv, 18 ; IV Reg., xxiii, 22. Le retour à Dieu fut sincère et durable de la part d’un certain nombre d’Israélites. Quant à Josias, « il n’y eut pas de roi qui, comme lui, revînt à Jéhovah de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force, selon toute la loi de Moïse, et après lui on n’en vit pas de semblable. » IV Reg., xxiii, 25.

Le roi, après ces grandes solennités, ne continua qu’avec plus d’ardeur le travail commencé la douzième année de son règne pour extirper de partout les traces de l’ancienne idolâtrie. L’historien des Rois, IV Reg., xxiii, 4-20, fait l’énumératiou des mesures qu’il prit à cet égard et dont beaucoup sont antérieures à la grande Pâque. Cette énumération constitue l’inventaire de tout l’attirail idolâtrique introduit dans le royaume par Manassé. Le pieux roi fit donc enlever du Temple tout ce qui servait au culte de Baal, d’Astarthé et de l’armée des cieux ; il brûla tous ces objets hors de Jérusalem, dans la vallée de Cédron, en fit porter la cendre à Béthel, où se trouvait l’autel idolâtrique de Jéroboam, et la répandit sur les tombes du peuple. Il abattit les demeures des courtisanes qui avaient été édifiées dans le Temple même, et dans lesquelles les femmes tissaient des tentes pour Astarthé. Il fit disparaître des dépendances du Temple les chevaux consacrés au soleil par ses prédécesseurs et en brûla les chars ; les autels élevés par Manassé dans les parvis du Temple furent réduits en poussière. Il supprima les hauts-lieux qu’on avait créés à deux portes de la ville, et tous ceux qui existaient dans le pays, de Gabaa à Bersabée ; il souilla ceux qui avaient été établis au mont des Oliviers sous Salomon, en l’honneur d’Astarthé, de Chamos et de Moloch, et mit des ossements sur leur emplacement. Il souilla également Topheth, dans la vallée de Géennom, où l’on passait les enfants par le feu en l’honneur de Moloch. Voir Moloch. Il chassa de partout les prêtres des idoles, les devins, et tous ceux qui exerçaient des professions idolâtriques. Les prêtres lévitiques qui avaient exercé un ministère dans les hauts-lieux furent déchus de leur emploi et ne purent plus servir dans le Temple de Jérusalem. L’autel de Béthel eut le sort qui lui avait été prédit jadis, au moment où Jéroboam relevait, un prophète était venu dire : s Autel, autel, il naîtra un fils à la maison de David ; son nom sera Yo’Sîydhû, Josias ; il immolera sur toi les prêtres des hauts-lieux qui brûlent sur toi des parfums, et l’on brûlera sur toi des ossements humains. >/ III Reg., xii, 2. Josias accomplit la prophétie. Il fit les mêmes exécutions dans les villes de Samarie.

IV Reg., xxiii, 4-20, 24.

Tant de zèle ne put cependant conjurer la ruine de Juda, irrévocablement décrétée par le Seigneur. Le malheureux royaume, coupable de tant d’infidélités, n’avait plus même un quart de siècle à subsister. Les fils de Josias, qui vont lui succéder les uns après les autres pendant ce court espace de temps, ne tiendront aucun compte des réformes religieuses opérées par leur

père et entraîneront de nouveau leur peuple aux désordres qui avaient caractérisé le règne de Manassé. Josias semble avoir été envoyé par la Providence, à la veille même du grand châtiment de Juda, pour montrer une dernière fois à son peuple ce qu’il aurait dû êlre et lui faire comprendre la proportion qui existait entre la grandeur de sa ruine et celle de son apostasie. Son rôle accompli, Josias, encore jeune, allait périr victime d’une catastrophe qui, selon l’oracle de la prophétesse Holda, lui épargnerait la douleur de voir le châtiment suprême de sa patrie. Ninive était alors sur le point de succomber sous les efforts des Mèdes. La succession assyrienne allait donc s’ouvrir. Le fils de Psammôtique Ier, Néchao II, résolut d’en prendre la part qu’il convoitait et se mit en route, à la tête d’une forte armée, pouroccuperla Syrie. En apprenant son approche, Josias se disposa à lui barrer le passage. Docile aux avertissements des prophètes, il ne croyait pas que le salut de Juda pût venir de l’Egypte ; il pensait d’ailleurs, dans son loyalisme envers son suzerain d’Assjrie, que le devoir lui commandait de prendre les armes pour la cause de ce dernier. Néchao lui envoya dire aussitôt : « Qu’y a-t-il entre toi et moi, roi de Juda ? Ce n’est pas contre toi que je viens aujourd’hui, mais contre une maison avec laquelle je suis en guerre. Dieu m’a dit de me hâter ; ne t’oppose pas au dieu qui est avec moi, de peur qu’il ne te détruise. » II Par., xxxv, 21. Ce message n’arrêta pas Josias, qui prévoyait trop bien le sort qui serait fait à son rojaume, si l’Egypte triomphait. L’armée égyptienne s’avançait par la route qui longe la Méditerranée, pour atteindre la plaine d’Esdrelon. Josias suivit une marche parallèle et se posta devant elle au débouché des gorges du Carmel, à Mageddo. Voir la carte d’Issachar, col. 1008. Dès le premier choc, il fut atteint par les archers égyptiens et dit à ses gens : « Emportez-moi, je suis gravement blessé. » On le plaça sur un char plus commode et on le transporta à Jérusalem. Il expira en chemin ; son cadavre seul arriva dans la capitale. On l’ensevelit dans le tombeau de ses pères. Tout le royaume le pleura. Jérémie, plus que les autres, déplora la perte d’un prince si religieux et en même temps si courageux. Il composa sur lui une lamentation qui ne nous est point parvenue ; des complaintes furent longtemps chantées en Israël sur Je sort du malheureux Josias. — Le souvenir de ce prince occupe la place la plus honorable dans l’histoire du peuple de Dieu. Quatre siècles plus tard, le fils de Sirach faisait son éloge en ces termes : « La mémoire de Josias est comme un mélange odorant composé par le parfumeur ; son souvenir est doux à toutes les bouches comme le miel, et comme la musique dans un festin où l’on boit du vin. Il fut suscité de Dieu pour porter la nation à la pénitence et fit disparaître les abominations de l’impiété. Il dirigea son cœur vers le Seigneur et affermit sa piété dans un temps de pécheurs. Hormis David, Ezéchias et Josias, tous ont commis le péché. » Eccli., xlix, 1-5. D’autres rois, cités pour leur piété, comme Asa et Josaphat, n’avaient pas complètement fait disparaître les vestiges de l’idolâtrie ; les hauts-lieux n’étaient pas supprimés de leur temps. II Par., xv, 17 ; xx, 33. C’est une gloire pour Josias de pouvoir ainsi être mis en parallèle avec deux rois comme David et Ezéchias. Cf. Josèphe, Ant. jud., X, iv,

I. Quand il mourut (608), il n’avait que trente-neuf ans et régnait depuis trente et un ans à Jérusalem. IV Reg., xxiu, 29-30 ; II Par., xxxv, 20-25. Voir Néchao.

H. Lesêtre.
    1. JOSIAS##


2. JOSIAS, fils de Sophonie. Il était revenu de la captivité de Babjlone et le prophète Zacharie reçut de Dieu l’ordre d’aller prendre dans sa maison, avec Holdaï, Tobie et Idaîa, l’or et l’argent nécessaires pour faire les couronnes symboliques destinées à être placées sur la tête du grand-prêtre Josué, fils de Josédec. Zach., vi, 9 II. Cette circonstance a fait conjecturer qu’il était ou

bien orfèvre ou bien un des gardiens du trésor du Temple. Voir Holdaï 2, col. 728, el Idaïa 4, col. 806.’JOSPHIA (hébreu : Yôsifyâh, « Jéhovah ajoute ; s Septante : ’Iaxrecpia), père de Salomith qui retourna de la captivité de Babylone avec cent vingt hommes, du temps d’Esdras. I Esd., viii, 10. Le verset paraît tronqué. Les Septante lisent : « Des fils de Baani (Baavî), Salomith, fils de Josphia. »

    1. JOSUÉ##

JOSUÉ (hébreu : YehôSua’, sous sa forme complète), nom de quatre Israélites dans la Vulgate. Elle a transcrit quelquefois ce nom par Jésus. Voir Jésus, col. 1421.

i. JOSUÉ, successeur de Moïse dans la conduite et le gouvernement du peuple juif.

I. Avant la mort de Moïse.

Il était de la tribu d’Ephraïm, Num., xiii, 9, petit-fils d’Elisama, chef de cette tribu, I Par., vii, 26, 27, fils de Nun, selon l’hébreu, ou de Navé, selon les Septante. Exod., xxxiii, 11 ; Num., xiii, 17 ; xiv, 30, etc. Son premier nom était HôSêâ’, Osée, « salut. » Num., xiii, 9 ; Deut., xxxii, 44 (hébreu). Moïse le changea en YehôSua* ou YehôSùa’, Deut., iii, 21 ; Jud., ii, 8, ou YêSâ’a, II Esd., viii, 17, « Jéhovah est salut. » ’I^aoO ;, dans les Septante, Josue, le plus souvent dans la Vulgate, ou Jésus, Eccli., xlvi, 1 ; I Mach., ii, 55 ; II Mach., xii, 15 ; Hab., iv, 8 ; Act., vii, 45. Cf. Talmud de Jérusalem, Schebhth, vi, 1, trad. Schwab, Paris, 1878, t. ii, p. 376. Ce changement de nom, mentionné, Num., xiii, 17, à l’occasion de l’envoi des espions au pays de Chanaan, aurait eu lieu, soit à la suite de la victoire remportée par Josué sur les Amalécites, soit plus tôt même, lorsque Josué devint le serviteur de Moise. Si le récit biblique l’a employé auparavant, c’est par prolepse ou anticipation. Crelier, L’Exode et le Lévitique, Paris, 1866, p. 146 ; Trochon, Les Nombres et le Deutéronome, Paris, 1887, p. 75 ; F. de Hummelauer, Numcri, Paris, 1899, p. 106-107. Mais le nom d’Osée n’est probablement qu’une contraction ou abréviation du nom de Josué. Vigouroux, Manuel biblique, 11 « edit., Paris, 1901, t. ii, p. 11.

Josué apparaît soudain sur la scène historique, peu après l’entrée des Hébreux dans le désert, lorsque les Amalécites s’opposèrent à leur passage à Raphidim. Moïse, qui connaissait sa bravoure et son habileté, lui ordonna de combattre avec une troupe d’élite et par ses prières lui obtint une victoire complète, dont il écrivit le récit. Exod., xvii, 8-14. On retrouve ensuite plusieurs fois Josué aux côtés de Moise. Il est avec lui et comme son serviteur sur le Sinaï, et il semble même qu’il l’accompagne au sommet du Sinai, Exod., xxiv, 13, sans toutefois jouir comme lui de la vision et des révélations de Dieu. À la descente de la montagne, il entendit le premier les cris que poussait le peuple en adorant le veau d’or, et comme il en ignorait la cause que Dieu avait manifestée à Moïse, il les prit pour un bruit de combat. Moïse y reconnut des chants de joie et détrompa Josué. Exod., xxxii, 17, 18 ; Talmud de Jérusalem, Taanilh, iv, 5, trad. franc., Paris, 1883, t. vi, p. 184. Moïse ayant transporté le tabernacle de l’alliance hors du camp à cause de cette idolâtrie des Hébreux, Josué, son serviteur, qui était encore un jeune homme, demeurait auprès du tabernacle pour le garder, quand Moïse allait au camp. Exod., xxxiii, 11. Il ne remonta pas au Sinaï avec Moïse pour y recevoir les nouvelles tables de la loi ; il continuait probablement à veiller sur le tabernacle. Au moment du choix des soixante-dix anciens pour aider à gouverner le peuple, Josué intervint, pria Moise, son maître, d’empêcher Eldad et Médad de prophétiser. Il se montrait l’ardent défenseur de l’autorité de Moïse, qui l’en reprit et lui fit observer que le Seigneur pouvait communiquer son esprit à qui il lui plaisait. Num., xi, 27-29. Voir t. ii, col. 1648. Josué intervient ici au

titre de serviteur de Moïse et « choisi dans le grand nombre ». Cette seconde épithète peut aider à déterminer comment Josué était le serviteur de Moise. D’après Exod., xxiv, 13, on a pu conclure que Josué servait Moïse dans sa mission sainte. Mais comme l’expression hébraïque désigne des jeunes gens, surtout des guerriers, Is., IX, 16 ; xxxi, 8 ; Jer., xviii, 21, il paraît préférable de dire que Josué était le chef des gardes du corps de Moïse. Il veillait de même sur le tabernacle d’alliance, et pendant que Moise remontait au Sinai, il demeura au camp pour empêcher par sa présence une nouvelle sédition. F. de Hummelauer, Exodus et Leviticus, Paris. 1897, p. 256 ; Numeri, 1899, p. 95.

Il fut du nombre des espions que Moïse envoya en exploration dans le pays de Chanaan. Num., xiii, 9, 17. Mais, au retour, il s’efforça avec Caleb de calmer l’effervescence du peuple soulevée par le récit exagéré de ses compagnons. Déchirant ses vêtements, il vanta la fertilité de la Terre Promise et excita dans la foule la confiance en Dieu, sans crainte d’être lapidé. Num., xiv, 6-10. Voir t. ii, col. 57-58. Cette fidélité et cette fermeté lui méritèrent la faveur d’entrer, seul avec Caleb de tous les Israélites ayant alors vingt ans et au-dessus, dans le pays de Chanaan. Num., xiv, 30-38 ; xxvi, 65 ; xxxii, 12. Durant les trente-huit années des pérégrinations d’Israël dans le désert, Josué ne paraît pas ; d’ailleurs, nous ignorons complètement l’histoire de toute cette période.

Quand Dieu avertit Moïse’que sa fin est proche, il désigne comme son successeur Josué, « homme en qui réside l’esprit, » l’esprit de prudence et de force, nécessaire au chef d’un peuple, et il lui ordonne de lui imposer les mains en présence du grand-prêtre et de la multitude, en signe de la transmission de pouvoir. Moïse doit lui communiquer dès lors une part de sa gloire, c’est-à-dire de sa dignité et de son autorité. Josué ne sera plus un simple ministre de Moise ; il aura droit de commander et le peuple devra lui obéir. Plus tard, dans l’exercice de son pouvoir, il ne jouira pas de toutes les prérogatives de Moïse ; il n’entrera pas comme lui directement en communication avec le Seigneur. Le grand-prêtre Éléazar consultera Dieu, et Josué, à la tête du peuple, exécutera les ordres reçus. Josué fut intronisé dans ses fonctions selon le rite indiqué et conformément à la volonté divine. Num., xxvii, 18-23 ; F. de Hummelauer, Numeri, p. 328-329. Moïse demeure cependant jusqu’à sa mort le chef suprême des Hébreux ; il règle les conditions du placement des tribus de Ruben et de Gad, et Josué, qui aura la mission de faire le partage de la Terre Promise, Num., xxxiv, 17, devra tenir compte des décisions de son prédécesseur. Num., xxxii, 28. D’ailleurs, la délégation de Josué au gouvernement du peuple juif a pu être racontée par anticipation. Num., xxvii, 18-23. Dans cette hypothèse, elle n’aurait eu lieu qu’au jour même de la mort de Moïse. F. de Hummelauer, Beuteronomium, Paris, 1901, p. 497. Quoi qu’il en soit, Dieu lui-même, ce jour-là, fortifia Josué et lui assura le succès dans sa mission qui était d’introduire les Israélites dans la Terre Promise. Deut., xxxi, 14, 23. Josué était auprès de Moïse, tandis que celui-ci adressa au peuple ses derniers avis. Deut., xxxii, 44. Moïse mort, Josué fut rempli de l’esprit de sagesse, nécessaire au bon gouverment, par l’effet de l’imposition des mains de son prédécesseur. Deut., xxxiv, 9. Il devint dès lors un véritable chef, hardi et entreprenant, et il remplit parfaitement les desseins de Dieu sur lui. Le peuple, habitué à l’obéissance par la vie nomade du désert, se montra plus docile à sa voix que la génération précédente ne l’avait été à celle de Moïse. Deut., xxxiv, 10.

II. Après la. mort de Moïse. — Une double tâche incombait au nouveau chef d’Israël : conquérir par les armes le pays de Chanaan et en faire le partage. Jos., .1, 1-6.

1. Conquête de la Terre Promise.

Josué se mit immédiatement à l’œuvre. Sur l’ordre de Dieu et avec ses encouragements, il ordonna les préparatifs pour le passage du Jourdain et rappela aux tribus de Ruben et de Gad et à la demi-tribu de Manassé les conditions fixées par Moïse au sujet de leur territoire sur la rive gauche du fleuve. Jos., i, 1-18. Il envoya à Jéricho, ii, 1, deux espions qui, de retour, lui rendirent compte de leur mission, ii, 23-24. Devant le camp, il donna des instructions sur la manière de traverser le fleuve, iii, 1-13. Le passage opéré, deux monuments de pierre furent élevés sur la rive droite et au milieu du Jourdain en souvenir du prodige, iv, 1-25. « Encejour-là, le Seigneur glorifia Josué devant tout Israël, afin qu’ils le craignissent comme ils avaient craint Moïse, pendant sa vie, » iv, 14. Sur l’ordre divin, Josué fit circoncire tous les Hébreux qui ne l’avaient pas été dans le désert, v, 1-9. Voir col. 84-85 et t. ii, col. 774-776. Un ange apparut à Josué, v, 13-16, et le Seigneur lui indiqua par sa bouche les moyens de prendre Jéricho. Josué les communiqua aux prêtres et les fit exécuter, vi, 1-27. Voir col. 1232-1293. Dans la prise miraculeuse de cette ville, le Seigneur fut avec Josué, dont le nom devint célèbre dans tout le pays de Chanaan, vi, 27. Ce prodige avait pour but de prouver à Josué que Dieu, selon sa promesse, était avec lui, et de lui donner courage et confiance. C’est par la ruse et la force que Josué s’empara d’Haï. Voir col. 398-399. Une première tentative ajant échoué à cause de la désobéissance d’Achan, voir t. i, col. 128130, Josué s’en plaint au Seigneur, qui lui fit connaître la raison de l’échec. L’expiation accomplie, Josué se mit à la tête de toute l’armée et s’empara de la ville, après avoir tendu une embuscade aux habitants, vii, 2 ; vm, 29. Conformément aux ordres de Moïse, Deut., xxvii, 1-8, Josué éleva sur le mont Hébal un autel de pierres, sur lequel il fit offrir des sacrifices, et une stèle sur laquelle on grava une partie de la loi mosaïque, non pas le Pentateuque entier, comme l’ont pensé les rabbins, ni même le livre du Deutéronome, mais seulement soit un résumé de la législation proprement dite, Fillion, La sainte Bible, Paris, 1888, t. i, p. 639, soit les malédictions contenues, Deut., xxvii, 15-26 ; Clair, Le livre de Josué, Paris, 1883, p. 54, soit les discours de Moise, Deut., v-xi, avec les malédictions et les bénédictions. Deut., xxvii, 15-xxviii, 68. F. de Hummelauer, Beuteronomium, p. 438-440. Voir col. 46L. Quoi qu’il en soit, le peuple étant disposé comme Moïse l’avait ordonné, Josué lut certainement les malédictions et les bénédictions précitées, viii, 33-35. Trompé par un audacieux stratagème, Josué conclut alliance avec les Gabaonites ; la fraude découverte, il resta fidèle à la convention, malgré les murmures du peuple, mais il soumit ces alliés au service du culte, îx, 1-27. Voir col. 19-20. Il vint à leur secours et remporta sur les rois chananéens ligués contre eux la célèbre victoire, favorisée par une grêle extraordinaire, voir t. i, col. 1703 ; t. iii, col. 337, et par l’arrêt du soleil et la prolongation du jour. Voir t. i, col. 297. Josué prit ensuite plusieurs places fortes du sud de la Palestine, Macéda, Lebna, Lachis, Églon, Hébron, Dabir, Asédoth. Par cette série d’heureux coups de force il fut maître de toute la partie méridionale du pays de Chanaan, x, 28-43. Les rois du nord, ligués à l’instigation de Jabin, furent défaits près des eaux de Mérom, xi, 1-15. Josué poursuivit ses conquêtes dans le nord, xi, 16-23. On trouve, xii, 7-24, l’énumération de tous les rois que Josué a vaincus dans l’intervalle de la conquête, ordinairement évalué à sept années.

On a souvent reproché à Josué l’extermination des tribus chananéennes, dont il avait conquis le territoire. Mais il faut observer qu’il ne l’a fait que sur l’ordre de Dieu, Num., xxxiii, 50-56, qui voulait par là les punir de leurs crimes. Théodoret, Quxst. xxi in Jos., t. lxxx,

col. 474. C’était, d’ailleurs, alors la conséquence du droit de conquête, et Josué n’appliquait parfois que la peine du talion. Jud., i, 7. Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., Paris, 1901, t. ii, p. 25-26 ; Les Livres Saints et la critique, 5e édit., t. iv, p. 454.

Partage du pays conquis.

Josué, déjà avancé en

âge, reçut de Dieu l’ordre d’accomplir enfin la seconde partie de sa mission, le partage de la Palestine entre les tribus d’Israël, xiii, 1-8. L’attribution faite par Moïse étant maintenue, les districts cisjordaniens furent partagés par le grand-prêtre Eléazar et par Josué, d’abord aux tribus de Juda, de Manassé et d’Éphraim, xiv, 1-xvii, 13. Josué accorda à Caleb le territoire que Moïse lui avait assigné, xiv, 6-13 ; xv, 13. II permit aux fils de Joseph d’étendre par la conquête la part qui leur était échue, xvii, 14-18. Avant de déterminer l’héritage des sept dernières tribus, il envoya une commission de vingt et un membres, non pas sans doute, comme on l’a faussement prétendu, faire le cadastre des contrées non encore conquises, mais seulement examiner sur place la disposition topographique, les ressources et les villes de chaque région pour en former sept lots qui furent tirés au sort, xviii, 1-xix, 48. Thamnath-Saraa lui fut octroyée comme part, xix, 49, 50. Par ordre de Dieu, Josué désigna des villes de refuge, xxi, 1-9, et les villes qu’habiteraient les lévites, xxi, 1-40. Le partage ainsi terminé, il renvoya dans leurs possessions au delà du Jourdain les guerriers des tribus de Ruben et de Gad et de la demi-tribu de Manassé, xxii, 1-9.

Derniers discours et derniers actes.

Retiré dans

son héritage à Thamnath-Saraa, Josué y passa tranquillement le reste de ses jours. Longtemps après que le Seigneur eut donné la paix aux enfants d’Israël et que toutes les nations environnantes eurent été soumises, xxiii, 1, vingt-cinq ans étant écoulés selon l’historien Joséphe, Ant. jud., V, i, 29, et Clément d’Alexandrie, Strom., i, 21, t. viii, col. 833, vingt-sept d’après Théophile d’Antioche, Advutol., iii, 24, t. vi, col. 1157, et, Eusèbe, Chronic, i, 27, t. xix, col. 166, ou trente selon Eusèbe, Præp. ev., x, 14, t. xxi, col. 837. Josué, parvenu à un âge très avancé, rassembla tous les anciens et les chefs du peuple et leur recommanda avec instance de demeurer constamment fidèles à Dieu et à sa loi, leur annonçant le bonheur qui les attendait s’ils persévéraient et, les malheurs qui les frapperaient, s’ils devenaient prévaricateurs, xxiii, 1-16. Il réunit encore à Sichem les représentants de toutes les tribus et leur fit renouveler solennellement l’alliance avec Dieu. Rappelant les bienfaits reçus, il les invita à choisir entre Jéhovah et les faux dieux. Dans un dialogue émouvant avec son ancien chef, le peuple promit une inviolable fidélité au Seigneur et dressa un double mémorial du renouvellement de l’alliance, xxiv, 1-27. Josué congédia l’assemblée et, bientôt après, il mourut à l’âge de cent dix ans. On l’ensevelit à Tamnathsaré dans les limites de sa possession, xxiv, 29-30. V. Guérin a cru retrouver, en 1863, le tombeau de Josué à Kharbet-Tibnéh. Revue archéologique, février 1865, p. 100-108 ; Description de la Palestine, Samarie, Paris, 1875, t. ii, 89-104 ; F. de Saulcy, Voyage en Terre-Sainte, 1865, t. ii, p. 226-238 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 17-29. Le Père Séjourné a contesté cette identification et a placé le tombeau de Josué au centre d’une vaste nécropole judaïque située entre les deux villages actuels de Serka et de Berukin. Revue biblique, 1893, t. ii, p. 608-628. Voir t. ii, col. 775-776. III. Caractère.

Josué est un des rares personnages à qui la Bible n’ait aucun reproche à adresser ; et l’auteur de l’Ecclésiastique, xlvi, 1-10, a fait son éloge.

Rôle public.

S’il a été l’assistant de Moïse, son

serviteur dans sa mission prophétique, Eccli., xlvi, 1 (texte hébreu), il fut, au cours de sa mission personnelle, un chef militaire plutôt qu’un prophète. Il reçut de Dieu I tout le peuple s’associa à ces louanges et prit part à ces

moins de communications directes et celles dont il a été l’objet se rapportaient à la conquête ou au partage de la Terre Promise. Les prodiges accomplis par Dieu à son sujet ont été moins nombreux et moins étroitement liés à sa personne que ceux de l’exode à la personne de Moïse ; c’est l’arche, ce sont les trompettes des prêtres, qui ouvrent les eaux du Jourdain et font tomber les murs de Jéricho. Cependant la parole de Josué produit la prolongation du jour à la bataille de Gabaon. De même encore, dans l’administration, le partage et le renouvellement de l’alliance, il agit de concert avec le grand-prêtre et les chefs des tribus. Son rôle principal est donc militaire. Dans la conquête du pays de Chanaan, il commande et agit seul. Or, dans l’accomplissement de sa mission propre, il est plein de cœur et de courage, hardi, entreprenant et il se montre à la hauteur des événements. L’auteur de l’Ecclésiastique, xlvi, 1-8, loue surtout ses exploits guerriers.

Figure de Jésus-Christ.

Les Pères ont généralement

considéré Josué comme une figure de Jésus. Josue fuit typus Domini non solum in gestis sed etiam in nomine. S. Jérôme, Epist. lui, n. 8, t. xxii, col. 545. « Il a été grand par le nom de sauveur qu’il portait et il a eu la puissance de sauver les élus de Dieu. » Eccli., xlvi, 1-2. Parce qu’il devait sauver son peuple, il eut l’honneur de porter d’avance le nom du véritable Jésus, du Sauveur de l’humanité entière. Il a introduit les Hébreux dans la Terre Promise, comme Jésus a ouvert le ciel à tous les hommes. Bossuet, Elévations sur les mystères, ix » sem., 10e élevât., Œuvres, Besançon, 1836, t. iii, p. 73. Voir Haneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. franc., Paris, 1856, t. i, p. 187-202 ; Danko, Historia revelatwnis divinse V. T., Vienne, 1862, p. 192-198 ; Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 3e édit., Paris, 1901, t. i, 327-332 ; Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., Paris, 1901, t. ii, p. 10-26.

E. Mangenot.

2. JOSUÉ (Septante : ’ûd/js ; Alexandnnus : ’Ir^oS), habitant de Bethsamés, dans le champ duquel s’arrêta le char philistin qui, du temps de Samuel, ramena d’Accaron à Bethsamés l’arche d’alliance. I Reg., vi, 14. Voir Arche d’alliance, t. i, col. 920.

3. JOSUÉ (Septante : ’Ir)<roi{), gouverneur (iâr, princeps ) de Jérusalem, près de la maison duquel étaient des hauts-lieux consacrés au culte des idoles et que le roi Josias fit détruire. IV Reg., xxiii, 8.

4. JOSUÉ (hébreu : Yêsûa’et YehôSua’; Septante : ’Iy)<xo0ç), fils de Josédec, premier grand-prêtre après la captivité de Babylone. Josué était très probablement né, comme son contemporain et associé Zorobabel, à Babylone, où son père Josédec avait été déporté en captivité par Nabuchodonosor. I Par., VI, 15. Son père étant mort en exil, Josué lui succéda dans la charge de grand-prêtre. À la suite de l’édit de Cyrus, il retourna à Jérusalem avec Zorobabel, la première année du règne de ce roi, et il s’appliqua avec beaucoup d’ardeur à relever les ruines des temps passés. Il releva immédiatement l’autel des holocaustes et rétablit le sacrifice quotidien interrompu depuis une cinquantaine d’années. Zorobabel fut son fidèle et infatigable collaborateur ; ils commencèrent par relever l’autel et par restaurer le sacrifice quotidien, ainsi que toutes les grandes solennités. I Esd., iii, 2-6. Il eut la consolation de poser les fondements du nouveau Temple, le second mois de la deuxième année de son retour à Jérusalem (536 avant J.-C). I Esd., iii, 8-9. Cet événement fut célébré par de grandes démonstrations de réjouissance ; les prêtres, avec leurs ornements et les trompettes, les Lévites, fils d’Asaph. avec les cymbales, louèrent Dieu, selon les prescriptions du roi David, et chantèrent des hymnes ;

réjouissances ; cependant, ceux qui avaient connu l’ancien Temple, ne pouvaient cacher leur douleur, de sorte que, dans cette fête, la tristesse des anciens jours se mêla à la joie des jours nouveaux. I Esd., iii, 10-13. — Les Samaritains, ennemis de Juda et de Benjamin, ayant appris qu’on réédiflait le Temple, allèrent trouver Zorobabel et offrirent leur concours. Zorobabel, Josué et les autres chefs refusèrent leurs services. Les Samaritains, irrités, suscitèrent toute espèce d’obstacles, et gagnèrent à leur cause de mauvais conseillers : Bésélam, Mithridate, Thabéel et d’autres, qui arrachèrent au roi Artaxerxès un édit suspendant les travaux. Les travaux furent ainsi interrompus jusqu’à la deuxième année du règne de Darius, fils d’Hystaspe, roi des Perses, c’est-à-dire environ l’espace de quatorze ans. La deuxième année du règne de ce roi (516 avant J.-C), on reprit les travaux. I Esd., iv, 1-24. Stimulés par les prophéties d’Aggée, i, 1, 12, 14 ; ii, 1-9, et de Zacharie, i-viii, Zorobabel et Josué poussèrent les travaux avec vigueur. 1 Esd., v, 1-2. Dieu couronna leurs eflorts ; le Temple fut achevé le troisième jour du mois d’Adar (mars), la sixième année du règne de Darius. On célébra en grande pompe la dédicace du temple ; on oflrit, à cet eflet, cent veaux, deux cents béliers, quatre cents agneaux et douze boucs selon le nombre des douze tribus d’Israël. I Esd., vi, 14-17. — Josué est loué par l’auteur de l’Ecclésiastique, xlix, 14, pour son zèle et son empressement à relever le Temple de Dieu. Sa piété et ses vertus le rendirent digne d’être une figure de Notre-Seigneur. Le prophète Zacharie dit en parlant de Josué : « Je ferai venir mon serviteur. » Sémafy, « le Germe » (Vulgate : Oriens), iii, 8, et « son nom est Germe », vi, 12. Levéritable « Germe » c’est Jésus-Christ. Ces paroles ont été appliquées expressément par le Zacharie de la nouvelle Loi, le père de saint Jean-Baptiste, à Notre-Seigneur. Luc, 1, 78 (Septante : ’AvatoXifj ; Vulgate : Oriens). A partir de la septième année du règne de Darius, on ne sait plus rien de Josué ; on ne connaît ni la date ni le lieu de sa mort, quoiqu’on pense communément qu’il finit ses jours à Jérusalem. V. Ermoni.

    1. JOSUÉ (LIVRE DE)##


5. JOSUÉ (LIVRE DE), sixième livre de l’Ancien Testament selon l’ordre du canon du concile de Trente, le premier de la seconde classe des livres de la Bible hébraïque, c’est-à-dire des nebi’îm ou prophètes. Il est intitulé dans l’hébreu Yehosua’, dans les Septante’I » )<toO ; Nocuvi ou’IrjtroC ; uib ; Nauirç et dans la Vulgate Liber Josue.

I. Contenu.

Ces titres désignent, sinon avec une entière certitude l’auteur du livre, du moins son héros principal. L’écrit ne renferme pas toutefois une biographie complète et suivie du successeur de Moïse dans le gouvernement du peuple juif, il contient plutôt l’histoire de ce peuple lui-même, sous la conduite de Josué, depuis l’entrée en fonctions de ce nouveau chef jusqu’aux premiers temps qui ont suivi sa mort. Le sujet du livre est indiqué par les paroles de Dieu, qui sont rapportées, I, 1-9, et qui assignent à Josué la double mission de conquérir et de partager la Palestine. Ces versets forment comme l’exorde du livre. La suite est consacrée au récit de l’accomplissement de cette mission. L’ouvrage se divise donc naturellement en deux parties : 1° la conquête, i, 10-xii, 24 ; 2° le partage de la Terre Promise, xiii, 1-xxii, 34. La première partie, qui décrit la conquête, peut se subdiviser en deux sections : l’une mentionne les préparatifsde la guerre, i, 10-v, 12, etl’autre, les triomphes successifs et rapides des Hébreux au sud, puis au nord de la Palestine et l’extermination de la plupart des tribus auparavant maîtresses de tout le pays, v, 13-xii, 24. La seconde partie, le récit du partage, comprend aussi deux sections distinctes : 1° l’une rappelle le partage, opéré par Moïse, des régions situées à l’est du Jourdain, xiii, 1-33 ; 2° l’autre expose la distribution

par le sort des districts, placés sur l’autre rive du fleuve et récemment conquis, xiv, 1-xxii, 34. Cette histoire se termine par un appendice ou supplément, qui relate les dernières paroles et les derniers actes de Josué, XXIII, 1-xxrv, 33. Pour une analyse plus détaillée, voir JosuÉ, col. 1686-1688, et R. Cornely, Introductio specialis in historicos V. T. libros, Paris, 1887, 1. 1, p. 171-175 ; Synopsis omnium librorum sacrorum utriusque Testamenti, Paris, 1899, p. 35-40. La première partie est complètement historique ; la seconde, quoique rédigée sous la torme historique, est surtout géographique et partiellement législative pour le fond. Les événements racontés se sont produits durant une période qu’il est difficile d’évaluer en chiffres exacts, à cause de la rareté des dates mentionnées, et qui s’étend à une trentaine d’années environ. D’après les calculs généralement acceptés, la conquête de la Terre Promise aurait duré sept ans et Josué aurait vécu vingt-cinq ans au total depuis son entrée au pays de Chanaan. Il faut joindre à ce dernier nombre la durée des faits indiqués dans les derniers versets du livre.

II. Unité et indépendance.

La plupart des critiques contemporains tiennent le livre de Josué pour un « sixième tome », qui primitivement n’a fait qu’un avec le Pentateuque. Ils l’englobent donc dans leurs théories sur la composition de l’Hexateuque. Selon eux, il est du même âge que les cinq livres, attribués à Moïse, et il a été rédigé dans sa forme actuelle, à l’aide des mêmes sources par le même rédacteur définitif. Cette conclusion critique a passé par des phases diverses. L’hypothèse complémentaire a succédé à l’hypothèse fragmentaire. Voir Vigouroux, Les Livres Saints et la critique, 5e édit., Paris, 1901, t. iv, p. 437. Nous avons maintenant l’hypothèse documentaire. Le livre de Josué n’a pas été écrit d’un seul jet ni par une seule main ; un rédacteur définitif a puisé à des sources différentes des éléments divers qu’il a fondus, non sans laisser toutefois des sutures qui permettent à des yeux exercés de discerner les morceaux primitifs, assez mal joints d’ailleurs. La connexion du livre de Josué avec le Pentateuque ne se discute plus ; c’est, dit-on, une conclusion certaine de la critique négative. Tout le travail actuel se porte à déterminer avec le plus de précision possible les sources ou documents dont le rédacteur définitif a fait usage. Voici les résultats auxquels on croit être parvenu :

La première partie du livre de Josué, i-xii, forme dans son ensemble un tout bien caractérisé, qui parait être la continuation de je, c’est-à-dire du rédacteur qui, vers 650, a fondu ensemble l’écrit jéhoviste J, qui est de 850 environ, et l’écrit élohiste e, postérieur d’un siècle au jéhoviste. Toutefois, on discute la question de savoir si le dernier rédacteur, qui écrivait entre 440 et 400, s’est servi directement des sources i et E, ou bien s’il n’a pas eu plutôt à sa disposition un travail intermédiaire, dans lequel j ete étaient déjà réunis et combinés. Le Code sacerdotal, p, qui daterait de l’époque de la captivité, a été très peu utilisé ; il a fourni de rares éléments, et quelques fragments seulement lui ont été empruntés. Dans la seconde partie, xm-xxiv, le partage des sources est bien différent. Tous les détails géographiques dérivent du Code sacerdotal et les passages empruntés à JE sont moins nombreux que dans la première partie. Mais il y intervient un élément nouveau. Avant que je n’ait été combiné avec p, il avait été complété en différents endroits par un écrivain, dont l’esprit est étroitement apparenté à celui de l’auteur du Deutéronome et que, pour cette raison, on désigne par le sigle d 2. Les additions, provenant de cet écrivain, sont pour la plupart faciles à- reconnaître au style, semblable à celui duDeutéronome, et elles comprennent notamment les parties législatives du livre de Josué et le renouvellement de l’alliance. On y rattache aussi tout ce qui cou

cerne les parts de territoire, accordées sur la rive gauche du Jourdain aux tribus de Ruben, de Gad et à la demi-tribu de Manassé. Nous renonçons à suivre les critiques dans la détermination détaillée des divers passages de Josué qu’ils rapportent à ces différentes sources. On peut consulter leurs ouvrages, qui sont loin de s’accorder sur les détails. Voir J. Wellhausen, Die Composition des Hexateuclis und der historischen Bûcher des A. T., 2e édit., Berlin, 1889, p. 118-136 ; Cornill, Einleitung in dos A. T., 4e édit., Fnbourg-en-Brisgau et Leipzig, 4896, p. 79-83 ; Driver, Einleitung in die Litteratur des A. T., trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 108121 ; Smith et Fuller, À Diclwnary of the Biblc, 1e édit., Londres, 1893, t. i, part. II, p. 1811-1815 ; A. Hauck, Itealencyklopâdie fur protestant. Théologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1900, t. ix, p. 390-392 ; W. H. Bennett, The book of Joshua, Leipzig, 1895, édition critique et coloriée, dans laquelle la différence des couleurs indique les emprunts à des documents différents.

Que faut-il admettre de ces conclusions ? Que faut-il penser de ces hypothèses ? Il est d’abord constant que les Juifs n’ont jamais connu l’étroite connexion du livre de Josué avec le Pentateuque dans un seul ouvrage, divisé plus tard en six tomes. Aussi haut que l’on peut remonter à l’aide des documents et sans recourir aux hypothèses, on voit qu’ils ont fait des livres de Moïse et de Josué deux ouvrages complètement distincts. Les auteurs du Canon hébraïque, quels qu’ils soient d’ailleurs, ont classé le Pentateuque dans une catégorie à part et rangé le livre de Josué dans une série différente, celle des prophètes, dans laquelle il occupe la première place. Le traducteur grec de l’Ecclésiastique mentionne déjà dans sa préface la division de la Bible hébraïque en trois classes d’écrits et il sépare la « loi » des « prophètes ». Quelques critiques reconnaissent, du reste, que le livre de Josué a été séparé du Pentateuque avant Esdras. Ils sont obligés d’avouer aussi que les Juifs n’ont gardé aucun souvenir de la prétendue unité primitive de l’Ilexateuque, et ils ont recours à des arguments internes, à la ressemblance de fond et de forme, pour prouver cette unité originale. Ces raisons sont-elles valables - et suffisent-elles à ébranler la croyance traditionnelle à l’indépendance du livre de Josué ? « Le livre de Josué se rattache étroitement au Pentateuque, il est vrai, parce qu’il prend l’histoire du peuple hébreu au point où s’arrête la conclusion du Deutéronome. Les tribus que Moïse avait emmenées d’Egypte ne moururent pas avec lui ; leur histoire ne finit pas avec celle de leur libérateur ; elles continuèrent sans lui ce qu’elles avaient fait jusqu’alors avec lui ; elles étaient déjà sur les bords du Jourdain ; il n’y avait plus qu’à le franchir pour entreprendre la conquête de cette Terre Promise, depuis si longtemps l’objet de leurs vœux et de leurs désirs. L’écrit qui porte le nom xle Josué nous raconte l’histoire de cette conquête ; il a, par là même, avec les livres qui le précèdent le lien qu’ont entre eux les événements. Mais là se borne la connexion : il est la continuation des écrits de Moïse ; il n’en est pas une partie. » Vigouroux, Les Livres Saints et la critique, t. iv, p. 441.

D’autre part, il forme en lui-même un tout complet et indépendant. Par sa composition, il présente, malgré des ressemblances nécessaires avec le Pentateuque, une véritable originalité de fond et de forme. Il a un plan qui lui est propre et qui lui donne une visible unité. Son sujet est la conquête et le partage de la Palestine par Josué. Son but est manifeste. L’auteur ne se propose pas seulement de continuer l’histoire du peuple juif après la mort de Moïse ; il veut surtout montrer par son récit la fidélité avec laquelle Dieu a tenu ses promesses faites aux patriarches et renouvelées à Moïse. Il raconte la façon prodigieuse dont le Seigneur a mis son peuple en possession de la Terre Promise. Les événements qu’il rapporte tendent tous à faire voir l’intervention divine dans la

conquête. Les détails du partage aboutissent â la même fin, et l’auteur en termine la relation par ces paroles significatives : « Et le Seigneur Dieu donna à Israël toute la terre qu’il avait juré de livrer à leurs pères… et pas une des paroles qu’il avait promis d’accomplir ne demeura sans effet, mais toutes furent réalisées par les événements, » xxi, 41, 43. Dans ses deux discours, Josué tire les conclusions pratiques qui découlent de cette fidélité de Dieu à tenir ses promesses : les Israélites doivent de leur côté être fidèles à observer les préceptes divins ; sinon, ils attireront sur eux les malédictions que le Seigneur a portées contre les prévaricateurs. À ce point de vue, on peut dire que le livre de Josué complète le Pentateuque, mais comme les Actes des Apôtres continuent les Évangiles. Le récit de l’accomplissement des promesses divines à l’égard d’Israël n’est pas nécessairement l’œuvre du rédacteur du Pentateuque ; un autre écrivain, imprégné de l’esprit de Moïse comme l’était Josué, a fort bien pu l’écrire après les événements. Si le rédacteur définitif de l’Hexateuque avait combiné habilement les sources du livre de Josué, il aurait dû rattacher ce récit de l’accomplissement des promesses aux Nombres et ne pas intercaler entres les deux parties de sa narration un ouvrage législatif tel qu’est le Deutéronome. Enfin, la forme du récit est elle-même différente. Le livre de Josué n’est pas, comme l’Exode et les Nombres, une sorte de journal écrit au fur et à mesure des événements, iii, comme le Lévitique, un code de législation, ni, comme le Deutéronome, une série de discours. Il présente donc une physionomie à part, et les critiques sont obligés d’avouer que les sources qu’ils admettent y sont mêlées et combinées d’une autre façon que dans le reste de l’Hexateuque.

Assurément, il existe entre lui et certaines parties du Pentateuque de grandes ressemblances de fond et de forme. Il n’y a en cela rien d’étonnant, puisque le livre de Josué est la suite immédiate de l’histoire, racontée dans le Pentateuque. Des divergences notables seraient, au contraire, surprenantes. Le peuple juif venait de recevoir au Sinaï sa législation ; il devait la suivre et l’appliquer autant que les circonstances le permettaient. Il n’avait pas en si peu de temps changé d’esprit ni de caractère ; il réalisait, sous la conduite de Josué, ce que Dieu avait promis à Moise. Josué avait été longtemps le serviteur de Moïse, avant de devenir son successeur. II s’était préparé à sa mission sous les yeux et par les conseils de son prédécesseur. Il avait les mêmes idées et il n’est pas étonnant que ses derniers discours reproduisent les mêmes enseignements que ceux de Moïse dans le Deutéronome. Le style est semblable en bien des points à celui du Pentateuque. Cela doit être ; la langue hébraïque, au temps de Josué, n’avait pas beaucoup changé depuis l’Exode. Néanmoins, on constate dans ce livre des particularités linguistiques. Nous ne ferons pas trop fends sur l’absence de certains archaïsmes, , qu’on observe dans la Genèse. Outre qu’ils manquent déjà dans les autres livres de Moïse, on nous répondrait qu’ils proviennent simplement d’une divergence orthographique de points-voyelles chez les Massoreles ou dans les manuscrits, différence dont on ne peut d’ailleurs donner l’explication. Nous raisonnerons de même au sujet de la prononciation différente du nom de Jéricho : Yerêhô, onze fois dans le Peutateuque, Yerîlio, vingt-sept fois dans le livre de Josué. Voir Jéricho. Mais il est d’autres locutions plus caractéristiques. Dieu est nommé, iii, 11, 13, « le Seigneur de toute la terre, » dénomination qui n’apparaît jamais dans le Pentateuque. Il y est appelé encore t Dieu d’Israël » vingt-quatre fois, alors que ce nom n’est employé que deux fois dans le Pentateuque. Exod., v, 1 ; xxxii, 27. On lit quatre fois, i, 14 ; vi, 2 ; viii, 3 ; x, 7, l’expression b>n niaa, gibbôrê

l.taïl, qu’on ne rencontre nulle part, sinon dans le.

Deutéronome, iii, 18, sous la forme approchante Vn >33,

T " :

benê bâti, dans un récit de même nature. La formule nnnSn ny, ’ani milhâmdh, employée viii, 1, 3, il ;

tt :

x, 7 ; xi, 7, ne se représente plus une seule fois dans l’Ancien Testament et ne se lit que-quatre fois dans le Pentateuque en termes analogues : nnnSa >wi « , ’anse

t t : " milhdmâh. Le verbe pyt, s’âaq, usité au niphal, viii, 16,

n’est pas employé dans les livres précédents. Ces particularités lexicographiques font supposer aux critiques qui refusent toute originalité au rédacteur de l’Hexateuque, le recours à des sources particulières dont rien ne prouve l’existence. Realencyklopddie fur protest. Théologie und Kirche, t. ix, p. 390. La façon de raconter n’est pas dans le livre de Josué la même que dans les livres historiques du Pentateuque. Enfin l’uniformité du style dans tout cet écrit est un indice frappant de l’unité de rédaction : c’est partout la même élocution, l’emploi des mêmes formes grammaticales, des mêmes tours de phrases et des mêmes constructions. Voir L. Konig, Altestamentliche Studien, fasc. 1er, Authentie des Bûches Josua, Meurs, 1836, p. 36-62, 122-125.

Pour compléter la démonstration de l’unité et de l’indépendance du livre de Josué, il faudrait réfuter en détail tous les arguments par lesquels les critiques prétendent prouver la pluralité des sources et des documents amalgamés dans ce livre. Cette réfutation a été faite par Himpel, Einheit und Glaubwùrdigkeit des Bûches Josua, dans la Theologische Zeitschnft, 1864, p. 385-448 ; 1865, p. 227-307. Cf. Kônig, op. cit., p. 34 ; Keil, Einleitung, 1859, p. 143-149 ; Cornely, lntroductio specialis in historicos V. T. hbros, Paris, 1887, t. i, p. 180-187. Voir t. i, col. 130, ce qui concerne l’emploi de sébét et de mattéh pour désigner les tribus d’Israël. La répétition, par exemple, de l’attribution du pays transjordanien, faite par Moïse aux tribus de Ruben, de Gad et à la demi-tribu de Manassé, Num., xxxii, 1-42, s’explique fort bien dans le livre de Josué, xiii, 7-33. L’auteur voulant exposer dans tout son ensemble le partage de la Terre Promise, rappelle les dispositions prises antérieurement par son prédécesseur et les confirme. La même remarque explique la répétition de ce qui concerne les villes de refuge dans cette contrée. Deut., iv, 41-43 ; Jos., xx, 8. On comprendrait moins ces répétitions dans l’hypothèse d’un rédacteur dernier, qui aurait formé l’Hexateuque.

III. Date.

Le livre de Josué étant une œuvre à part, indépendante du Pentateuque, il n’a pas, par le fait même, été établi dans son état actuel postérieurement à la rédaction dernière de l’Hexateuque, telle que la fixent les critiques. Puisqu’il forme, d’autre part, un ouvrage ordonné suivant un plan très net, cette unité de composition est à elle seule un indice de l’unité d’auteur. Avant de déterminer, si faire se peut, la personnalité de cet auteur, il faut rechercher, à l’aide du contenu, la date d’apparition du livre. Nous procéderons dans cette recherche par approches successives. — Josué ayant brûlé la ville de Haï, viii, 28, et cette ville étant signalée sous le nom de Aiath, par Isaie, x, 28, le livre de Josué, qui ne mentionne pas sa réédification, est donc antérieur au prophète. Voir col. 399. Josué avait laissé les Chananéens à Gazer et s’était contenté de les rendre tributaires des Israélites, xvi, 10. Or, sous le règne de Salomon, le roi d’Egypte s’empara de cette ville, en tua les habitants et la donna en dot à sa fille qu’avait épousée le roi des Israélites. III Reg., ix, 16. Voir col. 131. L’ouvrage, qui affirme encore l’existence des Chananéens à Gazer, a donc été composé avant le règne de Salomon ou au plus tard au début de ce règne. D’autres indices font remonter sa composition avant le règne de David. Lorsqu’il a été rédigé, le Jébuséen était encore à Jérusalem, xv, 63. Or, c’est la huitième année de son règne que David

s’empara de cette ville et en fit sa capitale. II Reg., v, 6-10. Voir t. ii, col. 1315. Bethléhem, le patrie de David, n’est pas énumérée parmi les villes de Juda, sinon dans le texte grec des Septante, xv, 60, tandis que d’autres villes, moins importantes, le sont. Un écrivain, postérieur au règne de ce prince ou son contemporain, l’aurait certainement mentionnée. Sidon y est encore appelée g. la grande ville », xi, 8 ; xix, 28. Or, Sidon fut ruinée par les Philistins au temps des Juges d’Israël, et Tyr eut dès lors la prépondérance et mérita seule le nom de grande ville des Phéniciens. Ces détails montrent bien la haute antiquité du livre qui les reproduit. Il est vrai, dit-on, que le livre des Justes, cité x, 13, aurait contenu l’élégie de David sur Saul et Jonathas, II Reg., i, 18, et serait postérieur à l’époque de la mort de ces héros. Mais on peut penser que ce recueil de poésies, commencé sous Josué, s’est enrichi successivement de nouvelles pièces. On a dit aussi, et non sans raison, que la locution « jusqu’aujourd’hui », répétée quatorze fois dans le texte hébreu, iv, 9 ; v, 9 ; vi, 25 ; vii, 26 (deux fois) ; vm, 29 ; ix, 27 ; x, 27 ; xiii, 13 ; xiv, 14 ; xv, 63 ; xvi, 10 ; xxii, 3, 17, laissait entendre qu’il s’était déjà écoulé un certain intervalle entre les événements racontés et l’époque du récit ; autrement le narrateur n’aurait pas eu de motif de signaler la persévérance de la circonstance qu’il relatait. De la plupart des cas, on ne peut rien conclure pour la détermination précise de l’intervalle ; cette locution n’exige pas nécessairement une longue durée, et les vingt-cinq ans écoulés entre le début de la conquête et la mort de Josué peuvent justifier cette remarque de l’écrivain. D’ailleurs, comme la Vulgate contient, xiv, 10, cette locution, sans que le texte hébreu ait aucune expression correspondante, certains critiques admettraient facilement qu’en plusieurs endroits la même locution pourrait être une glose, ajoutée plus lard à la première rédaction du texte. De même, les montagnes de Juda et d’Israël, mentionnées, xi, 21, ne supposent pas la séparation des deux royaumes sous Roboam. Il s’agit de la défaite et de la ruine des Énacites qui habitaient la partie méridionale du pays de Chanaan et en particulier le territoire dévolu à la tribu de Juda. L’expression « toute la montagne de Juda et d’Israël » désigne seulement le pays montagneux qu’ils occupaient dans le territoire de cette tribu et dans le reste d’Israël, sans distinction de deux royaumes séparés, et elle marque leur disparition complète.

IV. Auteur.

On ne connaît pas d’une manière certaine quel a été l’auteur du livre de Josué, et il s’est produit de tout temps, même chez les catholiques, des opinions divergentes à ce sujet. Théodoret, In Josue, quæst. xiv, t. lxxx, col. 473-476, trompé par une leçon singulière de son manuscrit : Où ;  ;) toûto fÉf pairrat êir m ê16X ! ov tô eûpeôèv, x, 13, en concluait que l’auteur avait puisé ce renseignement dans un ancien ouvrage et était par conséquent bien postérieur aux événements qu’il racontait. L’écrivain qui a rédigé la Synopsis S. Scripturss attribuée à saint Athanase, t. xxviii, col. 309, expliquait le titre du livre dans ce sens seulement que Josué était le héros principal du récit. Au rapport de Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, t. I, c. viii, Rotterdam, 1685, p. 53, Isaac Abarbanel, rabbin du xve siècle, pensait que Josué n’était pas l’auteur du livre qui porte son nom, et qu’une partie au moins avait été écrite quelque temps après les événements. Alphonse Tostat, In Josue, c. i, quæst. xiii ; c. vii, quæst. ix, Opéra, Cologne, 1613, t. v, p. 22, 208-209, rejette successivement l’opinion qui attribue ce livre à un écrivain anonyme contemporain de Josué, et celle qui prétend qu’il est l’œuvre du prophète Isaie, et il l’attribue à Salomon. A. Mæs, Josue imperatons historia illustrataatque explicata, Anvers, 1574, comment, præt., p. 2, estimait qu’Esdras, seul ou avec l’aide d’autres scribes, avait compilé ce livre et en avait extrait les

récits d’anciennes annales hébraïques. Un inconnu, dont l’opinion est mentionnée par Serarius, Josue, Mayence, 1609, t. i, p. 211, l’attribuait au grand-prêtre Éléazar. Dans des temps plus rapprochés, des catholiques ont pensé que ce livre se compose de documents contemporains de Josué reliés ensemble dans un récit continu et recueillis parun écrivain ignoré, plas ou moins postérieur aux événements. Haneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. franc., Paris, 1856, 1. 1, p. 223-225 ; Herbst-Welte, Einleitung, t. ii, p. 96 ; A. Scholz, Einleitung, t. ii, p. 245-265 ; Himpel, dans la Tubinger Quartalschrift, 1864, p. 448. Danko, Historia revelationis divin » V. T., Vienne, 1862, p. 200-201, fixe la date de la composition avant celle du livre des Juges et avant la septième année du règne de David. Le cardinal Meignan, De Moue à David, Paris, 1896, p. 335, note, croit que l’auteur vivait peut-être au temps de Salomon, en tout cas, bien avant l’exil. Le principal argument de ces critiques est que le livre de Josué contient le récit d’événements postérieurs au temps du conquérant de la Palestine.

Mais d’autres critiques, mettant de côté la finale, xxiv, 29-33, qui raconte la mort de Josué et d’Eléazar et qui a été ajoutée après coup, et même certains récils d’événements postérieurs, l’occupation de Dabir, xv, 15-19, l’expédition des Danites, xix, 47, et quelques gloses, insérées plus tard, attribuent la composition de l’ensemble du livre à Josué lui-même. Ils appuient leur sentiment sur la tradition juive, consignée dans le Talmud, Baba Bathra, voir t. n col. 140, et acceptée par la grande majorité des rabbins. D’après ceux-ci, Josué écrivit son livre et huit versets de la Loi, c’est-à-dire ceux qui racontent la mort de Moïse. Deut., xxxiv, 5-12. L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, Paris, 1881, p. 24-25. Quelques-uns pensent trouver dans Eccli., xlvi, 1, un indice que Josué est l’auteur du livre qui porte son nom. Josué y est dit êiaSo^oç Muniarj iv npo(p/]T£îat ;, c’est-à-dire successeur de Moïse, non pas seulement dans sa mission prophétique, mais encore dans la composition de livres inspirés, puisque le prologue, placé par le traducteur grec en tête de sa version de l’Ecclésiastique, appelle irpoipYjTeîat les livres écrits par des prophètes. Le texte hébreu, aujourd’hui connu, présente moins clairement le même sens. M. Israël Lévi, L’Ecclésiastique, Paris, 1898, p. 109, traduit nNiana ïwd rnwo, « assistant de Moïse dans sa mission prophétique. » Mais le mot nxia : signifiant « livre prophétique », II Par., ix, 29, il pourrait avoir ici cette signification, qui permettrait d’attribuer à Josué la rédaction d’un livre inspiré, si le contexte n’exigeait plutôt le sens de « mission prophétique », dans l’accomplissement de laquelle Josué a aidé Moise. Quelques Pères de l’Église latine ont affirmé que le titre désignait Josué, non pas seulement comme le héros, mais aussi comme l’auteur du livre, ou du moins, ils se sont exprimés de manière à montrer qu’ils tenaient Josué pour l’écrivain de l’ouvrage qui porte son nom. Lactance, Divin, instil., I. IV, c. xvii, t. vi, col. 500 ; S. Isidore de Séville, De Eccl. officiis, 1. 1, c. xii, t. lxxxiii, col. 747.

Les partisans de l’attribution du livre à Josué confirment leur sentiment par des arguments internes. Il est dit de lui, xxiv, 26, qu’« il écrivit toutes ces choses dans le volume de la loi du Seigneur ». Ces paroles, disent-ils, ne se rapportent pas seulement aux derniers discours de Josué qui les précèdent immédiatement, et en particulier au renouvellement de l’alliance du peuple avec Dieu ; elles s’entendent plus naturellement du livre entier, qui est présenté comme la suite de la Loi ou du Pentateuque. Ils font valoir aussi l’emploi de la première personne qui décèle un témoin oculaire, en trois endroits du teite hébreu, iv, 23 ; v, 1, 6. Dans les deux premiers passages, on lit : ’obrênû, « le passer de nous, » et dans le dernier : lânû, « à nous, s II faut remarquer

toutefois que, v, 1, le qeri et les versions ont la leçon : « le passer d’eux. » De nombreux indices trahissent l’acteur ou le témoin oculaire. La précision des détails historiques et topographiques, la manière dont l’histoire de Josué est racontée incidemment au milieu du récit des événements auxquels il a été mêlé, le ton lui-même du récit semblent indiquer la main de Josué. Les discours de ce héros sont pénétrés du même esprit qui a animé l’écrivain et qui lui a fait disposer les matériaux de son histoire en vue du but signalé plus haut. Enfin, on ne trouve pas dans tout le livre un mot d’éloge de Josué. Tandis que le narrateur de sa mort le qualifie de « serviteur de Dieu », xxiv, 29, lui-même se nomme toujours seulement « le fils de Nun ».

Cependant, plusieurs faits racontés dans le livre de Josué paraissent n’avoir eu lieu qu’àl’époque des Juges, à savoir, la prise de Cariath Sépher par Othoniel, xv, 13-19, et celle de Lésem par les Danites, xix, 47, rapportées aussi Jud., i, 10-19 ; xviii, 1-12. Quelques critiques catholiques, Kaulen, Einleitung, 2e édit., Fribourgen-Brisgau, 1890, p. 177 ; Zschokke, Historia sacra V. T., p. 163 ; Clair, Le livre de Josué, Paris, 1883, p. 5 ; Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1889, t. ii, p. 9, concèdent que ces récits ont été ajoutés ou, au moins, ont pu l’être après la mort de Josué. Voir t. ii, col. 1239. Mais il n’est pas certain que ces événements ne datent point du vivant de Josué. La prise de Lésem a dû avoir lieu dans les derniers temps de la vie de ce chef d’Israël. Quant à celle de Cariath-Sepher, elle a eu lieu plus tôt. Voir t. ii, col. 58. Si l’auteur du livre des Juges la mentionne après la mort de Josué, il le fait seulement pour rappeler les exploits d’Othoniel, dont il va raconter la judicature. Dans son récit, les verbes auraient dû probablement être mis au plus-que-parfait, si ce temps avait existé dans la langue hébraïque. Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., Paris, 1901, t. ii, p. 7, note 1 ; Cornely, Introductio specialts in historicos V. T. hbros, Paris, 1887, t. i, p. 195-198 ; Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 3e édit., 1901, t. i, p. 333.

V. Intégrité du texte.

Le texte du livre de Josué ne nous est pas parvenu en très bon état. Pour le constater, il suffit de comparer le texte hébreu actuel avec la version grecque des Septante. Un autre moyen de constatation des altérations du texte est sa comparaison avec des passages parallèles des autres Livres Saints. I Des noms et des chiffres, si nombreux dans les listes topographiques, paraissent avoir souffert des injures du temps et nous sont parvenus estropiés au point de vue orthographique ou modifiés. Ainsi le personnage nommé Achan, vii, 1, est appelé Achar par les Septante, la Peschito et dans I Par., ii, 7. Voir t. i, col. 128. Il existe d’autres fautes orthographiques de même genre dans la transcription des noms propres de villes ou de lieux. D’autres changements de lettres se sont produits dans leâ noms communs ou dans les verbes. Dans les Septante, xv, 60, il y a un verset presque entier, qui manque dans le texte hébreu et dont la disparition peut s’expliquer par éjioioTsXsutov. Le nombre des villes de la tribu de Nephthali, xix, 36, doit être incomplet, si on compare ce passage avec xxi, 34, et I Par., vi, 61. Il manque dans les manuscrits et les éditions imprimées un membre de phrase, xxi, 36, qui se trouve dans les Septante, la Vulgate et I Par., vi, 63. Il est probable qu’il s’est perdu, XXII, 34, un mot que le sens exige et qui se lit dans la Peschito et le Targum. Parcontre, Dinnii, xv, 36, est une glose sur le nom précédent

rmim, qui de la marge des manuscrits s’est glissée

dans le texte, car elle n’existe pas dans les Septante et elle rend fautif le nombre total des villes, « un, xix, 2,

parait être la répétition de yatf-wa, qui précède

immédiatement, comme il résulte de I Par., iv, 28, ’et

du total donné, nx, 6 ; 6e nom est absent, d’ailleurs, de la version des Septante, mwai, xix, 34, doit être

fautif, si on en juge d’après les données topographiques et l’absence de ce mot dans les Septante. Le chiffre 29, dans xv, 32, résume une liste de 36 noms ; il est évidemment fautif. Le nombre des soldats de Josué est de 30000, "vin, 3, et seulement de 5000, viii, 12 ; le premier chiffre doit être corrigé d’après le second. Eaulen, Einleitung, p. 175-176. D’autre part, le teite grec des Septante diffère souvent du texte massorétique, et si parfois il peut servir à rétablir la leçon originelle, d’autres fois, il est lui-même visiblement altéré. Ainsi, il contient, xvi, 10, au sujet de Gazer, une glose, dont parle saint Augustin, Qusest. in Beptat., t. VI, t. xxxiv, col. 784-785. On connaît les additions faites, xxiv, 30, 33. Cf. Hollenberg, Die alexandrinische Uebersetzung des Bûches Josua, Meurs, 1876 ; H. B. Swete, An introduction to the Old Testament in greek, Cambridge, 1900, p. 236237, 244.

VI. Vérité des récits.

Si le livre de Josué a pour auteur son héros principal, Josué lui-même, témoin et acteur des faits, si, du moins, il a été composé à une époque assez rapprochée des événements, il raconte, non pas, comme le prétendent les critiques rationalistes, les légendes d’Israël sur Jdsué, mais bien l’histoire Téelle et véridique de la conquête et du partage de la Palestine. Les faits relatés par un écrivain contemporain sont dignes de foi et le récit mérite créance, parce que ce sont des faits publics, connus de tous, qu’on n’invente pas. Ils sont, d’ailleurs, exposés H’une manière simple et avec un accent de vérité qui entraîne la con--viction. Les critiques rationalistes déclarent impossibles les miracles du passage du Jourdain, de la prise de Jéricho et de la bataille de Béthoron. Ils prétendent relever des contradictions dans le récit lui-même ou des oppositions inconciliables avec le livre des Juges au sujet de la conquête. Ils affirment que le partage de la Terre Promise répond, non à la réalité, mais à une conception idéale de la prise de possession de cette terre par les tribus d’Israël. Realencyklopâdie fur protest. Théologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1900, t. ix, p. 392-393. Ils supposent à tort que la conquête du pays de Chanaan a été complète, que Josué a pris toutes les villes et exterminé tous les habitants, et ils s’étonnent de retrouver plus tard certaines localités en la possession des tribus chananéennes, qui n’en avaient pas été dépossédées ou qui les avaient reprises. Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., Paris, 1901, t. ii, p. 9 ; Les Livres saints et la critique, 5e édit., Paris, t. iv, p. 453. L’abbé Paulin Martin, Introduction à la critique générale de l’A. T., De l’origine du Pentateuque (lithog.), Paris, 1888-1889, t. iii, p. 546-606, a longuement réfuté les objections de Reuss sur le partage de la Palestine entre ies tribus et sur les villes lévitiques.

Les écrivains sacrés qui sont postérieurs au livre de Josué lui rendent témoignage en mentionnant certains faits dont il contient le récit. Les premiers mots du livre des Juges, i, 1, considèrent Josué comme ayant été le chef des Israélites dans la guerre contre les Chananéens. Le récit de la prise de Cariath-Arbé, Jud., i, 10-15, si on met les verbes au plus-que-parfait, n’est que la répétition de Jos., xv, 13-19. Sauf pour le nom de la tribu, il y a accord entre Jos., xv, 63, et Jud., i, 21. L’héritage de Manassé est le même, Jos., xvii, 11-13, et Jud., i, 27-28. Le sort des habitants de Gazer est raconté de la même manière, Jos., xvi, 10, et Jud., i, 29. Le résumé de l’histoire des Juges, ii, 11-m, 6, suppose l’existence des tribus chananéennes que Josué n’avait pas exterminées, xiii, 2-6. L’alliance avec les Gabaonites est rappelée, II Reg., xxi, 2, aussi bien que le séjour de l’arche à Silo, Jud., xviii, 31 ; Ps. lxxvii, 60, l’extermination des Chananéens, Jud., ii, 2 ; III Reg., xiv, 24 ;


IV Reg., xxi, 2, la destruction de Jéricho, III Reg., xvi, 34, les conquêtes et le partage de la Terre Promise, Ps. lxxvii, 54-55, et le passage miraculeux du Jourdain. Ps. lxv, 6 ; Ps. cxiii, 3, 5 ; Habac, iii, 8. L’éloge de Josué et de Caleb, Eccli., xlvi, 1-12, résume l’œuvre du héros tout entière, telle qu’elle est exposée dans le livre qui porte son nom. Le diacre Etienne attribue à Josué la conquête de la Palestine. Act., vii, 45.

Sans confirmer directement la vérité du livre de Josué, les monuments contemporains de l’Egypte la justifient indirectement, en nous faisaut connaître la situation politique du pays de Chanaan, conforme à celle que suppose le récit sacré. D’autre part, les explorations géographiques ont constaté l’exactitude des données topographiques de ce livre. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 3-16. Procope, De bello vandalico, t. III, c. xx, rapporte qu’il y avait à Tigisis, dans l’Algérie actuelle, deux stèles sur lesquelles les habitants avaient fait graver en langue phénicienne cette inscription qu’il reproduit en grec : ’H[j, eïç è<j|j.ev oî epÛY 0VT£ 5 " 7C <* ^pourâtiou’Iïi<toû toû). » ]<rTOÛ, uioû Nauïj. Cf. Verdière, Émigration des Chananéens chassés de Palestine en Afrique, dans les Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Selles-Lettres ; Journal officiel, 1er et 14 juillet 1874, p. 4561, 4912-4913 ; M. Budinger, De coloniarum quarumdam phœniciarum primordiis cum Debrseorum exodo conjunctis, dans les Sitzungsberichlc der Akademie der Wissenschaften in Wien. Philos. -Bistor. Classe, t. cxxv, 1891, x, p. 30-38.

VII. Commentaires.

1o Des Pères.

Origène, Eclecta in Jesum Nave ; Homilise m librum Jesu Nave, t. iii, col. 819-948 ; S. Éphrem, In Josue, Opéra syriaca, Rome, 1737, t. i, p. 292-307 ; Théodoret, Qusestiones in Josuam, t. lxxx, col. 457-486 ; S. Augustin, Locutiones in Heptateuchum, t. VI, t. xxxiv, col. 537-542 ; Qusestiones in Heptateuchum, t. VI, ibid., col. 775-792 ; Procope de Gaza, Comment, in Josue, t. lxxxvii, col. 9911042 ; S. Isidore de Séville, Qusestiones m librum Josue, t. lxxxiii, col. 371-380, ou V. Bédé, Qusestiones super Jesu Nave librum, t. xciii, col. 417-422 ; Raban Maur, Comment, in librum Josue, t. cviii, col. 999-1108, Rupert, In librum Josue, t. clxvii, col. 999-1024. La plupart des Pères ont recherché le sens allégorique plutôt que le sens littéral. — 2* Au moyen âge. — Hugues de Saint-Cher, Postilla, Venise, 1754, t. i ; Nicolas de Lyre, Postilla, Venise, 1588, t. n ; Denys le Chartreux, Opéra, Cologne, 1533, t. n ; Tostat, Opéra, Venise, 1728, t. v. — 3o Dans les temps modernes. — 1. Catholiques.

Cajetan, Comment, m hb. Josue, etc., Rome, 1533 ; Vatable, Annotationes m V. T., Paris, 1545 ; édit. expurgée, Salamanque, 1584 ; Clarius, Scholia, Venise, 1542 ; A. Mæs, Josuse imperatoris historia illustrata atqueexplicata, Anvers, 1574 (dans Migne, Cursus completus Sac. Script., t. vu-vin) ; Arias Montanus, De optimo imperio seu in libr. Josue comment., Anvers, 1583 ; Serarius, Josue, 2 in-f°, Mayence, 16094610 ; Bonfrère, Josue, Judices et Ruth, Paris, 1731 ; C. Magalian, Comment, m Josuse historiam, 1611 ; Marcellius, Comment, in l. Josue, 1661 ; Calmet, Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1724, t. ii, p. 1-143 ; J. Félibien, Pentateuchus historicus seu libri quinque historici, Josue, etc, Paris, 1704 ; Hellbig, In libros Josue, Judicum, Ruth, Cologne, 1717 ; Monterde, Comment, theol. in. hb. Josue, Ruth, Valence, 1702 ; Clair, Le livre de Josué, Paris, 1877. — 2. Protestants. — Sans parler des anciens commentateurs, Drusius, 1618, Osiander, 1681, Sébastien Schmidt, 1693, Le Clerc, 1708, citons Maurer, Commentar ïiber dos Buch Josua, Stuttgart, 1831 ; Rosenmuller, Scholia in V. T., Leipzig, 1833 ; Keil, Bïblischer Kommentar ûber das A. T., 2e édit., Leipzig, 1874, t. n ; Espin, Joshua, dans le Speaker’s Commentary, Londres, 1872 ; Fay, Das Buch Josua, Bielefeld, 1870,

III. - 51

Holzinger, Josua, dans Hand-Commentar zum A. T., Tubingue ; Œttli, Deuteronomium, Josua und Richter, Munich, 1893 ; Dillmann, Numeri, Deuteronomium und Josua, 2e édit., Leipzig, 1886 ; Budde, Richter und Josua, 1887 ; Black, The book of Josua, Cambridge, 1891 ; Fr. de Hummelauér, Josue, Paris, 1903.

E. Mangenot.

6. JOSUÉ (hébreu : YêSûa’; Septante : ’Ioiroué), chef de famille descendant de Phahath-Moab. I Esd., ii, 6 ; II Esd., vii, 11. Voir Phahath-Moab, t. iv, col. 182.

7. JOSUÉ (hébreu : Issiyâh, « Yah aide » ; Septante : ’Iso-ia), descendant d’Hérem, qu’Esdras obligea à renvoyer une femme étrangère. I Esd., x, 31. Voir col. 1399.

8. JOSUÉ (hébreu : YêSûa’; Seplante : ’Ii]<toïî), chef

à la Bastille, pour avoir témoigné trop d’attachement aux doctrines des jansénistes. Il vécut à Montpellier, puis à Troyes, et enfin à Paris, où il mourut. Il a laissé des commentaires de différentes parties de l’Écriture Sainte : Explication de l’histoire de Joseph selon divers sens que les saints Pères y ont donnés, in-12, Paris, 1728 ; Éclaircissement sur les discours de Job, in-12 ; Traité du caractère essentiel à tous les prophètes de ne rien dire que de vrai, in-12, Paris, 1741 ; Observations sur Joël, in-12. Avignon, 1733 ; Lettres sur l’interprétation des Écritures, in-12, Paris, 1744 ; Concordance et explication des prophéties qui ont rapport à la captivité de JBabylone, in-4°, Paris, 1745 ; Explication des principales prophéties de Jérémie, d’Ezéchiel et de Daniel, disposées selon l’ordre des temps, 5 in-12, Paris, 1749 (ce n’est qu’une nouvelle édition du précé 287. — Joug étrusque. Bronze du musée Kirclier, à Rome. Réduit d’un tiers. D’après Micsdi, Antichi monumenti,

in-fv Florence, 1810, pl. L.

d’une famille de lévites qui revint de la captivité avec Zorobabel. Elle comptait 74 membres en y comprenant les fils de Cedmihel qui descendaient d’Odovia comme les fils de Josué. I Esd., ii, 40. Tous ces lévites furent des auxiliaires actifs d’Esdras et de Néhémie dans leur œuvre de restauration, I Esd., iii, 9 ; viii, 33 ; II Esd., m, 9 (Azer, fils de Josué) ; viii, 7 ; ix, 4, 5 ; x, 9 ; xii, 8, 24. Sur ces deux derniers passages, voir Jésua 3, col. 1403. Josué et Cedmihel étaient l’un et l’autre des descendants d’Odovia, I Esd., ii, 40, mais Odovia était leur ancêtre, non leur père ; celui-ci s’appelait Azanias, comme il résulte de II Esd., x, 9, où Josué est désigné comme fils d’Azanias.

JOTA, aujourd’hui Yutta, ville de Juda. Jos., xv, 55. Elle est appelée Jeta par la Vulgate dans Jos., xxi, 18. Voir Jeta, col. 1517.

    1. JOUBERT François##


JOUBERT François, théologien catholique français, né à Montpellier le 12 octobre 1689, mort à Paris le 23 décembre 1763. Avant d’entrer dans les ordres, il fut quelque temps syndic des états de Languedoc, charge qui avait été exercée par son père. Devenu prêtre en 1728, il fut, en 1730, enfermé durant quelques semaines

dent) ; Commentaires sur les douze petits prophètes, 6 in-12, Avignon, 1754 et années suivantes ; Commentaire sur l’Apocalypse, 2 in-12, Avignon, 1762.

A. Régnier.

JOUE (hébreu : lehî, raqqâh ; Septante : o-iayiiv, Vulgate : gêna, maxilla), partie du visage qui recouvre les mâchoires entre les yeux et le menton. — Les joues sont comparées, pour leur fraîcheur et leur coloration, à un parterre d’aromates, Cant., i, 9 ; v, 13, et à la moitié d’une grenade. Cant., iv, 3 ; vi, 6. Voir Grenade, col. 340. — Dans tous les autres passages où il est parlé des joues, c’est à l’occasion des soufflets et des coups qu’elles reçoivent, III Reg., xxii, 24 ; Job, xvi, 11 ; Is., l, 6 ; Mich., v, 1, ou des larmes qui les mondent. Lam., i,

2. Voir Larmes, Soufflet.
H. Lesêtre.

JOUG (hébreu : mot oumôtâh, ’ol ou’ôl ; Septante :, Çvyôv, r.Xoi<S ;  ; Vulgate : jugum), pièce de bois servant à assujettir ensemble deux bœufs par la tête, et au moyen de laquelle ils tirent une charrue, un chariot, etc. (fig. 287). Par extension, on donne le nom de joug à l’attelage d’autres animaux réunis deux à deux, chevaux, ânes mulets, etc. La forme était diverse en Egypte (fig. 288 ; voir aussi fig. 71, t. i, col. 335 ; fig. 214, t. ii, col, 603),

en Ghaldée (fig. 213, t. ii, col. 602), en Grèce (fig. 289), à Rome (fig. 290). Pour les jougs actuellement en usage en Syrie et en Egypte, voir fig. 75, t. i, col. 327 ; fig. 215 et 216, t. ii, col. 605.

Au sens propre.

On ne met le joug aux animaux

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283.

Joug égyptien, en bois, de 1°30 de longueur. Musée du Louvre.

que quand ils ont un certain âge et que leur force s’est développée. Dans les sacrifices, on n’admettait que des animaux n’ayant point porté le joug. Num., xix, 2 ; Deut., xxi, 3 ; I Reg., vi, 7. Le joug fait plier le cou.

289. — Joug grec. D’après Smith, Dict. of Greek and Roman antiquities, 3e édit., 1. 1, p. 1035.

Eccli., xxxiii, 27. — L’animal mis au joug est appelé OitoÇiifioç, subjugalis. Matth., xxi, 5. — Jérémie reçut l’ordre de se mettre des jougs au cou, pour symboliser l’asservissement qui menaçait certains peuples.

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290. — Jougs romains. D’après d’anciens manuscrits.

Jer., xxvii, 2 ; xxviii, 10, 12. —Comme les animaux sont attachés au joug deux à deux, un joug désigne souvent une paire. L’hébreu emploie alors le mot séméd, et le grec le mot Çïùyoî. I Reg., xi, 7 ; III Reg., xrx, 19, 21 ; Eccli., xxvi, 10 ; Luc, xiv, 19. Cette expression est usitée même quand il s’agit de mulets, IV Reg., V, 17, ou de chevaux. IV Reg., ix, 25 ; Is., xxi, 7. — En hébreu, on donne encore le même nom au lot de terre qu’une

paire de bœufs peut labourer en un jour. I Reg., xiv, 14 ; Is., v, 10.

Au sens figuré.

Le joug symbolise toute obligation

pénible imposée d’une manière constante à la volonté de l’homme. Telle est tout d’abord la loi de Dieu, Jer., ii, 20 ; Judith, v, 24 ; Ose., xi, 4 ; Eccli., ii, 34 ; Lara., iii, 27. Notre-Seigneur a rendu ce joug doux et aimable, Matth., xi, 29, 30 ; il ne convient donc pas de reprendre le joug plus dur de la loi ancienne. Act., xv, 10 ; Gal., v, 1 ; I Tim., vi, 1. Se mettre sous le même joug que les Gentils serait adopter leur genre de vie, marcher de concert avec eux, comme deux bœufs qui tirent la même charrue. II Cor., vi, 14. — Le joug désigne souvent la servitude imposée par une nation à une autre nation, par un homme à un autre homme. III Reg., xii, 4, 9-11 ; Is., ix, 4 ; x, 27 ; xiv, 25 ; xlvii, 6 ; Jer., v, 5 ; xxvii, 8, 11, 12 ; xxviii, 2, 4, 11 ; I Mach., VIII, 18, 31 ; xiii, 41. — Un joug de fer est une servitude très dure. Deut., xxviii, 48 ; jJer., xxviii, 14. — Être délivré de la servitude, c’est enlever le joug, Is., lviii, 6, 9, ou le briser. Gen., xxvii, 40 ; Lev., xxvi, 13 ; Jer., II, 20 ; Ezech., xxx, 18 ; xxxiv, 27 ; Nah., i, 13. — C’est encore un joug pesar.l. iue le châtiment, Lam., i, 14 ; la misère, Eccli., xl, 1, et la méchante langue. Eccli.,

xxviii, 24.
H. Lesêtre.

1. JOUR (hébreu : Yemîmâh, « colombe ; » Septante : ’H(i£pa ; Vulgate : Dies, e Jour » ), la première des trois filles qui naquirent à Job après son épreuve. Job, XLH, 14. Les Septante et la Vulgate ont traduit ce nom proprecomme dérivant du mot yôm, « jour, » mais il est plus probable qu’il est le même que l’arabe yama’mâh, « colombe. » Les Orientaux donnent volontiers à leurs filles des noms d’animaux, comme abeille, gazelle, etc. Voir Débora, Dorcas.

2. JOUR (hébreu : yôm ; grec : rifiipa ; Vulgate, dies), espace de 24 heures. — 1° Les Hébreux comptaient les jours d’un coucher de soleil à l’autre. Cela apparaît très clairement dans les indications relatives à la célébration du sabbat. Lev., xxiii, 32. C’était l’usage suivi chez plusieurs peuples anciens et en particulier chez les Athéniens. Pline, H. N., ii, 79 (188) ; Macrobe, i, 3 ; Saturn. , i, 3 ; Aulu-Gelle, Noct. attic., m. 2. C’est encore l’usage que suit l’Église pour l’office divin. C’est pourquoi le jour de 24 heures est souvent indiqué dans la Bible par l’expression’éréb bôqér, « soir (et) matin, » que les Septante traduisent par le mot vu-/91îu.spov. Dan., viii, 14. Cf. II Cor., xi, 25.Le mot yôm, comme les mots-fiiiépa et dies, est cependant employé pour désigner :

— 1. tantôt le jour de 24 heures, Gen., viii, 3, 4, 12 ; vin, 3 ; xvii, 12 ; Exod., vii, 25, xii, 3 ; Lev., vii, 17 ; xiii, 5 ; Jos., i, 11 ; ii, 16, etc. ; — 2. tantôt le temps pendant lequel la terre est éclairée par le soleil, par opposition à la nuit, Gen., i, 5 ; Amos, v, 8 ; Ps., xix (xviii), 3 ; Job, iii, 4 ; xvii, 12 ; Jon., ii, 1 ; Matth., xir, 40 ; xx, 12, etc. — 3. Sur le sens du mot « jour » dans le récit de la création, Gen., i, 5, etc., voir Cosmogonie, t. ii, col. 1051.

2° Tout en admettant, conformément à l’opinion générale, que le jour ordinaire des Hébreux commençait le soir, Ideler, Handbuch der mathematischen und technischen Chronologie, in-8°, Berlin, 1825, t. i, p. 482-484, pense que le point de départ était non le coucher du soleil, mais la nuit complète. Il invoque en faveur de son opinion le texte relatif au Jour des Expiations, qui était le dixième jour du septième mois. « Dès le soir du neuvième jour jusqu’au soir suivant, vous célébrerez votre sabbat. » Lev., xxiii, 32. Voir Expiation (Fête de l’), t. ii, col. 2136.

Si le jour civil, dit-il, avait commencé au coucher du soleil, le législateur aurait dit au soir du dixième jour. II ne peut parler du neuvième jour qu’en supposant que

le mot’éréb désigne la dernière partie de l’après-midi et appartient au jour précédent. Ideler voit une confirmation de sa manière de voir dans l’expression : « entre les deux soirs, » qui désigne le temps où doivent être célébrés la pâque et le sacrifice du lendemain. Exod., xii, 6 ; Num., ix, 3 ; xxviii, 4. Sur le sens de cette expression, les sectes juives différaient. Les pharisiens, dont les Juifs d’aujourd’hui suivent encore l’interprétation, pensaient que le temps ainsi désigné était celui qui s’écoule entre la neuvième et la onzième heure, c’est-à-dire, d’après notre manière actuelle de compter, entre 3 heures et 5 heures de l’après-midi. Les Samaritains, au contraire, pensaient qu’il s’agissait du temps compris entre le coucher du soleil et la nuit noire. Ils s’appuyaient sur un passage parallèle, Deut., xvi, 6, où le coucher du soleil est indiqué comme l’heure de la Pâque. Les Caraites comptaient comme les Samaritains. A. Reland, Dissertationes Miscellanex, t. ii, De Samaritanis, 22, in-8°, Utrecht, 1707 ; J. Trigland, De Karseis, iv, in-8°, Leyde, 1703. Cependant tous ces passages peuvent très bien s’accorder avec l’opinion qui fait commencer le jour hébraïque au coucher du soleil. L’expression « entre les deux soirs » désignait très probablement le temps très court qui s’écoule en Orient entre le coucher du soleil et la nuit complète. Peut-être aussi faisait-on commencer un peu plus tôt la fête des Expiations, à cause des longs préparatifs que nécessitaient les sacrifices. On trouve aussi l’expression renversée ïjjj.spovôxTiov, Ps. I, 2, pour indiquer le jour et la nuit pendant lesquels on doit invoquer le Seigneur.

3° Les jours de la semaine n’étaient pas désignés par des noms spéciaux, on comprend aisément pourquoi. Chez tous les peuples où existent ces noms, ils sont empruntés à des divinités à qui ces jours sont consacrés. Pareilles dénominations ne pouvaient exister chez le peuple hébreu qui adorait le Dieu unique. Les jours otaient numérotés de façon à ce que le sabbat fût le septième. Les fêtes étaient indiquées par le mot « jour » suivi d’un autre mot qui rappelait la nature de la fête. C’est ainsi qu’on disait : « le jour des Sorts, » Esth., ix, 28, 31 ; « le jour de la Purification, des Tabernacles, des Azymes, de la Préparation, de l’Expiation, de la Pâque, de la Pentecôte, » etc. Num., xxviii, 26 ; xxix, 1 ; xxxiii, 3 ; Lev., xvi, 29, ’xxvi, 21 ; II Mach., i, 9 ; x, 5 ; Luc, xxii, 1, 7 ; xxiii, 54 ; Act., ii, 1 ; xx, 16, etc.

4° Le jour servait d’unité pour mesurer la longueur du chemin. Exod., iii, 18 ; v, 3 ; Jon., iii, 3, 4 ; Luc, ii, 44. Il était divisé en parties portant des noms particuliers et en heures. Voir Heure, t. iii, col. 683.

5° Le mot jour suivi d’un génitif indique un événement mémorable, une bataille, un désastre. Ps. cxxxvi (cxxxvii), 7 ; Is., ix, 4 ; Ezech., xxx, 9 ; Ose., ii, 3 (hébreu, i, 11) ; II Mach., xv, 37. C’est ainsi que Jérémie, l, 27, 31, appelle le jour où Dieu châtiera ses ennemis : « leur jour. »

6° Au pluriel, le mot jour désigne une époque de l’année, les jours du printemps, de l’été, de la moisson, de la vendange. Eccli. L, 8, 9 ; xxiv, 35 ; Judith, ii, 17 ; vin, 3 ; Prov., xxv, 13, etc. Il est également employé pour signifier l’ensemble de la vie, l’époque, la période d’activité, etc. Dans ce sens, on le trouve même quelquefois au singulier. Gen., xxxv, 28, etc. ; xlvii, 9 ; jud., v, 6 ; xvii, 6 ; xviii, 1 ; I Reg. (I Sam.), xvii, 12 ; II Reg. (II Sam.), xxi, 1. De là, l’expression « les jours anciens », pour dire l’antiquité. Amos, IX, 11. De là aussi la longueur, la brièveté ou la rapidité des jours pour celle de la vie. Ps. xx (xxi), 5 ; xxii (xxm), 6 ; xxxviii (xxxix), 6 ; Job, ix, 25 ; xiv, 5 ; xvii, 1. Les annales dans lesquelles sont racontées l’histoire des rois de Juda et celle des rois de Jérusalem sont appelées le Livre des paroles (actions ! t’es jours des rois de Juda ou de Jérusalem. III ^I) Reg., xiv, 19, 20, 29 ; xv, 7, 23, 31 ; xvi, 5, 14, etc.

7° Pour exprimer l’avenir d’une manière indéfinie les prophètes se servent de l’expression : « en ce jour-là. » Is., ii, 11, 17 ; vii, 18, x, 27 ; Jer., iv, 9 ; Amos, ii, 16, etc. — La fin des jours désigne le moment où s’accomplira la prophétie et par conséquent s’applique à des périodes différentes, spécialement aux temps messianiques ou à la fin du monde. Gen., xlix, 1 ; Deut., iv, 30 ; Dan, iv, 31 ; Ose., iii, 5 ; Mich., iv, 1, etc.

8° Le jour du Seigneur est tantôt le temps de sa colère, Is., xiii, 13 ; Joël, ii, 11, 31 ; Amos, v, 18, 20 ; Sophon., i, 14-16 ; le temps de sa vengeance, du jugement ou du carnage. Is., xxx, 25 ; xxxiv, 8 ; Lam., i, 12 ; ii, 1. Cependant c’est quelquefois le jour de la consolation ou du salut. Is., xlix, 8 ; Lam., i, 21.

9° Dans le Nouveau Testament, pour dire vers cette époque, on trouve souvent les mots : t en ces jours-là. » Luc, i, 39 ; ii, 1 ; Act., iii, 24, etc. Le jour du Christ est parfois son avènement sur la terre, le temps de son incarnation. « Abraham a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour. » Joa., viii, 56. « Il faut que je fasse mes œuvres tandis qu’il fait jour, » Joa., ix, 18, c’est-à-dire pendant que je suis sur la terre. Ailleurs ces mots signifient le dernier avènement, le jour du jugement dernier ; Phil., 1. 10. La fin du monde, le jour où le Christ viendra juger les vivants et les morts, est encore désigné par ces mots : « le jour, ce jour, » Heb., x, 25 ; Matth., vii, 22 ; II Tim., i, 12 ; « le dernier jour, » Joa., vi, 39, 40, 44 ; xi, 24 ; « le jour du jugement, » Matth., xi, 22 ; Joa., iv, 17 ; « le jour de la colère, » Rom., ii, 5 ; « le jour du Seigneur, » II Thess., ii, 2 ; cf. Luc, xvii, 22, 24, 30 ; Act., ii, 20 ; Rom., ii, 16 ; II Cor., i, 14 ; Apoc, vi, 17, etc. ; « le jour de Dieu. » II Pet., iii, 12. C’est évidemment par allusion au « jour du Seigneur », dans le sens de jour du jugement, que saint Paul, I Cor., IV, 3, emploie l’expression « le jour de l’homme »,-jm> àvôpwm’vï] ; TjHÉpaç, pour signifier un jugement humain.

10° Le contraste entre le jour et la nuit a donné lieu à certaines expressions métaphoriques. Les chrétiens sont « les enfants du jour », c’est-à-dire de la vérité et des bonnes œuvres, tandis que l’erreur et le mal sont « les œuvres de la nuit ». I Thess., v, 5, 8. Cf. Rom., xiii, 13. Le jour est le temps du travail. Joa., ix, 4 ; xi, 9. Par contre la vie présente avec ses obscurités, au milieu desquelles la prophétie luit comme un flambeau, est comparée à la nuit, la réalisation de la prophétie sera la lumière du jour, II Pet., i, 19 ; le jour c’est le temps du salut qui approche. Rom., xiii, 12. « Tel fait une distinction entre les jours. Celui qui distingue les jours agit ainsi pour le Seigneur, » dit saint Paul. Rom., xiv, 5, 6. Enfin, dans Matth., VI, 34, se trouve le proverbe : « À chaque jour suffit son mal. » E. Beurlier.

    1. JOURDAIN##

JOURDAIN (hébreu : hay-Yardên ; Septante : ’Iop-Sâvïi « ; Vulgate : Jordanis), fleuve de Palestine (fig.291).

I/Nom. — Son nom, en hébreu, est toujours précédé de l’article, excepté dans deux passages, dans Ps. xlii (xli), 7, et Job, xl, 23 (Vulgate, 18). En ce dernier endroit, il désigne, non pas le Jourdain proprement dit, mais un cours d’eau impétueux en général. Hay-Yardên est dérivé du verbe yârdd, « descendre, » et signifie « le descendant », sans doute parce que la pente de son cours est très considérable et qu’il « descend » avec beaucoup de rapidité. Cette étymologie est aujourd’hui généralement admise. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 626. D’après saint Jérôme, Yardên serait composé de deux mots. « Le Jourdain, dit-il, Comment, in Matth., t. III, xvi, 13, t. xxxi, col. 114-115, prend naissance au pied du Liban, et il a deux sources, l’une appelée Jor et l’autre Dan, lesquelles réunies forment le nom de Jordanis. » Cette explication fut universellement acceptée, sur l’autorité du saint docteur, par les anciens pèlerins et par les commentateurs de l’Ecriture ; mais elle est certainement inexacte, comme l’a démontré

Adrien Reland, Palœstina, Utrecht, 1714, p. 271. Saint Jérôme suppose que Yardên est composé des deux mots IN’, Yê’ôr, et yi, Dan. L’une des sources du Jourdain se trouve en effet à Dan, mais la ville de Dan ne prit ce nom qu’à l’époque des Juges, auparavant elle s’appelait Lais, Jud., xviii, 29 ; or, le Jourdain portait déjà ce nom à l’époque d’Abraham. Gen., xiii, 10. On pourrait répondre, il est vrai, quoique ce soit invraisemblable, que ce fleuve est appelé ainsi dans l’Écriture par anticipation, ou, comme on dit, par prolepse ; ce qu’on ne peut, en tout cas, contester, c’est que la première syllabe de Yar-dên est totalement différente de Ye’ôr, ce second mot rentermant un aleph qui n’est pas dans Yar-dên. Ce qui a induit saint Jérôme en erreur, c’est qu’il a cru que Jor signifiait en hébreu « fleuve ou rivière ». « Jor quippe, dit-il, peïBpov, id est fluvium Sive rivutn Hebrsei vocant. » Onomasticon, édit. Larsow

lequel il est désigné aujourd’hui par les Arabes. On y ajoute quelquefois l’épithète A’el-qébîr, « le grand, » pour le distinguer de son affluent l’Hiéromax ou Yarmouk, connu des indigènes sous le nom de Scheriat eJ-Menadhiréh. Voir Newbold, The Lake Phiala ; the Jordan and ite sources, dans le Journal of the Royal Asiatic Society, t. xvi, 1856, p. 13.

II. Historique de l’exploration du Jourdain. — Le Jourdain, au point de vue physique et au point de vue religieux, occupe une place à part dans la géographie et dans l’histoire. Aucun autre fleuve du monde n’est sacré comme lui pour les Juifs et les chrétiens et, sur toute la surface du globe, aucun cours d’eau ne présente des caractères aussi extraordinaires et aussi singuliers. Cependant, jusqu’au XIXe siècle, il est resté une des rivières les plus mal connues, quoique son nom fût dans toutes les bouches et que des milliers de pieux

201. — Le Jourdain personnifié. Arc de triomphe de Titus, à Rome. D’après J. P. Bellori et J. J. de Rubeis, Veteres Arcua Augustorum, in-f 1, Rome, 1690, pl. 6.

et Parthey, 1862, p. 169. Or, les Israélites n’appelaient pas un cours d’eau ye’ôr. Ce mot est égyptien et désigne le Nil, et il n’est employé dans l’Ancien Testament que comme appellation du grand fleuve d’Egypte. Le nom

du Jourdain, ’i « ± 1 - Irduna, se lit en égyptien sur le papyrus Anastasi l (23, 1), publié par Fr. Chabas, Voyage d’un Égyptienen Syrie, in-4o, Paris, 1866, p. 206. Ct. W. Max Muller, Asien u.nd Europa, Leipzig, 1893, p. 97, 196. —Il est d’ailleurs à remarquer que l’Ecriture, qui fait précéder ordinairement les noms des cours d’eaux du mot nâhâr, « fleuve ou rivière » qui ne tarit point, ou bien nafral, s’il s’agit d’un torrent qui ne coule qu’après les pluies et tarit une partie du temps, sur les 198 fois qu’elle nomme le Jourdain, ne le qualifie jamais de nâhâr, et le nomme toujours simplement « le Jourdain » dans l’Ancien Testament. Dans le Nouveau, saint Marc seul l’appelle une fois, I, 5, itoxanôc, fluvius. La Vulgate traduit Jordanis fluvius, Jos., vii, 7 ; xili, 23 ; xv, 5 ; xxii, 25 ; flumen, Judith, I, 9, et fluenta Jordanis, Num., xiii, 30 (hébreu, yad, « rive » ) ; Jos., v, 1 (maim, « eaux » ) ; xiii, 8 ; Jud., vii, 25, mais c’est toujours une addition au texte original. — Dans les anciennes chroniques arabes, le Jourdain est appelé e-Vrdunn, défiguration de son nom hébreu. Reland, Palœstina, p. 271. Après les croisades, il reçut dans le pays le nom A’escli-Scherïah, « l’abreuvoir, » sous

pèlerins se fussent baignés dans ses eaux. La Bible ne nous en a laissé aucune description. On ne savait guère de lui que ce que nous en apprend Josèphe. Les auteurs prolanes l’avaient à peine connu de nom. Strabon, XVI, II, 17, édit. Didot, p. 642-643, s’est complètemeut mépris dans les deux lignes qu’il lui consacre dans sa Géographie.

Pendant les dix-huit premiers siècles de l’ère chrétienne, personne n’avait songé à l’étudier. Les innombrables relations de voyages en Terre Sainte étaient muettes sur tout ce qui regarde son cours et le régime de ses eaux. Beaucoup de pèlerins nous parlent du lieu traditionnel du baptême de Notre-Seigneur, où ils sont allés se baigner par dévotion, mais presque aucun n’a songé à parcourir les rives du fleuve, encore moins à les décrire. À la fin du vie siècle, Antonin le Martyr et saint Willibald, évêque d’Eichstadt, dans la première moitié du viii s siècle, descendirent toute la vallée du Jourdain depuis Tibériade jusqu’à Jéricho ; en 1100, le roi de Jérusalem Baudouin Ier suivit la même route en sens inverse avec une petite troupe de cavaliers ; mais de leur voyage nous n’avons que la mention.

Seetzen fut le premier qui découvrit de nouveau en 1806 les sources du Jourdain, et ce n’est qu’en 1852 que Ed. Robinson et Smith décrivirent le véritable cours des trois sources du fleuve. Le rabbin Joseph Schwarz, Tebu’ôp hd-’Arés, Jérusalem, 1845 (nouvelle édition par Luncz, Jérusalem, 1900), les aait décrites un peu 1707

JOURDAIN

avant eux, mais son livre avait eu peu de publicité, quoiqu’il fût traduit en anglais. La première tentative d’exploration du cours même du Jourdain fut faite en juillet 1835 par l’Irlandais Costigan ; il le descendit en bateau depuis le lac de Tibériade jusqu’à la mer Morte inclusivement ; il mourut de fatigue à son retour à Jérusalem. Douze ans plus tard, en août 1847, le lieutenant anglais Moljneux renouvela avec un petit bateau cet essai d’exploration et il eut le temps d’écrire une brève notice de son voyage, mais il mourut également de l’excès de fatigue bientôt après. Molyneux, Expédition to the Jordan and the Dead Sea, dans le Journal of the Royal Geographical Society of London, t. xviii, 1848, p. 104-130.

1708

1850 ; 9e édit., 1853. L’important rapport du D’H. J. Anderson sur la géologie de la Palestine fait partie de YOfficial Report. — Les officiers anglais, A. Conder et Kitchener (devenu plus tard lord Kitchener), envoyés en Terre-Sainte par la société du Palestine Exploration Fund, ont continué et complété les travaux des Américains, de 1872 à 1878, depuis Banias jusqu’à la mer Morte. Voir Survey of Western Palestine, Memoirs, 3 in-4°, Londres, 1881-1883.

III. Géologie du Jourdain.

D’après les géologues, la Palestine, pendant la période géologique appelée éocène, était complètement couverte par la mer. Elle émergea graduellement avec ses montagnes pendant la période miocène, et dans la seconde partie de cette

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292. — Coupes de terrain de la vallée du Jourdain. D’après Mac Coun, The Holy Land, caite i.

Les premières notions rigoureusement scientifiques sur le Jourdain, depuis sa sortie du lac de Tibériade jusqu’à son embouchure, nous ont été fournies par l’expédition que le gouvernement des États-Unis envoya en Palestine en 1848 sous la direction de W. F. Lynch. Elle descendit le fleuve en avril sur deux bateaux de métal construits exprès en aval du lac de Génésareth. La descente dura huit jours et demi. Voir Officiai Report of the United States’Expédition to explore the Dead Sea, and the River Jordan, by Lieut. W. F. Lynch, published at the National Observatory, Lieut. M. F. - Maury, Superintendent, in-4°, Baltimore, 1852. Cf. Ritter, Die Jordan and die Beschiffung des Todten Meeres, Berlin, 1850 ; Ed. Robinson, Physical Geography of the Holy Land, in-12, Londres, 1865, p. 153-156 ; Narrative of the late Expédition to the Dead Sea, frotn a Diary by one of the Party, edited by Ed. P. Montague, in-12, Philadelphie, 1849 ; W. F. Lynch, Narrative of the United States’Expédition to the River Jordan and the Dead Sea, in-8°, Philadelphie, 1849 ; 1 ? édit. Londres,

période, il se produisit, du nord au sud, une grande fissure ou faille qui subsiste encore, malgré des révolutions postérieures plus ou moins importantes, et qui est connue aujourd’hui sous le nom de Vallée du Jourdain et d’Arabah. Pendant la période pluviale, la dépression de cette faille augmenta ; elle descendit au-dessous du niveau de la Méditerranée et la vallée du Jourdain, inondée par la fonte des glaciers et des neiges du Liban et de I’Hermon et par des pluies torrentielles, forma un vaste lac d’environ 3220 kilomètres de longueur. « Vers la fin de l’époque pluviale, dit M. Ed. Hull, Metnoir on the Geology and Geography of Arabia Petrœa, Palestine, in-4°, Londres, 1886, p. 115, les eaux du lac intérieur atteignirent leur niveau le plus élevé, et comme les glaciers et les neiges disparurent du Liban et que les conditions physiques plus modernes s’établirent, les chutes de pluie diminuèrent en amont, et la superficie du grand lac s’amoindrit peu à peu, jusqu’à ce que la vallée du Jourdain devînt le lit de deux lacs de dimensions relativement petites et d’un cours d’eau qui les

onit » (fig. 292). Cf. T. Mac Coun, The Holy Land in Geography and History, 2 in-16, New-York, 1897, p. 1-3. La mer Morte ou lac Asphaltite est un reste du .grand lac ou de la mer primitive. On a calculé, d’après les dépôts de sable et les couches de coquillages fossiles qui se trouvent étagées dans les côtés de la vallée, que le niveau du grand lac était plus élevé de 425 mètres que la mer Morte actuelle et se trouvait ainsi de 30 mètres plus haut que celui de la Méditerranée. Fr. Buhl, Geographie des alten Palâstina, 1896, p. 35. On suppose, Hull, Geology, p. 112, que c’est à la fin de la période miocène ou au commencement Je la période pliocène que la mer Morte atteignit son nheau actuel et que, par

trois heures de marche au sud de la mer Morte. Là un seuil sépare le Ghôr de l’Arabah qui s’étend au sud jusqu’au golfe d’Akaba. Les eaux du Ghôr se déversent dans le Jourdain et dans la mer Morte, celles de l’Arabah se jettent dans la mer Rouge. L’Arabah atteint une hauteur de 240 mètres au-dessus du niveau de la mer Méditerranée.

Le bassin proprement dit du Jourdain comprend, à l’ouest, un peu moins de la moitié orientale du pays montagneux de Chanaan, d’une largeur de 22 à 29 kilomètres ; à l’est, tout le pays de Moab et de Galaad jusqu’à la frontière du désert d’Arabie, d’une largeur d’environ 60 kilomètres ; enfin, au nord-est, tout le pays de Basun

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293. — Les terrasses du Jourdain. D’après une photographie.

conséquent, le cours du Jourdain, dans ses traits caractéristiques, n’a subi aucun changement important pendant la période historique. Voir aussi Louis Lartet, Exploration géologique de la nier Morte, in-4°, Paris, (1878) ; Palestine (Géologie). — La dépression extraordinaire de la vallée du Jourdain n’a été découverte qu’en 1836-1837 par Henri von Schubert et Rofh, Reise in der Morgent and, 1836 and 1837, 3 in-8°, Erlangen, 1840, t. iii, p. 86. L’impossibilité de faire leurs observations barométriques révéla à ces deux savants, à leur grande surprise, que la mer Morte et le Jourdain à son embouchure sont bien au-dessous du niveau de tous les autres amas d’eau de notre globe.,

IV. Bassin du Jourdain.

La grande faille qui creusa la vallée du Jourdain se prolongeait jusqu’au golfe Élanitique dans la mer Rouge ; mais elle est divisée aujourd’hui en deux parties très distinctes qu’on appelle Elr Ghôr, « terre basse, crevasse, » et El-Arabah. Voir t. i, col. 820-828. Le Ghôr comprend toute la partie de la vallée qui s’étend depuis le lac de Tibériade jusqu’à

jusqu’à l’Hermon et aux montagnes du Hauran, sur une étendue de plus de 100 kilomètres. Le bassin du fleuve, dans sa totalité, et en y comprenant les affluents de la mer Morte, embrasse ainsi une superficie de 30 à 40000 kilomètres carrés, à peu près comme la Moselle, près de trois fois moins que l’Euphrate, quatre fois moins que l’Elbe, huit lois moins que le Rhin. Tous les affluents du bas Jourdain se déversent dans le Ghôr.

V. Vallée du Jourdain.

1° Description du Ghôr.

— La vallée du Jourdain, appelée A-iXiiv en grec, Eusèbe, Onomasticon, 1862, p. 80 ; V. Devit, Onomasticon, 1859-1867, t. i, p, 593, et nommée aujourd’hui el-Ghôr, par les Arabes, est unique au monde par sa dépression. Sa pente est presque uniforme du nord au sud, à raison d’un mètre et demi environ par kilomètre. La chaîne orientale et la chaîne occidentale des montagnes de la Palestine dont les sommets atteignent de 900 à 1 350 mètres (600 à 1050 mètres au-dessus de la Méditerranée), forment les limites de la

vallée généralement plate du Jourdain. Elle a au-dessous du lac de Tibériade une largeur de près de 6 kilomètres ; au nord de Bethsan, elle n’en a plus que 2 ; à Bethsan, elle a environ 13 kilomètres. Au sud de Bethsan, elle se rétrécit de nouveau et est réduite à 3 kilomètres. Elle s’élargit enfin en se rapprochant de la mer Morte où elle a de 19 à 23 kilomètres.

Terrasses du Jourdain.

Entre autres caractères

distinctifs de cette vallée, il faut signaler la formation particulière des berges du fleuve. Celui-ci avait autrefois, comme il résulte de ce que nous avons dit plus haut, col. 1708, un volume d’eau beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui, lorsque le climat de la Syrie était plus

Voir Faune, col. 1737. Sur les terrasses, voir Ed. Hull, Memoir on the Geology (Survey), p. 14-15, 79-81.

Zç Zôr.

La plaine même où coule le Jourdain

est appelée par les Arabes ez-Zôr, « coupure, courant. » Elle paraît avoir été formée par les déplacements du lit du fleuve, qui a rongé les flancs du Ghôr, tantôt à droite et tantôt à gauche, et en a emporté les débris dans son cours. La largeur du Zôr varie de 400 mètres à 3 kilomètres. Dans sa partie septentrionale, il est de 6 mètres à peu près au-dessous du Ghôr, de 15 à 30 mètres en aval du pont de Mudjamtéh et de 60 mètres du côté de la mer Morte. Le sol en est très fertile, excepté dans la partie méridionale où, à

294. — Oasis dans le Ghôr. Keraùa, arrosée par l’ouadï el-Farah, sur la route de Naplouse à es-Salt. Au milieu, v, un campement de Bédouins. D’après Van de Velde, Le pays d’Israël, 1857, pl.75.

humide qu’il ne l’est maintenant. L’ancien cours a donné naissance à des falaises, formées de sables d’un blanc jaunâtre, auxquelles on a donné le nom de terrasses (en arabe, fabaqât). — Dans la partie inférieure du cours du Jourdain, on remarque dans la vallée trois étages très distincts (fig. 293). L’ancien lit du fleuve, comme on peut en juger à l’extrémité septentrionale de la mer Morte par les couches de limon qu’on observe encore aujourd’hui sur le versant des montagnes, était large de plus de 20 kilomètres. — La plaine du second étage, qui, aujourd’hui encore, ist très rarement inondée, n’est couverte que de quelques broussailles et de maigres herbes. — Si l’on descend sur la rive actuelle, dix-sept mètres plus bas, on rencontre de véritables fourrés de tamaris, de peupliers blancs, de saules, de térébinthes et d’autres arbres aux’formes gracieuses, au milieu desquels pullulent’les joncs ef lés Mantes aquatiques (fig. 294). Pour pénétrer dans ces épa ; s’, fouillis, il’n’y a point d’autres sentiers que ceux quf oné été tracés par les sangliers qui vivent en troupes dans ces repaires.

quatre kilomètres en amont de l’embouchure du fleuve, il est rendu stérile par les matières salines qui y sont mêlées. On moissonne déjà en avril dans la plaine de Bethsan et dans celle de Jéricho. Dans sa partie inférieure, le Zôr est appelé par l’Écriture Kikkâr hay-Yardên, ou simplement hak-Kikkdr. Kikkdr signifie « rond, cercle », et, par extension, « district. » (Vulgate, . ordinairement : regio.) Dans l’Ancien Testament, pris dans cette acception particulière, il désigne : — 1° La plaine du Jourdain en général, II Reg., xtiii, 23 (Vulgate : via conipendii ; voir Achimaas 2, t. i, col. 140) ; II Esd., iii, 22 ; xii, 28 (Vulgate, dans ces deux passages, campestria) ; — 2° l’oasis particulièrement fertile où florissaient les villes de la plaine (huit fois), : Gen., xin, 10, 11, 12 ; xix, {%’25, 28,.29 ; Deut., xxxiv, 3 (Vulgate : ’latitudo). — 3° La partie de la plaine du Jourdain comprise ent^e ëochoth et’Sarthan, où se trouvait’le terrain argileux ilpiii se’servit HitanV pour fendre les vases en métal du’ié’mp’îé’çlç Salomon. Iil Reg., vii, 46 ; II Par., iv, 17. — La partie stérile des bords du Jour

dain porte dans l’Ancien Testament le nom de’Ardbâh. Ce mot signifie « désert » et, précédé de l’article, il devient le nom propre de la région stérile et déserte qui s’étend à partir de quelques kilomètres au-dessus de Jéricho jusqu’à Akaba, en y comprenant la mer Morte qui est pour cette raison appelée plusieurs fois « mer d’Arabah ». Deut., iii, 17, etc. Voir Ababah, t. i, col. 820.

— La plaine située à l’est du Jourdain, entre l’ouadi Nimrin (voir col. 1736) et la mer Morte, portait le nom de Sittîm, « les Acacias » (Vulgate : Setim et Settim). Voir Sétim. Elle a environ 24 kilomètres de long sur 10 à 12 de large. Voir S. Merrill, Modem Researches in Palestine, dans le Palestine Exploration Fund. Quar de leur vêtement humide, les immenses réservoirs accumulés dans les anfractuosités des rochers et dans les déchirures de la montagne n’en fournissent pas moins chaque jour leur contingent au Jourdain, sans tarir jamais avant le retour de l’hiver. Ces eaux fondues coulent dans les vallées avoisinantes ou bien pénètrent dans les canaux souterrains cachés dans les flancs de l’Hermon, pour apparaître au bas de ses pentes en ruisseaux jaillissants. Les sources qui sortent de la montagne et forment le Jourdain par la réunion de leurs eaux sont nombreuses, depuis le village d’Hasbeya au nord-ouest jusqu’au nord-est de Banias, mais il y en a trois principales auxquelles on réserve le nom de sources du Jour 295. — Cours du Nahr el-Hasbani. D’après de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, pl. 58.

terly Statement, 1879, p. 143-144. Sur tout le Ghor, voir Ed. Robinson, Physical Geography of the Holy Land, p. 66-95, 116-129. — Plusieurs explorateurs pensent que la vallée du Jourdain pourrait être cultivée et irriguée dans les parties qui sont maintenant stériles ; mais, comme le lit du Jourdain est plus bas que le sol, il faudrait pour y réussir, entreprendre des travaux considérables qui n’ont même pas été tentés jusqu’ici. , , VI. Sources du Jourdain. — On peut dire que l’Her, mon est le père du Jourdain. L, es neiges éternelles qui le couvrent (voir pol.. 634) alimentent, sans s’épuiser jamais, le fleuve de la Terre-Sainte. À l’époque même où, touj le pays qui l’entoure çst désolé et brûlé par les arflejurs du soleil d’Orient, le Dje’bel eschScheiJsfi, i la , montagne du, Scheikh ou le, mont du Vieillard, » comme ! l’appellent, e$ Arabes, , conserve sa couronne d’argent, .qui lui a yalu aussi, l’autre nom que lui donnent les anciens écrivains arabes’; ' Djebel et-Teldj, " « . Mont des i , ]}ïeîgeç. |i) » ’| Le’s., rayons du soleil.fondent.tous’.les jours jCesf.amas d’ejaux cpngejées, mais au plus fort même de , l’été, si les trois cimes qui le dominent çont dépouillées

dain : celle d’Hasbeya, celle de Tell el-Qadi et celle de Banias.

1° Source d’Hasbeya, — La première source du Jourdain, qui n’a pas été connue de l’antiquité (Furer de Haimendorf est le premier qui ait signalé la fontaine en 1566), se trouve près du village d’Hasbeya, situé à 670 mètres d’altitude dans une des vallées latérales de l’ouadi et-Teim. Bâti en amphithéâtre sur les deux penchants de la vallée, Hasbeya est entouré d’une couronne de verdure, car la vigne et l’olivier y croissent jusqu’au sommet de la montagne. Le raisin y abonde et sert aux’habitants à fabriquer ce sirop, si estimé des Arabes, qui’porte le nom de dibs ou « miel », parce qu’il en a la douceur. C’est à une demi-heure au, nord et au-dessous d’Hasbeya que prend naissance la source la plus septentrionale du Jourdain. Elle sort au baq dit flanc occidental de l’Hermon, à 563 mètres au-dessus du niveau de la mer, du pied d’un rocher, dé basalte, d’où elle se précîpite en formant lune cascade très pittoresque (voir t. ii, fig’. 98, col. 327)’, qui dévient un large ruisseau sous le nom de Nahr el-Hasbani (fig. 295), Ses eaux coulent avec

impétuosité, à travers la gorge profonde et étroite de l’ouadi et-Teim, pour se diriger vers la plaine fertile qu’il arrose au pied des montagnes de la Galilée septentrionale. Il reçoit dans sa course le tribut des sources nombreuses qui jaillissent de l’Anti-Liban et de l’Hermon. A neuf kilomètres environ au-dessous d’Hasbeya, le Tuisseau de’Aïn Seraiyib, qui sort de l’Hermon, lui fournit, à l’est, l’appoint considérable de ses eaux. Voir Ed. Robinson, Later BiblicalResearches, p. 415. Un peu plus bas, à peu près vis-à-vis de Khiyam, les rangées de collines de l’ouadi et-Teim disparaissent et la vallée s’élargit de manière à former une plaine large et assez unie. Le Nahr Hasbani, en sortant de la gorge pour pénétrer dans la plaine volcanique qui se dirige vers le Bahr el~ Hûléh, ne suit pas la partie la plus basse de cette plaine, mais continue son cours dans un lit qu’il s’est creusé dans le basalte à travers le plateau occidental qui est plus élevé. À un kilomètre et demi environ au-dessous d’el-Ghadjar, il y a un pont à trois arches sur la rivière. Le Nahr Hasbani reçoit encore plusieurs affluents avant de disparaître dans les marécages du Bahr el-Hûléh, entre autres le Nahr Bareighit, qui est formé par les sources de l Am Derdârah et de’Ain Hôs, près de Kuleiyéh, dans le Merdj’Ayùn. Son embouchure est sur la rive droite. Il est presque à sec en automne. — Sur le Nahr Hasbani, voir Newbold, dans le Journal of the Asiatic Society, t. xvi, 1856, p. 13-15 ; Ed. Robinson, Physical Geography of the Holy Land, in-12, Londres, 1865, p. 133 ; G. H. Whitney, Hand-Book of Bible Geography, 2e édit., in-12, Londres, 1872, p. 199200 ; L. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, in-4°, Paris, 1884, p, 560 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, t. i, p. 97.

2° Seconde source du Jourdain, le Leddan. — C’est la source que Josèphe appelle « le petit Jourdain ». Bell, jud., IV, 1, 1 (tbv nwpbv xa>oû|AEVov’IopSâvrjv, into cov Tîiç XpuariS ^ oa i vec&v). Elle prend naissance à 145 mètres d’altitude à Tell el-Qadi, l’ancienne ville de Dan. Le nom actuel de Tell el-Qadi n’est que la traduction du nom ancien, car Qadi et Dan signifient l’un et l’autre « juge », le premier en arabe, le second en hébreu ; Tell veut dire « monticule ». Tell el-Qadi est en effet une petite éminence, voir fig. 471, t. ii, col. 1243, qui émerge de la plaine entre deux plateaux et qui, au nord, la domine seulement de 10 à 12 mètres, tandis que, du côté du sud, elle s’élève de plus de 20 mètres. Elle est de forme oblongue et irrégulière, se dirigeant d’est en ouest ; de 320 mètres de long et de 250 de large ; elle forme la ligne de séparation entre le terrain de formation volcanique et le terrain calcaire. La plaine septentrionale est d’origine volcanique ; toute la plaine du Bahr el-Hûléh, au midi, est calcaire. Sur le Tell s’élevait autrefois la ville de Lais, connue plus tard sous le nom de Dan. Voir Dan 3, t. ii, col. 1240.

— Quand on arrive à Tell el-Qadi du côté de l’ouest, le premier objet qui frappe la vue est une grande source d’eau claire et limpide qui jaillit de l’extrémité occidentale de la petite colline entre des rochers basaltiques. Voir t. ii, fig. 470, col. 1241. C’est une des plus abondantes du monde entier. On l’a comparée à la célèbre fontaine de Vauctuse. L’eau s’écoule de là avec impétuosité, écumeuse et bouillonnante, dans un lit escarpé, et forme aussitôt un ruisseau deux fois plus considérable que le Nahr Hasbani. Cependant toutes les réserves d’eau ccrtenues dans le Tell ne s’échappent point par cette seule Issue. Sur le Tell même, plus haut que la grande source, en jaillit une seconde, voir t. ii, col. 1243, dans une cavité assez considérable et elle donne naissance à un autre ruisseau qui s’écoule par une fissure sur le bord de la colline et se précipite par le côté sud-ouest en faisant marcher des moulins. Les deux ruisseaux s’unissent aussitôt après et reçoivent le nom de Nahr el-Leddan. Le Leddan continue son

cours à l’ombre des arbustes épais qui croissent sur ses rives et au bout de huit kilomètres, il mêle ses eaux à celles du. Nahr Banias. À sa source, il est à 154 mètres au-dessus du niveau de la mer, il n’est plus qu’à 45 mètres à son confluent. Sa pente est donc en moyenne de quatorze mètres par kilomètre. Voir The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. i, p. 85, 139-142.

Troisième source du Jourdain à Banias.

La

troisième et dernière source du Jourdain est celle de Banias, ainsi appelée parce qu’elle prend naissance à Banias, l’ancienne Panéas ou Césarée de Philippe, à 369 mètres d’altitude. Voir t. ii, col. 450. C’est la plus orientale, la plus pittoresque et la plus-célèbre des sources du Jourdain, à quarante minutes environ de Tell el-Qadi. Banias est situé dans une gorge tranquille, au pied des dernières pentes méridionales de l’Hermon, dans un nid de verdure où la fraîcheur des eaux fait prospérer, avec les joncs et les plantes vivaces, l’olivier, le peuplier, le noyer et le laurier-rose. Au nord-ouest du village, à une petite distance, se dresse à pic un grand rocher calcaire, de trente mètres de hauteur. A sa base s’ouvre une large caverne nommée Mogharet er-Râs en-Neba, aujourd’hui obstruée par les énormes blocs de pierre qu’un tremblement de terre a violemment détachés de, la partie supérieure. On voit encore les restes de niches et d’inscriptions qui consacraient la grotte au dieu Pan. Voir t. ii, fig. 153, col. 451. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, 1. 1, p. 109-113 ; Victor Guérin, Galilée, t. ii, p. 310. Au-dessous, non plus de la caverne même, comme autrefois, mais en avant, les eaux sourdent de divers côtés, au milieu des rochers et des arbres, abondantes, claires, fraîches et délicieuses, visitées souvent par les troupeaux de brebis qui viennent s’y abreuver et auxquelles ce qui reste encore de la grotte sert d’étable. Voir, t. ii, fig. 154, col. 454. La fontaine donne aussitôt naissance à un ruisseau, qui s’unit au Nahr Banias et en prend le nom (fig. 296). Il se précipite en écumant et en mugissant au milieu des débris de rochers et des ruines amoncelées d’antiques édifices et il se dérobe bientôt au regard derrière le rideau d’épaisse végétation dont il couvre ses rives. Le volume de ses eaux est moindre que celui du Nahr el-Leddan, mais il est supérieur à celui du Nahr Hasbani et c’est pour cette raison sans doute que Josèphe et.les anciens n’ont connu que deux sources du Jourdain, celle de Dan et celle de Césarée de Philippe. L’historien juif s’est d’ailleurs trompé sur la véritable source du Nahr Banias. Il raconte, Bell, jud., III, x, 7, que le Panium ou la grotte de Pan n’est que la source apparente du fleuve, mais que ses eaux viennent en réalité, par une voie souterraine, du lac Phiala, à cent vingt stades de Césarée ; d’après lui, c’est ce qu’aurait démontré une expérience faite par Philippe, tétrarque de Trachonitide : ce prince fit jeter, dit-il, dans le lac Phiala de la paille et elle vint sortir à Panium. Cette fable, longtemps accréditée, est aujourd’hui reconnue fausse. Voir Survey of Western Palestine, Memoirs, t. i, p. 85, 109-113.

4° Confluent des trois sources du Jourdain dans le Merdj el-Hûléh. — Le confluent des trois rivières qui forment le Jourdain a été déterminé en 1852 par Edouard Robinson. « Jusqu’en 1852, dit-il, Physical Geography of the Holy Land, p. 138-139, on ignorait si les trois principales sources du Jourdain entraient séparément dans le lac Hûléh ou bien mêlaient leurs eaux au-dessus du lac. Pour résoudre le problème, au mois de mai de cette année, nous partîmes de Tell el-Qadi dans la direction du lac Hûléh à l’est du Leddan. Après avoir descendu un certain nombre de terrasses, à travers des champs très fertiles et bien arrosés, sans aucune trace de marécage, nous arrivâmes en une heure du Tell au Nahr Banias. Il coulait là avec rapidité dans une vallée

profonde, mais ouverte. Nous montâmes alors vers une plaine un peu plus haute à droite et bientôt nous tombions sur le Leddan, dont les eaux coulaient avec une grande rapidité, dans un lit profond et étroit, à quinze ou vingt pieds (^JSO à 6 mètres) au-dessous du niveau de la plaine. Il était presque caché par les roseaux et les arbustes qui bordent ses rives. Cinq minutes plus loin, nous étions au confluent des deux rivières, dans un endroit large et plat où s’étalent leurs eaux. Nous traversâmes alors le Leddan ; l’eau arrivait presque au ventre de nos chevaux. Dix minutes plus bas nous rencontrâmes le Bûreidj, très trouble, et nous le passâmes facilement. Enfin, à environ un mille (1600 mètres) du

une pente moyenne de 28 mètres par kilomètre. Pendant les six premiers kilomètres de son cours, cette pente est de 40 mètres. — Les trois rivières réunies se dirigent directement vers le sud et atteignent le lac Hûléh, l’antique Mérom, à peu près à quinze kilomètres plus loin. VII. Cours dd Jourdain.

1° Cours supérieur du Jourdain, depuis la réunion de ses trois sources jusqu’au lac de Tibériade. — Le Jourdain, grossi par la réunion de toutes ses sources, ne tarde pas à atteindre la plaine de Mérom ou Hûléh. Il pénétre dans une plaine qui a 25 kilomètres dans sa plus grande longueur et 10 kilomètres en moyenne de largeur. Çà et là jaillissent de petites fontaines. Lu Bahr el-Hûléh est au sud

296. — Source du Jourdain à Banias. — À gauche, peupliers bordant la source au nord. En haut, rochers détachés pour la plupart de la voûte de la grotte. L’eau jaillit du pied de la montagne sur une étendue de plus de vingt mètres au milieu des pierres et de plantes aquatiques, de joncs, de menthe, de ronces. L’eau coule par trois canaux qui sont couverts par les broussailles et vont se rejoindre un peu en amont du vieux pont donnant accès à Banias. — D’après une photographie de M. L. Heidet.

premier confluent, nous arrivâmes à YHasbani, à son confluent avec les deux autres sources déjà réunies. Cet endroit est à peu près à cinq milles (huit kilomètres et demi) de Tell el-Qadi, à un tiers de mille au nord de Tell Scheikh-Yûsef, le Tell le plus méridional au milieu de la plaine. — Nous estimâmes comme suit la valeur relative des trois rivières : celle de Banias est deux fois aussi grande que YHasbani, celle de Leddan, en y comprenant son tributaire le Bûreidj, est deux fois, sinon trois fois plus grande que celle de Banias. Audessous du confluent, le Jourdain paraît aussi large qu’au pont situé au-dessous du lac. Dans la basse plaine, le ruisseau de Banias est le plus clair, parce qu’il sert moins à l’irrigation ; l’eau du Leddan est d’une couleur trouble cendrée ; celle de YHasbani est boueuse et d’un jaune sombre. » Cf. Ed. Robinson, Later Biblical Researches, p. 393, 395. — Le Nahr Banias est, à sa source, élevé de 330 mètres au-dessus du niveau de la mer. À son poin*, de jonction, il ne l’est plus que de 45, ce qui donne

de la plaine. Il a, en réalité, 6 kilomètres de long, et, en moyenne, autant de large, mais sa longueur parait beaucoup plus considérable. Cette illusion d’optique provient de ce que, à son extrémité septentrionale, s’étend un vaste terrain marécageux, qui semble en être un prolongement, parce qu’il est recouvert de joncs et de roseaux verdoyants, au milieu desquels serpentent de petits ruisseaux, formant par places de petits étangs. La végétation y est si touffue qu’il est impossible de pénétrer dans ce fouillis. Le papyrus d’Egypte y croit en abondance. Nulle part, ailleurs, on ne trouve des oiseaux en aussi grand nombre : toutes les espèces de Syrie y sont réunies.

Le véritable lac a la forme d’un triangle, dont les deux pointes septentrionales regardent l’est et l’ouest ; la troisième est tournée vers le sud. Les savants anglais qui ont mesuré la Palestine ont constaté que ses eaux ne sont élevées que de deux mètres environ au-dessus du niveau de la mer ; c’était à tort qu’on les croyait aupara

vant plus hautes. Leur profondeur est médiocre, elle varie entre 3 et 5 mètres. Sur le lac Hûléh, voir J. luac Gregor, The « Rob Roy » on the Jordan, Londres, 1869 ; 5e édit., 1880.

Du lac de Mérom au lac de Tibériade, la distance est d’environ 16 kilomètres. Quoiqu’il n’y ait aucune chute, la pente du fleuve est très rapide. Élevé d’environ 2 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée, au Bahr-el~Hûléh, comme on vient de le voir, au Djisr Benat-Yakûb, « Pont des filles de Jacob, » il est à 13 mèlres au-dessous et au lac de Génésareth, à 208. Saunders, An Introduction to the Survey of Western Palestine, p. 144, 177. Au sud du Bahr el-Hûléh, le

se ralentit et devient sinueuse jusqu’à ce qu’il entre, du côté de l’est, dans le lac rendu si célèbre par l’Évangile, le lac de Génésareth ou de Tibériade. C’est là que finit le cours supérieur du Jourdain. Son cours moyen et son cours inférieur comprennent l’espace qui s’étend entre ce lac et la mer Morte. Dans la plaine d’el-Bafihah, il est guéable en plusieurs endroits, ainsi qu’à son embouchure dans le lac, où il est aussi particulièrement poissonneux.

2° Cours moyen du Jourdain. Du lac de Tibériade à Qum Sartabéh. — Le Jourdain, en entrant dans le lac de Tibériade (fig. 297), semble continuer d’abord sa course sans mêler ses eaux troubles et torrentueuses avec celles

297. — Entrée du Jourdain supérieur dans le lac de Tibériade. — À l’arrière-plan, les montagnes a l’ouest du lac, au pied desquelles, sur le rivage, sont les ruines d’El-Kérak’(Tarichée), Senn-en-Nibréh (Sennobri), Tibériade et Magdala. À droite, l’extrémité du rivage nord-est bordantla rive gauche du fleuve. Plus à gauche, ruines — D’après une photographie de M. L. Heidet.

Jourdain coule au milieu d’une petite plaine cultivée, à travers laquelle passe la route des caravanes qui de Saint-Jean-d’Acre et de Caïpha conduit à Damas. C’est l’antique voie de communication entre les pays qu’arrosent l’Euphrate et le Nil, la via maris du moyen âge. II y avait là un gué au temps des Croisades. On y voit aujourd’hui le Pont des filles de Jacob, construit probablement au IVe siècle, d’après Ed. Robinson, Geography, p. 141. Il se compose de trois arches en basalte. Le fleuve, à cet endroit, a environ 25 mètres de largeur. A partir de là, la dépression s’accentue. Immédiatement après, les montagnes de Safed à l’ouest et de la Gaulonitide à l’est se rapprochent tellement qu’elles ne laissent au Jourdain qu’un étroit passage pour continuer sa marche vers le sud. Mugissant, écumant, il se précipite avec une rapidité extraordinaire le long de cette gorge resserrée et impraticable qui a environ 10 kilomètres de longueur, jusqu’à ce que, trois kilomètres avant d’arriver au lac dé Génésareth, il entre dans la plaine fertile d’el-Bafihah on de Bethsaïde. Là, sa course

du lac, ce qui a donné naissance à la fable qu’il le traversait intact ; mais le mélange ne tarde pas cependant bien longtemps à s’opérer. À l’époque de la fonte des neiges, il élève le niveau du lac d’environ quinze centimètres. Le lac lui-même a une superficie de 170 kilomètres carrés ; sa plus grande profondeur est de 47 mètres, d’après les constatations certaines. Voir Barrois, Compte rendu des séances de la Société de Géographie, 1893, p. 453 ; Buhl, Géographie, p. 37. Sa longueur est de 21 kilomètres ; sa largeur de 9 kilomètres et demi. Voir Tibériade (Lac de). Le fleuve sort du lac à son extrémité sud-ouest (fig. 298). Son cours moyen s’étend de là à Qurn Sartabéh. Il se dirige d’abord vers l’ouest et ensuite vers le sud. Il coule maintenant dans la vallée appelée le Ghôr, au milieu d’une double chaîne qui s’étend à l’est et à l’ouest, en laissant entre elle, un espace, tantôt large, tantôt étroit. Jusqu’à la mer Morte, il lait de nombreux détours. C’est comme l’appelle Pline, H. N., v, 15 (71), l’amnis ambitiosus ou sinueux, qui semble, ajoute-t-il, ne se rendre que malgré lui à la mer

Morte, velut invitas Asphaltiten lacutn dirum natura petit. La distance qu’il parcourt, depuis sa sortie du lac jusqu’à la mer Morte qui l’absorbe, est, en ligne droite, de 104 kilomètres, mais ses méandres sont si nombreux qu’ils font plus que tripler la longueur de son cours. Ses eaux agitées et toujours plus ou moins limoneuses se précipitent avec rapidité, surtout au sortir des coudes de la route qu’elles sont forcées de suivre. Quand les détours sont trop brusques, elles forment des remous qu’il est fort dangereux d’essayer de franchir à la nage et que l’on ne peut passer à gué, parce que leur profondeur est d’ordinaire de trois mètres. « Du lac de Tibériade à la mer Morte, lisons-nous dans Montague, Narrative of the Expédition to the Dead Sea, p. 182-183, il y a en droite ligne

Officiai Report, p. 19, 50. À part certaines parties où le Jourdain est resserré, la vallée est plus ou moins large. La rivière ne coule pas d’ordinaire au milieu du Ghôr, mais plus du côté oriental que du côté occidental.

Peu après sa sortie du lac de Tibériade, le fleuve traverse la route qui fait le tour de cette partie du lac. On le franchissait autrefois en cet endroit, au moyen d’un pont de dix arches, le Djisr es-Semàkh, « Pont de Semakh » (du nom d’un village voisin, situé à un kilomètre et demi au sud du lac). On en voit encore les ruines (fig. 299), désignées sous le nom AeUmm el-Qanatir, n. la mère des arches. » Lortet, Syrie, p. 515. Un peu moins d’un kilomètre plus loin se trouvent les ruines d’un second pont, appelé Djisr es-Sidd, dont il reste encore une partie des piles. La traversée du Jourdain est du

298

Le Jourdain au-dessous du lac de Tibériade et ruines de Djisr-es-Sidd. — À droite, rive orientale ; à gauche, rive occidentale Six piles du pont, en pierres de basalte et ciment très dur. — D’après une photographie de M. L. Heidet.

soixante milles, mais nous avons parcouru entre ces deux points, en suivant le cours du Jourdain, une distance de deux cents milles. Le fleuve fait tant de circuits que, à certains jours, après une dure journée de travail, nous étions encore presque en face de notre point de départ. Quelquefois nous étions enfermés entre des montagnes hautes et stériles, quelquefois nous voguions doucement au milieu d’une vallée luxuriante, là où le fleuve a ses détours brusques et dangereux, ou au milieu de fourrés qui nous obligeaient à nous coucher à plat ventre sur le bateau pour ne pas être pris dans les branches qui se croisaient au-dessus de nous et que la rapidité et l’impétuosité du courant ne nous laissaient pas le temps de couper. D’autres fois, la hache à la main, nous nous frayions en taillant notre route. Puis nous étions de nouveau emportés par de terribles rapides et lancés dans des chutes à pic de douze à quinze pieds de haut, dont nous n’échappions qu’à moitié noyés. »

Les rapides commencent aussitôt après avoir passé le Djisr es-Semakh, ils sont fort nombreux et quelques-uns très dangereux, comme on le verra plus loin. Voir

reste facile dans ces parages, parce qu’il y a plusieurs gués.L’un d’eux se trouve près du Djisr es-Semakh ; il yen a un autre immédiatement au-dessous du village d’Abebdisréh. On remarque là plusieurs rapides. Yoir Lynch, Officiai Report, p. 16, 17 ; Narrative, 1849, p. 156. À ce point, le volume d’eau diffère notablement selon les saisons. Quand Lynch descendit le Jourdain au mois d’avril, il coulait là à pleins bords. Quand Molyneux le visita aux derniers jours d’août, on aurait pu en beaucoup d’endroits passer le fleuve à pied sec en sautant de rocher en rocher. Molyneux, dans le Journal of the Geogr. Society, t. xviii, p. 108, 109, 115.

A huit kilomètres environ au-dessous du lac, le Yarmouk ou Hiéromax, appelé aujourd’hui Scheriat el* Menadhiréh, presque aussi grand que le Jourdain, se jette dans le fleuve, dont il est le plus grand affluent oriental. Le Yarmouk n’est pas nommé dans l’Écriture, mais seulement dans le Talmud, Mtichna, Parah, viii, 9, et dans Pline, H. N., v, 16. Cf. V. De-Vit, Onomasticon, t. iii, 1883, p. 391. Son nom actuel de Scheriat el-Menadhiréh, « l’abreuvoir des Menadhiréh, » lui vient d’une tribu qui campe sur ses rives. Le pays de Galaad>

sur la rive orientale du Jourdain, est plus riche en sources que le pays à l’ouest du fleuve. Le Yarmouk est formé par l’affluence d’un grand nombre de ruisseaux qui prennent la plupart naissance dans les montagnes du Djolan. L’un de ces ruisseaux est nommé dans l’Écriture, c’est le torrent de Raphon. I Mach., v, 37, 39, 40, 42. Voir Raphon. À quatre kilomètres environ en amont de son confluent, l’Hiéromax reçoit les sources thermales d’Amatha (el-Hamméh). Les eaux chaudes d’Amatha, de hamaf, « chaleur, » dans le voisinage de Gadara, ne sont pas mentionnées dans l’Écriture, mais seulement dans le Talmud de Jérusalem, Erubin, v, 7 ; dans Josèphe, Bell, jud., 1, vi ; dans Eusébe et saint Jé qui vient du mont Thabor, et l’oicadi eVArab, qui vient du pays de Galaad, se jettent dans le Jourdain, le premier sur sa rive droite, le second sur sa rive gauche. Le Nahr Djalùd, qui prend sa source au pied du Gelboé et près de Jezraél (voir Harad, col. 421), apporte le tribut de ses eaux au fleuve au-dessus de Bethsan. Dans les environs de Bethsan étaient des gués très fréquentés. Un peu au-dessus du confluent du Nahr Djalâd et du Jourdain, on remarque celui qui porte le nom d’Abârah, « passage, » et qui, d’après certains interprètes, serait l’endroit où baptisait saint Jean-Baptiste. Voir Béthabara, t. ii, col. 1647.

Le Jourdain, en continuant sa course, rencontrait

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290. — Pont en ruines de Semakh. D’après Lynch, Narrative of the United States’Eocpedition, p. 176.

rôme, Onomast., édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 26, 27. — Sur quelques autres affluents du Jourdain moins importants, voir Buhl, Géographie, p. 38-39.

A un kilomètre et demi environ au-dessous de l’embouchure du Yarmouk se trouve un pont en pierres volcaniques qui date de 1 époque sarrasine. Il est encore praticable. C’est le Djisr-el-Mudjàmiéh, ou « Pont des Réunions (du marché) ». Il se compose d’une grande arche en pointe et de deux plus petites ; ces dernières supportent chacune trois petites arches (%. 301). Le fleuve est moins large en cet endroit qu’au pont placé au-dessous du Bahr el-Hûléh. C’est là que passe la route des caravanes qui conduit de Bethsan à Damas. Molyneux, Journal, p. 112 ; Lynch, Officiai Report, p. 20 ; Éd. Robinson, Geography, p. 144. À partir de là, le Jourdain continue sa route, grossi par l’apport de l’Hiéromax, mais moins rapide, jusqu’à Sakût et à Vouadi Maléh. Depuis Abârah jusqu’à Vouadi Maléh, la vallée du Jourdain ou Ghôr supérieur est large et très fertile, surtout dans la plaine de Bethsan. Au-dessus d’Abârah, deux torrents de montagne, Vouadi el-Biréh,

une Sochoth, située probablement sur sa [rive droite, III Reg., vii, 46, puis il recevait le Jaboc sur sa rive gauche. Voir Jaboc, col. 1056. — Près de l’embouchure de cette rivière, il y avait, selon toute vraisemblance, une autre Sochoth, Gen., xxxiii, 17 ; Jud., viii, 4-5, etc., dans le voisinage de la route qui allait directement de Sichem, par le Ghôr, à Ramoth-Galaad r J’es-S’a£< d’aujourd’hui. A une centaine de pas du ht actuel du Jourdain, à l’est, on voit les ruines d’un vieux pont romain, le Djisr-Dàmiéh. S. M.errill, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1879, p. 138-139. Ce pont fournit la preuve palpable d’un fait constaté en plusieurs autres endroits : c’est que le fleuve a souvent changé son cours dans le Ghôr. — Il y a non loin de là, un peu au-dessous, vis-à-vis de l’embouchure de Vouadi Farah, un gué, peut-être celui où les Éphraïmites lurent massacrés du temps de Jephté par les habitants de Galaad. Jud., xii, 5. À l’époque de Notre-Seigneur, les pèlerins de la Galilée qui, pour éviter la Samarie, faisaient un détour par la vallée du Jourdain, traversaient sans doute le fleuve par ce gué ou par le pont

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300. — Carte du cours du Jourdain.

1727

JOURDAIN

1728

voisin de Damiéh. Il y a là aujourd’hui un bac, excepté au moment de l’inondation, Survey, Memoirs, t. ii, p. 385. — L’ouadi Far’ah ou Farah est un des principaux affluents occidentaux du Jourdain ; il prend sa source au nord-est de PHébal et du Garizim et coule sans jamais tarir au milieu des lauriers-roses, jusqu’à ce qu’il se jette dans le fleuve, un peu au-dessous du Jaboc.

Au sud du Djisr Dâmiéh, les montagnes se resserrent aussitôt à l’est et à l’ouest et rétrécissent considérablement la vallée. Un contrefort montagneux s’élance, en forme de promontoire (Survey, Memoirs, t. ii, p. 381), du haut plateau de la Samarie et s’avance dans la vallée

lement, dans le voisinage des sources, il y a quelques oasis. Les nombreux replis que dessine le fleuve sont aussi marqués par une bande verte de roseaux et d’arbres, mais elle est plus étroite et moins luxuriante que dans la partie septentrionale.

Le cours du Jourdain continue à être très rapide jusque proche de son embouchure. Â mesure que son lit s’élargit, les remous diminuent. Il est de 37 à 38 mètres au sud de Qurn Sartabéh, et de 75 mètres à son embouchure, avant de se diviser en deux branches. La profondeur de l’eau diminue de plus en plus aux abords de la mer Morte, où elle n’a plus qu’un mètre environ. En même temps les montagnes se reculent de

301. — JJjisr el-Muâjamiéh, ancien pont sur le Jourdain. — À droite, rive orientale ; à gauche, rive occidentale. Au fond, les montagnes du côté ouest de la vallée du Jourdain (Basse Galilée). À gauche, au haut de la berge, un khan abandonné. Autour, ruines des dakâkim ou boutiques pour les marchands venant au marché. Sur les rives, lauriers-roses et joncs. — D’après « ne photographie de M. L. Heidet.

d’ouest en est. Il porte le nom de Qurn Sartabéh. C’est un des points les plus élevés de la Palestine ; il a une hauteur de 379 mètres au-dessus du niveau de la mer et de 626 mètres au-dessus du Jourdain. D’après le Talmud, c’est sur le sommet du Qurn Sartabéh, que des feux allumés comme signaux annonçaient aux Juifs l’apparition de la nouvelle lune. Voir Neubauer, Géographie du Talmud, p. 42 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 381, 388 ; Fr. Buhl, Géographie, p. 25, 103. Plusieurs pensent que lajville de Sarthan, où Salomon fit fondre les vases sacrés destinés au service du Temple, III Reg., vii, 46, était située un peu au nord de la montagne. Le terrain marneux et argileux du Ghôr se prêtait avantageusement à cette opération.

Cours inférieur du Jourdain.

Le cours intérieur

du fleuve, commençant à Qurn Sartabéh et finissant à la mer Morte, a une longueur d’environ 22 kilomètres. Le caractère de la vallée s’altère d’une manière notable. Jîlle devient plus sauvage et plus stérile. Çà et là seu chaqug côté et la vallée s’agrandit, surtout à l’ouest.

L’Écriture donne à la partie occidentale de la vallée le nom de’arbôf Yerihô (Vulgate : campestria Jéricho), « plaine ou désert de Jéricho, '> dans Jos., iv, 13 ; v, 10, et planifies Jéricho, dans IV Reg., xxv, 5. La plaine plus petite, à l’est du fleuve, est appelée aussi’arbôt Mô’âb (Vulgate : campestria Moab). Num., xxii, l, etc. ; Deut., xxxiv, 1, 8 ; Jos., xiii, 32. Sur le sens précis du mot’arbôt, voir Arabàh, t. i, col. 820-821.

Prés de son embouchure, les bords du Jourdain sont stériles et dénudés. Pendant les quatre derniers kilomètres de son cours, la végétation disparaît. On voit seulement surgir çà et là, de la vase, des troncs d’arbres morts avec leurs branches décharnées. Pendant la saison chaude, cette vase se couvre d’une croûte de sel et de gypse. On y rencontre aussi des couches de soufre et d’oxyde de fer, ce qui en explique la stérilité. — Les débris d’arbres qu’on rencontre partout sont le butin recueilli par le fleuve dans sa course. « Les bords du Jourdain,

dans presque toute la vallée du Ghôr, sont taillés à pic et formés par une glaise jaunâtre, molle et peu résistante ; aussi, tous les printemps, au moment des crues violentes, les arbres placés trop près du fleuve sont-ils entraînés en quantité considérable ; quelques-uns, flottant au fil de l’eau, parviennent sans encombre jusqu’à l’estuaire. Beaucoup, au contraire, s’entassent les uns sur les autres, s’enchevêtrent d’une manière inextricable et forment des îles, hautes de plusieurs mètres, qui peuvent résister pendant plusieurs années à la force des flots. Ces épaves sont ensuite reprises et charriées au lac. Ainsi s’expliquent les digues de bois flottés que l’on trouve sur tous les rivages de la mer Morte. » L. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, 1881, p. 447.

Le Jourdain, dans la dernière partie de son cours, reçoit comme affluents, sur sa rive droite, Vouadi Fasaïl, dont le nom’rappelle celui de la ville hérodienne de Phasæl, Vouadi el-Aûdjéh, Vouadi en-Nûaiméh, qui prend sa source à l’Ain ed-Dùq (voir Doch, t. ii, col. 4455) et Vouadi el-Qelt que beaucoup croient être le torrent de Garith, Voir Carith, t. ii, col. 286. Les affluents principaux de la rive gauche sont Vouadi Ntmrin, dont le nom conserve le souvenir de la Bethnemra biblique (t. i, col. 1697), Vouadi Ke frein et Vouadi Hesbân qui prend sa source dans les collines voisines d’Hésébon dont il porte le nom (col. 659).

Le cours inférieur du Jourdain possède, "en dehors de l’époque de la crue, un certain nombre de gués qu’il est , facile de passer. Voir Gués du Jourdain, col. 1734.

Les rapides du Jourdain.

Comme nous l’avons

remarqué, col. 1721, les rapides sont nombreux dans le cours moyen et dans le cours inférieur du Jourdain. L’expédition américaine en compta vingt-sept dangereux et plusieurs autres de moindre importance, sans parler des brisants et des écueils qui sont très multipliés et de l’impétuosité du courant qui aggrave le péril. Lynch ne réussit qu’avec la plus grande difficulté à le descendre dans ses deux barques construites exprès, l’une en fer, le Fanny Mason, et l’autre en cuivre, le Fanny Skinner. On peut juger des obstacles qu’il dut surmonter par la description qu’a faite cet officier du passage du rapide situé en amont de l’embouchure du Yarmouk. On songea d’abord à transporter les canots au-dessous du rapide par terre, en suivant les rives du fleuve, mais la rivière étant encaissée entre deux hautes collines, il fallut y renoncer. La cascade avait onze pieds (3 mètres 35) de hauteur. « À cet endroit, raconte Lynch, Narrative, 1850, p. 189-190, il y avait une espèce de promontoire d’un angle d’environ soixante degrés, avec un rocher renflé en avant et menaçant, à ses pieds, juste dans le passage. Il était donc nécessaire de tourner presque à angle aigu en descendant, afin d’éviter d’être brisé en morceaux. Ce rocher était à l’extrémité extérieure d’un gouffre, véritable chaudière écumante, dans laquelle l’eau roulait en remous circulaires. Au dessous, il y avait deux rapides violents, d’environ cent cinquante yards (137 mètres) de longueur chacun, avec des pointes de rochers noirs émergeant au-dessus de la surface blanche et agitée. Au-dessous de ceux-là encore, à un mille (1600 mètres), deux autres rapides plus longs mais en pente plus douce et moins difficile. Heureusement, il y avait sur la rive gauche un grand arbuste d’environ cinq pieds (l m 65) de haut, là où le travail des eaux avait formé une espèce de promontoire. En nageant obliquement à quelque distance en amont, un des hommes prit l’extrémité d’une corde et l’attacha solidement autour des racines de l’arbuste. Il était bien douteux que les racines fussent assez fortes pour supporter la pression, mais il n’y avait pas d’autre alternative. Afin de ne pas risquer la vie de mes hommes, je me servis de quelques-uns des Arabes les plus vigoureux du camp et je les fil nager à côté des bateaux pour les guider et les sauver, s’il était possible, du péril. Ayant donc

DICI. DE LA BIBLE.

débarqué les hommes et ayant halé le Fanny Mason, nous le lançâmes et, relâchant la corde, nous le dirigeâmes au bord de la cascade, où il trembla et s’inclina sous la force et la violence du courant qui l’emportait. Ce fut un moment de vive anxiété. Les matelots avaient grimpé maintenant le long des berges et s’étaient échelonnés pour nous venir en aide, si nous étions jetés hors du bateau et emportés vers eux. Un homme était avec moi dans le bateau et tenait la corde. Des Arabes nus se tenaient sur les rochers et dans l’eau écumante, faisant des gestes sauvages et poussant de grands cris qui se mêlaient au bruit des rapides grondants… ; quatre de chaque côté étaient dans l’eau, s’accrochant au bateau et prêts à l’écarter, s’il était possible, du rocher, qui le menaçait. Le Fanny Mason, pendant ce temps, bondissait d’un côté à l’autre du torrent furieux, comme un cheval affolé, tendant la corde qui le retenait. Surveillant le moment où son avant serait dans la position convenable, je donnai le signal de lâcher la corde. Il s’élança avec impétuosité, plongea, rebondit en l’air ; le rocher était évité ; le gouffre, franchi ; le bateau, moitié plein d’eau ; et avec une vitesse à perdre haleinp, nous étions emportés sains et’saufs par le rapide. Quels cris et quels hourras ! La joie des Arabes semblait plus grande que la nôtre, mais elle consistait pour eux en manifestations extérieures, tandis que la nôtre était intime et profonde. Deux des Arabes perdirent pied et furent emportés au loin au-dessous de nous, mais ils furent sauvés, avec une légère blessure-pour l’un d’eux. »

Embouchure du Jourdain.

À une heure et demie

au sud A’eUHenu (col. 1736), le Jourdain déverse ses eaux dans la mer Morte, par deux bras marécageux divisés par un delta. Ces deux bras, lorsqu’ils entrent dans la mer, ont chacun une cinquantaine de mètres de large, sur une profondeur d’un mètre environ. Le delta est aujourd’hui recouvert par les eaux. Cependant, quoique l’eau soit peu profonde, il n’est pas possible de passer à gué en cet endroit, à cause du limon dans lequel bêtes et gens seraient rapidement engloutis. Le site lui-même est malsain. La chaleur dégage de la vase des vapeurs pest-ilentielles qui engendrent aisément des fièvres pernicieuses. — D’après des calculs plus ou moins approximatifs, l’apport du fleuve à la mer Morte est de six millions de litres par jour. Fr. Buhl, Geographie, p. 40.

A son embouchure, le Jourdain est à 392 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée. Comme nous l’avons vii, ses eaux, depuis la source de l’Hasbani jusqu’au lac Houléh, descendent de 437 mètres ; du lac Houléh jusqu’au lac de Tibériade, de 274 mètres, et du lac de Tibériade au lac Asphaltite, de 203 mètres. Sa chute totale est donc de 914 mètres, dont 520 seulement au-dessus du niveau de la Méditerranée. Lortet, Syrie, p. 451 ; Survey, Memoirs, t. iii, p. 169-170. C’est là un phénomène unique au monde.

On peut dire que la mer Morte est comme le tombeau du Jourdain. Il y disparait et n’en est jamais sorti pour continuer sa course et aller déverser ses eaux dans le golfe Élanitique, comme on l’a quelquefois supposé. Voir Morte (Mer). La masse d’eau que le fleuve apporte tous les jours dans cette dépression profonde est absorbée par l’évaporation, qui est très grande au fond de cette cuvette surchauffée.

VIII. L’eau du Jourdain. — « Le Jourdain est décrit bien diversement par les voyageurs qui l’ont vu de près : les uns le disent clair et limpide, presque azuré ; les autres affirment que c’est une rivière de boue, charriant à la mer Morte des ondes jaunâtres, tenant en suspension beaucoup de substances terreuses. Les uns et les autres ont raison. Au printemps et au commencement de l’été, le fleuve, enflé rapidement par la fonte des neiges duGrandHermon, des montagnes volcaniques du Djaûlan

III. - 53

et par les pluies diluviennes qui onl versé une immense quantité d’eau dans tous les ouadis qui aboutissent au Ghôr, devient trouble, élève son niveau de plusieurs mètres, ronge l’argile de ses bords, déracine les plus gros arbres et transporte à la mer une masse énorme de débris. En été, au contraire, à partir du mois de juin, lorsque les neiges ont disparu et que les pluies ont entièrement cessé, les eaux sont presque limpides, jamais entièrement claires cependant, car elles emportent toujours les limons déposés sur ses rives. Mais, à cette époque, elles sont d’un vert foncé, très agréables à boire, et proviennent surtout des sources qui se déversent au nord du lac de Tibériade, des torrents Zaaréh, Yarmouk Jabbok, qu’il reçoit de l’est, et des rivières Derdârah, Djaloud. Faria et Kelt, qui lui arrivent de l’ouest dans

Densité : iOOO.

Résidu salin laissé par un litre 0, 873

Eau 999, 127

Composition.

Chlore 0, 425

Acide sulfurique 0, 034

Acide carbonique traces

Soude 0, 229

Chaux 0, 060

Magnésie 0, 065

Potasse traces

Silice, aluminium, fer traces

Matière organique traces

Total 0, 873

[[File: [Image à insérer -->]|300px]]
302. — Passage à gué du Jourdain.

la partie inférieure de son cours. » L. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 417-418.

L’eau du Jourdain est célèbre à cause de son excellent goût. Un voyageur italien dit qu’elle est dolce si corne il zuccaro. Tous les voyageurs s’accordent avec raison à reconnaître qu’elle est agréable à boire. Quoiqu’on la puise souvent trouble, elle se clarifie rapidement à l’air. Beaucoup de pèlerins et de voyageurs ont prétendu qu’elle ne se corrompait point, quelque long temps qu’on la conservât, mais la vérité, c’est qu’il faut la faire bouillir avec soin, pour détruire les germes de corruption qu’elle renferme, si l’on veut la garder. Du reste, quoiqu’elle soit très potable, l’eau du Jourdain diffère par sa nature chimique, et spécialement par sa salure, de celle des autres fleuves, dans la dernière partie de son cours. En voici la composition, d’après l’analyse qu’a fait faire M. Lartet sur des échantillons puisés le 21 avril 1864 à douze kilomètres en amont de l’embouchure, au gué d’el-Ghôranyéh : « Cette analyse, dit M. Lartet, montre bien qu’à l’exception du brome, dont on n’a pu y constater la présence, les eaux de ce fleuve, dont le volume doit égaler celui de la masse déversée par tous les affluents’réunis, contiennent les mêmes éléments salins que la mer Morte. On ne doit point s’étonner de ce fait et en tirer une conclusion trop hâtive et trop absolue à l’égard de l’origine de la salure de la mer Morte… Le Jourdain coule longtemps au milieu des sédiments que nous avons considérés comme ayant dû être déposés autrefois par la mer Morte, alors qu’elle s’élevait à un niveau de beaucoup supérieur, et qui sont restés imprégnés de matières salines en rapport avec la composition actuelle des eaux du lac. Il n’est donc pas étonnant, malgré la sécheresse du pays et l’interposition de limon déposé par le Jourdain sur ses propres bords, que ce fleuve, drainant pendant les trois quarts de son cours ces dépôts encore imprégnés de leur salure originelle, leur emprunte une forte proportion des sels qu’il restitue

journellement à cette mer. » L. Lartet, Recherches sur les variations desalure del’eaudelamerMorte, danse Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, t. xxiii, 1866, p. 748. Cf. Ed. Hull, Memoir on Geology, p. 121. IX. La crue du Jourdain.

Le fleuve grossit périodiquement tous les ans et, à l'époque de la moisson de l’orge, il remplit ses rives. Jos., iii, 15 ; Eccli., xxiv, 36. La moisson de l’orge, dans la vallée du Jourdain, où la chaleur est très forte, commence vers la fin de mars ou en avril. Le premier livre des Paralipomènes, xii, 15, place expressément le commencement de l’inondation « au premier mois », c’est-à-dire aux derniers jours de mars, mais elle commence en janvier et février. D’après certains interprètes, le prophète Jérémie parle trois

lement selon les années, en raison de la chute et de la fonte plus ou moins abondantes des neiges et des pluies. Voir Ed. Robinson, Biblical Researches, 1™ édit., t. i, p. 540-542. Elle peut être assez considérable pour élever de quatre mètres environ le niveau de la mer Morte.

X. Gués du Jourdain.

Gomme le Jourdain n’a jamais eu de ponts avant l'époque romaine et qu’il n’a jamais été navigable, comme on ne semble point s'être jamais servi de bateaux pour le traverser (excepté dans un cas peut-être, voir col. 1745), et qu’on avait cependant fréquemment besoin de passer d’une rive à l’autre, les gués du fleuve (fig. 302) tiennent une place importante dans son histoire. Ils sont nommés dans le Voyage d’un Égyptien publié par Chabas, p. 206. L'écriture les men 303. — Gué d’et-Ghoranyéh. Au fond, collines marneuses du côté ouest du Zâr. À droite, le pont de bois moderne derrière un bouquet de tamaris. Sur la rive gauche, tamaris, peupliers, acacias, ricins, etc. — D’après une photographie de M. L. Heidet.

fois, xii, 5 ; xlix.19, et L, 44, etZacharie, xi, 3, une fois de la crue du Jourdain, sous le nom de ge'ôn hay-Yardên ; Vulgate : superbia Jordanis, « l’orgueil du Jourdain. » Mais ce terme désigne la végétation de ses rives qui fait sa gloire, son orgueil et non la crue du fleuve. Cette crue est produite par la fonte des neiges de l’Hermon et du Liban. Quand elle atteint son plein, elle remplit tout le Zôr (col. 1712), et a, par conséquent, de 400 mètres à 3 kilomètres de large. Les pluies abondantes qui tombent d’ordinaire en décembre n’influent .guère sur le régime du fleuve : elles trouvent la terre desséchée et crevassée par la chaleur et elles sont ainsi rapidement absorbées. C’est la fonte des neiges de l’Hermon, jointe aux pluies de janvier et de février, qui produit la crue. Il est rare, d’ailleurs, qu’elle dégénère en inondation, parce que le lac Houléh et le lac de Tibériade servent comme de régulateurs et retiennent le trop plein des eaux en l'épanchant sur leur surface. La crue du Jourdain ne commence que lorsque le lac de Tibériade a élevé suffisamment son niveau et elle ne remplit les rives du fleuve au-dessous du lac que quelque temps après. La hauteur de la crue varie naturel tionne plusieurs fois expressément, Jos., ii, 7 ; Jud., m, 28 ; vii, 24 ; xii, 5, 6 ; II Reg., xix, 18 ; Jer., li, 32 ; cf. Gen., xxxii, 10 ; Num., xxxiii, 51, etc., et elle a occasion de parler assez souvent du passage du fleuve. Voir col. 1744, Ces gués servent encore aujourd’hui presque comme autrefois (pour les ponts, voir col. 1737) et les caravanes les traversent maintenant comme aux temps antiques. Les chameliers et les voyageurs indigènes se dépouillent de leurs vêtements et entrent dans l’eau, poussant leurs bêtes devant eux. C. Stangen, Palâstina und Syrien, in-12, Berlin, 1877, p. 40. Les berges de la rivière, qui sont généralement à pic, sont en pente douce à l’abord des gués, par suite même du passage. Survey, Memoirs, t. iii, p. 169. Quoique les gués soient nombreux entre le lac de Tibériade et la mer Morte, on ne peut pas les franchir sans danger pendant la crue du Jourdain, parce que le volume d’eau et la violence du courant sont trop considérables. Du temps de Vespasien, des milliers de Juifs y périrent en essayant de le traverser pour échapper aux Romains. Josèphe, Bell, jud., IV, vii, 50. Même aux basses eaux, il n’est pas facile à une grande multitude d’hommes de traverser

ces gués, de sorte que le Jourdain a été de tout temps un obstacle sérieux à l’envahissement de la Palestine par une armée ennemie. I Mach., îx, 4448. Il eût empêché les Israélites de pénétrer dans la Terre Promise, si les Chananéens en avaient gardé les passages et si Dieu n’avait pas opéré un miracle pour lever cette barrière devant le peuple élu. Jos., iii, 1-17. — Les grandes voies de communication entre le pays de Damas et la Palestine transjordanique et cisjordanique passaient naturellement par les gués les plus commodes et, en cas de guerre, on avait soin de les occuper, comme nous le verrons dans l’histoire biblique du Jourdain. — Nous en avons déjà nommé quelques-uns dans la description

dessous le Makkadet esch-Scheikh Busein. Plus bas » vis-à-vis de Klrirbet Fahib (Pella), est le gué de Nukb Faris. Le gué de Damiéh est à l’embouchure du Jaboc. — « Il y a trois ou quatre gués dans le fleuve au-dessous de Qurn Surtabéh (voir Survey, Memoirs, t. iii, p. 170), mais à certaines époques, quand la rivière est pleine, les Arabes sont forcés de la faire passer à la nage par leurs chevaux. Un des gués principaux est à l’embouchure de ï'ouadi Sehaîb ou Nimrin, à l’est-nord-est de Jéricho ; là on passe ordinairement à la nage à cheval. Le gué d’el-Hélu, qui est plus bas, n’est jamais franchi qu'à la nage. » Ed. Robinson, Geography, p. 146. — Les officiers anglais comptent quatre gués et cinq avec celui

304. — Makkadet el-Hadjla. — À gauche, rive orientale, couverte de tamaris, d’acacias, etc. Cours du fleuve en aval à pleins bords Sur la rive droite, la petite plage où descendent les pèlerins et où ils se préparent à se baigner dans le fleuve. Les Grecs célèbrent solennellement en cet endroit la fête du jour de l’Epiphanie.. — D’après une photographie de M. L. Heidet.

du cours du fleuve. Les officiers du Palestine Exploration Fund en ont compté cinquante dans les 42 milles (67 kilom. 500) que parcourt le Jourdain du lac de Tibériade au Djisr Damiéh et seulement cinq dans les 23 milles (37 kilom.) qu’il parcourt au-dessous de ce pont. Il n’y en a pas moins de vingt-six entre Ï'ouadi el-Djalûd et Youadi el-Malêh, qui marquent l’un la frontière septentrionale et l’autre la frontière méridionale de la plaine de Bethsan. Survey of western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 79, 385 ; t. iii, p. 170. C’est ce qui explique comment les Bédouins et les nomades envahissaient ordinairement la Palestine en passant par Bethsan et la plaine de Jezræl, comme ils faisaient du temps de Gédéon. Cf. Jud., vii, 8, 12, 23. Il y a toujours eu vis-à-vis de Bethsan des gués faciles à franchir. Ed. Robinson, Geography, p. 144. Le plus important est, au nord de Bethsan, celui A’Abarah, que les explorateurs anglais identifient avec le Béthabara de saint Jean-Baptiste. Mac Coun, The Roly Land, t. i, p. 50. au-dessus est le Makkadet Umm el-Keranis, et au A’el-Renu dans le cours inférieur du fleuve : el-Ghoranyéh, où il y a aujourd’hui un pont, el-Mûdési, Makkadet el-Hadjla, appelé aussi el-Meschra, el-Henu ou Maktaa el-Henu (appelé el-Hélu par Robinson et quelques autres), rendu aujourd’hui à peu près impraticable parles roseaux, et enfin Umm Enkhola. Survey, Memoirs, t. iii, p. 170. Le Makkadet el-Ghôranîyéh (fig. 303) est vis-à-vis de Tell es-Sultan, au-dessous de l’embouchure de Youadi Nimrin (voir F. de Saulcy, Voyage en Terre-Sainte, 1865, t. i, p. 203-205). À cet endroit le fleuve fait un coude vers l’ouest, laissant une langue de terre du côté opposé. Au nord du gué, à l’ouest, sont plusieurs vieux tamaris fort beaux. La rivière est là, découverte, et sans broussailles dans le voisinage immédiat. Le cours de l’eau est très rapide, la rive orientale, raide et escarpée, et le lit, profond de ce côté, tandisqu’il est en pente douce à l’ouest.Le gué est impraticable en hiver. Survey, Memoirs, t. iii, p. 170. À 500 mètres au sud, il y avait autrefois un pont. Terre-Sainte, 1902, p. 167, Vel-Meschra est appelé plus communément Makkadet

el-Hadjla. « le gué de Hadjla (fig. 304), parce qu’il est en face et non loin de Qasr Hadjla (Hagla), » près de l’embouchure de Youadi Kelt. Survey, Memoirs, t. iii, p. 170. — Depuis 1885, il existe, sur le Jourdain, au nord-est de Jéricho, un pont payant en bois de trentecinq mètres de longueur et de trois mètres de largeur, el-Djisr ou Djisr el-Scheriat el-Djisri, « le pont par excellence » (fig. 305). Il est situé près de l’embouchure de Vouadi en-Naûdiméh, sur la route de Jéricho à es-Salt. XI. Histoire naturelle de la. vallée dit Jourdain. — Le climat de la vallée du Jourdain et de la mer Morte diffère notablement de celui de la partie montagneuse de la Palestine et de la plaine maritime. Celui du Ghôr est tropical ; celui des bords de la mer Morte

appartient à un genre strictement éthiopien. Voir H. B. Tristram, Fauna and Flora, p. vi-vih. Les principaux animaux sauvages de la vallée du Jourdain sont le chacal, le renard, le sanglier, l’ibex (beden), l’hyène, le léopard. Une espèce de léopard, le guépard (felis jubata), se trouve sur les hauteurs ; il est apprivoisé par les indigènes qui habitent la partie orientale du Jourdain, leur sert, comme dans l’Inde, à chasser la gazelle. Contrairement à ce que dit M. Tristram, qui n’avait pas pu constater cet usage, Natural History of the Bible, 1889, p. 114, un Père jésuite missionnaire dans le pays, le P. Merle, nous a raconté en Syrie (en mai 1899) que la chasse à la gazelle au moyen du guépard est commune dans le Hauran, où il en a été témoin. — La panthère se

305. — Le pont de bois moderne. D’après une photographie du P. Séjourné. « st équatorial et [peut-être le plus chaud qu’il y ait au monde, à cause de la dépression de ce bassin, enfermé à l’est et à l’ouest par de hautes montagnes. En janvier et février, la température du Ghôr est tempérée, chaude le jour et fraîche la nuit où elle peut descendre à cinq degrés au-dessus de zéro, mais en été, elle devient excessive et presque meurtrière. Le P. Séjourné, 0. P., a eu le Il mai 1885, à Ain es-Sûltan, 46° à l’ombre. Le soir à 8 heures, la nuit étant déjà tombée, il y avait encore 39°. Le Frère Liévin, Guide de Terre-Sainte, 4e édit., 1897, t. i, p. 56, dit qu’il s'élève jusqu'à 60 degrés. Sur le climat du Ghôr, voir Survey, Spécial Papers, p. 201. Il résulte de là qu’on trouve dans cette région, spécialement dans les parties les plus basses du Ghôr, une faune et une flore qui ressemblent à celles de l’Ethiopie et de l’Inde. Voir Tristram, Survey of Western PalesUne, Fauna and Flora, p. vi.

I. FAUNE.

Mammifères.

Parmi les mammifères, sur 118 espèces, on en compte 55 qui sont paléoarctiques, 34 qui sont éthiopiennes, 16 indiennes,

"13 propres au pays. Le lièvre du bassin de la mer Morte, Lepus Judœse, diffère par la conformation du crâne du Sièvre européen et du lièvre syrien. VRyrax syriacus

rencontre encore souvent dans les roseaux et les taillis impénétrables des bords du Jourdain, où elle se tient cachée pendant le jour. La nuit elle va chasser, quelquefois à de grandes distances, et est un véritable fléau pour les Arabes dont elle ravage les troupeaux. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 440. Le P. Séjourné a vu à Madaba la peau d’une panthère que l’on venait de tuer : elle mesurait de l’extrémité du museau au bout de la queue 2 m 40. Le lion était assez commun autrefois dans les jungles qui bordent le fleuve. Jer., XLix, 19 ; l, 44 ; Zach., xi, 3. On l’y trouvait encore au xiie siècle, au témoignage de Jean Phocas, Descript. Terrse Sanctse, 23, t. Cxxxiii, col. 952. Il a disparu aujourd’hui de la Palestine. Les sangliers sont encore nombreux dans ces parages. Lortet, La Syrie, p. 466.

Oiseaux.

On en connaît 348 espèces, dont

271 paléoarctiques, 40 éthiopiennes, 7 indiennes et 30 propres à la Syrie, parmi lesquelles seize n’ont été trouvées que dans la vallée du Jourdain et sur les bords de la mer Morte. Tristram, Fauna, p. viii-X. Les oiseaux chanteurs et surtout les bulbuls, rossignols de la Syrie (Ixos xanthopygius), y abondent. On y voit aussi un superbe colibri, le Nectannia osea, vif, léger, orné à la gorge de plumes d’un bleu-vert métallique aux reflets les plus brillants, et de taches rouges aux épaules. Mais il n’est pas propre à la vallée du Jourdain, c’est un oiseau migrateur. L. Lortet, La Syrie, p. 463.

Reptiles.

On compte 91 espèces de reptiles, chélonia

et amphibies en Palestine. Les serpents abondent dans les fourrés du Jourdain. « Ces fourrés recèlent plusieurs animaux peu agréables à rencontrer, surtout des vipères (Echis arenicola) fort redoutables… Ces serpents qui, dans d’autres contrées, s’enterrent ordinairement dans les sables arides, étant ici sans cesse exposés à être noyés par les crues subites du Jourdain, ont pris la singulière habitude de s’enrouler aux branches à une assez grande hauteur, et de se cacher sur le tronc des arbres. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 448. Sur les reptiles de la vallée du Jourdain, voir Tristram, Fauna, p. x-xi ; F. de Saulcy, Voyage en Terre-Sainte, 1865, t. i, p. 202.

Poissons.

L’ichthyologie est la partie de la

faune jordanique qui présente les caractères les plus particuliers. Voir Tibériade (Lac de) ; Tristram, Fauna, p, xi-xii. Nous remarquerons seulement ici que les poissons sont très nombreux dans le Jourdain. Lynch, Narrative, p. 181. N’étant pas péchés par les nomades, ils pullulent. À l’embouchure du Jourdain, on rencontre une multitude de cadavres de poissons, appartenant presque tous aux différentes espèces de Chromis (fig. 306).

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806. — Chromis nilotica.

C’est un des poissons qui se trouvent en plus grand nombre dans tout le bassin du Jourdain. Il est également commun dans le Nil. En Egypte, on l’appelle bolti ; les pêcheurs de Tibériade l’appellent moucht. — D’après Tristram, Fauna and Flora, pi. xviii. « Ces genres paraissent délicats et sensibles aux atteintes des eaux salées et bromurées. Dès que ces animaux sont entraînés par les courants, à l’endroit où commence le mélange des nappes douces et des couches saumâtres, ils nagent à la surface, tournent bientôt le ventre en l’air, périssent rapidement et sont rejetés à terre, sur le sable et les îlots formés par les arbres entassés pendant les crues du fleuve. Ces poissons morts, qui pourraient se compter par milliers, attirent beaucoup d’oiseaux de proie, de vautours et de corbeaux. » L. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 444. Vivants, ils ont aussi à redouter les oiseaux qui leur font la guerre. « Ils sont pourchassés par des martins-pêcheurs bleus et jaunes, d’une grande richesse de plumage (Alcyon Smyrnensis), qui rasent la surface avec une vitesse sans égale, ou bien qui restent perchés sur les branches basses et les racines des arbres, longtemps immobiles, leurs gros yeux fixés sur les flots. Lorsqu’ils aperçoivent une proie, ils plongent avec la rapidité d’une flèche, et sortent de l’eau en tenant toujours un petit poisson entre les fortes mandibules de leur bec conique. » lbid., p. 448. Les principales espèces de poissons sont des silures (Clarias macracanthus), des barbeaux qui atteignent une assez grande taille et sont pourvus de longs tentacules de chaque côté du museau ; des Capocta, poissons argentés qui ressemblent aux truites de nos montagnes ; des Cyprinidon Cypris, petite espèce qui n’a que cinq centi mètres de longueur, mais dont la hauteur du corps est relativement considérable, etc. Voir Lortet, La Syrie, p. 448. Depuis quelque temps, les Grecs de Qasrel-Yehûd ont commencé à se livrer à la pêche dans le bas Jourdain ; ils apportent plusieurs fois par semaine le poisson à Jérusalem, sauf en été, à cause de la chaleur.

II. flore.

La flore de la Palestine comprend trois mille espèces de plantes phanérogames appartenant pour la majeure partie aux formes communes de la région méditerranéenne. La plupart se trouvent dans toute la Terre-Sainte ; il y en a cependant qui sont particulières à la vallée du Jourdain, comme il y en a qui sont propres au Carmel et au Liban. Surl62 espèces qu’on trouve dans l’ouadi SuûeiréK, au sud-ouest

307. — Pommier de Sodome. D’après de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, pl. 27.

de la mer Morte, 27 se retrouvent en Europe, 135 sont africaines. Le papyrus (Cyperus papyrus), qui a disparu depuis longtemps de l’Egypte où l’on en faisait autrefois si grand usage, abonde dans la vallée du Jourdain et dans les marécages du lac Houléh, limite orientaleau de la de laquelle on ne le rencontre plus. Tristram, Fauna and Flora, p. xiv-xv ; Lortet, La Syrie, p. 543. — « On trouve à Jéricho une quantité de plantes à faciès africain et indien : l’indigo, le myrobalanum (Eleagnus angustifolius), appelé zaqqùm par les Arabes (voir fig. 229, col. 1295), le solanum melongena, le grenadier, l’Asclspias gigantea ou procera (fig. 223, col. 1287), l’oscher des Arabes, qui se rencontre aussi dans la Nubie… Les cannes à sucre ne sont jdIus cultivées aujourd’hui comme autrefois au temps des croisades. L’indigo (Indigofera tinctoria) se rencontre aussi dans un certain nombre de jardins ; il sert aux femmes fellahines à teindre en bleu les vêtements pleins de grâce dont elles se couvrent. Le tabac est planté dans de petits espaces circulaires, protégés par des enceintes de pierres dressées. » Lortet, La Syrxe, p. 463-464. Ces deux dernières cultures ont été récemment abandonnées. Un arbre commun dans toute la vallée du Jourdain

est le Zizyphus Spina Christi, espèce de Séder, appelé par les Arabes nubk ou dôm ; ce dernier nom désigne surtout le fruit (fig. 308). Le Zizyphus a de longues épines, et l’on croit que c’est avec ses rameaux armés

308. — Zizyphus Spina Chnsti. D’après Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 402.

de pointes aiguës que fut tressée la couronne d’épines de NotreSeigneur (t. ii, col. 1087). Cette sorte de jujubier produit un petit fruit acidulé, agréable au goût. Les Bédouins forment avec ses branches des haies infranchissables pour garantir leurs campements et aussi leurs provisions de grains. Il peut atteindre une grande hauteur, comme celui de la fontaine de’Ain Dùk près de Jéricho qui a disparu depuis 1898. H. B. Tristram, Natural History of the Bible, 1889, p. 428-430. — Le peuplier (Populus euphratica) y devient gigantesque ; les tamaris croissent partout en abondance, ainsi que les acacias de toute espèce, les Agnus casti (espèce de bambou), les câpriers, etc. Les chardons y.atteignent de 3 à 5 mètres. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 78. La végétation est tellement vigoureuse sur les rives du Jourdain (voir col. 1711) que les tamaris et les roseaux qui les couvrent en cachent presque partout entièrement le cours. Survey, Memoirs, t. iii, p. 169. Cf. Conder, dans Survey, Spécial Papers, 1881, p. 201-202.

XII. Histoire du Jourdain dans l’Écriture. — L’histoire du Jourdain dans l’Écriture est relativement courte. Les caractères extraordinaires qui le distinguent physiquement de tous les autres fleuves du monde sont précisément la cause pour laquelle il ne joue pas dans ia vie du peuple de Dieu le même rôle que les autres grands fleuves, tels que le Nil, l’Euphrate ou le Tigre dans l’histoire de l’Egypte, de la Chaldée ou de l’Assyrie. Il n’a pas été un moyen de communication entre les peuples ; il était au contraire un obstacle à leurs rapports, n’ayant jamais été navigable et étant toujours ditticile à franchir ; il n’a pas été un élément de civilisation et de progrès dans la vie des nations, n’ayant

jamais pu servir aux échanges et au commerce, aboutissant à une mer qui mérite à plus d’un titre son nom de Morte, car elle ne possède pas un seul port ; non seulement aucun navire, mais même la plus petite barque ne fend ses ondes, malgré quelques tentatives récentes ; si, à l’époque romano-byzantine et pendant les croisades, elle a été sillonnée par quelques bateaux, comme nous le voyons sur la partie en mosaïque de Madaba et comme nous l’apprenons par des Chartres des croisés, elle n’a, en aucun temps, servi de route maritime et elle ne peut pas même fournir ce que fournissent tous les autres cours d’eau, du poisson aux habitants de ses rives. Par un phénomène plus singulier encore peut-être et unique dans l’histoire des fleuves, le Jourdain n’a jamais vu fleurir une seule ville, petite ou grande, sur ses rivages. Césarée de Philippe et Dan se sont élevées à ses sources et plusieurs villes ou villages ont animé les bords du lac de Géni’sareth, mais le cours supérieur, aussi bien que le cours moyen et le cours inférieur du fleuve, ont toujours été solitaires et sans habitants. Les villes du Ghôr, à l’ouest, comme à l’est, Bethsan, Phasæl, Jéricho n’étaient point sur ses rives, ni près de ses eaux, mais sur des sites plus élevés, au pied des montagnes. Socoth (Sakût) fit peut-être seule exception, étant bâtie sur une sorte de promontoire de la terrasse supérieure qui dominait la vallée. De nos jours, il y a trois misérables villages près du Jourdain entre sa sortie du lac et l’embouchure du "Yarmouk ; un autre petit village vient de s’établir près du pont A’el-Medjamiéh, et c’est tout. De ce point à la mer Morte, la solitude est complète. Ed. Robinson, Geography, p. 150. (Les Septante et la Vulgate, Jud., xi, 26, parlent des villes qui étaient « près du Jourdain », mais le texte hébreu porte avec raison ; « près de l’Arnon. » )

La Providence n’avait pas créé le Jourdain pour servir de trait d’union aux hommes, mais pour séparer les monothéistes des païens, pour être la frontière de son peuple ; aussi est-ce surtout à ce titre qu’il est mentionné dans les Livres Saints. Gen., l, 10 ; Num., xiii, 29(30) ; xxxii, 5 ; xxxiv, 12 ; Deut., n. 29 ; iv, 21 ; Jos., iii, 1-17 ; iv, 1-23 ; xiii, 1-27 ; I Reg., xiii, 7 ; II Reg., ii, 29 ; Is., ix, 1 ; Judith, i, 9 ; Ezech., xlvii, 18 ; Matth., iv, 15, 25 ; xix, 1 ; Marc, iii, 8 ; x, 1 ; Joa., i, 28 ; iii, 26 ; x, 40, etc. Quoique les tribus de Ruben et de Gad et la demi-tribu de Manassé habitassent à l’est du Jourdain, le fleuve formait pour le gros de la nation une barrière puissante, qui le mettait à l’abri de tout contact dangereux, comme les déserts de sa frontière méridionale, ses montagnes au nord et la Méditerranée à l’ouest. La Terre-Sainte était ainsi, selon l’expression du’prophète, « une vigne entourée d’une haie, » Is., v, 2, à l’abri des déprédations, où Dieu pouvait conserver en sécurité la plante précieuse du monothéisme en attendant le jour où il pourrait la transplanter et la faire croître dans l’univers entier. Voir Manuel biblique, 11e édit., t. i, n° 345, p.661667. Aussi le Jourdain était-il cher aux Hébreux et un Psalmiste, éloigné de sa patrie, la nomme avec tendresse : « la terre du Jourdain. » Ps. xlii (xli), 7.

I. HISTOIRE DU JOURDAIN DANS L’ANCIEN TESTAMENT.—

1° La première fois que le Jourdain est nommé dans l’Ancien Testament, c’est à l’époque de la séparation d’Abraham et de Lot. Le neveu d’Abraham, des hauteurs situées entre Béthel et Haï, admira toute la Kikkar (voir col. 1712), ou plaine du Jourdain, qui était partout bien arrosée avant que Jéhovah eût détruit Sodome et Gomorrhe, « semblable au jardin de Jéhovah, » Gen., xiii, 10, et il alla s’y établir, ꝟ. 11. La fertilité du pays y avait attiré depuis longtemps les Chananéens, Gen., x, 19 ; elle y attira aussi alors par sa richesse le roi d’Élam, Chodorlahomor, et ses alliés, Gen., xiv, 10 ; ils la pillèrent et Lot ne leur échappa que grâce à la vaillance d’Abraham qui le délivra à Dan, probablement près de la seconde source du Jourdain. Gen., xiv, 14-15 (voir col. 1715). Quel

que temps après, la catastrophe qui engloutissait Sodome et Gomorrhe faisait disparaître cette partie si fertile et si riche de la Kikkar. Gen., xix, 24-25. VoirMoRTE (Mer).

2° Jacob traversa le Jourdain pour se rendre en Mésopotamie et il le rappelle dans une prière qu’il adresse à Dieu. Gen., xxxii, 10. Le gué par lequel il passa n’est pas indiqué ; nous savons seulement qu’il avait pris la route de Béthel. Gen., xxviii, 19. On peut supposer qu’il prit le gué voisin de l’embouchure du Jaboc, dans les environs de Damiéh (col. 1724), comme il le fit probablement à son retour. Cf. Gen., xxxii, 22.

3° Sur le point d’aller conquérir la Terra Promise à l’ouest du Jourdain, les tribus de Buben et de Gad demandèrent à Moïse de les autoriser à ne.pas franchir le fleuve avec leurs familles, mais à s’établir sur sa rive gauche, et il y consentit, à la condition néanmoins qu’elles aideraient leurs frères à s’emparer du pays de Chanaan. Num., xxxii, 5-32.

4° Il fut accordé à Moïse de voir la Terre de promission, mais non de passer le Jourdain. Deut., iii, 25-27 ; iv, 21 ; xxxi, 2.

5° Le passage du fleuve était l’obstacle le plus grave à la conquête de la Palestine par les Hébreux (col. 1734), aussi en est-il souvent question dans le Deutéronome, iv, 26 ; ix, 1 ; xi, 31 ; xii, 10 ; xxvii, 2-4 ; xxx, 18 ; xxxi, 13 ; xxxii, 47, et il fallut un grand miracle pour que Josué pût franchir cette barrière naturelle. C’est l’événement le plus important de l’histoire du Jourdain pendant la période de l’Ancien Testament. À cause de la route que Moïse avait fait suivre à son peuple pour se rendre dans la terre de Chanaan, il n’y avait aucune autre voie pour y pénétrer que celle du fleuve. Les Israélites ne pouvaient ignorer combien le passage en serait difficile et ils en étaient nécessairement préoccupés ; ce qui explique pourquoi, dans ses discours du Deutéronome, Moïse leur donne si souvent l’assurance qu’ils « traverseront le Jourdain ». Ils campèrent longtemps auprès du fleuve, dans la plaine de Sétim, avant de rien entreprendre. Enfin, le moment venu, Dieu commanda à Josué de « passer le Jourdain ». Jos., i, 2, et il excita leur courage en assurant à Josué que « personne ne pourrait lui résister ». Jos., i, 3. Le successeur de Moise donna donc ses ordres aux chefs du peuple : « Dans trois jours, vous passerez le Jourdain. » Jos., i, 11. Aucune époque ne pouvait être plus défavorable, puisque c’était celle de la crue du fleuve (col. 1733). Jos., iii, 15. Si quelques hommes robustes pouvaient réussir alors à le traverser, comme les espions envoyés à Jéricho par Josué, ii, 23, le passage était tout à fait impossible pour une multitude encombrée de femmes, d’enfants et de troupeaux. Les habitants de Jéricho devaient le considérer naturellement comme impraticable, car autrement, après avoir envoyé, comme ils l’avaient fait, des émissaires au gué du Jourdain pour saisir les espions hébreux, Jos., ii, 7, ils auraient occupé fortement ce gué et forcé Israël à rester sur l’autre rive ; mais rassurés par l’état actuel du fleuve, ils ne prirent aucune précaution. Josué dit alors au peuple ces paroles remarquables, qui attestent que le miracle qui va s’accomplir est la marque de la mission que Dieu lui a confiée, la garantie de la protection efficace que le Seigneur accorde à son peuple et de la conquête de la terre qu’il leur a promise : « Josué dit aux enfants d’Israël : Approchez et écoutez les paroles de Jéhovah, votre Dieu. Et Josué dit : C’est à ceci que vous reconnaîtrez que le Dieu vivant est au. milieu de vous et qu’il chassera certainement devant vous les Chananéens, les Héthéens, les Hévéens, les Phérézéens, les Gergéséens, les Amorrhéens et les Jébuséens. » La solennité de ce langage montre que l’historien sacré est tout pénétré de la grandeur du miracle qu’il va raconter, et qu’il rapporte ces paroles, parce que l’importance du but à obtenir est la raison et l’explication du prodige. Josué continue ainsi son discours : « Voici l’arche de l’alliance. Le maître de toute la terre va passer devant vous dans le Jourdain. Et maintenant prenez douze hommes parmi les tribus d’Israël, un de chaque tribu. Et lorsque les prêtres qui portent l’arche de Jéhovah, le maître de toute la terre, poseront la plante des pieds dans les eaux du Jourdain, les eaux du Jourdain seront coupées et les eaux qui descendent d’en haut s’arrêteront en un monceau. » Jos., iii, 9-13. Et le miracle s’accomplit comme Josué l’avait annoncé. Un monument, érigé à Galgala (col. 84) et formé de douze pierres prises du milieu du lit du fleuve, conserva pour les générations futures le souvenir de cet événement mémorable. Jos., iv, 1-8, 20-24. Douze autres pierres furent également dressées au milieu du Jourdain et marquèrent l’endroit du passage. Jos., IV, 9. Aujourd’hui, on ne peut déterminer le point précis où il s’opéra. Tout ce que nous savons, c’est que le passage est bien vis-à-vis de Jéricho.

Le dessèchement du lit du Jourdain sous Josué ne nous est connu que par l’Écriture, mais l’histoire profane enregistre un fait extraordinaire analogue, quoique naturel, qui eut lieu sous le règne de Bibars. L’histoire de ce sultan rapporte qu’en 1257, pendant qu’on réparait. le pont appelé Djisr Damiéh (col. 1724), il se produisit dans une partie étroite de la vallée, à quelques kilomètres au-dessus de ce pont, un éboulement si considérable qu’il barra le cours du fleuve, de telle sorte que, pendant plusieurs heures, son lit fut à sec depuis ce point jusqu’à la mer Morte. Voir Smith, Diclionary of the Bible, 2e édit., 1893, t. i, part, ii, p. 1787-1790. La manière dont est raconté le miracle dans le livre de Josué exclut une explication de ce genre, mais on peut observer que, si Dieu s’était servi d’un moyen analogue pour ouvrir à son peuple l’accès de la Terre Promise, le passage n’en aurait pas moins été miraculeux, parce que la Providence se serait servie d’un mojen naturel pour exécuter ses desseins au moment précis qu’il avait annoncé à Josué et à Israël.

6° À partir de Josué, le Jourdain n’apparaît plus qu’épisodiquement dans l’histoire du peuple d’Israël. Du temps des Juges, Aod, après avoir tué Églon, roi de Moab, occupa les gués du fleuve au-dessus de la mer Morte et fit périr ainsi, avec l’aide des Israélites qui s’étaient rendus à son appelles Moabites qui voulurent quitter la rive droite du Jourdain pour se réfugier dans leur pays. Jud., tu, 28-29.

7° Débora, dans son cantique, nous apprend que les tribus transjordaniques, pendant l’oppression des tribus du nord par les Chananéens, restèrent tranquilles au de la du fleuve qui leur servait d’abri, sans porter secours à leurs frères. Jud., v, 17.

8° Du temps de Gédéon, les Madianites, les Amalécites et d’autres Bédouins traversèrent le Jourdain aux gués de Bethsan (col. 1735) pour aller ravager la Palestine et campèrent dans la vallée de Jezræl. Jud., vi, 33. C’était la route quils suivaient depuis sept ans pour porter de là leurs ravages jusqu’à Gaza. Jud., vi, 1, 4. Gédéon les battit dans leur camp (col. 148), et, pour compléter leur défaite, il fit occuper les gués du Jourdain, afin d’empêcher les vaincus de lui échapper. Jud., vu, 24. Voir Bethbéra, t. i, col. 1667. Ces gués devaient être ceux de Bethsan et du voisinage. Gédéon traversa lui-même le fleuve à la poursuite des ennemis, Jud., vin, 4, et il ne revint qu’après les avoir atteints et mis à mort leurs chefs Zébée et Salmana.

9° Quelque temps après, à l’époque de Jephté, les Ammonites, pendant qu’ils tenaient sous le joug le pays de Galaad, passèrent le Jourdain pour piller les habitants de Juda, de Benjamin et de la tribu d’Éphraim, Jud., x, 8-9, Jephté ayant battu les enfants d’Ammon, les Éphraïmites se plaignirent de n’avoir pas été appelés à prendre part à la guerre. La querelle s’envenima, et on en vint aux mains ; les Éphraïmites furent vaincus et s’en »

fuirent du côté des gués du Jourdain, probablement du côté deDamiéh (col. 1724), pour rentrer dans leur territoire. Mais arrivés aux gués qui étaient occupés par les €alaadites, leur mauvaise prononciation de la lettre schin les trahissait ; ils prononçaient sibboleth au lieu de schibboleth et étaient impitoyablement massacrés sur place. Jud., xii, 4-6. Voir Éphràïm 2, t. ii, col. 1877.

10° Au commencement du règne de Saul, des Israélites avaient passé le Jourdain pour se réfugier dans le pays deGad et échapper aux exactions des Philistins. I Reg., zxiii, 7. Voir aussi, xxxi, 7.

11° C’est probablement pendant les dernières années de Saûl, que les Gadites qui s’unirent à David pendant qu’il était persécuté par le roi d’Israël, avaient accompli un exploit difficile en traversant le Jourdain au moment même de la crue et en.razziant les habitants des deux côtés du fleuve. I Par., XII, 15.

12° Pendant les premières années du règne de David, lorsqu’il était à Hébron, le général de l’armée d’Isboseth, Abner, après son échec de Gabaon, t. i, col. 20, passa le Jourdain pour aller se réfugier à Mahanaim (voir ce mot). II Reg., ii, 29. Voir Béthoron 2, t. i, col. 1705. 13° David lui-même le passa une première fois pour allerbattre les Syriens à Hélam. II Reg., x, 17 ; I Par., xix, 17. — Il le passa une seconde fois dans une circonstance douloureuse, probablement par un des gués de la plaine de Jéricho, avec tous ceux qui lui étaient restés fidèles, lors de la révolte de son fils Absalom. II Reg., XVH, 22. Absalom le passa aussi peu après, >. 24. Quand celui-ci eut été tué et son parti dissous par suite de sa mort, David repassa le Jourdain vis-à-vis de Galgala, où les hommes de Juda étaient venus à sa rencontre. II Reg., xix, 15. Plusieurs Benjamites traversèrent même le fleuve pour aller sur la rive gauche se /aire pardonner l’infidélité qu’ils avaient à se reprocher envers le roi. II Reg., xix, 17 ; III Reg., ii, 8. Afin de faciliter le passage de la maison de David, on se servit d’un radeau ou d’un bac (hâ-âbârâh Septante : Sidêamç) sur lequel on la transporta. C’est l’unique exemple mentionné dans l’Écriture, II Sam. (Reg.), xix, 17 (hébreu), d’un passage du Jourdain opéré de cette manière, (La Vulgate a traduit ce passage d’une façon vague et sans précision.) Josèphe, Ant. jiirf., VII, xi, 2, a rendu hâ-’âbarâh par yitfvpo !, « pont, » ce qui n’est pas admissible, car, en supposant même, par une hypothèse invraisemblable, qu’on eût conçu l’idée de construire un pont, on n’aurait pas eu le temps de l’exécuter avant l’arrivée de David sur le bord du fleuve. Ce qu’on peut accepter dans le Técit de Josèphe, c’est que les gens de Juda et de Benjamin préparèrent, non le pont, mais le radeau ou le bac pour laire leur cour au roi. Cette explication convient parfaitement au texte sacré.

14° Avant la fin du règne de David, Joab et ceux qui l’accompagnaient passèrent le Jourdain pour aller faire le dénombrement, prescrit par le rôi, des tribus transjordaniques. II Reg., xxiv, 5.

15° Ce lut dans le Ghôr, près des rives du Jourdain, entre Sochoth et Sarthan (voir ces noms), que l’architecte du Temple, Hiram, fit fondre les deux colonnes Booz et Jachin, et les vases d’airain destinés au service du sanctuaire. Cet endroit fut choisi, parce que la terre argileuse de la vallée convenait parfaitement pour la fabrication des moules destinés à recevoir le métal fondu. III Reg., vil, 41-46 ; II Par., iv, 11-17. Voir col. 46. 16° Le Jourdain, depuis Salomon, n’est plus mentionné dans l’histoire sainte qu’à l’époque du prophète Élie. Au commencement de la grande famine qui désola Israël pendant tro’s ans, Dieu l’avait envoyé se cacher dans le torrent de Carith, « qui est en face du Jourdain. » III Reg., XVII, 3, 5. Il devait aussi être enlevé de la terre dans le voisinage de ce fleuve, après l’avoir passé miraculeusement avec son disciple Elisée. IV Reg., II, 6, 8. Cet .événement eut lieu vis-à-vis de Jéricho. IV Reg., ii, 4-5.

17° Le Jourdain fut également le théâtre de plusieurs miracles d’Elisée. Après l’enlèvement d’Élie, il repassa le fleuve en frappant, à son exemple, les eaux avec le manteau que son maître avait laissé tomber. IV Reg., n, 13-14. — Plus tard, il guérit de la lèpre Naaman, chef de l’armée du roi de Syrie, en le faisant baigner sept fois dans les eaux du Jourdain. IV Reg., v, 10, 14. Le Syrien avait dû se rendre à Samarie par un des gués de Bethsan ou par celui qui est voisin du Djisr el-Mudjemiéh, et c’est là peut-être qu’il alla aussi se baigner (voir Naaman). — L’Écriture mentionne un autre miracle opéré par Elisée dans le Jourdain, mais sans donner aucune indication de la partie du fleuve où il s’accomplit. Un des fils des prophètes, pendant qu’il coupait du bois pour construire des cabanes dans la vallée, laissa tomber dans l’eau une hache qu’il avait empruntée. Le prophète la fil surnager, de sorte que celui qui l’avait perdue la recouvra de cette manière. IV Reg., vi, 1-7.

18° Ce prodige fut suivi de la défaite des Syriens du Bénadad qui, ayant été saisis d’une terreur panique comme l’avait prédit Elisée, s’enfuirent précipitamment vers les gués du Jourdain pour rentrer dans leur pays. IV Reg., vii, 15. C’est dans le voisinage de l’embouchure du Yarmouk qu’ils durent chercher à traverser le fleuve. 19° Le successeur de Bénadad, Hazæl, se rendit maître de toute la partie du royaume d’Israël située à l’est du Jourdain. IV Reg., x, 33.

20° L’Ancien Testament parle pour la dernière fois du passage du Jourdain à l’époque des Machabées. Judas et son frère Jonathas franchirent le fleuve pour aller dans le pays de Galaad et pour en revenir. I Mach., v, 24, 52. Au retour, le texte dit expressément qu’ils passèrent par un des gués de Bethsan. Après la mort de Judas, son frère Jonathas, lui ayant succédé, envoya un autre de ses frères, Jean, au delà du Jourdain chez les Nabuthéens afin de leur confier ce qu’il avait de précieux, mais Jean tomba sous les coups d’une bande de pillards à Madaba. Voir Jean Gaddis, col. 1153. Jonathas vengea sa mort en allant surprendre les fils de Zambri (col. 1115) au moment où ils célébraient un mariage ; il se retira ensuite sur les bords du Jourdain. I Mach., ix, 35-42. Le général syrien Bacchide (t. i, col. 1373), qui était alors avec son armée à l’est du fleuve, vint l’y attaquer un jour de sabbat. La position était critique. Jonathas dit à ses compagnons : « Levons-nous maintenant et combattons pour notre vie ; car il n’en est pas aujourd’hui comme les jours précédents. Voilà que la guerre est devant nous et derrière nous ; nous avons d’un côté l’eau du Jourdain, de l’autre des marais et des bois, et il n’y a pas d’issue par où nous puissions nous échapper. Maintenant donc, criez au ciel, afin que nous soyons sauvés des mains de nos ennemis. Et la bataille s’engagea. Et Jonathas étendit la main pour frapper Bacchide, mais celui-ci l’évita et se retira en arrière. Alors Jonathas et ses compagnons se jetèrent dans le Jourdain et ils le passèrent à la nage et leurs ennemis ne passèrent pas le Jourdain après eux. En ce jour-là, Bacchide perdit environ mille hommes. » I Mach., ix, 44-49. Le fleuve, en empêchant les Syriens de poursuivre les Juifs, préserva ces derniers d’être accablés par le nombre. C’est par le récit de cet exploit d’une poignée de braves que se clôt l’histoire du Jourdain dans l’Ancien Testament.

II. HISTOIRE DU JOURDAIN DANS LE NOUVEAU TESTA-MENT. — 1° Le Jourdain doit sa plus grande célébrité au baptême que Notre-Seigneur daigna y recevoir de la main de son Précurseur. Saint Jean-Baptiste (col. 1156) prêchait la pénitence en conférant le baptême « et Jérusalem et toute la Judée et toute la région (icâra t 71ep£ ; c>poç) autour du Jourdain allaient à lui » pour se faire baptiser. Matth., iii, 5-6 ; Marc, i, 5 ; Joa., i, 28. Jésus lui-même s’y rendit ; le Précurseur lui conféra le  :

baptême, sur la rire gauche du fleuve, Joa.. iii, 28, et s aussitôt les deux s’ouvrirent et [Jean] vit l’Esprit de Dieu descendant sur [Jésus] sous la forme d’une colombe. Et une voix du ciel dit : Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance ». Matth., iii, 16-17. Ce fut la révélation de la mission messianique de Jésus. En mémoire de ce grand événement, de nombreuses troupes de pèlerins vont tous les ans se baigner dans les eaux du fleuve sanctifié par le baptême du fils de Dieu. — Malheureusement l’endroit précis où se passa cette scène divine n’est pas certain. Les synoptiques ne l’indiquent que d’une manière générale. « Jean baptisa dans le désert, » dit saint Marc, i, 4 ; « dans le désert de Judée, » dit saint Matthieu, iii, 1 ; « dans toute la région du Jourdain, x dit saint Luc, iii, 3. Les expressions des deux premiers peuvent s’appliquer à toute la vallée méridionale du Jourdain ; celles du troisième sont plus étendues encore. Saint Jean, I, 28, détermine, il est vrai, le lieu où se trouvait Jean-Baptiste lorsqu’il reçut les envoyés du sanhédrin. « Les choses se passèrent à Béthanie (ou Bethabara, comme portent certains manuscrits), au delà du Jourdain, où Jean baptisait, » dit l’Évangéliste ; mais la situation de cette Béthanie est elle-même un sujet de controverse. Voir Béthanie 2, t. i, col. 1661. De plus, le Précurseur ne baptisait pas toujours au même lieu. C’est ainsi qu’il administrait son baptême a Ennon, près de Salira, quand il rendit un dernier témoignage au Messie. Joa., iii, 23. Voir Ennon, t, ii, col. 1809. (On se faisait baptiser par dévotion à Ennon du temps de sainte Silvie, Silvix Peregrinatio, édit. Gamurrini, in-4°, Rome, 1887, p.5960.) — D’après la tradition, le baptême du Sauveur aurait eu lieu dans la dernière partie du cours du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho ; mais il est possible qu’elle ait fixé la scène sacrée dans ces parages pour la commodité des pèlerins qui, par esprit de piété, voulaient aller se baigner dans le fleuve, parce que c’est là que le Jourdain est le’plus accessible. Des sanctuaires, aujourd’hui ruinés, avaient été bâtis là dés les premiers siècles de l’Église. Les fidèles commencèrent en effet de bonne heure à aller se baigner par dévotion dans l’eau du Jourdain en souvenir du baptême de Notre-Seigneur. Antonin de Plaisance, Itiner., 14, t, lxxii, col. 903-904, raconte que, de son temps (vie siècle), une foule infinie (populus mfinitus) se rendait sur les bords du fleuve la veille de l’Epiphanie et se plongeait dans l’eau le lendemain dès le point du jour. Il raconte qu’il y avait une croix de bois au milieu du fleuve et que les deux rives étaient recouvertes de marbre. Chacun y entrait revêtu d’un linceul (induti sindones) qu’il conservait ensuite pour servir à sa sépulture. Arculphe et Adamnan donnent des détails analogues. Adamnan, De locis sanctis, il, 16, t. lxxxviii, col. 800. Au vie siècle, Grégoire de Tours, De glor. martyr., 17, t. lxxi, col. 721, racontait que les lépreux s’y rendaient pour se guérir. D’après les renseignements fournis par les pèlerins^ Wilhbaldi vita, 12, Acta Sanctorum, julii t. ii, p. 5C6, l’endroit désigné était dans le voisinage du monastère de Saint-Jean-Baptiste.

Les ruines de ce monastère subsistent encore (voir 1. 1, col. 1649). Elles sont appelées par les Arabes Qasr el-Yehûd, a château des Juifs, » et par les chrétiens DeirMâr Hanna, m couvent de Saint-Jean. » Plusieurs anciens pèlerins ont cru qu’il avait été bâti à l’endroit même où Jean baptisait ; mais il est plus probable qu’il l’avait été à quelque distance, les bords immédiats du Jourdain étant impropres à porter une construction solide. V. Guérin, Samarie, t. i, p. 111-114. L’endroit du fleuve visité par les pèlerins a lui-même changé par la suite des temps. « Au XVIe siècle, dit M. Guérin, ioid., p. 114, les pèlerins allaient se baigner dans le Jourdain à l’est-nord-est du Qasr el-Yehûdi, et probablement au gué actuellement connu sous le nom de Makkadet el-Ghoranyéh ; au jourd’hui, au contraire, ils sont conduits au sud-sud-est de ces mêmes ruines, au Maqqadet el-Hadjla ou el-Meschra. Ce gué pourrait bien être effectivement le Bethabara où Jean baptisait, et, par conséquent, il serait permis de penser que ce serait là que Notre-Seigneur aurait lui-même reçu le baptême des mains de son saint précurseur… Si, depuis, les pèlerins latins ne vont plus se baigner au gué appelé Makkadet el-Ghoranyéh, c’est que leur itinéraire est, en général, combiné avec une excursion au bord de la mer Morte, et que, pour ne pas trop allonger leur course, leurs guides les mènent de préférence à un endroit du Jourdain moins éloigné de la mer Morte. » Les plus anciens témoignages placent le lieu du baptême vis-à-vis de la Jéricho romaine, en face de Qasr el-Yehûdi que les Grecs appellent Saint-Jean IIp<SSpo[io « . Le Pèlerin de Bordeaux, en 333, Itiner., Patr. lat., t. viii, col. 792, le marque sur la rive orientale, à cinq milles au-dessus, de la mer Morte, près de la colline d’où Elisée avait été enlevé. Saint Jérôme, Peregrin. sanct<e Paulæ, Epist. cw/, 12, t. xxii, col. 888, paraît indiquer le même site et suppose que c’est là que les Hébreux avaient passé le Jourdain sous Josué, et que l’avaient aussi passé plus tard Élie et Elisée. La tradition est la même dans Antonin de Plaisance, 9, t. lxxii, col. 902 ; Arculphe, ii, 16, t. lxxxviii, col. 800. — On peut voir la description du pèlerinage dans Montague, Narrative of the expédition to the Bead Sea, 1849, p. 169-177 ; Stanley, Sinai and Palestine, 1877, p. 314-316 ; G. Ebers et H. Guthe, Palastma in Bild und Wort, 2 in-4°, Stuttgart, 1883, t.i. p. 177-180 ; J. Fahrngruber, Nach Jérusalem, in’-12, Wurzbourg (sans date), p. 298-299.

Le Jourdain figure souvent dans les premières œuvrer de l’art chrétien, à cause du baptême qu y reçut Notre-Seigneur, sur les sarcophages, dans les verres à fond d’or, dans les mosaïques. La mosaïque du baptistère de Saint-Jean in fonte, à Ravenne, qui date de 425 à 430, le représente (fig. 309) à demi plongé dans ses propres 309. — Le Jourdain figuré dans le baptême du Christ. D’après Garrucci, Storia deW arte cristiana, pl. 227, fig. 1*

ondes avec un sceptre de roseau à la main et contemplant le baptême du Sauveur. Son nom Jordann est écrit au-dessus de sa tête. Voir J. Ciampini, Vêlera Monumenta, 2 in-f", Rome, 1690, 1. 1, pl. lxx, et p. 235. D’autres lois, il est figuré tenant à la main une urne dont il fait couler les eaux. L’art chrétien emprunta ainsi à l’art païen sa manière de représenter les fleuves, Voir W. Smith et

t. Cheetham, Dictionary of Christian antiquities, t. i, 1875, p. 890 ; Kirsch, dans Kraus, Real-Encyklopadie, t. ii, p. 832 ; J. Strzygowski, Ikonographie der Taafe Christi, Munich, 1885 ; H. Detzel, Christliche Ikonographie, 2 in-8°, Fribourg-en Brisgau, 1894-1896, t. i, p. 242-255.

2° Notre-Seigneur traversa plusieurs fois le Jourdain pendant sa vie publique, puisqu’il alla de la Galilée à Jérusalem par la Pérée, Matth., xix, 1 ; Marc, x, 1, et qu’il se trouvait à l’est du fleuve à l’époque de la mort de Lazare, Joa., x, 40, mais les Évangiles ne mentionnent pas explicitement ces passages. Il est probable, néanmoins, que c’est par les gués de Bethsan que Jésus allait dans la Pérée et que c’est par les gués situés visà-vis de Jéricho qu’il se rendait dans la capitale de la Judée et à Béthanie. F. "ViGOUROUX.

JOYAU. Voir Bijou, t. ii, col. 1794. t

    1. JOZABAD##

JOZABAD (hébreu : Yehôzâbdd, et par contraction Yôzâbâd, « Jéhovah a donné s), nom de dix Israélites. La Vulgate appelle sept d’entre eux Jozabad et les trois autres Jozabed.

1. JOZABAD (hébreu : Yehôzâbdd ; Septante ; ’IsÇsêoùO, IV Reg., xii, 21 ; ’IwÇaêéS, II Par., xxiv, 26), fils d’une femme moabite appelée Somer. Avec Josachar, qui était comme lui serviteur du roi de Juda Joas, il assassina son maître et fut mis à mort par Amasias, fils et successeur de Joas. IV Reg., xii, 21 ; II Par., xxiv, 26. Voir Josachar, col. 1647.

JOZABAD (hébreu : Yôzâbâd ; Septante : ’lut un des chefs de Manassé qui alla rejoindre David à Siceleg. I Par., xii, 20.

3. JOZABAD (hébreu : Yôzâbâd ; Septante : ’Wa6a(6), autre chef de Manassé qui, avec le précédent, se rendit à Siceleg auprès de David et l’aida à poursuivre et à battre les Amalécites. I Par., xii, 20-21.

4. JOZABAD (hébreu : Yehôzâbdd ; Septante : ’IwÇaêâô), lévite de la famille de Coré, second fils d’Obédédom, qui vivait du temps de David. Il fut un des portiers chargés de la garde de la porte méridionale du Temple et du Beth Asuppim. (Voir Asuppim, t. i, col. 1197.) I Par., xxvi, 4 ; cf. ꝟ. 15.

5. JOZABAD (hébreu : Yehôzâbdd ; Septante : ’IwÇaêdiS), de la tribu de Benjamin. Il fut un des généraux de l’armée de Josaphat, roi de Juda ; il avait sous ses ordres 180, 000 hommes. II Par., xvii, 18. Cf. Johanan 8, col. 1592.

6. JOZABAD (hébreu : Yôzâbâd ; Septante : ’ItoÇaêdcS), lévite qui vivait du temps d’Ezéchias, roi de Juda. Il était chargé avec quelques autres de veiller, sous la direction de Chonénias et de Séméi, sur les offrandes qui étaient faites au Temple. II Par., xxxi, 13.

7. JOZABAD (hébreu : Yôzâbâd ; Septante : ’IwÇaêàS), un des chefs des lévites. Il fit des offrandes avec d’autres membres de sa tribu pour la célébration de la Pâque solennelle qui eut lieu sous Josias, roi de Juda. II Par., Xxxv, 9.

    1. JOZABED##


JOZABED, nom, dans le Vulgate, de trois lévites qui, dans le texte original, sont appelés Yôzâbâd, comme les précédents. Voir Jozabad.

1. JOZABED (hébreu : Yôzâbâd ; Septante : ’IwîaêâS), lévite, fils de Josué. Il aida Esdras et Mérémoth, avec quelques autres lévites, à compter et à peser l’or et

l’argent et les vases précieux du Temple qui avaient été rapportés de la captivité de Babylone. I Esd., viii, 33-34.

2. JOZABED (hébreu : Yôzâbâd ; Septante : ’IioÇotgâS), prêtre, de la famille de Pheshur. Il avait épousé une femme étrangère et Esdras l’obligea de la quitter. I Esd., x, 22.,

3. JOZABED (hébreu : Yôzâbâd ; Septante : ’IwÇaéâS), lévite qui, du temps d’Esdras, avait épousé une femme étrangère et dut la répudier. I Esd., x, 23. Ce lévite est probablement le même que celui qui est nommé deux fois dans Néhémie, comme ayant aidé Esdras à expliquer la loi au peuple, II Esd., viii, 7, et comme étant un des chefs chargés de surveiller les travaux extérieurs de la maison de Dieu. II Esd., xi, 16.

    1. JOZACHAR##

JOZACHAR (hébreu : Yôzâkâr ; Septante : ’Is^ipxtép), nom, dans IV Reg., xii, 21 (hébreu 22), d’un des assassins du roi Joas, qui est appelé Zabad dans II Par., xxiv, 26. Son nom s’écrit aussi Josachard. Voir Josachar, col. 1647.

    1. JUBAL##

JUBAL (hébreu : Yûbâl ; Septante : ’Iou6xX), fils de Lamech et d’Ada, inventeur des instruments de musique appelés en hébreu kinnôr et’ûgâb (Vulgate : cithara et organum), c’est-à-dire, probablement, d’un instrument primitif à cordes (kinnôr) et d’un instrument à vent, sorte de flûte rudimentaire (’ugâb), comme en fabriquent les bergers avec des roseaux. Voir Harpe, col. 434, et Flûte, t. ii, col. 2291. Jubal menait la vie pastorale avec son frère Jabel, Gen., iv, 20-21 ; or de tout temps et en tout lieu, les bergers ont aimé à fabriquer de grossiers instruments de musique et à en jouer. Les Grecs attribuaient aussi à deux gardiens de troupeaux, à Apollon et à Pan, l’invention de la lyre et de la ilûte. Pline, H. N., vii, 57, 13. Le nom de Jubal, Yûbâl, rappelle le mot hébreu yôbal, qui signifie bélier et la trompette qu’on fabriquait avec la corne du. bélier.

    1. JUBILAIRE##

JUBILAIRE (ANNÉE) (hébreu : Sénat yôbêl ; Septante : ïttti àyiaswç, afsdiç ; Vulgate : annus jubilsei, jubilmus), chaque cinquantième année, dont le début était annoncé au son du yôbêl. Voir Jubilé.

I. Sa fixation.

1° Le Lévitique, xxv, 8-10, portait la loi suivante : les Israélites devaient compter sept semaines d’années, soit quarante-neuf ans, puis sanctifier la cinquantième année, en s’abstenant de semer, de moissonner et de vendanger, abstention déjà prescrite pour les années sabbatiques. Voir Sabbatique (Année). Quelques-uns ont pensé cependant que l’année jubilaire n’était autre que l’année sabbatique de la septième semaine d’années, c’est-à-dire la quarante-neuvième. Mais la manière dont s’exprime le Lévitique est la même que celle qu’emploie le Deutéronome, xvi, 9, pour fixer la Pentecôte immédiatement après les sept semaines qui commencent à la Pâque, par conséquent au cinquantième jour. D’autre part, si l’année jubilaire se confondait avec la quarante-neuvième année, qui est une année sabbatique, il n’y aurait pas lieu de prohiber spécialement la culture et la récolte, puisque l’année sabbatique comportait déjà cette prohibition. Josèphe r Ant. jud., III, xiii, 3, dit positivement que l’année jubilaire était la cinquantième. C’est à cet avis que se rangent à peu près tous les auteurs. — 2° On a objecté que, cette fixation adoptée, on se heurtait à deux années consécutives sans semailles et sans récolte, l’année sabbatique et l’année jubilaire. Mais ce repos de la terre n’avait pas d’inconvénient sérieux dans un pays aussi fertile que la Palestine. Il va de soi d’ailleurs qu’on ménageait des réserves sur les récoltes précé

dentés en vue de ces deux années improductives, ou qu’on achetait dans les pays voisins ce qui pouvait manquer dans celui des Israélites. Il faut se souvenir aussi que le Seigneur avait promis de bénir la sixième année, de manière qu’elle donnât des récoltes pour trois ans. Lev., xxv, 21. L’année jubilaire était donc prévue, et rien ne devait manquer jusqu’à la récolte qui suivait cette année. Nulle part nous ne voyons trace d’une plainte des Israélites à ce sujet. —3° Quelques auteurs juifs ont prétendu que les semaines d’années se succédaient sans interruption, de telle sorte que l’année jubilaire tombait successivement à chacune des années du cycle sabbatique. Aucune donnée historique ne permet soit de soutenir, soit de combattre péremptoirement cette idée. En s’en tenant au texte de la loi, la plupart des auteurs pensent que les années jubilaires restaient en dehors du cycle sabbatique et qu’ainsi chaque demi-siècle se terminait par une année jubilaire, à la suite de laquelle venait la première année d’une nouvelle période sabbatique. Il suit de là que si l’on voulait compter les années par semaines, comme par exemple dans la prophétie de Daniel, ix, 24, il faudrait ajouter une année à chaque période de sept semaines. Il est vrai qu’au dire des rabbins, on aurait cessé de tenir compte des années jubilaires à partir de la destruction du Temple de Salomon. Ézéchiel, vii, 1213, semble le donner aussi à entendre, au moins pour le temps de la captivité. — 4° L’année jubilaire était annoncée par des sonneries du sôfar le dixième jour du septième mois. Ce jour était celui de la fête de l’Expiation. Lev., xxiii ; 27. Voir Expiation (Fête de L’), t. ir, « ol. 2136. Il convenait en effet que les Israélites réglassent leurs comptes avec le Seigneur avant de les régler avec leurs semblables. Ce septième mois était celui de tischri, correspondant à septembre-octobre, et le premier de l’année civile. L’année était donc commencée depuis dix jours ; mais ce retard ne tirait pas à conséquence et l’on comprend que la fête de l’Expiation eût été singulièrement compromise si elle avait trouvé les Israélites au milieu des changements qu’entraînait l’année jubilaire. À pareille époque, toutes les récoltes étaient terminées et les semailles n’avaient pas encore été faites, surtout à la veille d’une année jubilaire. Du reste, le premier jour du septième mois était un jour de repos solennel annoncé par le son des trompettes. Lev., xxiii, 24. On n’aurait pu ce même jour publier l’année jubilaire. Quelques-uns ont pensé que le septième mois dont il est question ici était celui de l’année civile, le mois de nisan, qui correspond à mars-avril. Il n’a certainement pu en être ainsi. En parlant du septième mois, le législateur n’a pas eu en vue tantôt celui de l’année religieuse et tantôt celui de l’année civile. Les dates sont toujours fixées par lui d’après le calendrier religieux. Lev., xxiii, 5, 6, 24, 27, etc. De plus, l’année jubilaire commencée en nisan n’aurait permis de faire ni les récoltes déjà voisines de la maturité, ni les semences de l’année suivante, ce qui eût imposé deux annés d’abstention tandis que la loi n’en prévoit qu’une. L’année jubilaire commençait donc avant l’époque des semailles et finissait après celle de la récolte.

II. Les effets.

1° Il était prescrit tout d’abord de « sanctifier la cinquantième année ». Lev., xxv, 10. Cette sanctification ressemblait à celle du sabbat. Exod., xx, 8-11. Elle ne comportait point d’œuvres proprement religieuses, mais seulement l’abstention de tous les travaux agricoles. Cette mesure facilitait les mutations prescrites dans l’année jubilaire. Cependant on pouvait manger le produit spontané des champs, mais en le recueillant au jour le jour, sans faire de récolte ni amasser dans les greniers comme les années ordinaires. Sous ce rapport, l’année jubilaire ressemblait de tout point à l’année sabbatique. Il est à noter cependant

que, dans le chapitre xxv du Lévitique, plusieurs auteurs soupçonnent une interversion des textes. Les ꝟ. 1-7, 19-22 traitent de l’année sabbatique et du repos qu’elle entraîne pour l’agriculture ; les ꝟ. 8-18, 23-55 se rapportent au jubilé et aux différentes libérations qu’il comporte. Le ꝟ. 11, qui prohibe les semailles et les récoltes l’année du jubilé, serait une répétition des ꝟ. 4 et 5 qui concernent l’année sabbatique. Cette répétition serait, dit-on, l’œuvre d’un copiste trop zélé. Ct. B. Bæntsch, Dos Heiligkeits-Gesetz, Erfurt, 1893, p. 59-60. Cette affirmation demanderait à être prouvée. Le ꝟ. Il reproduit l’idée, mais nullement les fermes des j^. 4 et 5. Josèphe, Anl. jud., III, xii, 3, après avoir dit que Moïse imposa la cessation des travaux agricoles pendant les années sabbatiques, ajoute : « Il voulut qu’il en fût de même après la septième semaine d’années, ce qui est le cas pour chaque cinquantième année. » Il est à peine concevable que l’auteur juit se soit mépris sur une question d’importance pratique aussi grave, et que les autres écrivains de la nation aient admis la même erreur. Le texte législatif est donc à conserver dans sa teneur actuelle. Cf. Munk, Palestine, Paris. 1881, p. 185 ; De Hummelauer, /n£’a ! od. et Levit., Paris, 1899, p. 530. — 2° Chacun retournait dans sa propriété, s’il l’avait aliénée, ou dans sa famille, si, pour une raison quelconque, il était tombé en esclavage. La loi prévoyait ainsi un retour périodique des propriétés et des personnes dans leur état primitif, de telle manière que ni l’indigence absolue ni l’esclavage ne pussent devenir le lot définitif d’aucune famille ni d’aucun Israélite. Tous les cinquante ans, chaque portion du sol revenait à la famille qui la possédait originairement. Il suit de là que, chez les Hébreux, la propriété foncière était inaliénable et que l’usufruit seul pouvait en être cédé pour un temps. Le texte législatif explique dans quelle mesure devaient se traiter les transactions en matière de propriété. « Tu achèteras de ton prochain en comptant les années depuis le jubilé, et il te vendra en comptant les années de rapport. Plus il y aura d’années, plus tu élèveras le prix, et moins il y aura d’années, plus tu le réduiras, car c’est le nombre des récoltes qu’il te vend. » Lev., xxv, 15-17. Ce qui déterminait ; la valeur d’une terre, c’était donc le nombre d’années qui séparait la vente de l’époque du jubilé. Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, donne le renseignement suivant sur la manière dont se réglait le retour d’un, champ à son propriétaire primitif : « À l’approche du jubilé, mot qui signifie liberté, le vendeur du champ et l’acheteur se réunissent et font ensemble l’estimation des fruits et des dépenses opérées dans le champ. Si les fruits sont en excédent, le vendeur reprend le champ ; si au contraire ce sont les dépenses, l’acheteur est indemnisé de la différence avant de se dessaisir du champ. Quand les iruits et les dépenses se balancent, le champ retourne aux antiques possesseurs. » Ceci revient à dire probablement que quand l’acheteur avait fait dans le champ des dépenses qui en amélioraient le rendement, mais dont les récoltes recueillies par lui ne l’avaient pas suffisamment indemnisé, le propriétaire légal devait lui en tenir compte, tandis que l’acheteur restait en possession des bénéfices que lui avaient procurés les travaux exécutés par ses soins. L’indication que donne Josèphe représente vraisemblablement ce que la tradition lui fournissait sur la pratique des anciens Israélites. — 3° Les Israélites devenus esclaves recouvraient la liberté et retournaient dans leurs familles. Voir Esclave, t. ii, col. 1922. — 4° Le jubilé n’avait point d’effet sur les maisons bâties dans des villes entourées de murs. Si la maison n’était pas rachetée par le vendeur dans l’année qui suivait la vente, elle restait à perpétuité la propriété de l’acheteur. Mais dans les villes non entourées de murs, par conséquent aussi dans les bourgs et les villages, les maisons étaient considérées comme des anri 753

    1. JUBILAIRE##

JUBILAIRE (ANNÉE) — JUCADAM

1754

nexes des champs et soumises aux mêmes conditions qu’eux. Si le vendeur ne les avait pas rachetées avant le jubilé, il rentrait de plein droit en leur possession à cette époque. La raison de cette différence entre les maisons des villes à enceinte et les autres se conçoit. Pour rester fixées au sol attribué à leur ancêtres, les familles avaient besoin de recouvrer périodiquement leurs champs et leurs maisons. Dans les villes importantes, au contraire, le lotissement par famille n’existait pas et la perpétuité des achats favorisait l’établissement d’habitants capables d’assurer le bon état des constructions et de contribuer ainsi à la prospérité de la cité. Les anciens auteurs juifs ont prétendu qu’on ne considérait comme villes entourées de murs que celles qui étaient telles au temps de Josué. Il y en avait alors si peu que la loi n’aurait eu guère de raisons d’être. Rien ne prouve qu’il en ait été ainsi. La loi prévoyait une exception en faveur des lévites. Leurs champs ne pouvaient jamais être vendus, leurs maisons pouvaient toujours être rachetées par eux et, si elles ne l’étaient pas, elles devaient leur être remises à l’époque du jubilé. Il fallait éviter en effet que les lévites fussent évincés des propriétés et des maisons qui leur étaient spécialement attribuées. Lev., xxv, 29-34. — 5° Quand Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, dit que l’année du jubilé les débiteurs étaient délivrés de leurs dettes, il faut restreindre cette affirmation générale à ce sens que ceux qui avaient aliéné leur champ ou leur maison pour obtenir une somme d’argent rentraient en possession de ce champ ou de cette maison, sans avoir rien à rendre. Il est trop clair que si les débiteurs ordinaires avaient été libérés par le jubilé, ils n’auraient jamais trouvé de prêteurs. Voir Dette, t. ii, col. 1394. — 6° Sur les observations d’une famille de Manassé, Moïse régla que les filles héritières ne pourraient se marier hors de leur tribu, afin que leur héritage, même racheté par des parents, ne passât pas à une tribu étrangère en vertu du jubilé. Num., xxxvi, 3-6.

III. La pratique.

Les textes, Lev., xxvii, 16, et Num., xxxvi, 4, montrent que dès l’origine on se préoccupa du jubilé et des conséquences qu’il entraînait. D’autres passages font allusion à la partie de la loi du jubilé qui concerne le rachat des propriétés de famille. Ruth, iv, 1-8 ; Jer., xxxii, 7 ; xxxiv, 8 ; Ezech., vii, 12 ; xlvi, 16. Ézéchiel, xlvi, 17, appelle l’année jubilaire Sénat had-derôr, « année de la liberté. » Isaie, lxi, 1, 2, parle de l’année de grâce et de la liberté rendue aux captifs comme de symboles de la rédemption messianique. Luc, iv, 19. Néanmoins la loi n’était pas toujours respectée. Achab ne se fit pas scrupule de prendre la vigne de Naboth, qui faisait partie d’un domaine familial inaliénable. III Reg., xxi, 2-16. Isaie, v, 8, et Michée, ii, 2, 4, parlent de ceux qui ajoutaient maison à maison, champ à champ, et occupaient tout un pays, au mépris par conséquent de la loi jubilaire. Ces excès appelaien ! la vengeance de Dieu, même quand ils étaient commis contre Israël par des peuples étrangers. Isaïe, xxxiv, 8, semble bien songer à l’année jubilaire quand il prédit conlre les Iduméens l’année de représailles, Senaf sillûm, pour la cause de Sion. — Au retour de la captivité, la condition sociale des Juifs de Palestine se trouva si profondément modifiée que la loi de l’année jubilaire cessa d’être applicable. Les livres d’Esdras, qui parlent de l’année sabbatique, II Esd., x, , 31, ne font aucune mention de.l’année jubilaire. Parmi les inscriptions du Sinaï, on en a trouvé une datant de 189 après J.-C, qui mentionne 1’« année dans laquelle les pauvres du pays ont le droit de faire la cueillette (des dattes) », ce qui suppose chez les Nabuthéens une coutume analogue à celle de l’année sabbatique des Juifs. Cf. Clermont-Ganneau, Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 3 avril 1901, p. 206. Rien de semblable n’a été rencontré nulle part au sujet

de l’année jubilaire. Il y a donc lieu d’admettre, avec les auteurs juifs, que la loi a cessé d’être observée sur ce point à partir de la captivité. — Cf. Reland, Antiquitates sacrse vet. Hebrseor., Utrecht, 1741, p. 266-268 ; Carpzov, De anno jobelseo sec. discipl. Hebrseor., Leipzig, 1730 ; Bahr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 572-576, 603-612 ; P. Schmalzl,

Das Jubeljahr, Eichstatt, 1889.
H. Lesêtre.
    1. JUBILÉ##

JUBILÉ (hébreu : yôbêl ; Septante [Ambrosianus] : t(*6ïjX ; Vulgate : jubilæus), nom de l’instrument qui servait à annoncer l’année jubilaire. Le yôbêl avait retenti en deux circonstances mémorables : autour de Sinaï, pour indiquer au peuple le moment d’en approcher, Exod., xix, 13, et autour de Jéricho, pour en faire tomber les murs. Jos., vi, 5. En dehors de ces deux textes, le yôbêl n’est plus mentionné qu’au sujet de l’année jubilaire. Théodotion et la Vulgate se contentent de reproduire phonétiquement le mot hébreu. Les Septante traduisent par açeuic, « remise. » Aquila, le Syriaque et plusieurs autres versions ont une traduction analogue. Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, dit que le mot signifie èXeviŒpïa, « liberté. » Ces dernières traductions prêtent à yôbêl un sens en rapport avec l’effet produit par l’année jubilaire, h’hiphil du verbe ydbal, qui veut dire « conduire, présenter », se prête difficilement à justifier cette étymologie. Plusieurs autres explications ont été cherchées, mais elles ne sont pas plus satisfaisantes. Les Talmudistes avaient traduit yôbêl par « bélier », d’après le sens que le mot possède en arabe. Cf. Robertson, Thésaurus linguse sanctx, Londres, 1680, p. 282. C’est cette dernière traduction qui se trouve confirmée par une inscription phénicienne, Massil., lin. 7, Corp. Inscr. semit., 1881, part, i, t. i, p. 224, dans laquelle se lit le mot yôbêl avec le sens de i bélier ». Cf. A. Bloch, Phônizisches Glossar, 1891, p. 32. Dans Josué, vi, 5, qërén hay-yôbêl, veut dire « corne de bélier », ce que VAmbrosianus traduit par aiXmyi tov Î(i)6ï|>, et la Vulgate par vox tubse longior. Dans l’Exode, xix, 13, yôbêl est employé seul avec le sens de « trompette », crâXmYl, buccina. Nous sommes donc ici en face d’un mot archaïque et étranger, qui cessa d’être en usage après le livre de Josué. Par une suite de métonymies, le yôbêl, nom du bélier, est devenu successivement celui de la corne de l’animal, du son qu’on en tire et enfin de la solennité dontce son donne le signal. Cf. Corne, t. ii, col. 1011. De là le nom de l’année jubilaire, sénat hayyôbêl, « année du yôbêl, » Lev., xxv, 13, ou simplement le yôbêl, « jubilé. » Lev., xxv, 10. En français, le mot olifant a désigné successivement, par une métonymie analogue, l’éléphant ou oliphant, l’ivoire, la corne faite avec l’ivoire et même toute espèce de cornes. Au yôbêl s’attachait une idée joyeuse, à cause des transformations sociales qu’entraînait l’année jubilaire. Il est donc à croire qu’en se servant, pour le traduire, du mot jubilæus, saint Jérôme a voulu se rapprocher du mot jubilum, qui désigne les cris de joie que poussent les gens de la campagne. Silius Italicus, xiv, 475 ; Calpurnius, Eclog., i, 80. — Le yôbêl ne constituait pourtant pas un instrument spécial ; ce n’était vraisemblablement qu’une corne ou trompette ordinaire, comme le montre l’emploi qui en fut fait au Sinaï et à Jéricho. D’ailleurs le Lévitique, xxv, 9, dit que pour annoncer l’année jubilaire on faisait retentir le ëôfaron trompette, hesôfar devenait donc yôbêl soit par une sonnerie particulière, soit simplement en raison de la circonstance.

H. Lesêtre.
    1. JUBILÉS (LIVRE DES)##


JUBILÉS (LIVRE DES). Voir Genèse (Petite), col. 180.

    1. JUCADAM##

JUCADAM (hébreu : Yoqde’âm ; Septante : ’Apmâu.’; Alexandrinus : ’UvSa&y.), ville des montagnes de Juda. Jos., xv, 56. Elle fait partie du groupe de Maon, da

Carmel, de Ziph, de Jota, de Jezræl et de Zanoé et devait être par conséquent dans le voisinage du désert de Juda, au sud-est d’Hébron, mais elle n’a pas été jusqu’ici identifiée.

    1. JUCHAL##

JUCHAL (hébreu : Yehûkal et, par abréviation, Yûkal ; Septante : ’ItaâxaX, Jer., xliv, 3 ; xlv, 1), fils de Sélémias, contemporain de Jérémie. Il fut envoyé à ce prophète par le roi de Juda, Sédécias, avec Sophonie, fils de Maasias, afin de lui demander ses prières. Jer., xxxvii, 3. Juchai entendit avec plusieurs autres la prophétie que fit alors Jérémie et dans laquelle il annonçait la prise de Jérusalem par le roi de Babylone. Jer., xxxviii, l.Cet oracle, rapporté à Sédécias, fut cause que le prophète fut jeté en prison. Jer., xxxviii, 2-6.

JUD (hébreu : Yehud ; Septante : ’AÇtip ; Alexandrinus : ’IoiSfl), ville de la tribu de Dan, nommée seulement une fois dans Josué, xix, 45. Elle figure dans la liste des possessions de Dan entre Baalath et Bané-et-Barach (Benë-Beraq, aujourd’hui Ibn-Ibraq, voir 1. 1, col. 1428). C’est actuellement el-Yehûdiyéh, à quatorze kilomètres environ à l’est de Jaffa, à cinq kilomètres à l’est à’Ibn-Ibraq ; à neuf kilomètres au nord de Lydda. — « La population (de ce village) dépasse mille habitants. Les maisons sont bâties en briques crues ; elles sont dominées, sur plusieurs points, par des palmiers. Je remarque, près d’un puits à norias, la cuve d’un antique sarcophage, placée là en guise d’auge. En outre, deux bassins peu profonds, non construits et consistant en une dépression elliptique du sol, servent à recueillir les eaux pluviales et à abreuver les animaux. Près du village, un oualy surmonté de trois coupoles est consacré à Neby-Yehouda ou « prophète Juda », l’un des fils de Jacob, dont les cendres y reposeraient et qui auraient donné son nom à la localité. » V. Guérin, Judée, t. i, p. 321-322. Juda dut mourir et être enseveli en Egypte. C’est plutôt le nom de la localité qui aura fait supposer qu’il avait été enterré en ce lieu. — Parmi les villes conquises en Judée par Sésac et énumérées par ce pharaon sur les murs du temple de Karnak, on remarque celle qui est appelée Yutah malek. "Voir F. Vigoureux, La Jhble et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 420-421. Quelques exégètes ont supposé que ce nom hiéroglyphique désigne la ville de Yehûd ou Jud. Voir Sésac et Roboam. Cr. Ed. Robinson, Biblical Researches inPalestine, 1841, t. iii, p. 45 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, 1882, p. 258, 278.

F. Vigouroux.

JUDA (hébreu : Yehûdâh ; Septante : ’IoôSa ;), nom de nombreux Israélites. La Vulgate les appelle tantôt Juda, tantôt Judas.

1. JUDA, le quatrième fils que Lia donna à Jacob. Gen., xxix, 35. Son nom, comme celui de ses frères, est une paronomase basée sur l’exclamation de sa mère au moment de sa naissance : « Elle conçut une quatrième fois et enfanta un fils, et elle dit : Maintenant je louerai (miN, ’ôdéh) le Seigneur. C’est pourquoi elle l’appela du nom de Juda (rmflt, Yehûdâh). » Gen., xxix, 35.

Le même jeu de mots se retrouve dans la prophétie de Jacob. Gen., xlix, 8 : « Juda, tes frères te loueront (ïpiV, yôdûhâ). » Ce nom est donc un dérivé verbal de m », yâdâh, « louer, » à l’imparfait hophal. Per TT

sonnellement, ce patriarche nous est connu par plusieurs traits de l’Écriture. Seul avec Ruben, il cherche à sauver la vie de Joseph, et, pour éviter un fratricide, il propose de vendre son jeune frère aux Ismaélites. Gen., xxxvii, 26, 27. Sans être l’aîné, il prend dans la famille de Jacob un rôle prépondérant, avec un caractère plein de décision, de noblesse et de force. Au moment du second voyage en Egypte, quand il s’agit d’emmener

Benjamin, il fait valoir devant l’affliction de’son père, avec autant de ménagement que de fermeté, les raisons qui doivent décider celui-ci à laisser partir l’enfant. Il y ajoute un engagement empreint de la plus grande générosité, qui détermine enfin le consentement de Jacob. Gen., xliii, 3-10. Après s’être porté garant pour Benjamin, il le défend admirablement devant Joseph, dans l’histoire de la coupe. La nécessité, le sentiment du devoir et le dévouement lui donnent une hardiesse qui sait néanmoins se contenir dans les bornes du respect. Son cœur le rend éloquent, et son discours, dans sa simplicité, est un des plus beaux, des plus touchants de l’Ancien Testament. « Que je sois plutôt votre esclave, dit-il en terminant, moi qui me suis fait sa caution. .. car je ne puis retourner vers mon père en l’absence de l’enfant, de peur que je ne sois témoin du malheur qui accablera mon père. » C’est après ces paroles que Joseph, ne pouvant retenir ses larmes, se fit reconnaître. Gen., xliv, 14-34. La fidélité, la prudence et l’éloquence dont Juda avait donné des preuves si éclatantes le désignaient naturellement au choix de son père pour le précéder et annoncer son arrivée en Egypte. Gen., xlvi, 28. Sa prépondérance parmi ses frères se reflète dans la prophétie relative à la tribu dont il fut le chef. Gen., xlix, 8-12. Voir Juda (Tribu de). — Juda eut cinq fils : trois, Her, Onan et Séla, de son mariage avec la fille de Sué, et deux, Phares et Zara, de son inceste avec Thamar. Gen., xxxvin. C’est par Phares que se continua la lignée messianique.

Matth., i, 3.

2. JUDA (hébreu : Yehûdâh ; Septante : ’Ioûêa), lévite, ancêtre de Cedmiel qui, avec ses fils, s’occupa de la reconstruction du temple de Jérusalem, après le retour de la captivité de Babylone. I Esd., iii, 9. Plusieurs commentateurs croient que ce Juda est le même que l’Odavia nommé I Esd., ii, 40, etl’Oduia nommé II Esd., vu, 43.,

3. JUDA (hébreu : Yehûdâh ; Septante : TovSa ;), lévite qui avait épousé une femme étrangère ; Esdras l’obligea à la renvoyer. I Esd., x, 23. C’est probablement le Juda (Septante : ’IwSâe) qui était revenu de la captivité avec Zorobabel, II Esd., xii, 8, et qui prit part comme chantre à la dédicace des murs de Jérusalem du temps d’Esdras. II Esd., xii, 36.

4. JUDA (Ioû8a), fils de Joanna et père de Joseph, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, iii, 26.

5. JUDA (grec : ’IoôSa), fils de Joseph et père de Siméon, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, iii, 30.

6. JUDA, une des douze tribus d’Israël.

I. Géographie.

La tribu de Juda occupait un assez vaste territoire au sud de la Palestine. Elle était bornée au nord par celles de Dan et de Benjamin, au bud par celle de Siméon, à l’est par la mer Morte, et à l’ouest par la plaine des Philistins. Voir la carte. Avant de décrire la région sur laquelle elle s’étendait, nous avons à mentionner ses villes principales et à tracer ses limites.

I. villes principales.

Les principales villes de Juda sont énumérées dans Josué, xv, 21-62. La liste comprend celles qui furent plus tard attribuées à Siméon. Jos., xix, 1-7. Pour plus de clarté et de conformité avec le texte biblique, nous la prendrons telle qu’il la donne, complète, nous permettant d’estimer ainsi l’étendue primitive de la tribu. L’auteur sacré suit dans cette énumération un ordre remarquable. Il adopte quatre grandes divisions : les villes du midi ou du négéb, sur

les frontières d’Edom, ꝟ. 21-32 ; celles de la plaine ou de la Séfélah, J. 32-47 ; celles de la montagne, jL 4860 ; celles du désert ou midbâr, jr. 61-62. Les trois premières sont subdivisées en groupes, qui sont d’un prévieux secours pour l’identification. Puisque, en effet, l’écrivain, au lieu de jeter les noms au hasard, s’est astreint à une méthode exacte, nous n’avons pas le droit de négliger ce fil conducteur pour nous laisser guider en plus d’un cas par une onomastique plus ou moins spécieuse. C’est une règle que nous aurons occasion d’appliquer. Elle n’est pas absolue sans doute ; mais pour les localités peu souvent citées, lorsque les données de la Bible font défaut et que les traditions anciennes n’ont rien que de vague, elle peut avoir un très grand poids. Pour les détails, voir les articles qui concernent chacune de ces villes.

I. villes du midi.

Le texte hébreu nous permet de distinguer ici quatre groupes, d’après la manière dont les noms sont unis par la conjonction vav, « et. » Malheureusement l’identification de la plupart de ces villes est restée jusqu’ici impossible. Voir la carte, lig. 310.

i" groupe. — 1. Çahséel (hébreu : Qabsëêl, Jos., xv, 21 ; II Reg., xxiii, 20 ; I Par., xi, 22 ; Yeqabse’êl, II Esd., xi, 25 ; Septante : Codex Vaticanm, BaureXs^X ; Cod.Alexandrinus, KaoôsvjX, Jos., xv, 21 ; KaSs<isï)X, II Reg., xxiii, 20 ; Ka6a<ra-nX, I Par., xi, 22 ; Kaêtre^X, II Esd., xi, 25). Inconnue.

2. Éder (hébreu : ’Êdér ; Septante, Cod. Vat. ; "Apa ; Cod. Alex. : ’ESpoti). Inconnue.

3. Jagur (hébreu : Yâgâr ; Septante, Cod. Vat. : ’A<r<ip ; Cod. Alex. : ’Iayovp). Inconnue.

4. Cina (hébreu : Qînâh ; Septante, Cod. Vat. : ’Lcàn ; Cod. Alex. : Kivà). Inconnue.

5. Dimona (hébreu : Dîmôndh ; Septante, Cod. Vat. : ’PeYnà ; Cod. Alex. : Aijxwvà). Inconnue.

6. Adada (hébreu : ’Ad’âdâh ; Septante, Cod. Vat.’’Apouï|X ; Cod. Alex. : *’A6a61), retrouvée de nos jours dans les ruines du même nom, ’Ad’adah, à l’ouest de la mer Morte, à la hauteur de la pointe méridionale de la Ltsân. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Nantes and Places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 4.

7. Cadès (hébreu : QédéS ; Septante, Cod. Vat. : Ka8Vi « ; Cod. Alex. : Ké8s « ), peut-être la même que Cadèsbarné, Jos., xv, 3, ’Ain Qadis, à 80 kilomètres au sud de Bersabée.

8. Asor (hébreu : ffâsôr ; Septante : ’Ao-opiwvàiv). Inconnue. Peut-être le Djebel Hadîréh, au nord-est d’Ain Qadis, en rappelle-t-il le souvenir.

9. Jethnam (hébreu : Yfnân ; Septante, corrompu par union avec le mot précédent ou le mot suivant ; Cod. Vat. : ’Affopiwvàiv ; Cod. Alex. : ’ISvaÇîç). Inconnue.

3 « groupe. — 10. Ziph (hébreu : Zîf ; Septante, Cod. Alex., uni au mot précédent : *I9va$i<p), distinct de la ville du même nom mentionnée plus loin, ji 55. Inconnue.

11. Télém (hébreu : Télém ; Septante, Cod. Alex. : TeXén). Inconnue.

12. Baloih (hébreu : Be’dlôf ; Septante, Cod. Alex. : BaXûO). Inconnue.

13. Asor la Neuve (hébreu : Bidsôr hâdatfâh ; Septante : omis). V. Guérin, La Judée, t. ii, p. 67, croit la reconnaître dans le village de Yâzûr ou Yâsûr, situé dans la plaine de Séphélah, à l’est à’Esdûd, l’ancienne Azot. La placer si haut et si loin est contraire à l’ordre d’énumération suivi par Josué.

14. Carioth (hébreu : Qeriyôf ; Septante, Cod. Vat. : al iidXst ;  ; Cod. Alex. : nôXi ;). Il est plus naturel, peut-être, de l’unir au mot suivant, Hesron, pour former un nom composé, hébreu : Qeriyôt #ésrôn ; Septante, Cod. Vat. : al itiXetç’A<repù>v ; Cod. Alex. : irôXi ; ’A<repû|i.. Cette ville subsisterait alors dans le Khirbet el-Quérir

téin, au" sud d’IIébron. Cf.Robinson, BiblicalResearches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 101, note 1 ; V. Guérin, Judée, t. iii, p. 180. « C’est la même qu’Asor. » Le texte veut-il dire qu’elle s’appelait primitivement Asor, ou qu’elle n’est autre que l’une des deux localités de ce nom, précédemment indiquées ? Impossible de trancher la question.

3’groupe. — 15. Amant (hébreu : ’Amâm ; Septante, Cod. Vat.."Sïjv ; Cod. Alex. : ’Apâp.). Inconnue.

16. Sama (hébreu : èemâ’; Septante, Cod. Vat. : SaXpuxa ; Cod. Alex. : Sàp-aa), peut-être la même que Sabée (hébreu : Séba’; Septante, Cod, Vat. : Sâptaa ; Cod. Alex. : Sâêse). Jos., xix, 2. On pourrait alors l’identifier avec Tell-es-Séba’, à l’est et non loin de Bersabée.

17. Molada (hébreu : Môlâdâh ; Septante, Cod. Vat. : MwXaSâ ; Cod. Alex. : MtiSaSa). On la place généralement à Khirbet el-Mïlh, à l’est de Bersabée. Cf. Robinson, Bibhcal Researches in Palestine, t. ii, p. 201, V. Guérin, Judée, t. iii, p. 184. D’autres la chercheraient plutôt au nord-ouest d’Arad, sur le chemin d’Hébron à El-Milh, par exemple, à Déreidjât. Cf. F. Buhl, Géographie des alten Paldstma, Leipzig, 1896, p. 183.

18. Asergadda (hébreu : Ifâsar Gaddâh ; Septante, Cod. Vat. : Sepel ; Cod. Alex. : ’AcrspyaSSâ). Inconnue.

19. Hassemon (hébreu : Jfésmôn ; Septante : omis). Inconnue.

20. Bethphéleth (hébreu : Bêf pélét ; Septante, Cod. Vat. : BaiçâXocS ; Cod. Alex. : BcaOçaXéô). Inconnue.

21. Hasersual (hébreu : Biâsar Sû’âl ; Septante, Cod. Vat. : XoXao-ewXâ ; Cod. Alex. : ’AffocpsouXi). Inconnue.

22. Bersabée (hébreu : Be’êr Séba’; Septante, Cod. Vat. : Bï)p<ràëee ; Cod. Alex. : Br]p<7â6e6). Le nom a subsisté jusqu’à nos jours dans celui de Bir es-Séba’, à 10 ou Il lieues au sud-ouest d’Hébron.

23. Baziothia (hébreu : Bizyôfyâh ; Septante, atxû>t «  «  aÙT&v). Inconnue.

4e groupe. — 24. Baala (hébreu : Ba’âlâh ; Septante, Cod. Vat. ; BaXâ ; Cod. Alex. : BaaXdc), appelée aussi Bala, Jos., Xix, 3 (hébreu : Bâlâh ; Septante : B<oXâ), et I Par., iv, 29 (hébreu : Bûkâh ; Septante : BaXaâ). Inconnue.

25. Iim (hébreu : ’Iyyîm ; Septante, Cod. Vat. : Bax<ix ; Cod. Alex. : Aùetjj.). Inconnue.

26. Esem (hébreu : ’Asém ; Septante, Cod. Vat. ; ’Aai|i. ; Cod. Alex. : ’A « ré|i.), appelée ailleurs Asem (hébreu : ’Asém ; Septante, Cod. Vat. : ’Iâoov ; Cod. Alex. : ’Auôt*), Jos., xix, 3, et Asom (hébreu : ’Ésém ; Septante : AlaéiJ.). I Par., iv, 29. Inconnue.

27. Eltholad (hébreu : ’Éltôlad ; Septante, Cod. Vat. : ’EX6wv8àS ; Cod. Alex. : ’EX8w6a8), appelée aussi Tholad (Tôlad ; Septante, Cod. Vat. : ©ouXâefi ; Cod. Alex. : QtoXâS). I Par., iv, 29. Inconnue.

28. Césil (hébreu : Kesil ; Septante, Cod. Vat. : Ba18ï)X ; Cod. Alex. : Xa<ieép), appelée ailleurs Béthul (hébreu : Betûl ; Septante, Cod. Vat. : BouXâ ; Cod. Alex. : BocOoijX), Jos., xix, 4, et Bathuel (hébreu : Betû’êl ; Septante : BaôouïjX). I Par., iv, 30. La forme Béthul ou Bathuel est probablement la vraie. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 346-347, a cru retrouver cette localité dans le village actuel de Bett Via, au nord-ouest d’Hébron. Cette identification n’est pas conforme à l’énumération de Josué et fait remonter beaucoup trop au nord la tribu de Siméon, à laquelle cette ville fut cédée.

29. Harma (hébreu : Bîormâh ; Septante, Cod. Vat. : ’Epjiâ ; Cod. Alex. : ’Ep|iâX), appelée Eorrna, Num., xxi, 3 ; Jud., i, 17 ; Herma, Jos., xii, 14, est identifiée avec Sébaita, à environ 40 kilomètres dans la direction nord-nord-est d’Ain Qadis et 26 kilomètres au sud d’Élusa. Cf. Palmer, Désert of the Exodus, Cambridge, 1871, t. ii, p. 373-380.

30. Sicelêg (hébreu : $iqlag ; Septante, Cod. Vat. : SexeXdx ; Cod. Alex. : ScxeXéy). On la cherche généra

lement maintenant à Khirbet Zuheïliqéh, à l’est-sud-est de Gaza. Cf. F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, p. 185.

31. Médémena (hébreu : Madmannâh ; Septante, Cod. Vat. : Maxapeiji ; Cod. Alex. : BsSsê^va). Le site est incertain. On a proposé Umm Deimnéh, au nord-est de Bersabée. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places in the Old and New Testament, p. 119. Comme Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 139, 279, identifient Medeniana, Mï)8eërivà avec M^vossç, près de Gaza, on a cherché la localité en question dans les environs de cette dernière ville, soit à Khirbet Ma’an Yûnés, à quatre heures de marche vers le sud, soit à El-Minyây, mentionnée par Robinson, Bibltcal Researches, t. i, p. 602. Rien de plus douteux. La liste parallèle de Jos., xix, 5, donne Bethtnarchaboth, ou « la maison des chars ». C’était peut-être un autre nom de la même ville. Quelques auteurs identifient ce nom avec Merqeb, à l’ouest de la pointe méridionale de la mer Morte.

32. Sensenna (hébreu : Sansannâh ; Septante, Cod. Vat. : Ssôevviix ; Cod. Alex. : 2av<ravvâ). Inconnue. On trouve dans la liste parallèle de Jos., xix, 5, Hasersusa (hébreu : Blàsar Sûsdh, et Ifâsar Sûsîm, « le village des chevaux, s I Par., iv, 31). Si c’est la même ville, on pourrait la chercher à Khirbet Sûsiyéh, au sud d’Hébron, ou à Susîn, Beit Susîn, sur la route des caravanes de

i Gaza en Egypte. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 172 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 82.

33. Lébaoth (hébreu : Lebd’ôt ; Septante, Cod. Vat. : AaSûç ; Cod. Alex. : Aa6w6), appelée Bethlebaoth (hébreu : Bê{ Lebâ’ôf, « la maison des lionnes » ), Jos., xix, 6, et Bethbérai (hébreu : Bêf bir’î, « maison de la graisse » ). I Par., iv, 31. Inconnue.

34. Sêlim (hébreu : Silhîm ; Septante, Cod. Vat. : SaWi ; Cod. Alex. : SsXesi’ia), appelée Sarohen (hébreu : Sârûhén), Jos., xix, 6, et Saanm (hébreu : Sa’âràim). I Par., IV, 31. On a pensé à Tell esch-Scheri’ah, au nord-ouest de Bersabée. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, etc., p. 161. Elle est mentionnée dans les inscriptions hiéroglyphiques sous la même forme, Sarahan. Elle devait donc se trouver dans la partie ouest ou sud-ouest du négéb. Cf. W. Max Mùller, Asien und Europa nach altàgyptischen Denkmàlern, Leipzig, 1893, p. 158-161.

35. Aen (hébreu : ’Ain ; Septante : le nom est, par corruption, uni au suivant, ’EpoijjLwô). Il faut peut-être lire ici comme II Esd., XI, 29 : Ên-Rimmôn, en joignant l’état construit de’Ain au nom de la ville suivante, de même que l’on trouve’En Gédi, Engaddi, Jos., xv, 62 ; ’En Gannîm, Engannim. Jos., xix, 21. Si Aen est une localité distincte, il faut la chercher dans les environs de l’ancienne Remmon.

36. Remmon (hébreu : Rimmôn ; Septante, Cod. Vat. : ’Eptojiwf) ; Cod. Alex. : ’Pe[i(i.wv), généralement identifiée avec Khirbet Umm er-Rummâmîn, au nord de Bersabée. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 59.

II. VILLES BE LA PLAINE OU DE LA SÉPBÉLAH.

groupe.

37. Estaol (hébreu : ’ESfd’ôl ; Septante,

Cod. Vat. : ’A<rra<£X ; Cod. Alex. : ’EcrôaoXQ. Le nom est écrit Esthaol, Jos., xix, 41 ; Jud., ira, 25 ; xvi, 31 ; xviii, 2, 8, 11. Cette ville, qui fut plus tard donnée à Dan, Jos., xix, ’41, se trouvait, par là même, à la limite septentrionale de la tribu. Elle est généralement et justement, croyons-nous, identifiée avec le village actuel i’Eschu’a ou Aschu’a, à l’ouest de Jérusalem. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. iii, p. 25.

38. Saréa (hébreu : Sor’âh ; Septante, Cod. Vat. :

  • Paà ; Cod. Alex. ; Sapaâ), appelée Saraa, Jos., xix, 41 ;

Jud., xiii, 2 ; xviii, 2, 8, 11, et donnée plus tard, comme

la précédente, à la’tribu de Dan. Jos., xrx, 41. Elle porte encore aujourd’hui exactement le même nom, Sar’a ou Sara’a, au sud-ouest et tout près d’Eschu’a. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 15-17. Elle est mentionnéedans les tablettes de Tell el-Amarnasous la forme Sihra ou Sarha. Cf. H. Winckler, Die Thôntafeln von Tellel-Amarna, Berlin, 1896, p. 86-87, lettre 28, ligne 11.

39. Aséna (hébreu : Asnâh ; Septante, Cod. Vat..*’A<r<xâ ; Cod. Alex. : ’Auvâ). Position douteuse. On la> cherche à’Aslin, village formant triangle, vers le nord, avec Eschu’a et Sara’a, ou à Khirbet Hasan, situé un peu plus au nord-ouest. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 18.

40. Zanoê (hébreu : Zânôah ; Septante, Cod. Vat. : Tavti ; Cod. Alex. : Zavii), a subsisté jusqu’à nos jours sous le même nom, Zânu’a, et se trouve au sud de Sara’a. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 23 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 180.

41. Engannim (hébreu : ’En Gannîm, « source des jardins ; » Septante, omis ou méconnaissable). Il est permis de la reconnaître dans Umm Djina, village situé un peu au sud-ouest de Sara’a. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 42.

42. Taphua (hébreu : Tappûah ; Septante : omis). Inconnue.

43. Ënaim (hébreu : Hâ’Ênâm ; Septante, Cod. Vat. : Maiocvet ; Cod. Alex. : ’Hvasïn). C’est Ênaîm de Gen., xxxviii, 14 (texte hébreu), dans le voisinage de Thamna (Khirbet Tibnéh). On a proposé de la reconnaître dans Khirbet Uadi’Alîn, à l’est et tout près d"Umm Djina. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 57. C’est douteux.

44. Jérimoth (hébreu : Yarmûf ; Septante, Cod. Vat. : ’IeppioûO ; Cod. Alex. : ’Ispi(j.o09), aujourd’hui Khirbet)

Yarmûk, au sud-ouest de Khirbet Zanû’a. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 372.

45. Adullam (hébreu : ’Adullâm ; Septante, Cod. Vat. : ’OSoXXâp. ; Cod. Alex. : ’OSoXXâ), appelée ailleurs Odullam, Jos., xii, 15, Odollam. I Reg., xxii, 1 ; II Reg., xxiii, 13 ; I Par., xi, 15. On l’a d’une manière probable identifiée avec’Id-el-Miyé ou’Aîd-él-Mâ, ruines situées au nord-est de Beit-Djibrin. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 311, 361 ;

F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, p. 193.

46. Socho (hébreu : Sôkôh ; Septante, Cod. Vat. : Sato^tô ; Cod. Alex. : Sto^û), existe encore aujourd’hui sous le nom de Sûéikéh, au nord-ouest de la précédente. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 332. Les monuments égyptiens en ont conservé le souvenir sous la forme de Sauka. Cf. G. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmos III, qu’on peut rapporter à la Judée, extrait des Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Britain, Londres, 1888, p. 1.

"47. Azéca (hébreu : ’Azêqâh ; Cod. Vat. : ’IaÇïjwi ;  : Cod. Alex. : ’AÇy]x « ), peut-être Tell Zacharia, au nordouest de Sûeikéh. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 20.

48. Saraim (hébreu : Sa’âràim, « les deux portes ; » Septante, Cod. Vat. : EaxapEt’fi ; Cod. Alex. : 2apyapsi|j.), peut-être Khirbet Sa’îréh, au nord-est de Zanû’a. Cf.

G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 159.

49. Adithaim (hébreu : ’Adlfaîm ; Septante, omis). Inconnue.

50. Gédéra (hébreu : hag-Gedêrâh, avec l’article, « le parc de troupeaux ; » Septante : râ6° ip « ), plus probablement Qatrah, à l’extrémité nord-ouest de la tribu. Ct. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 35 ; F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, p. 188.

51. Gédérothaïm (hébreu : Gedérôtdtm, « les deux parcs à troupeaux ; » Septante : xaï ai èiiaûXeiî a-ji%). Inconnue.

2e groupe, — 52. Sanan (hébreu : Senân ; Septante, Cod. Vat. : Ssvvâ ; Cod. Alex. : Sevvâ(i). Inconnue.

53. Hadassa (hébreu : HâdâSâh, « neuve [ville] ; » Septante, Cod. Vat. : ’Aôao-âv ; Cod. Alex. : ’ASaai). Les explorateurs anglais proposent de l’identifier avec Ebdis ou’Eddis, à l’est d’El-Medjdel, l’ancienne Magdalgad, qui suit. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 409 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 76. C’est possible, mais non Certain.

5t. Hagdalgad (hébreu : Migdal-Gâd ; Septante, Cod. Vat. : MayaSà TâS ; Cod. Alex. : MaYSàX TiS), probablement El-Medjdel, près d’Ascalon. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 131. On croit que c’est l’ancienne Magdilu des inscriptions hiéroglyphiques. Cf. G. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmos UT, extrait des Transactions of the Victoria Institute, p. 5.

55. Déléan (hébreu : Dil’ân ; Septante, Cod. Vat. : àxkxk ; Cod. Alex. : AaXaœ). Inconnue.

56. Masépha (hébreu : ham-Mispéh, avec l’article, « l’observatoire, » ou lieu élevé d’où l’on observe ; Septante : Mao-fâ), aujourd’hui, Tell es-Safiyéh, au nordouest de Beit-Djibrîn. C’est l’ancienne Alba Spécula, « Blanche-Garde, » des croisés. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 93.

. 57. Jecthel (hébreu : Yoqte’êl ; Septante, Cod. Vat. : ’IaxaperjX ; Cod. Alex. : ’tyfiix.-rK). Inconnue.

58. Lachis (hébreu : LdkîS ; Septante, Cod. Vat. : Majçnc î Cod. Alex. : Aa^eiç). On la reconnaissait autrefois, en raison même du nom, à Umm Lâqis, au nordest de Gaza. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 299. Mais les fouilles pratiquées par les Anglais à Tell el-Hésy, colline située un peu plus bas, vers le sud-est, la fixent plutôt aujourd’hui à ce dernier point. Cf. Flinders Pétrie, Tell el-Hesy (Lachish), Londres, 1891. Elle est mentionnée dans les tablettes de Tell el-Amama sous la forme La-kv-si, La-ki-êa, et dans les inscriptions assyriennes sous celle de La-ki-su. Cf. H. Winokler, Die Thontafeln von Tell el-Amama, Berlin, 1896, p. 306, 310, 338, 340 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 287, 317.

59. Bascath (hébreu : Bosqaf ; Septante : Ba<rr)80>6), appelée Bésécath, IV Beg., xxii, 1. Inconnue.

60. Églon (hébreu : ’Èglôn ; Septante, omis ou méconnaissable), généralement identifiée avec Khirbet’Adjlân, à l’est de Umm Lâqis. Cf. Ed. Robinson, Biblical Researches in Palestine, t. ii, p. 49 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 54. Cependant Flinders Pétrie, Tell el-Hesy, p. 18-20, la cherche plutôt à Tell NedjiÙh, au sud-est de la colline où l’on a retrouvé Lachis.

61. Chebboa (héoreu : Kabbôn ; Septante : Xaêpi), probablement El-Qubéibéh, au sud-ouest de Beit-Djibrîn.

62. Léhéman (hébreu : Lahmâs ; Septante : M*xU), aujourd’hui Khirbet el-Lahm, à l’est A’El-Qubéibéh.

63. Gethlis (hébreu : Kiflîi ; Septante, Cod. Vat. : Maax<">5> £<"* Alex. : XaSXwç). Inconnue.

64. Gidéroth (hébreu : Gedêrôf, « parcs à brebis ; » Septante : reSSdp), appelée Gadéroth, Il Par., xxviii, 18. On a voulu l’identifier avec Qatrah, au sud-est de Yebna. Cf. Survey of West. Palestine, Memoirs, t. ii, p. 410. C’est, croyons-nous, la chercher trop haut.

65. Bethdagon (hébreu : Bêf-Dàgôn, « maison de Dagon ; » Septante, Cod. Vat. : B « Tf « SiïjX ; Cod. Alex. : By1960ïwv). Quelques auteurs l’assimilent à Beit Dedjan ou iDddjùn, deux localités voisines, situées au sud-est de Jaffa. Cf. B. von Riess, Bibel-Atlas, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 5 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 29. Ces deux points appartiennent à la tribu de Dan.

66. Naama (hébreu : Na’dmâh ; Septante : Nwuâv). On a proposé de la reconnaître dans le village actuel


de Na’anéh, au sud de Ramléh. Cf. Survey of West. Palestine, Memoirs, t. ii, p. 408. C’est encore trop dans la tribu de Dan.

67. Macéda (hébreu : Maqgêdé.h ; Septante : Maxï)îâv). Est-ce le village A’El-Mughâr, au nord de Qatrah, sur la limite de Juda et de Dan ? Cf. Survey of West. Pal, Memoirs, t. ii, p. 411. Il n’y a rien de certain.

3e groupe. —68. Labana (hébreu : Libnâh ; Septante, Cod. Vat. : Ae|tvâ ; Cod. Alex. : Ae6vô), n’a pas été retrouvée, mais devait être, comme les suivantes, dans les environs de Beit-Djibrîn.

69. Ether (hébreu : ’Êfér ; Septante, Cod. Vat. : "I8ax ; Cod. Alex. : ’A8£p), appelée Athar, Jos., xix, 7. C’est peut-être Khirbet el-’Atr, village ruiné, situé à peu de distance au nord-ouest de Beit-Djibrîn. Cf. Survey of West. Pal., Memoirs, t. iii, p. 261, 279.

70. Asan (hébreu : ’ÂSdn ; Septante : ’AvcSx)- Conder propose de la placer à Aséiléh, site peu distant à’Umm er-Rumamin, à l’est. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1876, p. 150. Ce point s’éloigne trop du groupe dont la ville fait partie.

71. Jephtha (hébreu : Iffdh ; Septante, Cod. Vat. : omis ; Cod. Alex. : *Ie ?8dt). Inconnue.

72. Esna (hébreu : ’ASnâh ; Septante, Cod. Vat. : ’Iavoi ; Cod. Alex. : ’A<rcvvâ), aujourd’hui Idhna, au sud-est de Beit-Djibrîn.

73. Nésib (hébreu : Nesib ; Septante, Cod. Vat..’Sa.ailê ; Cod. Alex. : Nsc16), est bien identifiée avec Beit-Nusîb, à l’est de Beit-Djibrîn. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 343.

74. Céila (hébreu : Qe’îlâh ; Septante, Cod. Val. : KeeiXâp ; Çod’Alex. : KesiXi), généralement reconnue dans Khirbet Qîla ou Kîla, au nord-est de la précédente. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 341. Elle est mentionnée dans les tablettes de Tell eUAmarna sous la forme Kî-il-tî. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell et-’Amarna, p. 292, 294, 312, 314.

75. Achzib (hébreu : ’Akzîb ; Septante, Cod. Vat. i’Axisje/ ; Cod. Alex. : ’A^fix), peut-être’Ain el-Kezbéh, près de Beit-Nettif. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 3.

76. Marésa (hébreu : Mdrè’Sâh ; Septante, Cod. Vat. : B « 9ï)<i<xp ; Cod. Alex. : Mapï]<roi), aujourd’hui Khirbet’Mer’asch ou Merâsch, tout près et au sud-ouest de Beit-Djibrîn. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 323.

4e groupe. — 77. Accaron (hébreu : ’Éqrân ; Septante : ’Axxipwv), est maintenant encore un grand village nommé’Aqir, situé à l’est de Yebna. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 36. C’est YAm-qar-ru-na des monuments assyriens. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 164. Elle fut plus tard donnée à la tribu de Dan. Jos., xix., 43. Elle fut en réalité aux mains des Philistins, et paraît avoir été la plus septentrionale de leurs cinq satrapies. I Reg., v, 10 ; xvii, 52, etc.

78. Azot (hébreu : ’Aidôd ; Septante : ’A<r/)î159, ’AæieSûe, ailleurs, "AÇwtoc, I Beg., v, 1, 3, etc.), actuellement Esdûd, au sud-ouest de Yebna. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 70. Elle porte le même nom dans les inscriptions assyriennes : As-du-du. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 162. Ce fut également une des cinq grandes villes des Philistins. Jos., xiii, 3.

79. Gaza (hébreu : ’Azzâh, « la forte ; » Septante : riïa), une des plus anciennes villes du monde encore existantes, s’appelle actuellement en arabe Ghazzéh. Elle se trouve dans l’angle sud-ouest de la Palestine, au sud d’Asqaldn (Ascalon). Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 178. Elle est mentionnée dans les tablettes de Tell el-Amama sous la forme Ra-za-ti, dans les inscriptions égyptiennes sous celle de Ga-za-tu, et dans les inscriptions assyriennes sous celle de Ha-zi-ti, Haz-za-tu. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amama, p. 314 ; W. MaxMûller, Asien undEuropa nach altâgyp III. -50

tischen Denkmâlern, p. 159 ; E. Schrader, DieKeilinschnften und dos Aile Testament, p. 161, 255. Ce lut une des cinq principautés phiiistines. Jos., XIII, 3.

C. VILLES DE LA MONTAGNE.

groupe.

80. Samir (hébreu : Sâmir ; Septante :

ïajjieip), peut être reconnue dans Khirbet Sômerah ou Sômara, au sud-ouest d’Hébron. Cf. F. Buhl, Géographie des alten Palâstma, p. 164.

81. Jéther (hébreu : Yaftîr ; Septante : ’Iedsp), aujourd’hui Khirbet’Attîr, au sud-est de la précédente. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 197.

82. Socoth (hébreu : èôkôh ; Septante, Cod. Vat. : Ewyâ ; Cod., Alex. : Su/ià), actuellement Khirbet Schuéïkêh, au nord de Khirbet’Attir. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 201.

83. Danna (hébreu, Dannâh ; Septante : ’Pevvâ). Inconnue.

84. Cariathsenna (hébreu : Qiryat-Sannâh ; Septante : jtôXi ; y patijiârav), la même que Dabir (hébreu : Debir ; Septante : Aoeêeip), appelée aussi Cariath-Sépher (hébreu : Qiryat-Sêfér, « ville du livre ; » Septante : rcôXiç YpJHJ-H.âT( « )v). Son nom de Dabir permet de la placer vraisemblablement à Edh-Dhâheriyêh, au nord-est A’Unim er-JRummâmîn. Cf. F. Buhl, Géographie des alten Palastina, p. 164. __

85. Anab (hébreu : ’Ânâb ; Septante, Cod. Vat. : ’Aviiv ; Cod. Alex. : ’Av<î>6), existe encore aujourd’hui exactement sous le même nom, ’Anab, au sud-ouest de la précédente. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 362-364.

86. Istemo (hébreu -.’Éspemôh ; Septante, Cod. Vat. : ’E<rxou|jiâv ; Cod. Alex. : ’E<r8e[i.w), appelée ailleurs Esthèmo, Jos., xxi, 14 ; I Par., VI, 58 ; Esthamo, I Reg., xxx, 28 ; I Par., iv, 17, 19. Elle est justement identifiée avec Es-Semu’a, à l’est de Khirbet Schuéïkêh. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, t. i, p. 494.

87. Anim (hébreu : ’Anîm ; Septante, Coji. Vat. : ’Aiffocpi ; Cod. Alex. : ’Avscjjl), doit correspondre aux ruines actuelles de Ghuuein, au sud i’Es-Semu’a. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Nantes and Places, p. 11.

88. Gosen (hébreu : GôSén ; Septante ! rw<5|i). Inconnue.

89. Olon (hébreu : ffôlôn ; Septante, Cod. Vat. : XaXoû ; Cod. Alex. : XiXouw). On a proposé de l’identifier avec Beit’Alâm, au sud-est de Beit-Djibrîn. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Nantes and Places, p. 87. Ce point est trop en dehors du groupe dont la ville fait partie.

90. Gilo (hébreu : Gilôh ; Seprante : rvjXtôn ; Cod. Alex. : TriXœv). Les explorateurs anglais proposent de l’identifier avec Khirbet Djâld, au nord d’Hébron. Cf. Survey of West. Palestine, Memoirs, t.m, p. 313. L’identification, très acceptable au point de vue onomastique, a le tort de nous transporter dans un groupe différent de celui-ci..

2e groupe. — 91. Arab (hébreu : ’Ardb ; Septante, Cod. Vat. : Alpéjj. ; Cod. Alex. : ’Epéê), aujourd’hui Khirbet er-Rabiyéh, au sud-ouest d’Hébron. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 12.

92. Ruma (hébreu : Dûmâh ; Septante : ’Pe(xvâ), maintenant Dauniéh, à l’ouest à’Er-Rabiyéh. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 359.

93. Ésaan (hébreu : ’És’ân ; Septante, Cod. Vat. : Soiaô ; Cod. Alex. : ’Eddtv). En s’appuyant sur le grec Sofia, quelques auteurs ont donné comme possible l’identification avec Es-Simid, à peu de distance au sud à’Er-Rabiyéh. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 62. L’emplacement répond bien aux données scripturaires, mais la base de l’identification est très fragile.

94. Januin (hébreu : Yânîm, au Ketib ; Yânûtn, au qerî ; Septante, Cod.Vat. : ’Ienâs-.v ; Cod. Alex. : ’Iavoûji). inconnue.

95. Beththaphua (hébreu : Bêt Tappûah, c maison de

la pomme ; » Septante, Cod. Vat. : BaiQayot ; Cod. Alex. : BsOBaitçjoué), se retrouve aujourd’hui dans le village de Taffûh, à cinq kilomètres-à l’ouest d’IIébron. Cf. Survey of West. Palestine, Memoirs, t. iii, p. 310.

96. Aphéca (hébreu : ’Afêqâh ; Septante, Cod. Vat. : $axouâ ; Cod. Alex. : ’Açaxoî), peut-être Fûkîn, à l’ouest de Bethléhem, peut-être aussi l’Apuken des listes de Karnak. Cf. G. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmos 1Il qu’on peut rapporter à la Judée, extrait des Transactions of the Victoria Institute, p. 4.

97. Athmatha (hébreu : Ifumtâh ; Septante, Cod, Vat. : Eûp.à ; Cod. Alex. : Xaiiuarâ). Inconnue.

98. Cariath-Arbé ou Hébron (hébreu : Qiryap’Arba hV Biébrôn ; Septante : ttôXiç’Apêbx, ccût<| l<n Xeëptiv), la ville bien connue à’EUKhalîl, au sud de Bethléhem.

99. Sior (hébreu : Si’ôr ; Septante, Cod. Vat. : Swp6 ; Cod. Alex. : Stwp), aujourd’hui Sa’ir, au nord d’Hébron. Cf. Survey of West. Pal., Memoirs, t. iii, p. 309.

3e groupe. — 100. Maon (hébreu : Ma’on ; Septante, Cod. Vat. : Mocwp ; Cod. Alex. : Matôv), bien identifiée avec Khirbet Ma’in, au sud d’Hébron. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 170.

101. Carme 1 (hébreu : Karmél ; Septante : XeptiiX). Le nom reste encore attaché à des ruines appelées Khirbet Kermel, à environ quinze kilomètres au sud d’Hébron. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 166.

102. Ziph (hébreu : Zif ; Septante, Cod. Vat. : ’OÇec’6 ; Cod. Alex. : Z ! <p), représentée aujourd’hui par les ruines de Tell Zif, entre Kermel et Hébron. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 166.

103. Jota (hébreu : Yûtâh ; Septante, Cod. Vat. : ’Itâv ; Cod. Alex. : ’Uttô), appelée Jeta, Jos., xxi, 16, subsiste sous le même nom de Yuttâ, au sud-ouest de Zîf. Cf. Survey of West. Pal., Memoirs, t. iii, p. 310.

104. Jezraël (hébreu : Yzre"él ; Septante, Cod. Vat. : ’IapcT|X ; Cod. Alex. : ’lEÇSpaIX). Inconnue.

105. Jucadam (hébreu : Yoqde’âm ; Septante, Cod. Vat. : ’Iapeixâjj. ; Cod. Alex. : Isx8aoqi). Inconnue.

106. Zanoé (hébreu : Zânoah ; Septante, Cod. Vat. : ZaxavaEtpi ; Cod. Alex. : Zav&>), aujourd’hui Khirbet Zanûtâ, au sud de Khirbet Schuéikéh. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 200.

107. Accaïn (hébreu : Haqqaîn ; Septante, Cod. Vat. : Zaxavâeijj., corruption des deux mots Zanoéet Accam ; Cod. Alex. : ’Axéifi), actuellement Khirbet Yaqîn, au sud-est d’Hébron. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 39.

108. Gabaa (hébreu : Gib’âh ; Septante : Tagaâ). La plupart des auteurs la placent à Bjeba’a, au sud-ouest de Bethléhem. Cf. V. Guérin. Judée, t. iii, p. 382. La correspondance onomastique’est parfaite ; ce qui manque, c’est la conformité avec le groupement méthodique de Josué.

109. Thamna (hébreu : Timnâh ; Septante, Cod. Vat. : 0ajji.va9di ; Cod. Alex. ; ®a>.và). On trouve au nord-ouest de Djeba’a une localité, Tibnéh, dont le nom répond bien à celui de Timndh, mais la situation s’écarte encore de ce troisième groupe.

4e groupe. — 110. Halhul (hébreu : Ifalhûl ; Septante, Cod. Vat. : ’AXouà ; Cod. Alex. : ’AXoûX), subsiste encore exactement sous le même nom, Ifalhûl, au nord d’Hébron. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 284.

111. Bessnr (hébreu : Bêf-Sûr, « maison du rocher ; » Septante, Cod. Vat. : BaiOsoûp ; Cod. Alex. : BeOcoûp), . appelée plus exactement Bethsur, lPar., ii, 45 ; II Par., xi, 7, etc., a gardé jusqu’à nos jours la même dénomination, Beit Sûr, et se trouve tout près, au nord-ouest de flalfrûl. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 288.

112. Gédor (hébreu : Gedôr ; Septante, Cod. Vat. : TsSStôv ; Cod. Alex. : TsScip), aujourd’hui JOjedûr, à cinq kilomètres au nord de Beit Sûr. Cf. V. Guérin, Judée> t. iii, p. 380.

113. Mareth (hébreu : Ma’âràf ; Septante, Cod. Vat. : MayapwO ; Cod. Alex. : Mapw6). On a proposé de la reconnaître dans Beit Vmmar, entre Beit Sûr etDjedûr. Cf. Survey of West. Pal., Menioirs, t. iii, p. 303. L’emplacement convient, le rapprochement onomastique est insuffisant.

114. Bethanoth (hébreu : Bêt-Anôf, Septante, Cod. Vat. : BaiOstvâu. ; Cod. Alex. : BaCSavtàv), bien identifiée avec Beit’Anân, au nord-est d’Hébron. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 151.

115. Eltécen (hébreu : ’Élteqôn ; Septante, Cod. Vat. : 6sxoû|i ; Cod. Alex. : ’EXOcxév). Inconnue.

5e groupe. — D’après les Septante ; manque dans l’hébreu et la Vulgate.

116. Théco (@sx(i). C’est la ville quiestappelée ailleurs Thécué (hébreu : Jeqôa’; Septante : ©exovié), patrie d’Amos.Am., i, l.Ellesubsisteencoresous le même nom, Teqû’a, et est située au sud de Bethléhem. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 141.

117. Êphratha ou Bethléhem (’Eçpiôa, aG-tr] l<rrlv BatO>ls(t), la ville bien connue qui porte aujourd’hui encore le nom de Beit Lakm, et se trouve au sud de Jérusalem.

118. Phagor ( « Êa-ftvp). C’est le Khirbet Faghûr, au sud-ouest de Bethléhem. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 313.

119. Aitan (Cod. Vat. : Al-rav ; Cod. Alex. : Alzâ^.), nommée ailleurs btam (hébreu l’Étdm ; Septante : ’Htâji). Jud., XV, 8, 13 ; II Par., xi, 6.Le nom en a été gardé par la fontaine’Aïn-’Etân, située à quatre kilomètres au sud-ouest de Bethléhem, près de l’ouadi Urtâs. La ville devait être dans le voisinage. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 106.

120. Coulon (KouXiv), actuellement Qolûniyéh, à six kilomètres et demi à l’ouest de Jérusalem. Cf. V. Guérin, Judée, t. i. p. 257.

121. Tatam (Taxai*). Inconnue.

122. Sorès (Cod. Vat. : ’Etoêri ;  ; Cod. Alex. : SwpVjç), correspond à Sdris, à l’ouest de Qolûniyéh. Cf. V. Guérin, Judée, t. i, p. 281.

123. Carem (KapÊ(ji), aujourd’hui le petit village à."Am Karim, à six kilomètres à l’ouest de Jérusalem. Cf. V. Guérin, Judée, t. i, p. 83.

124. Gallim (Cod. Vat. : TaXâtI. ; Cod. Alex. : TaXXi », peut-être le gros village de Beit Djdlâ, au nord-ouest de Bethléhem. Cf. Survey of West. Pal., Memoirs, t. iii, p. 20.

125. Béther (Cod. Vat. : ©eWjp ; Cod. Alex. : BaiOrip), se retrouve dans Bittir, au nord-ouest de Bethléhem. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 387.

126. Manocho (Mavox< « ). Est-ce la Manahath (hébreu : Mdnâhat) de I Par., viii, 6, et le village actuel de Malhah, au sud-ouest de Jérusalem ? On l’a Supposé. Cf. Survey of West. Pal., Memoirs, t. iii, p. 21.

6 « groupe. — 127. Cariathbaal ou Cariathiarim (hébreu : Qiryat-Ba’al, hV Qiryaf Ye’àrim ; Septante : Kocpia86âaX, ajT<] y| itôXtç’Iapei’îi), généralement identifiée avec Qariet el-’Enab, village situé sur la route carrossable de Jérusalem à Jaffa, àtreize kilomètres environ de la ville sainte. Cf. Robinson, Bibhcal Researches, t. ii, p. 11-12.

128. Arebba (hébreu : Hâ-rabbdh, avec l’article, « la grande ; » Septante, Cod. Vat. : Swbrjëi ; Cod. Alex. : ’Apsêëà), peut-être Khirbet Rebba, au nord-est de Beit Djibrin ; ce qui, cependant, reste douteux. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 336.

D. VILLES DU DÉSERT.

129. Betharaba (hébreu : Bêt hâ-Ardbâh, « la maison de l’Arabah » ou « . de la plaine déserte s ; Septante, Cod. Vat. : ©apaoaàu. ; Cod. Alex. : Bifiaanêâ). Inconnue.

130. Heddin (hébreu : Middîn ; Septante, Cod. Vat. : Aîvwv ; Cod. Alex. : MaSciv). Inconnue.

131. Sachacha (hébreu : Sekdkâh ; Septante, Cod.

Vat. : MyioÇi ; Cod. Alex. : Soyo^a). On a proposé de l’identifier avec Khirbet ed-Dikkéh, appelé aussi Kh. es-Sikkhéh, au sud-est de Béthanie. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and Places, p. 157.

132. Nebsan (hébreu : Hannibsdn ; Septante, Cod. Vat. : NaçXotÇâv ; Cod. Alex. : Neguâ). Inconnue.

133. La ville du Sel (hébreu : ’îr-ham-mélah ; Septante, Cod. Vat. : ai iroXetç SaSwp. ; Cod. Alex. : ai jràXstî àXwv), probablement vers l’extrémité sud-ouest de la mer Morte, dans la vallée des Salines. II Reg., viii, 13 ; IV Reg., xiv, 7.

134. Engaddi (hébreu : ’hn Gédî, « source du chevreau ; » Septante, Cod. Vat. : ’AvxâSïi ;  ; Cod. Alex. : ’Hv-j-aSSi). Le nom a subsisté jusqu’à nos jours exactement sous la même forme et avec la même signification dans l’arabe’Ain Djédî, oasis située vers le milieu de la rive occidentale de la mer Morte.

Comme on le voit, l’Écriture nous a conservé les noms des principales villes de Juda d’une manière aussi complète que possible, mieux, en tout cas, que dans la plupart des tribus. Si quelques-unes seulement du Négéb sont connues aujourd’hui, celles de la plaine et de la montagne ont presque toutes subsisté, et souvent gardé à peu près intacte l’antique dénomination chananéenne. Dans l’ensemble, la moitié de ces localités ont une identification qui laisse peu de doutes.

II. limites.

L’auteur sacré a pris soin de nous tracer lui-même avec une rigoureuse exactitude les limites de la tribu de Juda. Jos., xv, 1-12. Il commence par la frontière méridionale, qui s’étendait vers le pays d’Edom et le désert de Sin. « Elle part, dit-il, de l’extrémité de la mer de Sel (mer Morte), de la langue tournée vers le midi, et elle passe au sud de la montée du Scorpion (hébreu : ma-’âlêh’Aqrabbim, aujourd’hui le défilé à’Es-Safah), par Sin (hébreu : Smnâh) ; puis elle monte au sud de Cadésbarné (hébreu : Qâdvs Barnê’a, actuellement’Ain Qadîs), passe à Esron (hébreu : IJesrôn), monte à Adar (hébreu : Addârâh), et se tourne vers Carcaa (hébreu : haq-Qarqâ’âh ; de là elle passe à Asémona (hébreu : ’Asmônâh), parvient au torrent d’Egypte (nahal Misraim = ouadi el-Ansch), et aboutit à la mer. » Si plusieurs noms de ce tracé sont restés inconnus, il n’en est pas moins facile de voir que la frontière sud de Juda formait un arc de cercle dont les points extrêmes étaient, à l’est, la Sebkah ; au sud, ’Ain Qadvs, et à l’ouest, l’embouchure de Vouadi el-Ansch dans la mer Méditerranée. — L’historien continue en disant : « La frontière orientale, c’est la mer de Sel jusqu’à l’embouchure du Jourdain. — La frontière septentrionale part de la pointe du lac où finit le Jourdain ; puis elle monte à Beth-Hagla (hébreu : Bêt Hogldh, aujourd’hui Qasr Hadjla), passe lu nord de Beth Araba (hébreu : Bêf hâ-’Arabâh), et monte à la pierre du Boen, fils de Ruben (hébreu : ’Ében Bûhan ben Re’ûbên). La frontière monte ensuite vers Debéra (hébreu : Debirâh ; « vers Debir, » probablement Thoghret ed-Debr), depuis la vallée d’Achor (hébreu : ’Eméq’kkôr, peut-être l’ouadi el-Kelt), et, dans la direction du nord, elle regarde Gaigala (hébreu : hag-Gûgal), qui est en face de la montée d’Adommim (hébreu : ma’âlêh’Adummîm, aujourd’hui Tala’at ed-Demm), au sud du torrent. Puis elle passe aux eaux de la fontaine du Soleil (hébreu : Ên-Semés, maintenant’Ain et Haûdh), et aboutit à la fontaine de Rogel (hébreu : ’En Rôgêl, le Bir Eyûb, au sud de Jérusalem). De là, elle remonte la vallée de Ben Hinnom (Vouadi er-Rebâbi, au sud et à l’ouest de Jérusalem), au côté du Jébuséen, c’est-à-dire Jérusalem, vers le sud ; elle s’élève vers le sommet de la montagne qui domine la vallée de Hinnom, dans la direction de l’ouest, laquelle touche à l’extrémité nord de la plaine de Rephaim (la vallée d’el-Beqa’a, au sud-ouest de Jérusalem). Puis la frontière est tracée depuis le sommet de la montagne vers la source des eaux de Nephtoa (hébreu : mê Néffôab

actuellement Lifta) ; elle va vers les villages du mont Éphron (hébreu : har’Éfrôn, probablement la chaîne de collines où se trouvent Qastal, Qolûniyéh), et se dirige vers Baala, qui est Caria thiarim (hébreu : Qiryat Ye’ârim, maintenant Qarlyet el-’Ènab). De Baala, elle tourne à l’ouest vers le mont Séir (hébreu : har Sê’ir, peut-être le plateau escarpé où se trouve le village de Sârîs), passe sur le flanc du mont Jarim (hébreu : har Yëârîm) au nord, c’est-à-dire Cheslon (hébreu : Kesâlôn, aujourd’hui Kesla) ; puis elle descend à Bethsamès (hébreu : Bê( Semés =’Ain Schems) et passe à Thamna (hébreu : fimnâh = Tibnéh). Puis elle s’étend à la hauteur d’Accaron (hébreu : ’Êqrôn =’Aqir) au nord, et se dirige vers Sechrona (hébreu : Sikrônâh), passe au mont Baala, va à Jebnéel (hébreu : Yabne’êl = Yebna) et aboutit à la mer, » Cette ligne septentrionale correspond aux limites méridionales de Benjamin, Jos., xviii, 15-19, et de Dan. Jos., XIX, 40-46. — « La frontière occidentale, c’est la grande mer (la Méditerranée). » Cette dernière délimitation est plutôt idéale, car la plaine maritime fut occupée par les Philistins.

m. description. — Le territoire primitivement destiné à la tribu de Juda comprenait donc, comme le texte sacré lui-même nous l’indique, quatre parties topographiquement distinctes : le négéb ou « la contrée méridionale », la sefêlâh ou « la plaine », le har ou « la montagne », le midbarou <c le désert ». La première fut cédée à Siméon jusqu’à la hauteur de Bersabée, Sabée et Molada, et même de Sicéleg et de Remmon. Jos., xix, 2, 5, 7. C’est, suivant la signification du mot, un « pays desséché », la région des nomades ; aussi plusieurs des localités qui y sont mentionnées empruntent-elles leur dénomination au mode de campement des tribus pastorales : Asar, Asergadda, Hasersual, Hasersusa. L’hébreu Hdsâr, Hàsêr, signifie « lieu entouré de clôtures », et correspond au douar des Arabes d’Afrique. C’est une série de plaines élevées, de plateaux coupés de ravins, accidentés çà et là de groupes de rochers et de chaînes de hauteurs, une succession de cantons verdoyants et de contrées stériles. Pour les détails, voir Siméon (Tribu de). Le territoire proprement dit de Juda se réduisait donc à la . partie méridionale de l’arête montagneuse qui forme l’ossature de la Palestine, depuis la plaine d’Esdrelon jusqu’aux derniers contreforts qui, au-dessous d’Hébron, s’abaissent peu à peu vers le Négéb. La plaine côtière, avec les cinq villes qui constituaient les satrapies philistines, bien qu’attribuées aux enfants de Juda, ne fut jamais en leur possession, au moins d’une manière durable. Nous n’avons donc pas à la décrire. Voir Philistins. On aurait tort, par là même, de limiter la Séfélah à la plaine proprement dite, qui s’étend de la mer aux premiers chaînons de la contrée montagneuse. Presque toutes les villes que le livre de Josué place bas-Sefêlâh appartiennent à une région moyenne de collines séparées par de larges vallées, et située entre la partie basse et plate qui avoisine la mer, et le plateau élevé qui forme le faîte du pays.

Réduit à ces strictes limites, le territoire de Juda comprend, dans son ensemble, le double versant qui, de Jérusalem, se prolonge jusqu’au groupe de torrents dont les ramifications, partant des derniers échelons de la montagne, composent Vouadi es-Séba’, Vouadi esch-Schéri’âh et Vouadi Ghazzéh. Le plateau central, qui constitue la ligne de partage des eaux, s’élève jusqu’à Hébron aux plus grandes hauteurs de la chaîne : Beit Djala, 820 mètres ; Kh. Tequ’a, 850 ; Halhûl, 997 ; Hébron, 927 ; Yutta, 837. Le terrain s’abaisse graduellement, etn’aplusque 482 kKhirbet Umm er-Rummanun, 369 à Kh. el-Milh, et 290 à Bir es-Séba’. Le versant oriental descend rapidement vers la mer Morte ; les torrents, comme le Cédron ou ouadi en-Nâr, s’y sont creusé des lits profonds dans les parois des rochers nus et abrupts. Cette contrée pierreuse, la plus désolée de

la Palestine, s’appelle dans l’Écriture le désert de Juda. Voir Juda. (Désert de), col. 1774. Le versant occidental a des pentes moins rapides. Les ouadis qui, à la partie supérieure, découpent le terrain en nombreux fossés, finissent par s’unir en plusieurs vallées qui s’élargissent peu à peu, Vouadi es-Surâr, Vouadi es-Sam t, Vouadi el-Ghuéit, Vouadi el-Hésy, pour ne citer que les principales. Tous ces cours d’eau se déversent dans la Méditerranée par trois canaux, qui sont, en allant du nord au sud, le nahr Rûbîn, le nahr Sukréir etl’ouadi el-Hésy. La région moyenne, qui est la partie haute de la Séphélah, forme comme le premier étage du massif orographique. Elle se compose de collines plus ou moins élevées, séparées par de grandes plaines et admirablement disposées pour servir de forteresses. C’est un terrain d’embuscades, de surprises, où tout l’art de la guerre consiste à se cacher, à grimper avec l’agilité des chèvres. Les vallées peuvent être considérées comme les voies naturelles de communication entre la côte et la montagne, donnant accès au cœur du pays. Cette contrée fut, on le comprend, le théâtre des combats qui eurent lieu entre les Philistins et les enfants de Juda. Aujourd’hui les sentiers connus qui servent de roules sillonnent la région en passant par les points les plus importants. Signalons celle qui part de Gaza pour aller à Beit Djibrin, et de là passe à Beit Nettif, Bittîr, et aboutit à Jérusalem, ou se dirige plus bas vers Bethléhem ou vers Hébron ; celle qui part de Bersabée pour remonter vers Gaza, ou Khirbet Umm er-Rummamm, ou Dhâheriyéh et Hébron. Le chemin de fer de Jaffa à Jérusalem traverse un coin du territoire de Juda en suivant les contours des vallées. L’aspect général nous offre une série de collines couvertes d’herbes et de fleurs au printemps, mais nues et arides le reste de l’année, de champs cultivés ou hérissés de ronces, de vallons où s’épanouit parfois une belle végétation. Dans les endroits où se trouvent des sources, autour de certains villages, on rencontre des plantations d’orangers, de grenadiers, de figuiers, de citronniers. Les flancs des collines portent par-ci par-là des jardins ou des vignes disposés en terrasses. Le sol est, en plusieurs endroits, percé de grottes qui forment de vrais labyrinthes et ont autrefois servi d’habitation ou de refuge temporaire aux hommes. On en trouve de semblables dans les environs de Beit Djibrin, de Deir Dhibbân, comme à Khirbet Khoréitùn, au sud de Dethléhem. Le plateau supérieur est, nous l’avons dit, un des plus élevés de la Palestine. Une route carrossable va aujourd’hui de Jérusalem à Hébron. Elle se déroule le plus souvent sur un terrain rocailleux et aride, où les arbres sont remplacés par des broussailles rabougries, où croissent çà et là de maigres taillis de chêne vert épineux. Quelques champs de blé, quelques bouquets d’oliviers et de figuiers apparaissent dans les fonds. Au milieu de ces montagnes dénudées, on trouve cependant des vallées fertiles, bien arrosées, des coteaux plantés de vignes. Hébron est bâtie dans une de ces gracieuses vallées, entre deux chaînes de collines verdoyantes. Rethléhem est elle-même située sur deux collines, qui descendent par une suite de terrasses couvertes de vignes et d’oliviers jusqu’aux profondes vallées qui les entourent de trois côtés. L’ouadi Urtâs forme comme une oasis au milieu de cette contrée pierreuse et rappelle la beauté des jardins de Salomon. Un des traits les plus caractéristiques de la tribu de Juda, ce sont ses vignobles. Il y en avait de célèbres à Escol, Num., xiii, 23, 25, à Engaddi. Cant., i, 13 ; II Par., xxvi, 10. Aujourd’hui encore, malgré l’état de délabrement dans lequel est tombé le-pays, on trouve là, plus que partout ailleurs en Palestine, les flancs des collines tapissés de vignes avec leurs tours de garde et leurs murs soutenant les terrasses. Le terrain pierreux, l’altitude des coteaux et des plateaux, la chaleur du climat, tout favorise l’entretien et la beauté des vignobles. La pro

phétie de Jacob, Gen., xlix, 11-12, marque nettement cette étonnante fertilité du territoire de Juda, dans les derniers versets qui concernent la tribu :

Attachant à la vigne son ânon,

Et au cep le petit de l’ânesse,

U lave, dans le viii, son manteau,

Son vêtement, dans le sang de la grappe.

Par ïe vin ses yeux étincellent,

Et ses dents sont blanches de lait.

Les vignes étaient donc en telle quantité que l’on faisait peu de cas même des plus excellentes, comme leiôrêq, et qu’on attachait son âne, comme on le fait à une haie ou à un arbuste ordinaire. Le vin était si commun qu’on y aurait pu laver ses habits, comme ailleurs on les lave dans l’eau. Le dernier trait fait allusion aux gras pâturages qui, autrefois surtout, nourrissaient de nombreux troupeaux. Cf. I Reg., xxv, 2 ; Am., i, 1-2.

II. Histoire.

La prédominance de la tribu de Juda s’affirme, dès le début, par le nombre. Au sortir de l’Egypte, c’était de beaucoup la plus grande de toutes. Au premier recensement, elle comptait 74 600 hommes en état de porter les armes, alors que Dan, qui venait après, n’en avait que 62 700, et la plus petite, Manassé, 32200. Num., i, 26-27, 38-39, 34-35. Dans les campements et la marche au désert, elle se trouvait placée, avec Issachar et Zabulon, à l’orient du tabernacle. Num., il, 3-9. Elle avait pour chet Nahasson, fils d’Aminadad, un des ancêtres du Christ, Num., i, 7 ; ii, 3 ; Ruth, iv, 20 ; Matth., i, 4, et ce fut par ses mains qu’elle fit l’offrande de ses dons, à la dédicace du tabernacle et de l’autel. Num., vii, 12-17. Parmi les explorateurs du pays de Chanaan, elle eut pour représentant Caleb, fils de Jéphoné. Num., xiii, 7. Au second dénombrement, dans les plaines de Moab, elle comptait 76500 hommes, avec un accroissement de près de 2000. Num., xxvi, 22. Ses principales familles sont énumérées Num., xxvi, 19-21, et plus complètement I Par., n. Celui de ses chefs qui devait travailler au partage de la Terre Promise fut Caleb. Num., xxxiv, 19. Elle fut désignée, avec Siméon, Lévi, Issachar, Joseph (Éphraim-Manassé) et Benjamin, « pour bénir le peuple, sur le mont Garizim, après le passage du Jourdain. » Deut., xxvii, 12. Pendant la conquête du pays de Chanaan, les seuls incidents relatifs à la tribu sont la prévarication d’Achan, Jos., vii, 1, 16-26, et la prise de possession du district montagneux d’Hébron par Caleb. Jos., xiv, 6-15 ; xv, 13-19. Nous avons vu plus haut la part qui lui échut dans le territoire conquis. Après la mort de Josué, la tribu de Juda fut choisie pour diriger l’attaque contre les Chananéens. Cet honneur lui était réservé non pas tant peut-être à cause de sa puissance que des promesses qui lui avaient été faites, Gen., xlix, 8, 9, et de ses destinées futures. Jud., i, 1, 2. Elle fit appel à l’aide de Siméon, et les deux tribus réunies tournèrent leurs armes contre Jérusalem, dont elles s’emparèrent, contre différentes villes de la montagne, du midi et de la plaine. Mais les habitants de cette dernière contrée ne purent être détruits ou chassés, grâce à leurs chariots de fer, qui leur permettaient d’offrir aux envahisseurs une sérieuse résistance. Jud-, i. 3-19. Juda fut encore choisi par l’oracle divin pour conduire les Israélites au combat contre Gabaa et les Benjamites. Jud., XX, 18. L’isolement de son territoire, la pauvreté de plusieurs de ses cantons, les barrières naturelles qui en rendaient l’attaque difficile, le mirent plus que les tribus du nord à l’abri des invasions. Voir Judée. Il eut cependant à subir celles des Philistins et des Ammonites. Jud., x, 9 ; xv, 9 ; I Reg., xvii, 1. La persécution de

Saul contre David ne fit que susciter dans la tribu des sentiments de fidélité et de dévouement à l’égard du jeune Bethléhémite. Aussi, après la mort du premier roi, s’em pressat-elle de reconnaître pour chef le fils d’Isaï, qui reçut l’onction royale à Hébron, II Reg., ii,

4, 7, 10, et y régna sept ans. II Reg., v, 5. Cependant après la révolte et la mort d’Absalom, elle se laissa devancer par les autres tribus pour rappeler le monarque exilé. Émue des reproches de celui-ci, elle se transporta au-devant de lui jusqu’aux bords du Jourdain et le ramena à Jérusalem. II Reg., xix, 11-15 ; xx, 2. Au moment du schisme, elle resta seule, avec la tribu de Benjamin, fidèle à la maison de David. III Reg., XII, 20. Elle donna son nom au royaume du sud, et son histoire se confond désormais avec l’histoire de celui-ci, bien qu’elle garde comme Benjamin, sa propre individualité. Voir Juda. (Royaume de). — Après la captivité, les enfants de Juda reprirent des premiers le chemin de Jérusalem, pour rebâtir le temple. I Esd., i, 5 ; iii, 9. Ils rentrèrent dans leurs anciennes possessions. II Esd., xi, 25-30. Leur nom, Judsei, « Juifs, » fut celui que portèrent principalement depuis lors les descendants d’Abraham.

III. Caractère et mission providentielle.

La tribu de Juda tient sans contredit la première place parmi celles qui sont issues de Jacob. Le patriarche en a tracé d’avance le caractère et les glorieuses destinées dans sa fameuse prophétie, Gen., xlix, 8-10 (traduction d’après l’hébreu) :

Juda, tes frères te glorifieront :

Ta main sera sur le col de tes ennemis ;

Les fils de ton père se prosterneront devant toi.

Juda est un lionceau,

Après avoir pillé, mon fils, tu remontes ;

Il s’étend, il se couche comme un lion,

Comme une lionne ; qui [osera] le faire lever ?

Le sceptre ne sortira pas de Juda,

Ni le bâton de commandement d’entre ses pieds,

Jusqu’à ?e que vienne Schilôh (ou « celui auquel il appartient » )

A lui l’obéissance des peuples.

Gloire, force et souveraineté, telles sont donc, en somme, les prérogatives de Juda. Les aînés de la famille ont, par leurs crimes, perdu leur droit de primogéniture. Juda, bien que coupable, lui aussi, de plusieurs fautes, est, par une secrète disposition de la Providence, substitué à leur place. Il sera le premier entre ses frères, comme il sera triomphateur de ses ennemis. Sa gloire vient sans doute de sa force et de ses victoires, mais elle tient surtout à ses destinées : de sa race naîtra le Messie. C’est là la raison de sa prééminence. Le premier dans l’ordre des campements et de la marche des tribus, Num., Il, 3 ; x, 14, il se présente le premier à l’offrande dans les sacrifices. Num., vii, 12. Le premier lot lui est réservé dans le partage de la Terre Promise, Jos., xv, 1, et c’est à lui que revient l’honneur de conduire ses frères au combat. Jud., i, 1, 2. Les progrès de son influence et les vicissitudes de sa domination sont comme le fond de l’histoire du peuple de Dieu. Sa force victorieuse s’incarne principalement en David, à qui il a été donné de réaliser cette parole : « Ta main sera sur le col de tes ennemis. » Le lion de Juda a promené autour de lui sa terrible puissance, puis, chargé de butin, il est remonté dans le repaire de ses montagnes. Là, il s’est longtemps couché au sein d’une paix noblement conquise et puissamment garantie. Tel est comme le résumé des deux règnes de David et de Salomon. Il n’en est pas moins vrai, cependant, que le véritable « lion de la tribu de Juda », c’est le Christ, « rejeton de David, » Apoc, v, 5, qui, après avoir vaincu le démon, a établi, dans la richesse et la force, le royaume de la paix. C’est « à lui qu’appartient » le sceptre royal dont parle la prophétie de Jacob, et qui courbera sous l’obéissance tous les peuples de la terre. Jusqu’à sa venue, il était resté, bien qu’avec de nombreuses vicissitudes, aux mains de la tribu de Juda. Après les privilèges de prééminence dont nous avons parlé, et qui ne faisaient de Juda qu’un « lionceau », sa race est montée sur le trône avec David, pour y demeurer jusqu’à la captivité. Si, à

ce moment, l’autorité royale tombe de ses mains, la tribu n’en conserve pas moins une prééminence d’honneur ou de juridiction qui suffît à l’accomplissement de la prédiction patriarcale. Pendant la captivité de Babylone, les juges du peuple continuèrent à être choisis dans la tribu de Juda, comme on peut le croire d’après l’histoire de Susanne. Dan., xiii, 56. Daniel, qui exerça à Babylone une si glorieuse influence, était issu de sang royal et, par conséquent, appartenait à la tribu de Juda. Dan., i, 3, 6. Après la captivité, l’autorité et le gouvernement furent principalement dévolus à la même tribu. Zorobabel, fils de Salathiel, était un prince de Juda. Agg., i, 1 ; ii, 3. Les Machabées, il est vrai, étaient de la tribu de Lévi ; mais ne peut-on pas les considérer comme parlant et agissant au nom de la tribu de Juda, à laquelle les autres avaient été comme incorporées après la captivité? On peut donc dire que Juda conserve sa prééminence d’un bout à l’autre de l’histoirei jusque dans la liste des élus marqués du sceau de Dieu.

Apoc, vii, 5.
    1. JUDA (ROYAUME DE)##


7. JUDA (ROYAUME DE). En tant que distinct du royaume d’Israël, il fut constitué au début du règne de Roboam par la scission politique et religieuse des tribus. Voir col. 999-1000, 1301-1302. II est appelé « Juda », III Reg., xii, 23 ; xiii, 4, 12, 14, 21 ; xvi, 21, etc. ; IIPar., xiii, 13-16, par opposition à Israël, xiv, 4-8, ou « maison de Juda », Is., xxii, 21 ; Jer., iii, 18 ; v, 11 ; xi, 10, 17, etc., souvent par opposition à la « maison d’Israël », parce que la tribu de Juda en formait le noyau principal. D’après le récit du IIIe livre des Rois, xi, 13, 32, 36, il semblerait même qu’il ne comprenait que cette seule tribu ; mais cette mention, III Reg., xii, 20, est complétée au t. 21, qui nous apprend que l’armée de Roboam comptait aussi des soldats de la tribu de Benjamin. II Par., xi, 1, 3. De fait une grande partie des villes de cette tribu appartinrent au royaume de Juda, dont la capitale, Jérusalem, était située sur les confins des deux tribus. Voir t. i, col. 1597-1598. L’union de Juda et de Benjamin sous le sceptre de Roboam est explicitement affirmée II Par., xi, 10, 12, 23 ; xv, 2, 8, 9 ; xxv, 5. Le territoire de Juda fut agrandi plus tard par la conquête de quelques districts du royaume d’Israël. Juda, en outre, conserva sur l’Idumée la suzeraineté que David avait établie. Voir col. 834-835. Comme les tribus de Juda et de Benjamin habitaient au sud de la Palestine, on appelle souvent le royaume de Juda royaume du Sud et le royaume d’Israël royaume du Nord. Jérusalem demeura toujours la capitale du royaume de Juda. Sauf à l'époque de l’usurpation d’Athalie, le trône de David fut constamment occupé par des descendants de la dynastie légitime. Cetfe succession régulière de vingt rois par voie de filiation écarta de Juda les révolutions si fréquentes dans le royaume d’Israël. De plus, Jérusalem, sa capitale, était, par le Temple, le centre religieux de tout Israël. La célébration du culte y attirait donc les plus fervents des Israélites. Quoique les rois aient laissé subsister les hauts-lieux, le peuple de Juda fut dans l’ensemble plus fidèle à son Dieu que la population d’Israël. Les princes pieux s’efforçaient d'établir le monothéisme et luttaient par leurs réformes religieuses contre l’invasion envahis, santé du polythéisme dans leur royaume, qui était « le royaume de Dieu ». HPar., xiii, 8. Les prophètes rappelaient les rois impies au devoir et faisaient observer par le peuple la loi mosaïque. — L’histoire du royaume de Juda peut se diviser en deux périodes ; 1° depuis le schisme jusqu'à la ruine d’Israël (975-721) ; 2° depuis la ruine d’Israël jusqu'à la captivité de Babylone (721587).

I. Depuis le schisme jusqu'à la ruine d’Israël. — L’histoire de cette période se partage elle-même en trois parties. — 1° Lutte entre Juda et Israël. — Les deux royaumes séparés restèrent en guerre l’un contre l’autre

jusqu'à l’avènement d’Achab. Roboam, dont l’imprudence et la dureté avaient provoqué la scission, prit des mesures pour se maintenir à Jérusalem et reconstituer, s’il était possible, l’unité rompue par sa faute. Il recruta une armée pour marcher contre Israël, mais le prophète Séméia lui délendit, au nom du Seigneur, d’entreprendre une guerre fratricide. III Reg., xii, 21-24.

II releva les murailles des villes de Juda et de Benjamin qui lui pétaient demeurées fidèles, II Par., xi, 5-12, et il fortifia les places qui le défendaient contre Israël. Son idolâtrie attira, la cinquième année de son règne, l’invasion de Sésac, roi d’Egypte. Jérusalem fut prise et son roi dut payer au vainqueur une forte rançon.

III Reg., xiv, 21-28 ; II Par., xi, 48-xii, 12. Voir Sésac. Juda ne succomba pas à ce désastre et il se maintint en face d’Israël. La guerre fut continue entre Roboam et Jéroboam. III Reg., xiv, 30 ; II Par., xii, 15. Il en fut de même entre Abia, fils de Roboam, et Jéroboam, III Reg., xv, 7 ; II Par., xiii, 2, entre Asa et Baasa. III Reg., xv, 16, 32. C'était une guerre d’escarmouches et de pillages, avec quelques rencontres en règle, des deux côtés de la frontière et notamment autour de la ville de Rama. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. ii, 1897, p. 776. Abia remporta contre Jéroboam une grande victoire.

II Par., xiii, 3-20. Voir t. i, col. 42-43. Le pieux roi Asa éleva des forteresses et augmenta son armée ; il fut vainqueur de Zara, roi d’Ethiopie, II Par., xiv, 6-15. Il employa aux réformes religieuses la paix que lui laissa le royaume d’Israël. III Reg., xv, 9-15 ; II Par., xv. Cependant Baasa entreprit d’entourer Rama de murailles. Asa fit alliance avec Bénadad I' r, roi de Sjrie, qui attaqua Israël. Baasa interrompit les travaux de fortifications de Rama et les habitants de Juda employèrent les matériaux abandonnés à fortifier Gabaa et Maspha.

III Reg., xv, 16-22 ; II Par., xvi, 1-6. Voir t. i, col. 1053, 1344, 1573.

Alliance de Juda et d’Israël.

Sous le règne du pieux roi Josaphat, un grand changement d’esprit et de politique s’accomplit à Jérusalem. Trois ans après la seconde campagne de Bénadad II contre Israël, Josaphat, qui levait tribut sur les Philistins et les Arabes, II Par., xvii, 10, 11, alla trouver Achab et fit alliance avec lui. Il l’accompagna au siège de Ramoth de Galaad occupée par les Syriens. Achab y fut tué et Josaphat revint à Jérusalem. III Reg., xxii, 1-38 ; II Par., xviii. Le prophète Jéhu reprocha au roi de Juda son alliance avec le roi d’Israél. II Par., xix, 1-3. Josaphat avait lait épouser à son fils Joram Athalie, fille d’Achab. IV Reg., viii, 18 ; II Par., xxi, 6. Voir t. i, col. 123-124. Après sa victoire sur les Moabites, II Par., xx, 1-30, il resta en paix avec Israël. III Reg., xxii, 45. Cependant il refusa d’unir sa flotte avec celle d’Ochozias. III Reg., xxii, 50 ; II Par., xx, 35-37, après un premier insuccès permis par le Seigneur. Joram, roi d’Israël, successeur d’Ochozias, demanda à Josaphat d’unir leurs eflorts contre le roi de Moab. Les deux alliés attaquèrent l’ennemi par l’Idumée et infligèrent aux Moabites une défaite complète. IV Reg., iii, 7-27. Voir Josaphat 3, col. 1649. Joram remplaça Josaphat, son père, sur le trône de Juda ; il imita la conduite idolâtrique des rois d’Israël, ses ancêtres ; par punition de ses crimes, le Seigneur permit que les Iduméens se rendissent indépendants de Juda et que les Philistins et les Arabes ravageassent son royaume. IV Reg., viii, 16-24 ; II Par., xxi. Voir Joram 2, col. 1641. Son fils Ochozias suivit, lui aussi, les exemples d’Achab et il fit, avec son oncle Joram d’Israël, la guerre contre Hazæl, roi de Syrie, pour reprendre Ramoth-Galaad. Il alla à Jezrahel voir le roi d’Israël blessé, et il fut tué par les soldats de Jéhu, révolté contre Joram.

IV Reg., viii, 25-29 ; ix, 16, 27-29 ; II Par., xxii, 1-9. Voir Ochozias.

Nouvelles luttes entre Juda et Israël.

Athalie,

afin de s’assurer la possession du trône, fit périr tous les membres de la famille royale de Juda. Voir t. i, col. 1207-1208. Joas, enfant, fut sauvé, et, dix ans après, proclamé roi. IV Reg., xi, 1-16 ; II Par., xxii, 10-xxtn, 21. Il fut fidèle à Dieu, tant que vécut le grand-prêtre Joïada qui l’avait élevé. Son idolâtrie lui attira un châtiment divin : Hazaël envahit la Palestine et marcha sur Jérusalem. Voir col. 460. Joas, qui avait acheté la paix en payant le tribut, fut assassiné. IV Reg., xii ; II Par., xxiv. Voir Joas 3, col. 1556. Son fils Amasias eut de bons débuts et battit les Iduméens. Il défia à la guerre Joas, roi d’Israël ; son armée fut battue et lui-même fait prisonnier. Plus tard, une conjuration s’éleva contre lui à Jérusalem et il fut tué à Lachis où il s’était enfui. IV Reg., xiv, 1-20 ; II Par., xxv, 1-28. Voir t. i, col. 443-446. Azarias, que le livre des Paralipoménes appelle Ozias, suivit d’abord les conseils du prophète Zacharie et gouverna son peuple avec sagesse et fermeté. Il soumit les Ammonites, les Iduméens, les Philistins et les Arabes, répara et fortifia Jérusalem. À la fin de sa vie, il fut frappé de la lèpre pour avoir usurpé les fonctions sacerdotales. IV Reg., xv, 1-7 ; II Par., xxvi. Voir Ozias. Son fils Joatham, qui avait déjà gouverné la maison royale pendant sa maladie, imita la piété de son père et obligea les Ammonites à lui payer tribut. Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël, se coalisèrent contre Juda. IV Reg., xv, 32-38 ; II Par., xxvii. Ce fut seulement sous le règne de l’impie Achaz que les deux confédérés vinrent assiéger Jérusalem. Inaugurant une funeste politique, blâmée par les prophètes, Achaz appela à son secours le roi d’Assyrie Théglathphalasar III. Il obtint son alliance moyennant un tribut très élevé ; il alla le voir à Damas et introduisit à Jérusalem les idoles assyriennes. IV Reg., xvi ; II Par., xxviii. Voir t. i, col. 130-136. Son fils, le pieux roi Ëzéchias, refusa de payer le tribut aux Assyriens et reçut l’ambassade de Mérodach-Baladan, roi de Babylone. Ce fut la sixième année de son règne, en 721,

que Sargon prit la ville de Samarie et ruina le royaume

d’Israël. IV Reg., xviii, 1-12. Voir col. 1001 et t. ii, col. 2144-2146.

II. Depuis la ruine d’Israël jusqu’à la captivité de Babylone. — Tant qu’Israël était resté debout, il avait servi de boulevard à Juda et avait supporté les premiers’coups des invasions assyriennes. Quand Samarie fut tombée, Jérusalem fut directement exposée à la convoitise de l’Assyrie. Sennachérib fit une expédition contre l’Asie occidentale et l’Egypte ; un de ses desseins était de ramener à la vassalité Ëzéchias, roi de Juda. Il attaqua et prit toutes les villes fortes de Juda. Ézéchias consentit à payer un lourd tribut de guerre, mais refusa de rendre Jérusalem. Une intervention divine le délivra du péril qu’il courait et Sennachérib retourna à Ninive. IV Reg., xviii-xix ; II Par., xxxii. Voir t. ii, col. 2146-2148. Son fils Manassé ne marcha pas sur ses traces. Il fut déporté À Babylone en punition de ses crimes. Cependant il rentra en grâce et fut ramené à Jérusalem. IV Reg., xxii, 1-18 ; II Par., xxxiii, 1-20. Voir Manassé. Amon, son émule dans l’idolâtrie, fut assassiné par les gens de sa maison. IV Reg., xxi, 19-26 ; II Par., xxxiii, 21-25. Voir t. i, col. 503. Le règne de Josias fut réparateur pour Juda ; mais le pieux roi périt à la bataille de Mageddo, en essayant de barrer le passage à Néchao II, roi d’Egypte qui voulait reprendre la Syrie. IV Reg., xxiii, 1-30 ; II Par., xxxiv, xxxv. Voir Josias l, col. 1679. Ce prince avait trois fils, qui régnèrent succesivement sans imiter la piété de leur père. Joachaz, après trois mois de règne, fut déposé par Néchao et emmené captif en Egypte. IV Reg., xxiii, 31-33 ; II Par., xxxvi, 1-3. Voir Joachaz 2, col. 1549. Son frère Éliacim fut mis sur le trône à sa place par le pharaon et prit le nom de Joakim. Il paya tribut à l’Egypte. IV Reg.. xxiii, 34-37 ; II Par., xxxvi, 4-8. Ce fut sous son règne que Nabuchodonosor, roi de Babylone, intervint pour la première fois en Juda et asservit

Joakim. Après trois années de vassalité, Joakim se révolta et sa révolte attira dans son royaume des bandes ennemies qui le ravagèrent. IV Reg., xxiv, 1-5. Voir Joakim 1, col. 1551. Dès lors le roi de Babylone domina des rives de l’Euphrate jusqu’aux frontières de l’Egypte. lVReg., xxiv, 7. Joachin ou Jéchonias, fils de Joakim, n’eut qu’une royauté nominale et, au bout de trois mois, il fut déporté à Babylone. IVReg., xxiv, 6-16 ; II Par., xxxvi, 8-10. Voir JéchomasI, col. 1210. Son oncle Matthanias, fils de Josias, lut mis à sa place sur le trône de Juda par Nabuchodonosor, qui lui donna le nom de Sédécias. Il se révolta contre le puissant monarque qui l’avait institué et provoqua par cette révolte la ruine complète de son peuple. Jérusalem fut prise et détruite, et les habitants de Juda furent transportés en masse en Babylonie. Voir t. ii, col. 229-238, et Sédécias. Quelques-uns seulement demeurèrent dans le pays pour cultiver les terres et furent placés sous la conduite de Godolias. IV Reg., xxiv, 17-xxv, 7 ; II Par., xxxvi, 10-21. Voir col. 259-260, 1261-1262. Vingt rois s’étaient succédé sur le trône de David depuis le schisme des dix tribus, et quatre seulement avaient été fidèles. La dynastie légitime se maintint malgré les fautes de la plupart des rois, à cause des promesses que Dieu avait faites à David. Juda, qui suivit les mauvaises voies d’Israël, finit par subir le même sort. Dieu détourna de lui son visage et le livra aux mains des envahisseurs. IV Reg., xvii, 19, 20. Voir Vigouroux, Manuel biblique, il’édit., Paris, 1901, t. ii, p. 130137 ; Pelt, Histoire de l’Ancien Testament^ » édit., Paris, 1902, t. ii, p. 95-97, 107-111, 121-128, 255-258. Pour une bibliographie plus complète, voir col. 1004-1005.

E. Mangenot.

8. JUDA (MONTAGNE DE) (hébreu : har Yehûdâh ; Septante : ôpo ; ’loùSa), district le plus élevé de la tribu de Juda, et dont la ville principale était Hébron. Jos., xi, 21 ; xx, 7 ; xxi, 11 ; II Par., xxvii, 4. Il s’agit ici de la partie méridionale de la chaîne de montagnes qui traverse la Palestine du nord au sud. Elle en renferme les plus hauts plateaux et forme une des quatre divisions du territoire de Juda. C’est dans cette région, ’sv tï] ôptv » ) tyjç’Iou5aia{, « dans les montagnes de Judée, » voir Jeta, col. 1518, que se trouvait la demeure de Zacharie et d’Elisabeth. Luc, I, 39, 65. Voir Juda (Tribu

de), col. 1767.

9. JUDA (DÉSERT DE) (hébreu : midbar Yehûdâh ; les Septante et la Vulgate ont faussement mis en tête du Ps. lxii (hébreu, lxiii) : èprj|ji.o ; ttiç’ISoujiaiaç, « desertum Idumæse » ), district sauvage et en grande partie inhabité qui comprend le versant oriental des montagnes de Juda, à l’ouest de l’Arabah, de la mer Morte et du Jourdain, jusque vers Jéricho. Jos., xv, 61 ; Jud., i, 16 ; Ps. lxii (hébreu, lxiii), 1 (fig. 310). Il est appelé « désert de Judée » dans l’Evangile. Matth., iii, 1. Il ne représente pas une contrée absolument stérile ni complètement privée d’habitants. Voir sur le sens des mots nudbâr, yeiimôn, l’article Désert, t. ii, col. 1387 ; Jésimon, col. 1400. Il renfermait, en effet, un certain nombre de villes : Betharaba, Meddin, Sachacha, Nebsan, la Ville du sel, et Engaddi. Jos., xv, 61, 62. Voir Juda (Tribu de), col. 1765. Il se subdivise en plusieurs parties, qui portent le nom des cités voisines : ce sont les déserts de Jéricho, Jer., xxxix, 5 ; de Thécué, II Par., xx, 20 ; de Jéruel, III Par., xx, 16 ; de Ziph, I Reg., xxiii, 14. 15 ; de Maon, I Reg., xxiii, 24, 25, et d’Engaddi. I Reg., xxiv, 2. Il forme une des quatre grandes divisions du territoire de Juda, et comprend dans son ensemble la longue bande de terre qui descend en pentes abruptes vers la mer Morte. Lorsqu’on a quitté les champs cultivés des hauts plateaux, on tombe peu à peu dans un dédale de collines déchiquetées par des ouadis presque toujours desséchés, de vallées dont le fond, après les pluies seulement, s’enrichit d’une

maigre végétation. Avec les sommets dénudés, les flancs pierreux des rochers, les espaces couverts de genêts, de buissons rabougris et d’herbe que paissent les troupeaux de chèvres et de moutons, c’est la succession de la mort et d’une apparence de vie. Près du lac, la verdure disparait, la désolation est absolue, le regard ne rencontre que des ondulations semblables à des amas de cendres. Le désert de Juda n’est cependant pas, comme on voit, une sorte de Sahara, domaine absolu du sable et des cailloux, c’est un midbar, une région qui tient, par endroits, du sleppe, de la lande, du maquis. David pouvait y chercher un refuge, avec ses compagnons ; les forêts de ce temps, d’épais fourrés, les nombreuses

révoquée en doute. D’après les uns, ce sont les villes de Jaïr, Havoth Jaïr (col. 457), qui sont ainsi désignées, parce que Jairappartenait à la tribu de Juda. Voir Jaïr 1, col. 1109. Cf. K. Keil, J’osua, 2e édit., 1874, p. 160. D’après d’autres (Conder, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1883, p. 183), il faudrait lire un r, au lieu d’un d, et un ii, au lieu d’un ii, min, hûrâh, au lieu de rrnn, hûdàli, et ce mot désignerait le Ghôr ou vallée du Jourdain. Voir Jourdain, col. 1710. Mais aucune des explications données jusqu’ici n’est pleinement satisfaisante. L’omission du mot Juda dans les Septante rend la leçon de l’hébreu suspecte et il est fort probable que le texte original est ici altéré.

[[File: [Image à insérer -->]|300px]]
310. — Vue générale du désort de Juda. Vue prise au-dessus de Mar-Saba. D’après de Luynes, Voyage à la mer Morte, pl. 25.

grottes qui percent le sol, leur offraient un abri. I Reg., xxiii, xxiv. Saint Jean s’y retira pour faire entendre la voix qui crie dans le désert : « Préparez les voies du Seigneur ; rendez droits ses sentiers. » Joa., i, 23 ; cf. Is., XL, 3. « Ces ravins infranchissables, ces montagnes se dressant de toute part pour arrêter la voie, ces sentiers que les rochers et les précipices obligent à des détours infinis, Jean les avait devant les yeux, et pour lui comme pour Isaie, ce n’était qu’une image de l’àpreté des âmes dans lesquelles il devait frayer la route au Messie. » C. Fouard, La vie de 2V.-S. Jésus-Christ, 2 in-8o, 1880, t. i, p. 142. C’est dans la partie septentrionale du désert, aux environs de Jéricho, que demeura le saint Précurseur. Sa nourriture se réduisait à des sauterelles et à du miel sauvage. Matth., iii, 1-4. Cf. Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 260-272.

10. JUDA DU JOURDAIN (hébreu : Yehûdâh hay-Yar dên ; omis dans les Septante), localité située à la frontière

orientale de la tribu de Nephthali. Jos., xix, 34. Son

identification est incertaine et son existence est même

11. JUDA (VILLE de) (hébreu : Hr Yehûdâh), nom donné à Jérusalem, II Par., xxv, 28, où il est dit qu’Amasias ayant été tué à Lachis, on le ramena et on l’ensevelit avec ses pères dans la ville de Juda. Jérusalem peut être ainsi appelée comme capitale du royaume de Juda, mais il est possible que ce nom se lise ici par erreur, car les Septante et la Vulgate portent « cité de David », au lieu de « cité de Juda ».

12. JUDA (VILLE-DE-JUDA) (grec : IIôXiç’IojSa ; Vulgate : Civitas Juda), ville où habitaient Zacharie et Elisabeth, parents de saint Jean-Baptiste. Luc, I, 39. Voir Jeta, col. 1517.

13. JUDA HALLÉVI, ben Samuel, en arabe Abou’l-Hassân, né vers 1086 dans la vieille Castille. Il est peut-être le plus grand poète juif, et en même temps théologien, grammairien et exégète de valeur. Dans un ouvrage composé en arabe et traduit en diverses langues, appelé le Khozari, il cherche à défendre le judaïsme rabbanite contre les objections soulevées par la philoso

phie, le christianisme, l’islamisme et le caraïsme. Pour établir la vérité du judaïsme et en montrer la sagesse et la valeur, il parcourt l’histoire d’Israël, en étudie les lois. Dans une importante digression du II" livre (paragr. 70 à 80) sur la grammaire et la prosodie hébraïque, digression souvent invoquée par les meilleurs hébraïsants, il montre, une grande pénétration et sagacité. Dans cet ouvrage il est aussi exégète de mérite ; il suit le sens littéral et le sens allégorique, avec une prédilection marquée cependant pour ce dernier sens. Il s’embarqua vers 1141 pour l’Egypte, de là il passa en Palestine où il visita Jérusalem, il alla ensuite à Damas. On ignore le lieu et la date de sa mort. L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, in-8°, Paris, 1881, p. 231 ; Grætz, Histoire des Juifs, trad. Bloch, Paris, t. iv, 1893, p. 86-97. Pour les éditions du Khozari, voir J. Furst, Bibliotlieca judaica, in-8°, Leipzig, 1863, parꝟ. 2, p. 36-38. E. Levesque.

14. JUDA HAN-NÂSI’, « le prince ou patriarche, « appelé aussi Babbênu haqqâdôs, « notre saint docteur, » ou simplement Rabbi, comme s’il eût été le représentant par excellence de la Loi, était fils de Siméon et descendant de Hillel l’ancien. Né vers l’époque de la mort d’Akiba (vers 135 après J.-C), il mourut vers 210, renommé par sa piété, son savoir et son immense fortune. Grâce à ses richesses et à sa science, il fil conférer au nâsV ou patriarche une autorité sans contrôle, réunissant dans sa main tous les pouvoirs qu’avait autrefois le Sanhédrin. « Depuis Moïse, dit le Talmud, jusqu’à Rabbi, on n’a pas vu réunies à un si haut degré dans une seule et même personne, la Thorah et les grandeurs. » Il eut la plus grande part à la rédaction de la Mischna : il prit pour base de son travail la compilation d’Akiba, complétée et mise en ordre par Meir. Dans sa pensée, son travail n’était pas destiné à devenir le code définitil de la tradition, il l’avait composé pour faciliter son enseignement oral. Mais la considération dont il jouissait rejaillit sur son œuvre, et lit tomber dans l’oubli toutes les autres compilations de ce genre. La Mischna de Rabbi Juda devint bientôt la Mischna par excellence, il ne la rédigea pas d’une façon définitive : car elle fut complétée par ses disciples et successeurs immédiats et ne reçut sa forme dernière que vers le milieu du n s siècle. Il avait fixé sa résidence à Beth-Schearim au nord-est de Sepphoris, puis à Sepphoris, renommée par son air pur et son climat salubre, et c’est là qu’il mourut. Voir Mischna. Cf. L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, in-8°, Paris, 1881, p. 183 ; Grætz, Histoire des Juifs, traduct. Bloch, Paris, t. iii, 1888, p. 124-136. E. Levesque.

45. JUDA (Léon de), théologien luthérien, né en 1482 à Ribeauvillé en Alsace, mort à Zurich le 19 juin 1542. S’étant rendu à Bâle en 1502 pour y terminer ses études, il s’y lia avec Zwingle d’une étroite amitié. Dix ans plus tard, il obtenait une cure en Alsace ; mais ne restait que peu dans son pays. Il retournait en Suisse à Bâle et à Einsiedeln où il retrouvait Zwingle. Tous les deux se mirent alors à prêcher contre l’Église romaine. En 1522, Léon de Juda était curé de Saint-Pierre de Zurich et, rompant entièrement avec Rome, il se maria et poussa à la guerre contre les cantons suisses demeurés catholiques. Il ne négligea rien pour faire triompher les erreurs nouvelles et, dans ce but, traduisit et vulgarisa les livres de Luther et de Zwingle. Parmi les ouvrages qu’il composa ou auxquels il collabora nous citerons : Biblia in. linguam Superioris Germanise seu helveticam conversa juxta hebraicam et grsecam fidem, in-f », Zurich, 1525 ; Annotationes in Genesim et Exodum usque ad caput xxiv ex ore Zwinglii excerptm, in-8°, Zurich, 1527 ; Novum Testamentum Germanicum cum Erasmi Roterodami paraphrasibus

per Leonem Judas toanslatis, in-f°, Zurich, 1542 ; Biblia e sacra Hebrseorum lingua Grsecorumque fontibus, consultis simul orthodoxis interpretibus religiosissime translata in sermonem latinum per theologos tigurinos, in-f°, Zurich, 1543 ; Annotationes in 1 VEvangelistas, in Passionis dominicse historiam, in Epistolas Pauli ad Romanos, Corinlhios, Philippenses, Colossenses, Thessalonicenses et in Jacobi Epistolam, ex ore Zwinglii excerptse, in-f°, Zurich, 1581. — Voir Pestalozzi, Léo Judse, in-8°, Elberfeld, 1860 ; Dupin, Bibl. des auteurs séparés de l’Église romaine du xvw siècle (1719), t. i, p. 569 ; Rich. Simon, Hist. critique du Vieux Testament, p.338 ; Græsse, Trésordes livres rares, X. iii, p. 494.

B. Heurtebize.
    1. JUDAÏA##

JUDAÏA (hébreu : hay-Yehudiijyâk ; Septante : ’Agi’a), mère de Jared, d’Héber et d’Icuthiel. I Par., iv, 18. Le passage dans lequel elle est nommée semble altéré et a été expliqué des façons les plus diverses. Judaïa parait être un surnom plutôt qu’un nom, parce qu’il est précédé de l’article et signifie « la Juive » ou « de la tribu de Juda ». Dans le ꝟ. 19, c’est elle qui, d’après plusieurs commentateurs, est appelée Odaia par corruption. Le nom de son mari n’est pas désigné clairement. De là vient que les uns la font femme de Caleb, fils de Jéphoné, les autres d’Ezra, d’Esthamo ou de Méred, ꝟ. 15, 17-18. Dans l’état défectueux du texte, il est difficile de démêler la vérité. On peut cependant supposer qu’elle tut une des femmes de Méred et reconstituer avec quelque vraisemblance de la manière suivante le, texte original. « Ceux-ci furent les fils de Béthia (t. ii, col. 1686), fille du Pharaon, qu’épousa Méred, et les fils de sa (seconde) femme, Judaïa (ou la Juive), sœur de Naham, lequel fut père (ou fondateur) de Céila, dont les habitants sont Garmites, et d’Esthamo, dont les habitants sont Maachatites. » La femme « juive » est ainsi distinguée par sa nationalité de la femme égyptienne. Voir Frd. Keil, Chronik, 1870, p. 64-65.

JUDÀiSANTS.—I. Définitions. —D’après l’analogie, « judaïser » devrait signifier « imiter les mœurs ou les manières juives, sans être Juif soi-même ». Et c’est en ce sens que le mot est employé dans Esther, viii, 17 : Beaucoup de Perses, par crainte des Juifs, se faisaient circoncire et judaisaient (mityahâdim, participe hithpahel d’un verbe dénominatif de ydhad ; Septante : ïou8aiÇov ; la Vulgate paraphrase). Dans le même sens, saint Paul reproche à saint Pierre de forcer les gentils à judaiser, Gal., ii, 14, c’est-à-dire à recevoir les pratiques judaïques relatives aux aliments, aux purifications légales, etc. Le mot ne se trouve pas ailleurs dans la Bible. L’usage moderne est moins rigoureux. On appelle en général « judaïsants » les membres de l’Église primitive, qu’ils fussent Juifs ou gentils d’origine, qui regardaient l’observation totale ou partielle de la Loi mosaïque comme nécessaire au chrétien. Naturellement, ces lausses doctrines avaientdes degrés et les judaisants pouvaient se diviser en catégories distinctes, sinon nettement tranchées : 1° ceux qui concevaient le christianisme comme une secte juive, analogue aux pharisiens ou aux disciples de Jean-Baptiste, n’admettant par suite les non-Juifs qu’en vertu de la circoncision, moyen ordinaire d’incorporation au peuple élu ; — 2° ceux qui, regardant la circoncision comme obligatoire pour les Juifs d’origine, admettaient cependant les gentils dans l’Église, mais à un rang inférieur comparable à celui des prosélytes de second ordre ou <reë<5(j.svoi (timentes, metuentes Deum) ; — 3° ceux qui, sans croire la circoncision nécessaire au salut, la jugeaient imposée par les circonstances, pour ne pas éloigner les Juifs de l’Église et pour faciliter les rapports entre les deux portions de la communauté chrétienne ;

— 4° ceux enfin qui, n’ayant pas d’idées bien précises sur l’obligation de la Loi mosaïque, continuaient à l’observer par habitude, par piété, par scrupule de

conscience et se scandalisaient de la voir violer autour d’eux. — Les deux premières catégories étaient formellement hérétiques ; la troisième commettait une erreur d’appréciation que saint Paul se fait un devoir de combattre ; la quatrième méritait l’indulgence et parfois saint Paul lui-même trouva bon de la ménager.

II. Histoire.

I. assemblée de Jérusalem. — La première levée de boucliers des judaisants amena la réunion de ce qu’on a nommé le concile apostolique, vers l’an 50. Nous admettons avec la presque totalité des auteurs que les récits de Gal., ii, 1-10, et d’Act., xv, 1-31, ont trait aux mêmes événements ; seulement saint Paul insiste davantage sur les faits qui le touchent personnellement, tandis que saint Luc rapporte de préférence les délibérations pu bliques et les décisions d’intérêt général. Les judaisants venus de Judée à Anlioche soutenaient expressément que les Grecs convertis ne pouvaient se sauver sans la circoncision. Act., xv, 1. La circoncision assujettissait les nouveaux chrétiens à toute la Loi mosaïque ; et c’est bien ainsi que l’entendaient les judaisants de Jérusalem qui, avant leur conversion, avaient appartenu à la secte des pharisiens. Act., xv, 5. Les Apôtres et les anciens de la ville sainte, réunis pour cet objet, après avoir entendu Paul, Barnabe et les autres envoyés d’Antioche, Act., xv, 4, 12, déboutèrent les judaisants de leurs prétentions. Pierre rappela la conversion de Corneille et de sa famille, conversion sanctionnée par le Saint-Esprit lui-même, sans qu’il eût été question d’imposer aux néophytes le fardeau de la Loi. Pourquoi accabler les gentils d’un poids qu’eux, les Juifs, avaient été impuissants àporter ? Act., xv, 7-10. Jacques fut du même avis et il appuya son sentiment sur le témoignage de l’Écriture. Cependant il apportait à la liberté des gentils quatre restrictions que l’assemblée approuva. Act., xv, 13-20. Le motif qu’il en donnait reste assez obscur pour nous, ꝟ. 21, mais les décisions prises par le concile sont parfaitement claires : 1° Les Apôtres et les anciens de Jérusalem délèguent auprès des chrétiens d’Antioche, Judas, Barnabe et Silas. Act., xv, 22, 27. — 2° Ils désavouent les judaisants qui, en troublant les églises, ont agi sans aucun mandat, xv, 24.

— 3° Des préceptes de Moïse, les gentils n’ont à retenir que les quatre points suivants dont l’observation est seule nécessaire (èracvaY*s ;) : abstention des viandes immolées aux idoles, du sang, de la chair des animaux étouffés et de la fornication, 28-29. — 4° Ce décret concerne les chrétiens d’Antioche, de Syrie et de Cilicie, les seuls qui soient en cause, xv, 23. — Saint Paul profita d’une occasion si favorable pour faire approuver son évangile et obtenir une déclaration solennelle qui, à l’avenir, fermât la bouche aux judaisants toujours prêts à le calomnier. Il nous fait connaître dans l’Épltre auxGalates les résultats de ses démarches : 1° Les colonnes de Jérusalem, Jacques, Céphas (Pierre) et Jean, ne trouvent rien à reprendre ou à compléter (oùSèv icpO(rav£8evTo) dans la prédication de Paul. Gal., il, 2-6. — 2° Ils lui tendent la main droite en signe d’alliance et l’on convient que Paul et Barnabe porteront l’Évangile aux incirconcis, comme ils le prêcheront eux-mêmes aux circoncis, 8-10. — 3° Paul, pressé par les judaisants de faire circoncire Tite qui l’avait accompagné à Jérusalem, s’y refuse énergiquement. En d’autres circonstances, il aurait pu consentir à cette pratique indifférente ; mais il résista cette fois à cause des faux frères dont les manœuvres sournoises avaient pour but d’asservir à la Loi Paul et ses disciples. Une concession, en pareille occurrence, aurait compromis la vérité de l’Évangile, car on n’eût pas manqué d’y voir une obligation au lieu d’un acte de pure condescendance. Gal., ii, 3-5. Le cas de Timothée, à la circoncision duquel Paul se prêtera plus tard, est tout différent. Act., xvi, 3.

II. incident d’antiocbe. — Après cette décision qui

semblait devoir terminer à jamais les débats, les judaisants ne désarmèrent pas, et l’incident d’Antioche vint tout remettre en question. Nous admettons avec la presque unanimité des commentateurs : 1° que l’incident eut lieu peu de temps après la réunion de Jérusalem et avant le départ de Paul pour sa seconde mission ; 2° que le Cephas avec lequel Paul a une discussion est bien Pierre lui-même. Voir Céphas, t. ii, col. 429-430.

Attitude de Pierre.

1. Avant l’arrivée à Antioche

des gens de Jérusalem, qui venaient d’auprès de Jacques (iirô’Iax<160v) et qui peut-être se disaient envoyés par lui, il fréquentait librement les Grecs convertis et vivait comme eux, sans s’astreindre à la Loi (i ; f|ç, Gal., ii, 14, ne peut être qu’un présent d’habitude ; car, à l’instant où Paul parle, Pierre a cessé de vivre à la grecque, I8vixw ;, et s’est remis à vivre à la juive, lou8atxà>{)- — 2. À partir de ce moment il s’éloigna et se sépara des gentils (àcpciptCsv êautdv), non par un changement quelconque d’idées, mais par crainte des Juifs circoncis (cpoëoùnevoç tous ix itepiTO|j.îi{), comme saint Paul le dit expressément. Gal., Il, 12. — 3. Le résultat de ce recul fut déplorable. Les autres Juifs imitèrent Pierre, et Barnabe lui-même se laissa entraîner, ꝟ. 13. Bien plus, les Grecs, pour ne pas briser les rapports avec leurs frères de race juive, étaient moralement contraints de judaiser et d’abdiquer les privilèges que leur avait conférés le décret du concile.

Attitude de Paul.

1. Il reproche à Pierre et à

ses imitateurs non pas un défaut de doctrine, mais une faute de conduite (oùx opGouoSoOut, « ils ne marchent pas droit selon la vérité de l’Évangile » ). Gal., Il, 14. Tertullien a trouvé le mot juste : Vtique conversationis fuit vitium non prædicatwnis. De præscript., 23, t. ii, col. 36. — 2. Il accuse Pierre, non d’erreur, mais d’inconséquence. En effet, Pierre professe, comme Paul, que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais par la toi de J.-C, Gal., ii, 16 ; tout Juif qu’il est, il ne se fait pas scrupule, à l’occasion, de vivre à la grecque (è9vtxK> ;) ; il est donc déraisonnable d’obliger moralement les Grecs à judaiser, c’est-à-dire à suivre les coutumes juives auxquelles rien ne les astreint. Gal., ii, 14. L’argument est sans réplique et le récit que fait saint Paul de toute cette affaire suppose que saint Pierre en comprit le bien fondé et y conforma sa conduite.

Causes de la divergence.

Le décret de Jérusalem,

tout clair qu’il est, laisse, par sa concision, la porte ouverte à plusieurs doutes. 1. Rien n’est réglé au sujet des Juifs. Participent-ils à la liberté accordée aux gentils ? Les Juifs de Jérusalem continuent à observer exactement la Loi ; leurs frères de la dispersion n’y sont-ils pas tenus eux aussi ? — 2. Désormais les gentils sont déclarés exempts de la Loi, à l’exception de quatre articles ; mais ne sont-ils pas libres de l’observer tout entière ? Et n’y aurait-il point pour eux plus de perfection dans cette observation intégrale ? — 3. Les quatre articles qu’on leur impose par nécessité (râivayxeç), sans spécifier la nature de cette nécessité, les assimilent aux prosélytes de second rang qu’on soumettait seulement aux préceptes dits de Noé. Mais cette mesure ne les constituet-elle pas dans un état d’infériorité par rapport aux Juifs de race ? Et cette inégalité ne serait-elle pas levée par l’observation intégrale de la Loi ? — Ces causes, nous le verrons, agiront plus tard dans tous les troubles suscités par les fauteurs de désordre.

/II. LUTTES DE PAVL CONTRE LES JUDAISANTS. —

1° Première phase. Période des grandes Épîtres. — 1. L’église de Corinthe.— Les Corinthiens disaient : « Moi je relève de Paul, moi d’Apollos, moi de Céphas, moi du Christ. » I Cor., 1, 12. On a écrit des volumes sur ces quelques mots pour aboutir aux résultats les plus contradictoires. Tandis que le Pseudo-Ambroise, saint Chrysostome et son école, Théodoret, Œcuménius et Théophylacte, s’appuyant sur I Cor., iv, 6, se refusent à voir

dans ce verset la mention de partis réels, Banr trouve dans les sectateurs de Pierre et du Christ des judaïsants proprement dits, dont les plus fanatiques sont les derniers. Tout au contraire, pour Lisco, Paulus Antipauhnus, Berlin, 1896, les sectateurs du Christ sont favorables à Paul et aux fidèles de la gentilité, tandis que Rabiger, Die beiden Briefe des Paulus an die korinth. Gemeinde, Breslau, 2e édit., 1886, revient à l’opinion des anciens Pères, Clément de Rome, Origène, Augustin, Chrysostome, au gré desquels il n’y avait point à Corinthe de parti du Christ. Voir Corinthiens (Première Épître aux), t. ii, col. 985 ; cf. Rohr, Paulus und die Gemeinde von Korinth, Fribourg-en-Brisgau, 1899, 5e section : Parteiungen undParteien, p. 70-149. — De quelque nom qu’on les appelât, les judaïsants étaient très actifs à Corinthe. Des esprits brouillons, des cerveaux étroits y avaient organisé une véritable contre-mission pour ruiner le prestige et l’œuvre entière de Paul. On lui contestait son titre d’apôtre, II Cor., xi, 5 ; xii, 11-12 ; on s’autorisait contre lui de lettres de recommandation vraies ou supposées, II Cor., iii, 1 ; cf. xi, 13-15 ; on faisait sonner bien haut, pour le rabaisser, la prééminence des Douze, I Cor., ix, 1-5 ; il semble qu’on lui reproche aussi des variations de doctrine, de la légèreté, de la vaine gloire, qu’on se fait une arme de sa modestie, de sa condescendance, de son humble extérieur. II Cor., xi, 7-12, 16-18 ; x, 10-13 ; i, 17-20, etc. Ces attaques, qui obligent Paul à de longues apologies,

Cor., ii, 1-ni, 3 ; ix ; II Cor., x-xii, etc., trahissent la présence de ses adversaires acharnés, les judaïsants. Cependant il ne paraît pas [que le mal fût encore consommé. Les ennemis semaient l’ivraie, la mauvaise herbe commençait à lever et menaçait d’étouffer le bon grain, mais il était encore temps de l’arracher. Il est extrêmement important de remarquer que l’unité n’était pas rompue, que les partis, si l’on peut leur donner ce nom, ressemblaient plus à des coteries qu’à des schismes. Tout porte à croire que les deux lettres de l’Apôtre et la longue visite dont il les fit suivre suffirent à extirper le mal.

2. Églises de Galatie.

Nous pensons que l’Épitre aux Galates fut écrite peu après les deux Épîtres aux Corinthiens et avant l’Épitre aux Romains. Sur les destinataires de l’Épitre, voir Lightfoot, Eptstle to the Galatians, 2e édit., Londres, 1892, p. 1-35 ; Sieffert, Der Bnef an die Galater, 9e édit., Gottingue, 1899, p. 1-17 (en Javeur des Celtes ou Galates du Nord) ; Ramsay, Church in Rom. Empire, p. 74-111 ; Cornely, Conimentar, Paris, 1892, p. 359-363 ; Introductio, t. iii, p. 415422 (en faveur des Galates du Sud ou Pisidiens et Lycaoniens). — La situation morale ressort assez clairement du texte lui-même. Les judaïsants allaient répétant partout que Paul n’était pas un véritable apôtre comparable aux Douze, qu’il n’avait pas connu le Christ et, par suite, ne pouvait tenir de lui sa mission, qu’il prêchait un évangile humain. Cf. Gal., 1, 1, 7, etc. Ils enseignaient la nécessité de la circoncision même pour les gentils, v, 2 ; vi, 12, sans peut-être insister beaucoup sur l’obligation d’observer toute la Loi qu’entraînait la circoncision, obligation que Paul ne manquera pas de rappeler, v, 3 ; VI, 13. On a aussi l’impression qu’ils accusaient sa morale de laxisme. Cf. Gal., v, 13. — Les agitateurs étaient certainement d’origine juive, v, 12 ; vi, 13 ; cf. iii, 28 ; v, 6 ; vi, 15 ; ils judaïsaient au moins autant que le parti pharisien lors de l’assemblée de Jérusalem, Act., xv, 1, 5 ; Gal., ii, 4 ; eux aussi se réclamaient de l’autorité des vrais, des * grands Apôtres » (ol ûirepXfav àTrôatoXoi, II Cor., xi, 5 ; iii, 11), des « colonnes » de l’Église. Gal., n, 6, 9. Ils avaient déjà fait quelques progrès, iv, 9-10, « t séduit plusieurs âmes, iii, 1 ; v, 7. Néanmoins, le mal n’était pas sans remède ; le pas décisif n’était pas fait « ncore, v, 2 ; iv, 21, et l’Apôtre espérait toujours pré--server ses chers Galates de la perversion, v, 1, 10, mais

c’était un espoir mêlé de crainte, iv, 11. Nous ne connaissons pas le résultat de sa lettre, mais tout nous persuade qu’elle eut un plein succès.

3. Église de Rome.

L’école de Tubingue voyait dans l’Épitre aux Romains un manifeste dirigé contre les judaïsants. On regardait comme incontestable que la masse des chrétiens étaient des Juifs convertis. Or, s’il est un fait certain, c’est que l’église de Rome était une église mixte, mais où les gentils prédominaient de beaucoup. Cf. Rom., i, 5-7, 13-15 ; xi, 13 ; xv, 14-16. On ne trouve pas dans l’Épitre la moindre trace de polémique directe. Si, comme il est probable, les faibles, xiv, 1, qui font des distinctions entre les jours et les aliments, xiv, 2-10, sont des judéo-chrétiens, ce ne sont pas les judaïsants, puisque l’Apôtre les tolère et ordonne aux fidèles éclairés, qui sont la majorité, de les supporter patiemment. — Ce n’est pas l’imminence du péril judaisant qui poussa l’Apôtre à écrire son Épître aux Romains. Après les désordres qui venaient d’agiter si violemment les églises de Galatie et de Corinthe, saint Paul voulut faire un large exposé doctrinal de son enseignement qui, désormais, couperait court aux chicanes et préviendrait de nouveaux troubles. Il adressa ce traité à l’église qu’il allait bientôt visiter en personne et dont il prévoyait sans doute les glorieuses destinées.

2o Deuxième phase.

Les Épîtres pastorales. —

Après l’Épître aux Romains, la question judaisante traversa une période d’accalmie. Les Épîtres de la captivité ne conservent presque aucune trace de ces controverses et s’attaquent à un ennemi tout différent, un faux mysticisme philosophique où nous apercevons les germes de la gnose. L’Épitre aux Philippiens renferme une vive sortie contre les docteurs judaïsants, « ces chiens, ces ouvriers pervers, qui se glorifient dans la chair. » Cf. Phi !., i : i, 2-4. Mais il ne semble pas qu’ils fussent actifs en ce moment dans l’église de Philippes. Ce n’est qu’un souvenir du passé, tout au plus une allusion à quelque fait éloigné. — Au contraire, dans les Épîtres pastorales nous trouvons deux mentions des judaïsants. On ne peut les méconnaître dans ces vains discoureurs « qui veulent être docteurs de la Loi et qui ne savent ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils affirment avec tant d’assurance ». I Tim., i, 7 (vo|io8181%(7xaXoi). On les reconnaît aussi aisément dans ces « querelles et disputes au sujet de la Loi ». Tit., iii, 9 (votnxi ;). Cf. J. Thomas, L’Église et les judaïsants à l’âge apostolique, dans les Mélanges d’histoireetdelittératurereligieuse, Psirïs, 1899, pA-l%.

IV. DERNIERS VESl’IGESDES JUDAÏSANTS. — L’histoire

des judaïsants, après le siècle apostolique, devient assez obscure. Les écrivains ecclésiastiques n’ayant pas tous une connaissance personnelle des diverses sectes, dont les dogmes ont pu et dû changer avec le temps, en parlent souvent d’après leurs prédécesseurs ; quelques auteurs vont jusqu’à confondre les sectes juives avec les sectes chrétiennes et rangent les pharisiens, les sadducéens, les esséniens, parmi les hérésies primitives. Il ne faut pas perdre de vue que les premiers hérésiarques, bien que Juifs ou plutôt Samaritains d’origine, comme Simon le Magicien, Dosithée et Ménandre, ne peuvent pas être comptés au nombre des judaïsants. Leur doctrine est un mélange bizarre et monstrueux d’éléments païens, juifs et chrétiens, avec une tendance aux spéculations cosmogoniques qui les feront considérer plus tard comme les pères du gnosticisme. Les vrais judaïsants, ce sont les judéo-chrétiens restés obstinément attachés à la lettre morte de la Loi. Déjà saint Ignace s’élève fortement contre ces pratiques sans raison d’être : « Pour quiconque croit à Jésus-Christ, dit-il, il est absurde de judaiser. » Magnes., x, 3 ; cf. viii, 1 ; Philad., vi, 1, dans Funk, Patres apostol, 2e édit., 1901, t. i, p. 238, 236, 268. Saint Justin est moins sévère. « À son avis, » les observateurs de la Loi peuvent se sauver, pourvu qu’ils ne l’imposent pas aux gentils convertis comme si elle était

nécessaire au salut. Dial. cum Tryphon., b7, t. vi, col. 576. Mais cette restriction <oç l^oi Soxeî montre assez que ce n’était pas alors l’avis de tout le monde et saint Justin le déclare expressément un peu plus loin. Vers cette époque commençait à paraître, sous le nom de Clément de Rome, toute une littérature judaïsante dont de nombreux spécimens, quelquefois retouchés dans un sens orthodoxe, sont parvenus jusqu’à nous. Cf. Bardenhewer, Geschickte der altchr. Litter., Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 351-363. Cependant les représentants classiques du judaïsme sont les Ébionites. Après saint Irénée, qui, le premier, nous en parle, ils continuaient à observer toute la Loi mosaïque et regardaient Paul comme un apostat, Hser. i, xxvi, 2, t. vii, col. 687, niaient la conception virginale de Jésus, User., iii, xxi, 1, col. 946, et sa divinité. Hser. v, i, 3, col. 1123. Seul, l’Évangile de saint Mathieu, qu’ils recevaient, les rattachait au christianisme. Hser. iii, xi, 7, t. vii, col. 884. Saint Épiphane nous parle longuement de deux hé.ésies judaisantes très distinctes. La première est celle des Nazaréens (NaÇcopatoi), les héritiers et successeurs de ces judéo-chrétiens qui s’étaient retirés au delà du Jourdain. Ils diffèrent des Juifs ordinaires par leur toi au Christ ; ils diffèrent des chrétiens par l’observation entière de la Loi mosaïque. Hser. xxix, t. xli, col. 388405. La seconde est celle des Ébionites apparentés aux Nazaréens, comme origine et comme enseignement, mais poussant plus loin l’erreur. Pour eux, Jésus-Christ n’est qu’un homme, né comme les autres d’un père et d’une mère. Ils ajoutent à la Loi de Moïse des pratiques singulières. Hær. xxx, t. xli, col. 405-473. Saint Épiphane en connaît deux sectes dont l’une dérive d’un certain Elxai, l’autre, très peu différente, ne nous est connue que de nom, Ea^aïoi. Hser. LUI, 1, t. xli, col. 900. Saint Jérôme mentionne fréquemment les Nazaréens et les Ébionites et les considère comme également hérétiques. L es Nazaréens en particulier croient en Jésus-Christ fils de Dieu et né d’une vierge, mais en voulant être à la fois juifs et chrétiens, ils ne sont ni juifs ni chrétiens. Epist. ad August. cxii, 13, t. xxii, col. 924. Les auteurs plus récents ne font guère que répéter les renseignements recueillis dans leurs devanciers. — L’étude la plus complète sur les sectes judaisantes est celle de A. Hilgenfeld, Die [Ketzergesch. des Urchristenthums, Leipzig, 1884, avec le supplément, Judenthum und Judenchristenthum, Leipzig, 1886. F. Prat.

    1. JUDAÏSME##


JUDAÏSME. — I. Définition. — 1° Usage biblique. — Le mot îou8aï<7(i.6 ; est employé quatre fois dans le second livre des Machabées dont le grec est la langue originale. Il est rendu en latin parjudaismus, II Mach., viii, 1 ; xiv, 38 ; par Judsei, II Mach., ii, 21 (22), et n’est pas traduit dans II Mach., xiv, 38 (seconde fois). Dans tous ces cas, « judaïsme » signifie « la cause des Juifs » ou « les coutumes des Juifs » et se trouve en opposition avec « hellénisme » dans le sens de « mœurs ou cause des Grecs ».

— Saint Paul se sert deux fois de ce même mot : « Voas avez entendu (raconter) mes déportements dans le judaïsme, » Gal., i, 13 ; « Je surpassais en zèle, dans le judaïsme, la plupart de mes contemporains. » Gai, i, 14. Ici, évidemment, « judaïsme » est pris au sens religieux plutôt que politique et a pour terme corrélatif « christianisme ».

i’Vsage moderne. — On est maintenant convenu d’appeler « judaïsme » l’ensemble des lois, des institutions, des mœurs, des coutumes propres aux Juifs à partir du moment où les enfants d’Israël commencent à s’appeler Juifs, c’est-à-dire à partir de la destruction de Samarie, ou même, pratiquement, à partir de la captivité de Babylone. Le judaïsme ainsi entendu est « la communauté religieuse qui survécut au peuple anéanti par les Assyriens et les Chaldéens ». Wellhausen, Prolegomena zur Geschichtelsræls, ’à° édit., 1886, p. 1. — De la sorte l’his toire d’Israël se partage en trois époques à limites assez indécises : le mosaïsme, le prophétisme et le judaïsme. A son tour, le judaïsme se subdivise en trois périodes sans lignes de démarcation bien accusées : le judaïsme ancien, jusqu’à l’incendie du Temple, l’an 70 de notre ère ; le judaïsme intermédiaire ou rabbinisme, qui élabore la Mischna et le Talmud ; enfin, le judaïsme moderne, depuis le moyen âge. Ce dernier tombe entièrement hors de notre cadre. Pour le second, voir Talmud.

II. Caractères du judaïsme.

À partir de la captivité, le judaïsme est caractérisé par des institutions nouvelles (sanhédrin, synagogues, scribes) et par une évolution dogmatique très marquée (portant principalement sur les intermédiaires entre Dieu et l’homme, sur les anges et les démons, sur les fins dernières) ; ces caractères vont s’accusant de plus en plus à mesure qu’on se rapproche des temps évangéliques.

i. institutions NOUVELLES. — 1° Sanhédrin. — Les Perses laissaient d’ordinaire aux peuples soumis une large part de liberté, n’exigeant que le payement régulier de l’impôt, avec la reconnaissance officielle d’une suzeraineté qui n’était ni trop lourde ni trop tracassière. Cependant il ne pouvait être question de rétablir la royauté, surtout dans la maison de David, sans éveiller les susceptibilités du vainqueur. Toute l’autorité dont jouissait encore la nation juive fut confiée à une haute assemblée dont le grand-prètre avait la présidence. Ce fut l’origine du sanhédrin : son nom primitif de sénat (Yepouofa), le nombre restreint de ses membres (70, plus le président), son caractère aristocratique très nettement aperçu par Josèphe (izoXnda àpiatoxpceroci) [iet’ôXe^oco-Xaç > Ant. jud., XI, iv, 8) nous reportent naturellement à l’époque persane. Sous le régime grec, le sanhédrin aurait été plutôt formé à l’imitation de la $ovlr, démocratique et généralement fort nombreuse. La compétence du sanhédrin était universelle ; c’était à la fois un tribunal suprême et sans appel, une assemblée politique dans la mesure de l’autonomie laissée au peuple, un pouvoir exécutif, un conseil d’État. Sa juridiction, d’abord restreinte à la Judée, s’étendit peu à peu avec l’accession graduelle d’autres villes, avec les conquêtes des Asmonéens, avec l’acceptation volontaire des Juifs de la diaspora. Voir Sanhédrin.

Synagogues.

Les Juifs de la captivité, privés des sacrifices, des pèlerinages, de tout ce qui stimulait la piété et alimentait la vie religieuse, y suppléèrent de leur mieux en destinant des endroits spéciaux à la prière publique et aux assemblées, où ils s’instruisaient de leur foi et de leurs devoirs, sous la présidence des prêtres et des prophètes. Cet usage, adopté plus tard dans toutes les villes de la diaspora ainsi qu’en Palestine, surtout dans les provinces les plus éloignées, mais aussi en Judée et même à Jérusalem, opéra une révolution d’une incalculable portée. Partout les Juifs prirent l’habitude de se réunir chaque sabbat, quelquefois plus souvent, pour faire ensemble la lecture de la Loi et des Prophètes et en entendre l’explication ou tnidrasch. À la synagogue se rattachait généralement une école, où l’on apprenait à épeler les Livres Saints et à chanter les Psaumes. Ainsi, malgré l’exil et la dispersion, malgré leur contact forcé avec les infidèles, les Israélites restaient groupés, leur foi en Jéhovah était sauvegardée, l’étude des Livres inspirés absorbait toute leur vie intellectuelle, leur caractère national s’élaborait et recevait cette forte et originale empreinte que rien ne fut plus capable d’effacer. Voir Synagogues.

Scribes.

Le personnel des synagogues, du sanhédrin et des tribunaux secondaires, se recrutait de préférence dans la classe des scribes. Avant la captivité, les scribes n’apparaissent qu’en qualité de hauts fonctionnaires, conseillers et ministres des rois ou chefs d’armée, au sens égyptien du mot. Après l’exil, leur rôle change : les scribes sont des lettrés ayant les attribu

tions les plus diverses. Peut-être leur fonction première fut-elle de transcrire les livres sacrés : de là viendrait leur nom (sôferîm, scnbæ ou numeratores), car il est difficile de le dériver, avec les rabbins, du soin qu’ils mirent plus tard à compter les versets et jusqu’aux lettres de la Bible. Quoi qu’il en soit, les scribes faisant une étude particulière de la Loi qui, pour les Juifs, résumait toute la science, devinrent "juristes, avocats, professeurs, prédicateurs, propres enfin à remplir toutes les fonctions publiques, depuis celle de juge au sanhédrin jusqu’à celle d’instituteur dans les écoles annexées à la synagogue. Notez les noms qu’ils portent dans le Nouveau Testament : Ypapiurret ;, « scribes ou lettrés, » vojio8180tiTxaXoi, « docteurs de la Loi, » voji.ty.oi, « juristes ou jurisconsultes ; » et, de plus, dans Josèphe : îepoypaix(laTeïç, ê ?r)Y ?jTcii vôfjuov rætpi’wv, ao<fi<rzai. — Leur influence devint universelle comme leurs aptitudes et ils formèrent un des traits les plus saillants de la physionomie du judaïsme. Voir Scribe.

II. évolution du dogme.

Trinité.

Dans las

plus anciens livres de la Bible, apparaît l’Ange du Seigneur. Cet être mystérieux, distinct de Jéhovah et doué néanmoins d’attributs divins, revêt une personnalité de plus en plus accentuée. Plus tard, il reçoit de préférence le nom de Sagesse, dont l’éloge remplit des chapitres entiers. Prov., viii-ix ; Eccli., xxiv ; Sap., x. Voir Sagesse. Le judaïsme postérieur développa ces doctrines, mais en les dénaturant, dans ses spéculations sur le Verbe de Dieu, Memra, sur la Gloire, Aô5 « , ou Présence sensible de Dieu, Sekînâh, sur le Metatron qui fait fonction de médiateur attitré entre Dieu et les hommes et semble être quelque chose de plus qu’un ange créé. — L’Esprit de Dieu apparaît dès le premier chapitre de la Genèse et sa personnalité devient de plus en plus distincte. Si l’esprit qui remplit les prophètes peut n’être qu’un don créé, l’esprit de Dieu, qualifié de bon, qui instruit les Israélites, Esd., IX, 20, l’esprit de Dieu qui doit habiter au milieu d’eux, Agg., ii, 5, et l’esprit saint que Dieu envoie du plus haut des cieux en même temps qu’il donne la sagesse, Sap., IX, 17, font penser au Saint-Esprit dont ils offrent les caractères. Voir Weber, Jùdische Théologie, 2e édit., Leipzig, 1897, c. xiii, Mittlerische Hypostasen, p. 177-195.

Angélologie et démonologie.

D’un bout à l’autre

de l’Écriture, on constate l’existence et l’action des bons et des mauvais anges. Cependant, avant la captivité, ni anges ni démons ne sont désignés par des noms propres, la hiérarchie des puissances infernales n’apparaît pas encore et celle des esprits bienheureux est plutôt insinuée qu’affirmée par les noms de milice céleste, d’armée du Seigneur, et.par les appellations diverses d’anges, de chérubins, de séraphins. Ces doctrines se précisent et se. complètent à partir de la captivité. Nous apprenons les noms de Gabriel, Dan., viii, 16 ; ix, 21, de Raphaël, ïob., iii, 25, etc., de Michel, Dan., x, 13, 21, xii, 1, du démon Asmodêe. Tob., iii, 8. Satan, qui désignait autrefois un adversaire quelconque, mais que l’auteur de Job emploie déjà par antonomase pour signifier l’ennemi infernal, devient désormais un terme courant. Zach., iii, 1, 2 ; cf. I Par., xxi, 1 ; II Reg. xix, 22 ; III Reg., v, 4. Nous voyons maintenant une hiérarchie dans le ciel, Dan., x, 13, 21 ; xii, 1, et la croyance à l’ange gardien des individus et des peuples que les écrits antérieurs, Gen., xlviii, 16 ; Jud., xiii, 20, avaient déjà indiquée, se révèle avec une clarté toujours croissante. Mais c’est dans les livres apocryphes composés aux approches de notre ère que l’angélologie et la démonologie prennent des proportions démesurées. Les imaginations échauffées se donnent libre carrière. Le Livre d’Hénoch, le Livre des Jubilés, V Apocalypse de Baruch sont remplis des rêveries les plus extravagantes. Nous y trouvons, avec l’ange de la face et l’ange de la sainteté, les anges (ou génies) de la tempête, des ténèbres, du tonnerre, de la

grêle, du froid et du chaud, de l’hiver et de l’été, de la terre et du ciel, du matin et du soir, etc. Livre des Jubilés, ii, 1-2, dans Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des A. T., 1900, t. ii, p. 41. Une section très considérable du Livre d’Hénoch, vi-xxxvi, a pour thème l’histoire des anges et des démons. On y lit par exemple le nom des vingt décurions, placés à la tête des deux cents anges déchus, qui enseignèrent aux hommes l’impiété et les sortilèges, péchèrent avec les femmes dont ils eurent des enfants de trois cents coudées, etc. Kautzsch, t. ii, p. 238-257.

Eschatologie.

La théologie des fins dernières

était peu développée chez les anciens Hébreux. Le schéol n’offrait à leur esprit que des idées vagues : c’est qu’ils le concevaient à la fois comme le lieu des âmes et celui des corps, comme un séjour commun aux bons et aux méchants. Le sche’ôl était en même temps ou tour à tour l’enfer et les limbes. — Les livres prophétiques sont pleins de descriptions terribles du jour du Seigneur, mais il est difficile de dire si ce jour représente un jugement des vivants ou un jugement des morts, une manifestation particulière de la justice de Dieu ou une série graduée de vengeances divines s’étendant à plusieurs siècles. — Enfin, pour des raisons qu’il n’y a pas lieu d’étudier ici, l’immortalité de l’âme que les patriarches ne pouvaient ignorer, vu leurs rapports avec la Chaldée et l’Egypte, n’a pas grand relief dans les écrits antérieurs à la captivité. — Sur tous ces points la lumière augmente graduellement au sein du judaïsme. Voir Ame, t. i, col. 461-464 ; Enfer, t. ii, col. 1792-1795.

III. Origine du judaïsme.

I. sfsteme rationaliste. — Selon la formule de Wellhausen, le judaïsme se distingue de l’ancien Israël par l’intrusion subreptice de la loi dite mosaïque : Lex autem subintravit. Voici les points fondamentaux du système. — 1. Cent ans après la ruine de Samarie, il y eut une tentative de centralisation du culte autour du Temple de Jérusalem, amenée par la découverte c’est-à-dire la composition du Deutéronome ; mais cette tentative ne réussit qu’à moitié, malgré la connivence des prêtres et des prophètes et l’appui du pouvoir civil. — 2. C’est pendant la captivité de Babylone que s’élabora l’unification. Le projet de réforme du prêtre-prophète Ézéchiel ne fut pas adopté ; mais le Code sacerdotal faussement attribué à Moïse et promulgué par le prêtre-scribe Esdras, vers 444, eut plus de succès. — 3. En même temps, l’histoire sainte fut racontée dans les Paralipomènes de manière à faire croire à l’origine mosaïque de la nouvelle législation ; les anciens livres furent remaniés dans le même sens, par suppressions, changements, interpolations. — 4. Le judaïsme ainsi constitué donnait au clergé non seulement la prépondérance, mais une influence à peu près exclusive : — a. Le temple de Jérusalem est reconnu comme centre unique du culte. — b. Le rituel établit d’innombrables sacrifices, dont les prêtres ont la charge et le profit. — c. Des fêtes périodiques rassemblent tout le peuple autour du sanctuaire et le tiennent sous la main du clergé. — d. Les prêtres sont désormais distingués des lévites et forment une aristocratie influente et riche. — e. Les dîmes et autres revenus considérables prévus par la Loi achèvent de faire du clergé une institution puissante. — 5. Le judaïsme ainsi formé alla se développant peu à peu sous l’action des influences étrangères. L’influence persane est sensible dans la démonologie et l’angélologie, dans la morale, dans le dogme de la résurrection. L’influence grecque se manifeste par le scepticisme, par la philosophie et par les spéculations sur la Sagesse. — En un mot, développement naturel activé par de pieuses fraudes, syncrétisme d’éléments divers venus du dehors, " voilà comment s’explique tout le judaïsme. Pour l’appréciation du premier point, voir Pentateuque. Nous n’avons à parler ici que des influences étrangères.

il. influence persane. — « L’influence de la Perse est la plus protonde qu’Israël ait subie. Elle dura même après la fin de l’empire perse. L’influence grecque, pourtant si forte, n’empêcha pas l’influence iranienne de se continuer, au IIIe, au IIe siècle. » Renan, Hist. du peuple d’Israël, 1893, t. iv, p. 156. En principe, on aurait peu de chose à objecter à ces théories ; mais voyons si elles sont confirmées par les faits. Le lexique donne assez exactement la mesure de l’influence morale et religieuse d’un peuple sur un autre. Qu’on examine le vocabulaire hébreu (en y comprenant l’araméen biblique) on sera surpris du peu qu’il doit au persan. Deux noms d’emploi : ’âhas’darpenîm « satrapes » avec son adjectif âhasterdnîm (kSatrapâwan, racine ksatra, « noble » ) et gizbdr ou gidbdr « trésorier » (jienjiver) ; quatre termes d’administration : pifgdm « édit » (ancien persan pratigama, persan moderne paigâm) ; dât « droit, ordre » (data) ; nityevdn « écrit » (nuwistan), sans doute aussi patSégén ou parségén « copie » ; enfin les deux mots’appédén « palais, forteresse » (appadan), et ganzak ou genâzîm « trésor » (ganj, persan moderne ganjah). C’est tout ; car’ëgôz « noix », qu’on fait venir quelquefois du persan, est du sémitique pur ; birdh « forteresse » et’iggéréf « missive », bien que communs au persan et à l’assyrien, dérivent plutôt de cette dernière langue (birtu et egirtu) dont ils sont beaucoup plus rapprochés que du persan (bâru et engdrê). Cette liste est fort instructive et montre dans quel ordre d’idées ont lieu les emprunts. — Quand on compare la Bible et l’Avesta, on remarque, dans la morale comme dans le dogme, dès similitudes frappantes. Mais, pour savoir de quel côté est l’imitation, il faudrait d’abord résoudre la question de priorité ; puis tenir compte des divergences, presque aussi curieuses que les points de contact ; enfin peser les vraisemblances pour ou contre l’originalité. Or ce travail est à peine ébauché. On sait combien la date de l’Avesta est incertaine. Sans vouloir, comme Darmesteter, le faire descendre jusqu’à l’époque d’Alexandre, on doit accorder qu’il se compose de couches successives dont plusieurs ne sont pas anciennes. C’est un fait très remarquable que ni Ctésias, ni Xénophon, ni Hérodote, ne font mention de Zoroastre et que leur description des idées religieuses des Perses ne ressemble guère à l’avestisme. Les Persans atteignirent au dualisme, mais ne surent pas s’élever jusqu’au monothéisme véritable. Leur Ahura-Mazda, accablé de 99 999 maux, ressemble peu au Dieu des prophètes. Le satan biblique, qui ne peut rien sans la permission de Dieu, et l’Ahriman mazdéen, incréé et indépendant, sont aux antipodes. Les « sept anges qui se tiennent en présence de Dieu », Tob., xii, 15, ne sont pas une conception éramenne. Ei effet, les Amschaspands ne sont pas sept, mais six seulement. Pour obtenir le nombre sept, il faut leur adjoindre Ahura-Mazda lui-même. Quant à la résurrection, elle n’est formellement enseignée que dans les parties les plus récentes de l’Avesta. Et si l’on veut à tout prix que les Juifs aient pris au dehors le dogme de l’immortalité et de la résurrection, ils n’avaient pas besoin d’aller jusqu’en Perse : l’Égjpte était à leurs portes. Un emprunt que nous serions disposés à admettre, c’est le nom d’Asmodée. Nous ne connaissons et ne nommons les anges ou les démons que par leur mode d’action et de manifestation extérieures. Or, le nom d’Asmodée, s’il dérive du persan Aêsma-daêva, « le démon de la concupiscence, » convenait parfaitement à l’être que l’auteur de Tobie voulait mettre en scène. Voir Asmodée, t. i, col. 1103-1104. Cf. de Harlez, La Bible et l’Avesta, dans la Revue biblique, 1895, p. 161-172. — M. Nicolas, Des doctrines religieuses des Juifs pendant les deux siècles antérieurs à l’ère chrétienne, Paris, 1867, ne fait commencer l’influence persane qu’au IIe siècle avant J.-C. et la réduit à peu de chose ; Soderblom, La vie future d’après le mazdéisme,

Paris, 1901, s’attache surtout à montrer les différences du judaïsme et du mazdéisme ; il répond à Stave, Ueber den Evnfluss des Parsismus auf dos [Judentum, 1898, lequel défend la thèse opposée. — Dans le sens du rationalisme allemand et hollandais : A. Réville, Le judaïsme depuis la captivité de Babylone, d’après Kuenen, dans la Revue des Deux Mondes, mars 1872.

/II. influence grecque. — De prime abord, on pourrait penser qu’elle fut beaucoup plus profonde. Les Grecs possédaient à un degré prodigieux l’art de fondre et d’assimiler les éléments hétérogènes avec lesquels ite venaient en contact. C’étaient des colonisateurs de premier ordre, et les Romains, pour prendre pied en Orient, durent commencer par se faire Grecs. La Palestine n’échappa point à l’hellénisme. Voir Hellénisme, col. 575-579. Avant l’époque des Machabées on était déjà entiché des coutumes grecques, etsousHérode, l’engouement ne fit qu’augmenter. Mais les Juifs furent toujours extrêmement réfractaires aux idées religieuses importées de l’étranger. Ils se plièrent aux usages des Grecs, adoptèrent souvent leur langue, mais restèrent obstinément Juifs d’esprit, de tendance et de religion. Celui qu’Aristote aurait rencontré en Asie Mineure et dont l’âme était grecque comme la langue (Cléarque dans Josèphe, Cont. Apion., i, 22) doit être regardé comme une exception singulière. Les poètes juifs écrivant en grec (rédacteurs des livres sibyllins, Ézéchiel le tragique, Philon et Théodote, auteurs d’épopée) ont pour but unique d’édifier les païens, d’en faire des prosélytes, de glorifier leur propre nation et de la venger des calomnies auxquelles elle était en butte. Ils prennent leurs sujets dans l’histoire sainte et impriment à leur œuvre un cachet judaïque très marqué. De même les historiens : ils sont tous apologistes. Leur nom est souvent grec, Démétrius, Cléodème, Eupolème, Aristée, Jason de Cyrène, Thallus le chronographe ; leur langue est hellénique : mais leur âme reste juive et l’hellénisme ne l’entame pas. Ils répudient le panthéon païen avec ses mythes puérils et son culte sensuel, ils n’ont aucun penchant pour le tranquille scepticisme de leurs contemporains, ils sont monothéistes résolus et, au delà de l’horizon israélite, ils ne regardent rien. Les philosophes, fait étrange trop peu remarqué, font comme les autres. Parmi eux on cite un adepte d’Aristote, Aristobule, un sectateur du Portique, l’auteur du quatrième livre des Machabées, un platonicien fervent, Philon d’Alexandrie. En réalité, ils ne sont qu’éclectiques, tour à tour pythagoriciens, stoïciens, disciples du Lycée ou de l’Académie, empruntant à tous les systèmes, avec la terminologie, sans laquelle ils ne pourraient écrire en grec, les éléments qui cadrent avec leurs idées juives. Aristobule ne cache pas son dessein : il veut montrer que les philosophes païens ont tiré da la Bible leurs meilleures inspirations, et que la loi de Moïse est conforme à toutes les données acceptables de la sagesse profane. Si l’auteur du quatrième livre des Machabées doit au Portique quelques définitions(raison, intelligence, sagesse, science, etc.) et quelques divisions (vertus cardinales), le Juif perce à tout moment sous cette écorce stoïcienne par les autorités alléguées, les exemples cités. L’apologétique de Philon, plus déguisée, est par là même plus habile et plus efficace. Presque partout, il glisse une idée juive sous un terme hellénique. Son Xo’yoç, par exemple, a beaucoup moins de rapports avec leXôyo ; platonicien qu’avec la Sagesse des livres sapientiaux. — Tout cela explique pourquoi l’hellénisation, partout ailleurs si rapide et si facile, a échoué en Palestine.

IV. véritables origines.

Sans vouloir méconnaître l’action très réelle des influences extérieures, nous croyons être plus près de la vérité en faisant du judaïsme un produit autochtone. Plus on en étudiera les traits les plus saillants, comme l’obsenation scriipu

leuse de la loi et des traditions, le prosélytisme ardent, les espérances messianiques alliées à un patriotisme exalté, plus on se convaincra qu’il a bien ses racines dans le sol même et qu’il n’est pas importé du dehors. Le légalisme farouche des pharisiens est le fruit des lectures et des prédications dont retentissent les synagogues et aussi une réaction contre la mondanité scandaleuse des sadducéens. Les idées messianiques ne sont que la conclusion et le développement naturel des prophéties aatiques, à un moment où les temps marqués par lesvojants d’Israël sont accomplis et où l’heure du relèvement semble avoir sonné. Quant au prosélytisme, ce caractère si particulier du judaïsme contemporain du Christ, il s’explique suffisamment par la profondeur du sentiment religieux des Juifs et par la conviction que leur Dieu est le Dieu unique de tous les hommes, le seul Dieu sauveur, surtout si on ajoute des motifs moins nobles, le désir d’étendre leur influence, le besoin de s’assurer des protecteurs et la vanité de faire école. — On sait quel futtoujours le mépris intense des Juifs pour le culte et les croyances des autres hommes, combien ils se montrèrent constamment réfractaires aux idées religieuses venues du dehors, enfin comment leurs écrivains les plus hellénistes de langue et d’usages, restent, ’invariablement juifs de tendances et ne veulent être qu’apologistes. Tous les traits essentiels du judaïsme existent en germe dans les écrits anciens de la nation et bien souvent il est facile d’en suivre pas à pas le développement progressif. En descendant le cours de cette évolution ininterrompue, on ne peut qu’admirer la conduite de la Providence préparant par degrés insensibles les voies au christianisme.

IV. Bibliographie.

En dehors des Histoires d’Israël, des Théologies bibliques et des Introductions à l’Ancien ou au Nouveau Testament, on peut signaler comme se rapportant directement à l’histoire, aux idées, aux institutions du judaïsme, les ouvrages suivants : E. Schurer, Geschichte des judischen Volkes im Zettalter Jesu Chnsti, 3° et 4e édit., Leipzig, 1901 (très au courant pour la bibliographie) ; Langen, Das Judenthum in Palàstina zur Zeit Christi, Fribourg-en-B., 1866 ; Weber, Jûdiscfie Théologie auf Grund des Talmud, 2e édit., Leipzig, 1897 ; F. de Saulcy, Sept siècles de l’histoire judaïque, Paris, 1874 ; Id., Histoire t£ Rérode, Paris, 1867 ; îd., Histoire des Machabées, Paris, 1880 ; de Champagny, Rome et la Judée, Paris, 1865 ; Stanley, Lectures on the History of the Jewish Church, 3° série, Londres, 1876, Latimer, Judsea frora Cyrus to Titus, Chicago, 1899 ; Cheyne, Jewish réligious Life after the Exile, Londres, 1898 ; Biggs, History of the Jewishpeople during the Maccabean and Roman periods, NewYork, 1900 ; Stapfer, Les idées religieuses en Palest. àl’époque de J.-C., Paris, 2e édit., 1878 ; là., La Palestine au temps de J.-C., Paris, 2 S édit. 1885 ; Edersheim, La Société juive à l’époque de J.-C, Paris, 1896 (traduit de l’anglais The Life and Times of Jésus the Messiah, Londres, 1883 ; édit. abrégée 1890). — Les auteurs suivants sont Israélites : Jost, Geschichte der Isræliten seit der Zeit der Makkabær, 9 in-8°, Berlin, 1820-1829 ; ld., Geschichte des Judenthums und seiner Sékten, 3 in-8°, Leipzig, 1857-1859 ; Herzfeld, Geschichte des Volkes Jisræl (de la captivité aux Machabées, résumé d’un ouvrage plus étendu), in-8°, Leipzig, 1870 ; Ab. Geiger, Das Judenthum und seine Geschichte, Breslau, 18641871, 3 in-8° (t. i, Judaïsme proprement dit ; t. ii, Babbinisme ; t. iii, Judaïsme moderne). F. Prat.

    1. JUDAS##

JUDAS, forme grécisée du nom hébreu de Yehûdâh (voir Juda, col. 1765) qui a passé telle quelle des livres des Machabées et du Nouveau Testament dans le latin de la Vulgate et dans le français. La Vulgate a écrit ordinairement Juda le nom des personnages mentionnés dans les livres écrits en hébreu, et Judas le nom de

ceux qui figurent dans les livres écrits en grec ; il y a néanmoins quelques exceptions. En français, on a coutume d’appeler Jude : 1° l’apôtre Judas qui est l’auteur d’une des Épitres catholiques, et 2° Judas le disciple surnommé Barsabas ou Barsabé.

1. JUDAS (hébreu : Yehûdâh ; Septante : ’Io-jSæ ; Vulgate : Judas), Benjamite, fils de Sénua, « second chef » de la ville de Jérusalem, après le retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 9.

2. JUDAS (hébreu : Yehûdâh ; Septante : ’loiSa), un des chefs du peuple qui assista, du temps d’Esdras, à la dédicace des murs de Jérusalem. II Esd., xii, 33 (hébreu, 34).

3. JUDAS MACHABEE (grec : ’IoûSaç 6 êmxaXo’Juevo ; Maxa6aîo ;  ; Vulgate : Juda qui vocabatur Machabseus), le troisième des cinq fils du prêtre Mathathias, qui donna Je signal de la révolte contre Antiochus IV Epiphane, roi de Syrie, lorsque ce prince voulut obliger les Juifs à pratiquer l’idolâtrie. I Mach., ii, 4 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vi, 1. En mourant, son père le désigna comme chef des troupes juives, parce que, dès sa jeunesse, il s’était montré fort et vaillant. 1 Mach., h, 66 ; Josephe, Ant. jud., XII, vi, 4.

I. Origine du nom de Machable.

Le surnom de Machabée, donné à Judas, a été expliqué de différentes façons. Les uns ont voulu voir dans ce nom un mot formé par le commencement des mots de la phrase : Mi Kdmôkd Bâ’élim Yehôvah, MKBI, « Qui est comme toi parmi les dieux, ô Jéhovah ! » Exod., xv, 11. Cette phrase, disent les partisans de cette interprétation, était inscrite sur les étendards juifs. Cette assertion est une conjecture dont on n’a aucune preuve. Il en est de même de l’opinion qui donne pour origine à ce nom les premières lettres de la phrase Matîtteyâh Kôliên Ben-Yofyândn, « Mathathias, prêtre, fils de Jean. » Le surnom de Machabée était personnel à Judas et c’est de lui qu’il passa à toute sa famille. Cf. Conrad Iken, De Juda Maccabeo Symboles litterarise, X. i, part, i, Brème, in-8°, 1744, p. 170-194. J. Curtiss, The Name Machabée, in-8°, Leipzig, 1876 ; cf. Theologische Lileraturzeitung, 1876, p. 436, croit que ce surnom vient de la racine kâbâh, « éteindre, » et signifie <t exterminateur ». Cf. Is., xlhi, 17. La plupart des modernes le font venir du mot chaldéen maqqâbâ, : < marteau, » de la même façon que Charles Martel, parce que l’un et l’autre écrasèrent les ennemis de leur nation. Le sens, dans ces deux dernières explications, est le même. On ne peut du reste, pour décider de l’étymologie, se fixer sur l’orthographe du mot hébreu qui est perdu, les textes modernes rabbiniques écrivent tantôt avec un 3, k, tantôt avec un p, q. Curtiss fait remarquer que maqqâbâ dans les passages où il se rencontre, Jud., iv, 21 ; I (III) Reg., VI, 7 ; Is., xiiv, 12 ; Jer., x, 4, désigne un marteau ordinaire et non la masse d’armes qui aurait mieux symbolisé la force de Judas, mais cette remarque est loin d’être décisive. Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. ii, p. 221. —Dans le Talmud, dans Josèphe, Ant. jud., XIV, xvi, 4 ;. XX, viii, 11, et dans beaucoup d’historiens modernes, Judas et les autres descendants de Mathathias sont appelés Asmonéens, du nom de leur ancêtre Asamôn. Josèphe, Ant. jud., XV, vi, 1.

H. Judas Machabée affranchit son peuple du joug syrien. —Judas délivra Israël de la tyrannie des Syriens par sa vaillance et sa foi. Le portrait que le I or livre des Machabées, iii, 3-9, nous trace de sa personne est celui d’un héros digne des temps de la chevalerie : « Judas. .. se revêtit de la cuirasse comme un géant, il se ceignit de ses armes guerrières dans les combats et il protégeait le camp avec son épée. Il devint semblable à

un lion dans ses actes, etc. » Sous sa direction, la révolte prit les proportions d’une grande guerre. Il eut d’abord à lutter contre Apollonius, gouverneur de Samarie, au nom d’Antiochus, qui avait rassemblé une armée considérable. Il le défit, le tua, s’empara des dépouilles de l’armée syrienne et en particulier de, l’épée d’Apollonius dont il se servit désormais dans les combats.

I Mach., iii, 10-12 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vii, 1. Voir Apollonius 3, 1. 1, col. 777. Séron, gouverneur de Gœlésyrie, s’apprêta à venger son collègue, escomptant par avance la gloire qu’il aurait à vaincre Judas. Il s’avança avec des troupes nombreuses jusqu’à Béthoron. Voir Béthoron 1, t. i, col. 1699. Judas n’avait qu’un petit nombre d’hommes, découragés et fatigués par le jeûne.

II ranima le moral de ses soldats en leur promettant l’appui de Dieu de qui seul dépend la victoire. Séron fut écrasé, huit cents ennemis périrent et le reste s’enfuit dans le pays des Philistins. I Mach., iii, 13-24 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vii, 1. L’effet produit par cette double victoire fut immense et le roi lui-même commença à redouter Judas. I Mach., iii, 25-27. Dans sa colère, il eût voulu exterminer immédiatement les rebelles, mais l’état de ses finances ne lui permit pas de réaliser ses projets de vengeance. Il envahit la Perse pour rançonner le pays et y trouver l’argent dont il avait besoin. En même temps, il confia à Lysias, gouverneur du pays qui s’étend de l’Euphrate à la frontière d’Egypte, une seconde armée et des éléphants, avec ordre d’écraser les Juifs, de détruire Jérusalem et d’établir des colons étrangers au lieu et place de la nation exterminée. Ce fut en l’an 147 de l’ère des Séleucides, 166-165 avant J.-C, qu’Antiochus prit ces mesures. I Mach., iii, 27-37 ; Tacite, Hist., v, 8. Lysias envoya ses lieutenants Ptolémée, fils de Dorymine, Nicanor et Gorgias en Judée avec 40000 fantassins et 7000 cavaliers. Philippe, gouverneur syrien de Jérusalem, demanda à Ptolémée, gouverneur de Cœlésyrie et de fhénicie, de se hâter. Celui-ci fit partir en avant Nicanor avec 20000 hommes. Nicanor voulait surtout fournir au roi de Syrie, par la vente des captifs juifs, la somme dç, 2000 talents montant du tribut que ce prince devait aux. Romains. Il promit aux marchands d’esclaves de leur en livrer quatre-vingt-dix pour un talent. Les marchands accoururent à Emmaus où campait l’armée syrienne avec une grande quantité d’or et d’argent pour profiter de l’offre. I Mach., iii, 38-41 ; [II Mach., vin, 8-11 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vii, 3. Lorsque Judas apprit les ordres d’extermination donnés par Antiochus, il rassembla le peuple pour se préparer à combattre et pour implorer la miséricorde divine. Jérusalem était alors en la possession des Syriens, c’est pourquoi la réunion du peuple eut lieu à Maspha non loin de la ville sainte. Les Israélites jeûnèrent et supplièrent le Seigneur, puis Judas organisa l’armée en établissant une hiérarchie militaire. Ses trois frères et lui furent placés à la tête de quatre divisions ; au-dessous d’eux furent établis des chefs commandant, selon leur grade, à 1000, 100 et 10 hommes. I Mach., iii, 55 ; II Mach., vm, 22. Voir Armées, t. i, col. 671. Puis il renvoya chez eux tous ceux qui venaient de bâtir des maisons, de planter des vignes ou de se marier, pour ne garder, conformément à la loi, Deut., xx, 5-8, que ceux qui étaient complètement libres. Il partit avec eux pour camper au sud d’Emmaus. I Mach., iii, 42-60 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vii, 3. Tandis que le corps principal des Syriens restait au camp d’Emmaus, Gorgias sortit avec cinq mille fantassins et mille cavaliers d’élite pour surprendre les Israélites. Des habitants d’Emmaus lui servaient de guides. Judas, informé de cette sortie, alla de son côté attaquer le gros de l’armée royale à Emmaus, où elle n’était pas encore organisée dans le camp, mais dispersée aux alentours. Gorgias ne trouvant personne au camp Israélite crut que Judas et les siens avaient

pris la fuite. Le matin, Judas parut dans la plaine avec 3000 hommes en face du camp de Nicanor. L’armée juive n’avait ni boucliers ni épées, les Syriens portaient des cuirasses et étaient protégés par de la cavalerie, mais Judas rappela à ses compatriotes que Dieu avait délivré leurs ancêtres du Pharaon et leur promit qu’il serait encore cette fois le libérateur de son peuple. Ils marchèrent avec courage et furent vainqueurs. Les Juifs poursuivirent les fuyards jusqu’à Gézéron et jusqu’aux campagnes d’Idumée, d’Azot et de Jamnia. Trois mille Syriens périrent. I Mach., iv, 1-16 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 4. Sur l’ordre de Judas, les Juifs, ne s’occupèrent pas du butin pour être prêts à combattre Gorgias avant le sabbat. I Mach., IV, 17-18 ; II Mach., viii, 25-28. En effet Gorgias parut bientôt : il vit la déroute des siens, le camp en flammes et les Juifs prêts à livrer bataille. Il s’enfuit hors de Judée. I Mach., iv, 19-22. Les Juifs pillèrent alors le camp syrien et en retirèrent des richesses considérables en or, en argent, en hyacinthe et en pourpre. Ce fut une grande joie dans toute la Judée. I Mach., tv, 23-25. L’armée juive, continuant ses triomphes, tua dans les combats successifs qu’elle livra aux Syriens plus de 20000 hommes des troupes de Timothée et de Bacchide, s’empara de nombreuses forteresses, partagea un butin considérable entre les malades, les orphelins, les veuves et les vieillards, prit une grande quantité d’armes qu’elle déposa dans les arsenaux et porta le reste des dépouilles à Jérusalem. Philarque, conseiller de Timothée et qui avait fait beaucoup de mal aux Juifs, fut mis à mort ; Callisthènes, qui avait mis le feu aux portes sacrées, fut brûlé en punition de son crime. Nicanor humilié s’enfuit par la Méditerranée, sous un déguisement, et arriva seul à Antioche. II Mach., viii, 30-36. L’année 166-165 avait été une série de victoires pour Judas.

L’année suivante, 148 de l’ère des Séleucides, 165-164, à l’automne de l’an 165, Lysias vintlui-même en Judée, à la tête de 60000 fantassins d’élite et de5O00 cavaliers. Il campa à Béthoron et Judas vint à sa rencontre avec 10 000 hommes seulement. Il pria le Seigneur et n’hésita pas à attaquer Lysias ; 5000 hommes de l’armée syrienne tombèrent sous les coups des Israélites et Lysias s’entuit à Antioche pour y rassembler une armée plus nombreuse et venger sa défaite. I Mach., IV, 28-35 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vii, 5. Après sa victoire sur Lysias, Judas se préoccupa de purifier le Temple. L’armée se transporta à la montagne de Sion et la profanation du sanctuaire lui apparut dans toute son horreur. Le Temple était désert, l’autel souillé, les portes brûlées, les cours envahies par la végétation, les chambres des prêtres détruites. Les Juifs déchirèrent leurs vêtements et se couvrirent la tête de cendres, puis ils sonnèrent les trompettes et poussèrent de grands cris. Après avoir détaché une partie de ses hommes pour se protéger contre les Syriens qui occupaient toujours la citadelle, Judas choisit, parmi les plus vénérables, des prêtres auxquels il confia le soin de purifier les lieux saints. Ceux-ci accomplirent leur mission, emportèrent les pierres profanes, c’est-à-dire celles qui avaient servi à la construction de l’autel païen, et les placèrent dans un , lieu impur. Il y eut un moment d’hésitation sur le parti à prendre à l’égard de l’autel des holocaustes ; on se décida à le détruire, on en mit les pierres sur la montagne du Temple, dans un lieu convenable, en attendant qu’un prophète indiquât ce qu’on devait en faire. Puis, conformément à la loi, ils en bâtirent un nouveau avec des pierres entières. Ils reconstruisirent également le sanctuaire et sanctifièrent les parois. D’après la tradition rabbinique, c’est à l’angle nord-ouest du sanctuaire, dans une chambre appartenant au grand-prêtre, que furent placées les pierres de l’ancien autel. Mischna, Middoth, I, 6. Cf. H. Derenbourg, E’ssai sur ^histoire et la géographie de, 1a Palestine, in-8°, Paris, 1867, 1. 1,

p. 60-61. Puis ils firent de nouveaux vases sacrés et apportèrent dans le Temple le chandelier, l’autel des parfums et la table des pains de proposition. Ils mirent l’encens sur l’autel, allumèrent les lampes et placèrent les voiles. Le matin du vingt-cinquième jour de Gasleu, de l’an 148 des Séleucides, c’est-à-dire en décembre 165 avant J.-C, au jour anniversaire de celui où, trois ans auparavant, l’autel avait été profané, le sacrifice du matin fut offert selon les rites et l’autel dédié de nouveau au son des instruments. La dédicace dura huit jours et fut l’occasion d’une fête qui fut renouvelée chaque année. Il en est fait mention dans Joa., x, 22 ; I Mach., iv, 36-59 ; II Mach., x, 1-8 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vu, 6-7. Voir Dédicace, t. ii, col. 1339. Les Juifs la célèbrent encore aujourd’hui sous le nom de Hannoukah. Judas prit des mesures pour défendre le Temple purifié, il fortifia le mont Sion, en l’entourant de murailles et de tours. Une garnison y fut établie et en même temps il fortifia Bethsur, pour protéger le pays du côté de l’Idumée. La purification du Temple marque la fin de la première période de la vie de Judas et de la révolte des Machabées contre les rois de Syrie. I Mach., iv, 60-61.

III. Victoires de Judas Machabée sur les peuples voisins ennemis des Juifs. — Pendant un an et demi après la purification du Temple, Judas resta maître incontesté de la Judée. Il en profita pour châtier les peuples païens du voisinage qui avaient fait tant de mal à ses compatriotes. —1° Les Iduméens, les Béanites (voir Béan, t. i, col. 1528), les Ammonites furent successivement défaits. Gazer et les villes qui en dépendaient furent prises. I Mach., v, 1-9 ; Josèphe, Ant. jud., XII, vin, l.~La plupart des commentateurs identifient ces campagnes avec celles qui sont décrites par II Mach., x, 15-38. D’après ce dernier passage, le général syrien Gorgias combattait avec les Iduméens, et Timothée avec les Ammonites. Timothée fut tué à la prise de Gazer, ainsi que son frère Chæréas qui commandait la place.

— 2° Les habitants de Joppé, ville qui était demeurée au pouvoir des Syriens, cf. I Mach., x, 75, se livrèrent à un attentat d’une perfidie et d’une cruauté inouïes. Feignant de convier les Juifs à une promenade en mer, ils les firent monter avec leurs femmes et leurs enfants sur des barques, et ils les noyèrent, au nombre de plus de deux cents. Judas, apprenant ce forfait, marcha contre les meurtriers, brûla le port, mit le feu aux embarcations et fit périr par l’épée ceux qui échappèrent aux llammes. Il partit après cet acte de vengeance, résolu à revenir bientôt et à exterminer tous les habitants de Joppé. II Mach., xii, 4-9. — 3° Il apprit alors que les habitants de Jamnia avaient l’intention de massacrer de même les Juifs qui habitaient leur ville, il les surprit pendant la nuit et brûla leur port et leurs vaisseaux. L’incendie fut tel qu’il s’apercevait de Jérusalem, située à 243 stades, environ 45 kilomètres, de Jamnia. II Mach., XII, 8-9. — 4° Les habitants du pays de Galaad opprimèrent à leur tour les Israélites établis sur leur territoire. Ceux-ci s’enfuirent dans la forteresse de Dathéma (t. ii, col. 1309) et implorèrent le secours de Judas, contre une nouvelle attaque dirigée par un autre Timothée. I Mach., v, 9-11. Cette armée s’était emparée delà région de Tubin, y avait massacré les hommes, réduit les femmes et les enfants en esclavage et pillé tout. I Mach., v, 12-13. Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 1-2. Au moment même où arrivaient ces lettres, d’autres messagers accouraient de Galilée, les tuniques déchirées, portant de semblables nouvelles. Les gens de Tyr et de Sidon unis à la population païenne qui habitait le nord de la Galilée avaient envahi toute la région. I Mach., v, 14-15. Judas réunit une assemblée du peuple pour délibérer sur ce qu’il y avait à faire en.faveur de ses compatriotes. Il laissa le gouvernement de la Judée à Joseph, fils de Zacharie, et à Azarias, avec ordre d’admi DICT. DE LA. BIBLE.

nistrer le pays et de commander les troupes laissées à sa garde, mais avec défense formelle de prendre l’offensive contre les païens. Simon, à la tête de 3000 hommes, tut envoyé en Galilée et Judas, accompagné de Jonathas, conduisit une armée de 8 000 hommes dans le pays de Galaad. Voir Galaad 6, t. iii, col. 49 ; I Mach., v, 17-20 ; Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 2. Judas et Jonathas traversèrent le Jourdain. À peine avaient-ils parcouru 9 stades et demi, c’est-à-dire près de 1 700 mètres, qu’ils furent attaqués à l’improviste par une bande d’Arabes, forte de 5000 fantassins et de 500 cavaliers. Après un rude combat, les Arabes furent défaits et implorèrent la paix, promettant au vainqueur de lui donner des pâturages et de lui rendre toutes sortes de services. Judas pensant qu’en effet ils pouvaient lui être utiles conclut alliance avec eux. II Mach., XII, 10-12. Un peu plus loin, à trois journées de marche, ils rencontrèrent une autre tribu arabe celle des Nabuthéens. Ceux-ci, qui ne partageaient évidemment pas l’hostilité des autres peuples païens contre tes Juifs, firent bon accueil à Judas et lui racontèrent tout ce qui était arrivé à ses frères dans le pays de Galaad. Un grand nombre de Juifs avaient été obligés de s’enfermer dans les villes fortes de Barasa, de Bosor, d’Alimes, de Casphor, de Mageth et de Carnaim. Les noms de ces villes sont assez difficiles à établir, Barasa est probablement Bosra, capitale du Hauràn, Alimes ou Alema est inconnue, Bosor est probablement Beser ; cf.Deut., iv, 43 ; Jos., xx, 8, dans le pays de Moab ; Casphor peut être identifiée à Casbon ou Casphonou Casphin, I Mach., v, 36 ; II Mach., xii, 13 ; Mageth est inconnue, Carnaim est la même ville que Camion. II Mach., xii, 21. Voir ces noms. Les ennemis des Juifs avaient décidé pour le lendemain un assaut général contre ces places et le massacre de tous ceux qui y étaient renfermés. Judas se hâta de prendre le chemin de Bosra, s’en empara, massacra tous les non-Juifs et brûla la ville. Le lendemain il se dirigea vers une autre place forte, probablement Dathéman. Il parvint auprès de cette forteresse au moment même où les païens en commençaient l’assaut. Il prit les assiégeants par derrière et l’armée de Timothée, mise en pleine déroute, perdit près de 8000 bonimes. I Mach., v, 2134. Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 2-3. Il prit ensuite Maspha dont il tua tous les habitants mâles et qu’il brûla. I Mach., v, 35. Les d’eux livres des Machabées mentionnent la prise d’un certain nombre d’autres places fortes ; il est difficile de fixer exactement l’ordre dans lequel eurent lieu ces assauts, nous avons adopté celui qui nous a paru le plus vraisemblable, en comparant les récits de ces deux livres. — Après la prise de Dathéman, ce fut probablement vers Casbon ou Casphin que se dirigea Judas. I Mach., v, 36. La ville était entourée de remparts, et défendue par des ponts-levis. Elle était habitée par une population très mélangée. Les habitants, confiants dans leurs remparts, insultaient Judas et blasphémaient. Celui-ci invoqua le Seigneur qui avait fait tomber les murs de Jéricho, prit la ville et fit un tel carnage que l’étang voisin, large de deux stades, soit près de 400 mètres, semblait un lac de sang. II Mach., xii, 14-16. Il prit ensuite Mageth, Bosor et les autres villes du pays de Galaad. I Mach., v, 36 ; Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 3-4.

IV. Victoire de Judas sur Timothée.

Le général syrien Timothée avait rassemblé une autre armée avec laquelle il était campé en face de Raphon, près d’un torrent. I Mach., v, 37. Judas marcha contre lui. Il franchit 750 stades à partir de Casphin, c’est-à-dire 136 kilomètres, environ quatre jours de marche, et arriva à Characa dans le pays de Tubin. Timothée avait abandonné cette région après avoir laissé une garnison dans une ville dont nous ignorons le nom. Dosithée et Sosipater, lieutenants de Judas, tuèrent dix mille homme des troupes syriennes. II Mach., xii, 17-19. Judas envoya une

III. - 57

reconnaissance pour découvrir l’armée de Timothée. Ceux qu’il en avait chargés lui rapportèrent que les troupes du général syrien étaient très nombreuses. Toutes les peuplades environnantes s’étaient jointes à lui et en particulier desvrabes. À la nouvelle de l’approche de Judas, Timothée harangua ses soldats. « Si Judas, leur dit-il, traverse le torrent et passe vers nous le premier, nous ne pourrons lui résister, car il aura l’avantage sur nous. S’il craint, au contraire, de passer le torrent et campe au delà du fleuve, passons et nous aurons l’avantage. » Judas plaça les scribes du peuple près du torrent et leur donna ordre de ne laisser aucun homme en arrière, puis il passa le premier et tout le peuple après lui. L’armée de Judas comptait 6 000 hommes, celle de Timothée 120000 fantassins et 2 500 cavaliers. Cependant dès que Timothée avait appris l’arrivée de Judas, il avait renvoyé les femmes, les enfants et le reste des bagages dans la ville de Carnaïm ou Camion, tant était grande la terreur qu’inspirait le chef juif. Dès que la première colonne des Israélites parut, les ennemis furent frappés de terreur ; ils se renversèrent les uns les autres et périrent sous les coups de leurs propres épées. Judas les poursuivit et en tua 30000. Timothée tomba entre les mains de Dosithée et de Sosipater et les supplia de lui laisser la vie, leur promettant en échange de leur rendre les Juifs qu’il retenait prisonniers. Un accord fut conclu sur ces bases et il fut laissé en liberté. II Mach., xii, 20-25. Judas retourna ensuite à Carnion où s’étaient enfuis les Syriens qui avaient échappé au combat. Il prit la ville, brûla le temple et tousceux qui étaient dedans ; 25 000 hommes périrent dans le massacre. I Mach., v, 43-44 ; II Mach., m, 26. Après cette victoire, il rassembla tous les Israélites qui étaient dans le pays de Galaad, pour les ramener en Judée. La route qu’ils étaient obligés de suivre passait par le milieu d’Éphron, ville habitée par des gens de nationalités diverses, défendue par de nombreux et vaillants guerriers et très approvisionnée d’armes et de machines de guerre. I Mach., v, 46 ; II Mach., xii, 27. Les habitants d’Éphron fermèrent leurs portes et les barricadèrent. Judas leur demanda le libre passage, promettant de les laisser en paix et de passer à pied. Ils refusèrent d’ouvrir leurs portes. Judas ordonna alors l’attaque de la ville. L’assaut dura un jour et une nuit ; les habitants mâles furent passés au fil de l’épée et la ville fut détruite jusqu’aux fondements. Les Juifs la traversèrent au milieu des cadavres. Les morts étaient au nombre de 25000. I Mach., v, 46-51 ; II Mach., xii, 27 ; Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 5. Les Juifs traversèrent le Jourdain en face de Bethsan ou Scythopolis, à 600 stades, environ 1Il kilom., au nord de Jérusalem. Les habitants de cette ville s’étaient toujours montrés sympathiques aux Juifs. Judas les remercia et se dirigea vers Jérusalem, où il arriva avec ses troupes, au temps de la fête de la Pentecôte. I Mach., v, 52-53 ; II Mach., xii, 30-31. Le retour de l’expédition fut célébrée par une grande fête et des sacrifices. I Mach., v, 54.

V. Défaite de Gorgias.

Après la Pentecôte, Judas entreprit une nouvelle expédition contre Gorgias, gouverneur de l’Idumée, Il s’empara de Chébron ou Hébron et des villes qui en dépendaient et les brûla. I Mach., v, 65 ; II Mach., xii, 32. Dans une bataille de cette campagne, les Juifs essuyèrent un léger échec, mais un cavalier de cette nation se saisit de Gorgias dont il voulait s’emparer vivant, un cavalier thrace de l’armée syrienne fendit d’un coup d’épée l’épaule du Juif et Gorgias put s’enfuir à Marésa. I Mach., XII, 34-36. Judas prit cette ville, car c’est le nom de Marésa ou Marissa qu’il faut lire dans I Mach., v, 66, au lieu de Samarie. Cf. Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 6. Dans cette même campagne, se plaça l’épisode si connu du sacrifice offert pour les morts. Le septième jour de l’arrivée de Judas à Odollam, les Juifs se purifièrent et célébrèrent

le sabbat. Le lendemain, Judas vint avec les siens pour emporter les cadavres des morts et les ensevelir dans les tombeaux de leurs pères. Or ils trouvèrent sous les tuniques de ceux qui avaient été tués, des amulettes en l’honneur des divinités de Jamnia ; il parut évident à tous que ces actes d’idolâtrie avaient été la cause de leur mort. Ils se mirent alors en prière, afin que les fautes des victimes fussent oubliées, et Judas exhorta le peuple à se préserver de l’idolâtrie que Dieu avait ainsi punie. Il fit une collecte : elle rapporta 12000 drachmes qui furent envoyées à Jérusalem et un sacrifice expiatoire fut offert à l’aide de cette somme. II Mach., xii, 38-46. — Judas entreprit ensuite une guerre contre les Philistins, il prit Azot, renversa les autels, brûla les statues des dieux, pilla les villes et rentra en Judée.

I Mach., v, 68.

VI. Campagne de Judas contre Lysias.

1° Défaite de Lysias. — En l’an 149 de l’ère des Séleucides, 164163 avant J.-C., Antiochus IVÉpiphane mourut à Tabès, ville de Perse, située entre Ecbatane et Persépolis. La tristesse qu’il éprouva en apprenant que ses généraux avaient été battus par Judas s’ajouta à celle qu’il éprouvait de ses propres échecs en Perse, et une affreuse maladie le conduisit au tombeau. I Mach., vi, 1-16 ;

II Mach., ix, 1-29. Voir Antiochus 3, t. I, col. 693. Son fils Antiochus V Eupator, encore enfant, lui succéda et malgré la volonté de son père qui lui donnait Philippe pour tuteur, Lysias s’empara de la tutelle et de la direction du gouvernement. I Mach., vi, 14-17 ; II Mach., x, 10-11 ; Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 1 ; Polybe, xxxi, 11. Lysias assembla aussitôt une armée de 80000 hommes, toute la cavalerie et 80 éléphants, pour marcher contre les Juifs, s’emparer de Jérusalem et en faire une ville grecque. Il comptait tirer de l’argent du Temple et vendre le sacerdoce juif, comme il faisait des sacerdoces païens. Il commença par mettre le siège devant Bethsur, place forte située à 160 stades, environ 27 kilom. au sud de Jérusalem. II Mach., xi, 5. Le texte dit 5 stades mais c’est évidemment une erreur de copiste. Voir Bethsur, t. i, col. 1746. Judas invoqua le Seigneur et s’avança au-devant des Syriens. L’armée juive avait demandé à Dieu de lui envoyer un ange. La prière de ces hommes vaillants fut exaucée et ils virent marcher devant eux un cavalier habillé de blanc, protégé par des armes d’or et brandissant une lance. Comme des lions ils s’élancèrent sur l’ennemi et lui tuèrent 11000 fantassins et 1600 cavaliers. Lysias s’enfuit honteusement avec le reste de ses soldats. II Mach., xi, 6-12. Hors d’état de continuer la guerre, le général syrien proposa à Judas un traité de paix, se faisant fort de faire accepter par le roi les conditions que demanderaient les Juifs. En effet le roi consentit à tout. Une lettre de Lysias l’apprit bientôt à Judas et l’invita à nommer des plénipotentiaires pour régler les détails de la convention. À la lettre de Lysias étaient jointes deux lettres d’Antiochus V Eupator, l’une adressée à Judas, l’autre au sénat des Juifs, c’est-à-dire au conseil des anciens et à tout le peuple. Dans la première le roi concédait aux Juifs le droit de vivre selon leurs lois et usages et leur garantissait la possession du Temple. Dans la seconde, il annonçait qu’il avait reçu leur ambassadeur Ménélas et qu’il donnerait des saufsconduits à tous les Juifs qui voudraient descendre de Jérusalem dans toutes les autres régions du pays. En même temps les Juifs recevaient des légats romains, Q.Memmius et T. Manlius ou Manilius, qui confirmaient les promesses de Lysias et demandaient aux Juifs d’envoyer quelqu’un auprès du roi afin que les envoyés de Rome pussent appuyer leurs demandes. Toutes ces lettres étaient datées du 15 xanthique de l’an 148 (163 avant J.-C), suivant la manière de compter du second livre des Machabées, II Mach., xi, 13-38 ; de l’an 149 suivant la manière de compter del’auteur du premier livre. E. Frohlich,

Annales compendiarii regum et rerum Syrise numis veteribus illustrati, Vienne, 1744, p. 24. Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., in-12, Paris, 1902, t. iv, p. 661-666. Après la conclusion de ce traité les Juifs vécurent tranquilles et se livrèrent à l’agriculture, non sans être inquiétés cependant quelquefois par les chefs syriens laissés à la tête des garnisons du pays, après le retour deLysias auprès du roi. Ces chefs, c’est-à-dire Timothée, Apollonius, fils de Gennæus, Jérôme, Démophon et Nicanor le Cypriarque, continuèrent à tracasser le peuple d’Israël. II Mach., xii, 1-2.

2o Reprise des hostilités entre les Juifs et les Syriens, — En 163-162, c’est-à-dire l’année qui suivit la mort du roi, Judas tenta de s’emparer de la citadelle de Jérusalem, toujours occupée par une garnison syrienne. Il construisit, pour l’assaut, des balistes et d’autres machines de guerre. Cependant quelques-uns des assiégés auxquels se joignirent des impies d’Israël, c’est-à-dire des Juifs gagnés à l’idolâtrie hellénique, parvinrent à sortir et allèrent demander secours au roi de Syrie. Ils firent valoir au prince qu’ils s’étaient engagés à servir son père et à obéir à ses édits et qu’à cause de cela plusieurs des leurs avaient été mis à mort et leurs héritages confisqués. Ils annonçaient en même temps l’attaque de la citadelle et la mise en état de défense par Judas de la ville de Belhsur. Bientôt, ajoutaient les renégats, ils feront pire encore et il sera impossible de les assujettir. I Mach., vi, 17-27 ; Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 3. Profondément irrité, Antiochus convoqua ses amis et les chefs de son armée, il prit à sa solde des mercenaires des royaumes voisins et des îles. Son armée comptait plus de 10000 fantassins, plus d’une vingtaine d’éléphants, une nombreuse cavalerie et des chars armés defaux.I Mach., vi, 28-30 ; II Mach., xiii, 2. Les chiffres varient dans les deux passages, les différences sont évidemment dues à la négligence des copistes. Dans l’armée syrienne se trouvait Ménélas, l’ancien grand pontife, célèbre par tant de crimes et de sacrilèges. Cf. II Mach., iv, 17-50. Il avait excité Antiochus à entreprendre cette expédition dans l’espoir de reprendre le pouvoir en Judée. Ménélas, sans qu’on sache comment, avait gravement mécontenté Ljsias qui insinua au roi que le renégat était la cause de tout le mal. Antiochus le fit arrêter et précipiter dans un amas de cendres suivant la coutume de Bérée, ville où se trouvait alors le roi. II Mach., xiii, 3-8. Judas et ses compatriotes invoquèrent le Seigneur et jeûnèrent pendant trois jours, puis ils s’avancèrent au-devant des Syriens, dans la pensée de les arrêter avant leur entrée en Judée. Ceux-ci marchèrent vers l’Idumée en partant du littoral de la Méditerranée. Une première bataille fut livrée près de Modin, à mi-chemin entre Joppé et Jérusalem. Pendant la nuit les Juifs surprirent le camp syrien et tuèrent 4000 hommes et un grand nombre d’éléphants. II Mach., xiii, 14-17. Un second combat eut lieu à Bethzachara, entre Jérusalem et Bethsur, à environ 70 stades, 12 kilomètres au nord de Bethsur, près de Bethléhem. I Mach., vi, 32 ; Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 4. Antiochus comptait beaucoup sur ses éléphants, il avait groupé autour de chaque bête 1 000 fantassins, munis de cottes de mailles et de casques d’airain et 500 cavaliers d’élite. Un Indien conduisait l’éléphant qui portait sur son dos une tour où étaient placés 2 ou 3 hommes. Le reste de la cavalerie avait été placé en deux divisions sur les ailes, l’infanterie était formée en phalanges. I Mach., vi, 34-38. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. iv, p. 629-637. Voir Éléphant, t. ii, col. 1658. L’éclat des boucliers d’or et d’airain frappés par le soleil levant, le bruit produit par la marche de cette armée qui s’avançait en ordre, partie sur les collines et partie dans la plaine, frappa de terreur la population du pays. Cepen dant Judas marcha à la rencontre des Syriens et mit 600 hommes hors de combat. C’est alors qu’Éléazar, frère de Judas, se sacrifia pour son peuple. Il courut au-devant d’un éléphant, se plaça sous lui, le tua et mourut écrasé par le poids de la bête. Ce dévouement n’empêcha pas les Juifs d’être obligés de se retirer devant les Syriens. I Mach., vi, 43-48 ; Josèphe, Ant. jud., XII, 3-5 ; Bell, jud., i, i, 5. Voir Éléazar 8, t. ii, col. 1651. Antiochus détacha une partie de son armée contre Jérusalem et avec le reste alla mettre le siège devant Bethsur. La ville résista vaillamment et Judas envoya des vivres aux assiégés. Un traître nommé Bhodocus livra aux Syriens le s secrets de la défense. Judas le fit mettre en prison. Cependant les habitants de Bethsur manquèrent bientôt de vivres, car on était dans l’année sabbatique pendant laquelle les champs restaient sans culture et les provisions étaient rares ; ils furent donc obligés de se rendre. I Mach., VI, 49-50 ; II Mach., xiii, 19-22 ; Josèphe, Ant. jud., XII, IX, 5 ; Bell, jud., i, I, 5. Antiochus rejoignit alors le corps qui campait devant Jérusalem. Il entreprit un siège en règle, à l’aide de machines de tous genres, lançant des pierres, des dards et du feu. Les Juifs avaient des machines semblables et firent une résistance énergique, mais comme les habitants de Bethsur, ils manquèrent de vivres à cause de l’année sabbatique et dd surcroît de population amenée par Judas et par Simon de diverses parties de la Palestine. La famine [ obligea un grand nombre d’entre eux à quitter la ville.

3o Traité de paix d’Antiochus V avec les Juifs.


Cependant la Providence vint au secours des Juifs. Philippe, revenu de Perse et de Médie, à la tête d’une armée, voulait prendre possession de la tutelle d’Antiochus V pour laquelle l’avait désigné le père du roi, et par le fait même, la direction des affaires du royaume. Lysias, à cette nouvelle, rassembla les chefs de l’armée, leur montra la difficulté de s’emparer de la cité sainte et l’utilité de faire la paix avec les Juifs pour combattre le nouvel ennemi. La paix fut en effet conclue à la condition qu’Antiochus laisserait au peuple d’Israël toute liberté de suivre ses lois. Le roi partit alors pour Antioche, après avoir offert un sacrifice et des dons au Temple et donné à Judas le titre de gouverneur de tout le pays qui s’étend de Ptolémaide jusqu’à Gérar. Avant de partir, il viola cependant une des clauses du traité et détruisit une partie des fortifications qui entouraient la colline du Temple. I Mach., 56-62 ; II Mach., xiii, 23-24. Sur la route, Lysias rassura les habitants de Ptolémaide, émus de la convention. Philippe qui s’était emparé d’Antioche fut battu et Antiochus reprit sa capitale. I Mach., vi, 63 ; II Mach., xiii, 26 ; Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 6-7. Le traité conclu entre Lysias, Antiochus V et les Juifs, fut respecté en tout ce qui touchait la loi religieuse. Aucun roi syrien ne renouvela la folle tentative d’Antiochus Épiphane et ne tenta d’imposer le culte païen aux Israélites. L’année 162 est donc la fin de la guerre religieuse, les conflits qui suivent sont surtout des luttes entre les deux partis juifs, le parti des amis des Grecs et le parti national. On en revient à la situation antérieure à la révolte des Machabées. Sans doute les premiers sont plus enclins à favoriser les institutions helléniques, les seconds plus attachés aux coutumes et à la foi nationale, mais les points essentiels demeurent hors de conteste ; les premiers sont les Sadducéens, les seconds, les Pharisiens. J. vVellhausen.XKe Phartsâer und die Sadducâerfin-S", Greifswald, 1874, p. 84.

VIL Guerre de Judas contre les généraux de Démétrius Ier Soter. — Peu après leurs succès contre Philippe, Lysias et Antiochus Eupator eurent à combattre un autre adversaire plus redoutahle que le premier, c’était Démétrius Ier Soter, fils de Séleucus IV Philopator, neveu d’Antiochus Éphiphane et cousin "

d’Antiochus Eupator. Ce dernier fut vaincu et Démétrius le remplaça sur le trône de Syrie. Voir Démétrius 1, t. n col. 1358.

Intrigues et échec d’Alcime.

Dès les débuts du

nouveau règne, le parti hellénique, qui avait à sa tête un ancien grand-prêtre du nom d’Alcime (t. i, col. 338), s’efforça de gagner le prince. Alcime qui avait pactisé avec l’idolâtrie au temps d’Épiphane et qui voulait recouvrer son titre accusa Judas auprès de Démétrius de persécuter ses amis. Démétrius chargea Bacchide, gouverneur des provinces situées au delà de l’Euphrate, de voir l’état des choses et réserva à Alcime le grand pontificat. Tous deux marchèrent vers la Judée avec une armée et essayèrent d’abord d’entrer en pourparlers avec Judas. Celui-ci ne se laissa pas prendre à cette ruse, mais quelques scribes du parti des Assidéens se rendirent auprès d’Alcime et de Bacchide. Ils ne pouvaient croire qu’un prêtre de la race d’Aaron put les tromper. Ils furent égorgés au nombre de soixante. Bacchide, qui était venu camper en face de Jérusalem, ne tarda pas à lever le camp pour se rendre près de Bethzécha où il massacra un grand nombre de ceux qui avaient quitté son parti et jeta leurs cadavres dans un puits. Il confia ensuite le pays à Alcime et retourna auprès de Démétrius. Alcime se démena pour s’assurer le souverain sacerdoce et groupa autour de lui tous les fauteurs de troubles qui se rendirent maîtres de la Judée et y causèrent de grands maux. Judas se remit en campagne, fit périr un grand nombre de ces misérables et força les autres à demeurer en paix. I Mach., vil, 1-25 ; II Mach., 1-2 ; Josèphe, Ant. jud., XII, IX, 7-x, 3. Voir Alcime, t. i, col. 338 ; Assidéens, t. i, col. 1131 ; Bacchide, t. i, col. 1374. Alcime, voyant que Judas et son parti l’emportaient, retourna auprès du roi et renouvela ses accusations contre le Machabée. Pour se taire bien venir de Démétrius, il lui offrit une couronne, une palme et des rameaux d’or dérobés au Temple. Appelé au conseil du roi, il profita de l’occasion pour lui représenter que Judas et les Assidéens excitaient des séditions et troublaient la paix du royaume. Tant que vivrait Judas, la tranquillité ne serait pas assurée. Les membres du conseil, ennemis de Judas, abondèrent dans le même sens et décidèrent Démétrius à envoyer une nouvelle armée.

Nicanor en Judée.

Nicanor, commandant des

éléphants, fut mis à la tête des troupes envoyées contre Judas. Le roi lui donna ordre de s’emparer de Judas, de disperser ses partisans et d’établir Alcime dans le souverain sacerdoce. Tous les païens qui avaient fui la Judée se joignirent à Nicanor, regardant la défaite des Juifs comme le rétablissement de leur propre prospérité. Les Juifs, en apprenant l’arrivée de Nicanor et la coalition de leurs ennemis, se couvrirent de poussière en signe de deuil et prièrent le Seigneur de les sauver. Puis, sur l’ordre de Judas, ils se réunirent près de la place forte de Dessau (t. ii, col. 1393). Simon, frère de Judas, avait engagé le combat avec Nicanor, mais il avait été effrayé par l’arrivée soudaine des ennemis. Cependant Nica, nor, quand il connut la valeur des compagnons de Judas, craignit une lutte sanglante ; il préféra un traité. Il envoya donc Posidonius, Théodotius et Matthias pour conclure la paix avec Judas. Celui-ci soumit les propositions à son armée et, après une longue délibération, celle-ci fut d’avis d’accepter. Le jour où eut lieu la conférence qui devait décider des conditions, Judas prit ses précautions pour éviter une surprise. Il plaça des hommes armés dans les environs, avec ordre d’intervenir si les Syriens tentaient quoi que ce soit contre lui. L’accord conclu, Nicanor demeura à Jérusalem *t y eut l’attitude la plus pacifique. Il renvoya les foules hostiles aux Juifs et se montra très sympathique à Judas. La paix semblait si bien établie que Nicanor engagea Judas à se marier.

Celui-ci célébra, ’en effet, ses noces et vécut en paix et en amitié avec Nicanor. Cette affection réciproque ne faisait pas les affaires d’Alcime. Il revint auprès de Démétrius et accusa Nicanor de favoriser les intérêts des-Juifs et de travailler à se donner comme successeur dans le gouvernement de la Judée, l’adversaire des Syriens. Exaspéré par les calomnies d’Alcime, le roi écrivit à Nicanor pour blâmer le traité et lui ordonna d’envoyer au plus tôt à Antioche Judas Machabée enchaîné. Nicanor lut consterné à la réception de cet ordre. Son honnêteté se révolta d’abord à la pensée de violer sa parole et de traiter en ennemi Judas qui ne l’avait offensé en rien. Mais il lui parut impossible de résister au roi et il chercha une occasion favorable. II Mach., xiv, 3-29. Il essaya de surprendre Judas dans une entrevue, mais celui-ci avait remarqué le changement d’attitude de Nicanor’; il avait du reste reçu avis du dessein secret du général syrien, il se déroba à l’embûche. I Mach., vii, 28-30 ; II Mach., xiv, 30-31. La ruse ayant échoué, Nicanor recourut à la force, il attaqua Judas près de Capharsaloma. Les Syriens perdirent 5 000 hommes et le reste de l’armée se réfugia dans la citadelle du mont Sion. I Mach., vii, 31-32. Nicanor rentra furieux à Jérusalem. À son arrivée, des prêtres et des anciens du peuple sortirent du Temple pour le saluer dans un esprit pacifique et’pour lui montrer les holocaustes qui étaient offerts pour le roi. Il les reçut avec mépris et insulta le Temple. Il jura avec colèreque si Judas n’était pas livré entre ses mains avec toute son armée, il incendierait le Temple lorqu’il reviendrait victorieux, le raserait et élèverait un sanctuaire à Bacchus. Les prêtres rentrèrent et, devant le Temple et l’autel, ils supplièrent le Seigneur de défendre la demeure qu’il s’était choisie et de tirer vengeance de l’insulteur. I Mach., vii, 33-38 ; II Mach., xiv, 31-36. Nicanor voulut alors s’emparer de Razias, un des anciens de Jérusalem, homme de grande réputation. Razias lui échappa en se tuant lui-même. II Mach., xiv, 37-46. Voir Razias. Nicanor apprit que Judas et son armée se trouvaient en Samarie ou plus exactement sur la frontière méridionale de ce pays. Il résolut, pour triompher plus facilement, d’attaquer les Juifs les jours de sabbat. II Mach., xv, 1. Il ignorait que ceux-ci avaient résolu de livrer bataille même en ce jour. I Mach., ii, 41. Les Juifs qui avaient été incorporés de force dans son armée le supplièrent de respecter le jour du Seigneur. Il leur répondit en leur demandant avec ironie s’il y avait au ciel un maître qui eût commandé de célébrer le jour du sabbat. « Je suis moi-même maître sur la terre, ajouta-t-il, et j’ordonne de prendre les armes pour détendre les intérêts du roi. » Il pensait pouvoir élever bientôt un trophée de ses victoires sur Judas. Celui-ci, de son côté, avait une entière confiance dans le Très-Haut ; il exhortait avec éloquence ses compatriotes à avoir courage et leur raconta un songe qu’il avait eu. Le grand-prêtre Onias III lui était apparu en compagnie du prophète Jérémie. Ce dernier lui avait remis, au nom de Dieu, un glaive d’or avec lequel il devait’terrasser les ennemis du peuple d’Israël. Ces paroles, relevèrent l’enthousiasme des jeunes gens et tous résolurent de combattre avec ardeur pour la défense dir Temple et de la ville sainte. Dans la ville on attendait avec non moins d’anxiété l’issue de la lutte. II Mach., xv, 7-19. Nicanor vint camper près de Béthoron et fut rejoint en cet endroit par un autre corps venant de Syrie. Judas campa à Adarsa ou Adasa (t. i, col. 213) avec 3 000 hommes. Il pria Dieu de lui donner la victoire, comme il l’avait donnée autrefois à ceux qui avaient combattu Sennachérib. Les deux armées en vinrent aux mains le 13 du mois d’Adar, c’est-à-dire à la fin de février ou au commencement de mars de l’an 161 avant J.-C. Les Syriens perdirent plus de 35 000 hommes et Nicanor tomba frappé mortellement. Sa mort

détermina la déroute complète de son armée. Les Juifs .poursuivirent les fuyards jusqu’à l’entrée de Gazara. Au son des trompettes, tous les hommes des villages environnants sortirent en armes et le massacre fut général. Judas ordonna de couper la tête de Nicanor et son bras avec l’épaule et de les porter à Jérusalem. Il fit couper la langue de l’impie en petits morceaux et ordonna de la jeter en pâture aux oiseaux. La main fut suspendue devant le Temple, et la tête au sommet de la .citadelle. Une fête solennelle tut instituée en souvenir de cet événement, au jour anniversaire de la victoire, ’la veille du jour de Mardochée. I Mach., vii, 39-50 ; II Mach., xv, 20-40 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 5 ; H. Derenbourg, Essai sur l’histoire et la géographie de la Palestine, Impartie, p. 63. Judas était désormais maître de la Judée. Josèphe, Ant. jud., XII, x, 6 ; xi, 2, place à cette époque la mort d’Alcime et reconnaît dès lors Judas comme grand-prêtre, mais d*après I Mach., lx, 54-56, Alcime mourut plus tard, sous Jonathas, en Tan 159. De plus il est inadmissible qu’un homme aussi pieux que Judas ait usurpé une dignité à laquelle il n’avait aucun droit. Josèphe se contredit du reste lui-même, car il affirme qu’après la mort d’Alcime la dignité de grand-prêtre demeura vacante pendant sept ans. Ant. jud., XX, x. Cf. Wieseler, dans les Studien und Kritiken, 1877, p. 293-298 ; Grætz, dans le Monatsschrift fur Geschichie und Wissenschaft des Jùdenthums, 1883, p. 1-6.

VIII. Traité avec les Romains.

Pour l’indépendance de son pays, Judas pensa qu’il n’y avait rien de mieux à faire que de lui assurer l’amitié et l’alliance des Romains. Ceux-ci étaient intervenus à plusieurs reprises dans les affaires des rois de Syrie et il était évident que Démétrius n’oserait pas aller contre leur volonté*. La renommée de la grandeur romaine était parvenue en Judée, grossie, comme il arrive toujours, par l’imagination populaire. Aux exploits réels des Romains la rumeur publique en ajoutait d’autres ; on leur prêtait toutes les vertus et on les croyait maîtres du monde. Deux faits surtout avaient frappé Judas : leur force et la bienveillance qu’ils témoignaient à ceux qui se joignaient à eux. La description de la puissance et l’esquisse des institutions de Rome qui se trouve dans I Mach., viii, 1-16, est très curieuse surtout en ce qu’elle montre quelle était sur ce point l’idée que les Juifs avaient de la grande république. Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. iv, p. 621-625. Judas envoya à Rome deux ambassadeurs, Eupolème et Jason. Ils devaient solliciter du Sénat une alliance offensive et défensive et sa protection contre les rois de Syrie. En d’autres termes, ils demandaient à être admis au nombre de ceux que le peuple romain appelait ses alliés, socii. La proposition plut au Sénat, le traité fut .conclu et gravé sur des tables d’airain, suivant l’usage de Rome. Il était rédigé dans les termes ordinaires. Chacun des deux peuples s’engageait à venir en aide à l’autre et à ne fournir à ses ennemis ni blé, ni armes, ni argent, ni vaisseaux ; les Juils s’engagaient en plus à ne pas fournir des troupes auxiliaires. Toute addition au traité devait être faite d’un commun accord. I Mach., VIII, 17-29 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 6. Les termes dans lesquels est rapportée la convention sont exactement les mêmes que ceux dans lesquels est conçu un traité avec Astypalace et daté de l’an 105 avant J.-C. Co/pus Ànscript. græcarum, n° 2485. Cf. E. L. Hicks, Af Manual ofgreek hxstorical Inscriptions, in-8°, Oxford, 1882, p. 347-349 ; Mommsen et Mendelssohn, dans les Acta Societatis philolog. Lipsiensis, t. v, 1875, p. 91-100. IX. Mort de Judas Machabée.

L’intervention des Romains vint trop tard. Démétrius, dés qu’il avait appris la mort de Nicanor et la défaite de son armée, avait -chargé Bacchide et Alcime de les venger. Ils suivirent la route qui conduit à Galgala, campèrent à Masaloth

qui est en Arbelles et prirent cette ville, après avoir tué un grand nombre d’hommes. On n’est pas parvenu à identifier ces localités. Toujours est-il qu’au mois dû Nisan de l’an 152 des Séleucides, c’est-à-dire en marsavril 160 avant J.-C, ils approchèrent de Jérusalem. L’armée syrienne comprenait 22 000 fantassins et 2000 cavaliers. Quand elle parvint à Bérée, près de Jérusalem, Judas avait établi son camp à Laïsa avec 3000 hommes. Le nombre desennemis effraya les Juifs, la plupart s’enfuirent et il ne resta à Judas que 800 hommes. Il ne perdit pas courage, malgré les instances de ceux qui étaient restés avec lui et qui le suppliaient d’éviter le combat. L’armée syrienne sortit de son camp ; les cavaliers étaient divisés en deux corps, les frondeurs et les archers marchaient en tête ; Bacchide commandait l’aile droite. Le combat fut acharné. Judas attaqua le corps à la tête duquel était Bacchide, il l’écrasa et le poursuivit jusqu’à Azot. L’aile gauche syrienne fit alors un mouvement tournant et Judas fut pris entre les deux corps. Le combat fut très vif, un grand nombre de Juifs succombèrent et parmi eux Judas. Le reste s’enfuit. Jonathas et Simon emportèrent le cadavre de leur frère et l’ensevelirent dans le tombeau de leurs pères à Modin. Tout le peuple porta le deuil du grand homme et de toutes parts on entendait cette exclamation douloureuse : « Comment est-il tombé, le héros qui sauvait le peuple d’Israël ? » « Un grand nombre des actions d’éclat du glorieux Machabée n’ont pas été conservées ; elles étaient trop nombreuses pour qu’on pût garder mémoire de toutes. » Ces paroles qui terminent son histoire sont le plus bel éloge que l’écrivain sacré puisse faire de ce grand homme. I Mach., ix, 1-22 ; Josèphe, Ant. jud., XII, xi, 1-2. Sa vaillance et son génie apparaissent encore mieux quand on voit comment, après sa mort, le parti des renégats releva la tête. Les Juifs fidèles étaient sans chels ; les amis de Judas furent livrés à Bacchide qui fut maître absolu du pays. Il y eut dans Israël une tribulation telle qu’on n’en avait pas vu depuis le jour où il n’avait plus paru de prophète dans Israël. I Mach., IX, 23-27.

Bibliographie. — E. Schùrer, Geschiclite des Judischen Volkes ifa Zeitalter Jesu-Crisli, 2 S édit., t. i, in-8°, Leipzig, 1890, p. 157-173 ; Cl. Régnier Conder, Judas Maccabœus and the Jewish war of indépendance, in-16. Londres, 1894 ; H. Weiss, Judas Makkabaus, Ein Lebenbild aus den lelzten grossen Tagen des Isrælitischen Volkes, in-8°, Fnbourg-en-Brisgau, 1897 ; B. Niese, Krilik der beiden Makkabâerbùcher, in-8°, Berlin, 1900.

E. Beurlier.

4. JUDAS (grec : ’IouSaç), fils de Calphi, général juif qui tut un des chefs de l’armée de Jonathas Machabée. I Mach., xi, 70. Il échappa avec Mathathias, fils d’Absalom, à une embuscade qui avait été tendue aux troupes juives dans les environs du lac de Génésareth. Voir Génésar 1, col. 173.

5. JUDAS (grec : ’Io’jSa ;), fils de Simon Machabée, frère de Jean Hyrcan et de Mathathias, et neveu de Judas Machabée. I Mach., xvi 2, 14. Simon, devenu vieux, le chargea, avec Jean, de combattre contre Cendébée, qui commandait l’armée syrienne du littoral. Il confia aux deux frères une armée de 20 000 fantassins et un corps de cavalerie. Les deux jeunes gens passèrent la nuit à Modin près de Gédor ou Cédron. Cendébée tut mis en déroute, mais Judas fut blessé dans le combat. I Mach., xvi, 3-9 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 3. L’an 167 de l’ère des Séleucides, au mois de Sabalh, c’est-à-dire en janvier ou février 135 avant J.-C, Judas se rendit à Jéricho avec son père et Mathathias. Ptolémée, fils d’Abobus, gouverneur de la plaine de Jéricho, les reçut perfidement dans une petite forteresse appelée ûoch, où il avait caché des soldats. Il leur donna un grand festin et lorsque Simon et ses fils furent enivrés, il se leva, s’em-.

para de leurs armes et les fit égorger. I Mach., xvi, 11-17 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 4. Voir Jean Hyrcan, t. ii, col. 1154 ; Cemdébée, t. ii col. 406 ; Doch, t. n.col. 1454.

E. Beurlier.

6. JUDAS (grec : ’louStiç), personnage dont le nom figure en tête de la lettre adressée par les Juifs de Jérusalem à Aristobule (voir 1. 1, col. 964) et aux Juifs d’Egypte. II Mach, , i, 10. D’après les uns, ce Judas était un Essénien dont parle Josèphe, Ant. jud., XIII, xi, 2 ; Bell, jud., i, m, 5, et qui fut célèbre par le don de prophétie. D’après d’autres, c’est un Judas inconnu qui n’est mentionné que dans ce passage. D’après d’autres, enfin, c’est le même que Judas Machabée, mais cette dernière identification n’est pas sans grandes difficultés. Voir Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5 S édit., t. v, p. 657-659. La première opinion est la plus probable.

7. JUDAS ISCARIOTE (grec : ’Io-58ac ô’IoxaptiitY) :  ;, ou simplement sans article, ’Io-iSaç’Isxapitixf, ? ; Vulgate : Judas Iscariotes, Matth., x, 4 ; Marc, iii, 19 ; Luc, vi, 16 ; Joa., vi, 72 ; xiii, 2, 26, etc.), un des douze Apôtres qui trahit son Maître. Sur son surnom d’Iscariote, voir Iscariote, col. 987, et Carioth 1, t. ii, col. 282.

Judas dans le collège apostolique.

Nous ne

savons de la vie de Judas que ce que nous en apprennent les Évangiles. Saint Jean nous apprend, vi, 72 ;

311. — Le baiser de Judas. Sarcophage chrétien de la crypte de Saint-Maximin (Var). D’après une photographie. Voir Faillon, Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie Madeleine en Provence, 2 in-4°, Paris, 1848, t. i, p. 463.

xiii, 2, 26, qu’il était fils de Simon, également de Carioth (’Ioxapioii’cov). Il fut choisi par Notre-Seigneur pour être du nombre de ses Apôtres. Dans les trois listes des Douze, Matlh., x, 2-4 ; Marc, iii, 16-19 ; Luc, vi, 1416, il est toujours nor~.mé le dernier, et les évangélistes n’oublient jamais d’ajouter à son nom la note infamante de son crime : « celui qui le (Jésus) trahit. » La clémence de Jésus à son égard ne connut pas de bornes ; il en fit non seulement un disciple, mais aussi son économe, bien qu’il connût dès le commencement, Joa., vu, 65, qu’il devait le trahir. Jésus avait recommandé auxDouze de ne posséder ni or, ni argent, Matth., x, 9, 10 ; Marc, vi, 8 ; Luc, x, 4 ; il vivait des offrandes que lui faisaient les saintes femmes. Luc, x, 3. Les Apôtres durent mener pendant quelque temps ce genre de vie ; dans leurs courses apostoliques, ils recevaient des dons et des offrandes pour les distribuer aux pauvres. Le moment arriva où il devint nécessaire de charger un membre du collège apostolique d’être l’économe de la petite communauté : cet office fut confié à Judas,

Joa., xii, 6 b ; xiii, 29°, et en l’exerçant, son cœur commença à se détacher de l’affection de son Maître pour s’attacher à l’argent dont il avait la garde. Jésus avait déjà dévoilé sa perversion en le comparant au diable. Joa., VI, 71. Son avarice se manifesta à Béthanie, Matth., xxvi, 6-13 ; Marc, xiv, 3-9 ; Luc, vii, 37-38 ; Joa., xi, 2j xii, 3-6, lorsque, dans la maison de Simon le lépreux, une femme, Marie, sœur de Marthe et de Lazare, Luc, x, 39, ayant un vase d’albâtre plein d’un parfum précieux, le versa sur la tête du Sauveur pendant qu’il était à table. Saint Matthieu, xxvii, 8-9, et saint Marc, xiv, 4-5, qui, selon leur habitude, résument et abrègent, rapportent que certains d’entre les disciples dirent qu’il eût mieux valu vendre ce parfum et en distribuer le prix aux pauvres ; mais saint Jean, xii, 4-6, spécifie et met cette réflexion dans la bouche de Judas et ajoute que le motif qui le porta à parler ainsi, ce n’était pas l’amour des pauvres, mais la cupidité, parce qu’il était voleur, avait la bourse et portait l’argent.

Trahison de Judas.

Jésus, étant encore dans la

maison de Simon le lépreux, avait manifesté l’intention de célébrer la Pâque. Dâjà les sanhédrites etles prêtres conspiraient contre lui et cherchaient à le perdre. Judas se rendit chez les princes des prêtres et leur demanda ce qu’ils lui donneraient s’il leur livrait Jésus. Les princes des prêtres lui assurèrent trente pièces ou sicles d’argent (environ 85 francs). Matth., xxvi, 14-15 ; Marc, xiv, 10-11° ; Luc, xxii, 3-5. C’était le prix d’un esclave. Exod., xxi, 32. Le honteux marché fut conclu ; à partir de ce moment Judas ne cherchait que l’occasion opportune d’accomplir son forfait. Matth., xxvi, 16 ; Marc, xiv, Il b ; Luc, xxii, 6. — L’occasion ne tarda pas à se présenter. Le premier jour des Azymes, Matth., xxvi, 17-19 ; Marc, xiv, 12-16 ; Luc, xxii, 7-13, Jésus célébra le soir la dernière cène avec ses Apôtres, et, pendant qu’ils mangeaient, leur annonça qu’un d’entre eux le trahirait. Les disciples attristés demandèrent : « Est-ce moi, Seigneur ? » Jésus répondit que celui qui mettrait la main avec lui dans le plat le trahirait ; Matth., xxvi, 20-23 ; Marc, xiv, 17-20 ; Luc, xxii, 21-23, et il ajouta : « Malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme sera livré ! il eût mieux valu pour lui qu’il ne fût jamais né. » Matth., xxvi, 24 ; Marc, xiv, 21 b ; Luc, xxii, 22 b. Judas osa demander si ce serait lui qui le trahirait et Jésus lui répondit : « Tu l’as dit. » Matth., xxvi, 25. Cette demande et cette réponse ne durent pas probablement être entendues des Apôtres. Saint Jean, xiii, 1-30, donne sur cette scène des détails complémentaires qui ne se trouvent pas dans les autres évangélistes. Après le lavement des pieds, Jésus annonça, en citant le Ps. xl, 10, la trahison de l’un d’entre eux. Les Apôtres, se regardèrent étonnés, se demandant de qui il voulait parler. Jean reposait sur le côté du Sauveur ; Pierre, se penchant vers le disciple bien-aimé, lui demanda à qui le maître faisait allusion. Jean à son tour interrogea Jésus qui lui répondit : « C’est celui à qui je donnerai un morceau de pain trempé. » Et ayant trempé un morceau de pain, il le donna à Judas. Lorsque celui-ci eut reçu le morceau de pain, Satan s’empara de lui. Jésus lui dit : « Ce que tu fais, fais-le vite. » Personne ne comprit le sens de ces paroles ; Judas ayant la garde de l’argent, les uns pensèrent que Jésus lui avait ordonné d’acheter ce qui était nécessaire à la célébration de la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres. Le traître sortit aussitôt ; il était déjà nuit. Judas avait-il participé à la cène ou avait-il quitté le cénacle avant la communion eucharistique ? La plupart des Pères et des commentateurs du moyen âge ont cru qu’il avait fait une communion sacrilège ; la majorité desexègétes modernes soutiennent l’opinion contraire. Voir Cl. A. Fillion, Judas assistait-il à l’institution de la sainte Eucharistie, dans ses Essais d’exégèse, in-12, Paris et Lyon, 1884, p. 311-326. Après la célébration de la Cène, Jésus et les Apôtres

sortirent du cénacle où ils étaient réunis et se rendirent vers la montagne des Oliviers, Matth., xxvi, 26-30, au jardin de Gethsémani. Après avoir prié à trois reprises différentes, Jésus s’approcha de ses Apôtres et leur dit : « Levez-vous, allons, car celui qui doit me livrer s’approche. » Matth., xxvi, 39-46 ; Marc, xiv, 35-42. Saint Jean observe, xviii, 2, que Judas connaissait l’endroit, parce que Jésus s’y rendait fréquemment avec ses disciples. — Le Sauveur parlait encore avec ses disciples, lorsque Judas arriva suivi d’une troupe envoyée par les princes des prêtres et les anciens, et armée de glaives et de bâtons. | Matth., xxvi, 47 ; Marc., xiv, 43 ; Luc., xxii, 47 ; Joa., xviii, 3. Judas avait dit à ses sicaires : « Celui que je baiserai, c’est lui-même [Jésus], saisissez-le. » Et aussitôt il s’approcha de Jésus et lui dit : « Salut, maître. » Et il le baisa. Jésus lui dit : « Ami, qu’es-tu venu faire ? » Alors les sicaires s’avancèrent et saisirent Jésus, Matth., XXVI, 48-50 ; Marc, xiv, 44-46 ; Luc, xiii, 48 ; Joa., xviii, 4-8. Judas avait consommé son crime,

Repentir et mort de Judas.

Lorsque Jésus eut

été condamné, Judas, saisi de remords, mais désespéré, rapporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres et aux anciens, en disant : « J’ai péché en livrant le sang innocent. » Mais eux répondirent : « Que nous importe ? C’est à toi de voir. » À ces paroles il jeta les pièces d’argent dans le Temple, s’éloigna et alla se pendre. Matth., xxvii, 3-5 ; Act., i, 18. Les princes des prêtres, ayant pris les pièces d’argent, dirent : « Il n’est pas permis de les mettre dans le trésor, car c’est le prix du sang. » Ayant tenu conseil, ils en achetèrent le champ d"un potier pour la sépulture des étrangers ; ce champ fut appelé Haceldama (voir Haceldama, col. 386), c’est-à-dire le champ du sang. Matth., xxvii, 6-8 ; Act., i, 19. Ainsi finit « le fils de la perdition ». Joa., xvii, 12.

Bibliographie.

Saint Irénée, Adv. hxr., i, 31,

t. vii, col. 704 ; Pseudo-Tertullien, De prxscript., 47, t. ii, col. 65, Eusèbe, H. E., ii, 1, t. xx, col. 133 ; iii, 39, col. 297-300 ; v, 16, col. 469 ; Tillemont, Mémoires, in-4°, Bruxelles, 1732, p. 14-16, 191 (note xxix) ; Sepp, Vie de N.-S. Jésus-Christ, trad. franc, de Ch. Sainte-Foi, in-12, Paris 1861, t. ii, p. 367-369, 385-388 ; Le Camus, Vie de N.-S. Jésus-Christ, 3 in-12, Paris (sans date), t. i, p. 426-429 ; t. iii, p. 33, 151, 186, 271, 369 ; Diion, Jésus-Christ, ^ in-8°, Paris, 1891, t. ii, p. 256-299.

Y. Ermoni.

8. JUDAS, frère de Jacques. Voir Jude 1, col. 1806.

    1. JUDAS BARSABAS##


9. JUDAS BARSABAS, voir Jude 2, col. 1807.

37, mais il se survécut dans la secte des Zélotes dont Josèphe lui attribue la fondation. Cette secte fut la plus fanatique et la plus violente de toutes celles qui parurent parmi les Juifs, et ses excès, sous le gouvernement de Gessius Florus (64-66) hâtèrent la guerre avec les Romains. Les fils de Judas se distinguèrent en particulier par leur haine contre les Romains. Deux d’entre eux, Jacques et Jean, excitèrent une nouvelle sédition sous le procurateur Tibère Alexandre, vers l’an 47 ; ils furent pris et mis en croix. Josephe, Ant. jud., XX, v, 2. — Une vingtaine d’années plus tard, en 66, leur plus jeune frère, Manahem, se mit à la tête d’une autre révolte. Avec les sicaires qui se joignirent à lui, il pilla l’arsenal d’Hérode àMasada, près d’Engaddi, et marcha contre Jérusalem, s’en empara et y commit toute sorte d’excès. Les partisans du grand-prêtre Éléazar se saisirent enfin de sa personne pendant qu’il se rendait au Temple et le mirent à mort (66). Josèphe, Bell, jud., II, xvii, 8-9 ; Vita, 5. Un autre membre de la même famille, Éléazar, défendit la forteresse de Masada après la prise de Jérusalem par Titus et décida ses compagnons à se tuer avec leurs femmes et leurs enfants plutôt que d’accepter le joug des Romains. Josèphe a longuement raconté ce terrible épisode de la guerre. Bell.)ud., II, xvii, 9 ; VII, viu-ix. — Voir Origene, In Matth., tom. xvii, 25, t. xiii, col. 1552 ; Hom. m Luc., xxv, t. xiii, col. 1866 ; E. Schurer, Geschichte des Judischen Volkenim ZeitalterJesuCkristi, 2e édit., 1. 1, 1890, p. 406, 446.

F. VlGOUROUX.

12. JUDAS (grec : ’IoûSa ;), hôte de saint Paul à Damas, à l’époque de la conversion de l’Apôtre. Sa maison était située dans « la rue droite » de cette ville. Act., ix, 11. C’est dans cette maison qu’Ananie, sur l’ordre du Seigneur alla baptiser le nouveau converti. Voir Ananie 7, t. i, col. 541.

JUDE, nom d’un apôtre et d’un disciple du Sauveur, Voir Judas, col.17891790.

10. JUDAS (grec : ’IoûSa ?) ; frère, c’est-à-dire parent de Notre-Seigneur. Marc, vi, 3. C’est le même que l’apôtre saint Jude, frère de Jacques le Mineur, et l’un des douze Apôtres, Luc, vi, 16 ; Act., i, 13, l’auteur d’une des Épltres catholiques, quoique certains exégètes veuillent en faire un personnage différent. Voir Jude 1, col. 1806.

11. JUDAS LE GALILÉEN (grec : ’IcjSïÇ 6 T/a^aio ;  ; Vulgate : Judas Gahlxus), fauteur d’une révolte populaire à l’époque du recensement sous Cyrinus. Act., v, 37. Josèphe l’appelle une fois le Gaulonite, Ant. jud., XVIII, i, 1, parce qu’il était de Gamala, dans la Gaulonitide, à l’est de la Galilée, mais il l’appelle partout ailleurs & le Galiléen », Ant. jud., XVIII, i, 6 ; XX, v, 2 ; Bell, jud., II, viii, 1 ; xvii, 8, 9 ; VII, viii, 1, comme le fait Gamaliel dans les Actes. Gamala était peut-être regardée comme appartenant à la Galilée, ou bien Judas reçut ce surnom, qui le distinguait des autres Judas ses contemporains, parce que la sédition qu’il fomenta éclata en Galilée. Quoi qu’il en soit, le mouvement qu’il excita parait avoir été assez considérable. Il périt lui-même dans la lutte et ses adhérents furent dispersés, Act., v,

1. JUDE (grec : ’Ioiaa ;),

Matth., xiii, 55 ; Marc, vi,

3, un des douze Apôtres

(fig. 312). C’est le même

personnage que Jude,

[frère] de Jacques [le

Mineur], ’loûSas’Iaxci ëou, dont il est question,

Luc, vi, 16 ; Act., i, 13 ;

car Matth., xiii, 55, et

Marc, vi, 3, en disant que

Jacques, Joseph, Simon et

Jude étaient « . frères »,

c’est-à-dire cousins du

Seigneur, nous laissent

clairement entendre que

ces quatre personnages

étaient frères selon la

chair. Voir Alphée, t. i,

col. 418 ; Frères, iii, t. ii,

312. — Saint Jude, apôtre. D’après les Acîfi sanctorum, mali 1 1. Planches des Éphéméndes moscovites, n. 19, p. xxxi. Les caractéristiques de cet apôtre sont mal déterminées. Voir Grimouard de Saint-Laurent, Guide de VArt chrétien, t. v, 1874, p. 230231 ; P. Durand, Manuel d’iconographie chrétienne, in-8° Paris, 1845, p. 306.

col. 2403-2404. Jude est

aussi appelé, Matth., x, 3 ; Marc, iii, 18, Lebbée ou Thaddée « le courageux » (AiêêaXoq 6 imiù, rfits 0aS8aîoi ;), ce qui fait dire à saint Jérôme, In Matth., x, 4, t. xxvi, col. 61, qu’il devait être tnnomius, « à triple nom. »

On ne sait presque rien de la vie de cet apôtre. Dans l’Évangile il ne paraît qu’une fois pour adresser une question au Sauveur. Joa., xiv, 22. Saint Jean le désigne sous le nom de « Judas non l’Iscariote ». Il est l’auteur d’une des Lpitres catholiques. Voir Jude (Épitre de). Comme son Épitre combat les mêmes hérétiques que la seconde lettre de saint Pierre, il y a lieu de penser qu’après l’Ascension il évangélisa les contrées adjacentes à celles où avait prêché le prince des Apôtres. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’était plus en vie à l’époque de la persécution de Domitien ; car Eusèbe, H. E., iii, 19, suivant une vieille tradition (jiaXoctôç xate’x" Xôyoc), et Hégésippe, ibid.^ iii, 20, t. xx, col. 252, 253, nous apprennent que cette persécution mit à l’épreuve les descendants de Jude. Cf. aussi iii, 32, col. 284. Les auteurs ont enregistré diverses traditions sur la vie et les travaux de Jude : d’après Nicéphore Calliste, H. E., ii, 40, t. lxxiii, col. 693, il aurait d’abord évangélisé la Judée, la Galilée, la Samarie et l’Idumée, et ensuite l’Arabie, la Syrie, la Mésopotamie et la Perse ; quelques auteurs syriens, mentionnés par J. S. Assemani, Biblioth. orient., Rome, 1719-1728, t. i, p. 318 ; t. iii, part. i, p. 299, 302, affirment que l’apôtre Thaddée prêcha l’Évangile à Édesse ; mais cette tradition, déjà consignée dans saint Jérôme, In Matth., x, 4, t. xxvi, col. 61, dérive, par le changement d’Addai en Thaddée, de la Doctrine d’Addai ; voir Abgar, t. i, col. 37-41, et Addaï, t. i, col. 214 ; c’est à ce document qu’Eusèbe, H. E., 1, 13 ; ii, 1, t. xx, col. 120-129, 133-140, a emprunté sa relation. Ces traditions sont communément rejetées. Cf. Tillemont, Mémoires, Bruxelles, 1732, t. i, p. 279. D’après le bréviaire romain, au 28 octobre, il évangélisa la Mésopotamie et la Perse et mourut martyr. Les descendants de saint Jude furent recherchés sous Domitien, comme appartenant à la famille du Christ, mais on les laissa en paix. Eusèbe, H. E., iii, 17-20, t. xx, col. 249-256. D’après un fragment d’Hégésippe, conserve dans Philippe Sidète, l’un des descendants de l’apôtre Jude s’appelait Zocer (Zwxrip) et un autre Jacques flàxtoëoç). C. de Boor, Neue Fragmente des Papias, Hegesippus, dans les Texte und Untersuchungen, t. v, Heꝟ. 2, 1888, p. 169. V. Ermoni.

2. JUDE BARSABAS (grec : ’Ioû5a ; o È7nxa).o’j(ievoç B « p<ja6î{), un des premiers chrétiens de Jérusalem. Act., xv, 22. Il était probablement prêtre, c’est ce que semble indiquer le titre d’ïiyoûjjiEvoç qui lui est donné. Il fut chargé, avec Silas, d’accompagner Paul et Barnabe à Antioche pour porter aux chrétiens de cette ville une lettre des Apôtres contenant les décisions du concile de Jérusalem. Jude et Silas étaient « prophètes », ꝟ. 32, et par leurs paroles, ils confirmèrent les fidèles dans la foi. Leur mission remplie, Jude retourna à Jérusalem, tandis que Silas, d’après la Vulgate et d’autres manuscrits, demeura à Antioche, mais la leçon [jlôvo ; MoûSa ; es èm>pe-j9ï], Judas autem solus abiit Jérusalem, ne se lit pas dans d’excellents manuscrits. Act., xv, 22-34. — On range communément Jude Barsabas parmi les soixante-dix disciples du Sauveur. Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, 1701, t. i, p. 27. Son surnom de Barsabas ou « fils de Sabas » a fait supposer qu’il était frère de Joseph Barsabas. Act., i, 23. Voir Barsabas, t. i, col. 1470. C’est sans raison qu’on a essayé de le confondre avec l’apôtre saint Jude, car le langage de l’auteur sacré montre que Jude Barsabas n’avait pas le rang d’apôtre.

    1. JUDE (ÉPITRE DE SAINT)##


3. JUDE (ÉPITRE DE SAINT). — I. Auteur. — L’auteur se désigne lui-même sous le nom de Jude, frère de Jacques, et la plupart des commentateurs, depuis Origène et saint Jérôme, sont d’accord à reconnaître dans ce Jude l’un des douze Apôtres. Voir Jude 1. Ct. les témoignages d’Origène et de saint Jérôme, dans P. G., t. xiii,

col. 1520, note 57. Voir aussi Adumbrationes in Epist., Judse, dans les œuvres de Clément d’Alexandrie, t. ix, col. 731 ; voir plus loin § vi.

II. Occasion et but.

L’Épltre fut écrite à l’occasion de doctrines dangereuses répandues au milieu des fidèles par les faux docteurs. L’auteur caractérise en termes énergiques ces faux docteurs : ce sont des hommes dont la condamnation est depuis longtemps portée, des impies, qui changent la grâce de Dieu en libertinage et renient Notre-Seigneur Jésus-Christ, ꝟ. 4 ; ils méprisent l’autorité, blasphèment la majesté, et tout ce qu’ils ignorent, ꝟ. 8 ; ils paraissent faire encore partie de l’Église, mais en réalité ce sont des membres morts, des arbres déracinés et desséchés, des astres errants, jr. 12-13 ; des esprits inquiets, turbulents, orgueilleux, ꝟ. 16 ; ils cherchent à égarer les autres et suivent leurs inclinations impies, ꝟ. 18 ; leur immoralité est scandaleuse ; ils obéissent aux impulsions de la chair, ꝟ. 4, 8, 10, 12, 16, 23 ; ils se sont séparés eux-mêmes [du reste des fidèles], ce sont des psychiques, tyv£ixo{, qui n’ont pas l’esprit [de Dieu], uveû[jia [iï| é’xovteç, ꝟ. 19. Ces dernières paroles, où il est question des psychiques et des pneumatiques, nous indiquent clairement que ces faux docteurs avaient à tout le moins des tendances gnostiques ; leur immoralité notoire nous porte à penser qu’ils appartenaient à cette classe d’hérétiques, connus par leur antinomisme, dont Carpocrate sera plus tard le plus célèbre représentant. Ct. S. Irénée, Adv. hær., i, 25, 26, t. vii, col. 680-687 ; Clément d’Alexandrie, Strom., ii, 20 ; iii, 2, 4, t. viii, col. 1048-1072, 1104-1113, 1129-1144. —Le but de l’Épitre est de prémunir les fidèles contre les erreurs et les lausses doctrines dont ils étaient menacés ; il leur recommande, ꝟ. 3, de rester fermement attachés à la foi qu’ils ont reçue.

III. Destinataires.

L’Épitre est adressée, ꝟ. 1, à ceux qui ont été appelés, qui sont sanctifiés en Dieu le Père et conservés pour Jésus-Christ. On peut donc conclure qu’il s’agit de chrétiens en général, venus du judaïsme ; l’Épitre n’est pas adressée à une église particulière, ni à un individu quelconque, et c’est pour cela qu’elle est à bon droit dite « catholique ». La conclusion, ꝟ. 25, est marquée du même caractère. Voir Catholiques (Épures), t. ii, col. 350. L’expression « nos bien aimés », ꝟ. 3, 17, 20, pourrait faire penser à un cercle plus restreint ; mais elle a en réalité une signification générale" ; elle s’applique à tous les chrétiens que l’auteur aime en Jésus-Christ. Cf. Julicher, Einleitung m das Neue Testament, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 145. Rien n’oblige pourtant à y voir une lettre « encyclique », dans la plus large signification du mot. Kaulen, Einleitung in die heilige Schmft, 3e édit., in-8°, Fribourg-en-B., 1893, p. 678.

IV. Analyse.

Outre la suscription, la salutation et une courte introduction, ꝟ. 1-4, l’Epitre embrasse deux parties, J. 5-19, 20-23, et se termine par une doxologie, ꝟ. 24-25. — Dans l’introduction, l’auteur commence par déclarer, j^. 3, que sa sollicitude pastorale l’a porté à écrire cette lettre ; son intervention a été rendue nécessaire par, la prédication des faux docteurs, ꝟ. 4. — La première partie, ꝟ. 5-19 est plutôt descriptive. Pour montrer le châtiment qui menace les faux docteurs, l’auteur rappelle l’exemple des mauvais anges, de Sodome et de Gomorrhe, ꝟ. 6-7 ; à cause de leurs crimes, les sectaires subiront le même sort ; ils sont tellement coupables que l’archange saint Michel lui-même n’ose pas prononcer leur jugement, ꝟ. 9 ; ils ont marché sur les traces de Caïn, de Balaam et de Coré, j^. Il ; aussi doivent-ils s’attendre au même châtiment, ꝟ. 13 ; déjà le patriarche Enoch avait prédit leur sort, jr. 14-15 ; les Apôtres du reste avaient annoncé leurs manœuvres, ji. 17-18. — La seconde partie, 20-23, est parénétique ; l’auteur exhorte les fidèles à rester fermes dans la foi, l’amour de Dieu et l’attente de la miséricorde de Jésusil 809

JUDE (ÉPITRE DE SAINT)

1810

Christ pour la vie éternelle, ꝟ. 20-21 ; qu’ils jugent avec miséricorde certains des faux docteurs, t- 22 ; qu’ils sauvent les autres de la crainte en les arrachant au feu, mais qu’ils haïssent la tunique souillée par la chair, ꝟ. 23. —Enfin conclusion doxologique, jꝟ. 24-25.

V. Date et lieu de la composition.

Date.

Il

n’est pas possible de fixer d’une façon absolument précise la date de cette Épître. Renan, qui la regardait comme un écrit anté-paulinien, suppose qu’elle fut écrite à Jérusalem en l’an 54. Credner, partant de ce fait que saint Jude était mort à l’époque de la persécution de Domitien. et s’appujant sur le martyre de Siméon, évêque de Jérusalem, qui eut lieu sous Trajan, date PÉpltre de l’an 80 ; Volkmar, Mangold, Volter et Davidson la placent quelque temps après l’an 140. Cf. Davidson, An Introduction to the study of the New Testament, 2 in-8°, Londres, 1894, t. ii, p. 342. Julicher, Einleitung, p. 147, la place entre 100 et 180. Nous ne pouvons qu’assigner une date approximative. L’Épitre a été écrite avant la ruine de Jérusalem (70), autrement l’auteur, outre les exemples cités ꝟ. 6-7, n’eût pas manqué de mentionner cette grande catastrophe. En admettant que la seconde Épltre de saint Pierre dépende de l’Épitre de Jude, ce que nous regardons comme plus probable, et en supposant que saint Pierre ait écrit sa lettre en 66, nous arrivons à cette conclusion que l’Épitre de Jude a été écrite entre 62 et 66. La principale raison qu’on allègue pour abaisser la date de la composition de l’Épitre est tirée du t. 17 où l’auteur, prétend-on, se distingue des Apôtres : on en conclut qu’il écrivait à une époque où tous les Apôtres étaient morts. Mais on peut répondre que rien n’oblige à prendre ce pluriel « par les Apôtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ » dans toute son étendue ; on peut le restreindre à quelques Apôtres ; de plus, l’auteur peut faire allusion à deux passages des Pastorales, I Tim., iv, 1 ; iii, 1, ce qui serait suffisant pour employer le pluriel ; enfin, saint Jude n’était qu’un Apôtre ; il peut donc se distinguer des onze autres.

Lieu de la composition.

On peut dire que l’Épitre

fut écrite en Orient ; il serait difficile de préciser davantage. Davidson, Introduction, p. 342, pense qu’elle pourrait avoir été écrite à Alexandrie, parce qu’elle vise, d’après lui, les erreurs de Carpoerate et de son fils Épiphane, qui vivaient en Egypte. Mais rien ne prouve que l’Épitre vise particulièrement les erreurs de Carpoerate ; comme nous l’avons déjà dit, ce qu’on peut affirmer c’est qu’elle vise des doctrines gnostiques et antinomistes ; or ces doctrines eurent de nombreux représentants et de nombreuses ramifications, à commencer par Simon le Magicien et les nicolaites.

VI. Authenticité.

I. preuves de l’authenticité.

— Les critiques libéraux rejettent l’authenticité de l’Épitre ; pour eux, elle ne saurait être l’œuvre d’un apôtre. Julicher. Einleitung, p. 147, pense que l’auteur est un chrétien d’Egypte. Cf. Davidson, Introd., p. 335. L’authenticité de l’Épitre repose cependant sur des preuves solides : 1° Les mots de la suscription : « Jude, serviteur de Jésus-Christ, frère de Jacques ; » comme le fait remarquer Kaulen, Einleitung, p. 679, ce Jude ne peut être que l’apôtre de ce nom ; il tàut écarter Jude de Damas, Act., ix, 11, et Jude compagnon de saint Paul, Act., xv, 22-32, 34, parce que le premier n’a laissé aucune trace dans l’histoire, et le second est toujours surnommé Barsabas ; on ne peut pas soriger davantage à Jude le Galiléen, Act., v, 37, ni à Judas Iscariote, ni aux deux Jude de la table généalogique de Luc, iii, 26, 30, qui appartiennent à l’ancien Testament ; il ne reste donc que Jude l’apôtre. — 2° Les témoignages : 1. De l’Église romaine : le canon de Muratori ; l’auteur du De consummat. tnundi, parmi les œuvres d’Hippolyte, n. 10, t. x, col. 913 ; S. Jérôme, De vir. illustr., 4, t. xxiii, col. 613, 615 ; In Tit., i, 12, t. xxvi, col. 574 ;

.Prol. in Epist. cathol., t. xxix, col. 825 ; — 2. de

l’Église d’Afrique : Tertullien, De cultu fœm., 3, t. i, col. 1308 ; l’auteur du De Script, canone, t. iii, col. 192 ; — 3. de l’Église d’Alexandrie : Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 2, t. viii, col. 1113 ; Adumbr. in.Jud., t. ix, col, 731-734 ; Origène, InJos. hom. vii, 1, t. xii, col. 857 ; In Matth., x, 17, t. xiii, col. 877 ; et. aussi Periarcfwn, m, 2, t. xi, col, 303 ; In Rom., v, 1, t. xiv, col. 1016. Didyme, Enarrat. in Epist. Jud., t. xxxix, col. 18111818 ; — 4. de l’Église d’Antioche : la lettre des évêques, des prêtres et des diacres de Sjrie au pape Denis contre Paul de Samosate, paraît contenir une allusion à Jud., t. 3-4 ; et. Eusèbe, H. E., vii, 30, t. xx, col. 712 ; 5. de l’Église de Constantinople : Palladius, Dialog., 18, t. xlvii, col. 63 ; — 6. de l’Église de Chypre : S. Épi-’phane, Hier, xxvi, 11, t. xii, col. 348. Cf. Arnaud, Recherches critiques sur l’Épitre de Jude, Strasbourg, 1851, p. 21 ; Rampt, Der Brief Judà, Sulzbach, 1854, p. 129.

II. objections et réponses.

1° Nous avons déjà répondu à l’objection tirée du ꝟ. 17, qui prétend que l’auteur de l’Épitre ne peut pas être un apôtre. — 2° La principale objection visant directement l’authenticité est tirée du contenu même de l’Épitre : On dit que les erreurs, qui y sont combattues, sont postérieures à l’âge apostolique ; les taux docteurs ne pourraient être que les gnostiques antinomistes de l’école de Carpoerate ; or cette école n’apparaît qu’au 11e siècle. — Mais il s’agit de savoir si Carpoerate a semé les premiers germes de l’antinomisme, ou s’il n’a fait tout simplement que les développer ; rien ne prouve que la nuance gnostique, dont il fut le plus brillant champion, n’existât pas avant lui ; or l’histoire atteste que les premiers germes de l’antinomisme sont antérieurs à Carpoerate. Aussitôt après la mort de Jacques le Mineur, à l’occasion du choix de son successeur Siméon, un schisme éclata à Jérusalem, provoqué par l’orgueil et l’ambition de Thébutis ; l’hérésie de Simon le Magicien ne tarda pas à paraître ; or on sait que Simon le Magicien niait la divinité de Jésus-Christ, se donnait lui-même comme le Messie et enseignait l’émancipation de la chair. Cf. I Joa., h, 22, 23 ; S. Irénée, Adv. hier., i, 23, t. vii, col. 670-673 ; Pseudo-Tertullien, De præscript., 46, t. ii, col. 61 ; S. Épiphane, Hxr. xxi, t. xli, col. 285-296. Les disciples de Ménandre et les dosithéens marchèrent sur les traces de Simon ; S. Justin, Apol. i, 26, t. vi, col. 368 ; S. Irénée, Adv. hær., i, 23, t. vii, col. 673 ; Origene, Cont. Ces., yi, 11, t. xi, col. 1305-1308 ; S. Épiphane, Hser.xiii, et xxil, t. xli, col. 237, 296, 297. Cf. Rampf, Der Brief Judâ, p. 45-128. Vers la même époque les nicolaites professaient les mêmes doctrines ; S. Irénée, Adv. hxr., i, 26, t. vii, col. 687 ; S. Épiphane, Hier, xxv, t. xli, col. 320-329.

VII. CANONICITÉ.

I. PREUVES DE LA CANONICITÉ. —

Dès les premiers siècles il y eut des hésitations au sujet de la canonicité de l’Épitre de Jude. À cause des ꝟ. 9 et 14, quelques auteurs la rejetèrent. Cf. S. Jérôme, De vir. illustr., 4, t. xxiii, col. 613, 615. La Peschito ne la contient pas. Eusèbe la range parmi les Anlilegoumena, H. E., m, 25 ; vi, 13, 14, t. xx, col. 269, 548, 549 ; cf. aussi ii, 23, ibid., col. 205 ; Didyme, Enarrat. in Epist. Jud., t. xxxix, col. 1815. Aujourd’hui même elle est rangée parmi les deutérocanoniques. Cependant sa canonicité ne peut être contestée, parce qu’elle a trop d’attaches dans la tradition. À propos de l’authenticité, nous avons cité les témoignages des Pères, col. 1809. Voir Canon, t. il ( col. 170 (canon de Muratori), 176-177 (Codex Claromontanus), 179-182 (citations des Pères). Cf. aussi l’auteur de l’écrit Adv. Novat. hæret., 16, t. iii, col. 1266.

il. objections et réponses. — Les objections contre la canonicité sont loin d’être décisives : 1° Si l’Épitre ne se trouve pas dans la Peschito, c’est que probablement elle n’était pas connue en Syrie au moment où fût faite la version syriaque. — 2° Les paroles du ꝟ. 6 : * quant f

4811

JUDE (ÉPITRE DE^SAINT)

1842

aux anges qui n’ont pas conservé leur dignité, mais ont quitté leur séjour, » permettent de conclure qu’elles ne sont nullement un emprunt à un apocryphe, mais une simple conclusion tirée par l’auteur de Gen., VI, 1, 2. — 3° Quant au t- 9, Origèney oyait, De princ, iii, 2, t. xi, col. 803, un emprunt à l’apocryphe, l’Ascension de Moïse ; mais il semble plus exact de dire que 9 l est un emprunt à cet apocryphe ou à une tradition orale, et 9 b un emprunt à Zach., iii, 2 ; d’ailleurs un livre apocryphe peut contenir des choses vraies. — 4° Le ꝟ. 14 no tire pas non plus à conséquence ; en admettant que l’auteur cite le Livre d’Hénoch on peut dire qu’il le cite uniquement comme un argument ad hominem contre les hérétiques qu’il a en vue ; de plus ce livre, comme beaucoup d’autres apocryphes, contenait des traditions juives ; des lors Judea pu utiliser ces traditions, comme IITim., m, 8 ; mais rien ne prouve qu’il ait puisé à cet apocryphe ; certains auteurs pensent que Jude et l’auteur de V Assomption de Moïse ont puisé à une source commune. Cf. Rampf, Der Brief Judâ, p. 201-332 ; Bacuez, Manuel biblique, 10e édit., t. IV, p. 536-538.

VIII. Rapports de l’Épitre de Jude avec la seconde Épitre de Pierre. — Il existe beaucoup de ressemblances entre ces deux Épitres. En ce qui concerne II Pet., toutes les ressemblances importantes sont dans le chapitre n, comme on peut le constater par le tableau ci-dessous :

Jude. 3.

II Pet.

…. ii, 21.

4 ii, l-3.

6 ii, 4.

7 ii, 6.

7, 8 ii, 10.

9 ii, 11.

Jude.

10…

11…

12… 12, 13 ; 16…

II Pet.

. ii, 12.

. ii, 15.

. ii, 13.

. ii, 17.

. ii, 18.

17, 18 iii, 1-3.

A côté de ces rapports très clairs, on constate aussi des allusions ou des réminiscences :

24 iii, 14.

25 ni.18.

1, 2 I, 2.

3 1, 5, 15.

Pour expliquer ces rapports on a fait deux hypothèses :

I. HYPOTHESE DE LA DÉPENDANCE DE JUDE PAR RAP-PORT A la II pétri. — Les raisons dç cette hypothèse sont : « 1° Il n’y a pas de parité entre les allusions que saint Pierre a pu faire dans sa première Épître à certains passages de saint Paul et un emprunt si littéral et si étendu, qui comprendrait la plus grande partie de l’Épitre de saint Jude. — 2° Saint Pierre n’avait pas d’intérêt à s’approprier la lettre de saint Jude. Saint Jude, au contraire, trouvait un avantage à citer saint Pierre : il ajoutait à sa considération et à son autorité personnelle celle du prince des Apôtres et du chef de l’Église. — 3° L’Épitre de saint Pierre paraît avoir été écrite la première ; elle parle au futur, elle prédit les hérésies qui vont paraître, II Pet., ii, 1-3 ; celle de saint Jude parle au passé, elle donne les faits qu’elle décrit pour l’accomplissement des prophéties faites par les Apôtres. Sans réfuter les sectaires, comme saint Pierre, saint Jude les attaque avec plus de force et les caractérise d’une manière plus précise. — 4° Le style de saint Jude est meilleur, plus soigné, plus soutenu. On y voit moins de répétitions. — 5° Saint Jude paraît commenter saint Pierre. Au ꝟ. 10, il développe et éclaircit ce que saint Pierre avait laissé dans l’ombre. II Pet., ii, 14, 15. — 6° La citation du livre de l’Assomption de Moise, faite par saint Jude au t. 9, semble n’avoir pour but que d’éclairer et de confirmer ce qu’a avancé saint Pierre, ii, 11. L’Épitre de saint Jude nous semblerait donc postérieure à la IIe de saint Pierre, et d’une date assez rapprochée de la ruine de Jérusalem. » Bacuez, Manuel biblique, t. iv, p. 535-536.

SI. HYPOTHESE DE LA DÉPENDANCE DE LA SECONDE ÉPITRE DE PIERRE PAR RAPPORT À JUDE. — Elle est plus

probable et plus communément suivie ; elle s’appuie sur les raisons suivantes : 1° Dans l’Epitre de Jude, le développement est plus détaillé et la pensée contient plus de particularités, tandis que dans II Pet., les idées sont plus condensées et d’un caractère général ; cf. Judæ 6, 7, et II Pet., ii, 4, 6 ; Juda ;, 9 et II Pet., ii, 11 ; Judæ, 12, 13 et II Pet., ii, 17 ; dès lors il est facile de voir que les considérations de Jude s’adressent à un milieu juif, tandis que ces mêmes considérations, exprimées dans une torme plus concise dans II Pet., pouvaient être utiles même à des ethno-chrétiens. — 2° II Pet. accuse un développement de la pensée, et cela provient de ce qu’elle exprime de nouvelles idées, qui sont en germe dans Jude, mais qui avaient besoin d’un autre document pour être explicitement formulées. Cf. II Pet., 2, 7-8 et Judse, 20-22 ; II Pet., iii, 2, et Judæ 17. — Si Jude emploie le passé et II Pet. le futur, cela ne prouve nullement que II Pet. soit antérieure ; car ces futurs : ïuovcai, « ils seront, » napeia-âloiHxtv, « ils introduiront, » II Pet., ii, 1, l[iitopeij(jovTai, « ils marchanderont, » ii, 3, êXeiiuovcai, « ils viendront, » iii, 3, sont des maximes générales qui embrassent tous les temps, comme le passé de Jud., 4 : îcapenrÉSuirav, « ils se sont introduits ; » d’ailleurs II Pet. emploie aussi le présent et quelquefois dans les mêmes passages : âpvoû[j.evot, « reniant, » êTOCYovxeç, « emmenant, » ii, 1 ; cf. aussi, ii, 10, 12, 18, et le passé : oru(*glër )xev, « il [leur] est arrivé, » ii, 22. Cf. Rampf, Brief Juda, p. 129 ; Hundhausen, Bas zweite Pontificalschreiben des Apostelfursten Petrus, Mayence, 1878, p. 102112 ; Kaulen, Emleitung, p. 662 ; Juhcher, Einleitung, p. 150, 151 ; Batiffol, Études d’histoire et de théologie positive, in-12, Paris, 1902, p. 293.

IX. Style et langue.

Le style de l’Épitre est dénué de tout ornement et de toute recherche. Au point de vue de l’art littéraire il ne présente rien de particulier ; la phrase est lourde et embarrassée, quoiqu’elle se dislingue par une certaine abondance d’expressions et une grande hardiesse, par exemple, ji. 4, 7, 8, 10, 12, 13, 16 ; on devine un écrivain qui a de la peine à exprimer ses idées, mais qui les exprime avec force et énergie. L’auteur n’est pas un hellène, parce que la langue grecque manque d’élégance et de pureté ; c’est un sémite qui écrit en une langue étrangère. — Quoique le langage soit généralement énergique et sec, on rencontre pourtant certains passages touchants et pleins d’émotion : Judæ ꝟ. 22-23 (grec). Commeumque exemple de"beauté littéraire, on peut citer l’admirable doxologie, ꝟ. 24-25, qui paraît être une imitation ou un écho de Rom., xvi, 25, 27.

X. Texte.

1° L’original est grec ; l’Épitre se trouve dans presque toutes les versions, à l’exception de la Peschito. — 2° Variantes du texte : la suscription : nB ont : toviSoc, ACK : iov>8a erau’uoXiî, ; et çe touSa to’j arcoirtoXov eTOdtoXï) xaOoXix/] : — $. 1. N AB ont : riYcnjfiivoiç, « aimés, » au lieu de : ^Yiact|xévotç, « sanctifiés ; » — ꝟ. 3. après <rwTir)pfa{, « salut, » N ajoute : Çur|ç, « vie ; »

— ꝟ. 4. AB ont : xâpiTa, au lieu de : x « P' v > « grâce ; » — ꝟ. 5. ABC omettent : ûu, â ;, « vous, » après eîSétaç, « sachant ; » N ADC ont : rcâvTa, « tout, » au lieu de : toûto, « cela ; » d’autres manuscrits ont : Trima ;, « tous » [vous tous] ; — ꝟ. 7. nABC ont : tov o(i.oiov Tpôitov toûtoi ;, au lieu de : tov Su-oiov toûrot ; Tpouov ; — ꝟ. 8. N a : xvpiéTj )Ta ?, « pouvoirs, » au lieu de : xuptoVirra, « pouvoir ; »

— ꝟ. 12. x* C 2 construisent ce verset : ovtoi duiv y°yy, j ~ or « t, (ie[ii} ; [’[it)pot « axa Taç [C 2 ajoute îoïaç] Émèvjisaç o-jtov iuopeud(i£vot, comme le verset 16 à l’exception de la forme anormale [lEjuJHMYpot ; — ꝟ. 15. N a : itaoav ^jj(r è v, « toute âme, » au lieu de : uâvcaç toù ; àaeêsîç, « tous les impies ; » — ꝟ. 18. Xe AC 2 ont : èXev<rovTot !, « viendront, » au lieu de : ëcbvtoci, « seront ; » — t- 20. nAB placent : è7rot<o80|io0vTC{éajToù{ avant : ttj « y"""*’™ !  :

— ꝟ. 22. AC ont : iXif^eie, « reprenez, » au lieu de’: ÈXesÎTE, « ayez pitié ; » — ꝟ. 23. hÀB omettent : èv o66(j), « dans la crainte ; » — ꝟ. 24. À a ont : f.jiâ ;, « nous, » et ;  : « xùtoÙç, « eux, » au lieu de : 0[15 ?, « vous ; »

— ꝟ. 25. çomet : Sià IiQaoO Xpcaroû toOxupîou tj(i£>v, « par Jésus-Christ Notre-Seigneur ; » a* omet : itpô racvTài ; toû aîûvoç, « avant tout siècle. » Cf. Tischendorf, Novum Testamentum grsece, édit. crit. min., Leipzig, 1877, p. 677-681 ; Ose. de Gebhardt, 1 Novum Testamentum grisée, 12e édit. (stéréotypée), in-8°, Leipzig, 1891, p. 285287. — 3° Divergences entre le grec T ( = textus receptus ) et le latin. Il existe entre les deux textes quelques divergences qui méritent d’être signalées, parce que dans ces passages le grec est plus clair : jf.5. latin : quoniam Jésus populum de terra Mgypli salvans etc., « parce que Jésus sauvant le peuple de la terre d’Egypte ; » grec : on à Kûpioç Xabv Ix yr { ç AtyijîtTOO <ja>(7aç x.t.X., « parce que le Seigneur sauvant le peuple de la terre d’Egypte etc. ; » — ꝟ. 12. latin : Ri sunt in epulis suis maculæ, etc., « ils sont des souillures dans leurs repas, etc. ; » grec : Ornai eïctcv èv tocî ? àfdbtaïc 0[it3v OTiiXâSe ; x.t.X., « ils sont des taches dans vos agapes, etc. ; »

— ꝟ. 22. latin : Et hos quidem arguite judicatos, « reprenez-les quand ils auront été jugés ; » grec : xix’i oO ? jièv

-iXcefte 81axpivô(jievoc, « en les jugeant ayez pitié de certains d’entre eux ; » — ꝟ. 23. latin : odientes et eam, quss carnalis est, maculatam tunicam, « haïssant la tunique souillée, qui est charnelle ; » grec : [ikjoGvte ; xai tôv à™ tîjç aapy.oç è<TireX<o[j.évov x [ ™ v <*> « haïssant la tunique souillée par la chair. »

XI. Bibliographie. — Pour le texte grec, voir B. Weiss, die katholischen Brtefe, textkrttische Untersuchungen und Textherstellung, dans Texte und Vntersuchungen, t. viii, Heꝟ. 3, 1892. — Pour les commentaires, Didyme d’Alexandrie, In Epist. B. Judm, t. xxxix, col. 1811-1818 ; Œcumenius, Epist. Judse, t. exix, col. 704721 ; Théophylacte, Expos, in Epist. Judse, t. cxxvi, col. 85-104 ; Bède, In Epist. Judse, t. xciii, col. 123130. — Les principaux parmi les modernes sont R. Stier, Der Brief Judd, in-8°, Berlin, 1850 ; M. F. Rampf, Der Brief Juda, in-8°, Sulzbach, 1854 ; * Frd. Gardiner, Commentary on theEpistle of St. Jude, in-12, Boston, 1856 ; * J. E. C. Fronmuller, Der Brief Judâ, dans le Bibelwerk de Lange, in-8°, Bielefeld, 1859 ; 4e édit., 1890 ;

  • J. T. A. Wiesinger, dans H. Olshausen, Biblischer

Commentar, t. iii, Kœnigsberg, 1862 ; * J. E. Hulther, dans H. A. W. Meyer, Dos Neue Testament, t. xii, Gœttingue, 1852 ; * Th. Schott, Der zweite Brief Pétri und der Brief Judà, in-8°, Erlangen, 1863 ; J. C. K. Hofmann, Der zweite Brief Pétri und der Brief Judd, in-8°, Nordlingue, 1875 ; * C. F. Keil, Commentar uber die Briefe des Petrus und Judas, in-8°, Leipzig, 1883 ;

  • Frd. Spitta, Der Brief des Judas, in-8°, Halle, 1885 ;

A. F. Maunoury, Commentaire sur les Épîtres catholiques, in-8°, Paris, 1888 ; E. Kuhl, dans Weiss-Meyer, Kommentar uber das Neue Testant., t. XII, 1887, Gœttingue ; 6e édit., 1897 ; von Soden, dans le Hand-Kommentar, Fribourg-en-Brisgau, 1890 ; 2e édit., 1892 ;

  • A. Vieljeux, Introduction à l’Épître de Jude, in-8°,

Montauban, 1894 ; * H. Cousin, Introduction à l’Épître de Jude, in-8°, Paris, 1894 ; * K. Burger, dans Strack-Zockler, Kurzgefasster Kommentar, t. iv, in-8°, 2e édit., Munich, 1895 ; * G. Wandel, Der Brief des Judas, in-8°, Leipzig, 1898. — Voir aussi * E. Arnaud, Essai critique sur l’authenticité de l’Épître de Jude, in-8°, Strasbourg, 1835 ; Id., Des citations apocryphes de Jude, in^8°, Strasbourg, 1849 ; Id., Recherches critiques sur l’Épître de Jude avec commentaires, in-8°, Strasbourg, 1851 ; F. Brun, Introduction critique à l’Épître de Jude, Strasbourg, 1842 ; * Jessien, De aùûevTÏa Episto-Ub Judæ, Leipzig, 1821 ; *A. Ritschl, Uebèr die im Briefe des Judas characterisirten Antinomisten, dans les Studien und Kritiken, 1861, p. 103-113 ;

  • B. Weiss, Die Petrinische Frage, Das Verhàltniss

zum Judasbrief, dans les Studien und Kritiken, 1866, p. 256-274. V. Ermoni.

! JUDÉE (hébreu : Yehûdâh, l Reg., xxiii, 3 ; II Par., xxxvi, 23 ; I Esd., i, 2, 3 ; H Esd., ii, 7 ; vi, 7, 18 ; vii, 6 ; Ps. lxxv (hébreu, lxxvi), 1 ; cxin (exiv), 2 ; Jer., xiv, 2 ; xl, 11 ; Joël, iii, 20 ; Yehûd, I Esd., v, 8 ; vii, 14 ; Dan., v, 13 ; Septante : rj’Iouêaîa, I Reg., xxiii, 3 ; II Par., xxxvi, 23 ; I Esd., i, 2, 3 ; v, 8 ; vii, 14 ; Ps. lxxv, 1 ; cxiii, 2 ; Jer., xiv, 2 ; Dan., v, 13 ; Joël, iii, 20 ; ’IoOSa, II Esd., ii, 7 ; vi, 7, 18 ; vii, 6 ; Jer., xl, 11 ; dans les livres des Machabées et le Nouveau Testament, ’IouSocta), province méridionale de la Palestine, une des trois qui, avec la Samarie et la Galilée, divisaient le pays au temps de Notre-Seigneur. Luc, ii, 4 ; Joa., iv, 3, 4. Elle n’exista qu’après l’exil. Le mot « Judée » employé par les Septante et la Vulgate pour rendre l’hébreu Yehûdâh, dans certains livres de l’Ancien Testament, ne représente donc pas la province proprement dite, mais tantôt la nation israélite tout entière, comme au Ps. cxiii (hébreu, exiv), 2, tantôt le territoire de la tribu de Juda, comme I Reg., xxiii, 3, d’autres fois le royaume de Juda, comme au Ps. lxxv (hébreu, lxxvi), 1 (de même Tob., i, 18). Voir la carte de la tribu de Juda.

I. Géographie.

Limites.

Le territoire de la

Judée fut, d’une manière générale, celui de l’ancien royaume de Juda, mais avec des limites variables et qu’il est, à certaines époques, extrêmement difficile de préciser. Ainsi, au temps des Machabées, Hébron était aux mains des Iduméens, qui comptaient même parmi leurs forteresses frontières Bethsura (aujourd’hui Beit Sûr), éloignée seulement de 27 kilomètres de Jérusalem. I Mach., v, 65 ; lv, 61. D’autre part, vers le nord, les trois nomes d’Aphseréma ou Éphrem (aujourd’hui Tayibéh), de Lydda et de Ramatha appartenaient à la Samarie, dont ils furent détachés, au temps de Jonathas Machabée, pour être réunis à la Judée, I Mach., xi, 34. Mais plus tard la province s’étendit. Josèphe, Bell, jud., III, iii, 5, en fixe la limite septentrionale à Anualh Borkeos, ’Avouà8 Bopxlw ; représenté aujourd’hui par deux localités voisines, Amah et Berqît, au sud de Naplouse. Ailleurs, Ant. jud., XIV, iii, 4 ; Bell, jud., I, vi, 5, il cite parmi les places du nord Corea, Kopéat, que les uns identifient avec Quriyut, auprès des deux précédentes, mais que d’autres cherchent plutôt à Quràua, dans la vallée du Jourdain, au nord de Qurn Sartabéh. Cf. G. A. Smith, The historical geography of the Holy Land, Londres, 1894, p. 353. Nous savons par le même historien, Bell, jud., III, iii, 5, que l’Akrabatène était une des toparchies de la Judée. Or, l’ancienne capitale de ce district subsiste encore aujourd’hui dans Aqrabéh, au sud-est de Naplouse. Le Talmud, de son côté, nous apprend qu’Antipatris (probablement Qala’at Râs-el-’Ain) était une ville frontière de Judée, à l’ouest. Githn, 76 a ; Sanhédrin, 94 b. La Mischnah, Menakhoth, IX, 7, mentionne aussi quelques villes dont le vin pouvait être employé par les Juifs, et qui par conséquent n’étaient pas dans la Samarie. Il y avait entre autres Beth Rima (Beit Rima) et Beth Laban (El-Lubbân). La limite indiquée par ces différents points laisse donc la ligne principale de partage des eaux à l’extrémité méridionale de la plaine d’El-Makhnah ; elle suit une grande vallée, l’ouadi Deir Ballût, qui commence à Aqrabéh, et se dirige vers la plaine de Saron, dans laquelle elle débouche auprès de l’ancienne Antipatris. C’est comme un fossé naturel de délimitation. Josèphe, Bell, jud., III, iii, 5, prétend que la Judée comprenait toute la côte maritime jusqu’à Ptolémaide (Saint-Jean-d’Acre). Il semble pourtant, d’après Act., xii, 19 ; xxi, 10, que Césarée était distincte de cette province. La frontière méridionale, selon l’historien juif, Bell, jud., III, iii, 5, s’arrêtait à un village voisin des Arabes, appelé Yardas, ’lapSâc, qu’on suppose, mais d’une façon problématique, être Tell Arad, l’ancienne Arad, sur la limite de Juda et de Siméon. Cependant, à certaine époque, elle ne descendait pas si

bas, puisque le nord de l’Idumée pouvait être représenté par une ligne partant d’Ascalon, passant par Beit Dpbrin, puis se dirigeant vers l’est par les collines qui sont au-dessus d’Hébron. Voir Idumée, t. iii, col. 830. Il y a donc eu de ce côté des variations qui empêchent toute délimitation certaine. — En largeur, la Judée s’étendait de la Méditerranée au Jourdain. Allait-elle au delà du fleuve ? Quelques-uns l’ont cru. Cf. Reland, Palsestina, Utrecht, 1714. 1. 1, p. 32. Ils s’appuient sur Jos., xix, 34, où il est dit que la tribu de Nephthali avait ses limites « vers Juda du Jourdain au soleil levant », et sur Matth., xix, 1, où nous lisons que le Sauveur, quittant la Galilée, « vint aux confins de la Judée, au delà du Jourdain. » Mais le premier passage, difficile à expliquer littéralement, doit renfermer une faute, car les Septante ne font pas mention de Juda et donnent simplement le fleuve comme frontière, ce qui est plus naturel. Quant au récit évangélique, il faut l’entendre en ce sens que Notre-Seigneur vint en Judée en passant par la Pérée (au delà du Jourdain). Du reste, le passage parallèle de saint Marc, x, 1, coupe court à toute difficulté avec la conjonction xai : ioyEztx : et ; ta ôptaTrj ; MouSaîaç xa’i itépav toû MopSâvou, « il vint sur les confins de la Judée et au delà du Jourdain. » Cependant, d’après Ptolémée, V, xvi, 9, quelques places, à l’est du fleuve, appartenaient à la Judée. En résumé, la province, dans sa plus grande étendue, comprenait le territoire des anciennes tribus de Juda, de Benjamin, de Dan, et une partie de celui d’Éphraim.

Divisions.

La Judée était divisée en toparchies,

qui devaient être les suivantes, si nous combinons les témoignages de Josèphe, Bell, jud., III, iii, 5, et de Pline, H. N., v, 14 :

1° Jérusalem ; 2° Gophna (aujourd’hui Djifnëh) ; 3° Akrabatta (Aqrabéh) ; 4° Thamna (Tibnéh) ; 5° Lydda (Ludd) ; 6° Emmaus (Amuds) ; 7° Bethleptepha ; 8° l’Idumée ; 9° Engaddi (’Ain Djidi) ; 10° Herodium (Djebel Furéidis) ; 11° Jéricho (Er-Rihâ). Josèphe ajoute Pella, on ne sait pourquoi, et il donne à Jamnia (Yebna) et à Joppé (Jaffa) une certaine prééminence sur les cités voisines. Pline, de son côté, ajoute VOnne, ’Opetvyj, la partie montagneuse « où se trouvait Jérusalem ». Cf. Retond, Palœstina, t. i, p. 176.

Outre cette division administrative, il y avait une division naturelle que les écrivains rabbiniques et les auteurs ecclésiastiques ont mentionnée après les Livres Saints. Voir Juda (Tribu de), col. 1760. La Mischnah, Schebiith, ix, 2, distingue trois districts : « la montagne » ou « la montagne royale », har ham-mélék ; « la plaine » ou « les basses collines », sefëlâh, et le Darôm, « la vallée » ou « le midi ». On peut en ajouter un quatrième, le midbar, ou « le désert ». Matth., iii, 1. Voir Juda (Désert de), col. 1744. Le Darôm ou Darômâ équivaut au Négéb hébreu, qui désigne la partie méridionale de la Palestine. Voir Darom, t. ii, col. 1307. Eusèbe et saint Jérôme emploient souvent ce terme. Cf. Onomastica sacra, Gœttingue t 1870, p. 93, 116, 119, 221, 243, 246, etc. Le Talmud, Sanhédrin, 2, distingue le Daroma supérieur, qui renfermait la ville de Kefar Dikhrin (aujourd’hui Dhikrin), à l’est d’Ascalon, et s’étendait jusqu’à Lydda, et le Daroma inférieur ou le Négéb proprement dit. La partie méridionale de la Philistie, aux environs de Gérar (Khirbet V-mrn Djerrâr), s’appelait Gerariqû ou région gérarittque. Schebnth, VI, 1. Au nord du Daroma supérieur, depuis Joppé jusqu’à Césarée, s’étendait la région de Sarona ou Saron. Voir Saron (Plaine de). Pour la Séphélah, voir Juda (Tribu de) et Séphélah (Plaine de). Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 59-67.

3° Description ; caractères topographiques. — La description complète de la Judée serait la répétition des détails qui concernent chacune des tribus dont elle occupait le territoire. Voir Juda, col. 1767 ; Benjamin 4,

t. i, col. 1593 ; Dan 2, t. ii, col. 1236 ; Éphraïm 2, t. ii, col. 1875. Un aperçu général suffira, avec l’indication de certains caractères particuliers, qui la distinguent des deux autres provinces palestiniennes. Le sol de la Judée, nu et rocailleux, domaine des buissons et des chardons, contraste étrangement avec celui de la Galilée, et, si le contraste est frappant aujourd’hui, il devait l’être plus encore au ie siècle de notre ère. Dans la Galilée, la nature était partout riche et luxuriante, la terre très fertile, l’eau abondante, les champs bien cultivés, le pays bien boisé. Dans la Judée, les montagnes dominaient et dominent encore, abruptes, arides, incultes, et l’impression générale est celle de la sécheresse et de la désolation. S’il est un coin à l’aspect maudit dans la Terre Sainte, c’est bien celui que baignent à l’est les eaux de la mer Morte, et qui, au sud, plonge ses racines jusqu’au désert, n’ayant une longue bande de verdure que du côté de l’ouest. Le centre est un plateau dont l’altitude moyenne va de 600 à 800 mètres, parsemé de collines, et d’où descendent de tous côtés, excepté au nord, des pentes plus ou moins raides et plus ou moins découpées. Autrefois cependant, il y avait, dans cette contrée, des vignes renommées, de bons pâturages. Les Talmuds, dans leur style exagéré, racontent qu’à Lod ou Lydda on enfonçait jusqu’aux genoux dans le miel des dattes. Talmud de Babylone, Ketuboth, 1Il a.

Le trait caractéristique de la Judée, c’est qu’elle est un pays fermé, et c’est en cela que consiste sa force. La Galilée a été la grande route des nations, la Samarie une contrée ouverte, principalement du côté du nord, la Judée est comme une province isolée du reste du monde. Au point de vue stratégique, elle a tous les avantages d’une péninsule. Elle se rattache, par sa partie septentrionale, à la chaîne montagneuse de la Palestine, mais, à l’est, un immense fossé la sépare des plateaux de Moab ; au sud, le désert l’enferme comme un océan de mort ; la Méditerranée et la plaine maritime forment la barrière occidentale. Au-dessus de cette triple enceinte, le massif judéen élève son amas compliqué de collines, de vallées et de torrents. La grande voie militaire et commerciale qui traverse la Séphélah, pour aller d’Egypte en Assyrie, passe assez loin des hauteurs qui la dominent à l’est pour ne pas laisser soupçonner la vie et les forces cachées au sein de cette région. La Judée n’avait donc rien pour attirer l’attention, la convoitise des conquérants. Elle ressemblait à ces montagnes que le voyageur aperçoit de la plaine, à ces îles dont il longe les bords, mais dont la nature intime échappe à son regard. L’accès, du reste, en était difficile de trois côtés. Le Jourdain même une fois passé, comment arriver au plateau central, au cœur du pays ? Il fallait escalader une hauteur de 1 000 à 1 200 mètres, par les sentiers que les torrents ont creusés. De Jéricho, qui est la clef du massif, du côté de l’est, trois routes montent vers le centre. La première, dans la direction du nord-ouest, va vers Machmas, Ai et Béthel. C’est celle que suivirent les Israélites dès le début de la conquête. Jos., vu. La seconde, vers le sud-ouest, est la fameuse « c montée d’Adommim », que les Arabes appellent aujourd’hui’aqabet er-Riha, « la montée de Jéricho. » Elle suivait autrefois une voie antique, aux pavés disjoints, et qui, par intervalles, s’élevait en escalier ; elle est davenue carrossable de nos jours. Voir Adommim, t. i, col. 222. C’est la route mentionnée dans la parabole du bon Samaritain, Luc, x, 30, celle que prenaient ordinairement les gens de la Pérée ou les pèlerins galiléens qui, pour éviter le territoire samaritain, venaient à Jérusalem par la vallée du Jourdain. Notre-Seigneur la suivit plus d’une fois. La troisième, plus au sud, après avoir longé le pied des montagnes, s’engage dans un dédale de ravins sauvages, et se bifurque pour aller, d’un côté vers Jérusalem, de l’autre vers Bethléhem. Dans le désert, les voies historiques

sont marquées par certaines oasis, et l’on n’en rencontre que deux sur le bord occidental du lac Asphaltite. Vers le nord, est une belle source, appelée Ain eï-Feschkhah, d’où part une route qui rejoint et suit assez longtemps le torrent de Cédron.Plus bas, se trouve Engaddi, d’où l’on monte par divers sentiers vers le plateau supérieur, et qui servit parfois de point de ralliement aux bandes pillardes venant de Moab pour envahir la Palestine méridionale. Au sud, Bersabée (Bir es-Sébâ) et Khirbet el-Milh sont les deux grands carrefours par où passent les voies qui vont du Négéb à Hébron et aux pays environnants. Cette frontière offre un accès plus facile que celle de l’orient, mais elle est fermée par les chaînes et plateaux dont le Négéb est parsemé, par les contrées arides et nues qui la rendent inhabitable en beaucoup d’endroits ; en un mot, elle est défendue par sa pauvreté même. Enfin, du côté de l’ouest, la Judée a pour barrière protectrice la partie haute de la Séphélah, c’est-à-dire une région moyenne de collines qui s’étend entre l’arête montagneuse proprement dite et la plaine côtière. C’est une série de défilés qui forme un vrai terrain d’embuscades. Plusieurs larges vallées pénètrent le massit et semblent des voies naturellement ouvertes vers le cœur du pays, mais faciles à défendre.

La Judée est donc une forteresse, sinon imprenable, au moins très difficile à prendre. Une armée a-t-elle réussi à franchir les étroits défilés, les passes montueuses qui conduisent au plateau supérieur, que va-t-elle trouver ? Une ville bâtie elle-même sur une presqu’île de rochers, attaquable seulement par le nord. Enfermée dans de solides murailles, Jérusalem forcera l’ennemi à entreprendre un long siège, et l’étranger n’aura pour s’élablir qu’un désert sans eau. Il est curieux do constater comment les plus grandes invasions de la Judée ne se sont faites que par des marches bien calculées et d’habiles précautions. Les envahisseurs ne se sont pas aventurés sur l’arête centrale avant d’en avoir bien occupé tous les abords, avant même de s’être rendus maîtres du reste de la Palestine. C’est ainsi que Vespasien commença par s’emparer de la Galilée et de la Samarie, puis il dépensa près d’un an à prendre, à fortifier Jamnia, Azot, Hadida à l’ouest, Béthel et Gophna au nord, Jéricho à l’est, Hébron et les autres forts au sud. Ce n’est qu’après avoir établi cette large ligne de circonvallation qu’il lança sur Jérusalem ses légions impatientes.

Ces montagnes, ces rochers, ce désert de Judée ont donc leur muette éloquence. Cette contrée si singulière devait produire dans l’âme de ceux qui l’habitaient des sentiments tout particuliers, celui de l’isolement, d’où le particularisme qu’on remarque chez les Juifs, celui d’une certaine sécurité qui n’exclut cependant ni la vigilance, ni la discipline, ni la valeur, caractères essentiels d’une nation. À côté de la force est la poésie. C’est en Judée surtout que se développa la vie pastorale chez les Hébreux ; le terrain s’y prêtait. C’est parmi les pâtres de Juda que Dieu prit des rois et des prophètes, David, Amos, etc. Cf. G. A. Smith, The historical Geography of the Holy Land, p. 259-320.

4o Population.

La Judée était un pays très peuplé. Ses villes principales sont les plus connues des différentes tribus dont elle occupait le territoire. Il nous suffit de rappeler les plus importantes en dehors de Jérusalem, en y ajoutant quelques-unes mentionnées par les Talmuds et par Josèphe. À l’ouest, dans la plaine, Yabnéh (aujourd’hui Yebna/, l’ancienne Jebnéel ou Jamnia, célèbre par son école rabbinique ; Lod ou Lydda, qui, d’après un passage talmudique, aurait été le siège d’un tribunal ayant droit de prononcer la peine capitale ; Yafo ou Joppé ; Antipatris (Qala’at Râs-el-’Aïn ou Medjdel Yaba), bâtie par Hérode le Grand sur l’emplacement de Caphar Saba, suivant Joséphe, Ant. jud., XIII, xv, I, mais, selon les Talmuds, distincte de cette localité,

qui porte encore aujourd’hui le nom de Kefr Saba. — Au nord-ouest et au sud-ouest de Jérusalem : Modin (El-Midiyéh), la ville des Machabées, I Mach., ii, 1, 15 ; Emmaûs-Nicopolis (Amuâs), I Mach., iii, 40, 57, la même que l’Emmaus évangélique, Luc, xxiv, 13, selon plusieurs palestinologues, distincte de celle-ci, suivant d’autres, qui la cherchent à El-Qitbéibéh ; Beth Gubrin ou Éleuthéropolis (Beit Djibrin), située dans une contrée fertile, selon le Midrasch, Èereschith rabba, ch. 6. Au sud et au sud-est de la même ville : Bethléhem, Hébron, Masada (Sebbéh), bâtie par Jonathas Machabée, rendue imprenable par Hérode le Grand et devenue le tombeau de l’indépendance juive (Josèphe, Bell, jud., VII, viii, 3 ; ix, 1) ; Engaddi (’Ain Djidi), renommée pour ses vignes, ses palmiers et le baume qu’on y recueillait (Talmud de Babylone, Sdbbath, 26 a). — À l’est, Jéricho.

— Au nord, Béthoron (Beit’Vr), souvent mentionnée dans les Talmuds comme ville natale de docteurs ; Éphrem (Et-Tayibéh), où Notre-Seigneur se retira quelque temps avant sa passion, Joa., xi, 54 ; Gophna (Djifnéh), ville très populeuse, selon les Talmuds ; ’Akrabah (Aqrabélt), capitale de la toparchie de même nom. Cf. À. Neubauer, La géographie du Talmud, p. 67163.

II. Histoire.

La plupart des Hébreux qui revinrent de la captivité étaient de la tribu de Juda et occupèrent le territoire de l’ancien royaume de Juda. De là, le nom de Judée donné à ce nouveau district et celui de Juifs donné à ses nouveaux habitants. Sous les Perses, le pays formait une province (niedînâh) appartenant à la cinquième satrapie de l’empire (Hérodote, iii, 91) et administrée par un gouverneur (péhàh), qui était généralement un Juif assisté d’un conseil des anciens, résidant à Jérusalem. Agg., i, 1, 14 ; ii, 3, 22 ; II Esd., v, 14, 18 ; Tii, 26. Après la prise de Tyr et de Gaza, il passa sans secousse violente sous la domination d’Alexandre. Après avoir été au pouvoir des Plolémées et des Séleucides, il recouvra son indépendance sous les Machabées, puis devint tributaire des Romains. L’an 37 avant J.-C, Hérode le Grand, déjà proclamé roi des Juifs par un décret du Sénat romain, monta sur le trône de Jérusalem, et c’est sous son règne que naquit le Sauveur. Matth., Il, 1 ; Luc, i, 5. Il eut pour successeur son fils Archélaus, Matth., Il, 22, qui, après avoir perdu son titre de roi, pour ne conserver que celui d’ethnarque, fut déposé au bout de dix ans. Le territoire fut alors rattaché à la province de Syrie, puis il fut administré par des procurateurs. C’est sous le gouvernement d’un de ces derniers, Ponce-Pilate, que se passèrent les grands faits évangéliques, la prédication de saint Jean-Baptiste, Luc, iii, 1, la vie publique, la passion, la mort et la résurrection du divin Rédempteur. Matth., xxvir, 2. En 41, la Judée fut mise par Claude entre les mains d’un petit-fils d’Hérode le Grand, Agrippa Ier, puis elle fut de nouveau confiée à des procurateurs, dont deux sont connus dans l’Écriture, Félix (52-60), Act., xxiii, 24, 26, et Porcius Festus (60-62). Act., xxiv, 27. Le dernier procurateur romain fut Gessius Florus (64-66). Enfin la Judée tomba avec Jérusalem (70), et fut représentée sur un grand nombre de monnaies sous les traits d’une femme assise sous un palmier et pleurant, avec la légende Jud^ea. capta. Voir fig. 263, col. 1394. Cf. F. W. Madden, History of Jewish comage, Londres, 1864, p. 183-196. Ce simple résumé suffit, l’histoire de la Judée se confondant avec celle de Jérusalem et des Juifs. Voir Jérusalem, col. 1384-1395. La gloire de cette province est de garner le berceauetletombeau de Notre-Seigneur. — Pour le caractère des habitants, par opposition à celui des Galiléens, voir Galiléen, col. 95. Pour le reste, voir Palestine III. Bibliographie.

Reland, Palœstina, Utrecht, 1714, 1. 1, p. 31-37, 176-179, 185-193 ; A. P. Stanley, Smai and Palestine, Londres, 1866, p. 159-166, 199-223 ; A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868,.

p. 59-163 ; V. Guérin, Judée. 3 in-8o, Paris, 1868-1869 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. m ; Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 139-159, 199-213, 236-288 ; G. A. Smith, The historical geography of the Holy Land, Londres, 1894, p. 201320 ; F. Buhl, Géographie des alten Palàstina, Fribourgen-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 81-82, 131-199.

    1. JUDÉO-CHRÉTIENS##


JUDÉO-CHRÉTIENS. Les judéo-chrétiens, comme leur nom l’indique, étaient des chrétiens de sang juif, par opposition aux païens convertis ; o, ii, dans un sens plus restreint, des chrétiens originaires de Palestine et parlant hébreu, par opposition aux Juifs hellénistes. Les judéo-chrétiens étaient généralement attachés à la Loi de Moise, mais sans la considérer comme nécessaire au salut et sans vouloir à tout prix l’imposer aux autres : c’est par là qu’ils se distinguaient des judaïsants. Une des plus funestes erreurs de l’école de Tubingue a été de confondre pratiquement les judaïsants avec les judéochrétiens. La confusion persiste encore dans le langage et rend à peu près inintelligibles certains ouvrages publiés par les protestants de nos jours.

I. Les judéo-chrétiens dans l’Église primitive. — 1° Églises palestiniennes.

Les judéo-chrétiens y dominaient de beaucoup, presque à l’exclusion des autres. A Jérusalem, par exemple, nous ne trouvons aucune mention de gentils convertis directement du paganisme. Il y avait seulement un nombre considérable de Juifs hellénistes, qui nécessitèrent de bonne heure la création de sept diacres spécialement chargés d’eux. La présence d’anciens proséljtes de la justice qui, ayant reçu la circoncision, ne se distinguaient en rien des vrais Juifs, y est aussi très vraisemblable. Quand, peu d’années après l’Ascension, à la suite de la persécution qui se déchaîna lors du martjre d’Etienne, tous les fidèles, à l’exception des Apôtres, se dispersèrent dans les villes de Judée et de Samarie, les fugitifs semèrent partout l’Évangile, mais en s’adressant seulement aux Juifs et aux prosélytes. Act., viii, 1-40. Les scrupules de Pierre et l’étonv -’nement des disciples à la conversion du centenier Corneille montrent qu’on était en présence d’un fait extraordinaire, d’un cas de conscience tout nouveau. À partir de ce jour, les choses changent en principe : néanmoins les gentils convertis ne formèrent longtemps qu’une très faible minorité dans les églises de Palestine. La première prédication adressée aux païens en masse eut lieu à Antioche. Act., XI, 20.

Églises fondées par saint Paul.

Ici la proportion est renversée. Ces églises sont presque toutes mixtes, c’est-à-dire composées de Juifs et de gentils, de telle sorte que les Juifs fournissent d’ordinaire le premier noyau, tandis que les gentils en constituent la masse. Paul avait coutume de prêcher d’abord dans la synagogue, où sa qualité d’hébreu lui assurait toujours bon accueil. Il ne quittait la synagogue que lorsque les Juifs l’en expulsaient de force. C’est dans la synagogue qu’il inaugure ses prédications, à Salamine, Act., xiii, 5, à Antioche dePisidie, xiii, 15, 43, à Iconium, xiv, 1, probablement aussi à Lystres, et certainement à Thessalonique, xvii, 2, à Bérée, ꝟ. 10, à Athènes, ꝟ. 17, à Corinthe, i xviii, 4, à Éphèse, xviii, 19, même pendant son troisième voyage, XIX, 8. La déclaration qu’il fit dans la synagogue d’Antioche de Pisidie, devant les Juifs ameutés contre lui, donne la raison de sa conduite : « Il fallait vous annoncer tout d’abord la parole de Dieu ; mais puisque, vous en jugeant indignes, vous la repoussez, nous nous tournons désormais vers les gentils. » Act., xiii, 46. Cependant cette menace ne devait pas être définitive. Elle fut renouvelée, quelques années plus tard, à Corinthe, Act., xviii, 6 ; et cela n’empêcha pas l’Apôtre de s’établir pendant trois mois dans la synagogue d’Éphèse, Act., xii, 8, qu’il n’échangea contre l’école de Tyrannus que lorsque la position y fut intenable. Dans la plupart de ces

villes, il est expressément spécifié que des Juifs, aussi bien que des gentils, se convertirent à la voix de Paul. Mais le plus fort contingent de catéchumènes fut sans doute fourni par ces hommes pieux qui fréquentaient la synagogue, attirés par la logique du monothéisme israélite et la pureté de sa morale, sans être encore incorporés par la circoncision à la nation élue. Leur nom était O56<5[isvoi tôv ©s<Sv, Act, XVI, 14 ; xviii, 7 ; creëônsvoi icpoor{kvToi, xiii, 43 ; <jeë<i[j.evot "EX).y)v£ ;, XVII, 4, ou simplement <T£ë6|jiev9t, xvii, 17 ; xiii, 50, ou encore <poëoO|j.£voi tôv ®eov, xiii, 16, 26, en latin metuentes, colentes Deum, religinsi. Le récit de saint Luc nous montre quel rôle important ils jouèrent dans la fondation des églises de la gentilité. — Deux communautés chrétiennes, celle de Philippes et celle des Galates, paraissent n’avoir reçu l’élément juif qu’à une dose insignifiante.

Autres Églises.

Le même caractère mixte s’y rencontre. Cependant, presque toujours un no^au juif précède ; les prosélytes et les gentils ne font que suivre. Au retour de leur première mission, vers l’an 49, Paul et Barnabe annoncèrent aux églises de Phénicie la conversion des païens comme une chose nouvelle qui remplit de joie les fidèles. On est quelquefois surpris de voir les Douze s’attarder si longtemps à Jérusalem ; mais, outre qu’ils se conformaient ainsi aux instructions de leur divin maître, Luc, xxiv, 47 ; Act., i, 8, nul champ d’apostolat n’était plus fécond. Les Juifs et les prosélytes de &diaspora qui se rendaient périodiquement auTemple y entendaient l’Évangile et répandaient ensuite la bonne semence dans tout l’univers. Quand une église s’était ainsi fondée d’elle-même, les Apôtres allaient l’organiser. Act., xi, 19-20. Tels furent les humbles débuis des églises de Chypre, de Phénicie, d’Antioche, et sans doute d’Alexandrie et de Rome. Avant la conversion de Paul, il y avait à Damas une petite réunion de fidèles qui fréquentaient encore la synagogue, puisque c’était là que le futur docteur des nations allait les pourchasser. Act., ix, 2. Mais il arriva que presque partout, hors de Palestine, l’élément juif déclina peu à peu et se fondit entièrement dans la multitude des nouveaux adeptes.

II. Les judéo-chrétiens et la loi mosaïque.

Les disciples avaient appris de Jésus lui-même à honorer la Loi, Matth., v, 17-19 ; xxiii, 22-23 ; Luc, xvi, 17, à vénérer le Temple. Matth., xxi, 12. Sans imiter le formalisme des pharisiens, ni s’astreindre à leurs interprétations rigoristes, le Sauveur avait daigné se conformer aux prescriptions mosaïques. Les Apôtres purent se croire tenus d’imiter leur Maître jusqu’à ce que le ciel manifestât une volonté contraire. C’était d’ailleurs une condition essentielle de leur apostolat auprès de leurs compatriotes. Jamais les pharisiens n’auraient consenti à se mettre en rapport avec des violateurs de la Loi. Aussi la vie des premiers chrétiens de Jérusalem devait-elle différer peu, à l’extérieur, de celle des Juifs pieux de leur temps. Ils se réunissaient en particulier pour la prière, le chant des Psaumes et la fraction du pain eucharistique ; mais ils se soumettaient scrupuleusement aux présentions légales concernant les aliments. Act., x, 14. Aux jeûnes ordonnés par la Loi ou la coutume, ils en ajoutaient de volontaires, xiii, 2-3 ; XIV, 22 ; ils observaient les heures fixées pour la prière, ii, 46 ; iii, 1 ; v, 42 ; x, 9 ; ils faisaient des vœux et les accomplissaient dans le Temple, suivant les rites traditionnels, xviii, 18 ; xxi, 23 ; ils célébraient comme les autres le sabbat etles fêtes religieuses, ii, 1 ; xviii, 4- ; xx, 6, 16 ; ils faisaient circoncire leurs enfants et n’admettaient, en règle générale, de néophytes que ceux qui étaient passés par le judaïsme. Longtemps après, la question se pose s’il ne faut pas obliger les gentils eux-mêmes à recevoir la circoncision. Enfin, au témoignage de saint Jacques, tous les fidèles de Jérusalem étaient zélés pour la Loi (toxvteç ÏTiXwTct’i toû vôjtou) et ils se scandalisaient en apprenant que Paul dispensait les Juifs de la diaspora de l’obliga

tion de faire circoncire leurs enfants. Act., xxi, 20-21. D’après un écrivain du H æ siècle, Hégésippe, saint Jacques était lui-même un rigide observateur de la Loi à laquelle il ajoutait les pratiques d’un nazaréat perpétuel. Cf. Eusèbe, H. E., ii, 23, t. xx, col. 197. Ce que nous disons de Jérusalem doit s’entendre, proportions gardées, de toute la Palestine et des pays circonvoisins. A Damas, l’évêque Ananie était pieux selon la Loi (£Ùdsë » i ; xarà ràv véfiov) et tous les Juifs de la ville lui rendaient ce témoignage. Act., xxii, 12. — Ailleurs on usa de tempérament. Les Juifs furent libres d’obserer leur Loi dans la mesure où leur piété les y poussait et, pour rendre les rapports sociaux possibles entre eux et les gentils, on obligea ces derniers, dans les églises mixtes ou les Juifs formaient une fraction importante, d’observer certaines prescriptions relatives aux aliments. Act., xv, 20, 29. Il fallait tenir compte en effet des répugnances invincibles des Juifs pour les viandes étouffées ou non saignées, et même de leurs scrupules religieux, notamment au sujet des victimes offertes aux idoles. Nous -voyons saint Paul donner l’exemple de cette condescendance, lorsqu’il vit dans un milieu juif ; il fait circoncire Timothée, Act., XVI, 3 ; il se soumet aux cérémonies de la purification légale, Act., xxi, 26 ; il insinue qu’il aurait pu céder sur la circoncision de Tite, si on ne l’avait exigée comme un droit, Gal., ii, 3-4 ; il proteste qu’il s’abstiendra à jamais de viande si ce metsdoit scandaliser ses frères et perdre une âme rachetée du sang de Jésus-Christ, I Cor., viii, 13 ; Rom., xiv, 15 ; il pose ce grand principe que tout ce qui est strictement licite n’édifie pas, I Cor., x, 23, qu’il faut avoir égard aux scrupules, aux préj ugés des faibles (il parle des judéochrétiens ) en ce qui regarde les aliments et les jours fériés. Rom., xiv, 1-6, 13-15, 19-23. Paul n’est intransigeant que sur les principes et lorsque la pureté de la vérité évangélique est en danger.

III. Derniers vestiges des judéo-chrétiens.

À la veille de la grande révolte qui devait mettre fin à la nation juive, vers l’an 66, les chrétiens de Palestine se réfugièrent au delà du Jourdain, dans une ville de la Décapole, nommée Pella. D’autres s’établirent à Kokabé (ou Choba), en Basanitide, et à Bérée (Alep) en Syrie. Quoique maudits dans toutes les synagogues par leurs compatriotes restés infidèles, ils demeuraient obstinément attachés à la Loi mosaïque. Cependant ils avaient la prétention d’être chrétiens. Ce fut dans le courant du iie siècle qu’on commença à les considérer comme séparés de l’Église catholique. D’ailleurs, de grossières erreurs s’étaient glissées peu à peu dans leur enseignement ; la ligne de démarcation entre les ébionites et les nazaréens n’est pas facile à tracer ; et le seul fait d’observer opiniâtrement une loi morte, désormais sans objet et sans signification, les classait parmi les hérétiques ; de judéo-chrétiens ils devenaient judaisants. Ces petites sectes disparurent enfin dans l’oubli. Voir Judaisants. F. Prat.

JUDI (hébreu : Yehudi, « le Judéen ; s Septante [Jer., xliii, 14, 21, 23] : ’IouSiv), fils de Nathanias, fils de Sélémias, fils de Chusi. Les princes de la cour du roi Joakim l’envoyèrent auprès de Baruch pour que ce dernier leur apportât le rouleau des prophéties de Jérémie qu’il avait lues au peuple. Quand Baruch leur en eut fait la lecture, ils déposèrent le rouleau dans la chambre d’Élisama le scribe et en communiquèrent le contenu au roi. Joakim se fit apporter et lire la prophétie par Judi, mais quand celui-ci en eut lu les trois ou quatre pages, le roi déchira le rouleau avec un canif et le jeta au feu. Jer., xxxvi, 14-23.

JUDICIAIRE(PORTE) (hébreu : Sa’arham-Mifqâd ; Septante : w ! ù.i] toO Maqisxiê ; Vulgate : porta judicialis), porte de Jérusalem située au nord-est du Temple.

IIEsd., 111, 30 (hébreu, 31). Voir Jérusalem 14°, col. 1365. Un passage d’Ézéchiel, xliii, 21, semble indiquer que c’était là qu’on brûlait la victime offerte en sacrifice pour le péché, en dehors du sanctuaire, mais à l’intérieur des murs de la ville : « Tu prendras le veau pour le [sacrifice du] péché, et on le brûlera dans le mifqâd de la maison, hors du sanctuaire. » Mifqâd signifie « un lieu déterminé, désigné ». La Vulgate l’a traduit par in separato loco, dans Ézéchiel, etpar^itdieiaïisdansNéhémie, peut-être parce que le prétoire où l’on rendait les jugements du temps des Romains, était situé au nord du Temple, dans la citadelle Antonia, ou bien peut-être parce que cette porte conduisait à la vallée de Cédron que l’on appelait déjà du temps de saint Jérôme vallée de Josaphat ou du jugement. Voir col. 1652.

    1. JUDITH##

JUDITH (hébreu : Yehûdîf ; Septante : ’IouSi’6), nom d’une Héthéenne et de l’héroïne de Béthulie.

    1. JUDITH##


1. JUDITH, fille de Bééri l’Héthéen et première femme d’Ésau. Gen., xxvi, 34. Elle est appelée Oolibama dans Gen., xxxvi, 2, 18, 25. Voir Bééri 1, t. i, col. 1548.

    1. JUDITH##


2. JUDITH, libératrice de Béthulie. — 1° Biographie. — Elle nous est connue uniquement par le livre qui porte son nom. Ni Philon, ni Josèphe ne la mentionnent. Nul autre écrivain sacré ne la nomme. Elle entre en scène au chapitre viii, au moment où Béthulie, réduite à l’extrémité par la famine, est sur le point de se rendre à Holoferne. — Depuis trois ans et demi qu’elle avait perdu son mari Manassès, elle vivait dans la retraite, la pratique d’une piété austère et un jeûne perpétuel qu’interrompaient seuls le sabbat et les jours de fête. Sa vertu éprouvée faisait taire la médisance, viii, 1-8. Ayant appris que les assiégés allaient se rendre dans cinq jours si le secours ne venait pas, elle mande les chefs, les reprend de leur pusillanimité, relève leur courage et leur promet la délivrance, avant cinq jours écoulés, s’ils s’en rapportent pleinement à elle pour l’exécution d’un projet dont elle ne peut encore leur confier le secret. Ils consentent à tout, ꝟ. 9-36. Après leur départ, Judith s’enferme dans son oratoire et là, revêtue d’un cilice (d’après la Vulgate), la tête couverte de cendres, elle adresse à Dieu une longue et fervente prière, IX. Ensuite, elle reprend les parures d’autrefois, depuis longtemps abandonnées ; et Dieu ajoute à sa beauté naturelle un éclat surhumain (d’après la Vulgate). Alors, en compagnie d’une servante portant une besace remplie de provisions de bouche, elle sort de la ville, se dirige vers le camp des Assyriens et, comme elle l’avait prévu, elle est conduite en présence d’Holoferne, x. Accueillie avec bienveillance, elle expose les motifs de sa venue. Béthulie ne peut plus tenir longtemps. Les habitants, pressés par la famine, ont eu recours à des aliments interdits par la Loi. Dieu est irrité contre eux. Leur perte est inévitable. Voilà pourquoi Judith s’est réfugiée auprès du chef assyrien, auquel Dieu destine la victoire, xi. Ces paroles flattent Holoferne qui l’invite à sa table. Elle s’y refuse, prétextant l’observation exacte de la Loi mosaïque. On la laisse libre ; on l’autorise même à sortir tous les matins du camp pour prier à sa fantaisie et faire ses ablutions accoutumées. Cependant, le quatrième jour, Holoferne envoie l’eunuque Bagoas (Vulgate : Vagao) la presser d’assister à un festin qui se donnait dans la tente du généralissime. Judith s’y rend, mais ne touche qu’aux mets préparés par sa servante. Sa vue inspire au chef ennemi une passion violente que les fumées d’un vin généreux portent à l’excès, XII. La nuit venue, tous les invités se retirent les uns après les autres et Judith reste seule avec Holoferne plongé dans l’ivresse, pendant que la servante surveille les abords de la tente. S’armant de courage et invoquant dans son cœur le Dieu des forts, l’héroïne prend

le glaive du chef suspendu au chevet du lit et en deux coups tranche cette tête abhorrée qu’elle place dans la besace. Ensemble, les deux femmes sortent du camp, comme à l’ordinaire, sans éveiller les soupçons et parviennent sous les murs de Béthulie. On devine la scène qui va se passer. Ce sont des cris d’enthousiasme, des bénédictions, des actions de grâces, une joie délirante, xiii. Sur les conseils de Judith, on suspend aux murailles la tête d’Holoferne et on se prépare à une sortie générale dès le point du jour. Les Assyriens atlaqués avec furie courent réveiller leur général ; ils ne trouvent qu’un cadavre sanglant, xiv. La panique s’empare d’eux, ils prennent la fuite : la déroute est complète et les Juifs des villes voisines, avertis, harcèlent les fuyards. Le butin est immense. — À ces nouvelles, le grand-prêtre Joacim vint de Jérusalem, pour voir et féliciter Judith, et il lui adressa ces paroles que l'Église applique maintenant avec raison à une libératrice plus glorieuse que l’héroïne de Béthulie, à la Sainte Vierge : « Vous êtes la gloire de Jérusalem, la joie d’Israël, l’orgueil de notre race. Et tout le peuple répondit : Amen, amen ! » XV. C’est alors que Judith entonna son cantique qui égale en beauté et en sublime le chant de Débora ou l’hymne de Marie, sœur de Moise. — Quelques détails biographiques terminent le livre. Judith consacre à Dieu toute sa part de butin. Elle reste fidèle à la mémoire de son époux Manassès et vit entourée de l’admiration et de la vénération du peuple. Elle meurt à l'âge de cent cinq ans (ou cent cinq ans après son mariage). Durant ce laps de temps et plusieurs années après sa mort, aucun ennemi n’inquiéta Israël. La Vulgate ajoute : « L’anniversaire de sa victoire fut compté par les Hébreux au nombre des jours saints et il est célébré par eux jusqu'à l’heure actuelle, » xvi.

Généalogie de Judith.

Elle est assez différente

suivant les textes. Voici celle de la Vulgate : nous donnons, quand il y a lieu, entre parenthèses, les variantes du grec et du syriaque. Judith était fille de Mérari, fils d’Idox ("ÛÇ, 'Ûz), fils de Joseph, fils d’Ozias ('O^i-fa, 'Ozziêl), fils d'Élai ('EXxe'.à uîoO 'ffXsioû, Elqanâ), fils de Jamnor (le Vaticanus omet ce nom et les trois suivants,-le Sinaiticus et l’A lexandrinus portent : 'Avavtoî, Jianân), fils de Gédéon (Gab'ûn), fils de Raphaîm (Dafnin), fils d’Achitob (après Achitob le syriaque intercale Nain), fils de Melchias (XeXxefoi ;), fils d'Élan ('EXsâë, Gir)., fils de Nathanias (Na8 « va^X), fils de Salathiel (SaXa|Ai » i)., Samuel), fils de Siméon (Eocpa<ra8aQ, fils de Ruben ('Iapar^, Israël). Le dernier nom, dans la Vulgate, est certainement fautif. Il faut lire Israël, avec le grec et le syriaque, au lieu de Ruben. Judith appartenait à la tribu de Siméon, ix, 2 (grec). Le Sarasadai du texte grec est un descendant de Siméon qui vivait au temps de l’Exode. Num., i, 6, 11, 12 (Surisaddai). Son fils était Salamiel, comme le grec l'écrit correctement, et non Salathiel (Vulgate) ou Samuel (syriaque). Manassès étant également de la tribu de Siméon, viii, 2 (grec), ainsi qu’Ozias chef de Béthulie, VI, 11 (grec, VI, 15), on suppose que la ville de Béthulie fut occupée par une troupe de Siméonites, lors de leur grande émigration, sous Ézéchias. I Par., IV, 39-41.

Moralité des hauts faits de Judith.

Plusieurs

écrivains se sont donné beaucoup de peine pour justifier de tout point quelques actions de Judith : le danger auquel elle expose sa vertu, les moyens qu’elle emploie pour tromper et séduire Holoferne, l'éloge qu’elle semble faire de la vengeance de Siméon. Pour répondre à ces difficultés, il suffit de ces quelques remarques : 4. L'Écriture n’approuve pas tout ce qu’elle raconte ; et, même dans les saints personnages, elle ne propose pas toutes les actions indistinctement à notre imitation ; surtout dans l’Ancien Testament, où l’idéal de sainteté est moins sublime. — 2. La bonne foi de Judith parait incontestable et l’on peut tout au moins louer son inten tion. Voir S. Thomas, IIa-IIæ, q. ex, a. 3. — 3. Si Holoferne est trompé par les paroles de Judith, c’est à luimême qu’il doit-imputer son erreur. S’il n’eût été aveuglé par la passion, il aurait dû flairer un piège, une ruse de guerre, de la part de la belle transfuge. Or jamais les slratagèmes entre belligérants n’ont été condamnés et le droit des gens, à cette époque, les autorisait. — 4. Enfin, Judith mentionne bien l’action d'éclat de Siméon son aïeul, mais sans louer la manière injuste et déloyale dont il tira vengeance des Sichémites. D’ailleurs, si elle l’approuvait, ce ne serait qu’en vertu d’une erreur invincible contre laquelle la sainteté ne prémunit pas toujours. — Judith est donc digne par sa piété, sa chasteté éprouvée, son ardent patriotisme, son courage et son désintéressement, des éloges que les Pères lui décernent à l’envi. Elle a mérité d'être une des figures les plus attachantes de la Vierge Marie qui, comme Judith, a vaincu le grand adversaire, sauvé son peuple et délivré le venre humain. Aussi beaucoup de passages empruntés à ce livre sont-ils entrés dans la liturgie catholique. Ajoutons que les exploits de Judith ont inspiré d’innombrables artistes, sculpteurs, peintres et littérateurs. Cf. Palmieri, De verit. histor. Ulri Judith, Golpen, 1886, p. 47-48 ; Serarius, In Tobiam, Judith, etc., commentarius, Mayence, 1599, p. 357-372.

F. Prat.

    1. JUDITH (LIVRE DE)##


3. JUDITH (LIVRE DE). — J. TEXTE ET VERSIONS. —

Nous ne possédons plus le texte original de ce livre. Ceux qui, à la suite de Louis Cappel, le croyaient composé en grec ont été victorieusement réfutés parMovers et Fritzsche. Les hébraismes perpétuels (par exemple o-çdôpa erçôSpa, traduisant me'ôd me'ôd, répété une trentaine de fois), presque toutes les conjonctions remplacées par x « i, l’absence à peu près complète de& particules dont le grec fait si grand usage (oiv, apa, ts ne paraissent jamais, [iév une seule fois, 8é et àlXâ manquent totalement dans certains chapitres), plusieurs nonsens qui ne s’expliquent que par des fautes de traduction et autres indices semblables prouvent à l'évidence une origine sémitique. Cf. Cornely, Introduclio, t. ii, part, i, p. 392-393. L’araméen lui-même ne rend pas compte de tous ces phénomènes et il semble nécessaire de supposer un original hébreu. Cependant, Origène ne connaissait de son temps aucun texte hébreu de Judith et les Juifs qu’il consulta n’en surent pas davantage. Epist. ad. Afric., t. xi, col. 80. Au contraire, les Juifs de Palestine en possédaient un texte chaldéen (ou araméen) > et le rangeaient parmi les apocryphes. C’est sur ce texte que saint Jérôme fit sa version. Prsefat. in Judith, t. xxix, col. 37.

Version grecque.

Il en existe une trentaine de

manuscrits assez différents entre eux et qu’on a vainement tenté jusqu’ici de réduire à trois ou quatre familles. Il faut dire qu’ils n’ont pas encore été collationnés avec assez de soin. Cf. Scholz, Commentar ûber das Buch Judith, 2e édit., Leipzig, 1898, p. xvii-xxiii. On trouve en appendice dans ce commentaire, p. H-CXXH, deux textes grecs, intégralement reproduits, dont la comparaison est intéressante. Le premier n’est autre que celui de l'édition sixtine, basée sur le codex du Vatican ; le second est une copie du cod. 71, conservé à Paris, notablement plus court et, au dire de Scholz, le plus précieux au point de vue critique. Une édition critique du livre de Judith a été publiée par Fritzsche, Lib. apocr. Vet. Test, grsece, Leipzig, 1871, p. 165-203 ; une autre, en 1891, par Swete, The Old Testament in Greek, t. ii, p. 781-814 (au bas des pages sont les variantes des principaux codex). Le texte du manuscrit de Paris, supplément grec, 609, qu’on croit représenter la revision d’Hésychius, est imprimé, parallèlement avec celui de l'édition sixtine, dans F. Vigouroux, La Bible polyglotte, t. iii, 1902, p. 528-602. Le texte syriaque, peu différent du texte grec, se trouve, dans la Polyglotte de Walton et a été édité par Lagarde, Libri Vet. Test, syriace, 1861, p. 744-790.

Version latine.

Elle fut faite par saint Jérôme sur

les instances de quelques amis, peut-être Chromatius et Héliodore, au milieu d’autres' occupations absorbantes. Le grand docteur ne consacra à ce travail qu’une seule séance (huic unam lucubratiunculam dedi) et comme il n'était pas très familier avec l’araméen, il dut procéder comme il avait fait pour Tobie : un Juif versé dans les deux langues traduisait en hébreu le texte araméen et saint Jérôme le dictait en latin à son secrétaire. Il déclare avoir voulu plutôt rendre le sens que le mot à mot (inagis sensume sensu quant ^ex verbo verbum transfèrent). On voit par la comparaison dés versions qu’il a utilisé l’ancienne Vulgate et qu’il s’est sans doute borné quelquefois à la corriger. Il a retranché tout ce qui ne se trouvait pas dans son exemplaire araméen qu’il regardait comme l’original (multorum codicum varietatem vitiosissimam amputavi) et n’a rendu en latin que ce qui fournissait un sens complet en chaldéen (sola ea, qum intelligentia intégra in verbis Chaldseis invenire potui, LaUnis expressï). Les abréviations qui résultèrent de ce travail, par rapport au grec et à l’ancienne Vulgate, sont très considérables. Elles se montent à peu près au cinquième de l’ouvrage entier.La question de savoir quelle version représente le mieux le texte original est donc tort importante, mais encore indécise. Il est bon de remarquer cependant que les divergences portent surtout sur des faits accessoires, étrangers à l’objet principal du livre : construction d’Ecbatane, révolte contre l’Assyrie, campagnes d’Holoferne, prières plus ou moins longues de Judith, etc. On trouve le texte de l’ancienne Vulgate dans Sabatier, Biblior. sacr. Lat. versiones antiquæ, 1743, t. i, p. 744-799. Elle diffère notablement de la Vulgate actuelle.

L’histoire de Judith en hébreu.

Nous avons dit

que les originaux de nos versions étaient perdus ; mais on connaît maintenant plusieurs écrits hébraïques où sont relatés les exploits de Judith. Ce sont des compositions du genre midrasch. Il y en a deux dans Jellinek, Bel h hamidrasch, 1. 1, p. 131-132 ; t. ii, p. 12-22, et, en allemand, dans Scholz, Commentât Mer Judith, appendice, p. iii-cxvii, cxlviii-cl. Le plus court de ces écrits n’est qu’un résumé de l’histoire de Judith, reproduite de mémoire et très librement. Le plus étendu, à partir du chap. vi, suit assez fidèlement le grec et la Vulgate. Pour les cinq premiers chapitres, il n’y a qu’une introduction de quelques lignes : Holoferne, roi des Grecs (Javan), vient mettre le siège devant Jérusalem, avec 120000 fantassins et 12000 cavaliers ; un de ses vassaux, roi lui aussi, lui prédit les difficultés de l’entreprise. — Gaster, An unknown Hebrew version of the history of Judith (dans les Proc. of the Soc. of bibl. Arch., 1894, t. xvi, p. 156-161), fait connaître une nouvelle recension, découverte par lui, du texte le plus court. Judith est une vierge, le roi ennemi est Séleucus ; il assiège en personne Jérusalem. Le récit n’a qu’une soixantaine de lignes. Il s’ouvre par cette note intéressante : 6 Nos docteurs disent : Le 18 adar ( « fête » ou « défense déjeuner » ) ; c’est le jour où Séleucus monta. » Cette note est dans le style des dates de la Megillath Taanith. Il est d’ailleurs à noter que la synagogue aimait à rapprocher l’exploit de Judith de l’histoire des Machabées ; on lisait ce merveilleux récit à la fête de la Dédicace établie par Judas Machabée. Cf. Gaster, p. 158, Jellinek, ii, 12-22. — En résumé, pour les rabbins, la ville délivrée est toujours Jérusalem ; l’héroïne est tantôt une veuve, tantôt une vierge ; le roi ennemi est soit Holoferne, roi des Grecs, soit le Roi des nations, soit Séleucus.

II. Analyse sommaire.

Dans ce court exposé nous suivons l’ordre et le texte de la Vulgate.

PREMIÈRE PARTIE : ANTÉCÉDENTS HISTORIQUES, I-VII.

— Première section. Guerres de Nabttchodonosor, i-m.


— 1. Défaite d’Arphaxad. Défection de l’Occident, 1, 112. — 2. Holoferne chargé de châtier les vassaux rebelles, ii, 1-10. — 3. Campagnes d’Holoferne en Asie Mineure, en Mésopotamie, en Syrie, ii, 11-m, 15. — Deuxième section. Invasion de la Palestine, iv-vn. — 1. Les Juifs se préparent à la résistance, rv. — 2. Achior résume, devant Holoferne, l’histoire des Juifs, v. — 3. Il est livré aux Juifs par Holoferne irrité, VI. — 4. Les Assyriens bloquent étroitement Béthulie, vu.

DEUXIÈME PARTIE : EXPLOITS DE JUDITH, VIII-XVI. —

Première section. Préparatifs, viii-ix. — 1. Judith fait agréer ses projets aux chefs de la ville, viii. — 2. Elle adresse une tervente prière au Dieu d’Israël, rx. — Deuxième section. Exécution, x-xiii, 10. — 1. L’héroïne se rend auprès d’Holoferne, x. — 2. Elle expose les motifs de sa conduite, xi. — 3. Sa vie au camp assyrien. Le banquet, xii. — 4. Elle tranche la tête d’Holoferne et s’enfuit, xhi, 1-10. — Troisième section. Retour triomphal, xiii, 11-xvi. — 1. Judith rentre à Béthulie avec son sanglant trophée, xiii, 11-31. — Sortie générale des assiégés ; désastre des Assyriens, xiv, l-xv, 8. — 3. Judith comblée de bénédictions et de dons, xv, 9-15. — 4. Cantique de Judith, xvi, 1-21 ; réjouissances publiques, 22-24. — 5. Derniers jours et mort de l’héroïne, XVI, 25-30 ; fête commémorative, 31.

III. Canonicite et historicité.

Ces deux caractères, généralement étudiés ensemble, sont cependant très distincts, puisqu’un livre peut faire partie du canon sans être de l’histoire, à plus forte raison de l’histoire au sens strict du mot. Il importe donc de les étudier séparément, avec leurs arguments respectifs.

I. CANONKITÊ.

Judith est un des sept livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Rien ne montre qu’il ait jamais fait partie du canon palestinien. Origène assure que les Juifs de son temps ne le possédaient pas en hébreu. Saint Jérôme, qui le trouva en araméen, nous apprend que les Juifs le lisaient, mais en qualité d’apocryphe. Ces informations divergentes s’expliquent par la différence des Juifs consultés. Ce livre devait entrer dans le canon alexandrin, bien que Philon n’ait pas eu occasion de le mentionner, et l'Église, en adoptant le canon alexandrin, le reçut comme inspiré. Il est cité par Clément de Rome, I Cos., 55, t. i, col. 320 ; Clément d’Alexandrie, Strom., IV, 19, t. viii, col. 1328 ; Origène, Hom.xix in Jerem., t. xiii, col. 516 ; Tertullien, Monog., 17, t. ii, col. 952 ; S. Ambroise, De offic, iii, 13, et De vid., 7, t. xvi, col. 169, 240 ; S. Fulgence, Epist., Il, 14, t. lxv, col. 319. Saint Jérôme qui, au point de vue du canon juif, le place quelquefois parmi les apocryphes, Prsef. in libr. iSalom., t. xxviii, col. 1 242, ou émet des doutes sur sa canonicite, Epist., liv, 16, t. xxii, col. 559, n’en écrit pas moins à Principia, Epist., lxv, t. xxii, col. 623 : Ruth, Esther et Judith ont eu la gloire de donner chacune son nom à un livre sacré. Saint Augustin, met Judith dans sa liste des livres inspirés, De doctr. christ., ii, 8, t. xxxiv, col. 41. Cette liste, approuvée par le concile de Carthage, en 397, sanctionnée par les conciles de Florence et de Trente, est devenue le canon de l'Église catholique. — Le livre de Judith n’est pas cité dans le Nouveau Testament et les allusions qu’on veut y voir sont pour le moins très incertaines. Cf. I Cor., x, 910, et Judith, viii, 24-25 ; Luc, i, 42, et Judith, xiv, 7 ou xiii, 24 (Vulgate) ; Matth., xiii, 42-50, et Judith, xvi, 21 ; Act., IV, 24, et Judith, ix, 11 (grec, 12). — Les Juifs du Talmud, tout en excluant Judith de leur canon, admettent que ce livre, composé après les derniers prophètes, c’està-dire après que l’Esprit-Saint eut quitté Israël, fut cependant écrit, comme Tobie et d’autres ouvrages, avec le secours de la Bath qôl, « fille de la voix, n sorte d’inspiration inférieure. Voir t. i, col. 1056. Cf. R. Martin, Pugio fidei, Paris, 1651, observ. de J. de Voisin, p. 104 ; Jellinek, Beth hamidrasch, Leipzig, 1851, 1. 1, p. 130. //, historicité. — Elle ne tut pas révoquée en doute

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leçons douteuses, à des variantes fournies par une version seulement : par exemple la mention de la fête commémorative instituée en l’honneur de Judith (Vulgate, xvi, 31), la mention des vigiles, du sabbat et des néoménies (izpoaaè6&zu>v, izpovov^vi&y, texte grec, viii, 6), certains détails sur les expéditions du roi d’Assyrie, etc. Or aucun livre de l’Écriture n’a souffert autant de la part des copistes et des traducteurs. — 3. Les découvertes modernes ont levé plusieurs de ces difficultés. En particulier, Béthulie et le principal théâtre de la guerre se prêtent maintenant à une localisation qui laisse peu de chose à désirer. Voir Béthulie, t. i, col. 1757-1762. De nouvelles trouvailles peuvent éclaircir d’autres points obscurs. — 4. L’objection tirée des noms propres est la plus sérieuse et nous ne croyons pas qu’on y ait fait jusqu’ici une réponse de tous points satisfaisante. Voici ce qu’on peut dire en général : — a) Nabuchodonosor.

— Ce nom revient vingt fois dans le texte grec et la version syriaque, i, 1, 5, 7, 11, 12 ; ii, 1, 4, 19 ; iii, 2, 8 ; iv, 1 ; vl, 2, 4, 7 (bis), 23 ; xii, 13 ; xiv, 18, dix-sept fois dans le texte latin, i, 5, 7, 10, 12 ; ii, 1 (bis), 4 ; iii, 2, 13 ; M, 27, 29 ; vi, 2, 4 ; xi, 1, 5, 21, a xiv, 16, et cela sans .aucune variante, toujours avec la qualification de roi des Assyriens. Dans ces conditions, en bonne critique, il faudrait faire remonter la leçon à l’auteur lui-même, car on ne s’explique pas comment les copistes auraient -opéré partout une substitution si singulière. D’un autre côté, on ne comprend pas davantage comment un écrivain, qui paraît versé dans l’histoire et la géographie assyrienne, a pu dater son récit d’un Nabuchodonosor, roi de Ninive et vainqueur des Mèdes. — M. de Moor, dans la Revue dr, s religions, 1894, t. vi, p. 307-311, propose deux explications : ou bien nos versions actuelles dériveraient d’un exemplaire copié à Babylone et où le scribe aurait mal à propos substitué au nom d’Assurbanipal, inconnu pour lui, celui de Nabuchodonosor ; ou bien Assurbanipal en entrant à Babylone, après la défaite et la.mort de son frère, y aurait adopté le nom de Nabuchodonosor qui n’aurait pas eu cours en dehors de la Babylonie. Tout cela est bien subtil, bien hypothétique, et mieux vaut rester en suspens que de recourir à ces subterfuges. — b) Arphaxad peut fort bien être Phraortes, fils et successeur de Déjocés. « Si, comme nous l’apprend Hérodote, Phraortes était petit-fils d’un autre Phraortes qui, père du grand Déjocès, pouvait être considéré comme l’auteur de la dynastie ; et si, comme le pense Rawlinson, la forme Phraazad est le patronymique dérivé de Fravartis ou Fraurtish (véritable forme du nom de Phraortes), le nom transcrit Bi-rivz-hacd-ri, abstraction faite de la dernière syllabe, représente réellement le personnage en question désigné par son nom patronymique. » Robiou, Deux questions d’histoire, (Paris, 1875, p. 28. — c) Holoferne semble bien être un nom persan. On trouve cependant, vers 160 avant J.-C, un roi de Cappadoce ainsi appelé. Il faut se souvenir que le contingent des armées assyriennes était très mêlé. La présence d’un général persan ou cappadocien n’a rien de surprenant. On ne rencontre, il est vrai, dans les annales d’Assyrie, aucun chef de ce nom, mais la raison en est qu’Assurbanipal a coutume de s’attribuer directement les faits d’armes de ses généraux, bien qu’il n’ait presque jamais accompagné les armées en personne. — d) Bagoas, d’après Pline, H. N., XIII, IV, 9, est l’équivalent persan du mot « eunuque v ; il n’est donc pas étonnant que plusieurs personnages, originaires de la Perse, aient porté ce nom. — e) Éliacim, fils d’Helcias, n’aurait pas été grand-prêtre si la liste des Paralipomènes est complète. Mais, d’une part, il est douteux qu’elle le soit ; d’autre part, il est fort possible que le titre de grand-prêtre lui ait été donné par erreur dans nos versions à cause du rôle prépondérant qu’il a rempli. — f) Le nom de notre Judith n’a rien de plus allégorique que celui de Judith,

femme d’Ésaû. Gen., xxvi, 34. On peut d’ailleurs admettre que ce nom de « Juive » lui vient de son lieu d’origine. 1 En effet, elle descendait de la tribu de Siméon dont le territoire était situé dans le royaume de Juda. — Enfin le silence au sujet d’un événement aussi important que la défaite d’Holoierne n’est peut-être pas aussi universel qu’on le dit. Palmieri, De veritate histor., p. 1-8, pense que la première prophétie de Nahum, i, 7-n, 1, a précisément pour objet le désastre des Assyriens conduits par Holoferne. Cornely, Introd., t. ii, part, i, p. 411-412, adopte cette idée, toutefois avec cette modification que le passage de Nahum ne serait pas la prédiction, mais le récit de la victoire sur les Assyriens.

IV. Époque des événements.

Cette question se pose non seulement pour les partisans de l’historicité absolue, mais encore pour ceux — et ils sont assez nombreux parmi les protestants — qui admettent un canevas historique sur lequel l’auteur aurait brodé et aussi pour les défenseurs de l’allégorie simple. Au contraire elle n’a pas de sens pour les tenants de l’allégorie prophétique ou du roman proprement dit. — On peut rejeter sans discussion l’opinion de G. Klein, Ueber das Buch Judith, dans Actes du 8* congrès des orientalistes, Leyde » 1891, sect. sémit. p. 87-105, qui y trouve un écho des dernières luttes de l’indépendance juive, sous Adrien. A cette époque le livre de Judith était certainement composé depuis longtemps. Il ne faut pas s’arrêter non plus au sentiment de ceux qui, comme Ewald, y voient des faits contemporains de Jean Hyrcan, ou, comme Movers, des allusions à Alexandre Jannée et à Ptolômée Lathyre, ou, comme Berthold, la description symbolique de la campagne de Vespasien et de Titus, ou, comme Volkmaf, le récit de la révolte des Juifs sous Trajan. Du reste, les avis sont on ne peut plus partagés sur la question de date. Voici, d’après Brunengo, le tableau des principales identifications du Nabuchodonosor de Judith :

1. Antiochus Épiphane, 174-164 av. J.-C. (certains rabbins).

2. Séleucus I", 312-281 (Raska).

3. Artaxerxès Ochus, 362-338 (Sulpice Sévère).

4. Xerxès I", 485-472 (Georges le Syncelle, San’chez, Corn, a Lapide).

5. Darius I « , 521-485 (S. Hippolyte, Gérard Mercator, etc.).

6. Cambyse, 529-522 (Eusèbe, S. Augustin, Suidas, etc.).

7. Nabuchodonosor, 604-561 (Génébrard, Danko, Neteler, etc.).

8. Kiniladan, 647-625 (Wolfl’, von Gumpach).

9. Saosduchin, 667-647 (Usserius, Lenglet-Dufresnoy).

10. Assurbanipal, 668-626 (la plupart des auteurs contemporains).

11. Un fils d’Assarhaddon (Serarius).

12. Un parent d’Asarhaddon (Tirinus).

13. Un successeur d’Asarhaddon (Petau).

14. Asarhaddon (Tournemine, Montl’aucon, Houbi— gant, Dereser, Kaulen).

15. Mérodach-Baladan (Bellarmin, Ménochius).

Avec M. Robiou, à qui revient l’honneur de l’identification, presque tous les catholiques contemporains se décident pour Assurbanipal. C’est avec encore plus d’unanimité qu’ils placent sous le règne de Manassé les événements rapportés au livre de Judith. De cet avis sont Bellarmin, Serarius, Melchior Cano, Petau, Ménochius, Pereira, Bonfrère, Montfaucon, Calmet, Robiou, Delattre, Vigouroux, Gillet, Palmieri, Cornely, Brunengo, etc. L’examen des données historiques, géographiques et chronologiques laisse peu de doute à cet égard, pour quiconque admet l’historicité absolue ou seulement relative du livre de Judith. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 99-131.

1. ÉTAl DU PEUPLE JUIF À L’ÉPOQUE DE JUDITH. —

1° La suprématie religieuse et politique appartient à

Jérusalem. — De Jérusalem partent les ordres de se mettre en état de détense, iv, 5. Il n’est pas question de Samarie ni de son roi. Les habitants de Béthulie pratiquent le culte légitime de Jéhovah, ils sont en rapport constant avec le Temple et les autorités de Jérusalem, xv, 9. Les faits se passent donc après la chute de Samarie (721) et la disparition du royaume septentrional. — 2° Le Temple de Jérusalem est debout.

a) À l’approche

d’Holoferne, les Juifs craignirent qu’il ne détruisît le Temple du Seigneur, iv, 1-2. — 6) En conséquence, les prêtres se prosternèrent devant le Temple et couvrirent d’un cilice l’autel du Seigneur, iv, 9-10. Le texte grec, en cet endroit, iv, 15-16, ne mentionne pas le Temple, mais il parle d’holocaustes et de sacrifices offerts par les prêtres, ce qui revient au même. — e) Judith supplie le Seigneur de préserver sa maison de la profanation, IX, 18-19. Or la maison du Seigneur, c’est le Temple. Dans le passage correspondant, le texte grec est encore plus explicite. — d) Après la victoire, on va offrir au Seigneur des holocaustes et des sacrifices promis par vœu, xvi, 22-24 : ce qui suppose évidemment l’existence du Temple. Nous obtenons donc ainsi comme limite inférieure des événements l’année 587, date de la destruction du Temple ; car il est impossible, nous le verrons, d’attendre jusqu’après le retour de la captivité. — Une difficulté assez sérieuse résulte du texte grec, v, 18, où Achior affirme que le Temple du Dieu des Juifs êyiivïjô/] eïç É’Saopo ;, ce que Cornélius à Lapide et plusieurs autres interprètes traduisent ainsi : « [Leur Temple] a été renversé jusqu’aux fondements. « Mais 1. le latin omet ce membre de phrase dont l’authenticité devient ainsi douteuse ; 2. Achior eût-il prononcé ces mots, son autorité ne saurait prévaloir contre les témoignages nombreux et précis de l’auteur inspiré ; 3. le sens des mots ! yy)vïJ8ïi e’cç ëSoeçpoç est ambigu et peut s’entendre d’un abaissement moral. La traduction littérale est : factum est in pavimentum, ce qui paraît répondre à : factum est in conculcationem, et serait suffisamment justifié par une profanation. — 3° Point de roi en Judée. — « Toutes les mesures pour résister aux Assyriens sont dues à l’initiative du grand-prêtre et du conseil des anciens. » Delattre, Le livre de Judith, p. 56. Le roi ne joue absolument aucun rôle ; il n’est pas fait mention de lui. Il faut qu’il y ait interrègne, ou que le roi soit absent. Un seul moment de l’histoire juive vérifie cette condition : le temps de la captivité de Manassé. II Par., xxxiii, 11. Sous Ézéchias, père de Manassé, Éliacim, « préfet de la maison » [royale], IV Reg., xvjii, 18 ; Is., xxxvi, 3, paraît avoir joui d’une grande influence. Ce pourrait bien être le même que l’Éliachim, iv, 5, 11, ou le Joacim, xv, 9, de Judith. — 4° Les faits se passent avant la captivité. — On ne peut pas songer à mettre l’histoire de Judith sous le second Temple, parce qu’à cette époque il n’y a ni Mèdes, ni Assyriens. Les Perses sont les maîtres du monde oriental au lieu d’être les vassaux du grand roi. Le texte qu’on objecte, v, 22-23 (Vulgate, 18-19), tiré du discours d’Achior, n’est pas décisif.

H. état de l’empire AssritiEN. — Le texte grec divise les sujets de Nubuchodonosor en deux catégories : ceux qui marchent avec lui contre Arphaxad révolté et ceux qui refusent de le suivre. Parmi les premiers sont nommés : les habitants de la montagne (de la région à l’est et au nord-est de Ninive), les riverains du Tigre, de FEuphrate et de l’Hydaspe (le latin lit Jadason, le syriaque Eulée ; il s’agit peut-être du Choaspe), le roi des Élymëens dans la plaine d’Eirioch et beaucoup de nations des fils de Chéléoul. Ces Élyméens pourraient bien être ceux que mentionne Strabon, xvii, 1, différents des Élamites de Susiane. Quant à Chéléoul, on n’en peut rien tirer ; l’ambiguité du texte grec ne permettant même pas de décider avec certitude si ce sont des auxiliaires ou des adversaires. La Vulgate remplace cette énumération des peuples fidèles par la description du

champ de bataille où fut pris Arphaxad, « dans 1° grande plaine appelée Ragau, prèsdu Tigre, de l’Eu.phrate et du Jadason, dans la plaine d’Érioch, roi des Elicéens, » I, 6. On voit que l’un des deux traducteurs a mal compris le texte. — Au contraire, la liste des peuples rebelles n’est pas très différente en grec et en latin. On compte parmi les sujets de l’empire assyrien, qui ne répondirent pas à l’appel de Nabuchodonosor : les habitants de la Cilicie, de Damas et du Liban ; ceux du Carmel, de la Galilée et de la grande plaine d’Esdrelon ; les Samaritains et les Juifs ; enfin les Égyptiens jusqu’aux confins de l’Ethiopie, i, 7-10. La liste grecque, plus complète, ajoute, outre quelques noms moins importants, les Perses, les habitants de l’Occident (probablement les Amurru), ceux de TAntiliban et du littoral méditerranéen. — Telle était bien en effet l’étendue nominale de l’empire assyrien au temps d’Assurbanipal. La liste est même si exacte qu’elle indique un auteur très bien informé. Deux expéditions en Egypte avaient temporairement établi la domination assyrienne dans le Delta et la vallée du Nil. Au cours de ces campagnes, Assurbanipal avait reçu l’hommage de vingt-deux souverains de Chypre, de Phénicie, de Palestine et des pays circonvoisins. Cf. Schrader, Keilinschrift. Bibliothek, t. ii, p. 238-240. La Mésopotamie, la Cilicie, l’Élani, la Chaldée, la Babylonie, où régnait le jeune frère d’Assurbanipal, reconnaissaient la suzeraineté du roi de Ninive. Les prétentions des Assyriens, vers le Nord, s’étendaient très loin. Bref, bien que plusieurs noms n’aient pas encore pu être identifiés avec certitude, la géographie du livre de Judith est correcte, loin d’être fantastique.

m. état de l’empire mêde. — Ici le grec et le latin sont très divergents. Des deux textes comparés il ressort seulement : 1° qu’un roi des Mèdes, nommé Arphaxad, avait bâti ou fortifié Ecbatane (Vulgate : mdificavit, mais ce mot, comme son correspondant hébreu bàndh, peut s’entendre au sens d’embellir, agrandir. D’après le grec, Arphaxad avait simplement fortifié la ville). — 2° Que Nabuchodonosor eut affaire à ce roi et le vainquit dans une grande plaine qui se nommait Ragau ou qui avoisinait Ragau. Vulgate : « La douzième année de son règne Nabuchodonosor… livra bataille à Arphaxad et le prit (obtinuit eum), » i, 5. Dans le grec la bataille décisive a lieu la dix-septième année. Nabuchodonosor « resta vainqueur et il détruisit toute l’armée d’Arphaxad, toute sa cavalerie, tous ses chars ; et il prit ses villes ; et il arriva à Ecbatane, s’empara de ses tours, ravagea ses rues et changea sa beauté en ignominie. Et il prit Arphaxad dans les montagnes de Ragau et il le perça de ses traits », i, 13-15. — Ces événements ne sont pas confirmés par l’histoire profane. Il est vrai que l’histoire des Mèdes est très imparfaitement connue. On s’accorde à penser que le tableau de Ctésias est fabuleux (cité par Diodore de Sicile, ii, 24-27, 32-34). Le récit d’Hérodote mérite plus de confiance ; néanmoins sa chronologie est difficile à concilier avec les annales d’Assyrie et plusieurs critiques trouvent encore trop longue sa courte liste de souverains mèdes : Déjocès, 699-646 av. J.-C, Phraortes, 646-625, Cyaxare, 625-585, Astyage, 585-550. Cf. Schrader-Winckler, Die Keilinschriften und dos Alte Test., 3e édit., Berlin, 1902, p. 103. — Si nous plaçons les événements racontés dans. Judith sous Assurbanipal (668-626), le roi des Mèdesaurait été Déjocès ou Phraorte. Seulement, tandis que ses prédécesseurs, Théglathphalasar, Sennachérib, Asarhaddon, préconisent si haut leur prétendue soumission, des Mèdes, cf. Schrader, Keilinschrift. Bibliothek, t. ii, p. 7, 17, 91, 133, il est étrange qu’Assurbanipal ne dise rien de ses éclatantes victoires sur ce même peuple. Les inscriptions de ce souverain n’observent pas toujours l’ordre chronologique et ne comprennent que les vingt-cinq premières années de son règne, mais elles sont, . -1833

    1. JUDITH##

JUDITH (LIVRE DE) — JUGE

1831

pour cette période, très longues et très circonstanciées. C’est là une difficulté sérieuse contre l’identification du .Nabuchodonosor de Judith avec Assurbanipal.

V. Age et auteur du livre.

1° Sur l’auteur, on n’a absolument aucune donnée. Ce n’est ni Judith, ni Achior, ni Éliacim, comme on l’a quelquefois prétendu : voilà tout ce qu’on peut dire avec certitude. — 2 a La date de la composition n’est guère plus facile à déterminer, étant donné la perte du texte original et la différence notable des versions et des manuscrits. Palmieri, De verit.-histor., p. 54-57, sans raisons plausibles, incline à la placer avant la captivité. II paraît cependant beaucoup plus probable que le livre de Judith est moins ancien et l’on n’a rien à objecter à ceux qui en fixent la composition à l’époque des Machabées. On s’explique ainsi plus aisément : 1. pourquoi ce livre n’a pas été reçu dans le canon palestinien ; 2. pourquoi Josèphe semble complètement l’ignorer et ne nomme pas même Judith ; 3. pourquoi l’histoire de Judith a toujours été mise en relation avec la solennité commémorative de la délivrance due aux exploits des Machabées. On lisait le midrasch de Judith à la célébration de la hanùkdh (dédicace ) instituée en 164, par Judas Machabée. Voir plus haut, I, 3°, col. 1825, et cf. Jellinek, Beth hamidrasch, 1. 1, p. xxm-xxiv, et t. ii, p. xi.

VI. Bibliographie.

Aucun Père de l’Église n’a commenté Judith. La première explication suivie de ce livre, « dans le sens historique et allégorique à la fois, » est celle de Raban Maur, t. cix, col. 539-592. Après lui viennent Walafrid Strabon (Glose), t. cxiii, col. 725748 ; Hugues de SaintVictor (allégories), t. clxxv, col. 733-750 ; Nicolas de Lyre, Denys le Chartreux et en général ceux qui ont commenté toute ou presque toute la Bible, tels que Cornélius a Lapide, Ménochius, Calmet, Allioli, etc. — Comme commentaires spéciaux on peut signaler : Serarius, S. J., In hbros Tobix, Judith, Esther, Machab. comment., Mayence, 1599 ; Sanctius, S. J., In libros Ruth, Esdrse, Nehemise, Tobise, Judith, Esther, Machab. comment., Lyon, 1628 ; Pamelius, Comment, in lib. Judith, Cologne, 1628 ; Did. de Celada, S. J., Judith illustris, Lyon, 1637 ; J. de la Cerda, 0. S. B., In Judith histor., Lyon, 1644 ; Vellosus, S. J., Judith comment, parxiiet. illustr., Lyon, 1649 ; Neuville, S. J., Le livre de Judith avec des réflexions morales, etc., Paris, 1728 ; Nickes, O.S. B., De Ubro Judithse, Breslau, 1854 ; Gillet, Tobie, Judith, Esther, Paris, 1879 ; Palmieri, S. J., De veritate histor. lib. Judith, Gulpen, 1886 ; Scholz, Commentar ûber dos Buch Judith, ^’édit., Leipzig, 1898. —Parmi les commentateurs protestants, citons : Zockler, Apocryphen des A. T. (t. IX du Kurzgef. Kommentar zu der heil. Shcrift), Munich, 1891 ; Lohr, Dos Buch Judith, (dans Apocr. und Pseudepigr. des A. T. de Kautzsch, Tubingue, 1900 (traduction allemande avec quelques rares notes critiques) ; Fritzsche, Dos Buch Judith, dans le Kurzgef. exeget. Handbuch, Leipzig, 1853 (de beaucoup le plus complet). Pour plus de renseignements bibliographiques, voir Schûrer, Geschichte des jùd. Volkes, t. iii, 3e édit., Leipzig, 1898, p. 172-174.

F. Prat.

JUGE (hébreu : èofêt, dayyân, pâlîl ; chaldéen : Sefat, dayyân, detâberln, ’âdargdzrin ; Septante : 81xa<7rrçç, xpmï « ; Vulgate : judex), celui qui est investi de l’autorité pour rendre la justice et porter des sentences.

I. Les juges chez les Hébreux.

1° À l’époque patriarcale. — Dans lesplus anciens temps, c’étaitle chef de la lamille qui concentrait en sa personne tous les pouvoirs. Ainsi Noé porte une véritable sentence contre son fils Chain, qui doit être puni dans sa postérité. Gen., ix,

  • 24, 25. La conduite de Siméon et de Lévi leur attire

également une sentence de réprobation de la part de Jacob. Gen., xxxiv, 25-31 ; xlix, 5-7. Juda prononce la jeine de mort contre sa belle-fille Thamar, accusée d’in conduite. Gen., xxxviii, 24, 25. Dans le livre de Job, qui reflète cet état patriarcal, on voit le chef de famille ou de tribu se tenir à la porte de la ville pour rendre la justice, examiner les causes qui lui sont déférées et prendre en main la protection des faibles et des opprimés. Job, XXIX, 7-17. — En Egypte, les Hébreux confinés dans la terre de Gessen continuèrent à vivre sous le régime patriarcal. Les chefs de famille rendaient la justice et dirimaient les différends. On savait à qui s’adresser quand s’imposait le recours à l’autorité judiciaire. Aussi lorsque Moise veut intervenir entre deux Hébreux qui se disputent, l’un d’eux lui réplique : « Qui t’a établi chef et juge sur nous ? » Exod., ii, 14. Les fils de Jacob ne furent soumis à la justice égyptienne que dans le cas de conflit avec les Égyptiens et durant la dernière période de leur séjour, quand les pharaons les appliquèrent de force aux travaux publics. — Au désert, toutes les autorités s’effacèrent devant celle de Moïse. Il fut bientôt harcelé du matin au soir par la multiplicité des causes soumises à son arbitrage. C’est alors que Jéthro, son beau-père, lui conseilla de se substituer des hommes capables et désintéressés pour connaître des moindres causes, et ne se réserver que les causes de plus grande importance. Moise suivit ce conseil et il établit des chefs de mille, de cent, de cinquante et de dix, pour juger en tout temps et se prononcer sur les causes faciles et de moindre importance. Exod., xviii, 21-26. Le texte ne donne aucune autre explication, de telle sorte qu’on ignore dans quelles conditions s’exerçait la juridiction de chaque juge, s’il y avait appel de l’inférieur au supérieur, si les expressions « chef de mille, chef de cent », etc., désignent le nombre de justiciables assignés à chaque juge ou seulement le degré de celui-ci dans la hiérar, chie, si enfin il y a identité ou seulement analogie entre ces chefs et ceux dont il est question un peu plus tard et qui apparaissent pourvus d’un commandement militaire. Num., xxxi, 14. Moïse et tous ces juges subalternes agissaient au nom de Dieu, le véritable souverain d’Israël. Porter une affaire à leur tribunal, c’était « consulter Dieu », Exod., xviii, 15, et « paraître devant Dieu », Exod., xxi, 6 ; xxii, 8 ; Deut, xix, 17 ; car c’était Dieu même qui rendait la justice. Deut., i, 17. Ce principe s’appliqua par la suite à tous les juges d’Israël.

Après l’occupation de la Palestine.

1. Moise

pourvut à l’organisation de la justice pour le temps où son peuple serait fixé dans le pays de Chanaan. Il prescrivit d’établir des juges et des magistrats dans toutes les villes où habiteraient les Israélites. Ces juges devaient être intègres et désintéressés. Deut., xvi, 18, 19. Il n’est point dit de quelle manière se recrutaient ces juges ; mais il est à croire qu’on les choisissait surtout parmi les anciens. Deut., xix, 12 ; xxi, 2 ; xxii, 15 ; xxv, 7 ; Jos., xx, 4 ; Jud., viii, 14 ; Ruth, iv, 2 ; I Reg., xi, 3 ; xvi, 4 ; xxx, 26 ; III Reg., xxi, 8, 11. Voir Anciens, t. i, col. 554. Leur nombre, qui n’est pas indiqué non plus, variait sans doute suivant l’importance des villes. À Soccoth, on en comptait soixante-dix-sept. Jud., viii, 4. Les softim et les sotrîm, dont il est parfois fait mention distincte, Deut., xvi, 18 ; xxi, 2, étaient vraisemblablement choisis parmi les anciens. Dans les causes plus difficiles ou plus importantes, les juges locaux avaient à se rendre auprès des lévites, des prêtres et de celui qui remplissait les fonctions de juge suprême. Ils exposaient le cas et devaient s’en tenir à la sentence portée par ces derniers. Deut., xvii, 8-12. Il faut noter que la cause était ainsi déférée aux prêtres, non par l’accusé ou les parties en litige, mais par les juges eux-mêmes. Le juge suprême était celui qui alors exerçait l’autorité sur la nation et en certains cas probablement le grand-prêtre. — 2. Après Josué cette magistrature suprême fut exercée en quelques circonstances, mais exceptionnellement, par les personnages connus sous le nom de « Juges ».VoirJuGES, col. 1837. Ainsi il est dit même d’une femme, Débora, que les

enfants d’Israël montaient vers elle pour être jugés. Jud., rv, 5 ; cf. x, 2, 3 ; xii, 7, 8, 11, 13. Les deux derniers Juges réunirent à l’autorité politique le pouvoir judiciaire. Le grand-prêtre Héli exerça la fonction de juge » I Reg.. iv, 18. Samuel jugeait à Rama, sa demeure ordinaire, et chaque année il se transportait successivement à Béthêl, à Galgala et à Masphath, pour y rendre la justice, I Reg., vii, 15-17 ; il jugeait avec une équité et un désintéressement auxquels tout le peuple dut rendre hommage. I Reg., xii, 2-7. — 3. La judicature suprême rentra naturellement dans les attributions des rois. I Reg., viii, 5, 6, 20. Pour les causes graves on se rendait auprès d’eux. Ainsi font la veuve de Thécué vis-à-vis de Daud, II Reg., xiv, 4-11, et les deux femmes qui se disputent l’enlant devant Salomon. III Reg., iii, 16-27. Absalom mit à profit ces recours continuels du peuple au roi pour attirer l’influence de son côté et promettre à tous de juger leurs affaires avec plus d’attention que David et ses officiers. II Reg., xv, 2-6. Salomon, qui avait conscience de l’importance de ses fonctions judiciaires, demanda spécialement à Dieu de lui donner à cette fin la sagesse et le discernement. III Reg., m. 9. David prit soin que la justice fût dignement rendue dans tout son royaume, et il désigna six mille lévites pour remplir les fonctions de juges et de magistrats. I Par., xxiii, 4 ; xxvi, 29. Le roi Josaphat réorganisa l’administration de la justice dans le royaume de Juda. Il établit des juges dans chaque ville forte, en rappelant à ceuxci qu’ils avaient à rendre leurs sentences au nom de Dieu. À Jérusalem, il constitua un tribunal supérieur composé de prêtres, de lévites et de chefs de famille ou anciens, chargés de juger les causes qui leur seraient déférées des autres villes. Au-dessus d’eux, il y avait deux juges suprêmes, le grand-prêtre pour les questions religieuses et un officier royal pour les questions qui intéressaient la royauté. II Par., xix, 5-11. Cette organisation rétablissait ce qui avait pu dépérir depuis David et, en tout cas, le développait avantageusement. On voit que les anciens siégeaient à côté des lévites et des prêtres, mais qu’on reconnaissait deux juges suprêmes, selon que les affaires présentaient un caractère religieuxou civil. Le tribunal de Jérusalem ne constituait pas plus une cour d’appel que celui qui avait été institué par Moïse. On se contentait de lui soumettre les , causes graves, comme un meurtre, ou les cas qui offraient une sérieuse difficulté au point de vue des lois ou de leur interprétation. — 4. Durant leur déportation en Assyrie et en Babylonie, les Israélites profitèrent de l’indépendance relative que leur laissaient leurs vainqueurs. Soumis aux juges du pays dans les contestations qu’ils pouvaient avoir avec les habitants, voir Captivité, t. ii, col. 234, ils avaient la faculté de recourir parfois, comme cela se fait encore aujourd’hui dans l’empire ottoman, à des juges de leur nation dans les questions qui ne concernaient que des Israélites, et ces juges pouvaient prononcer même la peine de mort, ainsi qu’on le voit par l’histoire de Susanne, Dan., xiii, 5, 28, 41, 62, dans laquelle d’ailleurs le peuple intervient pour approuver la sentence.

Après la captivité.

1. Dans la lettre par laquelle

Artaxerxès confère à Esdras des pouvoirs sur la Palestine, il lui enjoint d’établir des juges et des magistrats pour rendre la justice à tout le peuple, et porter des peines contre ceux qui transgressent soit la loi de son Dieu, soit la loi du roi. I Esd., vii, 25, 26. Ces juges ont donc, comme ies anciens, charge d’exercer leur pouvoir sur les questions religieuses et sur les questions civiles. Quand il s’agit de réglementer la situation des Israélites mariés avec des étrangères, Esdras lui-même est à la tête d’un tribunal composé de chefs de famille. I Esd., x, 14-17 ; Judith, x, 6. — 2. À partir de la domination grecque, les Juifs instituèrent des tribunaux réguliers qui prirent le nom do sanhédrins : le grand sanhédrin

qui siégeait à Jérusalem et se composait de soixante et onze juges, de petits sanhédrins composés de vingt-trois membres et siégeant dans les villes qui avaient au moins cent vingt hommes, enfin des tribunaux inférieurs composés seulement de sept juges, parmi lesquels trois seulement siégeaient pour certaines affaires de moindre importance. Megilla, 26 a. Josèphe, Ant. jud., IV, rai, 14, dit que dans chaque ville il y avait sept magistrats ou juges à chacun desquels on donnait comme aides deux lévites. L’historien attribue cette constitution aux anciens tribunaux, bien que les Livres Saints n’entrent point dans ce détail. Les tribunaux plus récents ne connaissaient que sept ou vingt-trois juges. Sanhédrin, i, 6 ; x, 2, xi, 2. Voir Sanhédrin. On ne pouvait être juge que si l’on était homme de sagesse, de vertu et de tenue respectable. Sanhédrin, ꝟ. 17 a. On récusait les. vieillards trop âgés, les eunuques, ceux qui n’avaient pas d’enfants et les proches parents de l’accusé ou desparties. — 3. Sous la domination romaine, qui respectait autant que possible les institutions nationales, les anciens juges conservèrent leur organisation et leur compétence sur les matières religieuses et civiles. Il y avait des tribunaux locaux, appelés <xuvé8pice, Matth., x, 17 ; Marc, xiii, 9, dont quelques-uns ne jugeaient que des causes de moindre importance. Matth., v, 22 ; Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 1. Ces tribunaux étaient probablement composés d’anciens. Luc, ra, 3. Cf. Schebiith, x, 4. Mais comme le procurateur romain se réservait le jus gladii, les causes capitales furent soustraites à la connaissance même du grand sanhédrin. Joa., xviii, 31. Les procurateurs se réservèrent également les causes les plus importantes, comme celles de saint Paul, Act., xxiv, 1-3 ; xxv, 6, mais en laissant à l’accusé, selon le droit romain, la faculté d’en appeler à César. Act., xxv, 11-12. Dans les affaires ordinaires, surtout quand elles étaient d’ordre religieux, le sanhédrin de Jérusalem et les autres tribunaux du pajs continuaient à exercer leur juridiction. Joa., v, 16 ; vii, 45 ; viii, 5 ; ix, 18-34 ; xi, 47 ; xviii, 19-23 ; Act., iv, 5-7 ; v, 17, 27, etc. Il faut noter toutelois que le sanhédrin de Jérusalem, au moins depuis la mort d’Hérode le Grand, n’avait plus juridiction que sur la Judée proprement dite. La Galilée et la Pérée échappaient à son action directe. Luc, xxiii, 5-7. Le sanhédrin ne se résignait pas volontiers à cettediminution de pouvoir. Il s’efforçait de maintenir son influence même sur ces provinces qui obéissaient à des princes distincts du procurateur, Luc, iii, 1, et il envoyait des émissaires pour surveiller ce qui s’y passait. Matth., xv, 1 ; Marc, iii, 22 ; vii, 1 ; Luc, v, 17 ; Joa., i, 19 ; vii, 25. Il ne put agir juridiquement contre Notre-Seigneur que quand ce dernier vint de lui-même en Judée. Cf. Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 176-187.

Ghez les chrétiens.

Les premiers chrétiens

eurent naturellement à se soumettre aux juges locaux, dans les différents pays où ils vivaient. Cependant saint Paul ne veut pas que les fidèles, quand ils ont entre eux des sujets de discussion, recourent aux juges païens. Il leur recommande de prendre alors pour arbitres même les plus humbles de leurs frères, ou au moins, parmi ces derniers, des hommes sages qui soient capables de rendre une sentence équitable. I Cor., vi, 1-7. Quelques Pères, Tertullien, De coron, miht., 11, t. ii, col. 92 ; saint Augustin, Enchirid., lxxviii, t. XL, col. 269, etc., ont conclu de là à la défense pour les chrétiens d’intenter des procès, au moins devant des juges qui ne partagent pas leur foi. Mais la parole de saint Paul n’a pas été regardée dans l’Église comme autre chose qu’un conseil applicable seulement aux circonstances dans lesquelles se trouvaient les premiers chrétiens. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xlviii, a. 8, ad 4°"-.

II. Obligations des juges.

1° Les juges rendent la justice au nom même de Dieu. Exod., xviii, 15 ; xxi, 6 ;

xxii, 8 ; Deut., i, 17 ; xix, 17 ; II Par., xix, 6. C’est pourquoi le nom d"’ëlohîm, « dieux, » leur est donné poétiquement. Ps. lxxxi (lxxxii), 6 ; cf. Joa., x, 34, 35. Leur devoir est de juger avec équité. Deut., xvi, 18, 19. — 2° Ce devoir ne fut pas toujours dignement rempli. Les écrivains sacrés parlent assez souvent de mauvais juges qui tiennent plus compte de la qualité des personnes que de leur droit. Eccle., iii, 16 ; Is., i, 23 ; v, 7 ; x, 2 xxviii, 7 ; Jer., ii, 8 ; v, 28 ; xxi, 12 ; Ezech., xxii, 27 Ps. lxxxi (lxxxii), 2 ; Ose., vii, 7 ; Am., v, 7 ; vi, 12 Mich., iii, 11 ; Soph., iii, 3 ; Hab., 1, 4 ; Eccli., xx, 31

Luc., xviii, 2, etc.
H. Lesêtre.
    1. JUGEMENT DE DIEU##


1. JUGEMENT DE DIEU, expression de ses volontés générales ou particulières à l’égard des hommes.

I. Jugements divins en général.

1° Dieu juge, sdpat. 6 xptvtav, judicat, exerce son autorité et sa surveillance sur toute la terre, pour traiter chacun comme il le mérite et châtier les méchants. Gen., xviii, 25 ; Is., xxxiii, 22 ; Ps. vii, 12 ; l (xlix), 6 ; lxxv (lxxiv), 8 ; xciv (xchi), 2. — 2° Les jugements de Dieu, miSpâtîm, xppaxa, tudicia, sont tout d’abord ses lois. Lev., xviii, 4, 5, 26 ; xix, 37 ; xx, 22 ; Deut., iv, 1, 5, 8, 14 ; vii, 11, 12 ; II Esd., ix, 13. Ce sont ensuite les décisions de sa justice, toujours irréprochables. Ps. xix (xviii), 10 ; cxix (cxvill), 75, 137 ; Jer., xi, 20 ; Tob., iii, 2. Ces décisions sont tantôt favorables, Is., nx, 9, 14, et tantôt vengeresses. Is., lui, 8 ; lxvi, 16 ; Jer., i, 16 ; iv, 12 ; Ezech., xxxviii, 22. Les jugements divins sont appelés Sepdtîm, quand ils ont le caractère de châtiments. Tels sont les jugements contre l’Egypte et ses dieux, Exod., vi, 6 ; vu, 4 ; xii, 12 ; Num., xxxiii, 4 ; Ezech., xxx, 14, 19 ; contre Jérusalem, Ezech., v, 10, 15 ; xi, 9 ; xiv, 21 ; xvi, 41 ; contre Moab, Ezech., xxv, 11 ; contre Sidon, Ezech., xxviii, 22, 26 ; contre les impies. Prov., xix, 29. — Les jugements de Dieu atteignent également les particuliers en cette vie. Prov., xxix, 26 ; II Mach., vii, 35, 36. Aussi le Psalmiste, conscient de ses fautes, demande-t-il à Dieu de ne pas entrer en jugement avec lui. Ps. cxliii (cxlii), 2. — Dans la vie future, l’homme aura à subir deux autres jugements, l’un particulier, l’autre général ou dernier.

II. Jugement particulier.

C’est celui que chaque âme doit subir immédiatement après sa sortie du corps par la mort. — 1° Dans l’Ancien Testament l’idée du jugement particulier n’y apparaît pas dans toute sa clarté. Elle est à l’état implicite dans plusieurs anciens textes et la révélation n’en est devenue bien manifeste que dans les derniers écrits de l’Ancien Testament. Les Hébreux n’ont d’abord connu nettement d’autre jugement que celui que Dieu exerce sur la terre, et de là pour eux la difficulté de résoudre le problème du bonheur des impies et des épreuves des justes. Voir Impie, col. 846. Dans le texte de l’Ecclésiastique, xxxviii, 23, où il est dit : « Rappelle-toi mon jugement (en grec : tô xpt(Aa guitoïï, son jugement) ; le tien sera pareil : hier à moi et à toi aujourd’hui, » le jugement est le « sort » du mort, qui sera demain le sort du vivant. Un autre texte paraitplus expressif, Eccli., xi, 28 : « Il est facile à Dieu, au jour de la mort, de rendre à chacun selon ses œuvres. » On peut croire qu’il s’agit ici du jugement qui suit la mort. Cf. Hurter, Theol. dogmat. compend., Inspruck, 1879, t. iii, p. 475. Le texte de II Mach., xii, 43-46, suppose nécessairement le jugement particulier : Judas Machabée fait offrir des sacrifices pour les défunts « afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés ». Il y a donc un examen divin après la mort, pour discerner ceux qui ont besoin de ces suffrages des vivants. Le livre de la Sagesse mentionne, avec encore plus de clarté, le jugement qui suit la mort. L’auteur enseigne d’abord que rien n’échappe à Dieu et que l’impie aura à rendre compte de ses pensées. Sap., i, 8-10. Puis, après avoir affirmé l’immortalité de l’âme, il montre les justes se

dressant contre les impies qui les ont persécutés, et ceux-ci reconnaissant trop tard qu’ils se sont trompés. Ces derniers raisonnent ainsi dans le èe’ôl et tout se termine par un combat de toutes les créatures avec Dieu contre ces insensés. Sap., vi, 1-21. Dieu a donc jugé ces justes et ces pécheurs, auxquels il ménage un sort si différent. Enfin, s’adressant aux puissants de ce monde qui se sont servis des dons de Dieu pour faire le mal, l’auteur leur dit : « Il vous apparaîtra soudain de terrible manière, car un jugement impitoyable attend ceux qui commandent. » Sap., vi, 6. Ce jugement est appelé dans le texte xpfoic àTcôtoiJioç, Vulgate : judicium durissimum ; c’est un « jugement tranchant », décisif, sans appel et sans pitié, porté par ce Dieu qui apparaîtra soudainement et terriblement. On ne peut prêter ici au mot xpîucç le simple sens de « châtiment », ni songer à une intervention providentielle pour remettre sur la terre les puissants orgueilleux à leur place. Les textes qui précèdent ont déjà transporté la scène dans l’autre vie, « t immédiatement après vient la mention de la torture, fortior cruciatio, qui attend ces coupables, torture qui ne les atteint guère en ce monde. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iv, p. 592-599.

Dans le Nouveau Testament.

1. Le jugement

particulier fait l’objet d’allusions significatives de la part de Notre-Seigneur. Le divin Maître recommande de s’accorder avec son adversaire pendant qu’on est en ce monde, in via, parce qu’ensuite on se trouvera en face du juge, qui enverra dans la prison d’où l’on ne sort que quand on a payé jusqu’à la dernière obole. Matth., v, 25-26. Il dit que les hommes, au jour du jugement, rendront compte même d’une parole inutile. Matth., xii, ’36. Ce jugement doit suivre la mort, puisque, aussitôt après qu’ils sont sortis de ce monde, Lazare et le mauvais riche sont montrés déjà en possession de leur sort éternel. Luc, xvi, 22. Dans la parabole des noces, Matth., xxii, 11-14, et dans celle des talents, Matth., xxv, 30, le Sauveur fait apparaître le souverain Maître pour interroger et demander des comptes, condamner aux ténèbres extérieures et aux tourments ceux qui l’ont mérité. — 2. Saint Paul parle du jour où Dieu jugera les secrets des hommes, c’est-à-dire les choses coupables qu’ils ont tenues cachées. Rom., ii, 16. Ce jour est celui de la mort. « Il a été réglé pour les hommes qu’il faut mourir une fois, et ensuite c’est le jugement. » Hebr., ix, 27. À ceux qui ont abusé des dons de Dieu s’impose la terrible attente du jugement. Hebr., x, 21, 27. Quelques-uns de ces textes pourraient aussi s’entendre du jugement dernier ; mais il est naturel et légitime d’y reconnaître d’abord la mention du jugement qui suit immédiatement la mort.

III. Jugement dernier.

C’est le jugement que Dieu rendra à la fin des temps, après la résurrection générale, en présence de tous les hommes rassemblés, pour proclamer la fixation du sort éternel de chacun.

Dans l’Ancien Testament.

1. La notion du jugement

dernier suit le développement de la révélation sur la nature de l’autre vie. Dans les auteurs sacrés les plus anciens, il n’est question que des jugements de Dieu dans la vie présente. Ces jugements sont quelquefois décrits d’une manière grandiose qui peut figurer le jugement dernier, mais qui ne s’y rapporte pas littéralement avec certitude. Cf. Joël, ii, 2-11, 30-32 ; iii, 1-3 ; Soph., i, 14-18, etc. Quand Joël, iii, 2, dit : « Je rassemblerai toutes les nations, je les ferai descendre dans la vallée de Josaphat et là j’entrerai en jugement avec elles, » beaucoup d’interprètes pensent qu’il s’agit du jugement dernier ; mais d’autres l’entendent seulement de celui que Dieu doit exercer contre les nations qui ont déporté son peuple, quand lui-même l’aura ramené en Palestine. Le prophète Zacharie, xiv, 1-15, décrit avec des traits analogues le jugement que

Dieu exercera un iour contre les ennemis de Jérusalem : « Voici que le jour de Jéhovah arrive… Jéhovah paraîtra et il combattra ces nations, comme il combat un jour de bataille. En ce jour, ses pieds se poseront sur la montagne des Oliviers, etc. » Voir Josaphat (Vallée de), col. 1654-1655. — 2. C’est dans Daniel que se présente pour la première fois l’idée tout à fait nette du jugement dernier, bien qu’il en parle spécialement par rapport au peuple de Dieu : « En ce temps-là, se lèvera Michel, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple. Ce sera un temps de détresse telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement des nations jusqu’à ce jour. En ce temps-là, ceux de ton peuple seront sauvés, qui seront trouvés inscrits dans le livre. Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre et la honte éternelle. Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude seront comme les étoiles, à jamais, pour toujours. » Dan., xii, 1-3. — 3. Dans le livre de la Sagesse, nous avons plus de détails encore. Les méchants, y est-il dit, « tomberont sans honneur et seront parmi les morts dans une honte éternelle… Ils viendront, saisis d’effroi, à la pensée de leurs offenses, et leurs crimes deviendront contre eux des accusateurs. Alors les justes se lèveront avec une grande assurance contre ceux qui les ont opprimés… Les méchants, à cette vue, seront épouvantés d’une horrible lrayeur… Les justes vivront éternellement, leur récompense est tenue en réserve par le Seigneur, » tandis" que, pour les méchants, « une colère impitoyable les accablera, … un vent violent s’élèvera contre eux et les dispersera comme un tourbillon. » Sap., iv, 19, 20 ; v, 1, 2, 16, 23, 24. C’est toute la scène du jugement général dans lequel les bons et les méchants se retrouveront en lace. Le jugement n’est pas expressément mentionné, et il n’est pas dit que la rencontre des bons et des méchants a lieu à la fin du monde. Mais dans son ensemble, la scène évoque bien l’idée d’assises générales, dans lesquelles Dieu apparaît pour attribuer à chacun le sort qu’il mérite.

— 4. L.a mention du jugement général se rencontre aussi dans les livres apocryphes voisins de l’époque évangélique. L’Apocalypse de Baruch, l, 4 ; Li, 4, 5, y fait allusion en passant. Le quatrième livre d’Esdras, vu, 33-45, est plus explicite. Après avoir parlé de la résurrection des corps, il fait apparaître Dieu comme juge, sans que personne puisse intercéder pour les coupables : « Il n’y aura plus là que le jugement, la vérité sera debout, la foi sera affermie, l’œuvre de chacun viendra ensuite, la récompense sera montrée, les justices veilleront et les injustices n’auront pas le dessus… Le jour du jugement sera la fin du temps présent et le commencement du temps de l’immortalité future… Alors personne ne pourra sauver celui qui a péri, ni submerger celui qui a vaincu. » Il s’agit, non des seuls Israélites, mais de tous les hommes. Le jugement portera sur tous les actes de chacun. Cl. Henoch, xcvm, 7, 8 ; civ, 7 ; Jud., 14, 15 ; Test, xii Patriarch., Mer, 7 ; Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 507, 510, 520, 551, 552. Il faut remarquer que, parmi ces apocryphes, le quatrième livre d’Esdras est de la fin du ie siècle après J.-C, et l’Apocalypse de Baruch du commencement du IIe siècle. Ces livres peuvent parler du jugement dernier avec plus de précision, parce qu’ils s’inspirent déjà des idées répandues par l’Évangile. Ct. Apocalypses apocryphes, t. i, col. 758-762.

Dans le Nouveau Testament.

1. Notre-Seigneur

donne lui-même, sur le jugement dernier, tous les renseignements qu’il importe à l’homme de connaître. Quand se seront produits les différents signes qui doivent annoncer la fin du monde, on verra le Fils

de l’homme apparaître sur les nuées du ciel, avec tout l’appareil de la puissance et de la majesté divines. Matth., xxiv, 30 ; Marc, xiii, 26 ; Luc, xxi, 27. Le Sauveur annonça encore, devant Caiphe et le sanhédrin, que lui-même viendrait un jour dans ces conditions : « Un jour vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel. » Matth., xxvi, 64 ; Marc, xiv, 62. Quand les anges se montrèrent aux Apôtres, après l’Ascension, ce fut pour leur dire : « Ce Jésus, qui vient de s’élever devant vous vers le ciel, reviendra de la même manière que vous l’avez vu monter au ciel. » Act., i, 11. — Il viendra en qualité de juge suprême, car c’est lui qui « a été établi par Dieu juge des vivants et des morts ». Act., x, 42 ; xvii, 31 ; II Tim., iv, 1 ; I Pet., iv, 5. Luimême, il revendique ce titre, en vue du jugement dernier : « Le Père a attribué tout jugement au Fils… Voici l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu. Ils s’avanceront alors, ceux qui ont fait le bien pour la résurrection de la vie, et ceux qui ont mal fait pour la résurrection du jugement, » c’est-à-dire du châtiment. Joa., v, 22, 28, 29 ; cf. xii, 48. Après son apparition sur les nuées, en effet, le Fils de l’homme « enverra ses anges pour rassembler ses élus des quatre vents, d’une extrémité du monde à l’autre t. Matth., xxiv, 31 ; Marc, xiii, 27. Sur l’époque où aura lieu ce rassemblement général de tous les êtres humains, et sur les idées que les écrivains sacrés ont formulées à propos de cette question, voir Fin du monde, t. ii, col, 2268-2278. — Le jugement lui-même est ainsi décrit par Notre-Seigneur : « Quand le Fils de l’homme sera venu dans sa majesté, et tous ses anges avec lui, il prendra place sur son trône de majesté. Devant lui seront réunies toutes les nations, et il séparera les uns d’avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis des boucs. Le roi dira alors à ceux qui seront à sa droite : Venez, bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé depuis l’établissement du monde… Il dira ensuite à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges… Et ils s’en iront, ceux-ci au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle. » Matth., xxv, 31-46. Le juge procède ici sans interrogatoire ni examen, ces actes ayant été accomplis au jugement particulier. Il reconnaît d’ailleurs comme accompli envers lui-même ce qui a « té fait de bien ou de mal à l’égard des hommes, qu’il appelle ses frères. Il paraît même, d’après la question des bons et celle des méchants, que les hommes ne se sont rendu compte, ni les uns ni les autres, de tout le bien ou de tout le mal qu’ils ont accompli. Le Seigneur Jésus représente sous cette forme la scène du jugement, surtout pour l’instruction de ses disciples. Les détails sont en partie métaphoriques ; l’idée générale qu’ils expriment est qu’à la fin des temps, il y aura une comparution de tous les hommes devant le souverain Juge, qui rendra publique la sentence rendue pour chaqueâmeau jugement particulier.Cl.Marc, vin, 38 ; Luc, ix, 26 ; xii, 8, 9. L’art chrétien a souvent figuré la scène du jugement dernier, spécialement au-dessus de la porte des cathédrales (fig. 311).

2. Les Apôtres reviennent assez souvent sur cet enseignement de Notre-Seigneur. Saint Paul parle du « jugement futur » à Félix, qui l’interrompt aussitôt. Act., xxiv, 25. Il rappelle aux Romains « le jour de la colère et de la manilestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres ». Rom., ii, 5, 6, 16. S’adressant aux Thessaloniciens, il leurenseigne que « le Seigneur lui-même, au signal donné, à la voix d’un archange, au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ, ressusciteront les premiers. Ensuite nous, les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées ». I Thess^ iv, 16, 17. Cette apparition du

Christ et ce rassemblement des vivants et des morts sur les nuées ne sont que les préludes du dernier jugement. Cf. I Cor., xv, 52. L’Épitre aux Hébreux, vi, 2, rappelle aussi « la résurrection des morts et le jugement éternel ». Il y est dit que « le Christ, qui s’est offert une seule fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra sans péché une seconde fois à ceux qui l’attendent pour leur salut ». Hebr., ix, 28. Saint Jude, 6, met les mauvais anges au nombre de ceux qui doivent figurer au jugement dernier : « Quant aux anges qui n’ont pas gardé leur dignité et ont abandonné leur demeure, il les a réservés, éternellement enchaînés dans les ténèbres, pour le jugement du grand jour. » Ct. II Pet.,

mort et l’enfer furent jetés dans l’étang de feu : c’est la seconde mort. Quiconque ne fut pas trouvé écrit dans le livre de vie fut jeté dans l’étang de feu. » Cette description du jugement rappelle à la fois celle de Daniel et celle du Sauveur ; mais elle montre dans une même perspective le jugement particulier, dans lequel le sort de chacun sera réglé selon ses œuvres, d’après le livre ouvert, c’est-à-dire d’après la connaissance parlaite que Dieu a de tous les actes de l’homme, et le

jugement général, dans lequel tous les hommes ressuscites ou encore vivants à la fin du monde seront cités et rassemblés devant le souverain Juge, pour recevoir la confirmation publique de leur sentence parti 311. — Jugement derniar. Scène sculptée sur le portail de Notre-Dame-de-Paris. D’après une photographie.

îi, 4. Les démons partageront donc, au jugement dernier, la condamnation et la honte de ceux qu’ils auront entraînés au mal sur la terre.

3. Dans l’Apocalypse, xx, 11-15, saint Jean parle en ces termes du dernier jugement : </ Je vis un grand trône blanc, et assis sur le trône quelqu’un devant qui la terre et le ciel s’enfuirent, sans qu’il se trouvât de place pour eux. Et je vis les morts, grands et petits, debout en face du trône. Les livres furent ouverts ; un autre livre, qui est le livre de vie, fut ouvert aussi. Et les morts furent jugés selon leurs œuvres, d’après ce qui était écrit dans les livres. La mer rendit les morts qu’elle contenait, la mort et l’enfer rendirent ceux qui .étaient en eux, et chacun (ut jugé selon ses œuvres. La

culière. Comment cette scène grandiose se déroulera-t-elle en réalité pour des êtres échappés aux conditions terrestres de leur existence ? En quel lieu ? À quelle époque ? Autant de questions sur lesquelles Dieu n’a pas jugé à propos de nous renseigner plus complètement. Des révélations qu’il a bien voulu nous faire dans la Sainte Écriture résultent avec certitude les vérités suivantes : après la mort de chaque homme, jugement particulier portant sur les œuvres de chacun et application immédiate de la sentence ; après la résurrection générale, comparution de tous les hommes, en corps et en âme, devant le Fils de Dieu, manifestation publique de la sentence portée sur chacun d’eux et séparation éternelle des bons, appelés au bonheur, et des méchants, envoyés au supplice. M

4. NotreSeigneur ajoute un dernier détail à la notion du jugement dernier. Il parle ainsi à ses Apôtres : « À la régénération, quand le Fils de l’homme prendra place sur le trône de sa majesté, vous serez assis vous aussi sur douze sièges, jugeant les douze tribus d’Israël. » Matth., XIX, 28 ; Luc, xxil, 30. Les douze tribus désignent ici l’ensemble des disciples du Christ. En réalité, le Sauveur est le seul juge des vivants et des morts, mais il veut avoir, en quelque manière, les Apôtres comme assesseurs dans l’exercice de son pouvoir judiciaire, de même qu’il les a eus comme coopérateurs dans l’exercice de son pouvoir sanctificateur. I Cor., iii, 9. C’est une façon d’indiquer que, dans l’autre vie, ils conserveront la prééminence dont ils ont été honorés sur la terre. Saint Paul dit de son côté que les simples chrétiens jugeront les anges. I Cor., vi, 3. Ceci s’applique seulement aux mauvais anges, pour lesquels le teu éternel a été préparé, Matth., xxv, 41, et vis-à-vis desquels les saints auront toutes les supériorités, spécialement celle de leur fidélité à Dieu. Dans une nature inférieure comme la nature de l’homme, cette fidélité devient en effet la condamnation de la révolte des anges, doués d’une nature supérieure.

H. Lesêtre.

2. JUGEMENT JUDICIAIRE (hébreu : mispât, dîn, pelilî ; Septante : xpf(j.a, xpîuiç, Vulgate : judicium), exercice de la puissance judiciaire. Les deux derniers mots hébreux désignent, dîn, le tribunal et le jugement lui-même, Is., x, 2 ; etc., pelilî, le conseil des juges, Is., xxviii, 7 ; quant au mot mispât, il embrasse dans sa signification l’acte "même du jugement, Lev., xix, 15 ; Deut., i, 17, etc., le lieu du jugement, Job, ix, 32 ; Is., m, 14, etc., la cause qui fait l’objet du jugement, Num., xxvii, 5 ; Job, xiii, 18, etc., la sentence du juge, III Reg., iii, 28 ; xx, 40, etc., et enfin le crime qui motive la sentence. Deut., xix, 6 ; Jer., li, 9, etc. — L’exercice de la puissance judiciaire suppose toute une série d’actes, au sujet desquels la Sainte Ecriture fournit un certain nombre de renseignements.

Le tribunal.

Il était composé de juges choisis

parmi les anciens, les lévites et les prêtres, en nombre plus ou moins grand suivant l’importance des localités ou des causes. Le chef du peuple ou le roi avait naturellement le droit de haute justice. Voir Juge, col. 1833.

Le lieu du jugement.

Les juges siégeaient en un

endroit public, où tout le peuple pût accéder pour assister au jugement. C’était ordinairement à la porte de la ville, lieu de passage près duquel se trouvait un espace libre plus vaste qu’à travers les rues étroites. Deut., xvi, 18 ; xxi, 19 ; xxii, 15 ; Ruth, iv, 1 ; Job, xxix, 7 ; Ps. cxxvi, 5 ; Am., v, 10-15, etc. Quand la ville avait une place assez grande, on y rendait aussi la justice. Job, xxix, 7 ; Is., lix, 14 ; I Mach., xiv, 9. Les rois jugeaient dans la cour de leur palais. Salomon bâtit dans ce but un portique du trône, où il entendait les causes et prononçait ses sentences. III Reg., vii, 7. À Jérusalem, on jugeait parfois à la porte du Temple. Jer., xxvi, 10-11. Dans le second Temple, le sanhédrin avait pour lieu de séances une salle appelée lUkat gazif, et qui était située moitié dans le lieu saint et moitié en dehors. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, lui donne le nom de pou>^ et la place près du Xystus. Comme le mot Çu<rro « signifie « poli, aplani », le mot gazith qui a aussi ce sens désignerait non pas une salle « des pierres polies », ce qui pouvait s’appliquer à toutes les salles du Temple, mais la « salle du Xjstus », c’est-à-dire celle qui était voisine de la place ainsi nommée. Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 211. Les Juifs prétendent que le sanhédrin abandonna cette salle, quarante ans avant la ruine de Jérusalem, Schabbath, 15° ; Santiedrin, 41°, quand le droit de porter des sentences capitales lui eut été enlevé par l’autorité romaine. Il siégea alors d’abord dans le parvis des Gentils, puis

dans la basse ville. Mais cette assertion n’est pas recevable, car il est avéré que des séances ont été tenues dans cette salle peu avant la guerre de Judée. Notre-Seigneur fut jugé dans le palais de Caïphe, parce que les portes du Temple ne s’ouvraient jamais pendant la nuit. Middoth, I, 1. Schùrer, Geschichte des j. V., t. ii, p. 212-213 ; Friedlieb, Archéologie de la Passion, trad. Martin, Paris, 1897, p. 12-14 ; Lémann, Valeur de l’assemblée, Paris, 1876, p. 9-11. Le procurateur romain jugeait dans son prétoire. Voir Prétoire.

La comparution devant le tribunal.

Quand un

crime avait été commis, le coupable était amené au tribunal par les parents de celui qui avait été trappe ou par les témoins. Un meurtrier connu était poursuivi par le Goêl. Voir Goel, col. 261. Si le meurtrier restait inconnu, les autorités locales les plus voisines du lieu du crime étaient dans l’obligation de dégager solennellement leur responsabilité. Deut., xxi, 1-9. Celui qui avait été lésé dans ses biens ou dans ses droits déférait aux juges celui dont il avait à se plaindre, et ce dernier, sans nul doute, était contraint par la force de paraître devant les juges quand il hésitait à le faire de bon gré. Deut., xix, 12. Le père et la mère menaient eux-mêmes aux juges le fils incorrigible qui méritait le châtiment. Deut., xxi, 19. Les juges prenaient ordinairement l’initiative des poursuites contre ceux qui transgressaient gravement la loi religieuse. Lev., xxiv, 11 ; Joa., viii, 3 ; Matth., xxvi, 47 ; Act v xxi, 30, etc. Dans les différends qui se rapportaient à des questions d’intérêt, les deux partis se donnaient d’un commun accord rendez-vous devant les juges. Ils comparaissaient toujours en personne. Celui qui accusait se tenait à droite de l’accusé. Zach., iii, 1. L’accusé ou celui qui se croyait lésé dans ses droits se présentait, au moins dans les derniers temps, en costume de deuil. Zach., iii, 3 ; Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 4.

L’instruction de l’affaire.

L’affaire se traitait directement

entre les partis et les juges. Il n’y avait ni accusateurs ni avocats. Il était cependant recommandé à ceux qui se trouvaient en mesure de le faire de prendrela défense des faibles, des veuves et des orphelins, [s., i, 17 ; xxix, 21 ; Am., v, 10. C’est ce que fit excellemment Daniel en laveur de Suzanne. Dan., xiii, 45-62. — La preuve était fournie par des témoins, qui ne pouvaient jamais être moins de deux. Num., xxxv, 30 ; Deut., xvii, 6 ; xix, 15 ; Dan., xiii, 28 ; Matth., xxvi, 61. Leur témoignage était corroboré par le serment et sa valeur devait être prudemment examinée par les juges. Il va de soi que les deux témoins devaient s’accorder ensemble, Marc, xiv, 56, et que, pour mieux s’assurer de leur véracité, on les interrogeait à part quand il semblait nécessaire. Dan., xiii, 51-59. Le faux témoin subissait la peine qu’il avait tenté de ménager à l’innocent. Deut., xix, 16-21 ; Dan., xiii, 61, 62. Voir Témoin. — À défaut de témoins, on exigeait le serment de la part de celui qui était en cause. Exod., xxii, 11 ; Num., v, 19-22 ; III Reg., viii, 31, II Par., vi, 22. Voir Jurement. — Dans les plus anciens temps seulement, on recourut au sort afin que par ce moyen Dieu fît connaître le coupable. Jos., vii, 13-19 ; I Reg., xiv, 40-43 ; Prov., xvi, 33 ; xviii, 18. — La, question ou torture de l’inculpé n’apparaît chez les Juifs que sous les Hérodes et est par conséquent d’importation étrangère. Josèphe, Bell, jud., i, xxx, 3.

La sentence.

Quand les juges étaient suffisamment

éclairés sur le cas porté devant eux, ils rendaient leur sentence. Cette sentence s’inspirait des prescriptions de la Loi. Comme la Loi ne prévoyait pas tous les. cas, on jugeait par analogie, d’après les coutumes, et en tenant compte des règles de l’équité naturelle. Quand le cas leur paraissait trop grave ou trop difficile à régler, les juges en renvoyaient l’examen à un tribunal plus élevé et plus éclairé. Deut., xvii, 8-12 ; II Par., xix, 5-11*

— La sentence était orale, comme toute la procédure.

Certaines allusions permettent cependant de penser qu’on se servait de l’écriture, en certains cas, soit dans la procédure, soit pour la sentence. Job, xiii, 26 ; xxxi, 35-37 ; Is., x, 1 ; Jer., xxii, 30 ; Ps. cxlix, 9. Il y avait d’ailleurs des contrats écrits, Jer., xxxii, 10, 44, qui parfois avaient été réglés devant les juges. — La sentence des juges dirimait les différends sans appel et sans instance supérieure. Elle prononçait les peines méritées par les coupables. Voir Peines.

L’exécution.

La sentence était immédiatement

exécutoire, et en présence même des juges, s’il ne s’agissait pas d’un arrêt de mort. Deut., xxv, 2. La peine capitale était infligée au coupable aussitôt après la sentence et avant la chute du jour ; le cadavre devait être inhumé avant la nuit. Deut., xxi, 23. Cette rapidité d’exécution s’explique par ce fait que la prison n’existait pas chez les Juifs, sinon à l’état d’exception. Jer., xxxvii, 15. Celle à laquelle Notre-Seigneur fait allusion et dont il dit qu’on ne peut sortir sans avoir payé jusqu’à la dernière obole, Matth., v, 25, 26, n’est pas une prison juive. Voir Prison. Ct. C. Iken, Antiquit. hebraic. , Brème, 1741, p. 404-411.

Le jugement de Notre-Seigneur.

Les jugements

portés par les juges israélites ne furent pas toujours conformes aux régies de l’équité, ni même de la légalité. La condamnation de saint Etienne lut le résultat d’un jugement tumultuaire, où la passion joua le rôle de la raison. Act., vii, 58-60. Le jugement de Notre-Seigneur par le sanhédrin fut entaché d’un grand nombre d’illégalités. Voici l’énumération des règles qui furent transgressées ; elle montrera par le détail ce que, d’après la Loi et d’après leurs docteurs, les Juifs exigeaient alors pour qu’un jugement fût régulier, 1. On ne peut juger ni le sabbat ni un jour de fête. Mischn. Betsa, v, 2. —

— 2. On ne peut juger la veille du sabbat ni d’un jour de fête. Sanhédrin, iv, 1. — 3. Il est défendu de juger la nuit. lbid. — 4. On ne peut siéger avant le sacrifice du matin. Sanhédrin, i, ꝟ. 19 ; Talm. Babyl., x, t. 88. — 5. Il taut au moins deux témoins. Deut., xvii, 6. — 6. Les témoins sont interrogés séparément en présence de l’accusé. Dan., xiii, 51. — 7. Avant de parler, les témoins sont adjurés de dire la vérité. Sanhédrin, iv, 5. — 8. Les dires des témoins doivent être attentivement examinés. Deut., xix, 18 ; Sanhédrin, v, 1. — 9. Les témoins doivent être d’accord. Sanhédrin, v, 2. — 10. Les faux témoins doivent subir la peine méritée par le crime dont ils témoignent à faux. Deut., xix, 18-21. — 11. L’accusé doit être interrogé avec bienveillance. Jos., vii, 9 ; Sota, i, 4. — 12. Il ne peut être condamné sur son seul aveu. Sanhédrin, vi, 2. — 13. Le procès entraînant une peine capitale ne doit pas se terminer en un seul jour. Sanhédrin, iv, 1.

— 14. En pareil cas, les juges doivent encore examiner la cause deux à deux avant la sentence. Sanhédrin, v, 5.

— 15. Les juges doivent prononcer individuellement la sentence. Sanhédrin, v, 5. — 16. Deux scribes recueillent les votes, l’un les votes favorables, l’autre les votes contraires. Sanhédrin, iv, 3. — 17. Une voix de majorité suffit pour absoudre, il en faut deux pour condamner. Sanhédrin, iv, 1 ; v, 5. — 18. Aucune sentence de mort n’est valable si elle est portée hors de la salle Gazith. Babyl. Abboda-Zara, 1, ꝟ. 8. Telles étaient les garanties que la jurisprudence des Juifs promettait aux accusés, et qui furent presque toutes refusées à ^Notre-Seigneur. Cl. J. et A. Lémann, Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre J.-C, 3e édit., Paris, 1881, p. 60-97 ; Dupin, Jésus devant Caiphe et Pilate, dans les Démonst. évang., de Migne, Paris, 1852, t. XVI, col. 727-754 ; Chauvin, Le procès de Jésus Christ, Paris, 1901 ; Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes, t. ii, p. 213-214.

H. Lesêtre.

S. JUGEMENT TÉMÉRAIRE. Un jugement est une ap préciation personnelle qu’on porte sur autrui. La Sainte Écriture s’occupe de cette appréciation en tant qu’elle est malveillante et téméraire, par conséquent répréhensible. — 1° Elle mentionne les jugements téméraires des amis de Job qui le jugent méchant parce qu’il est malheureux, Job, xlii, 7 ; ceux des pharisiens condamnant à tort les disciples du Sauveur, Matth., XII, 7 ; ceux des Juifs qui, comparant Notre-Seigneur à Jean-Baptiste, l’accusent d’être mangeur et buveur, Luc, vii, 33, 34 ; celui du pharisien qui juge que Notre-Seigneur ne sait pas ce qu’est la pécheresse et en conclut qu’il n’est pas prophète, Luc, vii, 39 ; celui des insulaires de Malte qui prennent saint Paul pour un malfaiteur, parce qu’une vipère l’a piqué, Act., xxviii, 4 ; ceux des chrétiens qui jugent défavorablement leurs frères, parce qu’ils mangent des viandes offertes aux idoles. Rom., xiv, 4-13, etc.

— 2° Le jugement téméraire fait l’objet de plusieurs recommandations dans le Nouveau Testament. « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés… La mesure que vous emploierez pour les autres servira pour vous. » Matth., vil, 1-6 ; Luc, vi, 37. Le Sauveur condamne ici le jugement superficiel et malveillant porté contre le prochain, dont on fait ressortir les moindres défauts, sans prendre garde aux siens propres qui sont souvent beaucoup plus considérables. Si l’on juge mal les autres, par un très juste retour, on sera mal jugé. Notre-Seigneur recommande encore de ne pas juger sur l’apparence, Joa., vii, 24, et il reproche aux Juifs de juger selon la chair, c’est-à-dire superficiellement et avec une coupable prévention. Joa., viii, 15. — Saint Paul s’élève plusieurs fois contre le jugement téméraire. Il avertit avec sévérité ceux qui condamnent dans les autres ce qu’ils se permettent eux-mêmes. Rom., ii, 1-9. Il ne veut pas que les chrétiens se jugent mal les uns les autres, suivant qu’ils observent ou non certaines distinctions sans importance entre les aliments et les jours, et il conclut : « Ne nous jugeons donc plus les uns les autres. » Rom., xiv, 2-13. Professant lui-même une parfaite indifférence à l’égard des jugements des hommes, il dit qu’un seul jugement importe, celui du Seigneur : « Aussi ne jugez de rien avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur qui mettra en lumière tout ce qui est caché. » I Cor., iv, 3-5. — Saint Jacques reprend ceux qui jugent de la valeur des gens d’après leur habit. Jac, ii, 2-4. Il ajoute que juger son frère, c’est juger la loi, ce qui est tout autre chose que l’observer. Personne n’a droit de juger son prochain. Jac, iv, 11, 12. H.- Lesêtre.

    1. JUGES (LIVRE DES)##


JUGES (LIVRE DES), septième livre de l’Ancien Testament suivant l’ordre du canon du concile de Trente, le deuxième de la seconde classe des livres de la Bible hébraïque, c’est-à-dire des nebi’im ou prophètes.

I. Nom.

Ce livre est intitulé dans la Bible hébraïque D>T38lir, Sôfetîm, dans la Bible des Septante Kpmti. Quelques manuscrits ont des titres plus étendus : Kpimi to-j’Iffpoer)). ; aï Tmv KptTwv itpdéi ; ei ;. Philon, De confus, hng., 26, le nomme : i ™v xptjjuxTGiv ëfêXoç. Saint Jérôme l’a intitulé : liber Judicum. Ces noms qui ont tous la même signification dérivent du contenu du livre, ainsi que l’a justement remarqué l’auteur de la Synopsis Sacres Script., attribuée à saint Athanase, 11, t. xxviii, col. 512. Ce livre contient, en effet, le récit de la vie et des exploits des héros d’Israël, nommés Juges. — Le mot sôfêt ou Sofêt, qui dépend du verbe sâfat, ne signifie pas nécessairement partout comme Deut., xvi, 18, un juge au sens précis du mot ou un magistrat chargé de rendre la justice. C’est plutôt un chef qu’un juge proprement dit. Cf. Ps. ii, 10 ; cxlviii, 11 ; Am., n, 3 ; Is., xvi, 5 ; XL, 23 ; Prov., viii, 16 ; Abd., i, 21 ; Ose., vu, 7 ; Dan., ix, 12. Dans le livre des Juges, le juge est. le libérateur, le sauveur de son, peuple, ii, 16, 18 ; iii, 15, 31 ; x, 1 ; xiii, 5. Les Juges d’Israël sont expressément

désignés sous le nom de « sauveurs ». II Esd., iz, 27. Le verbe employé dans ces passages est yâsa, « sauver, affranchir, délivrer. » Il est donc synonyme de sâfat, dont le sens primitif est prendre la défense de l’opprimé, le soutenir contre l’oppresseur. Ps. lxxxii, 3 ; x, 18 ; lxxii, 4 ; xxvi, 1 ; xliii, l ; Is., i, 17, 23 ; IReg., xxiv, 16 ; HReg.t xviii, 19, 31. De ce sens primitif est venu le sens de juger et de rendre la justice. On a rapproché les sôfetîm hébreux des suffètes carthaginois. Tite Live, xxviii, 37 ; xxx, 7 ; Festus, xvii ; Corpus inscript, lat., n. 4922, t. v, p. 517. Si le nom est le même, les fonctions diffèrent, car les suffètes étaient des sortes de consuls, des magistrats réguliers qui se succédaient sans interruption et avaient pouvoir sur tous les Carthaginois. Au rapport de Josèphe, Contra Apion., i, 21, les Tyriens, vers l'époque de ZNabuchodonosor, avaient aussi des suffètes, que l’histoarien juif appelle Siya<st « (. — De fait, les Juges d’Israël n'étaient pas des magistrats politiques, placés à la tête du gouvernement et chargés d’administrer tout le pays. Leur mission était essentiellement militaire. C'étaient des chefs temporaires, d’occasion, que Dieu suscitait pour affranchir son peuple coupable, mais repentant, de l’oppression de ses ennemis. Chacun d’eux eut des attributions fort différentes et exerça son pouvoir suivant les circonstances et sur des territoires plus ou moins étendus.

II. Contenu.

Le livre des Juges continue l’histoire d’Israèl après la mort de Josué et la poursuit jusqu'à la naissance de Samuel. Toutefois ce n’est pas une histoire suivie ; on n’y trouve que des épisodes survenus à intervalles plus ou moins longs. « C’est seulement une galerie de tableaux ou plutôt de portraits. » Plusieurs des récits sont peu étendus. L’auteur omet tout ce qui ne rentre pas dans son plan. Ainsi il donne peu de détails sur l’occupation du pays de Chanaan, qui n'était pas terminée à la mort de Josué et qui ne s’acheva que sous les premiers rois. Il groupe ses récits autour de ses héros et il raconte comment ils ont délivré Israël de l’oppression des tribus chananéennes. Le nombre de ces héros, si on compte tous ceux qui sont nommés, s'élèverait au chiffre de quinze, savoir, Othoniel, Aod, Samgar, Jahel, Débora, Barac, Gédéon, Abimélech, Thola, Jair, Jephté, Abesan, Ahialon, Abdon, Samson. Mais Jahel est simplement nommée Jud., V, 6. On ne rapporte pas les actes de Samgar, iii, 31, de Thola et de Jair, x, 1-5, d' Abesan, d’Ahialon et d' Abdon, xii, 8-5. Abimélech est un usurpateur de la royauté, ix, 6. Voir t. i, col. 55. Barac n’est que l’exécuteur des ordres de Débora. Voir 1. 1, col. 1444. Il ne reste donc plus que six juges, qu’on a appelés les grands juges, Othoniel, Aod, Débora (avec Barac), Gédéon, Jephté et Samson. Ils appartiennent à différentes tribus et ne se succèdent pas d’une façon continue.

III. Division.

Le livre des Juges se divise en trois parties distinctes : 1° une introduction ; 2° le corps de l’ouvrage ; 3° deux appendices.

1° Introduction, 1-m, 6. — Elle comprend deux sections parallèles. — Dans la première, i-ii, 5, l’auteur retrace l'état politique d’Israël après la mort de Josué et décrit sa situation en face des Chananéens. Il rappelle la prise de quelques villes, dont celle de Cariath-Sépher était probablement antérieure au décès de Josué. Il indique quelles tribus chananéennes n’avaient pas été exterminées par les Israélites et le motif pour lequel Dieu les avait conservées. Elles devaient être les ministres de ses vengeances contre son peuple coupable. — La seconde section, II, 6-m, 6, dépeint l'état religieux et moral des Israélites, qui ne demeurent pas toujours fidèles à Dieu. Ils se laissent entraîner à l’idolâtrie par les Chananéens qui vivent au milieu d’eux. Pour punir leur infidélité, le Seigneur permet qu’ils soient opprimés par leurs séducteurs. L’excès de la misère les ramène dans la bonne voie ; ils se repentent de leur apostasie et

Dieu suscite des héros qui les délivrent de la servitude. 2° Corps de l’ouvrage, iii, 7-xvi, 31. — Il est formé par une série de récits détachés, qui racontent les exploits des sept grands juges (en comptant Abimélech) et auxquels se rattachent les mentions des petits juges. Aussi on pourrait légitimement le subdiviser en sept sections consacrées à chacun des grands juges. Voir Vigoureux. Manuel biblique, 11e édit., Paris, 1901, t. ii, p. 55. Mais l'époque des Juges se divise en trois périodes distinctes qui sont nettement marquées dans le livre luimême. Il est donc plus naturel de partager celui-ci en trois parties. Chacune d’elles est précédée d’une réprimande de Dieu à son peuple. La première est marquée par l’avertissement général, iii, 1-7, qui donne le ton moral à tout le livre. La deuxième débute par l’envoi d’un prophète qui reproche à Israël son ingratitude et sa désobéissance, vi, 8-10. La troisième commence aussi par de sévères reproches et une menace d’abandon, x, 11-14. « Ces trois périodes se ressemblent en ce que l’apostasie, l’invasion ennemie, la pénitence et la conversion du peuple, sa délivrance par un juge et une longue durée de prospérité se succèdent régulièrement. Cependant il est facile de reconnaître qu’Israël suit une marche progressive dans le mal. L’apostasie devient finalement et plus générale et plus fréquente, mais aussi l’oppression ennemie plus dure. La paix n’est rétablie que pour des époques de moins en moins longues ; encore est-elle troublée par des luttes intestines. Dans chacune de ces trois périodes, il y a eu plusieurs oppressions et plusieurs juges. Il n’est pas nécessaire d’admettre que ces oppressions se sont toutes succédé dans l’ordre où elles sont rapportées dans le récit biblique. Plusieurs régions ont pu être à la fois victimes d’oppressions différentes, et il arriva sans doute aussi qu’une partie du pays jouissait de la paix, lorsque d’autres gémissaient sous la servitude des étrangers. » Pelt, Histoire de VA. T., 3e édit., Paris, 1901, t. i, p. 341-342.

1. La première partie, iii, 7-v, 31, fait le récit des invasions ennemies qui attaquèrent Israël de divers côtés. — a) Chusan, roi de Mésopotamie, envahit Chanaan au nord-ouest et lui impose tribut. Au bout de huit ans, Othoniel, de la tribu de Juda, secoue le joug et procure à la contrée un repos de quarante ans, iii, 7-11. — b) A l’est, les Moabites rendent tributaires les tribus transjordaniques et plusieurs tribus en deçà du Jourdain. Aod, de la tribu de Benjamin, délivra ses compatriotes en tuant par surprise Églon, roi de Moab, et leur procura une paix de quatre-vingts ans, iii, 12-30. — c) Samgar repoussa les Philistins, qui inquiétaient Israël au sud-ouest, iii, 31. — d) Sisara, général en chet de Jabin, avait envahi les régions occupées par les tribus du nord. Débora envoya, au nom du Seigneur, Barac repousser l’envahisseur. L’armée de Sisara fut battue et lui-même fut tué par Jahel. Débora chanta cette victoire, qui fut suivie de quarante ans de repos, iv, 1-v, 31.

2. La deuxième partie, vi, 1-x, 5, raconte l’oppression madianite secouée par Gédéon et l’usurpation de la royauté par Abimélech, fils de Gédéon. — a) Israël coupable fut opprimé pendant sept années par les Madianites. Lorsqu’il recourut à Dieu, le Seigneur suscita Gédéon et lui donna des signes de sa protection. Avec quelques hommes d'élite, Gédéon chassa les Madianites et tua leurs chefs. Il refusa la royauté, mais fit un éphod, qui ramena le peuple à des pratiques idolâtriques. La judicature de Gédéon procura aux Israélites quarante années de paix, vi, 1-vni, 28. — b) Abimélech, après avoir massacré ses frères, se fit reconnaître roi par les habitants de Sichem. Ceux-ci se révoltèrent bientôt, la ville de Sichem fut détruite et Abimélech fut tué par une femme, viii, 29-ix, 57. — c) Les judicatures de Thola d'Éphraîm, à l’ouest, et de Jaïr de Galaad, à l’est du Jourdain, sont simplement mentionnées, x, 1-5. a

1 3. La troisième partie, x, 6-xvi, 31, fait le récit de l’oppression des Ammonites à l’est et des Philistins à l’ouest, — a) Les Israélites, plus coupables que jamais, sont tombés simultanément, semble-t-il, sous le joug des Philistins et des Ammonites. Après leur avoir reproché leur ingratitude, Dieu justement irrité leur promet cependant son secours, x, €-16. — 6) Jephté, à la tête des tribus transjordaniques, chasse les Ammonites de toutes les villes qu’ils avaient prises, accomplit le vœu qu’il avait fait avant la bataille et châtie durement les Éphraïmites, mécontents de n’avoir pas été appelés au combat, x, 17-xii, 7. — c) Trois juges, Abesan, Ahialon et Abdon, sont seulement indiqués, XII, 7-15. — d) Les Philistins, qui dominaient Israël, trouvèrent un adversaire redoutable dans la personne de Samson, dont les exploits sont racontés, xiii, 1-xvi, 31. Voir Pelt, Histoire, p. 342-346 ; F. de Hummelauer, Comment, in lib. Judicum st Ruth, Paris, 1888, p. 9-11. 3° Appendices, xvii-xxi. — Le premier, xvii-xviii, rapporte l’histoire de l’idolâtrie de Michas et des Danites. Le second, xix-xxi, relate le crime des habitants de Gabaa, la guerre qui en fut la suite et l’extermination des Benjaminites. « Ces deux événements n’ont aucune relation nécessaire avec le corps de l’ouvrage ; ils y sont joints comme suppléments parce qu’ils se sont passés dans la même période, le premier, un peu avant, le second, un peu après la mort de Josué. » Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 55. Pour une analyse plus détaillée, voir R. Cornely, lntroductio specialis in historicos V. T. lïbros, Paris, 1887, p. 209-214.

IV. Plan du livre.

Si l’on ne tient pas compte des deux appendices qui le terminent, le livre des Juges forme un tout homogène, dont une pensée unique constitue l’unité. L’introduction expose cette pensée, prépare et explique le corps de l’ouvrage. Elle affirme

' qu’Israël est heureux, lorsqu’il est fidèle à Dieu ; malheureux dès qu’il abandonne son culte ; pardonné quand il se repent et se convertit. Le corps de l’ouvrage montre par les faits la vérité de cette triple loi. Son unité ressort de la répétition des mêmes formules : « Ils firent le mal devant le Seigneur, » Jud., ii, 11 ; iii, 7, 12 ; iv, 1 ; vi, 1 ; x, 6 ; xiii, 1 ; « ils crièrent vers le Seigneur qui leur suscita un sauveur, » Jud., iii, 9, 15 ; iv, 3 ; VI, 7 ; x, 10 ; et « la terre se reposa [nombre] d’années ». Jud., iii, 11, 30 ; v, 32 ; viii, 28. L’histoire des six grands Juges raconté plus longuement et dans un cadre identique développe l’idée maîtresse.

V. But de l’auteur. — Ce plan indique le dessein de l’auteur qui veut montrer que l’infidélité à Dieu est toujours punie. Toutes les fois qu’Israël se détourne de lui, le Seigneur le livre aux mains de ses ennemis. La conclusion est que Jéhovah est le seul Dieu d’Israël et son culte la seule vraie religion. Le but immédiat de l’auteur est donc un but moral ; son but dernier est théocratique. Il est néanmoins historique, puisqu’il veut prouver sa thèse par des faits de l’histoire. Cependant il n’a pas voulu écrire une histoire complète de l'époque des Juges ; il a seulement choisi les épisodes qui se rapportaient à son but et qui rentraient dans son cadre. Ce but est clairement indiqué dans le prélude, Jud., Il, 11-19, et il est réalisé par la disposition du livre, l’ordre et le choix des matières. Bien que ne répondant pas directement au dessein général de l’auteur, les deux faits rapportés à la fin du livre concourent cependant à justifier une remarque plusieurs fois répétée i « c Alors il n’y avait point de roi en Israël, et chacun faisait ce que bon lui semblait. » Jud., xvii, 6 ; xviii, 1, 31 (héb., xix, 1) ; xxi, 24. Ils montrent l'état lamentable de la religion et de la moralité en Israël avant l'établissement de la royauté.

VI. Unité du livre.

L’unité du livre des Juges ressort manifestement du plan exposé plus haut. Toutefois, cette unité n’est ni absolue ni rigoureuse, puis que l’introduction indique le plan général et que les appendices ne sont rattachés au corps de l’ouvrage que par un lien secondaire, qui les laisse en dehors du cadre tracé par l’auteur. Or, tandis que les catholiques admettent généralement l’unité d’auteur résultant de l’unité du plan, tout en reconnaissant que l’auteur s’est servi de documents antérieurs qu’il a fait rentrer dans son cadre sans modifications substantielles, les critiques modernes, poussant plus loin l'étude des sources, ont abouti à regarder le livre des Juges comme une composition artificielle, dont l’unité serait constituée par un cadre tracé par un dernier rédacteur utilisant des matériaux préexistants.

Ewald, Geschichte des Volkes Israël, Gœttingue, 1864, 1. 1, p. 204, avait distingué deux livres, l’un contenant le récit des guerres rangées selon la série des grandsprêtres, et l’autre racontant les exploits des douze Juges. Le rédacteur aurait emprunté au premier les chap. xviixxi, au second, Jud., iii, 7-xvi, 31, et aurait composé l’introduction, i, 1-m, 6, pour indiquer le cadre de sa composition. Bertheau, Dos Buch der Richter und Ruth r Leipzig, 1845, p. xxx, admettait aussi deux sources ; la première n'était qu’un simple catalogue des douze Juges, avec l’indication du nombre des années de leur judicature et du lieu de leur sépulture ; la seconde contenait l’histoire de la période des Juges, ramenée aux six grands Juges. E. Reuss, Die Geschichte der heilig. Schriften des A. T., Brunswick, 1881, p. 337, adoptait cette opinion, que le P. de Hummelauer a réfutée, Comment, in Ubros Judicum et Ruth, p. 1-2, 25-27. J. Wellhausen, Die Composition des Hexateuchs und der hxstorischenBûcher des A. T., 2e édit., Berlin, 1889, p. 213-238, examine le texte chapitre par chapitre pour déterminer le caractère et l'âge de chaque partie, mais il ne tire pas de conclusion générale. Les critiques actuels ne se bornent pas à distinguer les sources ; ils se demandent, en outre, si elles correspondent à celles qu’ils ont déterminées pour le Pentateuque. Kœnig, Emleitung, 1893, p. 250, et Driver, Emleitung, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 173-184, admettent que le dernier rédacteur, au moins pour le corps de l’ouvrage, est deutéronomiste ; l’introduction et les appendices sont d’une autre main, peut-être plus récente, mais employant d’anciennes sources. Pour Kittel, l’introduction est l'œuvre du dernier rédacteur et elle dépend de l’auteur jéhoviste. Le corps du livre comprend l’histoire des grands Juges, rédigée par un écrivain deutéronomiste, mais complétée par un autre qui a joint le tableau des petits Juges. Les appendices ont été retouchés par un auteur sacerdotal. Le livre dans son état actuel est l'œuvre d’un dernier rédacteur. Budde, Die Bûcher Richter und Samuel, 1890, a recherché si les documents jéhoviste et élohiste qui, d’après les critiques, ont servi à former le Pentateuque, avaient été utilisés pour le livre des Juges. Tous les grands Juges, sauf Othoniel et Samson, lui paraissent avoir eu deux historiens, j (le jéhoviste) ete (l'élohiste). Les deux histoires ont été fondues par je et remaniées par un autre rédacteur. L’histoire de Samson, fortement retouchée au chap. xiii, provient du jéhoviste. La première introduction, I, 1-n, 5, est foncièrement du même auteur, tandis que la seconde, ii, 6-m, 6, dépend de E. Les deux écrivains ont été aussi utilisés dans les deux appendices. Ils représentent, d’ailleurs, deux écoles plutôt qu’ils ne sont des individus distincts. Un rédacteur deutéronomiste a arrangél’histoire des Juges dans un but moral. Enfin, une dernière main a retouché le tout dans le sens du code sacerdotal. Moore a adopté ces vues dans son commentaire des Juges, Edimbourg, 1896, dans sa traduction anglaise, 1898, et dans l'édition du texte hébreu des Sacral Books of the Old Testament, publiés parP.Haupt, 1900, ainsi que Cornill, Einleitung in das A. T., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 94-95. Quelques

uns de leurs arguments sont réfutés par le P. Cornely, Introductio specialis in historicos V. T. libros, p. 215-218.

Le P. Lagrange a exposé, dans Le livre des Juges, in-8°, 1903, Introduct., p. xxv-xxxvi, ce qui dans ces théories critiques lui paraît certain ou probable. Son dessein est de rechercher les sources dont s’est servi le dernier Tédacteur inspiré et qu’il a reproduites sans y faire de changements substantiels. Le corps du livre, qui pour lui commence, ii, 6, présente un caractère particulier, très nettement dessiné. Son auteur a écrit l’histoire des grands Juges suivant le cadre à quatre points : péché, châtiment, pénitence, délivrance. De plus, pour chacun, non seulement la durée de l’oppression et de la judicature est mentionnée, iii, 8, 11, 14, 30 ; iv, 3 ; v, 31 ; vi, 1 ; viii, 28 ; x, 8 ; xii, 7 ; xiii, 1 ; xv, 20, mais encore la délivrance est considérée comme s’étant étendue à tout Israël, iii, 10, 15 ; iv, 4 ; viii, 34 ; xii, 7 ; xv, 20. Toutefois, cette unité n’est pas rigoureuse ; elle est plutôt constituée par le cadre, dans lequel l’auteur a fait rentrer des matériaux préexistants. La preuve résulte d’un certain manque d’harmonie primordiale entre le cadre et les histoires qui y ont été insérées. Le rédacteur a introduit un nouveau point de vue qui n’était pas celui des auteurs primitifs, et a’insisté sur la leçon d’ensemble que les faits particuliers fournissaient à tout Israël. En effet, tandis que le cadre historique présente les juges comme les sauveurs de tout Israël, chacun d’eux, en réalité, n’a sauvé qu’une partie d’Israël. L’usurpation de la royauté par Abimélech est aussi en dehors du cadre et fait suite à. l’histoire de Gédéon ; cette histoire et celle d’Abimélech étaient donc antérieures au cadre. D’autre part, l’histoire d’Othoniel n’est que le cadre avec des noms propres ; elle est donc de l’auteur du cadre. Les autres histoires, notamment celle de Samson, qui diffère de son genre, n’est pas de lui. Le rédacteur a donc transcrit pour l’histoire des grands Juges, sauf pour celle d’Othoniel, des documents préexistants, qu’il a reproduits dans leur état primitif. Comme son œuvre propre présente une étroite affinité avec le Deutéronome, ce rédacteur est nommé deutéronomiste. L’histoire des petits Juges, bien que ne remplissant qu’une partie du cadre, rentre dans la chronologie du corps de l’ouvrage ; elle est donc, même plus probablement pour Samgar, l’œuvre du rédacteur deutérononomiste. La seconde introduction, ii, 6-m, 6, n’est pas entièrement de sa main ; tout ce qui se rattache à l’histoire de Josué a le cachet de la partie élohiste du récit.

Mais les histoires des grands Juges formaient-elles un seul et même ouvrage, ou bien autant d’ouvrages distincts, ou seulement deux histoires parallèles, jéhoviste et élohiste, combinées par un premier rédacteur ? Il faut distinguer les cas. L’histoire d’Aod est parfaitement une et très caractéristique. Celle de Samson lui ressemble et ne présente aucune trace de deux récits parallèles. Elles sont très vraisemblablement sorties de la même plume, J. L’histoire de Débora, qui est une elle aussi, est au contraire le type de l’histoire prophétique, E. Celle de Gédéon a été racontée au moins par deux auteurs, qui paraissent être J et E. Dans Jephté la dualité est moins accusée, le partage plus difficile à fixer. En résumé, pour les grands Juges, il n’y a que deux écrivains, car il n’y a que deux types d’histoire ou deux manières d’écrire. Si j n’est pas le jéhoviste du Pentateuque, il est du moins de son école ; Ese rattache plus clairement à l’histoire élohiste du Pentateuque ; la communauté d’idées et d’expressions prouve, sinon l’unité d’auteur, du moins la parenté intellectuelle avec ce récit élohiste.

La première introduction, I-li, 5, présente la marque encore plus accusée d’une rédaction d’après des sources. Elle renferme plusieurs passages qu’on lit dans le livre de Josué. Des deux livres, l’un n’a pas été copié sur l’autre ; il est plus vraisemblable que tous deux ont

puisé à une source commune. P. de Hummelauer, Comment, in Ub. Josue, Paris, 1903, p. 60-71 ; Lagrange, Les Juges, p. 27-32. Mais quelle est cette source et quel en est le rédacteur ? Est-ce j, histoire de la conquête de la Palestine ? N’est-ce pas plutôt un exposé de ce que les Israélites n’ont pas fait, en opposition avec ce qu’ils devaient faire ? Si elle avait existé, le rédacteur deutéronomiste l’aurait maintenue. Elle a été composée pour servir de première préface à l’ouvrage, d’après de très anciennes notices, dont une au moins est antérieure à la prise de Jérusalem par David, Jud., i, 21, et dont les autres semblent être du même temps, puisque l’assujettissement des Chananéens est attribué à la maison de Joseph, Jud., i, 35, et non au pouvoir royal.

Les appendices constituent un tableau de ce qui s’est passé avant l’institution de la royauté. L’histoire de Michas et des Danites, xvii, xviii, ne présente aucun indice sérieux du mélange de deux documents anciens ou de la transformation d’un document ancien par un rédacteur. Tout au plus a-t-elle subi quelques retouches. Il en est de même de la première partie de l’histoire de Gabaa, xix. Les chapitres xx et xxi paraissent, au point de vue littéraire, résulter de la transformation d’un ancien document par un rédacteur postérieur, qui serait l’auteur de la première introduction. Le document employé se rapporterait àe et non à j.

En résumé, la composition du livre de Josué aurait suivi cet ordre chronologique. Au début, deux groupes d’histoires, l’un racontant les épisodes des guerres de Jehovah, d’un style plus populaire, j, l’autre traçant d’une manière continue l’histoire religieuse de Josué à Samuel, E. Ils ont été soudés par un premier rédacteur de façon à former l’histoire des cinq grands Juges, écrite dans un but moral pour montrer le secours donné par Dieu à son peuple. Un second rédacteur deutéronomiste a accentué cette leçon, en l’appliquant à tout Isrær et en ajoutant l’histoire d’Othoniel et celle des petits Juges. Plus tard, quand on fit entrer le livre des Juges dans la série des ouvrages qui racontaient l’histoire complète d’Israël, un dernier rédacteur, l’auteur inspiré de tout le livre actuel, mit en avant une préface qui traçait le tableau général de la situation au début de cette période historique et ajouta les appendices qui n’avaient pas été employés par le rédacteur deutéronomiste. Quant aux dates de composition, les deux premiers documents, élohiste et jéhoviste, seraient de l’époque de David, sans qu’il y ait ici aucune raison décisive de priorité. L’élohiste se rattacherait à l’école de Samuel et le jéhoviste à la cour militaire de David. Du rédacteur qui les a combinés, on ne peut rien dire tant ses sutures sont bien faites. Le deutéronomiste est naturellement postérieur à la promulgation du Deutéronome en 621. La dernière rédaction pourrait être placée au temps d’Esdras, ^

Que penser de ces conclusions ? Réserve faite au sujet des rapprochements avec les prétendus résultats de la critique littéraire du Pentateuque, il est certain qu’il n’y a rien à leur opposer au point de la toi et de l’orthodoxie. La tradition catholique n’a pas d’enseignement précis touchant l’auteur et la date du livre des Juges. D’autre part, l’emploi de documents antérieurs se concilie avec l’inspiration divine de l’écrivain qui les met en œuvre. La question est donc d’ordre exclusivement critique. Nous ne nions pas non plus qu’il ne soit possible à un œil exercé de découvrir dans un livre les différentes sources desquelles il dérive. Les résultats obtenus sont certains, lorsque les documents primitifs ont été conservés à l’état isolé. En dehors de cette hypothèse, on n’aboutit souvent qu’à des conclusions vraisemblables ou simplement possibles. La vraisemblance dépend des indices, découverts dans le livre, de documents utilisés par l’auteur. Or, dans le cas particulier du livre des Juges qui, aussi loin que nous puissions

remonter dans l’histoire d’Israël, nous apparaît constitué dans sa teneur actuelle, quelle est la valeur des indices de tant de recueils divers, de tant de retouches successives ? La plupart nous paraissent trop faibles pour appuyer les conclusions qu’on en déduit. Ce ne sont que des conjectures accumulées. Elles aboutissent à de pures possibilités. Sont-elles même toutes vraisemblables ? Les -expressions : filii Israël, Israël, terra, si souvent répétées dans l’histoire des grands et des petits Juges, ne désignent pas nécessairement tous les Israélites et la Palestine entière. De soi, elles peuvent désigner une partie des Israélites, une contrée, habitée par quelques tribus d’Israël. En fait, plusieurs récits, notamment ceux de Gédéon, vii, 23, 24, et de Jephté, x, 8, 9, contiennent des restrictions qui permettent d’interpréter dans un sens restreint les expressions universelles : omnis populus cum Gedeone, vii, 1 ; omnes viri Israël, "vm, 22. Dans l’histoire de Débora, le cantique en vers, qu’on reconnaît très ancien, est aussi favorable à la judicature sur tout Israël, Jud., v, 7-11, que le récit en prose, iv, 1, 3, 4, 23. Osera-t-on soutenir pour les besoins de la cause qu’il a été retouché par un rédacteur postérieur ? Les deux morceaux précisent, d’ailleurs, l’étendue de l’influence de Débora en Israël et la montrent s’exerçant sur quelques tribus seulement, iv, 6, 10 ; v, 14, 15, 16, 18. Mais on présente ce manque d’harmonie primordiale entre le cadre et les histoires comme un indice d’un remaniement intentionnel de documents antérieurs par un rédacteur, qui voulait tirer de faits particuliers une leçon générale. On admet même l’introduction d’un nouveau point de vue qui modifierait, dans un but moral, celui des auteurs primitifs. Ne serait-ce pas un changement substantiel, produit par le rédacteur du cadre et conservé par le rédacteur inspiré de tout le livre ? Il nous semble que la leçon morale, adressée à tout Israël, ressortait suffisamment des châtiments imposés par Dieu à quelques tribus, étant donné surtout qu’elle avait été maintes fois répétée ; elle est donc suffisamment justifiée, sans qu’il soit nécessaire de supposer l’introduction d’un point de vue nouveau. Enfin, le rédacteur, en remaniant ses sources, les aurait retouchées de façon à les mettre entièrement d’accord avec son but personnel. S’il a laissé subsister des traces de l’esprit différent des documents primitifs, il a été malhabile dans son travail de retouche et d’adaptation. ,

Ces documents primitifs étaient eux-mêmes, d’autre part, de mains différentes. Ceux qui concernent Gédéon et Jephté dérivaient de deux traditions indépendantes. On appuie cette dernière conclusion sur la coexistence de récits parallèles, tels que les deux sacrifices offerts par Gédéon, vi, 11-24, 25-32, et la poursuite des Madianites par la tribu d’Éphrai’m, vii, 24-25, comparée avec celle de Gédéon lui-même, viii, 4-21. Dans le premier cas, il n’y a pas deux sacrifices, voir col. 146, ou, si on en admet deux, ils ont été offerts successivement et dans des circonstances différentes. La poursuite des fugitifs se fit simultanément sur des points divers, et si le récit en est un peu confus, cela provient non de la combinaison de deux sources distinctes, mais simplement d’une anticipation de l’expédition des Éphraimites dans l’ordre des événements. Voir col. 148. Ces documents parallèles ne sont pas seulement distincts ; ils sont encore caractérisés ; leurs auteurs appartiennent à l’école du jéhoviste et de l’élohiste du Pentateuque. Sans entrer dans aucun détail, demandons si ces marques sont aussi caractéristiques qu’on le prétend, si elles n’ont pas été primitivement fixées d’après un concept particulier de l’histoire d’Israël, de son développement politique et religieux, plutôt que d’après des faits dûment constatés. Les idées et le style du jéhoviste et de l’élohiste sont-ils si distincts qu’un mot suffirait parlois pour déterminer le caractère du morceau qu de la

phrase dans lesquels on les rencontre ? Le désaccord des conclusions montre bien que beaucoup des considérations, dont elles dérivent, sont plus subjectives qu’objectives, et le P. Lagrange est d’accord tantôt avec Cornill et Moore contre Budde, tantôt avec Budde contre l’un ou l’autre des critiques qu’il étudie. On peut faire les mêmes réflexions au sujet des rédacteurs successits, qui sont plus ou moins imbus des idées et du style du jéhoviste, de l’élohiste et du deutéronomiste. Ces déterminations dépendent des résultats qu’on croit avoir obtenus dans la critique littéraire du Pentateuque et qui sont loin d’être certains. Voir Pentateuque. Elles ne seraient admissibles qu’autant qu’on reconnaîtrait Moïse comme l’auteur du Pentateuque.

Les critiques catholiques n’hésitent pas à admettre des sources dont dépend le livre des Juges. Mais ils les déclarent contemporaines ou à peu près des événements racontés. Sans parler de quelques commentateurs du xvii » siècle, citons Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 182, qui distingue du cadre moral quelques documents caractérisés par des particularités de fond et de style ; Cornely, Introductio specialis in hist. V. T. libros, p. 222 ; F. de Hummelauer, Comment, in lib. Judicum et Ruih, p. 27, reconnaissent que fauteur du livre a puisé à des sources écrites ; quant à la dernière rédaction, ils la placent au commencement de l’institution de la royauté et l’attribuent à Samuel.

VII. Date.

On peut la fixer approximativement d’après des indices internes, le contenu du livre permettant de déterminer les limites extrêmes entre lesquelles s’étendra l’époque de la composition. — 1° Les derniers faits racontés concernent l’oppression d’Israël par les Philistins. Elle dura quarante ans. Jud., xiii, 1. Samson commença la délivrance de son peuple, xiii, 5 ; Samuel l’acheva. I Reg., vii, 13. Le livre des Juges, se terminant par la mort de Samson, XVI, 30, 31, et ne contenant pas les judicatures d’Héli, I Reg., IV, 18, et de Samuel, I Reg., vii, 15, bien qu’elles rentrassent facilement dans le cadre tracé par son auteur, sa rédaction a pu être contemporaine de ces événements, trop récents encore peut-être pour y être insérés. — 2° La mention : « Il n’y avait pas alors de roi en Israël, » répétée quatre fois dans les appendices, xvii, 6 ; xviii, 1, 31 ; xxi, 24, pour expliquer les graves excès qui y sont racontés, montre directement que cette portion du livre, et indirectement que le tout dont elle fait partie, ont été rédigés après l’institution de la royauté. À l’anarchie qui existait à l’époque des Juges, on oppose implicitement les avantages que la royauté procurait à Israël. On n’avait donc pas connu les règnes désastreux des mauvais rois, et on était encore sous les heureuses impressions des débuts de l’institution. — 3° Il est dit dans la première introduction, I, 21, que les Jébuséens habitaient « jusqu’aujourd’hui » à Jérusalem avec les Benjamites. La composition de ce morceau a donc précédé la prise de la citadelle, où cette tribu chananéenne avait son refuge, prise faite par David dans les premières années de son règne. II Reg., v, 6, 7. Postérieure à l’établissement de la royauté en Israël, antérieure à la septième année du règne de David, la rédaction du livre dés Juges doit être rapportée au règne de Saûl. — 4° Le but de l’auteur, qui est de détourner les Israélites de l’idolâtrie par l’exposé des châtiments divins, convient mieux au début qu’aux dernières années de ce règne, puisque nous savons que Saùl était opposé aux devins. I Reg., xxviii, 9.

VIII. Auteur.

Il n’y a rien de certain sur la personne de l’écrivain qui a composé le livre des Juges, et les commentateurs ont exposé à ce sujet des opinions divergentes. Aujourd’hui il n’y a plus guère que deux sentiments en présence. Tandis que les partisans de la haute critique admettent une série de rédacteurs successits qui se clôt par un rédacteur deutéronomiste du

vie siècle avant Jésus-Christ, les critiques catholiques s’accordent généralement à reconnaître Samuel pour l’auteur du livre des Juges. Leur sentiment s’appuie sur une affirmation du Baba Bathra, d’après laquelle Samuel écrivit les Juges. Voir t. ii, col. 140. Cf. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, Paris, 1881, p. 25-26. C’est aussi l’opinion de saint Isidore de Séville, De officiis eccl., i, 12, t. lxxxiii, col. 747. Elle s’accorde bien avec l’époque précédemment fixée de la composition du livre. Celle-ci ayant eu lieu dans les débuts du règne de Saûl, aucun personnage n’est mieux désigné pour cette œuvre que le prophète Samuel. Par ailleurs, le but que se proposait l’écrivain concorde parfaitement avec les paroles que Samuel adressait aux Israélites, I Reg., vii, 3, et avec les faits qu’il leur rappelait. I Reg., xii, 9-11. Cf. Kaulen, Einleitung, p. 182 ; Vigoureux, Manuel biblique, t. ii, p. 57 ; Cornely, Introd. specialis in hist. V. T. libros, p. 218-219 ; F. de Hummelauer, Comment, in lib. Jud., p. 29-32, etc.

IX. Autorité historique.

1° Il résulte de ce qui précède que le livre des Juges est l’œuvre d’un écrivain bien informé et sincère. Celui-ci, en effet, a été contemporain dune partie des faits qu’il raconte ; il a eu toute facilité de se renseigner. Pour narrer les événements qui s’étaient passés antérieurement dans l’intervalle de trois siècles à peu près, il a consulté des documents anciens et il les a reproduits intégralement, sans modifier le style, par exemple, le cantique de Débora, la fable de Joatham, etc. Il a aussi consigné par écrit des récits oraux, attachés à certains lieux et au souvenir de quelques personnages, Jud., ii, 5 ; iv, 5 ; vi, 24, 32 ; xv, 19 ; xviii, 12, 29 ; conservés et transmis de génération en génération en raison de leur intérêt ou de leur importance. D’ailleurs, on ne pouvait guère perdre la mémoire de si grandes misères et de si heureuses délivrances. Les rationalistes prétendent que la tradition orale sur les héros d’Israël, en particulier sur Gédéon et Samson, telle qu’elle a été recueillie par l’auteur, était déjà surchargée de légendes ou ornée de détails mythologiques. Ils rabaissent, il est vrai, la date de la composition du livre et donnent à la légende le temps de se former. Mais Samuel était plus rapproché des faits que le rédacteur deutéronomiste, et il n’y a pas de raison de révoquer en doute le caractère historique de ses récits. Il n’a pas inventé d’histoires pour combler les lacunes de sa narration. Sur Othoniel et sur les petits Juges, il reproduit fidèlement ses sources et il n’embellit pas leur histoire de circonstances imaginées à plaisir. Enfin, il ne cherche pas à plaire aux Israélites ; il raconte leur idolâtrie, leur corruption, leurs divisions et leurs querelles. Se proposant un but religieux et moral, il a dû pour l’atteindre, pour détourner efficacement les Israélites de l’idolâtrie et les attacher fidèlement au culte du vrai Dieu, ne rapporter que des faits certains, des exemples connus ; il ne pouvait appuyer avec succès sa thèse sur des légendes ou de vagues rumeurs. La fin qu’il poursuivait exigeait de sa part une parfaite sincérité, une véracité incontestable.

Les critiques rationalistes prétendent que le rédacteur qui a placé les événements dans le cadre de péchés suivis de châtiments et de repentir amenant le pardon et la délivrance, a donné à cette succession des faits un lien religieux, qui n’existait pas en réalité et qu’il a imaginé en vue de la leçon à en tirer. De fait, l’auteur du livre des Juges s’est borné à exposer la succession providentielle des événements. D’épisodes particuliers, plusieurs fois répétés, il a déduit avec raison une loi générale. Dans chacun des cas, en punissant quelques tribus, puis en recevant leur repentir, Dieu s’adressait à tout son peuple et le détournait fortement de tout culte idolâtrique. Les mêmes critiques disent que la chronologie du livre, elle aussi, est artificielle. Les histoires des Juges sont agencées de façon à former une succes sion ininterrompue de sauveurs. Toutefois, l’étude comparée du texte montre qu’il y a eu, à certaines époques, plusieurs juges à la lois, exerçant simultanément leur action sur divers points du territoire palestinien. Voir t. ii, col. 729. Cf. Vigouroux, Manuel biblique, t. II, p. 57-62. Sur d’autres explications proposées, voir Lagrange, Le livre des Juges, p. xli-xlv.

2° D’autre part, bon nombre de faits racontés dans le livre des Juges sont rapportés dans d’autres livres bibliques, quiengarantlssentainsila vérité. Ceux dont le récit forme la première introduction du livre des Juges étaient déjà consignés à peu près dans les mêmes termes dans le livre de Josué. L’expédition contre Dabir se trouve Jud., i, 10-15, et Jos., xv, 14-19 ; la mention des Jébuséens qui habitent Jérusalem, Jud., i, 21 ; Jos., xv, 63 ; la présence des Chananéens sur les confins de la tribu d’Éphraim, Jud., i, 29 ; Jos., xvi, 10, et sur le territoire de Manassé, Jud., i, 27, 28 ; Jos., xvil, 11-13. La mort de Josué est rappelée de la même manière, Jos., xxiv, 2831 ; Jud., ii, 6-9. La conquête de Lésem par les Danites, simplement indiquée, Jos., xix, 47, est longuement narrée dans un des appendices. Jud., xvii, xviii. Les livres postérieurs fournissent des témoignages analogues de la vérité des faits du livre des Juges. Samuel résume les ingratitudes d’Israël envers Dieu, son châtiment, son repentir et sa délivrance par plusieurs Juges, qu’il nomme, répétant ainsi le cadre même de tout le livre des Juges. I Reg., xii, 9-11. La mort d’Abimélech, fils de Gédéon, Jud., ix, 53, est rappelée par Joab. H Reg., XI, 21. Le sort qu’eurent les ennemis d’Israël, Sisara, Jabin, Oreb, Zeb, Zébée et Salmana sous les judicatures de Débora et de Gédéon, est souhaité à d’autres ennemis. Ps. lxxxii, 10, 12. L’histoire entière d’Israël à l’époque des Juges est poétiquement décrite avec ses quatre phases d’infidélité, de punition, d’humiliation et de secours. Ps. cv, 34-46. La défaite de Madian par Gédéon est, pour Isaie, ix, 4 ; x, 26, un grand jour de victoire, un jour célèbre qui sert de terme de comparaison. Osée, rx, 9 ; x, 9, rappelle deux fois le crime commis à Gabaa. Jud., xix-xx. L’Ecclésiastique, xlvi, 13-15, loue les Juges d’Israël, « qui ne se sont pas détournés du Seigneur, » et célèbre leur mémoire. Saint Paul, dans son discours à la synagogue d’Antioche de Pisidie, Act., xiii, 20, mentionne les Juges à leur place historique entre Josué et le prophète Samuel. Dans l’Épître aux Hébreux, xi, 32, il nomme quelques Juges et joint leur éloge à celui des rois et des prophètes. Aux yeux d’un chrétien, ces témoignages des Livres Saints garantissent avec l’autorité divine la vérité historique des faits cités et du cadre dans lequel tous les événements de l’époque des Juges sont distribués.

X. ÉTAT SOCIAL, POLITIQUE ET RELIGIEUX DES ISRAÉLITES

AU temps des Juges. — Pour se faire une idée exacte des événements racontés dans le livre des Juges, il est important de connaître l’état social, politique et religieux des Hébreux à cette époque.

1° Moise, leur législateur, ne leur avait pas donné de constitution politique ; il les avait laissés sous ce rapport dans leur état primitif, qui était le régime patriarcal. Fondé sur la famille et sur le droit de primogéniture, ce régime ne comportait guère d’autre organisation que celle de la famille. Le pouvoir du père sur ses descendants se transmettait de génération en génération aux aînés, et il n’était limité que par les usages reçus. Les tribus étaient constituées par les membres d’une même famille et formaient des dans indépendants. Elles n’avaient entre elles aucun lien politique, & Alors il n’y avait pas de roi en Israël et chacun faisait ce qui lui semblait bon. » Jud., xvii, 6 ; xviii, 1, 31 ; xxi, 24. Après la mort de Josué, chaque tribu achève de conquérir le territoire qui lui avait été assigné. Elles opèrent isolément, et si Juda propose à Siméon une action commune, c’est pour l’acquisition complète de son lot et à titrer.

d’aide réciproque. Jud., i, 3. Juda ne tient donc pas la première place et ne marche pas dans l’intérêt de toutes les tribus. Au lieu de se réunir, celles-ci s’isolent de plus en plus et refusent parfois de porter secours à celles qui étaient opprimées. Elles laissèrent vivre au milieu d’elles les Chananéens, anciens habitants du pays ; elles s’unirent même à eux par des mariages et se laissèrent entraîner à partager leur idolâtrie. Les Chananéens, groupés autour de leurs rois, dominèrent les Israélites coupables et leur firent payer tribut. Quand les opprimés, repentants de leurs crimes, se soulevaient contre leurs oppresseurs, ils n’avaient pas d’armée régulière. Un chef de circonstance se mettait à la tête des soldats improvisés et mal armés, et s’il remportait la victoire, c’était par la ruse, la bravoure, plutôt que par la force de la discipline et l’habileté de la stratégie. Le sauveur du peuple, une fois la victoire gagnée, retournait à son champ et à ses affaires personnelles et n’exerçait aucune autorité officielle ni politique, ni administrative. Il ne rendait pas même la justice, excepté dans des cas exceptionnels, voir Juge, col. 1834-1835, les différends étant réglés par les anciens du peuple. Cet isolement des tribus faisait leur faiblesse et les exposait aux coups de . main de leurs ennemis. La vie privée était aussi simple que la situation politique. Chaque maison se suffisait pour les besoins quotidiens, et tous vivaient de la culture des champs et de l’élevage des troupeaux.

2° Israël servit Jéhovah durant toute la vie de Josué et des anciens qui l’avaient connu. Jud., ii, 7. Mais il s’éleva une autre génération qui n’avait pas été témoin des merveilles que Dieu avait opérées en faveur de son peuple. Elle se livra à l’idolâtrie et servit Baal et Astarthé. Jud., ii, 10-13. Mais l’infidélité n’était pas générale ; toutes les tribus n’apostasiaient pas en même temps. La contagion gagnait seulement l’une ou l’autre, et bientôt les malheurs ramenaient les coupables au culte du vrai Dieu. Nonobstant ces infidélités, trop fréquentes, mais passagères pourtant, Israël gardait sa cohésion comme peuple dans l’unité religieuse et dans le culte de Jéhovah. Il n’était permis à personne d’offrir des sacrifices à Dieu, sinon en présence de l’arche, et tous les Israélites étaient obligés de se rendre, trois fois par an, auprès de cette arche pour y célébrer des fêtes en l’honneur de Dieu. Sans doute, ces lois ont pu être violées plus d’une fois par des individus isolés, probablement même par des tribus entières, au moment de leur infidélité. Néanmoins, les réunions religieuses avaient lieu à Silo, Jud., xxi, 2 (sur la réunion à Bokim, Jud., ii, 1-5, voir t. i, col. 1843), chaque année. Jud., xxi, 19. C’est dans ce sanctuaire national que se célébrait le culte public, qui persévéra régulièrement, même lorsque les Danites eurent institué un culte particulier pour l’idole de Michas. Jud., xviii, 31. Cet étrange épisode ne prouve pas seulement l’unité religieuse d’Israël ; il montre encore l’existence des lévites et leur rôle important dans le culte. Il y avait donc un sacerdoce et des rites déterminés, qu’un particulier et une tribu entière cherchaient à imiter. L’unité religieuse d’Israël corrigeait en partie les graves inconvénients qui résultaient de la désagrégation politique des tribus. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 36-68 ; card. Meignan, De Moise à David, Paris, 1896, p. 363-375 ; F. de Hummelauer, Comment, in hb. Jud. £t Ruth, p. 16-20 ; Pelt, Histoire de l’A. T., 3e édit, 1901, ti, p. 334-339.

XI. État du texte. — 1° Texte hébreu. — L’édition massorétique n’a pas un texte de tous points parfait ; toutefois, elle est ici moins fautive que dans d’autres livres de l’Ancien Testament. Ms r Kaulen, Einleitung, p. 184-185, cite un certain nombre d’exemples, qui prouvent que ce texte est inférieur à celui sur lequel a « té faite la version dite des Septante. Les critiques se .sont spécialement exercés sur le cantique de Débora et


ils en ont discuté le texte hébreu. Notons seulement que leurs observations ne sont pas toutes justifiées et qu’il y a lieu de les contrôler. — 2° Texte grec. — La version des Septante se présente à nous, pour le livre des Juges, sous deux formes très distinctes. La première se retrouve dans le Codex Alexandrinus, a, et quelques autres manuscrits grecs, en particulier, parmi les onciaux, les Codices Sarravianus, Coislinianus et Basiliano-Vaticanus. Les versions syriaque-hexaplaire, arménienne, éthiopienne et ancienne latine sont apparentées à cette forme du grec, qui est aussi en gros le texte cité par les écrivains égyptiens, Clément d’Alexandrie, Origène et Didyme. C’est l’ancienne et primitive traduction grecque, plus ou moins retouchée pour la rapprocher de l’hébreu. Les critiques y reconnaissent généralement la recension de Lucien. Cependant M. Moore a distingué, d’après les variantes, trois recensions de cette première forme : celle de VA lexandrinus, reproduite encore dans la Polyglotte d’Alcala ; une deuxième représentée par les cursiꝟ. 54, 59, 75, 82 de Holmes et Parsons, qui serait le texte de Théodoret ; une troisième, constituée par l’édition aldine d’après les cursiꝟ. 120 et 121. S’il était certain que Théodoret a suivi la seconde recension, on ne pourrait pas regarder V Alexandrinus comme un témoin de la recension de Lucien, que Théodoret a très probablement employée. La seconde forme du texte grec se remarque dans le Vatieanus, b, le Codex Musei britannici Add. 2002, de nombreux cursifs grecs et dans la version sahidique. Saint Cyrille d’Alexandrie se sert de cette forme ; ce qui a porté Moore à conclure qu’elle date du IVe siècle. Elle n’est pas une version nouvelle faite sur l’hébreu ; il semblerait qu’elle mêle les leçons des Septante avec celles d’Aquila. Si on ne peut affirmer qu’elle est la recension d’Hésychius, comme l’avait pensé Grabe, il n’y a pas à douter de son origine égyptienne. P. de Lagarde, Septuaginta-Studien, Gœttingue, 1892 ; Brooke et Mac Lean, The Book of Judges in Grée !  : accordmg to the text of Codex Alexandrinus, Cambridge, 1897 ; Moore, Critical and exegetical Comm. on Judges, Edimbourg, 1895 ; Swete, An introduction to the Old Testament in greek, Cambridge, 1900, p. 333-334, 442, 446-447 ; Lagrange, Le livre des Juges, p. xvi-xix. — 3° Textes latins. — 1. La vieille Vulgate latine, qui est un témoin de la première forme du texte grec, a été éditée en partie, i-xx, 31, d’après le Codex Lugdunensis, par M. Ul. Robert, Heptateuchi partis posterions versio latvna antiquissima, in-4°, Lyon, 1900, p. 105-155. C’est un texte « italien », ou à tout le moins un texte revisé, probablement au ive siècle, qui par là se rapproche du groupe des textes « italiens ». Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Paris, 1901. t. i, p. 151. — 2. Saint Jérôme a traduit un texte hébreu à peu près semblable au texte massorétique ; mais, pour que sa version soit intelligible, il a rendu l’original assez librement. Le P. de Hummelauer, Comment, in l. Judic., p. 20-22, a signalé les passages dans lesquels notre version latine diffère de l’hébreu.

XII. Commentateurs. — 1° Pères. — Origène, Selecta in Judices, t. xii, col. 949-950 ; In lib. Judic. homilise (au nombre de neuf dans la traduction latine de Rufln), tbid., col. 951-990 ; Adnotatwnes m Judices, t. xvii, col. 37-40 ; la suite des homélies d’Origène sur les Juges se trouve dans Ma r Batiftol, Tractatus Origenis de libris SS. Script., Paris, 1900 ; S. Éphrem, In librum Judicum, Opéra omnia, Rome, 1737, t. i, p. 308-330 ; S. Augustin, Locutiones in Heptateuch., t. VII, t. xxxiv, col. 5*41-548 ; Qusest. in Heptateuch., t. VII, ibid., col. 791-824 ; Théodoret, In Judices, t. lxxx, col. 485518 ; Procope de Gaza, Comment, in Judices, t. lxxxvii, 1* pars, col. 1041-1080 ; S. Isidore de Séville, Qusest. in l. Judic., t. lxxxiii, col, 379-392. — 2° Du moyen âge.

— V.Bède, Qusest. super lib. Judicum, t. xciii, col. 423 III. - 50 430 ; S. Patère, Expositio, t. VI, t. lxxix, col. 785-790 ; Raban Maur, Comment, in l. Judic., t. cviii, col. 1107-1200 ; Walafrid Strabon, Glossa, t. cxiii, col. 521-540 ; Rupert, De Trinitate et operibus ejus, in l. Judic., t. clxvii, col. 1023-1060 ; Hugues de Saint-Victor, Annotat, elucidat., t. clxxiii, col. 87-96 ; Hugues de Saint-Cher, Postilla, Cologne, 1621, t. i, p. 195-214 ; Nicolas de Lyre, Postilla, Venise, 1588, t. ii ; Denys le Chartreux, Opera, Cologne, 1533, t. ii ; Tostat, Opera, Cologne, 1613, t. v, 3a pars.

3o Modernes.

1. Catholiques.

Arias Montanus, De varia republica seu comment, in lib. Judic., Anvers, 1592 ; Marcellinus Evangelista, Expositiones in hb. Judic, Venise, 1598 ; Serarius, Judices et Ruth explanati, Mayence, 1609 ; Bonfrère, Josue, Judices, Ruth commentario illustrati, Paris, 1631 (le commentaire des Juges est reproduit par Migne, Cursus completus Script, sac., t. viii, col. 525-1114) ; Magalian, In Judic. historiam explanationes et morales adnotationes, Lyon, 1626 ; Villaroel, Judices commentariis literalibus tum aphorismis moralibus illustrati, Madrid, 1635 ; Vega, Comment, literalis et moralis in l. Judic., 3 in-fol., Lyon, 1671 ; Fellibien, Pentateuchus historicus, Paris, 1704 ; Helbig, In lib. Josue, Judicum, Ruth, Cologne, 1717 ; Calmet, Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1724, t. ii, p. 163-298 ; Clair, Les Juges et Ruth, Paris, 1878 ; F. de Hummelauer, Comment, in lib. Judic. et Ruth, Paris, 1889 ; Neteler, Dos Ruch der Richter, 1900 ; Lagrange, Le livre des Juges, Paris, 1903.

2. Protestants.

Parmi les anciens, nommons seulement les commentaires de Munster, 1534 ; de Castalion, 1551 ; de Martin Bucer, Paris, 1563-1564 ; de Pierre Martr, Zurich, 1561 ; Londres, 1564 ; Heidelberg, 1610 ; de Sébastien Schmidt, Strasbourg, 1697 ; d’Amama, 1630 ; de Le Clerc, 1733. Parmi les modernes, citons Rosenmuller, Leipzig, 1835 ; Bertheau, Ruch der Richter und Ruth, Leipzig, 1845 ; 1883 ; Studer, Das Buch der Richter, 1835 ; Cassel, Das Buch der Richter und Ruth, Bielefeld, 1865 ; 1887 ; Keil, Commentar uber das A. T., t. iii, 1, Josua, Richer und Ruth, Leipzig, 1863 et 1874 ; Œttli, Deuteronomium, Josua und Richter, Munich, 1893 ; Budde, Richter und Samuel, Giessen, 1890 ; Moore, Judges, Edimbourg, 1895 ; Budde, Dos Buch der Richter, Fribourg-en-Brisgau, 1897 ; Nowack, Richter-Buch, 1900.

E.Mangenot.

JUIF.

I. Sens du mot.

1o Ancien Testament.

Le mot « Juif » (יהודי, Yehûdi, pluriel יהוּדִים ou יהוּדִיּים, Yehûdîm), paraît pour la première fois à l’époque de Jérémie et désigne les habitants du royaume de Juda, qui représentaient seuls la race d’Israël, depuis la destruction de Samarie, en opposition avec les Moabites, Jer., xl, 11, 12, avec les Chaldéens, Jer., xxxviii, 19 ; xli, 3 ; lii, 28, 30 ; IV Reg., xxv, 25, avec les Égyptiens, Jer., xliv, 1, avec les Iduméens. IV Reg., xvi, 6. Il se dit absolument des habitants de Jérusalem, Jer., xxxii, 12, et s’emploie comme synonyme du mot « hébreu ». Jer., xxxiv, 9. Jamais cependant il ne désigne spécialement les membres de la tribu de Juda, ni les citoyens du royaume méridional, par opposition avec ceux du royaume septentrional. Dès avant la captivité, l’hébreu s’appelait la langue judaïque. IV Reg., xviii, 26, 28 ; Is., xxxvi, 11, 13. Mais ce n’est qu’au retour de la captivité de Babylone, comme Josèphe l’a fort bien remarqué, Ant. jud., XI, v, 7, que ce nom de Juifs devint l’appellation courante des Israélites en général. En ce sens, il est commun dans Esdras, Néhémie, Eslher, et les deux livres des Machabées. On le rencontre dans Zacharie, viii, 23, Daniel, iii, 8, 12 (et dans le grec des parties deutérocanoniques de ce prophète, xiii, 4 ; xiv, 27), ainsi que dans Judith, xvi, 31. — Néhémie, ii, 16, distingue les « Juifs » des prêtres, des nobles et des magistrats ; il veut parler des hommes du peuple.

2o Nouveau Testament.

Dans les synoptiques, le mot « juif », assez rare, est surtout usité dans l’expression « roi des Juifs » (Matth., 4 fois, Marc, 5 lois, Luc, 3 fois). On trouve encore « pays juif », Marc, i, 5, « ville des Juifs. » Luc, xxiii, 51. Mais il n’y a de remarquable que ces deux locutions : « Le bruit courut parmi les Juits, » Matth., xxviii, 15, et : « Les Pharisiens et tous les Juifs, » Marc, vii, 3, où « Juifs » dénote la religion plutôt que la nationalité.

Saint Jean emploie très souvent ce nom (71 fois dans l’Évangile, 2 fois dans l’Apocalypse) et le prend dans trois acceptions distinctes :
1. au sens national : « qui appartient à la nationalité juive ; »
2. au sens politique : « qui habite là Judée proprement dite par opposition avec la Samarie et la Galilée ; »
3. au sens religieux : « qui persiste dans les croyances traditionnelles, en repoussant le Christ. »

Les deux premières acceptions n’ont rien d’extraordinaire ; la troisième, de beaucoup la plus fréquente, tranche sur le langage des autres écrivains du Nouveau Testament. Cependant Matth., xxviii, 15, et quelques textes des Actes, ix, 22, 23 ; xii, 3 ; xiii, 45, 50, etc., nous y préparent. Mais, dans les Actes, il y a presque toujours antithèse latente avec les gentils et, quand il est question des Juifs infidèles par opposition avec les nouveaux convertis, saint Luc a soin d’ajouter une épithète (οἱ ἀπειθοῦντες Ἰουδαῖοι, Act., xiv, 2) à moins que le contexte n’ôte toute ambiguïté, tandis que pour saint Jean le mot « juifs » indique, sans plus d’explication, les Juifs infidèles. Au soir de la Résurrection, les disciples s’étaient enfermés ensemble par « crainte des Juifs ». Joa., xx, 19. La composition tardive du quatrième Évangile, conforme d’ailleurs à la tradition, semble se refléter dans le langage.

L’emploi du mot « juif » dans saint Paul n’a rien de particulier ; c’est toujours l’antithèse : juifs et gentils ; sauf cependant I Thess., ii, 14, où l’usage de saint Paul se rapproche de celui de saint Jean.

II. Situation légale des Juifs dans le monde gréco-romain.

Un problème du plus haut intérêt, pour l’exégèse comme pour l’histoire du siècle apostolique, est la question de savoir quelle situation était faite aux Juifs dans les diverses contrées où les avaient jetés les révolutions et les malheurs de leur patrie. Nous avons dit ailleurs qu’ils étaient répandus dans le monde entier. Voir Helléniste, col. 580-582. Grâce à leur énergie patiente et tenace, à leur esprit de solidarité et de fraternité, ils réussirent le plus souvent à humaniser leurs vainqueurs. Partout hais par le peuple et protégés par les gouvernants, méprisés et redoutés à la fois, ils exerçaient autour d’eux une répulsion inexplicable et une irrésistible attraction. Nous allons examiner rapidement leur situation au double point de vue religieux et social.

1o Situation religieuse.

Le judaïsme fut toujours pour Rome une religion reconnue (religio licita). À part de rares exceptions (Antiochus Épiphane, Ptolémée Physcon) les rois de Syrie et d’Egypte avaient laissé aux Juifs la liberté de conscience. En succédant aux Lagides, aux Séleucides, aux Attales, Rome maintint aux Juifs, avec lesquels elle avait conclu une alliance dès le temps de Judas et de Simon Machabée, I Mach., viii, 17-32 ; xv, 15-24, le libre exercice de leur religion avec les droits et privilèges suivants :
1. Faculté d’ériger des synagogues et des oratoires (συναγωγαί, προσευχαί, σαββατεῖα) partout où ils étaient établis en nombre suffisant. À Rome, où ils formaient au moins huit communautés ou corporations distinctes, ils avaient autant de synagogues. Les synagogues s’administraient elles-mêmes au moyen d’un conseil présidé par le chef de la synagogue (ἀρχισυνάγωγος) et d’un employé subalterne, espèce d’appariteur ou de sacristain (ὑπερέτης, en hébreu ḥazzân).
2. Droit de posséder des cimetières particuliers, placés sous la protection des lois. On en connaît cinq ou six aux environs de Rome.
3. Droit de pratiquer leurs rites et leurs coutumes (circoncision, célébration du sabbat et des fêtes, purifications légales, manière spéciale de saigner la viande de boucherie, de faire le pain, etc.) avec défense de les molester sur ce point.

4. Dispense de toutes les obligations de droit commun qu’ils regardaient comme incompatibles avec leur religion. C’est ainsi que les Juifs qui étaient citoyens romains furent exonérés du service militaire et qu’ils furent tous dispensés du culte officiel des empereurs. On poussa quelquefois la condescendance jusqu’à respecter leurs scrupules les moins fondés.

5. Droit de prélever l’impôt de la capitation, se montant à un demisicle ou didrachme, payable par tous les adultes mâles et destiné à l’entretien du temple de Jérusalem. On sait combien les Romains voyaient de mauvais œil ces cotisations dont l’emploi échappait à leur contrôle. Aussi s’alarmèrent-ils, à plusieurs reprises, de ces envois d’or périodiques à Jérusalem. Un légat d’Asie, Flaccus, les interdit et confisqua les sommes recueillies à Apamée, à Laodicée, à Adrymète, à Pergame et probablement ailleurs. Cicéron, Pro Flacco, 28. Mais le droit des Juifs fut confirmé par une foule d’édits et subsista jusqu’à la ruine du Temple. Cf. Joséphe, Ant. jud., XVI, vi, 2-7.

Situation sociale et politique.

Dans cet ordre de choses, les Juifs de la diaspora n’étaient guère moins favorisés. D’une manière générale, on peut dire qu’ils formaient un petit État dans le grand et une ville fermée dans la ville qui leur donnait l’hospitalité. Quelquefois un quartier spécial leur était assigné (à Rome c’était le Transtévère ; à Alexandrie, le quartier situé à l’est du Eruchéion), mais il est probable qu’ils n’y étaient pas cantonnés d’une façon exclusive. Partout où ils étaient en nombre, les Juifs se constituaient en communauté autonome, administrant ses propres affaires, réglant elle-même les différends et les procès, avec la tolérance et parfois avec l’assentiment explicite du gouvernement central ou des autorités locales. Ils avaient une sorte de sénat (γερουσία, γέροντες, πρεσβύτεροι) présidé par un dignitaire nommé ἄρχων, γερουσιάρχης. A Alexandrie, le chef unique, appelé ethnarque, jouissait de la plus grande autorité. Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2 (pour Sardes, voir XIV, x, 17). A Rome, il ne leur était pas permis de se réunir en une seule assemblée. Les communautés juives pouvaient « juger elles-mêmes leurs affaires litigieuses, avoir leurs propres juges, leurs propres codes… En matière civile, l’autonomie des Juifs ne s’appliquait en principe qu’aux affaires où les deux parties étaient juives ; dans un procès mixte, même si le défendeur était Juif, le tribunal local ou romain était seul compétent… En matière pénale, au début de l’ère chrétienne, les magistrats juifs exerçaient un pouvoir disciplinaire étendu, comportant le droit d’incarcérer et de flageller, Act., ix, 2 ; xviii, 12-17 ; xxii, 19 ; xxvi, 11 ; II Cor., xi, 24 ». Th.Reinach, dans Saglio, Dictionn. des antiq. grecques et rom., t. iii, p. 627. Origène dit qu’ils prononçaient même des sentences capitales, Epist. ad Afric, 14, t. xi, col. 84. Mais, pour avoir une sanction, elles devaient être confirmées par l’autorité romaine ou devaient être exécutées clandestinement, comme les jugements de la Sainte-Vehme germanique. On peut d’ailleurs supposer que les membres des communautés juives accordaient, d’un consentement tacite, à leurs magistrats, beaucoup plus de pouvoir que ne leur en conféraient les lois de l’Empire ou les constitutions des villes libres.

F. Prat.

JUJUBIER (hébreu : na‘ăṣûṣ ; Septante : στοιβή ; Vulgate : fruteta, saliunca ; Is., vii, 19 ; lv, 13 ; Nouveau Testament : ἄκανθα ; Vulgate : spinæ ; Matth., xxvii, 29 ; Joa., xix, 2), arbuste épineux.

I. Description.

Le genre Zizyphus, de la famille des Rhamnées, comprend des arbrisseaux à feuilles alternes-distiques, coriaces, munies de stipules épineuses. Les fleurs disposées en petites cymes axillaires et contractées ont 5 divisions et produisent un fruit charnu qui renferme un noyau osseux.

L’espèce la plus cultivée en Orient est le Zizyphus vulgaris de Lamarck qui donne des drupes succulentes de la forme d’une olive. En Afrique et jusque près de la mer Rouge on trouve le Zizyphus Lotus dont le fruit arrondi est probablement le « lotus » connu des Grecs.

[Image à insérer -->] 312. — Zizyphus Spina-Christi Willd.
Dessin d’après nature. Rameau cueilli à Jéricho
par le Frère Jouannet-Marie, des Écoles chrétiennes (avril 1890).

Enfin les déserts de Jéricho et du Sinaï ont fourni aux cultures de Syrie et d’Egypte le Zizyphus Spina-Christi (fig. 312 et fig. 308, col. 1741), ainsi nommé parce qu’on croit assez communément que les rameaux ont servi à tresser la couronne de Notre-Seigneur, quoique d’autres auteurs veuillent y voir le Pahurus aculeatus, autre Rhamnée épineuse, très répandue dans toute la région méditerranéenne et voisine des jujubiers, dont elle diffère surtout par son fruit qui est sec et pourvu tout autour d’un large rebord ondulé-crispé.

F. Hy.

II. Exégèse.

1° Rien dans le contexte de Is., vii, 19, n’obligerait à voir dans han-na’ăṣûṣîm, autre chose qu’un terme général pour désigner les buissons d’épines. Et c’est ainsi que l’entendent la Vulgate et la Peschito. Mais dans Is., lv, 13, où le mot han-na’ăṣûṣ est opposé à une plante déterminée, le cyprès, et où il est mis en parallèle avec le sirpad, il semble que nous ayons plutôt une espèce particulière de plante épineuse. Les anciens commentateurs juifs expliquent en général le mot na’ăṣûṣ par l’arabe Sidr qui est une espèce de Zizyphus ou jujubier et dont le fruit s’appelle Nabėk. D’après les uns, ce serait le Zizyphus vulgaris très commun en Palestine ; pour d’autres c’est le Zizyphus lotus ou encore le Zizyphus Spina-Christi, qu’on trouve dans la vallée du Jourdain, mais plus rarement aux environs de Jérusalem. Ce jujubier était connu en Egypte : des fruits de cet arbuste trouvés dans les tombes se voient dans un grand nombre de nos musées. Cependant le nom de l’arbre lui-même n’a pu encore être déterminé. Serait-ce le , nabas, arbre dont les

fruits reviennent fréquemment dans les listes d’offrandes ? Quelques égyptologues le pensent, et rapprochent le nom nabas du nom arabe Nabaq qui le rappelle et désigne le fruit du Sidr, c’est-à-dire du Zizyphus Spina-Christi. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., in-8 Paris, 1892, p. 98.

2° C’est avec les branches du jujubier qu’on identifie souvent les épines qui ont servi à former la couronne du Sauveur dans sa passion (axiçocvoç k% àxavôfiv, Matth., xxvii, 29 ; Joa., xix, 2 ; àxâv6tvo ; errÉepavo ;, Marc, XV, 7 ; Joa., xix, 5). Le mot « xavôa ne désigne sans doute aucune espèce particulière d’épines : mais les branches du jujubier se prêtaient admirablement à former une couronne de longues et dures épines en les entrelaçant dans un cercle de joncs, comme on pense que fut

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313. — Zizyphus lotus.

tressée la couronne du Christ (t. ii, col. 107). D’autre part, des épines ou fragments de la couronne conservés à Trêves, à Bruges, à Pise, étudiés avec soin, ont été reconnus comme appartenante l’espèce Zizyphus Spina-Christi. Voir, sur les épines de la sainte Couronne, F. de Mély, Les Reliques de Conslantinople.il. LaSainte Couronne, in-4°, Lille, 1901. Il est possible du reste qu’il y ait eu des épines de différentes espèces de Rhamnées, comme par exemple du Paliurus aculeatus (voir Paliure) : les soldats durent prendre les épines qu’ils avaient sous la main dans les fagots servant à alimenter le feu. La seule objection qu’on pourrait faire contre le Zizyphus Spina-Christi est qu’il n’est pas très commun aux environs de Jérusalem, tandis qu’il est très abondant dans la vallée du Jourdain et sur les bords du lac de Tibériade. Cependant il pouvait être autrefois plus répandu aux abords de la Ville Sainte. En 1886, dit le P. M. Jullien, L’Egypte, in-8°, Lille, 1889, p. 50, un vigoureux buisson de Zizyphus Spina-Christi se voyait dans un champ au sommet du mont Sion, non loin du mur méridional de l’enceinte du temple. Cl. H. B. Tristram, The natural History of the Bible, in-12, Londres. 1£89, p, 428 ; L. Fonck, Streifzûge durch die bibhsche Flora, in-8°, Fribourg, 1900, p. 99.

3°- À s’en tenir aux anciennes versions, le mot sé’ëlîm,

qui se rencontre seulement deux fois dans la Bible, Job, xl, 21, 22 (Vulgate : 16, 17), ne serait qu’un terme général pour désigner soit des arbres divers (Septante : uavToScmà SévSpa, 8lv8pa jiEyâXa), soit l’ombre ou des arbres donnant de l’ombre (ainsi le syriaque et la Vulgate : umbrse). Ces deux dernières versions ont assimilé sans doute O’bNB, sé’ëlîm, à D’^x, sillîm, umbrse-, en y

voyant un aramaisme, le daguesk compensé par l’insertion d’un aleph. Mais selon les règles on devrait avoir dans ce cas dinSx, jti’im, c’est-à-dire la lettre atep/i après

et non avant le lamed.De plus, il en résulte un sens assez singulier : « les ombres le couvrent de leur ombre. » Job, xl, 12. Enfin le parallélisme demande que sé’ëlîm, qui est en parallèle avec les « saules du torrent », soit une espèce particulière d’arbre. Aussi M. Le Hir rend-il ainsi ce passage :

Il (l’hippopotame) se couche 1 l’ombie des lotus, Dans l’épaisseur des roseaux, dans les marécages ; Les lotus le couvrent de leur ombre, Les saules du torrent l’environnent.

Ce sens est maintenant généralement suivi par les lexicographes et les exégètes, comme Gesenius, Buhl, Bro wn, Delitszch, etc. Et ils entendent par ce lotus, non pas le lotus d’eau, la plante sacrée des Égyptiens, mais un jujubier, le Zizyphus lotus (fig. 313), très commun en Afrique et que l’on trouve au bord des cours d’eau. Mais est-ce le fameux lotus des anciens, au fruit savoureux dont se nourrissaient les Lotophages ? Il y a partage d’opinion. Ibn-el-Beithar, dans son Traité des simples, t. ii, n. 1165 (Notices et extraits de la Bibliothèque nationale, t. xxv, p. 238), ne croit pas que ce lotus célèbre dans l’antiquité soit un séder, ou dhâl, c’est-à-dire le Zizyphus lotus. Pline, H. N., xiii, 32, dit que le lotus des Lotophages est un celtis, c’est-à-dire le micocoulier. Quoi qu’il en soit, le Zizyphus lotus convient parfaitement pour l’habitat et l’usage, au sé’ëlîm de Job., xl, 21, 22. J. D. Michælis, Supplementa ad lexica hebraica, in-4°, Gottingue, 1792, p. 2058 ; Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 20-24, E. Levesque.

1. JULES (grec : ’IoiîXtoç ; Vulgate : Julius), centurion de la cohorte Augusta qui fut chargé par Festus de conduire saint Paul en Italie, après l’appel de l’apôtre au tribunal de César. Act., xxvii, 1. Julius traita saint Paul avec beaucoup de bienveillance ; à Sidon, il lui permit d’aller chez ses amis et de recevoir leurs soins, Act., xxvii, 3. Ce fut lui <jui, à Myre (Vulgate, Lystre), trouva un navire d’Alexandrie pour transporter les prisonniers en Italie. Act., xxvii, 6. Quand saint Paul l’avertit à Bons-Ports (voir t. i, col. 1847) que la navigation allait devenir dangereuse, il préféra l’avis du capitaine et du pilote qui voulaient quitter le port parce’qu’ils le considéraient comme mauvais pour un hivernage. Act., xxxii, 11-12. La tempête annoncée par l’apôtre éclata bientôt près de l’Ile de Crête. Les matelots cherchèrent à se sauver du navire. Saint Paul dit alors à Julius que, si les matelots partaient, le navire périrait. Julius l’écouta et les soldats placés sous ses ordres coupèrent les cordes de la chaloupe pour empêcher la fuite de l’équipage. Act., xxvii, 30-32. Lorsque le navire échoua, les soldats résolurent de tuer les prisonniers, de peur qu’ils ne s’échappassent à la nage. Julius, qui voulait sauver Paul, s’opposa à leur dessein. Act., xxvii, 42-43. Julius, comme l’indique son nom, appartenait à une famille d’affranchis de la gens Juha. Sur son grade, voir Centurion, II, t. ii, col. 427 ; sur la cohorte où ilexerçait un commandement, voir Augusta (Cohorte), 1. 1, col. 1235 ; Cohorte, II, t. ii, col. 827.

E. Beurlier.

2. JULES AFRICAIN (’IsûXio ; ’Açptxavôç), écrivain ecclésiastique du iiie siècle. Suidas, Lexicon, édit.

Bernhardy, au mot’Açptxcivtf ;, t. i, col. 904, l’appelle Sextus au lieu de Julius, mais probablement à tort. La date de sa naissance et celle de sa mort sont inconnues. M. G. Salmon, dans le Dictionary of Christian Biography, 1. 1, 1877, p. 54, le fait naître vers 170 et mourir vers 240. D’après Suidas, il était Libyen d’origine. Il avait fait, en qualité d’officier, la campagne d’Osrhoène, sous Septime Sévère. Il passa une grande partie de sa vie en Palestine, à Emmàus Nicopolis, aux pieds des montagnes de Juda où Vespasien avait établi autrefois une colonie de vétérans. Voir Emmaùs, t. ii, col. 1736. Nous savons qu’il visita la mer Morte et qu’il avait fait des voyages en Egypte, ainsi qu’en Arménie et en Phrygie, pour voir de ses yeux les deux montagnes où se serait arrêtée l’arche de Noé, d’après la double tradition de son époque, c’est-à-dire I’Ararat et Célènes à Apamée. Ce lut un des écrivains chrétiens les plus instruits, antérieurs au concile de Nicée, quoiqu’il demeurât jusqu’à sa mort simple laïque. La seule œuvre de lui qui nous ait été conservée entière est sa lettre à Origène sur l’histoire de Susanne (vers 238). Elle est courte, Pair. Gr., t. xi, col. 41-48, mais remarquable par son esprit critique. Jules avait assisté à une discussion entre Origène et un certain Bassus ; le savant Alexandrin y avait cité en faveur de l’opinion qu’il soutenait un passage de l’histoire de Susanne. L’Africain ne fit sur l’heure aucune observation, mais il écrivit ensuite à Origène une lettre dans laquelle il attaque l’authenticité de l’histoire de Susanne au moyen d’arguments tirés de la critique interne du récit. Origène lui répondit. Epist. ad Afric, t. xi, col. 48-85. Voir F. Vigouroux, Susanne, dans les Mélanges bibliques ^’édit., p. 476-488. — Il nous reste quelques fragments d’une autre lettre, également célèbre, de Jules Africain. Patr. Gr., t. x, col. 52-64. Elle était adressée à Aristide et avait pour sujet la double généalogie de Notre-Seigneur en saint Matthieu et en saint Luc. D’après lui, le premier Évangile donne la généalogie naturelle de Jésus, et le troisième la généalogie légale conformément à la loi du lévirat. Son explication, dit-il, s’appuie sur la tradition des Desposyni ou descendants de la famille du Sauveur, qui demeuraient près de Nazareth et de Cochaba. — L’œuvre principale de l’Africain fut un traité sur la chronologie, en cinq livrés, Xpovoypaçia : , qui le fait regarder comme le père de la chronographie chrétienne. Il est aujourd’hui perdu, à l’exception de quelques passages recueillis dans Migne, P. G, t. X, col. 64-93, mais Eusèbe nous en a conservé le fond dans sa Chronique. Son travail embrassait toute l’histoire sainte et l’histoire profane depuis la création du monde (d’après lui en 5499), jusqu’à la venue du Christ, et il était suivi d’un abrégé sommaire des événements depuis Jésus-Christ jusqu’à la quatrième année d’Élagabale (221).

— Les Keircoî ou « Ceintures », qu’on lui attribue, sontune œuvre purement profane sur la physique, la médecine, la magie, la guerre, etc. J. A. Fabricius, Bibliotheca grseca, édit. Harles, t. iv, p. 242. — Les critiques lui refusent la composition des Actes du martyre de sainte Symphorose et de ses fils qui ont été publiés sous son nom. — D’après les auteurs syriens, Jules avait aussi commenté le Nouveau Testament et l’on trouve en effet des explications qui portent son nom dans les Chaînes de Macaire sur saint Matthieu, Fabricius, Bibl. gr., t. viii, p. 676, et de Nicétas sur saint Luc. Mai, Script. vet., t.ix, col. 724 ; Assémani, Bibliotheca orientalis, Rome, 1735, t. ii, p. 129, 158 ; t. iii, p. 1, 14. Plusieurs pensent cependant que ces citations ne sont pas de Jules Africain, mais de Julien d’IIalicarnasse. — Voir Fr. Spitta, Ber Brief des Julius Africanus an Arislides, in-8°, Halle, 1877 ; H. Gelzer, Sextus Julius Africanus und die byzantinische Chronographie, ’Am-8r>, Leipzig, 1880-1898 ; Fessler-Jungmann, Imtitutiones Patrologise, t. i, 1890, p. 356.

F. Vigouroux.

    1. JULIE##

JULIE (grec : ’IouXs’a ; Vulgate : Julia), chrétienne de

Rome, que saint Paul salue dans l’Épitre aux Romains, xvi, 15. Elle est nommée avec Philologue, ce qui a fait supposer qu’elle était sa sœur ou sa femme. On lit cette hypothèse dans Origène, qui dit, Comm. ad Bom., x, 32, t. xiv, col. 1282 : « Il est possible que Philologue et Julie fussent mariés ensemble et que les autres [personnes nommées avec eux, Nérée, sa sœur, etc.] fissent partie de leur maison. » Le nom de Julia indique une certaine relation avec la famille des Césars. C’était un des noms les plus communs parmi les noms de femmes esclaves de la maison impériale. Voir Corpus inscript, lat., t. vi, n. 20342-20473, p. 2149-2182.

JUNIAS(grec : ’Iouvîaç ; Vulgate : Junias), parent de saint Paul qui avait embrassé la foi avant lui et qui « fut célèbre parmi les Apôtres ». Rom., xvi, 7. L’Apôtre le salue dans ce passage avec Andronique et les appelle <juvatxiiot).<oTot, concaptivi, qualification qui fait allusion à une captivité que nous ne connaissons pas. Origène l’entend, avec peu de vraisemblance, de la soumission à une même foi. Ce Père croit que Junias a pu être un des soixante-dix disciples. Comm. inEp. ad Bom., . x, 21, t. xiv, col. 280. Son nom est sans doute une contraction de Junianus ou Junilius. — Beaucoup de commentateurs prennent Junias pour un nom de femme, comme l’a fait saint Jean Chrjsostome, Hom. xxxr, 2, ad Rom., t. lx, col. 670, et l’Église grecque l’honore le 17 mai comme une sainte, avec saint Andronique qu’elle aurait accompagné dans ses voyages. Acta Sanctorum, maii t. i (1680), p. 727. Le titre d’apôtre qui est donné à Junias semble le désigner plutôt comme un homme. C’est, dit Tillemont, Mémoires, 1701, t. l, p. 314, l’opinion de & la plupart des interprètes ».

    1. JUNIUS Beaudoin##


JUNIUS Beaudoin, ou de Joughe, religieux franciscain, né à Dordrecht ou à la Haye, mort le 12 avril 1634, a composé un ouvrage intitulé : Cantiea Canticorum illustrata, in-8°, Anvers, 1632. On lui attribue en outre : Lamentationes Jeremiee triplici sensu expositse, in-8°, Anvers, 1632. —Voir Wadding, Scnptores Ord. Minorum

(1650), p. 45.
B. Heurtebize.
    1. JUPITER##

JUPITER (grec : Zsuç ; Vulgate : Jupiter), la principale divinité des Grecs (fig. 314).

1° Antiochus IV £, piphane, qui voulait obliger les Juifs à abandonner le culte du vrai Dieu et à embrasser la

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314. — Jupiter Olympien.

Tête laurée de Jupiter, à gauche. ilOs OArMIIOr. — ^. Aigle sur un foudre. EinaNEûN (monnaie d’Hippoiiium, dans le Bruttium).

religion hellénique, envoja à Jérusalem un vieillard d’Athènes, selon le texte grec, d’Antioche, selon la Vulgate, pour les engager à profaner le temple de Jérusalem en le transformant en temple de Jupiter Olympien. Il Mach., vi, 1-2. Le texte grec parait plus vraisemblable, car à ce moment même Antiochus était occupé à Athènes à la continuation des travaux du temple de Jupiter Olympien. Polybe, xxvi, i, 10 ; Tite Live, xli, 20. — Jupiter tirait son surnom d’Olympien d’abord de ce qu’il était roi de l’Olympe ou du ciel et surtout de ce qu’un de ses sanctuaires les plus vénérés était situé à Olympie dans l’Élide. Là s’élevait le temple fameux orné de la statue sculptée par Phidias et dont

les ruines ont été découvertes de nos jours. En son honneur se célébraient dans cette ville les jeux appelés olympiques. De cette ville, le culte de Jupiter Olympien s’était répandu dans un grand nombre de villes où des sanctuaires lui avaient été élevés sous ce nom, notamment à Corinthe et à Athènes. Le temple qu’il avait dans cette ville fut l’un des plus vastes de l’antiquité. Commencé par Pisistrate, continué, comme nous l’avons dit plus haut, par Antiochus, il ne fut achevé que par Hadrien. Antiochus joignit le culte de Jupiter Olympien à celui qu’on célébrait en l’honneur d’Apollon, à Daphné, faubourg d’Antioche ; il y érigea une statue imitée de celle de Phidias à Olympie, Ammien Marcellin, xxii, 13, et y fit célébrer des jeux dont Polybe, xxxi, 3, et Athénée, v, 5, donnent une longue description. À Jérusalem, le culte de Jupiter fut l’occasion de profanations dans le temple, de testins et de débauches. L’autel des holocaustes fut également profané à cette occasion. II Mach., vi, 3-5 ; cl.lMach., i, 50-62.

2° En Samarie, Antiochus voulut que le temple de Ga de la terre. Act., xiv, 13-17. Dans ce verset Jupiter est appelé Tcpb tïj ; m5).etoç, celui qui est hors de la ville. Le temple de Jupiter à Lystre était donc situé en dehors de la porte. C’était du reste une coutume fréquente de placer ainsi les temples de Jupiter. Strabon, xiv, 4 ; Hérodote, i, 26. À Claudiopolis, en Isaurie, on a trouvé une inscription dédicatoire à « Jupiter devant la ville » : Ati npoa<rcîw. Ci. W. M. Ramsay, The Church and the Roman Empire, in-8° Londres, 1894, p. 51. Certains interprètes pensent que c’est devant la porte de la maison où étaient les Apôtres que le prêtre vint avec la foule, mais le mot nuXwva ; s’applique plutôt aux portes de la ville. — Il est d’ailleurs possible qu’il ne s’agisse pas ici du dieu grec, mais d’un dieu particulier des Lycaoniens assimilé par les Grecs à Jupiter. Les taureaux étaient les victimes préférées de Jupiter. Homère, Iliad., ii, 402 ; Xénophon, Cyrop., VII, iii, 11, etc.

E. Beurlier.

1. JUREMENT (PUITS DU) (hébreu : Be’êr Sâba’; Septante : « fpéocp ôpxiau.ov> ; Vulgate ; Puleus juramenti).

lUUUUL

315..— Taureaux préparés pour le sacrifice. — Vase de Polygnote (l’inscription porte : nOAïTNOTOS EAPATEN [pour s^çonli/y Musée Britannique. Un taureau vient de droite et un autre de gauche et deux prêtresses leur mettent des guirlandes au cou.

rizim fût converti en temple de Jupiter Hospitalier (grec : lévtoç ; Vulgate : hospitahs). I Mach., vi, 2. Jupiter était en effet honoré par les Grecs comme protecteur des étrangers. Homère, Iliad., xiii, 625 ; Odyss., i, 270 ; Pindare, Od., viii, 38, etc. En lui donnant ici ce qualificatif, Antiochus, a-t-on supposé avec plus ou moins de vraisemblance, avait rendu hommage au caractère hospitalier des Samaritains, caractère qui expliquerait le choix d’un homme de cette nation par Notre-Seigneur comme type de la charité à l’égard du prochain. Luc, x, 33. Cf. C. F. H. Bruchmann, Epillieta deorum quæ apud poetas grsecos leguntur, in-8°, Leipzig, 1893, p. 135. Josèphe, Ant. jud., XII, v, 3, donne une explication différente de ce tait. D’après lui les Samaritains, pour montrer qu’ils n’étaient pas Juifs, écrivirent à Antiochus et lui demandèrent la permission de dédier à Jupiter Hellénius le temple du mont Garizim qui était consacré au Dieu qui n’a pas de nom.

3° Lorsque Paul et Barnabe vinrent en Lycaonie, les habitants de Lystre crurent que les deux apôtres étaient des dieux venant à eux sous figure humaine. Ils appelèrent Barnabe Jupiter, probablement à cause de sa taille plus majestueuse. Saint Chrysostome, Homil. in Act., xxx, 3 ; t. lx, col. 224, et Paul Mercure par ce qu’il portait la parole. Act., xiv, 11-13. Le prêtre de Jupiter vint au-devant d’eux avec des taureaux et des couronnes (fig. 315) et suivi d’une foule nombreuse pour leur offrir un sacrifice, mais les Apôtres refusèrent cet hommage idolâtrique et préchèrent.le Dieu vivant, créateur du ciel et

La Vulgate traduit Bersabée par Puteus juramenti dans Gen., xxi, 32 ; xlvi, 1, 5. Voir Bersabée, 1. 1, col. 1629.

2. JUREMENT (hébreu : sebû’dh, ’âldh ; Septante : Spxoç ; Vulgate : luramentum, jusjurandum. « Jurer » se dit : niSba’, ô(i.vŒiv, jurare), acte par lequel on en appelle à Dieu, ou à un objet qui tient de près à Dieu, pour certifier la vérité de ce que l’on affirme ou de ce que l’on promet. Celui qui jure fait ainsi de Dieu le garant de sa parole et a conscience du châtiment qu’il encourrait s’il tentait d’associer Dieu à un mensonge. — Quelques auteurs rattachent niSba’, « jurer, » à sdbûa’, « sept, » à cause du rôle que le nombre « sept » semble avoir joué dans les serments. Gen., xxi, 28-31 ; Hérodote, m, 8. Cl. t. i, col. 1629, et Gesenius, Thésaurus, p. 1355.

I. Formes du jurement.

1° « Les hommes jurent par celui qui est plus grand qu’eux, et le serment est une garantie qui termine toutes leurs discussions. » Heb., vi, 16. Il suit de là que Dieu ne peut jurer que par lui-même. Hebr., vi, 13. C’est ce qu’il fait plusieurs fois dans la Sainte Écriture. Gen., xxii, 16 ; Is., xlv, 23 ; Jer., xxii, 5 ; xlix, 13 ; Am., vi, 8, etc. Il jure équivalemment par sa droite, Is., lxii, 8, par la gloire de Jacob. Amos, viii, 7, etc. — 2° Les hommes jurent par Dieu, Gen., xxi, 23 ; xxxi, 53 ; Jos., ii, 12 ; I Reg., xxviii, 10 ; Dan., xii, 7 ; par le nom de Jéhovah, Lev., xix, 12 ; Jer., xii, 16 ; cf. Apoc, x, 6 ; ou par les idoles qui représentent pour eux la divinité. Jer., xii, 16. Il iaut remarquer toutefois que l’expression a. jurer par

Jéhovah » signifie aussi adorer Jéhovah. Deut., vi, 13 ; x, 20 ; Ps. lxhi(lxii), 7 ; Is., xix, 18 ; xlviii, l ; 0se., iv, 15. Il en est de même quand on jure par une idole. Am., viii, 14. — 3° On jure encore par des objets qui tiennent à Dieu de plus ou moins près ou dépendent de lui : la vie de celui auquel on parle, Gen., ilii, 15 ;

I Reg., i, 26 ; xvii, 55 ; xx, 3 ; xxv, 26 ; II Reg., xi, 11 ; IV Reg., ii, 2 ; sa propre tête, Matth., v, 36 ; la terre, Matth., v, 35 ; Jac, v, 12 ; le ciel, Matth., v, 34 ; xxiii, 22 ; Jac, v, 12 ; le Temple, Matth., xxiii, 16 ; l’autel, les offrandes, l’or du Temple, Matth., xxiii, 16, 18 ; Jérusalem, cité du grand roi, Matth., v, 35 ; et enfin les anges. Josèphe, Bell, jud., II, xvi, 4 in fine. Des formules analogues de serment se rencontrent souvent dans les auteurs profanes. Cf. Winer, Biblisches Realwôrterbuch, Leipzig, 1833, t. i, p. 358. — 4° Quelquefois le texte sacré ne se contentp. pas de mentionner le serment, il en transcrit la formule. Num., xxxii, 10 ; Deut., i, 34 ;

II Reg., xix, 8 ; Jer., xxii, 5, etc. — 5° Notre-Seigneur se sert souvent du mot’àmjn comme une sorte de for-’mule de jurement pour appuyer ses paroles. Voir Amen, 1. 1, col. 475. — 6° Certains gestes accompagnent parfois le jurement. À l’époque patriarcale, celui qui jure met sa main sous la cuisse de celui envers qui il s’engage. Gen., xxiv, 2-9 ; xlvii, 31, etc. Voir Jambe, col. 1113. Plus habituellement, on levait la main vers le ciel, geste par lequel on semblait se mettre en communication plus directe avec Dieu. Gen., xiv, 22 ; Dan., .iii, 7. Cf Virgile, JEneid., xii, 196. L’expression ndéâ’yâd, « lever la main, » est ainsi devenue synonyme de « jurer », et même a été employée souvent en parlant des serments de Dieu lui-même. Exod., vi, 8 ; Deut., xxxii, 40 ; Ps. cvi (cv), 26 ; Ezech., xx, 6 ; xlvii, 14 ; II Esd., ix, 15. D’après les traditions juives, les serments judiciaires requéraient d’autres formalités. Pour prononcer la formule du serment, on se tenait debout avec le livre de la loi en main. Quelquefois, on ajoutait de tormidables imprécations contre le parjure, pendant qu’on éteignait un flambeau à l’aide d’une outre remplie de vent, on taisait entendre des sons lugubres, etc. Ct. C. Iken, Antiquil. hebraïc, Brème, 1741, p. 407. En certains cas, on venait jurer dans le Temple, devant l’autel. III Reg., viii, 21 ; II Par., vi, 22. Enfin, c’était encore une forme expressive de jurement que celle qui est mentionnée deux fois dans la Sainte Écriture : celui qui prenait un engagement solennel divisait une ou plusieurs victimes en deux parts, entre lesquelles il passait ensuite. Gen., xv, 10, 17 ; Jer., xxxiv, 18. Cf. Jud., xix, 29 ; I Reg., xi, 7 ; Hérodote, vii, 39. La signification de ce rite très ancien n’apparaît pas clairement. Peut-être indique-t-il que celui qui manquera à sa parole méritera d’être coupé de même en morceaux. Rosenmuller, Schol. in Genesim, Leipzig, 1795. p. 181. — 7° La Mischna, Schebuoth, iv, 1, conclut de Deut., xix, 17, que les hommes seuls étaient admis à jurer, à l’exclusion des femmes et des esclaves. Cette indication est en contradiction au moins avec le texte de la loi concernant la femme soupçonnée d’infidélité, et que le prêtre devait faire jurer pour attester son innocence. Num., v, 19 ; cf. xxx, 3-16. En pareil cas, comme dans plusieurs autres, le juge prononçait lui-même la formule du serment, et celui qui était cité n’avait qu’à répondre : Amen. Num., v, 22 ; Matth., xxvi, 63.

II. Différentes espèces de jurements.

1° Dieu lui-même daigne plusieurs fois appuyer sa parole par le serment, surtout pour s’engager à donner le pays de Chanaan à Abraham et à ses descendants. Gen., xxvi, 3 ; Exod., vi, 8 ; xiii, 5 ; xxxiii, 1 ; Num., xxxii, 11 ; Deut., xxxi, 20 ; Ps. cv (civ), 9 ; Ezech., xx, 6 ; xlvii, 14 ; II Esd., ix, 15 ; Sap., xii, 21 ; xviii, 6 ; Luc, i, 73 ; Act., ii, 30 ; Hebr., vi, 17. Il jure encore pour attester sa volonté de châtier les Israélites qui se sont révoltés au désert. Num., xxxii, 10 ; Deut., i, 35 ; xxxii, 40 ; Ps. cvi (cv), 26 ; Hebr., iii, 11, 18 ; iv, 3. Enfin c’est par ser ment qu’il attribue le sacerdoce au Messie. Ps. ex (cix), 4 ; Hebr., vii, 21. — 2° Parmi les jurements proférés par les hommes, il y a à distinguer : — 1. Les serments judiciaires. Quand un accident arrivait à un animal sans qu’il y eût d’autre témoin que le gardien, celui-ci se libérait de toute responsabilité par le serment. Exod., xxii, 10, 11. Il est probable que, par analogie, on procédait de même quand la preuve du tort fait au prochain ne pouvait être fournie. III Reg., vii, 31 ; II Par., vi, 22. Le témoin cité à déposer dans une affaire judiciaire avait ordinairement à prêter serment. Lev., v, 1 ; cf. Prov., xxix, 24. Enfin le serment était prescrit à la femme soupçonnée d’inconduite. Num., v, 19-22. Le serment terminait l’affaire devant les juge s ; mais le châtiment était réservé à celui qui venait à être convaincu d’avoir juré contrairement à la vérité. Voir Parjure. —

2. Les serments pacifiques, ayant pour but de consolider la paix ou une alliance entre des peuples, des familles ou des individus. Ainsi Abraham jure alliance avec Abimélech, Gen., xxi, 24, 27, d’où le nom de Be’êr sâba, ’, « puits du serment, » çpsap 6pxKj[ioù, Bersabee, puteus juramenti, donné au puits près duquel se fit cette alliance. Gen., xxi, 32 ; xlvi, 1, 5. Voir Bersabee, t. i, col. 1629. Isaac jura la même alliance avec Abimélech, Gen., xxvi, 28, 31. David se lia par serment à Jonathas. I Reg., xix, 6 ; cf. Ezech., xvii, 13 ; II Par., xxxvi, 13 ; I Mach., vi, 61 ; vii, 15, 18 ; II Mach., iv, 34. etc. 3. Les serments promissoires, par lesquels on s’engage à tenir une promesse, à accomplir fidèlement une mission, etc. Éliézer prête serment à Abraham d’aller marier Isaac en Mésopotamie. Gen., xxiv, 2-9, 41. Ésau jure d’abandonner son droit d’aînesse à Jacob. Gen., xxv, 33. Joseph jure à Jacob de l’inhumer dans la terre de Chanaan, Gen., xlvii, 31, et lui-même fait jurer aux Hébreux d’y ramener ses restes. Gen., l, 24 ; Exod., xiii, 19. Tels sont encore les serments des envoyés de Josué à Rahab, Jos., ii, 17, 20 ; de Josué aux Gabaoniles, Jos., IX, 20 ; de Josué à Caleb, Jos., xiv, 9 ; des’Philistins à Samson, Jud., xv, 12 ; de David à Séméi, II Reg., xix, 23 ; des prêtres à Néhémie, II Esd., v, 12 ; d’Antiochus au plus jeune des sept frères, II Mach., vii, 24 ; d’Hérode-à Hérodiade, Matth., xiv, 7, 9 ; Marc, vi, 23, ’26, etc. Aux serments promissoires se rattachent les serments de fidélité soit à Dieu, II Esd., x, 29, soit aux hommes, particulièrement au roi. Eccle., viii, 2. —

4. Les serments exécratoires, par lesquels on se voue à subir une peine ou on menace de l’infliger si telle condition donnée n’est pas remplie. Les Israélites jurent ainsi de punir de mort ceux d’entre eux qui manqueront à l’assemblée générale de la nation. Jud., xxi, 5. Saul jure qu’on ne prendra aucune nourriture avant que la victoire n’ait été remportée. I Reg., xiv, 24-26. Le respect pour ces sortes de serments était si grand que Jonathas faillit être mis à mort par son père, pour avoir enfreint à son insu un serment d’ailleurs fort inconsidéré. I Reg., xiv, 43, 44. Voir Jonathas 1, col. 1617, Joab jure à David que tout le monde le quittera s’il ne sort pas de son inaction. II Reg., xix, 7. Plus de quarante Juifs s’engagèrent plus tard par un serment de cette espèce à s’abstenir de manger et de boire tant qu’ils n’auraient pas tué saint Paul. Act., xxiii, 12-14. Le serment exécratoire est souvent exprimé dans l’Écriture sous une forme elliptique : Heec mihi faciat Dominus et hxc addat, si…, c’est-à-dire que Dieu fasse tomber des malheurs sur moi, et y ajoute encore d’autres malheurs, si je ne fais pas ce que je promets ou si je ne dis pas la vérité. Ruth, i, 17 ; I Reg., xiv, 44 ; xxv, 22 ; II Reg., iii, 9, 35, etc. Voir Imprécation, col. 854. — 5. Les serments simplement affirniatifs, qui servent à corroborer une affirmation. I Mach., xiv, 32 ; Hebr., vi, 16. De cette nature est le serment de saint Pierre reniant Notre-Seigneur. Matth., xxvi, 72, 74. — 6. Les serments votifs ou vœux. Voir Vœu.

III. Les règles du jurement.

1° La question du ju

rement est importante, puisqu’elle fait l’objet d’un des préceptes du Décalogue : « Tu ne prendras pas le nom du Seigneur ton Dieu en vain. » Exod., XX, 7. Dans le jurement, le nom de Dieu intervient toujours, au moins implicitement. Le précepte divin interdit donc non seulement le serment mensonger, mais encore le serment futile, par lequel on invoque le témoignage de Dieu pour une chose qui ne le mérite pas. — 2° La Loi recommande de ne pas violer son serment. Elle stipule cependant que l’engagement contracté par une jeune fille en résidence chez son père ne sera valable que si ce dernier ne le désapprouve pas. Il appartient de même au maTi d’annuler ou de ratifier le serment fait par sa femme. Il s’agit ici seulement du serment promissoire créant à la temme une obligation onéreuse soit vis-à-vis des autres, soit vis-à-vis d’elle-même. L’annulation n’est cependant valable que si le père et le mari se prononcent dans ce sens aussitôt qu’ils ont connaissance du serment. La veuve et la femme répudiée peuvent toujours jurer valablement. Num., xxx, 3-16. — 3° Celui qui faisait serment à la légère ou qui ensuite n’avait aucune volonté sérieuse d’accomplir son serment commettait une faute : il devait avouer son péché et offrir en sacrifice d’expiation une brebis ou une chèvre. Lev., v, 4-6. — 4° Le respect du serment paraît avoir été gardé assez fidèlement par les anciens Israélites. Il en est même parmi eux qui hésitaient à jurer. Eccle., ix, 2. Par la suite, on en vint à jurer trop fréquemment. De là des conseils comme les suivants : « N’habitue pas ta bouche au jurement et que tes lèvres ne prononcent pas à tout propos le nom de Dieu. Il est difficile de ne pas pécher en jurant et en proférant ce nom de la sorte. » Eccli., xxiii, 9-14. « Celui qui mêle les serments à ses paroles fait dresser les cheveux sur la tête, » à cause de sa grande témérité. Eccli., xxvii, 15. La casuistique des Pharisiens n’en arriva pas moins à faire du serment tantôt un jeu, tantôt un moyen de tromper les autres, ce qui ne contribua pas peu’au mauvais renom des Juifs parmi les Gentils. Cf. Martial, xi, 95. Partant de ce principe que c’est l’appel à Dieu qui constitue l’essence du serment, les pharisiens déclaraient que les serments dans lesquels Dieu n’est pas nommé ne pouvaient obliger. Cf. Philon, Opéra, édit. Mangey, Londres, 1742, t. ii, 194. Ceux qui traitaient avec les Juifs étaient ainsi dupés en prenant pour ferme une assurance à laquelle les premiers n’attachaient aucune importance. Il en est encore de même aujourd’hui en Orient. Ct. Wetzstein, dans Frz. Delitzsch, Koheleth, Leipzig, 1875, p. 454. — 5° Notre-Seigneur s’éleva énergiquement contre cette atteinte aux lois sacrées du serment. Les pharisiens disaient que le serment par le Temple, par l’autel, par le ciel, n’obligeait à rien, mais que le serment par l’or du temple et l’offrande qui était sur l’autel obligeait. Ils supposaient que ces derniers objets se rapportaient directement à Dieu et impliquaient son nom, tandis que les premiers n’y avaient nul rapport. Notre-Seigneur les reprend en leur déclarant que le Temple, l’autel et le ciel sont la demeure et le trône de Dieu, qu’ils se rapportent par conséquent directement à lui. Matth., xxiii, 16-22. S’adressant à ses disciples sur le même sujet, il leur avait déjà prescrit de ne point jurer, ni par le ciel, ni par la terre, ni par Jérusalem, ni par sa propre tête, toutes choses qui dépendent de Dieu. Il ajoute que quand on a dit « oui » ou « non », tout ce qui tend à confirmer cette parole procède d’une mauvaise inspiration. Matth., v, 33-37. En prescrivant de ne point jurer du tout, [j.vj ùj.6nai ôu>ç, le divin Maitre n’abolit pas l’usage du serment. La Loi permet formellement le serment, Num., xxx, 3 ; Deut.. xxiii, 21, et Notre-Seigneur est venu compléter et non détruire la Loi. Matth., v, 17. Nous voyons en effet le serment encore usité après lui par ses disciples et particulièrement par saint Paul. Rom., i, 9 ; II Cor., i, 23 ; Gal., i, 20 ; Phil., i, 8. Notre-Seigneur interdit seulement l’abus,

et la forme absolue de son langage donne à entendre que la perfection serait de ne jamais recourir au serment. Il veut que la sincérité et la véracité de son disciple soient tellement indiscutables que, pour être cru sans hésitation, il lui suffise de dire « oui » ou « non ». L’interdiction du serment n’est donc pas plus absolue que le précepte, en apparence si général, de la communion, Joa., vi, 54, et que l’impossibilité de la pénitence pour le chrétien. Hebr., vi, 4. L’abstention totale du serment est un conseil que les circonstances ne permettent pas toujours de suivre à la lettre. —6° Saint Jacques, v, 12, répète l’injonction de Notre-Seigneur de ne jurer n » par le ciel, ni par la terre, et même de ne faire aucun serment. C’est le milieu juif dans lequel il vit qui lui suggère la pensée de renouveler cette recommandation.

— 7° Il faut noter enfin que la réaction contre l’abus du serment, tel que l’entendaient les pharisiens, porta les esséniens à reluser absolument de jurer, en dehors du serment de fidélité par lequel ils se liaient à leur secte* Josèphe, Ant. jud., XV, x, 4 ; Bell, jud., II, viii, 6, 7.

H. Lesêtre.

1. JUSTE (’Ioûo-toî ; Vulgate : Justus), surnom d’origine latine donné à trois personnages du Nouveau Testament qui avaient mérité sans doute d’être appelés justes à cause de leurs vertus : 1° Joseph Barsabas, qui fut mis sur les rangs avec saint Matthias, pour remplacer le traître Judas, Act., i, 23 ; 2° un certain Tite, chez lequel saint Paul logea à Corinthe, Act., xviii, 7, et 3° un Juif converti, du nom de Jésus, qui aida saint Paul dans son apostolat. Col., iv, 11, Voir ces trois noms.

H. Lesêtre.

2. JUSTE (hébreu : yâsâr, çaddiq ; Septante : eùûûç, S[ts(j.wTo « , Sixaioç ; Vulgate : reclus, justus), celui qui pratique la justice, dans les diverses acceptions de ce mot. Voir Justice.

1° Le juste est tout d’abord celui qui obéit fidèlement aux lois de l’équité, pour rendre à chacun ce qui lui est dû. Les hommes et les choses méritent le nom de justes ou d’injustes suivant leuV conlormité ou leur opposition à ces lois. Lev., xix, 36 ; Deut., xvi, 19 ; xxv, 1, 13 ; Jud., xi, 27 ; III Reg., xxiv, 18 ; Job, xxviii, 5 ; Prov., vm, 15 ; xvi, 11 ; Is., i, 26, etc. — Dieu est excellemment juste dans tous ses rapports avec ses créatures, dans ses jugements, dans les châtiments qu’il inflige, etc. Deut., , xxxil, 4 ; Job, xxxiv, 17 ; Ps. cxix (cxviii), 137 ; Is., xxiv, 16 ; Jer., xii, 1 ; Lam., 1, 18 ; Dan., ix, 14 ; II Par., xii, 6 ; II Esd., ix, 8, etc. Cette idée revient sous mille formes dans la Sainte Écriture. Notre-Çeigneur appelleson Père « Père juste ». Joa., xvii, 25.

2° Le juste est le plus ordinairement l’homme obéissant à Dieu, par conséquent rendant à Dieu ce qui lui est dû en honneur, en fidélité et en amour. Gen., vi, 9 ; xviii, 23-28 ; Num., xxiii, 10 ; I Reg., xxix, 6 ; Job, i, 1, 8 ; viii, 6 ; xii, 4 ; Ps. v, 13 ; Prov., ii, 21 ; iii, 32 ; x, 3 ; Eccle., vu. 20 ; Sap., ii, 10, etc. — 1. Le juste par excellence, c’est le Fils de Dieu incarné. Isaïe, xii, 2 ; Xlv, 8 ; li, 5 ; lui, 11 ; lxii, 1, 2, aime à le désigner sous ce nom. Jérémie, xxiii, 5, l’appelle le « germe juste », et Zacharie, ix, 9, le « roi juste ». C’est aussi le nom que lui donnent la femme de Pilate, Matth., xxvii, 19, Pilate lui-même, Matth., xxvii, 24, le centurion du Calvaire, Luc, xxiii, 47, saint Pierre, Act., iii, 14, saint Etienne, Act., vii, 52, saint Jacques, v, 6, et saint Jean. I Joa., ii, 1 ; Apoc., lv, 5. — 2. Les justes en général sont tantôt les Israélites, Judith, x, 8 ; Esth., xi, 7, 9 ; Ps. cxi (ex), 1 ; Sap., xviii, 5 ; Lam., iv, 13 ; tantôt les chrétiens, I Cor., xv, 34, qui vivent de la toi, Rom., i, 17 ; Gal., iii, 11 ; Hebr., x, 38, voir Justification ; tantôt enfin ceux qui ont atteint l’éternité bienheureuse. Ps. lxix (lxviii), 29 ; Sap., iii, 7 ; v, 1, 16 ; Matth., xiii, 49 ; xxiii, 39 ; xxv, 37 ; Luc, xiv, 14. — 3. Le titre de « juste » est spécialement attribué à certains personnages : Abel, Matth., xxiii, 35 ; Hebr., . xi, 4 ; Noé, Gen., vi, 9 ; Eccli., xuv, 17 ; Lot, II Pet., n.

1873

JUSTE — JUSTES (LE LIVRE DES)

1874

7 ; Joseph, fils de Jacob, Sap., x, 10, 13 ; Tobie, Tob., ix. 9 ; les parents de Susanne, Dan., xiii, 3 ; saint Joseph, Matth., i, 19 ; le vieillard Siméon, Luc, ii, 25 ; saint Jean-Baptiste, Marc, vi, 20 ; Joseph d’Arimathie, Luc, xxiii, 50, et le centurion Corneille. Act., x, 22.

H, Lesêtre.

3. JUSTES (LE LIVRE DES) (hébreu : èêfér ha-ydSâr ; Septante : BtfjXfovToOsùfîoûç ; Vulgate : Liber justorum), livre perdu de l’Ancien Testament, qui n’est mentionné explicitement que dans deux passages de l’Écriture. Jos., x, 13 ; II Reg., i, 18. Les Septante ne le mentionnent qu’une fois, II Reg., i, 28. La Peschito a traduit Jos., x, 13, par féSbhôlo’sêfrô’, « livre des louanges, » et dans II Reg., i, 18, au lieu de yâsâr, « juste, » elle a lu’dsîr, « cantique, » eta traduit par sfâr’dsir, « livre du cantique. »

I. Existence du livre.

On a émis bien des opinions sur l’existence du Yâsâr. Le Targum l’appelle c le livre de la loi ». Des rabbins juifs se sont appuyés sur cette dénomination pour l’identifier avec l’un ou l’autre des livres actuels de la Bible. Ainsi R. Jarchi soutint que le Yâsâr est le livre même de la Loi ; d’après lui, Jos., x, 13, viserait Gen., xlvhi, 19, et la prédiction faite dans ce dernier passage par Jacob à Éphraïm ne se serait réalisée que par la victoire de Josué et le miracle qui l’accompagna. — Pour R. Éliézer, le YâSâr est notre Deutéronome actuel ; pour soutenir cette thèse, il s’appuyait sur Deut., vi, 18 ; xxxiii, 7 ; dans le premier de ces passages, l’hébreu porte, x, 18o : ’âsîfâ hayâsâr, « fais ce qui est juste ; » dans le second, 7 b, il est question de combats que soutiendra Juda pour la défense de son peuple, ce qui se serait réalisé dans Jos., x, 13o. — R. Samuel ben Nahman identifiait le YâSâr avec le « livre des juges » ; la raison paraît avoir été qu’il appartenait aux Juges d’Israël de rendre la justice et de faire toujours » ce qui est juste ». Cf. Smith, Dictionary of the Bible, t. i, in-8o, Londres, 1863, p. 932.

— Des auteurs chrétiens ont suivi cette même orientation. Saint Jérôme identifia le YâSâr avec la Genèse ; expliquant l’étymologie du mot « Israël », qui signifierait « juste de Dieu », yâsâr’êl, il déclare que la Genèse est appelée le « Livre du juste », parce qu’elle contient l’histoire des justes Abraham, Isaac et Israël. In Is., XLir, 2, t. xxiv, col. 435. Ct. aussi In Ezech., viii, 3, 4, t. xxv, col. 170. — L’auteur des Qusest. kebraicæ (parmi les œuvres de saint Jérôme) ramène le YâSâr aux livres de Samuel (I et II Reg.), parce que ces livres contiennent l’histoire des justes Samuel, Gad et Nathan. In H Reg., i, 18, t. xxiii, col. 1346. — Aucune de ces opinions n’est fondée. Le YâSâr était un livre distinct, qui s’est perdu comme bien d’autres livres de l’Ancien Testament. — Théodoret de Cyr l’avait bien compris : dans unendroitde ses œuvres, illaisse clairement entendre que le YâSâr, qu’il appelle : to B16Xiov ta eû[ps]6év, est une des sources du livre de Josué, In Jos., quæst. xiv, t. lxxx, col. 476 ; dans un autre endroit, il déclare que le « Livre du juste » et d’autres écrits prophétiques furent utilisés dans la composition des livres des Rois. In II Reg., quæst. iv, t. lxxx, col. 600. — À quelle époque ce livre a-t-il disparu ? On ne saurait le fixer. Quelques auteurs, R. Levi ben Gersham et Hottinger, pensent que le Yâsâr disparut, avec d’autres livres, durant la captivité. Mais cette opinion n’est pas prouvée. On pourrait peut-être soutenir, avec une certaine probabilité, qu’il existait encore à l’époque de l’historien Josèphe. En effet, cet auteur racontant, Ant. jud., V, I, 17, le miracle de Josué, déclare que le récit en est consigné dans des documents déposés dans le Temple. Toute la difficulté consiste à savoir si l’historien juif lait allusion, dans ce passage, au YâSâr ou au livre de Josué lui-même. On ne peut le décider.

II. Caractère et contenu du livre.

On a fait sur ce sujet bien des conjectures. Certains auteurs ont émis l’hypothèse suivante : dans l’antiquité on écrivait les an nales de tout ce qui méritait d’être conservé à la postérité ; le Yâsâr aurait été une de ces annales ; il aurait été ainsi appelé soit à cause de l’ordre et de la régularité de sa rédaction, soit parce qu’il y était souvent question du peuple d’Israël, symbolisé par le juste. — G. Sanctius, Comm. in II Reg., in-f », Lyon, 1623, suppose que le Yâsâr était une collection d’hymnes pieux, composés par différents auteurs ; notre Psautier actuel aurait été compilé sur cette collection ; on a fait justement remarquer que cette hypothèse n’explique guère le titre du livre. — D’autres auteurs ont prétendu que le Yâsâr était une collection de chants nationaux, ainsi appelée, parce que probablement elle commençait par les mots : ’âz ydSîr, « alors chanta, » comme le cantique de Moise. Exod., XV, 1 o. — D’autres ont soutenu que ce livre était un recueil de chants à la gloire de tous les héros de la nation, dont les faits auraient été consignés dans le « Livre des guerres de Jéhovah ». Num., xxi, 14 o. — Pour Gesenius, Thésaurus, p. 642, le Yâsâr était une anthologie de vieux chants hébraïques, ainsi appelée soit parce qu’elle contenait les louanges des hommes justes, soit pour un autre motif inconnu. — Certains auteurs ont même pensé à une collection de préceptes moraux et politiques. — Une autre hypothèse a été émise par M. A. Loisy. Cl. Le monstre Rahab et l’histoire biblique de la création, dans le Journal asiatique, juillet-août,

1898, p. 62-67. L’auteur du IIIe livre des Rois, dans la traduction des Septante, ayant rapporté, viii, 53, les paroles de Salomon après la dédicace du Temple, ajoute : oùx ïSoù a’JT<) fetpâmai èv pioLim xîjç wSîjç, « cela n’est-il pas écrit dans le livre du cantique ? » Wellhausen, Die Composition des Hexateuchs, 3e édit., in-8o, Berlin,

1899, p. 271, tut le premier à supposer qu’il s’agit là du YâSâr. Le traducteur grec aurait lii, sur son manuscrit, ’âSîr, « cantique, » pour yâsâr, « juste, » et aurait conséquemment traduit : « cela n’est-il pas écrit dans le livre du cantique ? » au lieu de : « cela n’est-il pas écrit dans le livre du juste ? » M. Loisy voit donc avec Gunkel, Schopfung und Chaos in Vrzeit und Endzeit, in-8o, Gœttingue, 1895, et Wellhausen, un emprunt au YâSâr dans la strophe précédente placée dans la bouche de Salomon :

"HXtov l’iiiptazM Iv oùpavû* Kvptoç

etirs to0 otxoSo^aat ev yvo’çpa » ’oixoSô(j.Yi(TQV oîxbv (Lou, ot’xov eùicpsit » ) oaUTôi toû xaToixsïv in xaivém)T05,

et il essaie même d’en reconstituer le texte hébreu, qui n’existe plus dans nos Bibles massorétiques. Le YâSâr, outre des pièces de David, aurait donc contenu un poème de Salomon. Il conclut en émettant l’hypothèse que le Yâsâr était une anthologie poétique sous-jacente aux plus anciennes sources en prose de l’histoire biblique. — Le D r Mercati propose une autre solution, Note di letteratura biblicae cristiana antica, dans le 5e fascicule des Studie testi, Rome, 1901. Voir Revue biblique, octobre 1901, p. 638. En s’appuyant sur un fragment de la 5* et de la 6e version des Hexaples d’Origène et sur une transcription de saint Épiphane, il a reconstitué un texte hébreu de Ps. i, 1, différent de celui de la Massore et supposé plus ancien. Cette restitution porte surtout sur le premier mot du psautier ; au lieu de : ’aSrê, « béatitudes, » « heureux, » il faudrait lire : yâSâr, « juste. » Cette restitution textuelle entraîne l’auteur à proposer, sous toutes réserves, une conjecture au sujet du Yâsâr : ce livre serait une collection de chants dont le Psaume Ier aurait été la première pièce et le premier mot de ce Psaume (j/ôSà » 1) aurait servi à désigner le livre entier, comme l’usage s’en est établi pour d’autres livres de la Bible, par exemple les livres du Pentateuque, à l’exception des Nombres. — On pourrait objecter contre cette conjecture : 1o que la manière de désigner tes livres sacrés par le premier mot ne paraît pas remonter à une époque

très ancienne, aussi ancienne que le Ydsâr ; 2° que la -première phrase du Psautier ressemblerait un peu à une tautologie. — Nous croyons donc qu’il vaut mieux s’en Senir à l’opinion la plus accréditée parmi les exégètes catholiques, et qui est d’ailleurs fondée sur le texte. D’après II Reg., i, 18, on voit que le Ydsâr contenait une élégie intitulée L’arc, ainsi désignée parce qu’elle tfait l’éloge de l’arc de Saùl et de celui de Jonathas ; il est dès lors permis de conclure que le Livre du juste était vraisemblablement une collection de chants nationaux populaires, qui n’était jamais close, mais à laquelle on ajoutait, au fur et à mesure des circonstances, les chants les plus beaux et les plus remarquables. Cf. Vigouroux, La Sainte Bible polyglotte, t. ii, Paris, 1901, p. 455 ; Driver, Introduction, 7e édit., p. 121. La reconstitution qu’en a tentée Donaldson, dans ses Fragmenta archetypa carminum hebraicorum, Londres, 1854, n’est qu’une accumulation d’hypothèses sans preuves.

III. Bibliographie.

Outre les auteurs déjà cités, cf. J. G. kbicht, De libro Recti, dans Thésaurus novus theologico-philosophicus, in-f°, Leyde, 1732, t. i, p. 524-534 ; R. Lowth, De sacra poesi Hebrseorum, Gœttingue, 1770, præl. xxiii, p. 470-476 ; J. Hastings, À Dictionary of the Bible, in-8°, t. ii, p. 550-551 ; Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, in-8°, Fribourg-en-B., 1893, p. 228 ; Encyclopsedia britannica, 9e édit., t. xiv, p. 84 ; Ryle, The canon of the Old Testament, 2e édit., 1895, p. 19. W. R. Smith, The Old Testament, in the Jewish Church, 2e édit., 1892, p. 433 ; F. Risch, Literatur des alten Testaments, traduction allemande de l’ouvrage hollandais de G. Wildeboer, De Letterkunde des ouden Verbonds, 1893, p. 73 ; Em. Kautzsch, Die heilige Schrift des alten Testaments, Beilagen, p. 136 ; Driver, Introduction, p. 192. V. Ermoni.

    1. JUSTICE##

JUSTICE (hébreu : sedâqdh ; Septante : ôtx « to(njv » i ; Vulgate : justitia), vertu par laquelle on rend à chacun ce à quoi il a droit.

I. En Dieu, la justice est un attribut en vertu duquel " il traite toujours ses créatures de telle manière qu’elles

n’aient aucune réclamation légitime à élever contre lui. Is., v, 16 ; lvi, 1 ; ux, 16, 17 ; Dan., ix, 7 ; Sap., v, 19 ; I Reg., xxvi, 23. De cette justice procèdent les bontés de Dieu envers Israël, Jud., v, 11 ; Ps. xxxvi (xxxv), 11 ; cm (en), 6, la protection qu’il assure aux faibles et aux opprimés, Ps. v, 9 ; xxii (xxi), 32 ; lxxxix (lxxxvhi), 17 ; xcviii (xcvn), 2, et le châtiment qu’il inflige aux coupables. Ps. xi (x), 8 ; Is., x, 22 ; xxviii, 17, etc. — Les justices de Dieu sont ses bienfaits, Jud., v, 11 ; I Reg., 311, 7 ; Ps. cm (en), 6 ; Mich., vi, 5, et quelquefois ses commandements, Ta SixaiiinaTa, justilite. Ps. xvii, 23 (huqqôt) ; xviii, 9 quqqudîm) ; xlix, 16 (huqqim) ; ixxxviii, 32 (huqqôt) ; Rom., ii, 26, etc.

II. La justice, considérée par rapport à l’homme, peut être entendue dans plusieurs sens : 1° C’est la fidélité aux lois de l’équité, soit dans les jugements, Sap., i, 1, soit en général dans les rapports des hommes entre eux. Outre le nom de sedâqdh, Is., xxxii, 1, 16, 17 ; lx, 17, la justice est alors désignée par plusieurs autres mots : ’éméf, aktfisia, ventas, la vérité, l’accord du juge avec le droit, Prov., xxix, 14 ; Is., xvi, 5 ; Ezech., xviii, 8 ; Zach., vii, 9 ; mêSâr, e-JOutt) ?, sequitas, la rectitude, la contormité au droit, Ps. ix, 9 ; lviii (lvii), 2 ; lxx, (lxxiv), 3 ; xcviii (xcvii), 9 ; xcix (xcviii), 4 ; pelîlâh, la justice à rendre, mot mal traduit par les versions, Is., xvi, 3 ; et en chaldéen, din, le droit, xp foeic » judicia. Dan., iv, 34 ; vii, 22.

2° La justice est encore la pratique générale des vertus qui rendent l’homme agréable à Dieu, par conséquent l’obéissance à Dieu, la piété envers lui, la rectitude de la conduite. Dans ce dernier sens, la justice s’appelle aussi sédéq, xh Si’xaiov, justum. La justice est h pratique des commandements. Deut., vi, 25. Dieu

impute à justice les actes qui l’honorent et lui plaisent, c’est-à-dire qu’il considère comme son serviteur fidèle et méritant celui qui les accomplit. Gen., xv, 6 ; Deut., xxrv, 13 ; Ps. evi (cv), 31 ; I Mach., ii, 52 ; Rom., iv, 5 ; Jacob, ii, 23. David, III Reg., iii, 6, et tous les pieux serviteurs de Dieu ont pratiqué la justice ainsi entendue. Isaïe l’oppose très souvent à la méchanceté et à l’impiété ; il se plaint que de son temps elle manque ou est opprimée. Is., i, 21 ; v, 7 ; xxviii, 17 ; xlv, 8 ; xlvi, 12 ; xlviii, 1 ; liv, 14 ; lviii, 2 ; lix, 4, 14, etc. Ézéchiel. m, 20 ; xxxiii, 12-19, explique les conditions et les effets de cette justice : si le péché survient après elle, elle ne compte plus et ne sert à rien ; si au contraire elle survient après le péché, c’est le péché qui est effacé. Les livres sapientiaux parlent continuellement de cette justice, pour l’opposer à l’impiété, indiquer les moyens de l’acquérir et vanter ses avantages pour ceux qui la possèdent. Prov., x, 2 ; XI, 4, 6, 18, 19 ; xii, 28 ; xiii, 6 ; xiv, 34 ; xv, 5 ; xvi, 5, 12 ; xxi, 21 ; Sap., i, 15 ; v, 6 ; xv, 3 ; Eccli., i, 33 ; ii, 1 ; iii, 32 ; iv, 33 ; xviii, 19 ; xx, 30 ; xxvi, 27. — Dans le Nouveau Testament, Noire-Seigneur proclame bienheureux ceux qui ont faim et soif de cette justice, Matth., v, 6, et ceux qui souffrent persécution à cause d’elle. Matth., v, 10 ; I Pet., iii, 14. Il ne veut pas qu’on se contente d’une justice purement extérieure, Matth., v, 20 ; VI, 1, et il recommande à ses disciples de chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice, c’est-à-dire le genre de vie qu’il vient montrer aux hommes et qui seul peut plaire à Dieu. Matth., vi, 33. Saint Paul effraya beaucoup Félix en lui parlant de cette justice, de la chasteté et du jugement futur. Act., xxiv, 25. 3° Dans saint Paul, la justice n’est plus seulement la pratique générale de la vertu, mais cette forme particulière de vie que Jésus 1 Christ a apportée sur la terre. Cette justice est produite dans l’âme par la justification. Voir Jostificat/on. Elle ne vient pas de la Loi, Rom., iii, 21, ni des œuvres de la Loi, Gal., ii, 21 ; Phil., iii, 6, car il est constant que la Loi n’a rien conduit à la perfection, Heb., vii, 19, et cette vie nouvelle est la perfection de la justice. Cette justice de Dieu, communiquée à l’homme, vient de la foi en Jésus-Christ et de la grâcequ’il accorde, non plus aux Juifs seuls, mais à tous les hommes qui consentent à la recevoir. Rom., iii, 22, 24 ; iv, 5 ; ix, 30 ; x, 4, 6, 10. Pour posséder cette justice, il faut donc vivre de la loi, Rom., i, 17 ; Gal., iii, 11 ; Hebr., x, 38, mais d’une toi accompagnée de l’obéissance à Jésus-Christ comme celle du serviteur à son maître. Rom., vi, 16. Jésus-Christ seul est la source de cette justice par la grâce abondante et Je don gratuit qu’il accorde, Rom., v, 18 ; c’est en lui que nous possédons cette justice divine. II Cor., v, 21 ; Phil., i, 11 ; iii, 9. Cet enseignement de l’Apôtre ne fait que reproduire en d’autres termes celui du Sauveur : « Je suis le pain de vie, … celui qui croit en moi n’aura jamais soit… Voici la volonté du Père qui m’a envoyé : c’est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle… De même que je vis par le Père, Sià tôv itatépa, ainsi celui qui me mange vivra par moi, Si’èui, » par la vie que je lui communiquerai. Joa., vi, 35, 40, 58. <t Je suis la vigne, vous les branches ; celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte du fruit en abondance ; car sans moi vous ne pouvez rien faire. » Joa., xv, 5. La vie dont parle ainsi le Sauveur est une communication de la sienne, la vie surnaturelle ou vie de la grâce. C’est la justice que décrit saint Paul, et dont il donne cette formule qui n’est qu’une réplique des paroles reproduites par saint Jean : « Je vis, ou plutôt ce n’est pas moi, c’est le Christ qui vit en moi, et bien que je vive à présent dans la chair, je vis dans la foi du Fils de Dieu. » Gal., ii, 20. L’identité des formules et la parité des causes et des effets montrent que la justice dont il est question dans saint Paul et la vie que promet Notre-Seigneur sont une seule et même

chose. -
H. Lesêtre.


JUSTIFICATION, acte qui a pour but de proclamer la justice de quelqu’un, ou pour effet de la produire en lui. — Ce mot est employé assez fréquemment par la Vulgate, à défaut d’autre terme, pour désigner les préceptes divins : miSpâtim, <nJY x P l<rl ?i « rûv-a^t ;, xpe’jiaTa, icpoorâ-j’fi.aTa, justificationes, Num., rx, 3, 14 ; II Par., XIX, 10 ; xxxiv, 31 ; huqqôf, SixattiptaTa, justificationes, Ps. cv (civ), 45 ; IMach., 1, 51 ; ii, 40 ; Luc, i, 6 ; Hebr., ix, 1 ; dans le Psaume cxix (cxviii), cette expression revient jusqu'à vingt-neut fois pour traduire huqqôt, les lois de Dieu. Dans Daniel, ix, 18, justifialio traduit sedâqâh, Sixaiooiivri, « justice. » Mais l’emploi par la Vulgate de ce mot, qui appartient à la basse latinité, n’a été lait dans les sens précédents, que pour rendre des synonymes hébreux ou grecs dont le latin ne possède pas une variété suffisante.

I. Proclamation de la justice.

L’hébreu emploie ordinairement l’hiphil : hisdiq, SixatoOi/, 5uohSxtoh, justificare, pour dire que l’on « rend juste » celui dont on proclame la justice ; on le déclare juste, à tort ou à raison, et on fait en sorte qu’il soit tenu pour tel. La justice dont il s’agit alors est tantôt la simple équité et tantôt la pratique générale du bien. Ps. lxxxii (lxxxi), 3 ; Is., xlv, 26 ; l, 8 ; Eccli., i, 28 ; v, 18 ; xxiii, 14 ; xxvi, 28 ; xxxi, 5 ; etc. — 1° Dieu est toujours « justifié », c’est-à-dire trouvé juste et équitable dans sa conduite à l'égard des hommes. Job, xl, 3 ; Ps. li (l), 6 ; Eccli., xviii, 1 ; Bar., il, 17. La sagesse que prêche le Sauveur est justifiée par ses disciples, Matth., xi, 19 ; Luc, vii, 35, et le Sauveur lui-même a été justifié, c’est-à-dire accrédité dans sa mission divine auprès des hommes par l’Esprit. I T4m., iii, 16. — 2° En l’ace de Dieu, l’homme n’est jamais justifié, parce que, laible et pécheur, il mérite toujours quelque reproche. Job, iv, 17 ; ix, 2, 20 ; xi, 2 ; xxv, 4 ; xxxiii, 12 ; Ps. cxlih (cxlii), 2 ; Eccli., vii, 5 ; Rom., ii, 20. — 3° Dieu justifie le juste, c’est-à-dire reconnaît et proclame sa justice, tandis qu’il condamne l’impie, III Reg., viii, 32 ; l’homme fait parfois le contraire, ce qui est une chose abominable. Prov., xvii, 15 ; Eccli., xiii, 26 ; xiii, 2 ; Is., v, 23. — 4° Se justifier, c’est montrer qu’on est juste. Job, xxvii, 6 ; Is., xliii, 9, 26. — 5° La justification peut être quelquefois apparente ou trompeuse. Jérusalem justifie Sodome et Samarie, parce que les crimes de ces deux villes ne sont rien à côté des siens. Ezech., xvi, 51, 52. Les pharisiens se justifient eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils cherchent hypocritement à se faire passer pour justes en se donnant les apparences de la vertu. Luc, x, 29 ; xvi, 15.

II. Production de la justice.

Les deux verbes hisdiq et Ssxatoûv veulent encore dire « rendre juste », produire en quelqu’un la justice. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 694 ; Bailly-Egger, Dict. grec-français, Paris, 1895, p. 510. — 1° On se rend juste soi-même en pratiquant la vertu. Sap., vi, 11 ; Eccli., 1, 18 ; XVIII, 22. Rendre juste son cœur, 81x « (o0v, justificare, c’est le purifier, comme le marque clairement le verbe zâkah, employé en hébreu. Ps. lxxiii (lxxii), 13. Il y a donc là une production intérieure et réelle de la justice. On se justifie, c’est-à-dire on est juste devant Dieu, si l’on évite les paroles inutiles. Matth., xii, 37. Le publicain s’est justifié, s’est mis in-térieurement en état de justice par son humilité et son Tepentir. Luc, xviii, 14. Celui qui est juste doit continuer à se justifier, à pratiquer la justice, 8txato<n5vï)v -rcododâ™ STt, justificetur adhuc. Apoc, xxii, 11. — 2° On rend justes les autres en leur faisant pratiquer le bien et en les mettant ainsi en état de plaire à Dieu. ï Ceux qui rendent justes un grand nombre d’hommes, masdiqê hâ-rabbîm, brilleront comme les étoiles. » Dan., xii, 3. La traduction grecque ne rend pas le sens : àxb tùv Sixoci’wv tûv 7roM.<5v, et la Vulgate l’affaiblit : qui ad justitiam erudiunt multos. — Après avoir fait la

description des souffrances du Messie, Isaïe ajoute : « Par sa science mon serviteur juste justifiera (yasdîq, 8exai(0(rai, justificabit) beaucoup d’hommes, et il se chargera de leurs iniquités. » Is., lui, 11. Le prophète montre le Messie souffrant comme « blessé pour nos péchés…, frappé pour l’iniquité de nous tous ». Ce Messie nous donne la paix par le châtiment qui tombe sur lui, il nous guérit par ses meurtrissures, il livre sa vie en sacrifice pour le péché. C’est donc un Messie qui prend sur lui le péché de l’homme, l’expie par sa mort et, à la place du trouble et de la maladie de l'âme, lui donne la paix et la guérison. La justification qu’il communique comporte ainsi la disparition du péché, dont lui-m&me paie la dette, et la santé de l'âme, son excellent état aux yeux de Dieu. Le Sauveur « rend juste » réellement et intrinsèquement ; sa justification n’est pas une simple imputation ni une sorte de grâce qui oublie le péché sans le faire disparaître, c’est la substitution même de la vie à la mort. Il est vrai que les verbes employés dans les trois langues ne peuvent pas, par eux-mêmes, exprimer toute la réalité de ce changement ; mais pour représenter un effet tout nouveau et que Dieu seul peut produire, on était bien obligé de se servir des mots les plus appropriés, bien qu’encore imparfaits. — 3° La justification ainsi annoncée par Isaie est longuement expliquée par saint Paul, particulièrement dans ses Épitres aux Romains et aux Galates. Il commence par établir que tous, Juifs et gentils, sont sous l’empire du péché, Rom., iii, 9, 23, de ce péché que le Messie Sauveur a porté et pour lequel il a été frappé, d’après Isaïe, lui, 8, 12. Les Juifs comptent que les œuvres de leur loi, qu’ils accomplissent d’ailleurs si mal, Rom., ii, 17-24, suffiront à les rendre j ustes ; il n’en est rien. Rom., iii, 20. Qu’il y ait ou non des œuvres accomplies pour obéir à la loi mosaïque, seule la foi en Jésus-Christ justifie l’homme. Rom., iii, 20, 28 ; Gal., ii, 16. C’est en effet la foi en Dieu qui a justifié Abraham, le père de tous les vrais croyants, d’origine juive ou étrangère ; or cette foi qu’il a eue dans la promesse que Dieu lui taisait d’une nombreuse postérité, était antérieure à la circoncision, par conséquent à l’alliance qui le constituait le père de la race israélite. Rom., iv, 10-22. Les œuvres prescrites par la loi de Moïse, la circoncision elle-même n’ont donc été pour rien dans sa justification. — Cette foi requise pour la justification n’est-elle que l’adhésion de l’esprit à certaines vérités, telles que la divinité du Sauveur ou l’efficacité de sa rédemption ? Il n’en est pas ainsi pour saint Paul. « Regardez-vous comme morts au péché, mais vivants pour Dieu dans le Christ Jésus, » dit-il. Rom., vi, 11. « Le corps est mort par le péché, ajoute-t-il, mais l’esprit est vie par la justice. » Rom., viii, 10. La justice produite par la justification est donc une vie, et qui dit vie ne dit pas seulement croyance. Voir Justice, ii, 3°. L’Apôtre donne comme type de cette vie de la foi qui justifie la vie ressuscitée de Notre-Seigneur : « Il a été livré pour nos péchés, il est ressuscité pour notre justification, » Rom., iv, 25, non pour produire cette justification qui est le résultat direct de sa mort, mais pour fournir le modèle de ce qu’elle doit opérer en nous, « afin que nous marchions dans une vie nouvelle. » Rom., vi, 4. — Cette justification est un don de la grâce de Dieu, dont la bonté gratuite peut seule rendre juste. Rom., v, 16 ; I Cor., vi, 11 ; Tit., iii, 6, 7. Elle se manileste en nous par des effets multiples, la paix, l’espérance, la patience dans l'épreuve, Rom., v, 1-5, l’adoption divine qui élève l’homme à la dignité d’enfant de Dieu et lui donne droit à l’héritage paternel. Rom., viii, 15, 17. Enfin elle est universelle et mise à la portée de tous les hommes sans exception. Rom., v, 18, 19 ; Gal., iii, 8. — 4° Saint Jacques, ii, 14-26, donne , un dernier éclaircissement sur la doctrine de la justification : « Que servira à quelqu’un de dire qu’il a la

foi, s’il n’a pas les œuvres ? La foi pourra-t-elle le sauver ? … De même que le corps sans l’esprit est mort, ainsi la toi sans les œuvres est morte. « Mais ici les œuvres qu’il faut ajouter à la toi, pour la rendre capable de justifier et de sauver, ne sont pas les œuvres dont saint Paul a proclamé l’inutilité, les œuvres spécialement commandées aux Juifs par la loi mosaïque, comme la circoncision, les diverses observances rituelles, etc. Ce sont les œuvres de la loi morale, antérieure à la loi mosaïque et indépendante d’elle. Saint Jacques emprunte lui aussi son exemple à Abraham : le patriarche a été justifié par une œuvre d’obéissance qui a complété et vivifié sa foi, le sacrifice de son fils Isaac ; saint Paul attribuait la justification à la foi d’Abraham indépendamment de la circoncision, mais n’excluait nullement les œuvres morales. Saint Jacques apporte deux autres exemples, l’un positif : Rahab justifiée par les services rendus aux envoyés de Josué, l’autre négatif : le riche qui ne donne rien au pauvre que d’inutiles et dérisoires conseils. L’Apôtre, qui avait sans doute en face de lui des partisans de la justification par la toi seule, leur adresse cette observation qui résume tout : « Montre-moi ta foi sans les œuvres, et moi je te montrerai ma foi par les œuvres, » ce qui revient à dire que la foi qui n’agit pas ne peut se montrer ni exister à l’état vivant, tandis que les œuvres prouvent d’elles-mêmes la foi dont elles procèdent, comme l’arbre manifeste et utilise sa sève de vie en produisant ses fruits. Cf. Dollinger, Le christianisme

et l’Église, ’trad. Bayle, Tournai, 1863, p. 245-282. Saint Paul avait incontestablement la même idée que saint Jacques. Si sa conviction eût été que la loi justifie sans les œuvres morales, pourquoi, sans parler de ses autres Épitres, aurait-il terminé son Épitre aux Romains, xii, 1-xv, 13, par tant de recommandations sur la charité, le zèle, la patience, l’hospitalité, le pardon des injures, l’obéissance, la pureté, la tolérance, etc. ? A quoi bon ces exhortations, si la foi suffit à elle seule ?

— 5° En réalité, l’enseignement des deux apôtres procède de celui de NotreSeigneur qui a réclamé la foi de ses disciples, Joa., vi, 29, mais qui leur a en même temps prescrit les œuvres. Matth., v, 16 ; Joa., xv, 2. Les deux sont nécessaires à la justification et au salut. « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, » Marc, xvi, 16, non cependant sans les œuvres, car, au dernier jour, Dieu « rendra à chacun selon ses œuvres ». Matth., xvi, 27 ; xxv, 35-45. C’est pourquoi Jésus-Christ dit un jour aux Juits : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en rendra les fruits. » Matth., xxi, 43. — Saint Jean à son tour trouva en face de lui ceux qui persistaient à promettre la justification et le salut par la foi seule, qu’ils entendaient à leur façon et appelaient alors la « gnose ». Aussi insiste-t-il sur ce principe que, pour être juste, pour être né de Dieu, il faut « pratiquer la justice », I Joa., ii, 29 ; iii, 7, 10, c’est-à-dire croire et agir conformément à sa loi.

H. Lesètre,

K


K. On transcrit ordinairement aujourd’hui par k la lettre hébraïque caph ou kaf. Voir Caph, t. II, col. 200. La Vulgate l’a rendue tantôt par ch, comme dans Chanaan, hébreu : Kena‘an ; Chabul, hébreu : Kâbûl, I (III) Reg., ix, 13, et tantôt par c, comme dans Cabul, hébreu : Kâbûl, Jos., xix, 27 ; corus (mesure), hébreu : kôr ; Caleb, hébreu : Kâlêb ; Cenereth, hébreu : Kinnéréṭ, etc. Les Septante l’ont transcrit ordinairement par χ : Χαναάν ; quelquefois par κ : Κενερώθ.


KABBALE, ensemble de doctrines dogmatiques, philosophiques et symboliques, que les anciens Juifs se transmettaient par voie de tradition. Ce mot vient de qabbâlâh, employé dans la Mischna, Taanith, ii, 1, avec le sens de « tradition », chose transmise et reçue par tradition. Cf. Zunz, Die gottesdienstlichen Vorträge der Juden, 1832, p. 44. Qabbâlâh vient lui-même du pihel hébreu : qibbêl, « recevoir » l’instruction. Prov., xix, 20.

I. Histoire de la kabbale.

1o Les Juifs ont fait remonter l’origine de la kabbale, les uns à Adam lui-même, qui aurait reçu des révélations d’un ange, les autres à Abraham et aux patriarches. On croit communément que la kabbale a pris naissance pendant l’exil de Babylone. D’après le IVe livre apocryphe d’Esdras, xiv, 44-47, Esdras aurait écrit en quarante jours deux cent quatre livres, dont soixante-dix ne devaient être mis qu’aux mains des sages. Saint Hilaire, Tract. in Psalm., ii, 2, t. ix, col. 262, dit que Moïse, outre les livres écrits par lui, « fit connaître à soixante-dix vieillards, pris à part, certains mystères plus secrets parmi les choses cachées de la loi. » De cette première révélation, ajoute le saint Docteur, seraient dérivées la tradition spirituelle et la science occulte mises à profit par les savants juifs. Rien ne s’oppose à ce qu’on admette, chez les Hébreux, certaines traditions doctrinales transmises oralement, et servant à expliquer plus ou moins authentiquement des passages de la Sainte Écriture. Toujours est-il que ces traditions subirent fortement l’influence de doctrines étrangères, inconciliables avec la révélation contenue dans les Livres Saints, et finirent par constituer un singulier « mélange de spéculations profondes et de croyances superstitieuses, de haute sagesse et d’extravagances ». Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 519.

2o La doctrine kabbalistique fut rédigée par écrit dans trois livres principaux. Le Zohar, « éclat, » aurait été commencé, vers l’an 121, par le rabbin Siméon ben Jochaï, disciple d’Akiba, et continué par d’autres. Il prend pour thème l’explication symbolique du Pentateuque. Le Jezirah, livre de la « création », aurait pour auteur Abraham, ou pour le moins Akiba. Enfin le Bahir, « splendide, » serait antérieur à la destruction du Temple. Toute cette littérature serait tombée dans un complet oubli durant plusieurs siècles, mais un manuscrit de ces livres fut retrouvé dans la première moitié du XIVe siècle. Au siècle suivant, Pic de la Mirandole et Paul Ricci commencèrent à exploiter les livres kabbalistiques, pour en tirer, contre les Juifs, des preuves en faveur de la divinité du christianisme. Cette œuvre a été reprise, au siècle dernier, par le rabbin converti, le chevalier Drach, dans son ouvrage De l’harmonie entre l’Église et la Synagogue, Paris, 1844.

En réalité, les trois principaux écrits kabbalistiques auraient une origine beaucoup plus récente. Le Jezirah a dû être écrit le premier, entre le VIIIe et le IXe siècle ; le Bahir l’aurait été entre le XIe et le XIIe, et ensuite serait venu le Zohar, qui ne commence à être cité qu’au XIIIe siècle, et dont la composition est attribuée à différents auteurs, tels qu’Isaac l’Aveugle, qui vivait à Beaucaire au XIIe siècle, Moïse de Léon, qui écrivait en Espagne vers 1300, etc. L’examen intrinsèque de ces livres démontre qu’ils n’ont pu être rédigés, au moins pour certaines de leurs parties, antérieurement aux époques assignées. Cf. Jellinek, Beiträge zur Geschichte der Kabbala, Leipzig, 1852, t. ii, p. 73 ; Kraus, Histoire de l’Église, trad. Godet, Paris, 1891, t. ii, p. 314 ; Karrpe, Étude sur les origines et la nature du Zohar, Paris, 1901, p. 167, 256, 307-322.

3° Il est à peu près impossible de démêler maintenant, dans les écrits kabbalistiques, ce qui représente une tradition vraiment ancienne et autorisée, et ce qui n’est dû qu’aux rêveries de ses rédacteurs ou de ses plus modernes inspirateurs. La kabbale est une systématisation dans laquelle se manifeste une opposition nettement marquée au Talmud, à la Mischna, à la partie législative du judaïsme et au rationalisme. Elle subordonne entièrement la raison aux spéculations de la contemplation et aux combinaisons artificielles des lettres et des nombres. La kabbale ne renie rien du passé biblique ; mais elle l’explique par des principes tout nouveaux et, au besoin, y mêle certains éléments chrétiens. D’après le Zohar, les mots et les récits de l’Écriture sont historiquement exacts ; mais ils constituent en même temps des symboles de vérités d’ordre supérieur. C’est avec la prétention d’interpréter authentiquement les Écritures et d’en révéler le sens caché, que les kabbalistes expliquent la création dans le sens d’une émanation panthéiste, et font rayonner successivement les différents mondes de l’être absolu. Cf. Karppe, Étude sur les origines et la nature du Zohar, p. 251-255, 356-360. Ils enseignent encore la déchéance des esprits et des âmes humaines, le Messie à venir, la restauration de l’univers, etc. Pour donner crédit à toutes ces idées, les rédacteurs de la kabbale les ont mises sous le nom de personnages anciens. Les kabbalistes ajoutèrent à leurs spéculations des théories et des pratiques diverses d’astrologie, de magie, de chiromancie, d’ornithomancie, etc. De là, leur mauvais renom et le sens de menées secrètes et suspectes donné aux mots « cabale » et « cabaler ».

4o On a cherché à mettre quelque ordre dans cet ensemble de spéculations, afin de s’y reconnaître, et l’on a divisé la kabbale en deux parties, l’une théorique et l’autre pratique. Une meilleure méthode permet d’y constater une partie symbolique ou exégétique, une partie positive ou dogmatique, s’occupant des anges, des démons, des visions d’Ézéchiel, etc., enfin une partie spéculative ou métaphysique, traitant du néant, de la création, des dix attributs de Dieu, de l’homme, etc. La première de ces trois parties doit seule nous arrêter ici.

II. Procédés exégétiques de la kabbale. — L’exégèse kabbalistique part de ce principe, essentiellement arbitraire, que la Sainte Écriture, outre le sens qu’expriment les mots, a d’autres sens mystérieux et plus profonds qui se cachent dans les lettres elles-mêmes, et que seuls les initiés savent découvrir. Trois procédés conduisent à cette découverte.

1o La Themûrâh, « substitution, » de mûr, « changer, » consiste à remplacer chaque lettre de l’alphabet par une lettre correspondante, suivant certaines conventions. Dans l’athbasch, la première lettre, א, est remplacée par la dernière, ת, la seconde, ב, par l’avant-dernière, ש, etc. Voir Athbasch, t. i, col. 1210. Dans l’albam, on remplace la première lettre, א, par la douzième, ל, la seconde, ב, par la treizième, מ, etc. La Themura, qui tire son nom d’un mot hébreu, paraît remonter à une assez grande antiquité.

2o La Gematria, de γεωμετρία, « mesure du sol, » traite les lettres au point de vue de leur valeur numérique et en tire de multiples conséquences. Pour la valeur numérique des lettres, voir Nombres. Ainsi le premier et le dernier verset de la Bible hébraïque, Gen., I, 1 ; II Par., xxxvi, 23, contiennent chacun six א, première lettre du mot ’éléf, qui veut dire « mille » ; donc le monde durera six mille ans. La valeur numérique des deux premiers mots de la Genèse, ber’èšîṭ bârâ’, est de 1116, la même que celle des lettres de ces trois mots : bero’š hašânâh nibrâ’, « il a été créé au commencement de l’année ; » donc le monde a été créé au début de l’année civile des Hébreux, à l’équinoxe d’automne. Les lettres du mot mâšiaḥ, « oint, » et celles du mot nâḥâš, « serpent, » donnent un même total de 358 ; donc le Messie se mesurera avec Satan et l’emportera sur lui. Le nuage léger, ‘âb qal, sur lequel est porté Jéhovah, Is., xix, 1, vaut 202 ; le fils, bar, qu’il faut adorer, Ps. ii, 12 (Vulgate : disciplinam), représente aussi 202 ; l’échelle, sullâm, de Jacob, Gen., xxviii, 12, vaut 130 ; si on y ajoute la valeur numérique du nom divin, יהוה, Yehôvâh, qui est de 72, on a encore 202 ; de là d’admirables conclusions sur la nature du Fils, qui porte sur lui la divinité, comme le nuage léger, et unit l’homme à Dieu, comme l’échelle de Jacob. En somme, l’égalité des nombres représentés par les lettres permet de conclure à l’équivalence des idées, des objets ou des personnages. Ces théories numériques sont anciennes. Elles sont signalées chez les gnostiques par saint Irénée, qui les réfute, Adv. hær., I, xiv, 2 ; II, xxv, 1, t. vii, col. 597, 798, et par l’auteur des Philosophumena, vi, 43, t. xvi, col. 2363.

3o Le Notaricon, de nota, « indication, » prend chaque lettre d’un mot comme l’initiale d’un autre mot, où les initiales des mots d’une phrase comme les éléments d’un seul mot. Ainsi le premier mot de la Genèse, ber’èšîṭ, devient le principe des mots suivants : bârâ’, il a créé, râqîa‘, firmament, ’éréṣ, terre, šamayim, cieux, yâm, mer, tehôm, abîme, ce qui constitue une proposition d’une justesse incontestable. Du même mot, on a tiré la formule suivante du mystère de la Sainte Trinité : bên, Fils, rûaḥ, Esprit, ‘âb, Père, šelšâh, trois, yeḥîdâh, unité, tâmâh, parfaite. Les trois lettres du nom d’Adam, אדם, commencent les trois noms d’Adam, de David et du Messie, ce qui indique que le Messie sera fils d’Adam et de David. Réciproquement, les initiales des quatre mots : mî ya‘ăléh-lânû haš-šâmayemâh, « qui nous conduira au ciel ? » Deut., xxx, 12, composent le mot mîlâh, « circoncision, » et fournissent une excellente réponse au point de vue israélite. Avec les finales des trois mots : bârâ’’Élohîm la‘ăṣôṭ, « Dieu créa pour faire, » Gen., ii, 3, onṭ obtient le mot ‘ĕmêṭ, « vérité, » qui marque excellemment le terme de l’action divine.

En réalité, ces combinaisons littérales et cette valeur prêtée à de simples lettres n’ont rien que de puéril, d’imaginaire et de stérile. Les quelques exemples que nous venons de citer suffisent à le montrer. Si le nombre 358, commun au nom du Messie et à celui du serpent, prouve que le Messie vaincra le serpent, il prouve tout aussi logiquement le contraire, et même, si l’on veut, que le Messie ne sera autre que le serpent. Si, par le mot ber’èšîṭ, on démontre que les trois personnes de la Sainte Trinité forment une unité, yeḥîdâh, parfaite, on peut conclure, avec non moins de raison, qu’elles forment aussi une autruche, yâ‘ên, parfaite, etc. Certains apologistes ont pu légitimement chercher dans les élucubrations kabbalistiques l’expression de croyances anciennes conformes à celles du christianisme. Mais, si ces formules représentent exactement l’état des idées juives, à l’époque où elles ont été composées et transcrites, et si cette constatation peut servir d’argument traditionnel pour convaincre certains esprits, il n’en est pas moins incontestable que les procédés à l’aide desquels les kabbalistes ont établi ces formules n’ont absolument rien de logique ni de sérieux. Il suit de là que l’exégèse biblique n’a pas le moindre profit à tirer de la kabbale.

Sur la kabbale, voir Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, iii, 5, Rotterdam, 1685, p. 374 ; Azariel (le premier des kabbalistes), פרוש עשר ספירות, Pêrûš ‘éṡér Sefîrôṭ, Commentaire des dix Sephiroth, par demandes et réponses, publié à Varsovie en 1798 et à Berlin en 1850 ; Fr. Buddée, Introductio ad histor. philosophiæ Hebræor., Halle, 1720 ; A. Franck, La Kabbale ou la philosophie religieuse des Juifs, Paris, 1843, 2e édition, 1889 ; Drach, De l’harmonie entre l’Église et la synagogue, t. ii, p. xv-xxxvi ; Ad. Jellinek, Moses ben Schem-Tob de Leon und sein Verhältniss zum Zohar, Leipzig, 1851 ; id., Beiträge zur Geschichte der Kabbala, Leipzig, 1852 ; Ginsburg, Die Kabbalah, in-8o Londres, 1865 ; Ed. Reuss, Kabbala, dans Herzog, Real-Encyklopadie, 2e édit., t. vii, 1880, p. 375-390 ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 519-526 ; L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, in-8o, Paris, 1881, p. 271-276 ; Cornely, Introduct. in U. T. libros sacros, Paris, 1885, t. i, p. 599-602 ; S. Rubin, Heidenthum und Kabbala ihrem Ursprung wie ihrem Wesen nach dargestellt, in-8o, Vienne, 1893 ; K. Kiesewetter, Der Occultismus des Altertums, in-8o, Leipzig, 1896 ; S. Karppe, Étude sur les origines et la nature du Zohar, précédé d’une étude sur l’origine de la Kabbale, in-8o, Paris, 1901.

H. Lesêtre.


KADIM, nom du vent d’est en hébreu. Voir Qadim.


KAL, nom donné à la première conjugaison du verbe hébreu. Voir Hébreu, iii, 2o, 1, col. 495.


KALISCH Marius Moritz, commentateur israélite, né à Treptow en Poméranie, le 16 mai 1828, mort à Baslow-Rowsley (Derbyshire), le 25 août 1885. Né de parents juifs, il étudia à Berlin et à Halle. Il quitta l’Allemagne pour l’Angleterre à la suite des mouvements révolutionnaires de 1848. Il s’établit à Londres où il fut d’abord secrétaire du grand rabbin de cette ville, puis, en 1853, précepteur des enfants du baron Lionel de Rothschild. Il commença avec leur aide les publications exégétiques qui remplirent le reste de sa vie. Son œuvre principale est son Historical and critical Commentary on the Old Testament, 4 in-8o, Londres, 1855-1872 (ouvrage resté incomplet). Le volume sur l’Exode parut en 1855, celui qu’il consacra à la Genèse en 1858 ; les deux dans lesquels il explique le Lévitique parurent en 1867 et 1872. La maladie l’arrêta en 1873, et il ne publia depuis cette époque que deux autres volumes exégétiques sous le titre de Bible Studies, Part i. The Prophecies of Balaam, in-8o, Londres, 1875 ; Part ii. The Book of Jonah, in-8o, Londres, 1877-1878. En 1862-1863, il avait fait paraître en deux parties A Hebrew Grammar, dont la première partie, revue, a eu une seconde édition en 1875. Par ces diverses publications, il acquit en Angleterre la réputation de savant hébraïsant. Son commentaire du Pentateuque est rationaliste. — Voir S. Lee, Dictionary of national Biography, t. xxx, 1892, p. 237.

F. Vigouroux.


KARAÏTE, juif adhérant à la secte du karaïsme. Voir Caraïte, t. ii, col. 242.


KAREM, aujourd’hui Aïn Karem. Voir Carem, t. ii, col. 260.


KARKOR (hébreu : haq-Qarqôr, avec l’article ; Septante : Καρκάρ), nom du lieu où étaient campés les restes de l’armée de Zébée et de Salmana, battus, par Gédéon, lorsqu’ils furent surpris, après leur fuite, par ce juge d’Israël. La Vulgate a pris ce mot pour un verbe et l’a traduit par requiescebant, « ils se reposaient ; » mais il n’est pas douteux qu’il désigne une localité : « Zébée et Salmana étaient à Karkor. » Jud., viii, 10. D’après le récit de l’historien sacré, Karkor était situé à l’est du Jourdain, au delà du territoire habité par les tribus transjordaniques, dans les déserts où les nomades dressaient leurs tentes, à l’est de Noba et de Jegbaa (col. 1218). Malheureusement le site de Noba est incertain (voir Noba) mais comme Jegbaa est l’el-Djubeihat actuel au nord-ouest d’Ammân (voir la carte de Gad, col. 28), c’est à l’est qu’était certainement Karkor, quoiqu’on n’ait trouvé encore aucune trace de son nom dans cette région. Les deux rois de Madian qui s’étaient arrêtés dans ces parages, étaient là assez loin du pays d’Israël pour se croire en sécurité et à l’abri de toute poursuite : il fallut l’énergie et l’activité de Gédéon pour les y atteindre. — Eusèbe et saint Jérôme, Onomast., édition Larsow et Parthey, 1862, p. 252-253, placent Karkor à une journée de marche au nord de Pétra, parce qu’il y avait là, de leur temps, une place forte appelée Carcaria, mais il est difficile d’admettre que Gédéon eût pu poursuivre ses ennemis si loin vers le sud. — Quant à l’identification proposée par quelques-uns de Karkor avec le Characa du II Mach., xii, 17 (voir Characa, t. ii, col. 577), on ne saurait l’établir, et moins encore celle de Karkor avec Kir-Moab, le Kérak actuel, quoiqu’elle ait été également admise par certains interprètes : le récit suppose que les fugitifs étaient plus loin que le pays de Moab.

F. Vigouroux.


KEIL Friedrich Johann Karl, exégète protestant allemand, né le 26 février 1807 à Oelnitz, en Saxe, mort à Rodlitz, près de Lichtenstein en Saxe, le 5 mai 1888. Il étudia la théologie à Dorpat et à Berlin (1827-1833). Il passa ensuite 5 ans à l’université de Dorpat comme Privatdocent. En 1838 il obtint une chaire de théologie à la même université. En 1858, il se retira à Leipzig. Élève de E. W. Hengstenberg, Keil a été l’écrivain le plus fécond de l’école « orthodoxe », fondée par son maître. Il s’était attaché aux doctrines de l’ancien luthéranisme, dont il se préoccupait continuellement dans ses commentaires. Cf. Tübinger Theolog. Quartalschrift, 1878, p. 366. Il était exégète croyant et conservateur. Keil a été, parmi les protestants contemporains, un de ceux qui se sont laissé le moins influencer par les principes du rationalisme. Voici la liste de ses ouvrages : Apologetischer Versuch über die Bücher der Chronik und über die Integrität des Buches Esra, in-8o, Berlin, 1833 ; Biblisch-Archäologische Untersuchung über die Hiram Salomonische Schifffahrt nach Ophir und Tarsis, dans les Dorpater Beiträge zur theologischen Wissenschaft, in-8o, Dorpat, 1834 ; Der Tempel Salomo’s : Eine archäologische Untersuchung, in-8o, Dorpat. 1839 ; Apologia Mosaicæ traditionis de mundi hominumque originibus exponentis ; Commentatio : in-4o, Dorpat, 1839 ; Kommentar über die Bücher der Könige, in-8o, Moskau, 1846 ; Kommentar über das Buch Josua, in-8o, Erlangen, 1847 ; Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die kanonischen Schriften des Alten Testamentes, in-8o, Francfort-s.-M., 1853 ; Lehrbuch der hist.-kritischen Einleitung in die kanonischen und apokryphischen Schriften der Alt. Test., 2e édit., in-8o, Francfort, 1858 ; 3e édit., in-8o, Francfort, 1873 ; Handbuch der biblischen Archäologie, in-8o, Francfort-s.-M., et Erlangen, 1858-1859 ; 2e édit., Francfort-s.-M., 1875 ; traduit en anglais, 2 in-8o, 1887-1888 ; Biblischer Kommentar über Genesis und Exodus, in-8o, Leipzig, 1861 ; 2e édit., Leipzig, 1866 ; 3e édit., Leipzig, 1878 ; Bibl. Kommentar über Levitikus, Numeri und Deuteronomium, in-8o, Leipzig, 1862 ; 2e édit., Leipzig, 1870 ; Bibl. Kom. über Josua, Richter und Ruth, Leipzig, 1863 ; 2e édit., Leipzig, 1874 ; B. Kom. über die Bücher Samuelis, Leipzig, 1864 ; 2e édit., Leipzig, 1875 ; B. Kom. über die Bücher der Könige, Leipzig, 1865 ; 2e édit., Leipzig, 1876 ; B. Kom. üb. die 12. kleinen Propheten, Leipzig, 1866 ; 2e édit., 1873 ; 3e édit., 1888 ; Bibl. Kom. üb. den Propheten Ezechiel, Leipzig, 1868 ; 2e édit., 1882 ; B. K. üb. den Proph. Daniel, Leipzig, 1869 ; B. K. üb. die Chronik, Esra, Nehemia und Esther, Leipzig, 1870 ; B. K. üb. den Proph. Jeremias, Leipzig, 1872 ; Bl. K. üb. die Bücher der Makkabäer, Leipzig, 1875. Ces commentaires font partie du Biblischer Kommentar über das Alte Test., 16 in-8o, édité par Frz. Delitzsch et Keil. Ils ont été tous traduits en anglais. Keil rédigea aussi la IIIe partie du Handbuch der historisch-kritischen Einleitung in das Alte Test., édité par Haevernick, Erlangen, 1849. Sur le Nouveau Testament Keil a publié Kommentar über das Evangelium des Matthäus, Leipzig, 1877 ; Kommentar über die Evangelien des Markus und Lukas, Leipzig, 1879 ; Kommentar über das Evangelium des Johannes, Leipzig, 1881 ; Kommentar über die Briefe des Petrus und Judas, Leipzig, 1883 ; Kommentar über den Brief an die Hebräer, Leipzig, 1885. — Voir H. Holtzmann et R. Zopffel, Lexicon für Theologie und Kirchenwesen, 2 Halbbande, Brunswick, 1888-1891, 2e édit. (t. ii), p. 572 ; Rud. Cornely, S. J., Historica et critica introductio in utr. Test. libros, Paris, 1885, t. i, p. 728 ; Herzog, Real-Encyklopädie für protest. Theologie, t. x, Leipzig, 1901, p. 197.

E. Michels.


KEMPF Nicolas, né à Strasbourg, prieur de la Chartreuse de Gemnitz, en Autriche, mort en grande réputation de vertu le 20 novembre 1497. On a de lui In Cantica canticorum commentariorum libri VIII, ouvrage publié par dom Bernard Pez, bénédictin, dans les tomes xi et xii de sa Bibliotheca ascetica. Nicolas Kempf écrivit aussi des sermons restés manuscrits sur les Épîtres et les Évangiles de l’année.

M. Autore.


KENANENSIS (CODEX), BOOK OF KELLS, manuscrit des quatre Évangiles, selon la Vulgate, datant de la fin du viie siècle ou du commencement du viiie, ayant appartenu au monastère de Kells (en latin, Ceannanus, de là son nom) dans le comté de Meath, puis à l’archevêque Ussher qui le légua à Trinity College, Dublin, où il est maintenant coté A. 1. 6. Il comprend 339 feuillets de vélin, mesurant 0m33 de long sur 0m25 de large, avec 16 à 19 lignes à la page, laquelle est rarement partagée en deux colonnes. L’écriture demi-onciale, très élégante, est un beau spécimen de l’art irlandais à cette époque. Des enluminures nombreuses coupent le texte et remplissent quelquefois la page entière. On remarque les portraits de trois évangélistes (Matthieu, Luc, Jean), leurs symboles, des mystères, des frontispices, des lettres ornementées, des vignettes multicolores. Ce chef-d’œuvre de calligraphie soutient bien la comparaison avec le célèbre Livre de Lindisfarne. Malheureusement le contenu du Book of Kells ne répond pas tout à fait à la splendeur de l’extérieur. C’est un texte mêlé, du type européen, avec nombre de leçons irlandaises et quelques doublets remarquables. Par exemple, Matth., vi, 16, la Vulgate porte : exterminant facies suas ; les manuscrits irlandais : demoliuntur facies suas ; le Kenanensis : demuliuntur exterminant. Matth., xxi, 31, quelques manuscrits lisent : Dicunt primus, d’autres : Dicunt ei novissimus ; le Kenanensis en fait : Dicunt primus ei novissimus. Ce procédé de fusion apparaît de façon caractéristique dans la note suivante, intercalée dans le texte, sans que rien l’en distingue, Luc, xxiii, 15 : In alio sic : Remisi eum ad vos. Nam remisi vos ad illum. Cf. Berger, Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 41. — Voir Abbott, Evangeliorum versio antehieronymiana, Dublin, 1884, t. i, p. xxiv (au bas des pages il y a une collation du Book of Kells avec l’Amiatinus) ; Wordsworth, Nov. Test, latine sec. edit. sancti Hieronymi, Oxford, 1889-1898 (le Kenanensis y est collationné sous le sigle Q) ; Bond et Thompson, Palæograph. Society, Londres, 1873-1883, t. ii, fac-similé nos 55-58, 88, 89 ; Westwood, Facsimiles of the Miniatures and Ornaments of Anglo-Saxon and Irish Manuscripts, Londres, 1868, p. 23-33, pl. viii-xi.

F. Prat.

KENNICOTT Benjamin, érudit critique anglais, né le 4 avril 1718 à Totnes dans le comté de Devonshire ; mort à Oxford le 18 août 1783. Étant encore à l’école primaire, il se fit remarquer par plusieurs poèmes. Il devint docteur en théologie à Oxford le 10 décembre 1761. Il y avait suivi les cours d’hébreu du célèbre Thom. Hunt (1696-1774) et devint lui-même professeur de cette langue à l’Exeter Collège de cette université. En 1753 il fut nommé pasteur de Culham (Oxfordshire), chanoine de Christchurch à Oxford (1er nov. 1770) et conservateur à la bibliothèque Radcliffe de la même ville, 1767-1783. Sa femme apprit l’hébreu après son mariage afin de pouvoir l’aider à étudier les manuscrits. L’évêque anglican Rob. Lowth lui ayant montré en 1748 que la difficulté contenue dans le passage II Reg., xxiii, 8, disparaissait au moyen d’un léger changement fait au texte hébreu (cf. I Par., xi), Kennicott résolut de se vouer au rétablissement du texte original de l’Écriture Sainte. Wiston et Morin avaient déjà démontré l’incorrection du texte massorétique. Kennicott exposa ses vues dans les traités : The state of the Hebrew text of the Old Testament considered, in-8o, Oxford, 1753 ; The state of the printed Hebrew text of the Old Testament considered, in-8o, Oxford, 1753, 1759. La première de ces dissertations fut traduite en latin par W. A. Taller et publiée à Leipzig, 1756. Le même savant traduisit la deuxième en allemand et il la publia avec des additions par Vogel, Leipzig, 1765. Ces dissertations furent attaquées par plusieurs savants. Fowler Connings publia The printed Hebrew text of the Old Testament vindicated. An answer to Mr. Kennicott’s dissertation, 1753, et Julius Bâte : The Integrity of the Hebrew text vindicated from the objections and misconstructions of Mr. Kennicott, 1754. Kennicott répliqua par A word to the Hutchinsonians or Remarks on three sermons lately preached before the university of Oxford, 1756. George Rome intervint alors, par une apologie des adversaires de Kennicott : An Apology for certain gentlemen in the University of Oxford, 1756, et A view of Mr. Kennicott’s Method of correcting the Hebrew text, 1760. En 1761, Thomas Rutherforth, professeur à Cambridge, publia une lettre adressée à M. Kennicott sur la « Dissertation » de celui-ci, qui fit imprimer Answer to Dr. Rutherforth, 1762, in-8°. Ce dernier répondit par une « seconde lettre » et Richard Farry. désireux de rompre une lance pour lui, composa des Remarks on Dr. Kennicott’s Letter, 1763.

Sur ces entrefaites, Kennicott avait commencé l’exa men des manuscrits hébreux, et il avait publié son programme détaillé. Methodus varias lectiones notandi et res scitu necessarias describendi a singulis Hebræorum codicum manuscriptorum Veteris Testamenti collectoribus observanda, Oxford, 1763. Des comptes rendus dont le premier fut : On the collation of the Hebrew nus. of the Old Test., 1760, devaient tenir au courant les différents collaborateurs ; le dernier parut en 1769 et la série complète fut réunie en un volume : The ten annual accounts of the collation of the Old Testament, Oxford, 1770. Une souscription fut ouverte et elle atteignit rapidement le chiffre de £9119. Le duc de Nivernois fit collationer plusieurs manuscrits à Paris, e’t envoya la collation à Kennicott. Le roi de Danemark mit à sa disposition « 6 manuscrits très anciens » (?). Le roi de Sardaigne lui fit parvenir 4 volumes in-4° de variantes et le stathouder de Hollande le gratifia d’une pension annuelle de £ 400. Kennicott avait collationné environ 600 manuscrits. En 1767 il avait intéressé à ses travaux le professeur d’Iéna, Bruns, qui voyageait en Allemagne, en Hollande, en France et en Italie à la recherche de manuscrits hébreux. Il avait, en trois ans, reçu les variantes des 250 manuscrits ; d’autres collaborateurs avaient réussi à faire la même chose pour 300 manuscrits. Kennicott put enfin faire paraître l’ouvrage depuis longtemps.attendu : Vetus Testamentum Hebraicum cum variis lectionibus, 2 in-f°, Oxford, t. i, 1776 ; t. ii, 1780. Il avait mis en tête du t. ii une Dissertatio generalis in Vetus Testamentum qui traitait des manuscrits hébreux ; elle fut tirée à part à Oxford en 1780 et P. F. Bruns la réédita avec additions à Brunswick en 1783. Kennicott n’avait pas trouvé partout des admirateurs ; cependant les attaques auxquelles il avait été en butte même avant la publication du Vet. Test. hebr. de la part de savants anglais (Sam. Rutherforth), français et italiens, ne furent pour la plupart que des attaques personnelles. En 1771 parut à Paris (et non à Rome) une critique : Lettres de Mr l’abbé de… ex-professeur en hébreu… au S’Kennicott. L’année 1772 en vit paraître une traduction anglaise. Kennicott essaya de se défendre dans : A letter to a friend occasioned by a French pamphlet, 1772. Cette lettre parut anonyme. Kennicott voulait prouver que les « capucins hébraïsants » de la rue Saint-Honoré, à Paris, avaient composé ces « Lettres de M. l’abbé… ». William Jones, Life of G. Home, 6 in-8o, 1899, p. x, p. 84-109, croit que ces « lettres » avaient été inspirées par un Juif du nom de Dumay, qui était l’assistant de Kennicott. Gabr. Fabricius critiqua Kennicott dans son livre : Des titres primitifs de la révélation, 2 in-8o, Rome, 1772. C’est l’Allemagne qui a fourni les plus grands adversaires de Kennicott, mais ces savants appuyaient du moins leurs critiques sur des raisons scientifiques. Cf. la critique de J. D. Michælis : dans sa Bibliotlieca orientalis : Orientalische und exegetische Bibliothek, t. xi, 1776, p. 72 ; t. xviii, 1782, p. 71. La critique de O. G. Tychsen était plus sévère. Il reprochait à Kennicott d’avoir estimé la valeur des manuscrits selon l’âge seul, et d’avoir choisi les variantes sans système aucun, et sans remarquer que beaucoup d’entre elles ne sont que de pures fautes de copiste. Cf. Hartmann, O. G. Tychsen, Brème, 1818, ii, 526. Bruns lui-même a reconnu les défauts du Vetus Testamentum hebraicum, dans le court traité : De variis lectionibus Bibliorum Kennicottianorum, dans le Repertorium für Biblische und Morgendlandische Litteratur d’Eichhorn. Il faut en convenir, les manuscrits collationnés étaient tous relativement récents, aucun ne remontait au delà du Xe siècle, et presque tous proviennent d’une seule source ou appartiennent à une seule famille. L’ouvrage de Kennicott, qui a nécessité tant de patientes recherches, ne laisse pas cependant d’être « une mine précieuse » pour la science biblique. Le travail entrepris par Kennicott a été continué par J.-B. De Rossi. Kennicott avait consulté,

outre les manuscrits, 52 éditions de la Bible hébraïque ; l’édition d’Evrard van der Hooght lui a servi de base pour le texte critique. Les plus importantes leçons du Velus Testamentum de Kennicott ont été insérées dans les Biblia hebraica, deDoederlein, Leipzig, 1793, de Jahn, Vienne, 1806, et de Boothroyd, 2 in-4°, Pontefract, 1810-1816. J. Parkhurst tira parti des recherches de Kennicott dans son Hebrew and English Lexicon, in-4°, Londres, 1762. Samuel Davidson a réuni les résultats des publications de Kennicott et de J. B. De Rossi, dans son livre : The Hebrew Text of the Old Testament from crilical Sources, Londres, 1855. Voici la liste des autres ouvrages de Kennicott : On the Tree of Life in Paradise : a critical dissertation on Gen., II, 8-24, Oxford, 1747. (Un anonyme attaqua ce traité dans : An Enquiry into the meaning of that Text : Gen., i, 26, with an Ansioer to Mr. Kennicott’s interprétation of the same, 1748. Rich. Gifford prit la défense de Kennicott dans ses : Remarks on M. Kennicott’s Dissertation. On the oblation of Gain und Abel, Oxford, 1747). Duty of thanksgiving for peace, 1749 ; A Letter to Dr. [William] King [1685-1763] occasioned by his late apology und in particular by such parts ofit, as aremeant to diffame M. Kennicott, 1755. A critical dissertation on lsaiah, vii, 13-16, 1757 ; Dissertation the second, wherein the samaritan copy of the Pentateueh is vindicated, in-8°, Oxford, 1759 ; Remarks on a printed paper entitled : À Catalogue of the Sacred Vessels restored by Cyrus, 1765 ; Remarks on the 42 and 41 Psalms, in-4°, 1765, anonjme, qu’il lit bientôt suivre des : Remarks on Ihe 48 and 49 Psalms [1765], J. C. Fr. Schulze en publia une édition latine, enrichie de notes et d’un appendice par Bruns, Leipzig, 1772 ; Observations on. the first book of Samuel : chap. XVI, v. 19, Oxlord, 1768 (ces « Observations » ont été traduites en français) ; Critica sacra : Or a short introduction to Hebrew criticism, in-8°, Londres, 1774 (publication anonyme) ; Observations on several passages in Proverbs. With two sermons by Thom. Hunt, édit. Kennicott, Oxford, 1775 ; Epistola ad célèbrent F. D. Michælis : De censura pnmi tomi Vet. Test, hebr., in-8°, Oxford, 1777. Michælis réimprima cette Epistola dans son Orientalische und Exeget. Bibliothek ; t. XII (Anhalt, 1778), en y ajoutant des notes ; The Sabbath. A Sermon preached at Whitehall and before the Univ. of Oxford, 1781 ; Editionis Vet. Test. hebr. defensio contra ephemeridum gottingensium criminationes, in-8°, Oxlord, 1782 ; Chaldaicorum Daniehs et Ezrse capitum interpretatio hebraica, édit. Schulze, in-8°, Halle, 1782 ; cf. Vet. Test, hebr., t. n ; Remarks on sélect passages in the Old Test, to which are added 8 sermons by the late Benj. Kennicott, in-8°, Oxford, 1787, publication posthume. — Henry Dimock publia des Notes on the Psalms to correct the errors of the text from the collations by Kennicott and De Rossi, 1791. — Voir W. P. Courtney, dans le Dictionary of national Biography, t. xxxi, Londres, 1892, p. 10-12 ; Transactions of the Devonshire Association, 1878. On trouve une énumération des écrits publiés contre Ken.nicott dans le Catalogue of english Divinity, Exeter (Dryers), 1829 ; Kaulen, dansWetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. vii, 1891, p. 375-378 ; Michel Nicolas, dans la Nouvelle biographie générale, Paris, t. xxvii, 1861, col. 566-569. E. Michels.

keri forment la collection la plus ancienne de variantes hébraïques qui nous ait été conservée par les Juifs. On en compte en tout 1353. Voir C. D. Ginsburg, dans Kitto, Cyclopsedia of biblical Literature, 3e édit., t. ii, p. 723. Ces variantes sont naturellement d’inégale importance et quoique les leçons préférées par les Massorètes ne soient pas toujours les meilleures, leur travail est néanmoins précieux. — Voir Jacob ben Chayim, Introduction to the Rabbinic Bible, traduction C. D. Ginsburg, dans le Journal of Sacred Literature, juillet 1863, nouv. série, t. iii, p. 382-412 ; Elias Lévita, Massoreth liam-Massoreth, Sulzbach, 1771, p. 8 a, 21 a ; traduction allemande par Chr. G. Meyer, in-8°, Halle, 1772, et traduction anglaise par Chr. D. Ginsburg, in-8°, Londres, 1867 ; L. Cappel, Critica sacra, t. iii, in-f », Paris, 1650, p. 68, 83, 100, 170-186 ; J. Buxtorf (l’ancien), Tiberias, c. xiii, 2e édit., in-4°, Bâle, 1665, p. 122-134 ; J. Buxtorf (le jeune), Anticritica adversus L. Cappelli Criticam sacram, part, ii, c. iv, in-4°, Bâle, 1653, p. 448-509 ; M. Hiller, De Arcano Kethib et Keri, in-8°, Tubingue, 1692 (voir col. 713) ; J. Chr. Wolf, Bibliolheca Hebrœa, 4 in-4°, Hambourg, 1721, t. ii, p. 507-533 ; Z. Frankel, Vorstudien zu der Septuaginta, in-8°, Leipzig, 1841, p. 219-242 ; Chr. D. Ginsburg, Introduction to the massoretico-critical édition of the Hebrew Bible, in-8°, Londres, 1897, p. 183-186.

    1. KERN Friedrich Heinrich##


KERN Friedrich Heinrich, exégéte protestant allemand, né à Sohnstetten, en Wurtemberg, le 20 avril 1790, mort à Tubingue le 3 février 1842. Il devint professeur en 1826 à l’Université de Tubingue. Dans un article publié en 1835, dans la Theologische Zeitschrift de Tubingue, il rejeta l’authenticité de l’Epitre de saint Jacques, mais il l’admit trois ans plus tard dans son principal ouvrage, Der Bnef Jacobi untersucht und erkldrt, in-8°, Tubingue, 1838. — Voir Holtzmann, dans Allgemeine deutsche Biographie, t. xv, 1882, p. 632.

    1. KEZIB##

KEZIB (hébreu : Kezîb ; Septante : Xxaêi), nom de la localité où se trouvait Juda, fils de Jacob, lorsque Sué, sa femme, mit au monde Séla, son troisième fils. Gen., xxxviii, 5. Ce nom de lieu a disparu dans la Vulgate où saint Jérôme a traduit : « (Séla) étant né, elle cessa d’enfanter, » au lieu de : « (Juda) était à Kezib, quand elle enfanta. » On ne trouve Kezib sous cette forme que dans ce seul passage de la Genèse, mais les commentateurs anciens et modernes admettent que la ville ainsi nommée est Achazib sous une forme orthographique abrégée. Voir Achazib 2, t. i, col. 136-137.

    1. KIKAYON (qîqàyôn)##


KIKAYON (qîqàyôn), nom hébreu du ricin, traduit par cucurbita, « courge, » dans l’ancienne Italique, et par hedera, a lierre, « dans notre Vulgate.Voir Courge, t. ii, col. 1082, et Ricin.

    1. KIKKAR##


1. KIKKAR, nom hébreu, 133, d’une partie de la vallée du Jourdain, traduit ordinairement dans la Vulgate par « région ». Voir Jourdain, col. 1712.

KERI. On donne ce nom, np, qerî, qui signifie « lis », ou « ce qui est lu » ou bien « ce qu’on doit lire », aux leçons marginales placées dans les Bibles massorétiques et qui indiquent ce qu’il faut lire à la place du chethib, « ce qui est écrit. » Voir Chethib, 1. 11, col. 674. Les kerî et les chethib sont indiqués dans nos éditions de la Bible hébraïque. Le chethib est conservé dans le texte, mais il porte les voyelles du kerî,, ._ r … _., ^— -.-,

qui est généralement mis en note au bas des pages. Les ! cette contrée appartenait alors aux comtes de Barcelone,

    1. KIKKAR##


2. KIKKAR, nom, en

monnaie. Voir Talent.

hébreu, du talent, poids et

    1. KIMCHI##

KIMCHI (>nop, Qimhi ou Qamhi), nom porté par plusieurs rabbins, dont trois surtout se rendirent célèbres à la fin du xii « et au commencement du xine siècle : Joseph Kimchi et ses deux fils, David et Moïse.

    1. KIMCHI DAVID BEN JOSEPH##


1. KIMCHI DAVID BEN JOSEPH, le plus célèbre des trois, naquit dans la seconde moitié du xiie siècle, en Provence, comme le marque l’appellation par laquelle

//

on le désigne souvent : Radak de Provinciâ (pn, Radak, abbréviationde >nnp in >zi, Rabbi David Qimhi). Comme


III. - 60

1891

K1MCHI DAVID BEN JOSEPH

KION

1892°

on s’explique que quelques auteurs l’aient supposé né en Espagne ; du reste, sa famille était d’origine espagnole. Quand il composa ses ouvrages, il n’était plus en Provence, mais il était venu s’établir à Narbonne, centre d’études juives florissant. David Eimchi s’est acquis, au moyen âge, un grand renom comme grammairien et comme exégète. Sa grammaire hébraïque, intitulée Miklôl, « Perfection, » comprenait, dans sa pensée, deux parties : la grammaire proprement dite qui, dans l’usage, a gardé l’appellation de Miklôl, et le dictionnaire des mots de la Bible, connu sous le nom de sêfer haSSorâsîm, « lhre des racines. » La grammaire a été souvent imprimée, d’abord à Constantinople, in-f°, 1522, et en 1532 ; puis à Venise, avec les notes d’Elias Lévita, en 4545, in-8°, en 1546, etc. Une édition moderne a paru à Rittemberg, en 1862. Le dictionnaire fut imprimé à Naples, in-f°, 1490, et en 1491 ; à Constantinople, in-f°, 1513, 1532 ; à Venise, avec les notes d’Elias Lévita, en 1546, etc. ; et, plus récemment, à Berlin, en 1838 et en 1847. On peut voir dans J. Fùrst, Bibliotheca judaica, in-8°, Leipzig, 1863, 2 part., p. 185-186, le relevé des nombreuses anciennes éditions de ces deux œuvres, ainsi que l’indication des traductions latines qui en ont été faites, ou des ouvrages qui s’en sont largement inspirés, par exemple la Grammatica ebraica de Conrad Pellican, in-4°, Strasbourg, 1540 ; les ffebraicarum institutionum hbri IV, de Santé Pagnino, in-4°, Paris, Robert Etienne, 1549, et le Thésaurus linguse sanctæ ex R. Dav. Kimchi libro radicum, du même, in-4°, Paris, Robert Etienne, 1529, 1548, etc. Dans ses Prolegomeni ad una Grammatica ragionata délia lingua ebraica, Padoue, 1836, Luzzato s’exprime ainsi : « David Kimchi ayant écrit son Miklul et son lexique avec plus de clarté et de méthode que tous ses prédécesseurs, les éclipsa tous, et fut la principale cause que les ouvrages de la plupart d’entre eux périrent, ou du moins restèrent peu connus, et que plusieurs écrits en arabe ne furent pas traduits en hébreu. Et l’on ne peut que s’en affliger ; car beaucoup de ces anciens furent supérieurs à Kimchi en profondeur et critique, principalement Ibn-Djanach. » (Voir col. 802.) D’après Elias Lévita, Buxtorf, De abbreviaturis hebr., à la suite de la Bibliotheca rabbinica, in-8°, Franecker, 1696, p. 391, attribue à David Kimchi un petit traité massorétique sur les points et les accents, intitulé’Et sôfér, « style du scribe » (Ps. XM, 15), et qui a été publié à Lyck en 1864. Cf. J. B. De Rossi, Dizionario storxco degli autori ebrei, 2 in-f°, Parme, 1802, t. i, p. 189. — Les commentaires de Kimchi embrassent la Bible presque entière. De son commentaire sur le Pentateuque, il ne reste que celui sur la Genèse, édité par A. Ginsburg, in-8°, Presbourg, 1842. On lui attribue une version espagnole de la Bible ; mais Lelong, dans sa Bibliotheca sacra, 1. 1, p. 364, observe qu’il n’y en a aucune preuve et que, du reste, cette version n’existe nulle part, et n’a pas laissé la moindre trace. Ses commentaires sur les premiers prophètes, c’est-à-dire Josué, les Juges, les livres de Samuel et des Rois, — sur les prophètes postérieurs Isaie, Jérémie, Ezéchiel, — sur les petits prophètes, — sur les Psaumes, — sur les deux livres des Chroniques, ont paru dans la grande Bible rabbinique de Dan. Bomberg, éditée à Venise, 1518, 1540. Ils ont été aussi publiés souvent à part dans le cours des XVIe, Xvn s et xviiie siècles, et il en a été tait des traductions latines. Voir J. Fùrst, Bibliotheca judaica, part. II, p. 183-185. Le commentaire sur Ruth fut édité pour la première fois par Jean Mercier, in-4°, Paris, 1563. On peut citer encore le commentaire sur les Baphtaroth, tiré de son commentaire sur les prophètes, et publié à Bâle, in-f », 1609. U eut à défendre contre plusieurs rabbins de Montpellier l’ouvrage du célèbre docteur juif Maimonide, Le guide des égarés ; la lutte fut vive, mais il finit par les ramener à sa manière de voir par sa douceur et son habileté. Sa réputation de grammairien et

d’interprète de l’Écriture fut si grande parmi les Juifs, qu’on lui appliqua, par un jeu de mots, une sentence du Talmud, min t>n ncp t>n dn, ’im’en qemah’en fôrâh, « pas de farine, pas de loi (étude de la Loi), » et l’on dit : ’im’en Qimhi, en fôrâh, « sans Qimhi point de Loi. » Voir Histoire littéraire de la France, Paris, t. xvi, 1824, p. 360-371 ; à la suite de l’étude sur sa vie et ses travaux, on trouve la liste des manuscrits de ses œuvres conservés à la Bibliothèque Nationale. Voir aussi, sur ce point, Mss. codices hebraici Biblioth. J. B. De Rossi, Parme, 1804, p. 211 ; L.-Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, in-8°, Paris, 1881, p. 260-262.

E. Levesque.

    1. KIMCHI JOSEPH##


2. KIMCHI JOSEPH, le père de David, se distingua comme hébraisant et exégète, sans atteindre à la réputation de son fils. La grammaire intitulée hazzikkdrôn, « le Mémorial, » existe en manuscrit (Mss. codices hebraici Biblioth. J. B. De Rossi, cod. 396), mais n’a jamais été publiée. Elle est souvent citée dans le Miklôl de son fils David. Ses commentaires sur plusieurs parties de la Bible, dont les manuscrits sont à la Bibliothèque du Vatican, n’ont jamais, non plus, été imprimés. Son fils en a fait de nombreuses citations. Quelques extraits sur le Pentateuque et sur les prophètes postérieurs et un poème sur la lecture du livre d’Esther sont indiqués parmi les manuscrits de Rossi, t. i, p. 108 ; t. iii, p. 50, 69. On trouve ses remarques sur le Cantique des Cantiques parmi les manuscrits de l’Université d’Oxford, et celles qui concernent Esdras, Ruth et l’Ecclésiaste à l’Escurial. Voir Hist. littér. de la France, t. xvi, p. 371, 372 ; L. Wogue, Hist. de la Bible, p. 260.

E. Levesque.

    1. KIMCHI MOÏSE##


3. KIMCHI MOÏSE, le frère de David, est auteur de plusieurs ouvrages estimés sur la grammaire et sur l’Écriture Sainte. La grammaire intitulée Darkê leSon hadqqôdeS, Vise linguse sanctx, « Introduction à la langue sainte » (plus connue sous le nom de nïin >S>3w "ibno, mahàlak sébile had-da’at, « Voie des sentiers de la science, s> acrostiche reproduisant son prénomi ! ïiura, « Moise, » et tiré de son introduction), a été publiée à Padoue, in-8°, 1504, à Pesaro, 1508, et avec des notes de Constantin Lempereur, à Leyde, in-8°, 1631, et traduite en latin par Sébastien Munster, Rudvmenta linguse sanctx Mos. Kimchi, in-8°, Bâle, 1531, 1536. On lui doit un commentaire sur les Proverbes de Salomon, qui avait été faussement attribué à Aben Esra, in-f », Venise, 1526, 1528 ; un autre sur Esdras, indiqué par Fùrst, loc. cit., part. II, p. 188, comme également faussement attribué à Aben Esra. Voir Hist. littér. de la France, t. xvi, p. 372. E. Levesque.

    1. KINNOR##


KINNOR, nom d’un instrument à cordes, en hébreu. Voir Harpe, col. 434.

KION, KÎYUN, 1TO, mot hébreu qui ne se lit qu’une fois dans l’Écriture, Amos, v, 26, et qui a donné lieu à de nombreuses discussions. D’après les uns, c’est un nom propre ; d’après les autres, c’est un nom commun. La Vulgate l’a traduit par « image s ; plusieurs modernes le rendent par « piédestal », et croient y reconnaître le piédestal sur lequel les Assyro-Chaldéens portaient leurs idoles dans les solennités religieuses. Voir fig. 474, t. i, col. 1559. — Les Septante ont traduit Kîyûn par Paiçàv, forme qui est probablement une corruption de Katçâv. Gesenius, Thésaurus, p. 670. Voir Remphan. Le Targum et la Peschito ont conservé le mot hébreu. La version arabe porte Rafàna, nom qu’elle tire des Septante. — Il n’est plus guère possible aujourd’hui de nier que Kîyûn ne soit un nom propre, mais mal ponctué par les Massorètes. Ces derniers n’en connaissaient pas la véritable prononciation, ce qui ne saurait étonner beaucoup, ce mot ne se rencontrant qu’une seule fois dans la Bible. Aquila et Symmaque le transcrivirent Xto5v. Voir Origine, Hexapl., Amos, v, 26, t. ivi, col. 2693. Saint Jérôme l’écrit Chion. In Amos, , 26, t. xxv, col. 1056. Les Massorètes s’accordent avec Aquila et Symmaque. Mais ils ont tous pris à tort le i pour une voyelle, c’est ici la consonne v, comme le prouvent le syriaque ܟܰܐܘܳܢ, Ké’von, l’arabe كَيْوَانً, Kaivan, et l’assyrien Ka-ai-va-nu. On doit donc lire כיון, Kévan, et non Kîyûn.

Plusieurs anciens lexicographes hébreux, tels que Bar Bahlal et les célèbres rabbins Aben Esra et Eimchi (voir Gesenius, Thesaurus, p. 667), avaient déjà identifié Kiyûn avec la planète Saturne. Les découvertes assyriennes ont démontré que leur interprétation est fondée. Un syllabaire cunéiforme du temps du roi Assurbanipal, Western Asiatic Inscriptions, t. ii, pl. 32, 25 e, f, nous apprend que la planète Saturne s’appelait à Ninive Ka-ai-va-nu. Cf. Eb. Schrader, Kewan und Sakkutk, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1874, p. 326-327 ; Id., Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2e édit., 1883, p. 442-443 ; Id., dans Riehm, Handwörterbuch des biblischen Altertums, 2e édit., 1893, t. i, p. 274 ; P. Jensen, Kosmologie der Babylonien, in-8°, Strasbourg, 1890, p. 111-116. Elle portait le même nom chez les Syriens, les Mandéens, les Perses, etc. Movers, Die Phönizier, Bonn, t. i, 1841, p. 289-290 ; Codex Nasaræus, édit. Norberg, t. i, 1815, p. 54, lig. 5 ; W. Brandt, Die mandaische Religion, in-8°, Leipzig, 1889, p. 52, 61 ; P. Jensen, Kosmologie, p. 136 ; R. Brown, Researches into the Origin of the Primitive Constellations of the Greeks, Phœnicians and Babylonians, 2 in-8°, Londres, 1899-1900, t. i, p. 346. C’est parce que Kévan est un astre divinisé que le prophète l’appelle « l’étoile de votre dieu ». Amos, v, 26. Le sikkût mentionné dans la première partie du verset, et qu’on a traduit ordinairement par « tentes, tabernacles » en le prenant pour un nom commun, est aussi vraisemblablement un autre nom de dieu. Voir Sikkuth. Le vrai sens du passage d’Amos est donc celui-ci : « Vous avez porté Siccuth (ou Saccuth), votre roi, et Kévan, vos idoles, l’étoile de votre dieu que vous vous êtes fait. » Et non pas, comme nous le lisons dans la Vulgate : « Vous avez porté le tabernacle (la tente) de votre Moloch et l’image de vos idoles, l’étoile de votre dieu, que vous vous êtes fait. » — Dans un texte magique assyrien, les noms de Sak-kul et de Kaivan se trouvent unis au milieu d’une énumération et d’une invocation de noms divins, comme dans le texte d’Amos (Seconde tablette Surpa, Western Asiatic Inscriptions, t. IV, pl. 52, col. 4, lig. 9 ; H. Zimmern, Beiträge zur Kenntniss der babylonischen Religion, in-4°, Leipzig, 1896, p. 10, lig. 179).

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316. — Didrachme frappé à Hiérapolis (Bambyce).
Baal-Kaivan assis, a gauche : devant lui un thymiatéron ; il tient de la main gauche un sceptre, de la droite des épis ( ?). Devant, ’%M D et O (?) ; derrière, אלכםנרד (Alexandre). — R. Atergatis vêtue d’une longue robe, la tête couverte d’un voile qui lui descend jusqu’à la ceinture, assise sur un lion. Dans le champ, ט . Dעתה. Devant le lion : Δ.

D’après l’interprétation commune, le prophète reproche aux Israélites d’avoir adoré de faux dieux dans le désert du Sinaï, entre autres le dieu Sikkuth ou Saccuth et le dieu Kévan, qui devaient être des divinités chananéennes en même temps que des divinités araméennes et chaldéo-assyriennes. Mais, quoiqu’il soit parlé, au jt. 25, du séjour des Hébreux dans la péninsule du Sinaï, on peut entendre le ꝟ. 26 du culte idolâtrique rendu par les Israélites contemporains d’Amos aux fausses divinités, culte qui sera puni par la captivité au delà de Damas, c’est-à-dire en Assyrie. — Une monnaie d’Hiérapolis Bambyce nous a conservé l’image du dieu Kaivan, tel qu’on le figurait à une date postérieure (fig. 316). Cf. E. Babelon, Les Perses Achéménides, in-8°, Paris, 1893, p. lii-liv. — Voir J. Knabenbauer, Comment. in prophetas minores, 1886, t. i, p. 295-296.

F. Vigouroux.

KIRCHER Konrad, théologien protestant né à Augsbourg, dans la deuxième moitié du xvie siècle, mort peu après 1622. En 1586 il dut quitter sa ville natale et fut nommé successivement pasteur protestant à Sonnenberg, à Donauworth et à Jaxthausen. L’exemple de son compatriote, Sixtus Birken (Xystus Betulejus), qui avait publié une Συμφωνία ἥ σύλλεξις τῆς διαθήχης τῆς καινῆς, Bâle, 1546, semble l’avoir déterminé à entreprendre le même travail pour les Septante. II y consacra sept années et le fruit de ses travaux furent ses Concordantiæ Veteris Testamenti græcæ, ebræis vocibus respondentes πολύχρηστοι, Simul et lexicon ebraico-latinum, ebraico-græcum et genuina vocabulorum significatio ex LXXII interpretum translatione petita, 2 in-4°, Francfort-sur-le-Main, 1607. Il s’était servi pour ce travail de l’édition des Septante publiée à Bâle en 1550 et non pas de celle d’Alcala. Kircher y a coordonné, selon l’ordre alphabétique, les mots hébreux en y ajoutant les différentes traductions des Septante, avec la signification latine. Il n’expliqua donc pas, comme on s’y attendait, les mots grecs à l’aide des mots hébreux, mais ceux-ci par les mots correspondants grecs. La deuxième partie de son livre se compose d’un Index alphabeticus græcus, qui renvoie le lecteur aux différentes pages où se trouve le mot grec (a = t. i, b = : t. n). Viennent ensuite les textes deutérocanoniques. Voici un exemple :

3N : Germinatio, arbustum, fructus, viror, ’PIZA. Radix

Job, 8, 12, ïxi ô’v i% p ! Çy)Ç, xal où ii, -ï| ôepeaflrj



TENNHMA. Generatio

Cant., 6, 10, xonéêrpi ÎSeïv êv yevvrii.axt

[ôjrwpa ;  : Sym. xapitôv : alii].

L’Index est ainsi arrangé :

apaToç, a. 263, 1005, b. 727, 912 (etc.). Bar : 2, 4. xoct eïç à’ëaTOV ÉvttScxitoî ; Xaoîç. Sap : 5, 7. xoà SicoSeûiransv lp^[j.ou ; àêizov ; (xtX).

Les défauts de ce premier essai d’une concordance de la version des LXX étaient trop manifestes et Abr. Trommius, qui reprit ce travail en entier, les signala dans la Préface de ses Concordantiæ græcæ versionis vulgo d. LXX, édit. B. de Montfaucon, Amsterdam et Utrecht, 1718, en les réduisant à trois chefs : 1° il ne fallait pas suivre l’ordre alphabétique des mots hébreux ; 2° Kircher aurait dû éviter tant de fausses indications, nécessitées par sa méthode de travail ; 3° il n’aurait pas dû placer sous les racines hébraïques les mots « indistincte et promiscue ». J. Gagnier a essayé en vain de réfuter ces objections dans ses Vindiciæ Kircherianæ sive Animadversiones in novas Abr. Trommii concordantias græcas versionis LXX, Oxford, 1718. — Kircher a encore publié : De Concordantiarum biblicarum maxime Vet. Test. iii, theologia vario et multiplia usu, in-4°, Wittemberg, 1622. — Voir C. Siegfried, dans l’Allgemeine deutsche Biographie, Leipzig, t. xvi, 1882, p. 7 ; Winer, Handbuch der theologischen Literatur, 3e édit., ii, 1840, p. 613 ; Meyer, Geschichte der Schrifterklärung, Ar »

1895

KIRCHER — KIR MOAR

1896

-t. iii, p. 107 ; t. iv, p. 100 ; Nouvelle biographie générale, Paris, t. xxvii, 1861, p. 6 ; Fr. Kaulen, dans le Kirchenleodcon de Wetzer et Welte, 2e édit., Fribourg, t. ii, 1883, p. 644. E. Michels.

    1. KIR HARASETH##

KIR HARASETH (hébreu : haq-Qîr Harâèép ; - Septante : to) « ).£90u ; toû tepou x>61]j » ]|iëvouc), nom de ville que la Vulgate, à la suite des Septante, a traduit comme un nom commun, mûri fictilies, « murs de terre, » IV Reg., iii, 25, de même que dans les trois noms suivants, qui, avec de légères modifications, paraissent tous désigner une seule et même ville, KirMoab. Voir ce nom.

    1. KIR HARÉS##

KIR HARÉS (hébreu : Qlr LTâréè ; Septante : « ç xefyoç è-vexauvKraç, « tu as renouvelé comme un mur ; » "Vulgate : ad murum cocti lateris, « au mur de briques cuites » ). Is.j^vi, 11. Voir Km Moab.

    1. KIR HARÉSETH##

KIR HARÉSETH (hébreu : Qîr IJâréêép ; Septante : toïç xatoixoûCTi 8è SÈ8 [leXer/îusiç, « tu méditeras sur les habitants de Seth ; » Vulgate : muras cocti lateris, « mur de briques cuites » ). Is., xvi, 7. Voir Km Moab.

    1. KIR HÉRÉS##

KIR HÉRÉS (hébreu : Qîr Iférés ; Septante : xeipdtès ? [xù^(ioû], « les cheveux coupés [en signe de deuil], » Jer., xxxi, 31, 36 ; Vulgate : murus fictilis, « mur de terre » ). JerT, xlviii, 31, 36. Voir Kir Moab.

    1. KIR MOAB##

KIR MOAB (hébreu : QirMôâb, Is., xv, 1 ; Septante : to tet/o ; t^ç MwaëiTTiSo ;  ; Vulgate : murus Moab), ville forte de la Moabitide (fig. 317).

I. Nom.

Cette ville est nommée Qîr Héréè, Jér., XtviH, 31,.36, et, à cause de la pause, Qîr Hâréè, Is.,

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317. — Monnaie de Kir Moab.

AY K M AYANTCO… Buste lauré d’Éla&afiale, à droite. — Si XAPAX[MCOBH]NQN. Tyché (la Fortune), debout de lace, regardant à gauche, et tenant une corne d’abondance et un gouvernail.

xvi, 11 ; Qîr Hâréèet, Is., xvi, 7, et Qîr R’ârâèèp, à cause de la pause. II’(IV) Reg., iii, 25. Dans tous ces passages, les Septante considèrent ce nom comme un nom commun désignant généralement les fortifications ou les villes fortifiées du pays de Moab et le traduisent par des mots divers. Voir Km Haraseth. La Vulgate le traduit aussi, par mûri fictiles, IV Reg., m, 25, et, au singulier, murus fictilis, Jer., xlviii, 31, 36, murus cocti lateris. Is., xvi, 7, 11. La version syriaque, et la plupart des autres l’ont également rendu ordinairement par des noms communs divers. Le Targum de Jonathan ben Uzziel, II (IV) Reg., iii, 25, parait également prendre ce nom pour un nom commun et traduit : « Ils ne laissèrent pas une pierre dans la ville (beqarta’) sans la renverser. » Il semble le considérer comme un nom propre désignant une ville particulière, Is., xv, 1, et le rend par son équivalent araméen, qui peut-être avait déjà remplacé le nom hébreu, si celui-ci n’était pas lui-même une traduction. L’équivalent employé en cet endroit est Kérdka de-Môàb,

n
dt Kî-d. Dans les autres passages, Qir Héréè ou Ha

t : t- :

réèep est rendu par le Kerak de leur puissance, ^3 fins’pw, et Kerak est peut-être pris comme nom propre ; dans tous les cas, il désigne une ville particulière con sidérée, comme le nom l’indique, pour la ville forte par excellence, « la citadelle » ou « le boulevard » de Moab. Dans tous ces passages, le texte hébreu est clair et la construction de la phrase indique qu’il est question d’une ville particulière qui. vient d’être formellement déterminée. La plupart des commentateurs sont d’accord sur ce point. — Le nom de Characa (grec : Xâpaxa) se retrouve II Mach., XII, 17, pour désigner, semble-t-il, une ville forte spéciale. Le nom est sans doute identique à celui donné par le Targum à la ville de Moab et le nom grec Xapa$ a lui-même une signification analogue et paraît emprunté des langues sémitiques. Il est douteux cependant si, en ce passage, ce nom désigne la même ville. Voir Characa, t. ii, col. 577-579. — Selon quelques auteurs, le nom de Qorka’ou Qarha’qui se lit sur la célèbre stèle de Mésa, lignes 3, 21, 24 et 25, pourrait désigner aussi la ville de Kir Moab. « Comment, dit F. de Saulcy, appliquer ce nom à la ville ue Dibân ?… Ce qui semblerait nous ramener à Karak, ce sont les tunnels qui donnent accès dans la ville et qui peuvent fort bien être représentés par nmSD, les coupures du texte, s Dictionnaire topoç’.aphique abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 322 ; cf. Sayce, Fresh Light from the ancient monuments, Londres, 1886, p. 77-81. Cependant la stèle elle-même, élevée, dit son inscription, à Qorqa’et trouvée à Dibân, les détails archéologiques surtout conformes à la description de la stèle constatés à la colline sud-ouest de Dibân, paraissent prouver clairement que ce dernier endroit est la Qorka’, du récit de Mésa. Aussi le plus grand nombre des palestinologues ne voient autre chose dans cette Qorqa’que l’acropole de Dibon. Si la consonance des noms Qorqa’ou Qarfya’et Kerka’et aussi leur signification ne sont pas sans quelque analogie, ce sont les seuls rapports entre la Qorqa’de la stèle de Mésa et la Characa de la Bible ou Qir Moab. Voir Dibon, t. ii, col. 1410-1411. Clermont-Ganneau, La stèle de Dhibân, dans la Revue archéologique, juin 1870, p. 380 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, p., 431-433.

II. Identification.

Les interprètes sont généralement d’accord pour reconnaître dans Kir Moab, Kir Hérés et Kir Haréseth une seule et même ville. L’identité est évidente pour Kir Hérés d’Isaie, xvi, 7, et Kir, Haréseth du même chapitre, 11 ; les passages de Jérémie où Kir Hérés est nommée, sont l’imitation ou plutôt la reproduction de ce dernier verset d’Isaie. L’identité de Kir Hérés ou Haréseth du chap. xvi d’Isaie et Kir Moab du chap. xv n’est guère moins évidente ; dans l’un et l’autre passage le prophète fait allusion à la ville forte par excellence, dans laquelle les Moabites plaçaient spécialement leur confiance etqui était la cause de leur orgueil.

— Gesenius, Thésaurus, p. 1210, et quelques auteurs avec lui, à cause de l’identité des noms, croient pouvoir de-même identifier cette ville avec la Characa de H Mach., xii, 17 ; mais le plus grand nombre contestent la justesse de cette identification. Les raisons sur lesquelles s’appuie l’opinion de ces derniers sont : 1° la distance (750 stades = 139 kilom.) trop courte entre Casphin et Characa ; 2° l’éloignement de Kir Moab du pays de Tob où il faut chercher les Juifs Tubinéens que Juda voulait protéger, et 3° le contexte de I Mach., v, qui semble maintenir la lutte dans un même territoire, le pays de Basan, à l’est du lac de Génésareth. Les partisans de lopinion de Gesenius répondent : 1° le premier terme" de la distance, Casphin ou Caspis, n’est pas fixé avec certitude ni la nature du stade employé par l’écrivain sacré ; 2° en admettant qu’il s’agisse des Juifs du pays de Tob en Basan, ils peuvent avoir cherché un refuge au loin ; 3° l’éloignement momentané du héros juit du théâtre principal de ses exploits est un simple incident dont l’auteur de I Mach. a pu ne pas tenir compte. Quoi qu’il en soit, l’identité de cette Characa Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/977 Î899

KIR MOAB

1900

avec la Charaka du Targum ou Kir Moab est, comme nous l’avons dit, loin d’être certaine. Voir ChàraCA., t. ii, col. 577. Moins douteuse, pour ne pas dire indubitable, est l’identité de cette dernière avec la ville appelée par les Grecs, et plus tard par les Byzantins, Characmoba, XapaxpÂtôa ou XapaY[ « .<56a, [Xapa]ax|icûëa dans la carte mosaïque de Madaba (Ad. Schulten, Die Mosàikkarle von Madaba, in-4°, Berlin, 1900, n. 85, p. 24), et quelquefois, selon Etienne de Byzance, M<j)6wjcàpa ?. C’est, semble-t-il, le sentiment de Théodoret commentant Is., xv, l, t. lxxxi, col. 340. Après avoir nommé les Moabites, il ajoute : « Ils avaient autrefois pour métropole la ville appelée maintenant Charachmoba. » Outre l’identité essentielle du nom, nous retrouvons, en effet, dans Characmoba, les caractères topographiques implicitement attribués par la Bible à Kir Moab. Quant à Characmoba, cette ville est certainement identique au Crac des Croisés, le Kêrak des Arabes d’aujourd’hui (fig. 318-319). Characmoba, d’après Ptolémée, Géographie, v, 17, faisait partie de l’Arabie Pétrée. Sa longitude et sa latitude sont 66 1/6 et 30, c’est-à-dire qu’elle est à l’est de la mer Morte et entre Rabbath Moab et Pétra. Etienne de Byzance, De urbibus, Bâle, 1568, col. 91, et d’autres documents la classent dans la 3e Palestine dont l’Arabie Pétrée et la Moabitide faisaient partie. Ct. Reland, Pa-Ixstina, Utrecht, 1714, p. 215, 217, 463, 705. La carte mosaïque de Madaba nous la montre sur une montagne escarpée, aux trois quarts de la longueur de la mer Morte, à une certaine distance à l’est, entre deux fleuves dont les inscriptions ont disparu mais qui doivent représenter celui au nord qui est plus éloigné, la rivière d’Arnon, et celui au sud, la rivière de Zared. Le Crac des Croisés, souvent appelé par eux Petra deserti, à cause de ses conditions géographiques et parce qu’ils la confondirent avec la célèbre Pétra, est indiqué « sur une montagne très élevée, entourée de vallées profondes, au sommet de laquelle on ne pouvait atteindre que par deux entrées ». Guillaume de Tyr, Historien, rerum transmarin. , t. XXII, c. xxviii, t. cci, col. 885. Sur les cartes des XIe, xii « et xme siècles il est placé à l’est de la mer Morte et en face du Lisân. Voir la Carte de la Terre Sainte du xin’siècle, publiée par Bongars à la suite des Gesta Dei per Francos, Hanau, 1611, et les diverses cartes du xi’-xiiie siècle publiées par Rohricht, dans la Zeitschrift des deutschen Patàstina Vereins, t. xiv, 1891, pl. i, v et vi, etc. « El Kérak est une forteresse extraordinairement défendue à l’extrémité de la Syrie et de la province de Belqa’dans les montagnes, sur un rocher élevé et toute entourée de vallées, à l’exception d’un point sous la ville. Elle est entre Jérusalem et Aila, sur la mer Rouge (le golfe d’Aqaba), » dit l’écrivain arabe Yaqout, Dictionnaire géographique, édit. Wustenfeld, Leipzig, 1866, t. iv, p. 262. Ct. El-Maràsid, édit. Yunboll, Leyde, 1859, t. ii, p. 490. « El-Kérak est une célèbre place avec un château élevé ; c’est une des plus puissantes forteresses de toute la Syrie. Il est à une journée do marche de Mûtâh, sur la frontière de la Syrie et du Hedjaz. Il y a trois journées de marche entre El-Kérak et Saubak, » ajoute Abu’1-Féda, Géographie, édit. Reinaud et de Slane, Paris, 1840, p. 247. « C’est une forteresse imprenable, sur un sommet élevé, entouré de fossés et de vallées profondés, » dit de son côté Dimisqy, Géographie, édit. Mehren, Saint-Pétersbourg, 1866, p. 213. On entrait dans la ville par deux tunnels creusés dans le roc vif, d’après le récit de voyage d’Ibn Batoutah, édit. de la Société asiatique, Paris, 1853, p. 255. « C’est dans cette forteresse, ajoute cet écrivain, que les rois cherchent un refuge dans la détresse. » Toutes ces descriptions et indications s’appliquent exactement à Kérak actuel et ne laissent aucun doute sur son identité avec le Kérak des géographes arabes, le Crac ou la Pierre du Désert des Croisés, la Characmoba des Grecs et des Romains, la Karaka des Juifs et

le Kir Moab de la Bible : tous les géographes et palestinologues modernes s’accordent à le reconnaître. Voir entre autres Jos. Schwarz, Tebuoth ha-Arez, edit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 254-255 ; De Saulcy, Dictionnaire abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 203-204 ; Riess, Biblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 56 ; Id., £ibel-Atlas, 1882, p. 17 ; Armstrong, Names and Places in the Old Testament, in-8°, Londres, 1887, p. 108.

III. Description.

Le Kérak, situé à l’est de la mer Morte et un peu au-dessous de l’extrémité méridionale du promontoire appelé le Lisân, est à 4 kilomètres de cette mer, en ligne directe, à 30 kilomètres au sud de Vouâdi Môdjéb, l’ancien Arnon, à 10 kilomètres également au sud de Rabba, jadis Rabbafh-Moab, à 12 kilomètres au nord du village d’el-Muléh et à 22 kilomètres de Vouâd’el-Hasêh, considérée comme l’ancienne vallée de Zared. À la différence des villes qui, étant tombées sous la main des Turcs, sont aujourd’hui plus ou moins en ruines et détruites, le Kérak est assez bien conservé (fig. 320). Assis sur son piton conique formé de roche calcaire striée de silex brun, complètement isolé, à environ 1000 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la Méditerranée, de 1400 au-dessus de la mer Morte et de plus de 200 au-dessus de la profondeur des vallées dont la nature l’a entouré comme d’un immense tossé, il ressemble à un gigantesque nid d’aigle établi là pour défier les efforts des conquérants et des armées. La montagne était jadis reliée, du côté du sud, par un col étroit, à celles qui l’entourent ; une profonde tranchée, pratiquée pour achever l’œuvre de la nature, l’en a depuis longtemps séparé. Le plateau incliné vers l’est sur lequel est bâtie la ville affecte la forme d’un triangle dont la base regarde l’occident et dont la longueur des côtés est d’environ 700 mètres. Dans l’angle sud-ouest, sur une éminence séparée elle-même du reste de la ville par un-large fossé, se dresse le château dominant toute la cité. La muraille, ruinée sur plusieurs points, était crénelée et percée de meurtrières. Elle est flanquée de cinq grosses tours, dont quatre carrées et une semi-circulaire. L’ensemble de ces constructions paraît l’œuvre des Croisés. En quelques parties établies sur des assises plus anciennes, elles ont été remaniées ou restaurées par les Arabes et les Turcs. Ces restaurations ont permis au sultan mameluk Bibars de s’en attribuer la fondation dans des inscriptions placées en divers endroits. L’inscription de la tour du nord-ouest est accostée de deux lions rampants. On parvient à la ville par un chemin rocheux, souvent taillé en escalier et à peine’large d’un mètre, se développant en lacets sur le flanc septentrional de la montagne. Jusqu’à ces dernières années, on pénétrait dans la ville par deux tunnels taillés dans le roc vif à la base des remparts. Le tunnel du nord-ouest, long de 60 mètres environ et large de 5 à 6 mètres, est éclairé par une ouverture pratiquée dans la voûte taillée en plein cintre. Il a été transformé en magasin pour l’usage des établissements du gouvernement. Le tunnel de l’est a été en partie détruit et en partie rempli de décombres, On entre maintenant dans la ville par une large brèche ouverte du côté du nord. Bien qu’en partie démantelé et malgré les transformations grossières opérées pour en taire une caserne pour la garnison turque, cet immense château, avec ses fossés creusés dans le roc, ses hauts glacis, ses grands escaliers, ses longs corridors, ses salles voûtées immenses, son église où l’on voit des restes de fresques, ses casemates, ses magasins, ses grands réservoirs, ses citernes multiples, demeure encore magnifique dans son ensemble et l’une des constructions militaires des plus vastes et des plus curieuses. Les habitations de la ville sont généralement bâties en pisé, avec une terrasse plate, qui repose sur un ou deux arceaux. Les seules constructions faites Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/979

de pierres taillées sont celles de la mission protestante, des paroisses latine et grecque et la résidence du gouverneur. Les rues sont étroites et tortueuses et souvent remplies de décombres. Dans l’église grecque, dédiée a saint Georges, on remarque quelques peintures au caractère byzantin. Dans l’école, on montre deux autres salles bien conservées d’un bain romain, en partie pavées de beau marbre. La mosquée de la ville est établie dans les débris d’une vieille église chrétienne, dont la porte d’entrée est en ogive.

Des deux vallées qui contournent le Kérak, celle de l’ouest s’appelle du nom de la ville oitdd’el-Kérak. Elle

toute son étendue, la mer Morte, la vallée du Jourdain, jusqu’à Jéricho et les montagnes de la Judée jusqu’au mont des Oliviers. C’est dans le col séparant au sud de la ville les deux vallées, qu’a été pratiquée la profonde tranchée qui unissait aux montagnes du sud le piton servant d’assiette à la ville. Au xme et encore au xiv siècle, ces vallées étaient embellies par de nombreux vergers plantés d’arbres dont les abricots, les grenades, les pommes, les poires et les autres fruits de ïvérak étaient rénommés au loin par leur saveur. Voir Abou’1-Féda et les autres, loc. cit. Les quelques jardins mal cultivés que l’on y voit aujourd’hui ne pro — Kir Moab. Vue du Grand Birket en-Naser et du fossé taillé dans le roe. D’après de Luynes, Voyage à la mer Morte, pl. 7.

prend naissance vers le sud-est, passe sous la ville et le château au côté sud, fléchit au nord, longe tout le côté occidental, jusqu’à l’angle nord-ouest où elle est rejointe par Vouadi Dpt’ad. Un ruisseau dont le courant est augmenté par le tribut des eaux que lui apportent plusieurs sources, et dans lequel se jouent de nombreux petits poissons, court au fond de la vallée, mettant en mouvement quelques moulins dont l’un est assez ancien, les autres d’installation récente. L’ouadi Diu’ad a son origine plus à l’est. Il tourne le pied de la colline à l’est et au nord et vient au nord-ouest s’unir à l’ouadi-Kérak. Le ruisseau qui court au fond de la vallée prend naissance à une demie-lieue de la ville à « la fontaine des Francs », ’Aïn el-Frandj, dont le nom rappelle la domination passagère, mais glorieuse des chrétiens d’Occident. Le cours d’eau, tormé par les deux rivières réunies, parcourt sa marche vers le nord-ouest jusqu’à la mer Morte, par l’ouad’el-Kérak. Par la large trouée de la valléede Kérak ; le regard embrasse, dans presque

duisent plus guère que les légumes dont les orientauxii’ont jamais pu se passer : les concombres, les pdireaux et les oignons. La campagne de Kérak se développe sur la montagne dont il est entouré en plateaux ondulés, où croit un blé abondant et estimé.

IV. Histoire.

Kir Moab ou Haréseth apparaît dans l’histoire biblique, sous le régne de Josaphat, roi de Juda, et vers le commencement du règne de Joram, roi d’Israël (vers 898 avant J.-C). Après la mort d’Achab, le roi de Moab, Mésa, avait rompu le traité conclu avec a roi d’Israël, en cessant de lui envoyer le tribut convenu. Joram s’allia au roi Josaphat, et le roi d’Édom se réunit à eux. Les trois alliés prirent la route du sud par l’Idumée, pour marcher contre Moab, Mésa s’avança avec une armée pour repousser l’invasion. Battu, il vint se réfugier dans une de ses villes fortes. Toutes les lorteresses de Moab, toutes les villes importantes, et le’reste du pays étaient tombés aux mains de l’ennemi, , qui détruisit les villes, ruina les campagnes les plus

fertiles en les couvrant de pierres, obstrua les sources, coupa les arbres fruitiers, « et il ne restait, ajoute l’Écriture, que les pierres de Qîr Haréseth » (texte hébreu). C’était dans cette citadelle que le roi Mésa était venu chercher son dernier refuge. Les armées coalisées l’environnèrent (occupant les sommets des montagnes qui entourent la ville et sont à la hauteur de ses murs), et les frondeurs se mirent à battre la muraille. Elle était sans doute, comme l’indique son nom, « en briques, » peut-être séchées au soleil. Le roi de Moab, voyant que les ennemis allaient l’emporter, prit avec lui sept cents hommes et, l’épée à la main, ils se précipitèrent sur le roi d’Édom, espérant se frayer un passage à travers les bataillons iduméens et s’échapper. Ils échouèrent. Alors saisissant son fils premier-né, qui devait régner après lui, Mésa l’immola en holocauste sur le mur de la ville. Cet acte de barbarie révolta les Israélites qui levèrent aussitôt le siège et s’en retournèrent dans leur pays. II (IV) Reg., m. — C’est à ce roi Mésa qu’il faudrait attribuer l’origine de la plupart des anciens réservoirs, des citernes de la ville et des deux tunnels y donnant accès, si le Qorqa’de la stèle désignait réellement le Kérak actuel. Quoi qu’il en soit, les brèches ouvertes par la fronde des Israélites et de leurs alliés ne tardèrent pas à être fermées et cette ville, bien qu’elle ne fût pas leur capitale, continua à être l’objet de l’orgueil et de la confiance des Moabites. Aussi, lorsque les prophètes élèveront la voix contre Moab, le principal objectif de leurs menaces sera la ville Qir Moab. « Châtiment de Moab, dit Isaïe, xv, 1 : pendant la nuit, Ar Moab a été ravagée, elle a cessé : pendant la nuit Qir Moab a été ravagée, elle a cessé. » « Nous avons appris, dit ailleurs (xvi, 6, 7, 11) le même prophète, l’orgueil de Moab ; oui, il est plein d’orgueil, son arrogance, sa présomption n’ont point de mesure. Voilà pourquoi Moab poussera Moab à jeter des cris de douleurs ; tous crient de douleur sur Qir Haréseth. Gémissez, vous qui avez été frappés… Pour cela mes entrailles frémissent sur Moab comme une harpe et tout mon intérieur à cause de Qir Haréseth. » Ces mêmes menaces le prophète Jérémie les reprend en les imitant, xlviii, 31, 36 : « Je gémirai sur les habitants de Qir Hérés. C’est pourquoi mon cœur gémira sur Moab comme une flûte. Tous leurs efforts réunis périront. » L’histoire ne dit pas explicitement quand Qir Moab subit les malheurs annoncés par ces prophètes ; mais elle ne dut pas échapper aux coups des soldats de l’Assyrie, quand, après avoir envahi la Syrie et la Damascène, ils reçurent l’ordre « de faire périr par l’èpée tous les habitants de Moab et d’Ammon ». Judith (grec), i, 12. Ce fut probablement dans le cours de la 3e campagne du roi Assurbanipal (vers 646), contre les pays de l’Arabie, de Moab, d’Ammon et de Nabathée, dont font mention les Annales de ce prince. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, 119-122. — En dehors du récit de II (IV) Reg. et des prophéties d’Isaie et de Jérémie, Kir Moab n’est plus mentionnée dans la Bible, à moins que la Characa où vint Judas Machabée pour assister les Juifs Tubinéens, ne soit la Characa de Moab. — Elle tient toutefois une place importante dans les récits de l’histoire prolane. — À l’époque de la domination des Grecs, Characa était une ville considérable de l’Arabie Pétrée. Ptolémée, Géographie, v, 17. Au temps du triomphe du christianisme, Characmoba était devenu le siège d’un^évêché dépendant de Pétra et son évêque Démétrius prit part au concile de Jérusalem de 536. Labbe, Conciles, t. v, p. 284 ; Lequien, Oriens christianus, t. III, p. 720-734. Cf. Reland, PaUestina, Utrecht, 1774, p. 212, 215, 217, 223. L’histoire nomme encore comme évêque « de l’illustre et glorieuse Charachmoba », Jean, disciple de saint Etienne le Sabaïte, célèbre par sa sainteté et ses miracles. Acta Sanctornm, Vita X.Stephani Seboïtse, thaum., 12 juil., cdit. Palmé, julii t iii, p. 518-522. La carte mosaïque

de Madaba, qui nous offre une image de la ville de cette période (fig. 321), la représente grande, avec des églises et d’autres monuments, des colonnades et des portiques.

321. — Fragment de la mosaïque de Madaba, figurant une vue de Kir Moab.

A l’arrivée des Croisés, le Kérak était presque ruiné et abandonné de ses habitants. La citadelle fut rebâtie, en 1136, dans toute sa splendeur, par Payen, échanson du roi Foulque. Une multitude d’habitants nouveaux vinrent se mettre à l’abri du puissant château et repeuplèrent l’ancienne ville. Le Kérak devint la capitale de la Transjordane et l’un des principaux boulevards de la Terre-Sainte contre les musulmans. Il fut érigé en archevêché latin à la place de Rabbath (Amman) l’ancienne capitale des Ammonites, sous le nom d’archevêché de la Pierre du Désert. Voir Assises de Jérusalem, édit. Beugnot, Paris, 1841, t. i, p. 415. Après la mort sanglante de son dernier prince, Renaud de Châtillon, à Hattin, le 4 juillet 1187, la ville, gouvernée par la veuve de Renaud, résista deux ans encore aux efforts de Saladin et ne se rendit que contrainte par la famine. Guillaume de Tyr, Histona rerum transmarin., t. XV, c. xxi, t. CCI, col. 633 ; t. XX, c. xxviii, col. 808 ; t. XXII, c. v, col. 851 ; c. xxviii, col. 885-886 ; t. XXIII, c. xx, col. 922. Le Kérak entre les mains des musulmans continua à prospérer jusqu’au temps des Turcs (1417). Il tomba alors dans l’oubli. En 1832, sa population se révolta contre la domination d’Ibrahim pacha qui ne put alors s’en rendre maître. Il revint assiéger la ville en 1840, parvint à la prendre, la saccagea et détruisit une partie de ses remparts. Depuis cette époque, le Kérak, ainsi que toute la région, s’était soustrait au joug des Turcs, mais pour tomber sous le régime de l’anarchie la plus complète. Pendant cette période le Kérak fut visité par plusieurs explorateurs européens, mais non sans des difficultés de tout genre et sans de graves dangers. Enfin un corps d’armée turque l’ayant cerné et ayant feint d’en commencer le bombardement, la population céda, mit bas les armes et les Turcs en prirent possession le 24 novembre 1893. Le Kérak fut érigé en mutzarifiéh (préfecture), dépendant du uâlayieh (province) de Damas. Le sandjak du Kérak embrasse dans son rayon tonte la région transjordanienne et le pays à l’est de la mer Morte, depuis la rivière deZerqâ, l’ancien Jaboc, jusqu’au golfe d’Aqâbah, c’est-à-dire tout le territoire des anciennes tribus de Gad et de Ruben.tout le pays de Moab et l’Idumée orientale.

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Un grand nombre de musulmans sont venus s’installer dans la ville. Avec eux, avec les gens de l’administration et la garnison, la population d’environ 5 000 habitants est montée à 6 000. La plupart sont musulmans. Le nombre des chrétiens diminué en 1880, par l’émigration à laquelle la petite ville de Madaba doit sa renaissance, est aujourd’hui d’environ 1 500, dont 1 200 non catholiques suivant le rite grec et 300 catholiques suivant le rite latin. La mission latine, fondée en 1876, s’est développée surtout depuis 1893. — Pour la description et l’histoire du Kérak, voir Burehkhardt, Travels in Syria and the Boly Land, Londres, 1882, p. 379-399 ; P. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, in-8o, Paris, 1853, t. ii, p. 353-383 ; Lartet, Voyagé d’exploration à la merMorte, par le duc de Luynes, in-8° (sans date), t. i, p. 99-107 ; Mauss et Sauvaire, Voyage de Jérusalem à Karak et à Chaubak, dans l’ouvrage précédent, t. ii, p. 81-140 ; Rey, Les Colonies franques de Syrie, in-8o, 1883, p. 19-24, 345-342 ; Id., Étude sur l’architecture militaire des Croisés, 1871, p. 132-135, 273-277.

L. Heidet.

    1. KISTEMAKER Johann Hyacinth##


KISTEMAKER Johann Hyacinth, exégète catholique, né à Nordhorn (province du Hanovre) le 15 août 1754, mort à Munster en Westphalie le 2 mars 1834. Après les études préparatoires au gymnase des pères franciscains à Rheine, il se livra à l’étude de la philosophie et de la théologie à Munster : où il fut ordonné prêtre le 22 décembre 1777. Après avoir été, depuis 1779, professeur au gymnase de Munster, il obtint la chaire de philologie à l’université de cette ville. Il l’échangea contre la chaire d’exégèse en 1795 ; quatre années plus tard, il fut nommé chanoine (1799). En 1819 il se démit de la charge de directeur de gymnase, place qu’il avait occupée depuis 1794. Le 27 septembre 1823 il fut réélu chanoine du chapitre nouvellement réorganisé de la cathédrale de Munster. — Il aimait de préférence la philologie classique, pour laquelle il avait tant d’aptitudes qu’on le nomma Erasmus secundus. Il s’appliqua à relever l’étude des langues allemande et grecque. [Outre les principales langues européennes, il savait les langues orientales. Il ne négligeait pas pour cela l’étude de la théologie, de l’exégèse et de la patristique. Il se servit de ses connaissances pour réfuter les rationalistes. — Kistemaker a laissé quantité d’écrits de philologie. — Voici ses ouvrages exégétiques : Commentatio de nova exegesi præcipue Veteris Testamentiex collatis scriptoribus grsecis et lahnis scripta, Munster, 1806 ; Exegetische Abhandlungen uber Matth., 16, 18 und 19, -imd 19, 3-12 oder ûber den Primat Pétri und dus Eheband, Munster, 1806. Le vicaire Schrant en publia une traduction hollandaise à Amsterdam. — Exegesis critica in Psalmos lxvii et cix et excursus in Daniel., iii, de fornace igms, Munster ; 1809 ; Weissagung Jesu vom Gerichte uber Judæa und die Welt nebst Erklârung der Rede Marc, 9, 42-49 und Prûfung der Van Ess’schen Ubersetzung des Neuen Testamentes, Munster, 1816 ; Canticum Canticoruni illustratum ex hierographia orientalium, Munster, 1818 ; Biblia Sacra Vulgatx editionis iuxta exemplar vaticanum, 3 in-8o, Munster, 1823. Elle était dédiée à Léon XII, dont un bref, imprimé en tête du 1er volume appelle Kistemaker : Virum probitate ac litterarum sacrarum perilia laudatissimum ; Die heiligl. Evangelien ûbersetzt und erklàrt, 4 in-8o, Munster, 1818-1820 ; Geschichte der Apostel, ûbersetzt mit Anmerkungen, Munster, 1821 ; Sendschoreiben der Apostel ûbersetzt und erkldrt, nebst der Apokalypse, 2 in-8o, 1822. Le tout ensemble- : Die heiligen Schriften des Neuen Testamentes ûbersetzt und erklàrt, Munster, 1818-1823, 7 in-8° ; 2e édit., 18251826 ; 3e édit., 1845. — Das Neue Testament ûbersetzt ohne Anmerkungen, Munster, 1825 ; 4e édit., 1844. Une édition en miniature parut en 1853, et une en gros caractères en 1849. Il a encore rédigé pour le 4 « vol.

de Stollberg, Geschichte der Religion Jesu Christi, 15 in-8o, Hambourg-Vienne, 1807-1818, les remarques sur Esther et il a écrit pour le 5e vol. : Veber die zweifache Stammtafél Jesu Christi bei den Evangelisten Matthâus und Lucas. La Bonner Zeitschrift publia en 1836 comme traité posthume : Orbem terrx per et post diluvium universale magnam in détenus immutationem passum esse ostenditur. — Voir Neuhaus, Leben und Wirken des verstorbenen I. Hyac. Kistemaker, Munster, 1834. — Frd. Rassmann, Mùnsterlândisches Schriftsteïler-Lexicon, Lingen, 1814 ; I. Nachtrag, Munster, 1815 ; II. Nachtrag, Munster, 1818. Le même ouvrage refondu et continué par Ernest Rassmann, Munster, 1866-81, t. 1, p. 177 ; Zeitschrift fur Philosophie und katholische Théologie, Cologne, 1832, Heft9, p. 211 ; 20, p. 90 ; 61, p. 1 ; Neuer Nekrolog der Deutschen, 1834, t. i, p. 211 ; Felder, Gelehrten-und Schriftsteller-Lexicon der katholischen GeistKchkeit Deutschlands, t. iii, Landshut, 1822, p. 262 ; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. vii, 1891, p. 35-39. E. Michels.

    1. KITTO John##


KITTO John, théologien protestant anglais, né à Plymouth le 4 décembre 1804, mort à Cannstadt le 25 novembre 1854. Fils d’un simple maçon, d’une santé frêle et délicate, il n’avait de goût, étant enfant, que pour les livres. À l’âge de 8 à Il ans, il fréquenta (1812-1814) les écoles primaires de sa ville natale et il ne reçut jamais d’autres enseignements. Après cette époque, il dut travailler avec son père. Le 13 février 1817, en servant les maçons, il tomba d’une hauteur de 7 mètres et cet accident le rendit complètement sourd toute sa vie. Après avoir vécu plusieurs années dans la misère, en étudiant seul, quand il le pouvait, avec des livres qu’il se procurait au moyen des plus dures privations, il entra, en juillet 1825, au Missionary Collège, à Islington, où il fut employé à l’atelier de typographie. La Church Missionary Society l’envoya, en 1827, à Malte comme compositeur. Son goût pour la littérature l’empêcha de donner toute son attention à ses occupations et le comité le renvoya en Angleterre en janvier 1829. Quelques mois après, il s’associa à une mission particulière, organisée par M. Groves, et il partit pour la Perse. La petite troupe arriva à Bagdad au mois de décembre et Kitto ouvrit une école arménienne. Mais la peste, une inondation et le siège de Bagdad, ’par Ali pacha, déterminèrent M. Groves à reprendre le chemin d’Angleterre. Kitto, qui l’y suivit, donna dans ses Journals un récit intéressant de ses voyages. Il entra alors en relation avec la société pour la vulgarisation de connaissances utiles {Society for the diffusion of useful knowledge) et il publia, dans le Penny Magazine, le Deaf traveller (le voyageur sourd) et quelques autres traités. Il collabora à la Cyclopscdia de Ch. Knight. À l’instigation de ce dernier, Kitto commença, en 1834, une série de narrations qui devaient commenter la vie des aveugles, des muets et des sourds ; il les réunit à la fin et les publia sous le titre : The lost sensés, Londres, 1845. Il fit de même, en 1835, pour le Biblical commentary, qu’il fit d’abord paraître sous la forme de plusieurs fascicules anonymes, et qui, ayant été complétés au mois de mai 1838, furent très favorablement accueillis par le public sous le titre : The Pictorial Bible, in-8° et in-4o, Londres, 1835-1838 ; 2e édit., Londres, 1847-1849. Les notes furent ensuite éditées séparément et elles formèrent : The illustrated commentary, 5 in-8o, Londres, 1840. Il n’avait pas encore achevé ce livre lorsqu’il en commença un autre auquel il consacra trois ans de travail : Pictorial kislory of Palestine and the JJoly Land, including a complète history of the Jews, Londres (1839), 1840. Il commença alors un autre ouvrage qui devait renseigner le lecteur sur les différents établissements de missions dans les pays infidèles ; c’était : The Christian Traveller,

Londres, 1841. Il ne put en publier que les trois premières parties, son éditeur ayant fait de mauvaises affaires. Kitto fut obligé de vendre sa maison d’Islington et d’aller à Woking (Surrey). Il rédigea une History of Palestine, qui fut publiée à. Edimbourg en 1843. L’université de Giessen lui décerna alors le titre de docteur en théologie en 1844, et l’année suivante il fut nommé membre de la Society of antiquaries. Pendant ce temps il travaillait à sa Cyclopsedia of Biblical Literature, qui parut en 2 in-8° à Edimbourg, 1843-1845 ; 2e édit., 1847 ; 3e édit., par W. L. Alexander, 3 in-8o, 1862 ; édition abrégée, in-8o, 1849, 1850, 1855. Cet ouvrage renferme d’excellents articles composés par divers savants et eut un succès bien mérité. En 1848, il entreprit la publication du Journal of sacred literature, Londres, 18481853. En 1853, il dut le remettre au D 1 ' H. Burgess, parce qu’il ne pouvait pas même couvrir les frais de l’impression. Kitto quitta Woking pour louer une maison moins chère à Camden Town. C’est là qu’il écrivit ses Daily Bible illustrations, 7 in-8o, Edimbourg, 1849-1854. Une pension de 100 livres sterling (2500 fr.) lui fut accordée en 1850 à cause de ses « œuvres littéraires utiles et méritoires ». Sa santé, qui n’avait jamais été robuste, s’affaiblissait visiblement depuis 1851, de sorte qu’il partit pour l’Allemagne au mois d’août 1854, pour essayer les effets de ses eaux minérales, mais il mourut le 25 novembre 1854 à Cann&tadt (Wurtemberg). — Outre les ouvrages déjà cités et qui sont intimement liés avec les événements de sa vie, J. Kitto composa encore : Essays and letters, with a short memoir of the author, Plymouth, 1825 ; Uncle Oliver’s Travels to Persia, % in-8o, Londres, 1838 ; Thoughts aniong flowers, Londres, 1843 ; Gallery of Scripture engravings, historical and lands. cape, with descriptions, historial, geographical and critical, 3 in-8o, Londres, 1841-1843 ; The pictorial Sunday book, Londres, 1845. (Une partie de ce livre fut publiée sous le titre : The pictorial history of our Saviour.) Ancient and modern Jérusalem, Londres, 1846 ; The Court and People ofPersia ; The Tartar triées, Londres, 1846-1849 ; The Tabernacle und its furniture, Londres, 1849 ; Scripture lands, in-8o, Londres, 1850 ; The land of Promise, Londres, 1850 ; Eastem habitations, in-8, Londres, 1852 ; Sunday reading for Christian families, in-8o, Londres, 1853. Ces diverses publications ont eu une grande influence sur le progrès des études scripturaires dans les pays de langue anglaise. — Voir J. Kitto, Essays and letUrs, Plymouth, 1825 ; Id., The lost Sensés, Londres, 1845 ; J. E. Ryland, Memoirs of John Kitto, 2e édit., Edimbourg, 1856 ; J. Eadie, Life of John Kitto, Edimbourg, 1857 ; Id., dans la 3e édition de Kitto’s Cyclopsedia of biblical literature, t. ii, p. 754 ; S. A. Allibone, Crilical dictionary of English literature, 1872, t. i, p. 1039 ; Th. Hamilton, dans le Dictionary of National biography, t. xxxi, 1892, p. 233-35.

E. Michels. KLEE Heinrich, théologien et exégète catholique, né à Munstermaifeld, près de Coblentz, le 20 avril 1800, mort à Munich, le 28 juillet 1840. Il fit ses études au grand séminaire de Mayence, dont Bruno Franz Léopold Liebermann faisait alors l’ornement. Il fut ordonné prêtre le 23 mai 1823. L’année suivante il y fut nommé professeur d’exégèse et d’histoire ecclésiastique. L’université de Wurzburg lui décerna le titre de docteur en théologie pour la dissertation : Tentamen theologicocriticum de chiliasmo primorum sseculorum, Herbipoli, 1825. Après avoir enseigné quatre années (1825-1829) la philosophie à Mayence, l’université de Fribourg-enBrisgau lui offrit la chaire d’exégèse que J. L. Hug venait de résigner, et le gouvernement prussien lui offrit simultanément une chaire de théologie à l’université de Breslau où à celle de Bonn. Klee choisit Bonn. Il y -enseigna tour à tour le dogme, la théologie morale, l’histoire des dogmes et l’exégèse du Nouveau Testa ment. Klee était très versé dans les sciences bibliques et dans la patrologie ; il ne faisait aucune concession ni à l’hermésianisme, ni au rationalisme. En 1839, il alla à Munich pour remplacer Mbhler, et y occupa la chaire de théologie dogmatique et d’exégèse. Il y mourut l’année suivante et y tut enterré à côté de Mohler. — Il a écrit : Die Beichte, eine historisch-kritische Vntercuchung, in-8o, Frankfort, 1828 ; Kommentar ûber das Evangelium des Johannes, in-8o, Mayence, 1829 ; Kommentar ûber den Rômerbrief, in-8o, Mayence, 1830 ; Kurzes System der kalhol. Dogmatik, in-8o, Bonn, 1831 ; Encyclopadie der Théologie, Mayence, 1832 ; Auslegung des Bnefes an die Bebrâer, in-8o, Mayence, 1833 ; Die Ehe, eine dogmatisch-archàologische Abhandlung, Mayence, 1833, 2e édit., 1835 ; Die katholische Dogmatik, 3 in-8o, 1834-1835 ; 4e édit. en 1 vol. édité par J. B. Heinrich, 1861 ; c’est son œuvre principale ; Lehrbuch derDogmengeschichte, 2 in-8o, Mayence, 1837-1838 ; Grundriss der kathol. Moral, Mayence, 1843, édité par Himeoben ; 2 « éd., Mayence, 1847. — Voir sa biographie par Sausen, en tête des 3e et 4e édit. de la Dogmatik de Klee ; J. B. Heinrich, dans Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. vii, 1891, p. 743-746 ; H. Hurter, Nomenclator literarius récent. Theologise, 2e édit., Inspruck, t. iii, 1895, col. 773-775. Sur ses œuvres exégét. cf. Tubing. Quartalschrift, 1829, p. 24-40 ; 1830, p. 698-714 ; 1834, 641-661, et Herz, dans la Katholische Litteraturzeitung, 1830, iv, 176-182 ; 1834, iv, 911-958. E. Michels.

    1. KLIEFOTH Theodor Friedrich Detlev##


KLIEFOTH Theodor Friedrich Detlev, théologien et exégète protestant, né le 18 janvier 1810 à Kurchow (Mecklembourg), mort à Schwerin le 26 janvier 1895. Il fit ses études aux universités de Berlin et de Rostock. Il fut nommé en 1833 précepteur du duc Guillaume et du duc Frédéric-François de Mecklembourg enl834. Pasteur à Ludwigslust depuis 1840, il fut transféré à Schwerin en qualité de premier prédicateur et de « Surintendant ». Il fut membre de la commission, nommée par le gouvernement en 1848 pour le règlement des affaires ecclésiastiques, et depuis 1850, de VOberkirchenralh dont il fut le président de 1887 à 1894. Kliefoth était un luthérien strict et sévère dans ses écrits et dans sa conduite. On a de lui les ouvrages exégétiques suivants : Einleitung in die Dogmengeschichte, Parchims, 1839 ; Der Schriftbeweis des J. Chr. K. von Hoffmann, in-8o, Schwerin, 1859 ; Lesestûcke ans dem Alten und Neucn Testament auf aile Tage des Jahres, in-8o, Schwerin, 1860 ; Der Prophet Sacharja ûbersetzt und ausgelegt, Schwerin, 1861 ; Das Buch Ezechiels ûbersetzt und erklart., 2 in-8o, Rostock, 1864-1865 ; Das Buch Daniel, Schwerin, 1868 ; Die Offenbarung des Johannes, 3 in-8o, Leipzig, 1874 ; Christliehe Eschatologie, Leipzig, 1886 ; Voir H. Holtzmann et R. Zopffel ; Lexicon fur Théologie undKirchenwesen, Brunswick, 1888-1891, 1™ édit., t. ii, p. 595 ; Herzog, Real-Encyclopadie, t. x, 1901, p. 566-575.

E. Michels. KNAPP Georg Christian, théologien et exégète protestant, le dernier représentant du piétisme de Halle, né le 17 septembre 1753, à Glaucha, près de Halle, mort à Halle le 14 octobre 1825. Il fit ses études à l’université de Halle et à celle de Gœttingue, et fut nommé prolesseur extraordinaire à Halle en 1777, ordinaire en 1782. Il s’occupa surtout de la théologie et de l’exégèse du Nouveau Testament. Semler et Gruner, dont il avait suivi les cours à Gœttingue n’exercèrent aucune influence durable sur son esprit, qui avait une tendance prononcée vers le « supranaturalisme ». Comme piétiste il entretenait aussi des relations avec la communauté des Frères Hernhutes (Herrnhuter Brûdergemeinde). Il ne pouvait se défaire d’une timidité exagérée, ce qui explique le peu d’influence qu’il exerça sur les étudiants. — On a de lui : Die Psalmen ûbersetzt und mit Anmerkungen, Halle, 1778, 3e édit., 1789. La plus importante de ses puPage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/984 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/986