Dictionnaire de théologie catholique/GNOSTICISME I. Sources

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 6.2 : GÉORGIE - HIZLERp. 99-101).

GNOSTICISME. —

I. Sources. IL Histoire. III. Doctrine.

I. Sources.

Le meilleur moyen de se faire une idée exacte du gnosticisme serait évidemment de consulter les ouvrages où les gnostiques ont exposé leurs doctrines ; car ils ont beaucoup écrit. Mais, dans l’état actuel de la science, ce moyen n’est pas à notre disposition ; car de toute leur production littéraire il ne reste que très peu de chose. Nous sommes d’abord loin de connaître tout ce qui est sorti de leur plume sous forme de lettres, de chants, de psaumes, d’homélies, de traités, de commentaires. La plupart de leurs travaux ne nous sont connus que par leurs titres. Et c’est à peine si nous possédons quelques fragments, grâce aux écrivains ecclésiastiques qui les ont cités pour les réfuter, et quelques rares ouvrages qui ont échappé aux injures du temps. Signalons du moins ces titres, ces fragments et ces ouvrages. Car, outre qu’ils sont un témoignage d’une grande activité littéraire, ils offrent un spécimen du genre adopté et de quelques sujets traités.

Ouvrages gnostiques dont le litre est connu.


Sans être complète, voici la liste de ces ouvrages, dont le titre et l’existence sont attestés par les Pères.

De Simon de Gitton, une’A-rJsxai ; [AsystÀT], Philosophoumena, Vꝟ. 1, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 249 ; des’AvTtppï]Tixâ, pseudo-Denys, De div. nom., i, 2, P. G., t. iii, col. 857.

De Basilide, un évangile, to xaxà Ba<jt/.£ : 8r, v eùayyl-Xiov, Origène, In Luc, homil. i, P. G., t. xiii, col. 1083 ; S. Ambroise, In Luc, i, 2, P. L., t. xv, col. 1533 ; S. Jérôme, In Matth., prolog., P. L., t. xxvi, col. 17 ; des’Eç7]yr]T’.xà il ; to EÙayysXiov, en 24 livres, d’après Agrippa Castor, Eusèbe, II. E., iv, 7, P. G., t. xx. col. 317 ; l’auteur de la Disputatio Archclai cum Mancle en cite deux passages du XIIIe livre, Disput., 55, P. G., t. ix, col. 1524 ; et Clément d’Alexandrie en cite un autre tiré du XXIIIe, Slrom., IV, 12, P. G., t. viii, col. 1289 ; des Hymnes, d’après un fragment d’Origène.

D’Isidore, un Qepi repo<r » uouç<j/’j^T]ç, Clément d’Alexandrie, Slrom., II, 20, P. G., ’t. viii, coi. 1057 ; des’KÇrjr, -Ti /.à tou ;  : po<prJTOu llap/iôp, dont Clément d’Alexandrie cite un passage tiré du I er livre, Slrom., VI, 6, P. G., t. ix, col. 276 ; des’Hôtxa ou 7 : apaiv&Tissâ, sortes d’homélies. Clément d’Alexandrie, Slrom., III, 1, P. G., t. viii, col. 1101.

D’Épiphane, un LTepi 3uaio<ruv7]ç. Clément d’Alexandrie, Slrom., III, 2, P. G., t. viii, col. 1105.

De Valentin, des Hymnes ou Psaumes, Tertullien, De came Christi, 17, P. L., t. ii, col. 781 ; des Épîlres, entre autres celle à Agathopode, Clément d’Alexandrie, Slrom., III, 7, P. G., t. viii, col. 1161 ; des Homélies, entre autres une Ilepî tpîXtov, Clément d’Alexandrie, Slrom., VI, 6, P. G., q. ix, col. 276 ; un De mali origine, dont les Dialogues contre les marcioniles contiennent un fragment, P. G., t. vii, col. 1273.

De Ptolémée, une’E^taToXr) 7 : po ; « JXaSpav, conservée par saint Épiphane, Hier., t. xxxiii, 3-7, P. G., t. vii, col. 1281-1292 ; un commentaire In Joa. S. Irénée, Cont. liœr., i, 8, 5, P. G., t. vii, col. 532.

D’Héracléon, des commentaires In Luc, Clément d’Alexandrie, Slrom., IV, 9, P. G., t. viii, col. 1281 ; et In Joa., dont Origène a discuté 42 passages, P. G., t. vii, col. 1293-1322. Voir A. E. Brooke, The fragments of Hcraclcon, dans Tcxls and studics, Cambridge, 1891, t. i.

D’Alexandre, des Syllogismi. Tertullien, De canif Christi, 17, P. L., t. ii, col. 781.

De Théotime, un traité, dont Tertullien, sans en donner le titre, qualifie le caractère allégorique : mullum circa imagines legis operatus est. Adv. valent., 4, P. L., t. ii, col. 546.

D’Apelles, un commentaire des « havrjpiôcjsi ; de Philuniène, et des y>jAÀoyi<j[j.oi.Pseudo-Tertullien, De præscripl. , 51, P. L., t. ii, col. 71.

De Marcion, des Épîtrcs, Tertullien, Cont. Marc., i, 1 ; iv, 4, P. L., t. ii, col. 248, 366 ; un Psalmorum liber, d’après le fragment de Muratori, P. L., t. iii, col. 193 ; un Liber propositi finis, d’après la préface des canons arabes du concile de Nicée, Mansi, Concil., t. ii, col. 1057 ; et des’AvT’.Ofaa :, réfutées par Tertullien, Cont. Marc., i, 19 ; iv, 1, P. L., t. ii, col. 267, 363, 366.

De Cassien, des’EÇr^Ti/â, Clément d’Alexandrie, Slrom., 1, 21, P. G., t. viii, col. 820 ; un Ilspi iyxoaTEÎa ; ou -i<-À EÙvou^îaç. Strom., III, 13, P. G., t. viii, col. 1192.

Fragments gnostiques.

De toute cette production

gnostique il ne reste que quelques fragments épars dans les œuvres des Pères. Clément d’Alexandrie avait fait un recueil de 86 extraits valentiniens attribués à un Théodote, personnage d’ailleurs inconnu. Ce recueil porte le titre suivant : ’EI. tûv fckoSrjto’j xal ttjç àvaïoXw. 7Jç xaXou[i£vï)ç BiBaaxaXîa ; /.axa xobç OùaÀevrivou ypôvovç ïr.’.-o[xai. P. G., t. ix, col. 653-697. Ruben en a donné une édition critique : Clemenlis Alcxandrini excerpta ex Thcodoto, Leipzig, 1881.

Dans son édition des œuvres de saint Irénée, doin Massuet a inséré un recueil de fragments gnostiques appartenant à Basilide, à Épiphane, à Isidore, à Valentin et à Héracléon. P. G., t. vii, col. 1263-1322. Mais cette liste est loin d’être complète. Il y manque notamment sept passages des Syllogismes d’Apelles. conservés par saint Ambroise dans son De paradiso, et recueillis par Harnack, Sieben Bruchstùcke der Syllogismen des Appelles, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1890, t. vi, 3, p. 110-120, il y manque aussi ceux qu’on trouve d’autres auteurs gnostiques, soit dans les Philosophoumena, soit ailleurs. Beaucoup plus complet est le recueil fait par Harnack, Allchristliche Literatur, Die Ueberlieferung, t. i, p. 144-231.

Ouvrages gnostiques.

A part la lettre de Ptolémée

à la femme ebrétienne Flora, mentionnée plus haut, ou ne possède encore aucun ouvrage entier d’un gnostique connu. Mais depuis quelques années, les manuscrits d’Egypte nous ont donné, en des versions coptes, quelques livres gnostiques. Ceux qu’on a découverts jusqu’ici proviennent des sectes d’origine syrienne et non des écoles alexandrines de Basilide, de Valentin et de Carpocrate.

Un spécimen curieux de livre gnostique est la Pistis Sophia, trouvée en copte, et publiée par Schwartze et l’etermann, en 1851, à Berlin. C’est un véritable roman gnostique, divisé en quatre livres, dont les trois premiers ont été identifiés avec l’apocryphe connu sous le nom de’EptoTrJceiç Mapîaç et signalé par saint Épiphane comme une pièce ophite.

Dans le papyrus de Bruce se trouvent deux traités gnostiques traduits du grec, qui appartiennent au même milieu gnostique que la Pistis Sophia. Le premier a été identifié avec les Livres de Jeu que la Pistis Sophia attribue à Enoch ; le second est sans titre et

mutilé au commencement et à la fin. Cf. E. Amélineau, Notice sur le papyrus de Bruce, Paris, 1891, texte copte et traduction française ; C. Schmidt, Gnostiche Schrijlen in koplische Sprache aus dem Cod. Bruc, Leipzig, 1892 ; Koplisch-gnostische Schriflen, Leipzig, 1905, t. i, dans Die griechischen christlichen Schrillstcllcr der ersten drei Jahrhunderle.

M. C. Schmidt a découvert dans une autre papyrus du v c siècle, actuellement à Berlin, trois autres pièces gnostiques coptes : un Ejayyiviov y.axà Mapiâu, dont on trouve textuellement quelques passages dans saint Irénée, Cont. hser., i, 21, P. G., t. vii, col. 661-669 ; une y>jç : x’Ij]<jou XpidTOu, véritable apocalypse dans le genre de la Pistis Sophia, totalement inconnue jusqu’ici ; et une Ilpaït ; IIîtcoj.

4° Ouvrages des auteurs ecclésiastiques contre le gnosticisme. — Si on était réduit, pour traiter le gnosticisme, à n’utiliser que les renseignements de source purement gnostique, on voit combien la tâche serait malaisée. Heureusement une telle pénurie se trouve compensée par les éléments d’information qu’on rencontre dans les Pères ; non certes que tous les ouvrages patristiques contre la gnose nous soient parvenus, mais ceux qui restent sont des plus précieux.

Il n’est guère d’auteur ecclésiastique du n c siècle ou du commencement du m qui n’ait écrit contre les hérésies en général, contre telle ou telle hérésie, contre tel ou tel chef de la gnose ou sur quelque sujet particulièrement attaqué par les gnostiques. Nous savons, par exemple, que saint Justin avait composé un Euvtoty ; j.a /.arà -aaôiv Ttov ysyEvi, p.Évojv aipeaécov, comme il nous l’apprend dans sa première Apologie, 26, et un IIooç Mapxûova, d’après saint Irénée, Cont. hær., iv, G, 2, P. G., t. vii, col. 987. Agrippa Castor avait combattu et réfuté Basilide dans un ouvrage dont Eusèbe signale l’existence sans en dire le titre, H. E., iv, 7, P. G., t. xx, col. 317. Eusèbe signale de même un autre ouvrage de Rhodon contre l’hérésie de Marcion, H. E., iv, 13, P. G., t. xx, col. 460 ; mais il donne les titres de ceux de Philippe de Gortyne et de Modestus, Koct « MapxCcovo ;, H. E., iv, 25, col. 389 ; de saint Hippolyte, un Katà Mapxttovo ; et un IIpoç à-âaa ; Ta ; aipsasiç, H.E., vi, 22, col. 576 ; de saint Théophile d’Antioche, un Katà Mapxîwvo ; et un IIpoç tr, v aïpsaiv’Epjj.oysvoj5, H. E., iv, 24, col. 389 ; et de Bardesane, un Ka^à Map/icova BiâXoyo ;. H. E., iv, 30, col. 401.

Parmi les ouvrages antignostiques qui ne nous sont pas parvenus, il convient de signaler un Dialogue contre Candide le valentinien, d’Origène, mentionné par saint Jérôme, Apol. adv. lib. Rufini, ii, 19, P. L., t. xxiii, col. 442-443 ; un EUpî [Aovapyîaç, comme quoi Dieu n’est pas l’auteur du mal, et un Ihp ; ôySoàSo :, contre la gnose valentinienne, attribués à saint Irénée par Eusèbe, II. E., v, 20, P. G., t. xx, col. 484. Tertullien nous apprend lui-même qu’il avait composé un De censu animée contra Hermogenem, De anima, 3, P. L., t. ii, col. 016, 652 ; et un Adversus Appellicianos, De carne Christi, 8, P. L., t. ii, col. 769. Pareillement l’auteur des Philosophoumena fait allusion à deux écrits sortis de sa main, dont il ne donne pas les titres, Philosoph., I, 1, p. 2 ; et il signale un Katà (/.âycov et un Ilspi Tf, c to’j r.avxôi oJaîaç. Philosoph., VI, 40 ; X, 32, p. 305, 515.

Mais à défaut de tous ces traités, dont nous ne connaissons que le titre ou l’existence, nous possédons un poème en vers hexamètres, en cinq livres, qui ont pour titre : De Deo unico, De concordia velcris et novse legis, De concordia Palrum Velcris et Novi Testamenti, De Marcionis antilhesibus et De variis Marcionis hseresibus. Ce poème Adversus Marcionem, P. L., t. ir, col. 1053-1090, est loin d’avoir l’intérêt et l’importance des Dialogues contre les marcionites, insérés parmi les œuvres d’Origène, P. G., t. xi, col. 1713-1814, et connu sous le titre de De recta in Deum fide ; c’est un travail de science dialectique et théologique en même temps qu’une source de premier ordre pour l’histoire des Églises marcionites.

Saint Irénée.

Le premier en date et l’un des

principaux adversaires du gnosticisme est saint Irénée. De toute sa controverse, une seule œuvre a survécu dans une version latine ; on ne possède que quelques fragments de l’original grec. C’est la fausse gnose démasquée et réfutée, EXE-f/o ; xai àvateo-r, tf) ; ’is’j8’ovj ; j.o’j yvoSastoc, citée sous le titre de Contra hæreses. L’évêque de Lyon estimait que le seul fait de dévoiler les doctrines ésotériques constitue une victoire sur les gnostiques : adversus cos Victoria est sententix corum manifeslatio.Cont. hær., i, 31, 3, P. G., t. vii, col. 705. C’en était une, en effet, mais dont il ne s’est pas contenté, car il a pris soin de contrôler leurs systèmes, tels qu’il les connaissait, avec l’enseignement de l’Eglise et de les réfuter au nom de la raison, de l’Écriture et de la tradition, donnant ainsi, le premier, l’exemple de la méthode dialectique qui sera celle de la théologie. Quelles que soient les réserves à faire sur le défaut d’ordre de son traité, il reste l’une des principales sources de renseignements sur la plupart des chefs gnostiques, plus spécialement sur les valentiniens de l’école italique et sur les essais de liturgie gnostique de Marc.

G Tcrlullicn. — Après saint Irénée et à sa suite, car il l’a pris pour modèle dans son De prxscriplionibus et son Adversus valentinianos, Tertullien a fait valoir d’une manière très originale contre les gnostiques l’argument de prescription. Dans quelques traités spéciaux, comme Adversus Hermogencm, De anima, De carne Christi, De resurrcclionc carnis, il a discuté certains points de doctrine niés ou travestis par les gnostiques, tels que les dogmes de la création, l’anthropologie, l’incarnation et la résurrection de la chair ; dans le Scorpiacc, il a réfuté les idées erronées des basilidiens et des valentiniens sur le martyre, un sujet qui a été repris par Clément d’Alexandrie. Mais c’est surtout Marcion qu’il a pris à partie dans ses cinq livres Adversus Marcionem, où il suit pas à pas et discute les Antithèses de ce chef gnostique, montrant que la différence imaginée entre le Dieu bon et le Dieu créateur est arbitraire et inexistante, et que le Dieu créateur, tant dénigré par ce « Loup du Pont, » est le vrai Dieu, le Dieu unique. Tertullien complète saint Irénée et constitue à son tour une source abondante de renseignements.

Les Philosophoumena.

Ni l’évoque de Lyon,

ni le prêtre de Carthage n’ont négligé les rapports du gnosticisme avec la philosophie ; ils les ont signalés. Mais, à vrai dire, c’est l’auteur des Philosophoumena qui les a fait ressortir. « Nous voulons montrer, dit-il, Philosoph., I, prol., p. 5-6, d’où les hérétiques ont tiré leurs doctrines ; ce n’est pas sur le fondement des Écritures qu’ils ont bâti ces systèmes, ni en s’attachant à la tradition de quelque saint qu’ils sont arrivés à ces opinions. Leurs théories dérivent au contraire de la sagesse des Grecs, des dogmes philosophiques, des mystères mensongers et des contes des astrologues errants. Nous exposerons donc d’abord les théories des philosophes grecs et nous montrerons qu’elles sont plus anciennes et, relativement à la divinité, plus respectables que les doctrines des hérétiques. Nous mettrons ensuite en regard les uns des autres les systèmes divers des philosophes pour faire voir comment l’hérétique a pillé le pbilosophe, s’est approprié ses principes, en a tiré des conséquences plus condamnables et a formé ainsi sa doctrine. » Il n’est question là que des hérétiques en général, mais la suite de l’ouvrage, quelque incomplet qu’il soit, est une mine très riche sur les divers personnages et les diverses sectes du gnosticisme.

Autres écrivains.

Après saint Irénée, Tertullien

et l’auteur des Philosophoumena, il convient de citer Clément d’Alexandrie, non qu’il ait traité spécialement du gnosticisme, mais parce que, loin de redouter les termes de gnose et de gnostique, il s’en est emparé en leur donnant une signification chrétienne en en revendiquant la propriété exclusive pour les fidèles disciples du Christ, et parce que, le cas échéant, chaque fois que s’en offrait l’occasion, il a signalé et discuté, lui aussi, certains points de doctrine ou de morale sur lesquels les partisans de la fausse gnose étaient particulièrement répréhensibles.

Beaucoup plus tard, au ive siècle, saint Épiphane de Salamine, marchant sur les traces de saint Justin, de saint Irénée et de saint Hippolyte, a utilisé leurs hérésiologies, qu’il ne fait souvent que transcrire, mais les a enrichies, notamment en ce qui touche aux nombreuses sectes gnostiques, de renseignements dont il faut tenucompte, qu’il a puisés à d’autres sources, et qui constituent une mine historique précieuse.

II. Histoire.

Observations préliminaires.


Au moment où parut le christianisme, le monde romain était en pleine fermentation intellectuelle, religieuse et morale. Les esprits étaient curieux de toute idée nouvelle, avides de tout savoir, prêts à s’initier à tous les mystères, à essayer tous les cultes, à pratiquer tous les rites. Les faux oracles, les prestiges, les sortilèges, les incantations et opérations magiques jouissaient d’une grande vogue et donnaient un puissant crédit aux devins, aux astrologues, aux mages aux imposteurs et aux charlatans qui exploitaient habilement la crédulité publique. Malgré les prohibitions de la législation romaine, les cultes étrangers étaient à la mode et pénétraient peu à peu, entourés du mystère de leurs initiations secrètes et de leurs fêtes nocturnes. C’est ainsi que s’étaient introduits le panthéisme égyptien avec le culte d’Isis et d’Osiris, le naturalisme syrien avec le culte d’Astarté et de la Bonne Déesse, le dualisme persan avec le culte de Mithra et le mysticisme phrygien avec les Galles.

Au milieu de cette fermentation religieuse, le christianisme ne devait pas manquer d’être exploité à son tour. Mais comme il était la condamnation radicale de l’idolâtrie et du sensualisme sous toutes leurs formes, il ne pouvait pas être accepté tel quel par les agitateurs de l’époque. Ceux-ci, n’en pouvant méconnaître l’importance et la valeur, se gardèrent bien de le négliger, sauf à l’accommoder aux goûts du temps par une contrefaçon ou un escamotage qui le rendait méconnaissable, avec la prétention d’en être l’expression scientifique et de détenir ainsi authentiquement la vérité absolue, la vérité qui sauve. Entreprise assurément audacieuse, car l’Église ne pouvait pas permettre et ne devait pas tolérer un tel travestissement et une telle exploitation, mais entreprise appelée à quelque succès dans certains milieux cultivés et corrompus de l’époque. Elle se dessina peu à peu et, sous l’action de quelques chefs sans scrupule, elle prit au iie siècle une ampleur extraordinaire, qui constitua pour le christianisme un très grave danger. Sans la vigilance et l’activité des chefs de l’Église et des auteurs ecclésiastiques, elle aurait complètement faussé le mouvement chrétien et paralysé pour longtemps l’œuvre du Christ et des apôtres. Il importe donc d’en signaler la nature et l’origine, d’en esquisser la marche et les succès et de noter les causes de son échec définitif.

2° Premières manifestations gnostiques en Asie Mineure. — C’est en Orient, dans l’Asie proconsulaire, et dès les temps apostoliques, autour d’Éphèse et dans la vallée du Méandre, dans ce milieu de culture intellectuelle sans ordre et sans frein, de curiosité éveillée, de sensualisme et de mysticisme maladif, que se produisirent les premières manifestations gnostiques.