Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/CRÊME

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inconnu
Lottin le Jeune (p. 196-201).

CRÊME : c’est la partie grasse & huileuse du lait, séparée de la partie caseuse, & de sa sérosité. Cette substance est d’un grand usage, tant en cuisine que pour l’office. On appelle aussi crême une préparation de différentes substances réduites en consistance de gelée ou bouillie, dont on trouvera les procédés à leurs articles respectifs.

Crême. Prenez de la crême claire & bien douce ; mettez-la dans une jatte ; faites-la rafraîchir sur la glace, & servez avec du sucre en poudre.

Crême à l’Angloise. Pilez une once d’écorce de citrons confits, autant d’écorce d'orange, cinq onces de pistaches ; mettez-y deux jaunes d’œufs, & un quarteron de sucre en poudre ; délayez le tout avec une chopine de lait. Faites cuire à petit feu, & prenez garde que ce mêlange ne s’attache. Près de tirer du feu, mettez-y un peu d’eau de fleurs d’orange. Dressez sur une assiette sur le feu, jusqu’à ce qu’elle se dore sur les bords ; sucrez bien & donnez couleur avec une pelle rouge.

Crême à la Bourguignotte. Faites bouillir de la crême, & la faites réduire à moitié, avec citron rapé, eau de fleurs d’orange. Étant froide, mettez-y une pincée de gomme adraganth en poudre. Fouettez-la bien, faites-la égoutter ; & servez avec du sucre fin.

Crême à la Portugaise. Prenez une pinte de crême douce, & chopine de lait, trois jaunes d’œufs, sucre & un peu de cannelle, écorce de citron coupée menu ; faites réduire en crême, en remuant jusqu’à ce qu’elle paroisse s’attacher. Dressez dans une porcelaine, & la servez froide.

Crême à l’eau. Battez quatre œufs frais avec une chopine d’eau, zestes de citrons hachés, un peu de jus de ce fruit, un quarteron de sucre. Passez ce mêlange deux à trois fois. Faites cuire à petit feu. La crême étant formée, dressez-la chaude, & la servez froide.

Crême à l’Italienne. Sur une chopine de crême, mettez deux œufs frais, une once de sucre en poudre, eau de fleurs d’oranges ; fouettez le tout. Dressez dans un plat creux, dont vous garnirez les bords de sucre en poudre. Faites cuire à feu couvert, sous un couvercle de tourtiere garni de feu pour la dorer, & servez froide.

Crême brûlée. Délayez une pincée de farine avec quatre ou cinq jaunes d’œufs, & une chopine de lait, versée petit à petit, avec du sucre en poudre, un peu de cannelle, écorce de citron verd hachée menu, & autres confits, quelques pistaches grillées, eau de fleurs d’oranges. Faites cuire à feu doux, en remuant toujours. Étant cuite, changez-la de plat, & la faites recuire jusqu’à ce qu’elle s’attache au bord ; ôtez-la du feu ; saupoudrez de sucre fin, & brûlez-la avec la pelle bien rouge, pour qu’elle se dore bien ; garnissez de meringues ou de rognures de pâte croquante.

Crême colorée. Toutes sortes de crêmes se colorent, soit avec le jus des fruits de la saison, soit avec les couleurs ci-dessus détaillées.

Crême croquante. Délayez quelques jaunes d’œufs avec du lait, que vous verserez peu-à-peu ; mettez-y du sucre en poudre, & rapure de citrons ; mettez sur un feu vif d’abord, & remuez jusqu’à ce que cette crême s’épaississe. Diminuez le feu, & amenez votre crême sur les bords du plat ; de sorte qu’il n’en reste presque point au milieu, & qu’elle s’attache sans brûler. Étant cuite, donnez couleur avec la pelle rouge ; détacher ce qui est autour du plat avec la pointe d’un couteau ; arrangez le tout dans le même plat. Mettez sécher au four jusqu’à ce qu’elle soit croquante.

Crême de Blois. Ayez de la crême bien fraîche ; mettez-y deux zestes de citron, sucre en poudre, & la fouettez : lorsqu’elle sera épaisse, dressez-la en petits rochers.

Crême de Sodeville. Fouettez votre crême ; mettez-y un peu de présure délayée avec de l’eau de fleurs d’orange. Dressez dans une porcelaine, & faites prendre à l’étuve ; & mettez-y du sucre en poudre en la servant.

Crême en neige. Fouettez une chopine de crême douce, avec un blanc d’œuf, un quarteron de sucre en poudre, un peu d’eau de fleurs d’oranges. À mesure qu’elle s’épaissit, levez avec une écumoire ; mettez dans un panier garni d’un linge fin : laissez égoutter ; dressez dans une jatte, & servez.

Crême en roche. Fouettez de la crême double, avec citron rapé, & sucre en poudre : étant bien montée, dressez-la en rochers.

Crême fouettée. Prenez de bonne crême ; fouettez-la bien ; elle devient mousseuse, legere. On en fait grand usage, en y mettant de la crême liquide. On la mange avec du sucre en poudre, & des échaudés.

Crême. (Fromage à la) Faites tiédir de la crême avec un quart de lait, un peu de présure ; passez le tout au tamis ; faites prendre sur la cendre chaude. Faites égoutter, & servez avec de la crême & du sucre.

Crême. (Glace de) Faites bouillir un instant quelques amandes douces dans une pinte de crême. Tirez, mettez-y un peu d’eau de fleurs d’orange & de conserve ; mettez avec demi-livre de sucre un citron entier rapé, & mêlez-le avec la crême ; laissez ce mêlange un quart d’heure. Passez-le au tamis, & le travaillez à la salbotiere, pour le moment où vous voudrez en faire usage.

Crême glacée. Mettez sur un demi-septier de crême douce une chopine de lait environ, demi-livre de sucre, demi-cuillerée d’eau de fleurs d’orange. Mettez le tout dans un vaisseau propre à le faire prendre à la glace.

Crême legere. Faites bouillir pendant un bon demi-quart d’heure une chopine de lait avec un demi-quarteron de sucre. Jettez-y deux blancs d’œufs fouettés ; remuez ; laissez faire encore quelques bouillons en fouettant encore. Laissez refroidir & dressez ; arrosez d’eau de fleurs d’orange ; saupoudrez de sucre fin pour servir.

Crême marbrée. Faites cuire telle crême que vous jugerez à propos. Étant dressée chaude, versez-y dans le milieu un peu de jus de framboises. Remuez bien avec une fourchette, de sorte que cette teinture se mêle à la crême, & la rendre marbrée.

Crême panachée. Sur trois demi-septiers de crême mettez un quart de lait, avec cannelle, coriandre, zestes de citron & sucre. Faites bouillir le tout une demi-heure. Passez ; ajoûtez-y six jaunes d’œufs délayés avec de la crême. Repassez ; mêlez ensemble des biscuits de chocolat & amandes amères, avec de la fleur d’orange pralinée, le tout réduit en poudre, mettez dans votre crême que vous ferez cuire au bain-marie ; & servez froide.

Crême pâtissiere. Délayez une demi-livre de farine avec douze œufs frais. Quand cela est fait, ajoûtez-y encore douze œufs battus. Faites bouillir deux pintes de lait ; jettez-y votre pâte & remuez toujours. Jettez-y environ une demi-livre de beurre, un peu de sel & de poivre blanc ; ne laissez pas attacher votre crême ; étant cuite, laissez refroidir. Quand vous l’employerez en tourte, que ce soit avec des abaisses de feuilletage ; ajoûtez-y du sucre & de l’écorce de citron confite, hachée menu, un peu d’eau de fleurs d’orange, quelques jaunes d’œufs : travaillez le tout avec la gâche. Pour les jours gras, mettez-y de la moëlle de bœuf fondue, & du beurre fondu pour les jours maigres.

Crême sans feu. Remplissez un compôtier de lait frais & non écrêmé ; ajoûtez-y un quarteron de sucre en poudre, la grosseur d’une tête d’épingle de bonne présure ; mettez en lieu frais ; & pour servir, saupoudrez de sucre fin, & versez quelques gouttes d’eau de fleurs d’orange.

Crême tremblante. Faites réduire de la crême à moitié, avec de l’eau de fleurs d’orange ; mettez des blancs d’œufs fouettés. Faites chauffer sans bouillir, en remuant toujours : retirez quand elle s’épaissira, & la dressez dans un compôtier.

Crême veloutée. Faites bouillir moitié crême & lait, de chaque chopine, avec demi-livre de sucre ; lorsqu’elle montera, mettez-y un quarteron d’amandes douces, & une demi-douzaines d’amère pelées & pilées ; ôtez du feu, délayez-y vos amandes ; ajoutez-y quelques zestes de citron : passez à l’étamine. Laissez tiédir, & y mettez un peu de présure ; mettez cette crême sur la cendre chaude ; couvrez, & mettez sur le couvercle un peu de feu ; étant bien prise, faites-la refroidir pour la servir.

Crême vierge. Fouettez quelques blancs d’œufs, & les mettez dans une casserole avec du sucre, du lait & de l’eau de fleurs d’orange. Versez le tout dans un plat ; faites cuire avec un peu de sel & de cannelle : dorez avec la pelle rouge. Pour le surplus des crêmes, comme d’amandes, cannelle, chocolat, citrons, fraises, framboises, pistaches, &c. voyez les articles respectifs, où les procédés sont détaillés.

Observation médecinale.

La crême est une substance fort adoucissante, & très-nourrissante, balsamique, & un aliment sain pour les personnes dont l’estomac est bon, & qui font de l’exercice ; mais par sa nature grasse, elle devient, pour les personnes délicates, les estomacs foibles, un aliment difficile à digérer, pesant, qui énerve les sucs de l’estomac, & contracte de l’âcreté par son séjour : cependant ce n’est que la grande quantité qu’il faut éviter ; il y a peu de gens auxquels, ce qu’on en met dans les assaisonnemens, puisse nuire.