Discours sur la première décade de Tite-Live/Livre premier/Chapitre 42

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Livre premier
Traduction par Jean Vincent Périès.
Discours sur la première décade de Tite-Live, Texte établi par Ch. LouandreCharpentier (p. 246-247).



CHAPITRE XLII.


Combien les hommes peuvent aisément se corrompre.


Le décemvirat nous fournira encore un exemple de la facilité avec laquelle les hommes se laissent corrompre, et avec quelle promptitude ils changent de caractère, quoique d’un naturel heureux et cultivé par l’éducation. Il suffit de considérer comment toute cette jeunesse qu’Appius avait choisie pour l’avoir sans cesse autour de lui se familiarisa bientôt avec la tyrannie, et s’en déclara l’amie, séduite par les faibles avantages qu’elle en retirait ; il ne faut que voir également comment Quintus Fabius, l’un des membres du second décemvirat, homme renommé par ses vertus, mais que l’ambition aveugla un moment, se laissa séduire par la perversité d’Appius, abandonna la vertu pour se plonger dans le vice, et devint en tout l’émule de son collègue. Ces faits, mûrement examinés, engageront plus vivement encore les législateurs des républiques ou des royaumes à mettre un frein aux passions des hommes, en leur ôtant l’espoir de pouvoir impunément s’égarer.