Dombey et fils (Dickens)/I/09

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Traduction par Mme Bressant.
Librairie Hachette et Cie (1p. 121-137).


CHAPITRE IX.

Tourments du petit aspirant de marine.


Le jeune Walter avait reçu de la nature un goût assez prononcé pour tout ce qui est romanesque et merveilleux. Il avait vécu sous les yeux de son oncle, mais la triste expérience que le vieux Solomon avait faite des choses de la vie n’avait pas affaibli cette disposition. Aussi c’était avec un intérêt singulier et plein de charmes que Walter se rappelait l’aventure de Florence avec la bonne Mme Brown. Il se complaisait à en repasser dans son esprit tous les détails, s’attachant principalement à l’épisode auquel il avait pris part. Cette aventure absorba bientôt toutes ses pensées et s’empara de son esprit, au point de l’entraîner dans les rêves les plus capricieux.

Peut-être les projets d’avenir que formaient chaque dimanche le vieux Sol et le capitaine Cuttle contribuaient-ils à donner un intérêt plus saisissant au souvenir des événements dans lesquels il avait joué son rôle. Un dimanche ne se passait pas sans que l’un ou l’autre des deux vieux amis ne fît quelque allusion mystérieuse à Richard Whittington. Le capitaine avait même poussé les choses assez loin ; il avait acheté une vieille ballade qui longtemps était restée, se balançant au gré des zéphirs, exposée en vente le long d’un mur de la route du commerce, en compagnie de beaucoup d’autres, toutes écrites ! dans un style expressif bien en rapport avec les tendres sentiments des matelots. Ce petit chef-d’œuvre de poésie dépeignait la cour et les noces d’un jeune charbonnier, fiancé de l’aimable Suzon, fille accomplie du capitaine et copropriétaire d’un bateau de charbon de Newcastle. Le capitaine Cuttle, profond métaphysicien, trouvait dans cette légende sentimentale des points de ressemblance frappante avec la situation respective de Walter et de Florence. Tel était son enthousiasme, qu’à chaque petite fête, comme aux anniversaires et dans un petit nombre d’autres réjouissances qui ne sont pas des jours consacrés au Seigneur, il entonnait la romance, dans la salle à manger, et la chantait tout entière à plein gosier, faisant sur le nom de Suzon, on, on, un point d’orgue sans fin. Car, en l’honneur de l’héroïne, chaque couplet se terminait par son joli nom.

Mais un garçon franc, ouvert, au cœur indépendant, ne s’arrête guère à analyser la nature de ses sentiments, quelque vifs qu’ils soient ; et Walter aurait été fort embarrassé de dire quel était le fond de sa pensée. Certes, il trouvait grand plaisir à revoir le quai où il avait rencontré Florence, et les rue qu’ils avaient suivies ensemble, quoiqu’elles eussent par elles-mêmes fort peu d’attrait. Il conservait bien précieusement dans sa chambre les mauvaises savates qui s’étaient détachée si souvent le long de la route et, assis dans la salle à manger, il s’était fait un soir toute une galerie de portraits imaginaires de la bonne Mme Brown. On avait pu remarquer que, depuis sa rencontre avec Florence, il était plus recherché dans sa mise, et l’on ne pouvait disconvenir que, dans ses moments de liberté, il se plaisait à se promener du côté de la ville où se trouvait la maison de M. Dombey, dans l’espoir bien incertain d’apercevoir la petite fille dans la rue. Mais tout cela n’était qu’un innocent enfantillage. Florence était fort gentille, et l’on trouve plaisir à regarder une gentille figure ; Florence était faible et sans défense, et l’on pouvait être fier de l’avoir protégée, de l’avoir défendue ; Florence avait le cœur le plus reconnaissant du monde, et l’on éprouvait un charme infini à voir l’expression de cette reconnaissance briller dans ses yeux. Florence enfin était abandonnée, dédaignée, et Walter éprouvait l’intérêt le plus vif pour la pauvre enfant délaissée dans la triste et somptueuse demeure de son père.

Dans le courant de l’année, il arriva que peut-être cinq ou six fois Walter ôta son chapeau dans la rue pour saluer Florence et que celle-ci s’arrêta pour lui donner la main. Mme Wickam qui, métamorphosant son nom d’une manière assez singulière, ne manquait pas de l’appeler le jeune Graves, ne voyait aucun mal à ces rencontres, sachant comment ils s’étaient connus. Miss Nipper, de son côté, semblait presque chercher ces occasions ; car son cœur sensible était secrètement touché par les doux regards de Walter, et elle croyait en conscience que ses sentiments étaient payés de retour.

De cette façon, Walter, loin d’oublier ou de perdre de vue la petite Florence, ne faisait qu’y penser chaque jour davantage. Quant à la manière romanesque dont avait commencé leur connaissance, et à tous les détails qui y ajoutaient un caractère et un charme particulier, il éprouvait un plaisir infini à en nourrir son imagination et n’avait nulle envie de bannir de son esprit un petit roman aussi agréable ; mais il ne regardait pas ce qui s’était passé comme une affaire dans laquelle il eût un intérêt positif. Florence lui apparaissait toujours se détachant du tableau ; mais lui, il restait à l’écart. Quelquefois il lui arrivait de songer (et il fallait voir alors sa marche rapide), il lui arrivait de songer combien il aurait été beau pour lui de s’être embarqué le lendemain de leur première rencontre, d’avoir abordé à de lointains rivages, d’y avoir fait des prodiges de valeur, et, après une longue absence, d’être revenu amiral, avec tous les rubans de son brillant costume, ou au moins capitaine de vaisseau, avec des épaulettes éblouissantes ; à son retour il aurait épousé Florence, devenue une belle jeune fille ; il l’aurait épousée en dépit des grandes dents de M. Dombey, de sa cravate, de sa lourde chaîne d’or, et l’aurait conduite en triomphe sous un ciel d’azur quelque part ou ailleurs. Et pourtant, malgré tous ces beaux rêves, son imagination ardente lui montrait rarement la plaque de cuivre de la maison Dombey et fils, transformée en une tablette dorée, où il pût lire de brillantes espérances, et laissait le plus souvent ternes et sombres les fenêtres de ses bureaux. Aussi, quand le capitaine et l’oncle Sol remettaient sur le tapis Richard Whittington et les filles des patrons, Walter croyait comprendre beaucoup mieux qu’ils ne le faisaient sa véritable position dans la maison Dombey et fils.

Il remplissait donc chaque jour son emploi, tout joyeux, tout dispos, ayant le cœur à l’ouvrage. Il ne partageait pas les vivacités d’ambition de son oncle et du capitaine Cuttle, et ne laissait pas cependant d’entretenir de son côté mille rêves vagues et chimériques, auprès desquels les projets des deux vieux amis étaient des probabilités terre à terre. Il en était là quand les enfants de M. Dombey furent conduits chez Mme Pipchin. Il avait quelques années de plus, mais c’était bien peu de chose. On reconnaissait toujours ce même garçon remuant, joyeux, étourdi, comme du temps où il escaladait à l’abordage la salle à manger, à la tête de l’oncle Sol et d’une troupe de matelots supposés, ou qu’il lui tenait la chandelle pour monter de la cave son fameux madère.

« Oncle Sol, dit Walter, il me semble que vous n’allez pas bien. Vous n’avez rien mangé ce matin au déjeuner ; j’irais chercher le médecin si cela continue.

— Ah ! mon garçon, il ne me donnerait pas ce qui me manque. Il faudrait que ce fût un praticien bien habile… pour… et encore il ne le pourrait pas.

— Qu’est-ce que c’est donc, mon oncle, seraient-ce des chalands ?

— Eh ! répliqua Solomon en soupirant, les chalands ne gâteraient rien.

— Le bon Dieu les bénisse ! dit Walter en posant avec bruit sa tasse à thé et frappant en même temps la table. Quand je vois les gens aller et venir en foule dans la rue toute la journée, passer et repasser à chaque minute devant la boutique en masse, il me prend des envies de m’élancer dehors, de saisir un individu au collet, de le faire entrer ici et de le forcer d’acheter pour plus de douze mille francs d’instruments, argent comptant… Eh ! eh ! là-bas ! qu’est-ce que vous regardez donc ainsi à la porte ? dit Walter apostrophant un vieux gentleman, la tête poudrée, qui ne pouvait l’entendre, comme de raison, et qui s’était arrêté pour examiner avec attention un grand télescope de marine. Cela ne signifie rien ce que vous faites là. J’en ferais bien autant que vous. Entrez, parbleu, et achetez-le, ce télescope. »

Le vieux monsieur cependant ayant satisfait sa curiosité continua tranquillement sa route.

« Il s’en va pourtant, dit Walter ; ils sont tous de même. Mais, bah ! mon oncle… Eh !… dites donc, mon oncle ?… (répéta Walter ; car le vieillard, plongé dans ses réflexions, n’avait pas répondu à son premier appel), ne vous laissez pas abattre… allons, du courage, mon oncle… quand les commandes viendront une fois, elles viendront en foule ; vous n’y pourrez plus suffire…

— Ah ! mon garçon, quand elles viendront, je serai trop vieux, répondit Solomon Gills. Elles ne reviendront dans cette boutique qu’après que j’en serai sorti.

— Oh ! mon oncle, ne dites pas cela, je vous en prie, dit Walter d’un ton suppliant. Non, non, ne le dites pas. »

L’oncle Sol s’efforça de donner à sa physionomie une expression moins triste et lui sourit de l’autre côté de la table, d’un air qu’il cherchait à rendre le plus gai possible.

« Il n’y a rien ici de nouveau, n’est-ce pas, mon oncle ? et Walter appuya ses coudes sur le plateau à thé, se penchant pour parler plus bas et d’un ton plus affectueux encore. Voyons, soyez franc avec moi, cher oncle, dit-il, et s’il y a quelque chose de nouveau, ne me cachez rien, je vous en prie.

— Non, non, répondit le vieux Sol. Quelque chose de nouveau, Walter ?… Que pourrait-il y avoir ici de nouveau ? »

Walter fit de la tête un mouvement qui témoignait de son incrédulité.

« C’est justement là ce que je désire savoir, et vous me le demandez ?… Ah ! tenez, mon oncle, quand je vous vois ainsi, je regrette vraiment de vivre avec vous. »

Le vieux Sol parut surpris.

« Oui, mon oncle, je dis ce que je pense. Dieu sait que je n’ai jamais été et que je ne suis jamais plus heureux qu’avec vous ; mais quand je vous vois l’esprit inquiet, je regrette sincèrement de vivre avec vous.

— Je suis un peu triste quelquefois, je le sais, dit Solomon en se frottant doucement les mains.

— Ce que je veux dire, mon oncle, reprit Walter en se penchant encore davantage pour lui frapper légèrement l’épaule, c’est que je voudrais voir assise ici, et vous versant votre thé à ma place, une gentille petite femme bien avenante ou plutôt une bonne dame bien respectable, aisée, accomplie, une brave femme dans votre genre, qui pourrait prendre bien soin de vous et saurait trouver le moyen de vous égayer. Tandis que moi, le plus tendre des neveux, bien sûr, je ne serai jamais qu’un neveu ; je ne pourrai jamais être ce qu’une telle compagne aurait été pour vous depuis bien des années quand la tristesse vous gagne, que le chagrin s’empare de vous, et pourtant je donnerais tout au monde pour vous consoler ! Voilà pourquoi, cher oncle, quand je vous vois l’esprit inquiet, je regrette que vous n’ayez près de vous qu’un jeune étourdi comme moi, aux formes rudes et abruptes, qui a bonne envie de vous consoler, mon oncle, mais qui ne sait comment s’y prendre ; oui, répéta Walter en se penchant encore davantage pour serrer la main de son oncle, oui, vraiment, qui ne sait comment s’y prendre.

— Walter, mon cher enfant, dit Solomon, quand même la bonne et respectable dame aurait occupé dans cette salle depuis quarante ans la place où vous vous trouvez en ce moment, je ne l’aurais jamais aimée plus que vous.

— Je le sais, mon oncle, répondit Walter, et j’en remercie le ciel : mais vous n’auriez pas gardé pour vous seul le poids de vos chagrins, si vous aviez eu près de vous une compagne ; car elle aurait su comment vous les faire oublier ; et moi, cher oncle, moi, je ne le sais pas.

— Si, vraiment ! répondit l’opticien.

— Eh bien ! alors, dites-moi ce que vous avez, oncle Sol ? fit Walter d’un ton caressant ; allons ! confiez-moi ce secret ? »

Solomon Gills lui répéta qu’il n’avait aucune cause de chagrin et le lui affirma si positivement, que Walter dut faire comme s’il le croyait.

« Tout ce que je puis vous assurer, oncle Sol, c’est que s’il y a quelque chose que…

— Mais il n’y a rien, dit Solomon.

— Très-bien, répondit Walter. Alors, je n’ai rien à dire, et c’est heureux, car voici l’heure de partir pour le bureau. Mais pendant que je serai dehors, je reviendrai de temps en temps pour voir comment vous vous portez. Et rappelez-vous-le bien, mon oncle, si je m’aperçois que vous m’avez trompé, je ne vous croirai plus de ma vie et je ne vous parlerai plus jamais de M. Carker frère. »

Solomon Gills le défia en riant de le trouver en faute. Alors roulant dans son esprit les moyens les plus impraticables de faire fortune et de rendre au petit aspirant de marine une position indépendante, Walter se rendit aux bureaux de Dombey et fils, l’air plus soucieux que de coutume.

À cette époque habitait au coin, dans la rue de Bishopsgate-Without, un certain M. Brogley, huissier priseur assermenté. Il avait là une boutique où s’étalaient, sous le jour le moins favorable, des meubles d’occasion de toute espèce, placés et disposés de la façon la moins propre à les faire valoir. Des douzaines de chaises étaient accrochées à des lavabos qui avaient grand’peine à se tenir en équilibre, en s’appuyant contre des buffets, posés eux-mêmes sur des tables renversées sens dessus dessous, et qui, les jambes en l’air, soutenaient par des procédés gymnastiques d’autres tables chancelantes ; mais ce n’étaient là encore que les combinaisons les moins extraordinaires. Tout un service de cloches pour couvrir les plats, de verres à bordeaux, de carafes, se voyait rangé en grand appareil au beau milieu d’un bois de lit à colonnes pour l’agrément d’une demi-douzaine de tisonniers et d’une lampe de vestibule, seuls convives apparents de ce banquet placé près d’eux ; une garniture de rideaux de croisées, sans croisées, se drapaient avec grâce sur une barricade de commodes surchargées de petites fioles de pharmacie ; tandis qu’un tapis de cheminée, étonné de son exil, loin de l’âtre, dont il était l’inséparable, au lieu de brûler de chaleur comme autrefois, exposé maintenant dans son malheur à la brise perçante, grelottait d’un ton mélancolique, mettant ses tristes soupirs en harmonie avec les plaintes frêles et aigres d’un grand piano, dont chaque jour une corde se mourait, et qui mêlait au roulement des voitures ses accents les plus faux et les plus discordants. Des pendules, dont les aiguilles ne marchaient pas et qui paraissaient aussi incapables d’être remontées jamais que les affaires pécuniaires de leurs premiers maîtres, se voyaient dans tous les coins de la boutique de M. Brogley, et le choix en était varié ; enfin c’étaient des glaces de toutes formes, toutes dimensions, placées çà et là au hasard, qui, par la règle d’intérêt composé de la réflexion et de la réfraction, présentaient à l’œil une perspective sans fin de ruine et de banqueroute.

M. Brogley, de sa personne, avait l’œil clair, le teint frais, les cheveux frisés, la figure pleine ; il était d’un caractère doux et facile, car ces Caïus Marius d’un nouveau genre, qui s’asseyent sur les ruines de Carthage de tant d’autres gens, ont privilège de conserver à merveille toute leur bonne humeur. Il était entré quelquefois dans la boutique de Solomon pour lui demander quelques renseignements sur certains objets de son commerce, et Walter le connaissait assez pour le saluer quand il le rencontrait dans la rue. Mais comme les rapports entre M. Brogley et Solomon Gills n’étaient pas allés plus loin, l’étonnement de Walter fut grand quand, dans l’après-midi, revenant, selon sa promesse, il trouva M. Brogley assis dans la salle à manger, les mains dans les poches, et vit son chapeau accroché derrière la porte.

« Eh bien ! mon oncle, dit Walter, comment ça va-t-il ? »

Le vieillard était assis tristement de l’autre côté de la table, et, chose étrange, ses lunettes étaient sur son nez et non pas sur son front. Il remua la tête et lui montra de la main l’huissier, comme pour les présenter l’un à l’autre.

« Est-ce qu’il y a quelque chose ? demanda Walter tout haletant.

— Non, non, il n’y a rien, dit M. Brogley, que cela ne vous tourmente pas. »

Walter regarda l’huissier priseur, puis son oncle, et resta muet de surprise.

« Il s’agit, dit M. Brogley, d’un petit billet qui n’a pas été payé : trois cent soixante-dix livres sterling et le surplus. Le billet est entre mes mains.

— Entre vos mains ! s’écria Walter en regardant tout autour de la boutique.

— Ah ! dit M. Brogley, parlant plus bas et remuant la tête comme pour témoigner l’envie qu’il avait d’un accommodement ; c’est une saisie, voilà tout. Mais ne vous tourmentez pas, je suis venu moi-même pour arranger l’affaire doucement et à l’amiable. Vous me connaissez : ce sera entre nous.

— Oncle Sol ! murmura Walter.

— Walter, mon enfant, répondit son oncle, c’est la première fois qu’un tel malheur m’arrive ; je suis bien vieux pour commencer ! et le vieillard releva ses lunettes sur son front (car elles ne pouvaient pas dissimuler plus longtemps son émotion), et cachant sa figure dans ses mains, il se mit à sangloter et ses larmes coulèrent sur son gilet couleur café.

— Oh ! mon oncle Sol, je vous en supplie ; ne pleurez pas ! s’écria Walter qui se sentait saisi d’effroi à la vue des larmes du vieillard. Pour l’amour de Dieu, ne pleurez pas !… Monsieur Brogley, que faut-il que je fasse ?

— Je vous engage, dit M. Brogley, à aller trouver un ami, ou une connaissance et à lui expliquer ce dont il s’agit.

— Oui, oui, vous avez raison, s’écria Walter, se rattachant à tout ; merci, je vais aller trouver quelqu’un. Le capitaine Cuttle nous tirera de là, mon oncle. Attendez que je coure chez le capitaine Cuttle. Monsieur Brogley, veillez sur mon oncle, je vous en prie, et tâchez de le consoler autant que possible pendant mon absence. Tout n’est pas perdu, cher oncle, courage ! courage ! nous avons là un bon ami ! »

Et dans son enthousiasme, Walter s’élança hors de la boutique, courant plutôt que marchant et sans prendre garde aux remontrances entrecoupées du vieillard. Il se hâta d’abord d’aller prévenir au bureau qu’une maladie subite de son oncle le forçait à rester près de lui, puis il se dirigea de toute la vitesse de ses jambes vers la demeure du capitaine.

Tout lui semblait changé dans sa route ; les rues n’avaient plus le même aspect. C’était bien le même embarras, le même bruit de voitures, de camions, d’omnibus, de chariots ; c’était bien le même va-et-vient des piétons ; mais le malheur qui venait d’atteindre le petit aspirant de marine présentait à ses yeux tout ce mouvement sous des couleurs étranges et nouvelles. Les maisons, les boutiques n’étaient plus les mêmes ; Walter y lisait en gros caractères l’assignation de M. Brogley. L’huissier semblait avoir porté la main jusque sur les églises, car leurs clochers, en s’élevant vers le ciel, avaient une roideur d’huissier priseur ; le ciel lui-même avait changé et avait pris visiblement un air de saisie mobilière.

Le capitaine Cuttle habitait sur le bord d’un petit canal tout près des docks de la compagnie des Indes. Un petit pont tournant s’ouvrait de temps en temps pour laisser quelque gros monstre de bâtiment remonter lentement la rue comme une baleine échouée. En approchant de la demeure du capitaine, il était curieux de voir les changements graduels, et comme la fusion des établissements terrestres et des habitudes aquatiques.

D’abord, c’étaient des mâts servant d’enseignes à des cabarets ; puis venaient des boutiques de hardes pour les matelots, qui y trouvaient des chemises de Guernesey, des chapeaux du sud-ouest, des pantalons de toile à voile de la trame la plus serrée et de la coupe la plus ample, tout cela pendu au dehors. Un peu plus loin, c’étaient des forges où l’on préparait des ancres et des câbles de métal, et où du soir au matin le marteau tombait et retombait sur le fer. On voyait ensuite une rangée de maisons surmontées de girouettes fixées à des mâts s’élançant du milieu des haricots rouges qui croissaient à leur pied. Puis des fossés, des saules à la tête ronde toute dépouillée de leurs branches ; puis encore des fossés, des espaces pleins d’eau sale qu’on pouvait à peine apercevoir tant ils étaient encombrés de navires ; puis on sentait un goût de copeaux, et tous les autres genres de commerce faisaient place à de vastes ateliers où l’on travaillait des mâts, des rames, des poutres et des bateaux. Le sol devenait ensuite marécageux et mouvant, et l’odeur du rhum et du sucre se répandait de tous côtés. Enfin l’on arrivait à la maison du capitaine Cuttle, maison située sur Brig-place et qui n’avait tout ensemble qu’un premier et dernier étage.

Le capitaine était un de ces hommes tout d’une pièce, sculptés en cœur de chêne, et que l’imagination la plus vive ne saurait se figurer séparés du moindre détail de leur accoutrement, si insignifiant qu’il puisse paraître. Aussi, quand Walter frappa à la porte, et que le capitaine mettant aussitôt le nez à une des petites fenêtres du devant de la maison, lui fit un salut amical, en lui voyant sur la tête un lourd chapeau de toile cirée et reconnaissant son grand col de chemise semblable à une voile et ses mêmes habits bleus, tout cela à sa place ordinaire, Walter fut de plus en plus persuadé qu’il n’en était jamais autrement et que le capitaine était un oiseau dont c’étaient là les plumes.

« Walter, mon garçon, dit le capitaine Cuttle, approchez et frappez encore ! ferme ! ferme ! c’est aujourd’hui jour de savonnage. »

Walter, dans son impatience, laissa retomber si violemment le marteau sur la porte, qu’elle en fut ébranlée.

« C’est soigné, cela ! à la bonne heure, » dit le capitaine en retirant vivement sa tête de la croisée, comme prévoyant une bourrasque.

Il ne se trompait pas. Une femme veuve, les manches retroussées jusqu’aux épaules, les bras couverts de mousse de savon et encore tout fumants, s’élança tout à coup pour répondre ; mais, avant de regarder Walter, elle regarda d’abord le marteau de la porte ; puis, toisant le jeune homme des pieds à la tête, elle lui dit d’un ton courroucé :

« C’est bien étonnant qu’il en reste encore quelques morceaux, il faut qu’il soit solide.

— Le capitaine est chez lui, je le sais, dit Walter avec un sourire conciliant.

— Ah ! vraiment ? répondit la veuve. Voyez-vous cela !

— Il vient de me parler, dit Walter tout haletant.

— Ah ! il vous a parlé ? répondit la veuve. Eh bien ! vous serez assez bon peut-être pour lui présenter les compliments de Mme Mac-Stinger et lui dire de sa part que la prochaine fois qu’il se respectera assez peu, lui et son logement, pour causer par la croisée, elle lui sera bien obligée de descendre pour ouvrir lui-même la porte. » Mme Mac-Stinger parlait très-haut, écoutant si, du premier étage, on oserait se défendre.

« Je ferai votre commission, madame, dit Walter, si vous voulez bien me permettre d’entrer. »

Car une fortification de morceaux de bois qui s’étendait jusqu’à la porte pour empêcher les petits Mac-Stinger de dégringoler pendant leurs jeux du haut en bas des marches, obstruait le passage.

« Un jeune homme qui peut renverser ma porte, dit Mme Mac-Stinger d’un ton dédaigneux, peut bien, je crois, passer par là-dessus. »

Et comme Walter, prenant cela pour une permission, escaladait la fortification, Mme Mac-Stinger se récria, demandant si la maison d’une dame anglaise n’était pas son château fort ; oui ou non, et si elle devait être envahie par la canaille. Elle continuait encore à déblatérer sur ce sujet de la manière la plus désagréable, quand Walter, s’étant frayé une route à travers un épais brouillard causé par le savonnage et qui couvrait la rampe d’une sueur gluante, entra dans la chambre du capitaine Cuttle, et trouva le cher monsieur en embuscade derrière la porte.

« Je ne lui ai jamais dû un sou, Walter, dit le capitaine à voix basse sans pouvoir dissimuler sa terreur ; j’ai toujours été rempli d’attention pour elle et pour les enfants, mais c’est une vraie mégère, souvent !

— Je m’en irais, moi, capitaine Cuttle, dit Walter.

— Je n’ose pas, Walter, répondit le capitaine ; elle irait me chercher partout où je me sauverais. Mais asseyez-vous. Comment va Gills ? »

Le capitaine était en train de dîner, le chapeau sur la tête. Il avait devant lui un pot de bière et mangeait un morceau de mouton froid et des pommes de terre toutes fumantes qu’il avait fait cuire lui-même et qu’il tirait d’une petite poêle placée devant le feu, à mesure qu’il en désirait. Au moment du dîner, il dévissait son croc et vissait à la place dans son avant-bras un couteau à l’aide duquel il avait déjà commencé à éplucher une pomme de terre pour l’offrir à Walter. Les pièces de son logement étaient petites et imprégnées d’une forte odeur de tabac, mais elles étaient assez commodes et tout y était solidement accroché comme si l’on avait à y craindre régulièrement un tremblement de terre toutes les demi-heures.

« Comment va Gills ? » demanda le capitaine.

Walter, qui pendant ce temps avait repris haleine et perdu courage, ou du moins le courage momentané que lui avait donné sa course rapide, regarda un moment celui qui le questionnait et s’écria bientôt en sanglotant :

« Ô capitaine, ô capitaine Cuttle. »

Rien ne pourrait peindre la consternation du capitaine à cette vue. Le souvenir de Mme Mac-Stinger s’était évanoui : il laissa tomber la pomme de terre et la fourchette : il aurait laissé tomber de même le couteau, s’il n’avait pas été vissé ; puis, restant la bouche béante en face du jeune homme, il crut que Walter allait lui apprendre qu’un gouffre s’était ouvert dans la Cité, et avait englouti son vieil ami avec ses vêtements couleur café, ses boutons d’acier, son énorme chronomètre, ses lunettes et tout le reste. Mais quand Walter lui eut expliqué ce dont il s’agissait, le capitaine Cuttle, après un moment de réflexion, se leva tout à coup d’un air affairé. Il tira d’une petite boite de fer-blanc, placée sur le haut de son buffet, tout son petit magot d’argent comptant. La somme se montait à trois cent vingt-trois francs cinquante centimes. Il glissa toutes les pièces dans une des poches de son habit bleu ; il ajouta à ce trésor le contenu de son coffre à argenterie, se composant de deux méchantes petites cuillers et d’une vieille pince à sucre toute bancale ; tira des profondeurs de son gousset sa montre d’argent, à double boîte, pour s’assurer que cet objet précieux était en bon état ; rattacha son croc à son poignet droit, et, saisissant son gros bâton noueux, il ordonna à Walter de le suivre.

Cependant, au milieu de son généreux mouvement, le capitaine pensa que Mme Mac-Stinger pouvait bien le guetter en bas, et il hésita un moment. Il regarda par la croisée, mesurant de l’œil la hauteur du premier étage, comme s’il avait eu un moment l’idée d’employer ce moyen singulier de fuir, plutôt que de se rencontrer face à face avec sa terrible ennemie. Toutefois, il résolut de recourir à la ruse.

« Walter, dit-il d’un air embarrassé, sortez le premier, mon garçon. Quand vous serez dans le corridor, criez-moi : Bon soir, capitaine Cuttle ; et fermez la porte sur vous. Puis allez m’attendre au coin de la rue, j’y serai bientôt. »

Certes, le capitaine connaissait bien la tactique de l’ennemie à qui il avait affaire, en donnant à Walter toutes ces instructions ; car le jeune homme, en arrivant au bas de l’escalier, vit Mme Mac-Stinger sortir de sa petite cuisine comme une furie vengeresse ; mais n’ayant pas aperçu le capitaine, comme elle s’y était attendue, elle se contenta de rentrer chez elle, murmurant encore quelque allusion nouvelle au marteau de la porte.

Quelques minutes se passèrent avant que le capitaine eût pris assez de courage pour tenter de s’échapper ; car Walter attendit assez longtemps au coin de la rue, à regarder la maison, avant d’apercevoir la moindre apparence de chapeau de toile cirée. À la fin, le capitaine s’élança hors de la porte comme une trombe, et marchant vers lui à grands pas, sans se retourner une seule fois, il se mit bravement à siffler un petit air, aussitôt qu’ils eurent tous deux quitté la rue.

« Le pauvre oncle doit être à fond de cale, Walter ? demanda le capitaine pendant la route.

— J’en ai bien peur ; si vous l’aviez vu ce matin, il ne vous sortirait pas de l’esprit.

— Pas accéléré ! Walter, mon garçon, répondit le capitaine en allongeant le pas, et marchez toujours ce pas-là pendant tout le cours de votre vie. Ouvrez le catéchisme, vous y trouverez ce commandement, et retenez-le bien. »

Le capitaine était trop préoccupé de Solomon Gills, et peut-être aussi trop absorbé par ses réflexions sur la manière dont il venait d’échapper à Mme Mac-Stinger, pour donner, chemin faisant, d’autres leçons de conduite morale à Walter. Ils continuèrent leur route sans dire un mot, jusqu’au moment où ils arrivèrent à la porte du vieux Sol. L’infortuné petit aspirant de marine, son télescope à l’œil, semblait chercher au loin, à l’horizon, s’il ne découvrirait pas un ami qui pût le tirer d’embarras.

« Gills ! dit le capitaine en faisant irruption dans la petite salle à manger et serrant tendrement dans la sienne la main de son ami Gills ! tête au vent et bravons l’orage. Oui, tout ce que vous avez à faire, répéta le capitaine du ton solennel d’un homme qui débite le principe le plus précieux que jamais sagesse humaine ait découvert, tout ce que vous avez à faire est de faire tête au vent, et nous braverons l’orage. »

Le vieux Sol lui serra la main à son tour et le remercia affectueusement.

Alors, avec le sérieux qui convenait à la gravité des circonstances, le capitaine posa sur la table les deux petites cuillers, la pince à sucre, la montre d’argent et les écus, puis se tournant vers M. Brogley, l’huissier, il lui demanda à combien se montait la dette.

« Voyons, dit-il, que donnerez-vous de cela ?

— Ah ! grand Dieu ! répondit l’huissier, vous ne pensez pas, j’imagine, que tout ceci soit bon à quelque chose ?

— Pourquoi pas ? demanda le capitaine.

— C’est que le montant du billet est de trois cent soixante-dix livres sterling, fit l’huissier.

— Peu importe, répliqua le capitaine évidemment déconcerté par le chiffre, vos filets prennent tous les poissons, je pense.

— Oui, répondit M. Brogley, mais des éperlans ne sont pas des baleines, vous savez. »

La sagesse de cette remarque sembla frapper le capitaine, il réfléchit un moment, regardant l’huissier comme s’il avait devant les yeux un profond génie ; puis il tira à part l’opticien.

« Gills, dit le capitaine, quelle est la portée de cette affaire ? quel est le créancier ?

— Chut ! fit le vieillard, sortons un peu ; il ne faut pas parler devant Walter. Il s’agit d’un cautionnement pour son père ; c’est une ancienne obligation. J’en ai déjà payé une bonne partie, Cuttle ; mais les temps sont devenus difficiles pour moi, et je ne puis plus rien. Je l’avais bien prévu, mais je ne pouvais l’empêcher. Pas un mot de cela devant Walter, pour l’amour de Dieu !

— N’avez-vous pas mis quelque argent de côté ? dit tout bas le capitaine.

— Oui, oui certainement, j’en ai mis de côté, répondit le vieux Sol en enfonçant d’abord ses deux mains dans ses poches vides, puis les appuyant sur sa grande perruque, comme s’il eût pensé pouvoir en faire sortir de l’or ; mais le peu que j’ai mis de côté ne peut se convertir, Cuttle ; je ne puis plus le ravoir. J’ai essayé d’en tirer parti pour Walter et je ne suis plus de ce siècle ; je suis resté en arrière sans être capable de rien. J’en ai placé de côté et d’autre, et… de fait, c’est comme si je n’en avais nulle part, » dit le vieillard, regardant tout autour de lui avec égarement.

Il avait tellement l’air d’une personne hébétée qui aurait caché son argent dans différentes places sans se rappeler les endroits, que le capitaine suivait ses yeux dans l’espoir bien douteux qu’il se rappellerait avoir enfoui dans la cheminée ou dans la cave quelques milliers d’écus. Mais Solomon Gills n’était pas si bête.

« Je suis resté bien en arrière du siècle, mon cher Cuttle, dit Sol d’un ton résigné. Il est inutile que je traîne plus longtemps. Il vaut mieux laisser vendre mon fonds ; il payera la dette au delà et je m’en irai mourir quelque part avec le surplus. J’ai perdu courage. Je n’entends plus rien aux affaires : il vaut mieux en finir. Qu’on vende le fonds et qu’on le jette en bas, dit le vieillard en indiquant d’une main tremblante le petit aspirant de marine, nous partirons ensemble.

— Et Walter, qu’en ferez-vous ? dit le capitaine. Allons, allons, asseyez-vous, Gills, asseyez-vous, laissez-moi réfléchir un peu. Ah ! si je n’étais un pauvre petit rentier, qui n’ai juste que de quoi vivre au jour le jour, mes réflexions ne seraient pas longues. Faites seulement tête au vent, dit le capitaine en lui donnant de nouveau cette inappréciable consolation, et tout ira bien. »

Le vieux Sol le remercia avec effusion et s’éloigna ; mais, au lieu de faire tête au vent, il alla donner de la tête, en se relevant, contre le marbre de la cheminée de la salle à manger.

Le capitaine Cuttle se promena quelque temps de long en large dans la boutique, l’air tout rêveur ; il fronçait ses noirs sourcils d’une façon si prononcée, que son nez ressemblait à une montagne dont le sommet est caché par de sombres nuages : Walter n’osait lui adresser la parole dans la crainte d’interrompre le cours de ses méditations. M. Brogley, qui ne voulait gêner personne, et qui avait un tact exquis des convenances, se promenait sifflant tout bas. Il examinait les objets disposés dans la boutique, frappait sur les baromètres, secouait les boussoles, comme il eût pu faire d’une potion médicinale ; attirait des clefs avec des aimants, regardait dans les télescopes, essayait de se rendre plus familier l’usage des globes, se plantait sur le nez des astrolabes, et s’amusait encore à d’autres récréations scientifiques.

« Walter, dit enfin le capitaine. J’y suis ! j’ai trouvé un moyen !

— Vraiment ? capitaine, dit vivement Walter.

— Écoutez bien, mon garçon. Le fonds de commerce est une garantie ; moi, j’en suis une autre. Votre patron sera l’homme qui avancera l’argent.

— M. Dombey ? » balbutia Walter.

Le capitaine secoua gravement la tête : « Regardez-le, dit-il, regardez mon pauvre Gills. Si l’on vend tout ceci, il en mourra, vous le savez, n’est-ce pas ? Il faut s’accrocher à toutes les branches, et M. Dombey est une solide branche pour vous.

— Une solide branche, M. Dombey ! dit Walter en tremblant.

— Vous allez d’abord courir à votre bureau pour voir s’il y est, dit le capitaine en lui frappant sur l’épaule, et vitement. »

Walter comprit qu’il n’y avait pas à discuter : un coup d’œil jeté sur son oncle l’aurait d’ailleurs bientôt décidé, s’il avait hésité. Il obéit, courut au bureau et revint bientôt tout essoufflé.

M. Dombey était absent. Ce jour-là était un samedi ; et, depuis le matin, il était parti pour Brighton.

« Eh bien, Walter, dit le capitaine qui semblait avoir prévu le cas, nous allons droit à Brighton. Je vous accompagnerai, Walter, je vous accompagnerai, mon garçon. Nous partirons par la voiture du soir. »

S’il fallait absolument avoir recours à M. Dombey, ce qui était terrible à penser, Walter du moins aurait bien préféré faire la démarche seul, abandonné à lui-même, plutôt que de se voir sous la protection d’un homme tel que le capitaine. Car il pensait que M. Dombey ne pouvait attacher beaucoup d’importance à une semblable recommandation. Mais le capitaine semblait être d’une opinion tout à fait différente et se montrait bien résolu à l’accompagner. Comme son amitié était trop pleine de dévouement et de sincérité pour être traitée légèrement par un aussi jeune garçon que Walter, celui-ci se garda bien de hasarder la moindre objection. Donc le capitaine, prenant congé de Solomon Gills en toute hâte, fit rentrer dans sa poche les écus, les cuillers, la pince à sucre, la montre en argent, dans l’intention, comme Walter le pensa avec terreur, de produire une fastueuse impression sur l’esprit de M. Dombey ; puis il se transporta, sans perdre une minute, au bureau de la diligence, répétant au jeune homme tout le long de la route qu’il s’attacherait à ses pas jusqu’à la fin.