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Encyclopédie méthodique/Architecture/croisée

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CROISÉE, s. f. C’est le nom qu’on donne à la baye d’une fenêtre, à la menuiserie qui en forme le châssis, & à la décoration qui encadre l’ouverture de la fenêtre.

Des croisées en général.

Les croisées sont de toutes les parties d’un édifice, celles qui exigent le plus de relation avec la distribution intérieure. Un architecte qui n’auroit pour objet que la décoration des dehors, & qui négligeroit le rapport qui doit exister entre l’extérieur & l’intérieur d’un bâtiment, ne pourroit se considérer que comme un décorateur. Son premier devoir étant de satisfaire aux lois de la symétrie, il fera en sorte que les croisées, qui, du côté des murs de face, doivent faire partie d’une ordonnance régulière, soient également relatives à ce qu’exige dans l’intérieur chaque pièce en particulier, afin que les trumeaux deviennent d’une égale largeur, que ses espacemens soient symétriques & correspondans dans les salles, cabinets, etc. Sans cette intelligence, on verroit l’art de la distribution & bientôt celui de l’architecture, retourner à cet état d’enfance & de barbarie qui caractérise les édifices du quatorzième & quinzième siècle, où la nécessité de percer un jour dans une pièce, sans aucune relation avec le dehors, n’arrêtoit point les architectes. Presque jamais ces croisées placées pour l’utilité intérieure, n’avoient de rapport avec la décoration extérieure, ni avec celles des autres étages.

Aujourd’hui que la symétrie tient le rang qu’elle doit avoir dans l’ordonnance des bâtimens, on exige plus de retenue, & l’art de la distribution est devenu une science pour ceux qui veulent réunir toutes les parties de l’architecture. Non-seulement on doit observer que toutes les croisées tombent à-plomb les unes sur les autres ; mais il faut encore qu’elles aient un rapport de proportion. entr’elles. C’est pour cela que dans les bâtimens de quelque importance, on affecte de figurer des croisées factices au-dessus, au-dessous, à côté ou vis-à-vis de celles qui sont reconnues nécessaires, afin de concerter dans les façades extérieures les lois de la symétrie.

De la proportion des croisées.

Vitruve, Palladio, Scamozzi, Philibert de Lorme, & plusieurs autres architectes, ont parlé diversement de la proportion des croisées. Leurs opinions doivent différer, comme les usages des pays, pour lesquels ils ont écrit. Rien, en effet, ne comporte plus de variété selon les climats, les degrés de température, la longueur des jours, la pureté du ciel, les occupations commerciales, les usages de la vie & les besoins de la société, que les ouvertures par lesquelles la lumière du jour s’introduit dans l’intérieur des maisons & des appartemens.

Dans les climats chauds les croisées sont rares, & d’une dimension peu étendue. A mesure qu’on avance vers les pays ou le soleil a moins de force & l’hiver plus de durée, on remarque que les croisées se pratiquent de manière à pouvoir jouir de tout le soleil & de toute la lumière, que la nature plus avare ne semble leur accorder qu’à regret.

Il y auroit donc de l’absurdité à prétendre qu’on peut fixer des règles invariables pour la proportion des croisées, puisque la nature ne s’est soumise elle-même à aucune proportion fixe dans la durée des jours, & dans la temperature des climats.

Si les croisées sont de toutes les parties des édifices celles qui doivent subir le plus arbitrairement l’empire & la loi du besoin, il n’est pas moins vrai, qu’abstraction faite de ces raisons impérieuses, elles peuvent aussi recevoir de l’art, considéré comme recherche des rapports les plus harmonieux, des règles de proportion sur lesquelles le goût des différens peuples s’accordera, comme on s’accorde sur le beau idéal.

Un édifice peut se considérer extérieurement comme un composé de pleins & de vides, & sous ce rapport seul indépendant des besoins & des commodités de l’intérieur. Il y a des règles que la solidité prescrit ; il y en a d’autres que la convenance, que le bon accord des parties, que le plaisir attaché à une harmonieuse corrélation, saura rendre générales à tous les yeux qui se seront exercés dans la recherche de cette sorte de beauté.

Par exemple, la solidité prescrit de faire les trumeaux des croisées au moins égaux en largeur à l’ouverture de celles-ci. Dans les pays ou l’on ne donne aux trumeaux que la moitié ou le tiers de l’ouverture, on ne sauroit se dissimuler que le vide l’emportant sur le plein, la construction ne se trouve par trop affoiblie, & que ces maisons n’aient besoin de fréquentes restaurations. Dans d’autres pays, l’on donne aux trumeaux jufqu’à deux fois la largeur des croisées, & alors les maisons reçoivent un caractère de pesanteur & de sérieux qui les rend tristes à la vue. Pour le bon effet de l’architecture, il vaudroit mieux tomber encore dans ce dernier excès que dans le premier, car le plus grand vice de toute construction est le défaut de solidité, & l’apparence seule de ce défaut en est presqu’un aussi grand.

Le moyen terme de la proportion des croisées consiste à leur donner en hauteur le double de leur largeur. Cette règle est la plus genéralement suivie dans les meilleurs édifices de Rome & de Florence. Cependant cette proportion varie selon la nature des étages. Les croisées des rez-de-chaussée sont tenues plus basses d’un huitième, comme aussi l’on donne ce huitième de plus, & quelquefois deux, aux croisées des étages supérieurs.

En France, les architectes ont toujours tenu la proportion des croisées plus longue. Celles de la cour du vieux Louvre, les seules qu’on puisse mettre, par leur beauté, en parallèle avec les ouvrages de l’Italie, ont deux fois & demie leur largeur en hauteur. (Voyez fig. 83.)

L’usage des balcons à chaque fenêtre n’a pas peu contribué aussi depuis quelque temps à allonger les croisées. Il faut alors que la tablette d’appui n’aille que jusqu’à la hauteur du genou, au lieu que dans les croisées mieux proportionnées pour l’extérieur, l’appui peut venir jusqu’à mi-corps.

On ne sauroit nier que ortie ouverture ainC prolongée de la croisée, ne donne de la gaieté aux intérieurs des appartemens, & ne soit même d’un ajustement plus heureux pour la décoration, en établissant plus de symétrie entre les portes & les fenêtres. Philibert de Lorme est celui qui approche le plus dans ses règles des proportions usitées en France. Il veut que les pièces qui auront vingt pieds de largeur ayent des croisées larges de cinq pieds entre leur encadrement ; que celles des pièces de vingt-quatre à vingt-cinq pieds ayent cinq pieds & demi & qu’on en donne six aux croisées qui appartiennent à des pièces de vingt huit à trente pieds. Cette regle, fort bonne dans bien des occasions, est cependant difficile à mettre en pratique ; car la nécessité dans laquelle on se trouve de faire les croisées du dehors d’un bâtiment de la même grandeur dans les avant & dans les arrière-corps, se trouve contredite par celle qui veut qu’on tienne les différentes pièces de différente grandeur. Par exemple, des salles d’audience, de conseil, d’assemblée, devant être plus grandes & plus spacieuses que les chambres à coucher, les cabinets, &c. Il résultoit de l’opinion de Philibert de Lorme, que pour satisfaire à la grandeur des croisées, il faudroit extérieurement les faire de proportions inégales, selon la diversité du diamètre des pièces.

A l’égard de la hauteur des croisées, Philibert de Lorme veut qu’elles soient le plus élevées qu’il sera possible du côté du plafond, & conseille d’y pratiquer en dedans des arrière-voussures, lorsque la hauteur des planchers peut le permettre. Cette pratique est très-bonne à suivre, principalement lorsque les plafonds sont en calotte, & ornés de peintures ou de sculptures ; autrement le jour ne frappant sur eux que par reflet, leur richesse ne fait point d’effet.

De la distibution des croisées.

L’on doit observer de mettre toujours les croisées en nombre impair dans la décoration d’un bâtiment & principalement celles qui décorent les avant-corps d’une façade. Il convient qu’au milieu de ces avant-corps il se trouve un vide & non pas un trumeau. Malgré les exemples que l’on peut trouver dans quelques palais, d’une disposition contraire, le précepte qu’on vient d’énoncer doit passer pour une règle générale. Elle ne souffre d’exceptions que dans les maisons particulières, dont l’ensemble, subordonné à l’irrégularité des terrains, & à une multitude de besoins ou de convenances contre lesquelles on ne sauroit s’élever, repousse impérieusement les règles d’une exacte symétrie. Cette sevérité n’est pas si nécessaire non plus dans les arrière-corps, dans les ailes, ou même dans les pavillons de l’extrémité d’un bâtiment. Ceux, par exemple, du palais du Luxembourg, à Paris, du côté de la rue de Tournon, offrent un trumeau dans leur milieu en place d’un vide ; mais c’est qu’en ce cas l’on considère ces pavillions comme faisant partie d’un ensemble plus considérable, auquel la distribution générale des croisées doit se trouver assujettie. Il vaut cependant mieux alors régler la distribution de manière à ne faire usage dans ces pavillons que d’une seule ouverture.

La distribution des croisées ne s’envisage pas seulement sous le rapport de leur ordonnance horizontale dans un étage. Il y a entr’elles un autre rapport non moins important ; c’est celui qui doit régler leurs intervalles & leur correspondance d’un étage à un autre. Comme un édifice déplait à l’œil, lorsqu’il est percé de trop de croisées & que les vides l’emportent sur les pleins ; de même il répugne à la solidité, connue au bon goût, de ne sépater les étages que par de trop maigres intervalles. Il doit régner entre l’étage supérieur & l’inférieur un espacement qui indique, outre l’épaisseur des plafonds, une hauteur nécessaire à l’appui des fenêtres. A cet égard les croisées où cet appui et le plus haut dans l’intérieur, donnent a l’extérieur une plus heureuse distribution. Tout est cependant ici subordonné aux mœurs des peuples. Chez les anciens, où les croisées ne servoient qu’à donner de la lumière dans les appartemens & non à regarder dans les rues, les appuis étoient très-surhaussés, & les intervalles entre les étages très-considérables. Rien n’est plus favorable à l’architecture, soit qu’on tienne lisses les murs des maisons, soit qu’on y introduise des ordonnances de colonnes ou de pilastres.

On ne sauroit donner à la distribution des croisées, dans les intérieurs, de règles précises. La seule à suivre est la symétrie ; j’entends par ce mot, la correspondance la plus exacte qu’il sera possible d’observer entre les intervalles ou trumeaux qui séparent les croisées, ainsi que leur répétition exacte, s’il s’en trouve qui soient placées de manière à se répondre, comme cela se pratique dans les appartement simples, & qui occupent toute la largeur d’un bâtiment.

De la forme ou configuration des croisées.

Les principales différences de formes des croisées consistent dans la diversité de leurs ouvertures.

On distingue d’abord les croisées qui servent de portes d’avec celles qui ne sont que des fenêtres. Les premières s’emploient dans les rez-de-chaussée. Ordinairement elles ont la forme d’arcades, quoique l’on en fasse aussi en plate-bande.

On distingue ensuite les croisées fenêtres en trois espèces, savoir, celles en plein ceintre, celles à plate-bande, & celles qu’on nomme bombées.

Les croisées en plein ceintre ne s’emploient avec succès que dans les grandes masses de bâtimens. Elles font un bel effet dans les monument de Florence, comme au palais Pitti. Elles sont aussi spécialement affectées aux églises qui comportent de très-grands vitraux.

Les croisées en plate-bande sont les plus usitées & les moins dispendieuses pour la construction. Elles se font, soit en maçonnerie, soit en charpente, soit en pierres d’une seule pièce, ou taillées à claveaux.

Les croisées bombées sont moins belles pour la forme, parce qu’elles tiennent un milieu équivoque entre le ceintre & la plate-bande.

Les croisées en plein ceintre ne sont en général autre chose que des portes appelées portes croisées, c’est-à-dire qu’elles peuvent servir à l’un & à l’autre usage. On les destine le plus souvent à éclairer les vestibules, en même temps qu’elles leur donnent entrée, ainsi qu’aux grands salons, aux galeries ou à toute autre grande pièce d’un appartement. Celles qui se trouvent placées extérieurement dans l’étendue d’une façade, dont la décoration exige une même ordonnance, doivent répondre à la forme des bases des arcades en plein ceintre, qui décorent les principaux avant-corps d un édifice. Ce genre de croisées en arcades ne convient néanmoins qu’au rez de chaussée, lorqu’un grand perron en terrasse règne au pourtour, soit devant une façade de bâtimens, soit encore dans le premier étage d’un édifice ou l’on place une balustrade. Mais lorsque le diamètre intérieur des pièces, n’exige pas d’aussi grandes ouvertures que celles des portes en plein ceintre, on affecte des croisées prises & renfermées dans les bayes des arcades, que l’on tient alors d’une largeur proportionnée à la lumière dont on a besoin dans les dedans, & l’extrémité supérieure de ces croisées s’élève jusques sous l’intrados. Si elle descend en contrebas, elle doit être décrite du même centre que celui qui a servi à tracer le plein ceintre. Pour proportionner la hauteur de ces croisées à leur largeur ainsi rétrecie, on élève un appui de pierre, & l’arcade n’est que feinte pour satisfaire à l’ordonnance générale des autres portes croisées en plein ceintre.

On emploie encore des croisées, ou circulaires, qu’on appelle œil de bœuf, ou se composant d’un demi-cercle. Elles ne sont d’usage que dans des soubassemens ou des attiques : c’est sur-tout avec des refends ou des bossages qu’on les emploie le plus convenablement.

Toutes les autres configurations de croisées que la manie d’innover a multipliées dans les monumens de ce siècle, ne mériteroient d’être connues que pour être réprouvées ; ainsi nous ne parlerons ni des croisées surbaissées, ni des croisées à crossettes, à oreillons, &c.

De la décoration des croisées.

On n’est pas convenu, & peut-être ne conviendra-t-on jamais de la forme & de la proportion de croisées que l’on pourroit affecter à aucune des différentes ordonnances ou à chacun des divers modes d’architecture, selon lesquels se construisent les édifices. Il seroit à desirer qu’on pût fixer à chaque caractère de monumens un caractère correspondant d’ouvertures de portes ou de croisées ; mais rien n’est plus soumis à l’arbitraire du goût. Rien aussi n’est plus livré aux sujétions du besoin. Lorsque l’architectuee veut que le mode de tel édifice soit sérieux & grave, lorsque la bienséance demande une ordonnance, ou rustique, ou dorique, les convenances intérieures exigeront de grands jours ou bien des percés trop multipliés ; & alors s’établit entre le caractère de l’ordonnance, & celui des ouvertures, une contradiction dont il n’est que trop aisé de citer les exemples.

Si l’architecte est moins libre d’approprier au caractère général de l’ordonnance, la forme, la proportion, & même la disposition des croisées, il ne sauroit trouver les mêmes excuses pour tout ce qui a rapport à leur décoration. Depuis l’entière nudité des ouvertures jusqu’aux chambranles décorés d’allégories & d’ornemens, les degrés sont très-nombreux. En général les croisées nues & sans chambranles ne doivent s’employer que dans les maisons privées, où l’architecture & l’art n’entrent pour rien, ou dans des parties extrêmement simples d’édifices, & qui répugnent à toute espèce d’embellissement. C’est dans le caractère des chambranles ou des encadrement de croisées, c’est dans la mesure de richesse ou de simplicité dont ils sont susceptibles que l’on trouve les tons & les mesures propres à rendre sensible le caractère des édifices. Beaucoup d’architectes croyent donner ce qu’ils appellent du caractère à leur architecture, en tenant les croisées lisses, ils se trompent ; toute croisée lisse est nulle pour l’effet & pour le caractère, c’est le zéro en fait d’ornement. On ne sauroit pardonner à beaucoup d’édifices riches & décorés du reste, d’offrir, dans leurs croisées, la même pauvreté d’ouvertures que l’on trouve aux maisons particulières : cette disconvenance est frappante dans la plûpart des ouvrages faits en France depuis quelques années. On ne sauroit l’attribuer qu’à l’habitude où sont les hommes de passer brusquement dans tous la genres d’un extrème à l’autre, et à l’emploi si inconsidéré qu’on a fait, depuis quelque temps, de l’antique ordonnance dorique des Grecs. On a cru que des chambranles contrarieroient l’austérité de ce style ; & comme on a cru qu’il étoit pauvre, on a cherché à lui assortir toutes les parties accessoires.

Le fait est, comme on le verra au mot Dorique, que cet ordre est le plus haut degré de la force en architecture ; que le caractère de force repousse les délicatesses de l’ornement, mais est très-éloigné de commander la privation de tout ornement. L’harmonie exige donc qu’on l’environne de tout ce que l’architecture a de plus mâle dans la manière de profiler & d’orner, & l’on trouvera dans certains chambranles de l’architecture florentine les modèles, (voyez fig. 80) qui peuvent former le premier mode de croisées appliquables au genre sévère du dorique.

Il est cependant encore un mode d’orner les croisées, qui peut l’emporter en austérité ; c’est celui qu’on appelle rustique. Il consiste à entourer la baye des croisées, de refends ou de bossages plus ou moins saillans, plus ou moins âpres, selon le degré de force ou de rudesse qu’on a imprimée à la masse générale. (Voyez fig. 84). Les monumens de la Toscane, sur-tout, offrent de grands & presque d’effrayans modèles en ce genre. On risque toujours, il est vrai, de les mal imiter, parcequ’il est de trouver, soit des matériaux aussi favorables au genre rustique que ceux de la Toscane, soit des masses de construction aussi prodigieuses, soit des convenances qui permettent un auffi enorme genre de bâtir. En géneral, les croisées rustiques ou à bossages ne s’emploient avec succès que dans de grands édifices, & toutes les fois qu’on y admet une odonnance de colonnes, on doit se montrer sobre d’une telle manière d’orner les chambranles.

Palladio & l’École vénitienne peuvent cependant donner des leçons sur cette matière. C’est là qu’on fera le cours le plus complet de décoration de croisées. Il eft même difficile de refuser son approbation à certains chambranles, où les profils se trouvent comme interrompus par des refends. Ces espèces de caprices ont été traités avec tant de goût par Palladio, qu’ils sont, en quelque sorte, devenus classiques. Si la sévérité de l’architecture les rejette hors des règles ordinaires, la complaisance du goût les accueille comme moyens de caractériser certains édifices. (Voyez fig. 85)

Lorfqu’on emploie l’ordre dorique dans toute sa sévérité, il convient de n’admettre dans les chambranles que les profils les plus mâles (Voyez figure ci-dessus) ; ou bien même un encadrement tel que celui qu’on voit au petit temple d’Erechtée à Athènes, quoique l’ordre de celui-ci soit ionique. Comme tout ce qui tend à l’idée de force & de solidité est toujours bien approprié à l’ordre dorique, il sera bon, & même convenable, de donner quelque chose de pyramidal à la forme des croisées, comme les anciens le pratiquèrent, non-seulement dans celles-ci, mais encore dans les portes. Les encadremens des croisées doriques ne doivent point avoir d’ornemens.

On en donnera aux chambranles ioniques, en observant que la sculpture y soit plus délicate que riche. (Voyez fig. 81). Si l’on veut suivre une progression dans la forme comme dans la richesse, on donnera aux croisées ioniques un entablement sans fronton.

Toute la richesse de la forme, de la proportion & de la sculpture se réservera pour l’ordonnance corinthienne, & l’on y affectera la croisée dont on voit le dessein (figure 82 et 83). Cette croisée a son chambranle surmonté d’un fronton. Quelqu’objection que on puisse faire contre l’emploi d’un fronton sur des croisées, comme le besoin & l’usage se sont réunis pour en consacrer l’emploi, il n’est peut-être permis de se montrer difficile sur cet article, que dans des intérieurs, où la figure du fronton semble être en contradiction avec la place qu’elle occupe & le lieu où elle se trouve.

S’il étoit permis de vouloir être plus que riche en architecture, & d’établir au-dessus du degré affecté au corinthien, un degré qui ne seroit plus que celui du luxe, c’est-à-dire vicieux, on mettroit encore au-dessus des croisées qu’on vient de décrire, celles où le fronton se trouve supporté par des colonnes ou des pilastres. On en voit beaucoup de ce genre aux palais d’Italie. Mais on sent que cet emploi de colonnes, ainsi appliquées à la décoration des croisées, n’a pu venir que de ce faux esprit d’analogie, qui, dans les arts de convention, abuse des commencemens d’abus, & ne sachant discerner la limite du vraisemblable, tire des conséquences de ce qui est déjà par soi-même un commencement d’inconséquence.

C’est à cet esprit d’exagération qu’on doit ces croisées ambitieusement décorées dont l’attirail pompeux ne flatte que les yeux ignorans, & dont on s’abstiendra de donner des descriptions.

Il y auroit beaucoup à ajouter aux détails & à la théorie de cet article, mais ce qui manque ici trouvera sa place aux mots Fenêtre, Porte, Encadrement, &c.

Croisée ceintrée. Croisée qui a non-seulement la fermeture en plein ceintre, ou en anse de panier, mais encore dont la menuiserie est ceintrée par son plan, pour garnir quelque baye dans une tour ronde, comme les croisées d’un dôme ou d’une lanterne.

Croisée d’église. C’est le travers qui forme les deux bras d’une église bâtie en croix.

Croisée d’ogives. On appellea insi les arcs ou nervures qui prennent naissance des branches d’ogives, & qui se croisent diagonalement dans les voûtes gothiques. (Voyez Ogyves.)

Croisée partagée. C’est une croisée qui est à quatre, à & six ou à huit jours, c’est-à-dire recroisée par autant de panneaux de verre.