Encyclopédie méthodique/Architecture/fenêtre

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FENÊTRE. s. f. est, dans l’usage de la langue, le nom générique que l’on donne à toute ouverture pratiquée dans les édifices pour éclairer leur intérieur. Le mot croisée est devenu, dans la langue de l’architecture en France, le mot reçu pour exprimer, non toute espèce de fenêtres, mais particulièrement celles qui se lient aux ordonnances des façades, qui reçoivent des ornemens, & qui contribuent par leurs formes, leurs dispositions, leurs proportions, au bel effet & à la décoration des maisons, des palais & des monument où elles sont employées. Nous avons déjà traité des croisées à ce mot (Voyez Croisée) ; nous avons développé les notions relatives à l’art de l’architecture & à la décoration que cette matière comporte. Nous nous bornerons ici à envisager les fenêtres, soit historiquement dans leur emploi, soit pratiquement dans leurs formes, selon le sens général de la définition que nous en avons donnée.

L’emploi des fenêtres pour chaque génie d’édifice fut toujours subordonné, dans les différentes régions, soit aux usages civils, religieux ou politiques, soit aux influences des climats.

Si l’on considère, par exemple, les fenêtres dans leur application aux temples & aux édifices sacrés, qui sont presque les seuls monumens où le parallèle entre les anciens & les modernes puisse avoir lieu, on se persuade que l’architecture, en cette partie, fut soumise aux usages des différens cultes.

Les temples de l’Egypte sont sans contredit les plus considérables des édifices religieux qui aient été construits sur la terre ; mais il n’en est pas qui aient eu moins besoin de fenêtres.

Le temple égyptien étoit composé d’une vaste enceinte découverte ; de plusieurs grandes portes appelées propylées, séparées les unes des autres par des galeries en colonnes, & se divisant par deux massifs en forme de tours ; d’un pronaos flanqué de murs, orné intérieurement de plusieurs rangées de colonnes, dont les entre-colonnemens sont fermés par de petits murs jusqu’à moitié de la colonne, ou jusqu’aux deux tiers ; d’un naos qui se composoit lui-même de plusieurs pièces ; d’un secos, avec des corridors à l’entour. Il est sensible que le peuple n’étoit admis que dans certaines parties de ce vaste ensemble, & seulement dans les parties ouvertes, telles que le dromos de l’enceinte & les cours ou galeries des propylées. Les pièces du naos proprement dit, étoient trop petites, pour avoir pu recevoir le moindre concours de spectateurs on d’assistans.

Une autre raison s’opposoit en Egypte à la grande étendue des pièces intérieures ; c’est la méthode de plafonner en pierres de taille. En effet, quelque étendue qu’on donne à de tels matériaux, il ne peut en résulter que de très-modiques intérieurs. Les temples de l’Egypte paroissent d’ailleurs avoir été adaptés à un culte fort mystérieux. Il y a lieu de croire que le secos, autrement dit l’adytum ou le penetrale, étoit la demeure de l’animal sacré qui étoit le symbole vivant de la divinité du temple. Il entroit, on ne peut pas plus, dans les intérêts de ce culte de n’admettre que fort peu les regards de la curiosité sur des objets, dont le sens moral eut bientôt fait place au sens matériel.

Les temples égyptiens n’avoient donc, dans leurs pièces intérieures, besoin de la lumière du jour, qu’autant qu’il en falloit pour qu’elles ne fussent pas tout-à-fait obscures ; aussi ce que les voyageurs y ont trouvé & décrit de fenêtres, constate tout ce qu’on vient de dire. Par exemple, dans les grandes façades des propylées, divisées en deux tours, il se rencontre d’assez nombreures fenêtres qui éclairoient, soit les montées des escaliers pratiqués dans les massifs des tours, soit les pièces distribuées dans leurs parties supérieures ; mais généralement ces fenêtres ne sont que des ouvertures commandées par le besoin, & sans rapport avec la décoration. Les derniers voyageurs ont observé même, que ces ouvertures coupent les figures hiéroglyphiques, difposées sur les façades des murs par rangées horizontales, à peu près de la façon dont les jours ouverts sur la hauteur des colonnes Trajane et Antonine à Rome, pour éclairer l’escalier, coupent les figures des bas-reliefs sculptés autour du fût.

Les mêmes voyageurs ont fait mention de petites ouvertures plus étroites en dehors qu’en dedans, percées, soit dans les murs latéraux, soit même aussi dans les plafonds des pièces intérieures du naos, au moyen desquelles ces intérieurs recevoient une assez foible lumière. Voilà à peu près tout ce qu’on sait sur les fenêtres des temples en Egypte : d’où l’on peut conclure que leurs salles intérieures étoient assez obscures. Mais il paroit aissi qu’il y avoit fort peu d’objets qui eussent besoin d’être éclairés. Les figures hiéroglypbiques dont toutes ces surfaces étoient ordinairement remplies, ne formeroient point une objection sérieuse, puisque les tombeaux, destinés à une clôture éternelle, n’étoient ni moins décorés ni moins soigneusement sculptés que les édifices exposés à la vue ; ce qui fait qu’on peut douter que les sculptures ou peintures hiéroglyphes aient eu en Egypte la décoration pour objet.

Les temples des Grecs, dans leur disposition & leur décoration, ressemblent à ceux de l’Egypte sous le même rapport, & à peu près de la même façon que la religion grecque participe de la religion égyptienne. Il y a bien quelque chose de commun dans les idées originaires, mais ce principe commun étoit déjà fort peu aperçu dans l’antiquité. Or, en fait de religion, comme en fait d’art & d’architecture, la moindre déviation du point de départ produit à la longue de tels intervalles entre les objets, que le nœud qui les rassemble, échappe à toutes les recherches.

La religion en Egypte, soit qu’on la rapporte à l’adoration de la Divinité définie dans chacun de ses attributs par les qualités des êtres sensibles, soit qu’on prétende qu’elle eut pour objet le principe universel ou la puissance de la nature exprimée par les signes astronomiques des animaux figurés dans les planispheres ; cette religion, dis-je, paroit avoir renfermé dans ses sanctuaires différentes sortes d’animaux vivans, correspondans, selon les opinions reçues, aux différentes idées d’un système, soit de morale, soit d’astrologie. Le culte des animaux propres à l’Egypte étoit bien probablement un culte emblématique, & l’animal n’étoit lui-même qu’une allégorie.

On ne trouve point en Grèce le culte des animaux ; mais l’idée symbolique attachée à l’animal sacré de l’Egypte, semble avoir donné naissance au culte antropomorphique de la Grèce qui ne fit autre choie que substituer aux animaux, des êtres humains dont les attributs, les qualités & les propriétés furent originairement les memes : de-là une différence bien sensible dans ce qui formoit l’essentiel du temple. La partie principale du temple grec éloit la demeure d’un dieu sculpté sous forme humaine ; ce dieu, ouvrage on chef-d’œuvre de l’art, devoit être visible. L’intérieur du naos dut être par conséquent une pièce assez spacieuse, & jouissant d’une lumière suffisante pour éclairer la statue, & tous les objets de curiosité & de dévotion qu’on consacroit à la Divinité.

Un préjugé répandu chez presque tous les écrivains, a contribué jusqu’ici à faire croire que les temples grecs ne recevoient point de lumière dans leur intérieur. Cette opinion est résultée de ce qu’on n’a point vu de fenêtres aux murs du plus grand nombre des temples romains conservés jusqu’à nos jours, & de ce que les temples périptères de la Grèce, dont les voyageurs modernes nous ont donné les dessins & les descriptions, n’ont pas non plus de fenêtres.

Cependant cette opinion ne peut pas soutenir l’examen. Il est certain d’abord, quant aux temples romains, que ceux qui étoient circulaires étoient éclairés ou d’en-haut, comme le Panthéon, ou par des fenêtres de côté, comme les temples de Vesta à Rome & de Tivoli, dont les chambranles subsistent encore, ou par des clathri ou treillis, comme on en voit sur des bas-reliefs à plus d’un temple sphérique, ou simplement par leur porte.

L’ouverture de la porte étoit ensuite, pour beaucoup de temples quadrangulaires d’une petite ou d’une moyenne étendue, tels que les temples de Nimes & celui d’Affise, un moyen suffisant d’éclairer l’intérieur de la cella, & souvent encore des jours pratiqués au-dessus de la porte d’entrée, devoient y augmenter la lumière.

Mais à l’égard des grands temples, au nombre desquels on doit mettre les temples périptères d’ordre dorique de la grande Grèce, de la Sicile & de la Grèce proprement dite, il est prouvé que l’ouverture de la porte abritée & renfoncée sous les colonnes du prostylon & du pronaos, c’est-à dire, à trente ou quarante pieds du jour, n’auroit pu éclairer l’intérieur d’une cella de cent pieds de long, comme étoit celle des temples de Minerve à Athènes & de Jupiter à Olympie ; & cependant, lorsqu’on parcourt avec Pausanias l’intérieur de ces temples remplis de toutes les curiosités de l’art, lorsqu’on pense qu’on y voyoit des colosses d’or & d’ivoire, des troncs ornés de peintures & de bas-reliefs, il est impossible de se persuader que de tels chefs-d’œuvre auroient été renfermés dans des espèces d’antres obscurs & impénétrables aux rayons du jour.

La ressource de la lumière artificielle des lampes & des candélabres s’offre bien à l’esprit ; mais outre qu’elle eût été insuffisante pour éclairer des colosses & des compositions de cette étendue, on doit dire encore que cette opinion n’auroit pour elle aucune autorité chez les écrivains. Un très-grand nombre de passages relatifs à l’intérieur des temples, non-seulement donnent à entendre, mais forcent de croire qu’ils étoient éclairés de la lumière du jour ; & quant à la lumière des lampes, on est fondé à penser qu’elle n’étoit employée, comme dans les temples chrétiens, que par un motif religieux.

Une supposition s’est présentée à l’esprit de quelques critiques pour accorder, dans les temples de Minerve & de Jupiter à Olympie, le besoin que leur intérieur avoit de lumière, avec l’opinion que ces édifices ne devoient point avoir de fenêtres. Comme ces deux temples avoient leur intérieur orné de deux rangs de colonnes, & que ce genre de disposition est du nombre de celles que Vitruve a affectées à la cinquième espèce de temples qu’il appelle hypæthre, ou dont le milieu, selon lui, devoit être découvert, on a présumé que les temples à deux rangs de colonnes intérieures étoient tous du genre hypæthre, & que dans cette donnée, ce que Vitruve appelle le milieu, medium sub divo, s’étendoit à toute la cella ; que dès-lors le naos intérieur étoit sans couverture, & qu’ainsi il recevoit toute la lumière du jour.

Mais alors, nouvel inconvénient. Comment supposer que des ouvrages aussi précieux & aussi délicats par leur travail, que susceptibles des impressions de l’air par leur matière, auraient été abandonnés à toutes les intempéries des saisons ? Est-il bien vrai d’ailleurs que tous les temples qui avoient deux rangs de colonnes l’un au-dessus de l’autre, aient été du genre appelé hypæthre par Vitruve, & que le temple que Vitruve désigne par ce pont ait eu tout son intérieur découvert ? (Voyez, à cet égard, le mot Hypæthre, où l’on donne une solution de ces questions.)

M. Stuart, dans ses Antiquités d’Athènes, a proposé l’opinion que les voiles de temple (parapetasinata) pouvoient, dans les temples découverts, abriter les statues par leur position horizontale. Mais nous verrons au mot Parapetaima, que cette position fut toujours verticale.

Au reste, on dira ici d’avance, que le passage de Vitruve sur le temple hypæthre, n’emporte point la conséquence que tout l’intérieur de la cella fut découvert ; mais que seulement on doit en conclure que le milieu du temple ou du naos étoit percé à jour, ce qui fut commun aux temples de plusieurs divinités, qu’ils aient eu ou non deux rangs de galeries intérieures. Le passage de Vitruve, medium autem sub divo est sine tecto, est donc une autorité de plus en faveur de l’opinion, que les temples qui n’avoient point de fenêtres latérales, & qui ne pouvoient recevoir assez de jour par leur porte, étoient éclairés par des ouvertures de comble ; & il est impossible d’avoir une autre opinion à l’égard de ceux des autres temples périptères grecs qui ne peuvent être supposés du genre prétendu hypæthre de Vitruve, cest-à-dire, qui n’avoient pas les deux rangs de galeries intérieures.

Plus d’une autorité recueillie chez les écrivains montre que les ouvertures ou fenêtres de comble furent fréquemment pratiquées dans les temples des Anciens ; & si l’on rapproche de cette notion, la facilité qu’ils eurent dans des toits & des plafonds, la plupart en charpente, de ménager des jours ou latéraux ou verticaux, il faudroit s’étonner, non qu’ils aient usé de ce moyen, mais qu’ils l’aient négligé.

Plutarque enfin nous a fourni à cet égard un renseignement aussi précieux que positif : il cite l’architecte qui, au sommet de la couverture du temple de Cérès à Eleusis, avoit pratiqué la fenêtre verticale ὀπαῖον qui devoit éclairer l’intérieur. Or, le récit même de Plutarque, & la mention qu’il fait des divers architectes qui se sont succédés dans la construction de l’intérieur de ce temple, prouvent qu’il avoit les deux ordres de colonnes l’un sur l’autre, auxquels le passage de Vitruve fait reconnoître le temple qu’il appelle hypæthre. Bien d’autres considérations doivent porter à penser que la cella ou la nef du temple dans lequel on célébroit les mystères, dans lequel les initiés passoient la nuit, ne put pas être découvert, à la manière de ceux qui interprètent le passage de Vitruve selon le sens que nous combattons. Il paroit donc à peu près démontré que l’intérieur du temple d’Eleusis étoit éclairé par une fenêtre de comble.

Les fenêtres de comble, dont le Panthéon de Rome nous a conservé l’exemple à peu près unique, étoient très-probablement beaucoup plus multipliées qu’on ne le pense dans les combles de charpente des temples, où il fut si facile de les pratiquer. Comme toutes les toitures des édifices anciens ont disparu, & comme avec elles ont disparu aussi les preuves palpables & matérielles de ces sortes de fenêtres, bien des personnes sont portées à en nier l’existence. Mais lorsqu’à toutes les raisons tirées de la vraisemblance, de l’analogie, de la nécessité, se joignent les autorités des monumens de l’histoire, il paroit qu’on ne peut plus se refuser à croire la chose en question.

Ainsi deux inscriptions qui font partie des Monumenti marmorei di fratelli Arvali, tavol. 24 & tavol. 3a, nous apprennent que le magister fratrum Arvalium venoit au temple de la Concorde ; que là, se plaçant sous la partie du comble qui étoit découverte sub divo culmine, & la tête voilée, il indiquoit le sacrifice à faire pour la santé de l’Empereur. Chacune de ces inscriptions semble placer cette fenêtre de comble dans le pronaos du temple ; mais comme nous ne voyons pas que le temple romain ait eu le même genre de pronaos que le temple grec, il est permis de croire que le lieu dont il s’agît dans les inscriptions n’étoit pas le dessous du prostylon du temple, mais un espace intérieur de la cella. Dans tous les cas, & quel que soit l’emplacement désigné, le comble offroit un jour d’en-haut.

Si l’on consulte Vitruve sur la construction des basiliques & les monumens de ce genre qui nous sont parvenus, il est indubitable que ces grands édifices recevoient le jour par des fenêtres latérales. Reliqua spatia inter parastaturum & columnarum trabes, per intercolumnia luminibus sunt relicta. (Vitruve, liv. V, chap. i.) Ce fut aussi de cette manière que furent éclairés dès l’origine les temples chrétiens, qui, comme on l’a dit (voyez Basilique), empruntèrent les formes & les usages des basiliques des Païens.

Les salles des thermes recevoient la lumière par de grandes fenêtres, ou plutôt par des ouvertures cintrées pratiquées dans le haut des murs, comme on peut le voir aux thermes de Dioclétien.

On a peu de notions positives sur les fenêtres dans les habitations & dans les maisons particulières chez les Anciens. La ville de Pompeii, qui aurait pu nous donner beaucoup de lumières sur cet article, n’offre que fort peu de restes d’habitations qui puissent témoigner de l’usage habituel des fenêtres. Presque toutes les maisons sont ruinées dans leurs étages supérieurs, & sont réduites à l’étage du rez-de-chaussée.

D’après les meilleurs renseignemens on est porté à croire que, dans la haute antiquité, les fenêtres étoient rares, petites & étroites. Si l’on consulte, dans Vitruve, le plan de la disposition des maisons grecques, elles n’avoient point de fenêtres ni de jours sur la rue. Les découvertes de Pompeii semblent confirmer ce fait, si l’on juge par les plans de ce que dûrent être les élévations de ses maisons. Ou présume encore que les fenêtres des appartemens étoient pratiquées assez haut, pour qu’il fût difficile d’en user selon la manière dont en usent les Modernes, c’est-à-dire, pour voir en dehors, & aussi pour être vu.

« Dans les bains, dit Winckelmann (Observations sur l’Architecture des Anciens), ainsi que dans les appartemens, les fenêtres étoient placées fort haut, comme elles le sont dans les ateliers de nos sculpleurs, ainsi qu’on l’a surtout remarqué aux maisons des villes ensevelies par le Vésuve. On peut s’en convaincre aussi par quelques tableaux d’Herculanum.(Pitt. d’Ercol., tom. I, pag. 171.) Ces maisons n’avoient aucune fenêtre sur la rue. »…. « Il n’est cependant pas vraisemblable, ajoute un peu plus bas le même antiquaire, que les maisons des grandes villes n’aient pas eu de fenêtres sur la rue. Plusieurs passages des poëtes indiquent même le contraire. »

Dans le même ouvrage, Winckelmann avance une opinion qui semble peu fondée, ou déduite d’autorités fort équivoques, sur l’usage des fenêtres dans les édifices antiques. Si l’on en peut juger, dit-il, par les restes surtout de la villa Adriana à Tivoli, il est à croire que les Anciens préféraient les ténèbres à la lumière, car on n’y trouve aucune voûte, ni aucune chambre qui ait des ouvertures pour servir de fenêtres. On a déjà répondu à Winckelmann, qu’on ne pouvoit tirer aucune conséquence, sur ce sujet, des ruines de la maison de campagne d’Adrien, tant que l’on ignorera à quel usage ces bâtimens étoient destinés. La plupart des écrivains témoignent contre cette opinion de Winckelmann. Varron (De Re rustica, lib. I, cap. 12) veut que les maisons de campagne soient fort éclairées. Vitruve prescrit la même chose, tant pour la ville que pour la campagne. Les maisons de Pline, dont on a rapporté des descriptions (voyez Campagne (Maison de)), étoient très-éclairées, ainsi que l’étoit l’édifice dont Lucien nous a laissé la description. (voyez Hippias.)

Il y a plusieurs lois romaines qui prouvent qu’on avoit une grande attention à ce que des voisins incommodes ne vinssent pas dérober la vue aux maisons, soit de ville, soit de campagne.

Nous avons dit que les fenêtres des maisons étoient petites : on l’a souvent conclu du passage de Cicéron qu’on va rapporter, quoiqu’il soit aussi permis d’en tirer une conséquence contraire. Cicéron (Epist. ad Attic., lib. II, epist. 3) répond à la critique que lui avoit adressée Atticus contre la petitesse des fenêtres d’une maison de campagne qu’il faisoit bâtir. Vous blâmez, lui dit-il, mes fenêtres, de ce qu’elles sont étroites ; apprenez que c’est blâmer la Cyropédie. Cyrus, mon architecte, à qui j’ai communiqué vos reproches, prétend que la transmission des images des objets est beaucoup moins agréable à travers de larges fenêtres. (Radiorum τὰς διαφάσεις latis Inminibus non tam esse suaves.) En effet, soit A l’œil qui voit, B & C l’objet qu’il voit, D & E les rayons qui vont de l’objet à l’œil, vous comprenez bien le reste. Ainsi la censure d’Atticus est une preuve que si l’architecte Cyrus avoit fait à Cicéron des fenêtres étroites, & s’il se trouvoit des gens de goût qui l’en blâmoient, cet usage n’étoit pas général.

De quelle manière les fenêtres, chez les Anciens, pouvoient-elles introduire le jour dans les intérieurs, & préserver de l’intempérie des saisons ? Cette question, comme l’on voit, touche à celle qu’on a souvent faite sur le genre de carreaux ou de matières transparentes qui étoient en usage. La réponse à cette question se trouvera aux mots Verre, Vitraux, Spéculaire. (Voy. ces mots.)

Il est constant que l’usage des fenêtres, considérées sous le rapport de leur nombre, de la grandeur de leur ouverture & de leur position, dépend dans chaque pays, non-seulement des coutumes de la vie civile, mais aussi du climat et de la température. Les circonstances morales supposées égales, les fenêtres fseront moins multipliées dans un pays chaud que dans un pays froid ; & là où le soleil se montre moins, où les jours sont & plus courts & plus nébuleux, on éprouvera le besoin d’augmenter & d’agrandir les ouvertures qui transmettent la lumière. C’est une des causes qui rendent, en quelques pays, la forme des fenêtres moins propre à s’accommoder avec la belle architecture.

A l’article Croisée (voyez ce mot), on a traité tout ce qui a rapport à l’architecture, en fait de fenêtres ; on a parlé de leur proportion de leur distribution, de leur forme, de leur décoration. Nous ne pourrions donc rien ajouter ici qui fut, à proprement parler, du ressort de l’art. Si l’on s’est étendu sur l’existence, l’usage & les variétés des fenêtres dans l’antiquité, c’est que cette partie des édifices que le temps a détruits est devenue, pour les Modernes, un point assez problématique, & qu’il reste encore plus d’une obscurité dans ce sujet. On n’a pas les mêmes raisons en parlant des fenêtres dans les bâtimens modernes. Tout le monde connoit tout ce qu’on peut dire de l’emploi qu’on en fait & de la diversité de leurs configurations. Nous nous bornerons donc à la simple nomenclature des dénominations qui en expriment les variétés.

Fenêtre à balcon est celle qui s’ouvre dans toute la hauteur de l’appartement & jusqu’au plancher, & dont l’appui en dehors est fermé par des entrelas ou des balustres. On en voit de semblables au château de Versailles, du côté du jardin.

Fenêtre atticurge. Fenêtre dont l’appui est plus large que le linteau, c’est-à-dire, dont les pieds-droits montans ne sont ni d’aplomb ni parallèles entr’eux. Telles sont, dans l’antique, les fenêtres du temple de la Sybille à Tivoli ; chez les Modernes, celles du palais Sachetti, & celles de la coupole de l’église de la Sapience à Rome. On a nommé ainsi cette sorte de fenêtre, parce qu’elle ressemble à la porte que Vitruve a appelée Atticurge. (Voyez ce mot.)

Fenêtre avec ordre. On appelle ainsi celle qui, outre son chambranle, est enrichie de petits pilastres ou de petites colonnes avec leur entablement. Ces fenêtres ainsi décorées prennent le nom de l’ordre auquel appartiennent les colonnes ou pilastres qui les décorent. Ainfi les fenêtres du premier étage du palais Farnèse à Rome sont corinthiennes, & celles du second étage sont ioniques.

Fenêtre biaise. C’est une fenêtre dont les tableaux de baie (voyez ce mot), quoique parallèles, ne sont pas taillés d’équerre avec le mur de face. On y pratique ce biais pour faciliter ou augmenter, selon le local, l’introduction de la lumière dans l’intérieur d’une pièce.

Fenêtre nommée, celle dont la fermeture n’est qu’une portion d’arc ou d’une courbe elliptique. On en voit beaucoup ainsi au Louvre. Cette forme est bâtarde, & elle a peu de caractère.

Fenêtre cintrée, celle dont la fermeture est une demi-circonférence de cercle ou une demi-ellipse. Telles sont beaucoup de fenêtres à rez-de chaussée ; telles sont celles du premier étage du château de Versailles.

Fenêtre dans angle. Fenêtre qui est si proche de l’angle rentrant d’un bâtiment, que son tableau de baie n’a point de dosseret. On appelle aussi fenêtres d’angle certain » petits jours étroits & hauts, en manière de barbacane, que l’on pratique dans un angle rentrant, pour éclairer un petit escalier, sans nuire à la décoration générale d’une façade. Il y en a de semblables à l’église des Invalides à Paris.

Fenêtre d’encoignure. C’est celle qui est prise dans un pan coupé.

Fenêtre droite. Fenêtre rectangulaire dont la fermeture est en plate-bande ou en linteau horizontal.

Fenêtre ébrasée. Fenêtre dont les tableaux de baie, au lieu d’être parallèles, sont en embrâsure par-dehors, pour faciliter le passage de la lumière. On en voit de tels au château de Caprarola.

Fenêtre en abat-jour est celle dont l’appui ou le linteau, ou séparément chacun, on tous les deux sont en glacis par-dedans, pour donner plus de jour. Il y a de ces fenêtres qui sont élevées à cinq pieds au-dessus du plancher, à raison de quelque servitude. On appelle aussi du même nom celles qui servent à éclairer des étages souterrains, ou des offices & cuisines.

Fenêtre en tour creuse. On donne ce nom à une fenêtre qui est plus étroite extérieurement qu’intérieurement, les jouées (voyez ce mot) de l’épaisseur du mur n’étant point parallèles ; ce qui se pratique, soit par sujetion, pour éclairer un escalier à vis, soit par raison de sûreté, comme dans une prison, soit pour ne par interrompre une décoration extérieure.

Fenêtre en tribune. Fenêtre qui est ouverte jusqu’au plancher au milieu d’une façade de bâtiment, qui a un balcon en saillie par-devant, & qui est distinguée des autres fenêtres de la façade, autant par la grandeur de la baie, que par la richesse de son architecture & de sa décoration. Telle est, par exemple, celle de l’aile du Capitole à Rome.

Fenêtre feinte. C’est la représentation d’une croisée. Elle est ordinairement renfoncée de l’épaisseur du tableau de baie : on la pratique, soit pour correspondre à d’autres fenêtres réelles, & par principe de symétrie, soit pour orner la façade d’un mur. Les quatre faces d’un tombeau antique de la ville d’Agrigente en Sicile ont chacune une croisée feinte. (Voyez Agrigente.)

Fenêtre gisante. C’est, selon Leo-Batista Alberti, une fenêtre qui a plus de largeur que de hauteur. Il y en a de semblables dans des corridors et lieux élevés ; on en fait aussi pour êclairer les rampes des escaliers.

Fenêtre mezzanine. Petite fenêtre moins haute que large, qui sert à éclairer un attique ou un entre-sol. Les fenêtres de cette espèce, que les Italiens appellent mezzanini, & qui sont fort en usage chez eux, se pratiquent aussi dans des frises d’entablement ou de couronnement. On en voit de semblables au château des Tuileries.

Fenêtre à meneaux est celle qui est divisée, dans sa largeur & sa hauteur, par un ou plusieurs meneaux, comme cela se pratiquoit dans les anciens châteaux. (Voyez Meneau).)

Fenêtre ovale est celle dont la baie est un ovale, soit en hauteur, soit en largeur.

Fenêtre quarrée, celle dont la largeur est égale à la hauteur. Telles sont ordinairement les fenêtres des attiques. (Voyez Attique.)

Fenêtre rampante. C’est le nom d’une fenêtre dont l’appui & la fermeture sont en pente, ou à raison de quelque sujétion, ou pour suivre la pente d’un escalier.

Fenêtre ronde. C’est une fenêtre circulaire, dont la baie a la forme d’un cercle.

Fenêtre rustique. Fenêtre qui a pour chambranle des bossages de quelqu’espèce qu’ils soient. Il se trouve beaucoup de ces sortes de fenêtres dans l’architecture de Vignole, de Palladio, &c.