Ennéades (trad. Bouillet)/Sommaires de la quatrième Ennéade

La bibliothèque libre.
Les Ennéades de Plotin
Sommaires de la quatrième Ennéade
Traduction française de M.-N. Bouillet


QUATRIÈME ENNÉADE.

Tous les livres qui composent la quatrième Ennéade se rapportent à l’Âme. Voy. ci-après le Résumé général de la Psychologie de Plotin, p. 566-580).


LIVRE PREMIER.
DE L’ESSENCE DE L’ÂME.

L’essence de l’intelligence est complètement indivisible ; celle du corps est complètement divisible. L’âme a une nature intermédiaire ; elle est à la fois divisible et indivisible : divisible, parce qu’elle s’unit au corps ; indivisible, parce qu’elle reste unie au monde intelligible.


LIVRE DEUXIÈME.

COMMENT L’ÂME TIENT LE MILIEU ENTRE L’ESSENCE INDIVISIBLE ET L’ESSENCE DIVISIBLE.

(I) Entre l’essence complètement divisible, dont chaque partie occupe un lieu différent, et l’essence complètement indivisible, dont chaque partie est identique au tout et n’occupe aucun lieu, est une essence intermédiaire, qui, d’un côté, devient divisible dans le corps auquel elle s’unit (sans se partager cependant avec lui comme la forme matérielle), et, d’un autre côté, reste indivisible, parce qu’elle participe à l’indivisibilité de l’intelligence, dont elle procède[1]. Il en résulte que l’âme est tout à la fois divisible et indivisible : divisible, parce qu’elle s’unit à toutes les parties du corps ; et indivisible, parce qu’elle est présente tout entière dans toutes les parties du corps, qu’elle ne se localise pas.

(II) 1o  Si l’âme était uniquement divisible, il n’y aurait pas communauté d’affection dans chacun de nous, ni sympathie entre les âmes. On ne saurait admettre sur ce point l’hypothèse des Stoïciens que les sensations parviennent au principe dirigeant par transmission de proche en proche. 2o  Si l’âme était uniquement indivisible, elle ne pourrait entrer en rapport avec le corps et l’animer tout entier.

Comme les âmes particulières, l’Âme universelle est à la fois une et multiple, parce qu’elle communique la vie à une multitude d’êtres qui forment une unité ; indivisible et divisible, parce qu’elle est présente à la fois dans toutes les parties du monde qu’elle administre.


LIVRE TROISIÈME.
QUESTIONS SUR L’ÂME, I.

Dans les livres iii, iv et v, Plotin pose et résout successivement diverses questions sur la nature, les facultés et la destinée de l’âme ; sans suivre l’ordre méthodique qu’il eût sans doute adopté s’il eût voulu faire un traité complet de Psychologie[2].

Introduction. (I) La connaissance de l’âme est la condition de la connaissance des principes dont elle procède et des choses dont elle est elle-même le principe. D’ailleurs, on ne peut posséder réellement la science si l’on ne sait ce qu’est l’instrument même de la science[3]).

Première question. Toutes les âmes ne sont-elles que des parties d’une seule Âme[4] ?

Il est des philosophes qui soutiennent que nos âmes sont des parties d’une Âme totale et unique, de même que nos corps sont des parties du corps de l’univers. Ils invoquent à l’appui de leur opinion divers passages de Platon.

(II-III) De ce que nos âmes sont conformes et appartiennent au même genre, il en résulte, non qu’elles soient les parties d’une Âme unique, mais qu’elles procèdent d’un même principe. — Le mot partie ne peut se prendre ici dans le sens où on l’applique à une quantité, parce que dans ce cas l’Âme serait une grandeur corporelle. — Le mot partie ne peut davantage se prendre ici dans le sens où l’on dit qu’une notion est une partie d’une science : car ou l’Âme totale ne serait que la somme des âmes particulières, ou elle leur serait supérieure, ce qui détruit l’hypothèse combattue. — Le mot partie ne peut enfin se prendre ici dans le sens où l’on dit que la puissance sensitive qui est dans les doigts est une partie de l’âme totale de l’animal : car, dans ce cas, il n’y aurait plus d’existence réelle que celle de l’Âme universelle, par conséquent, il n’y aurait plus de parties.

(IV) Voici la solution. — Les intelligences particulières sont distinctes les unes des autres, et subsistent cependant toutes ensemble dans l’Intelligence universelle. De cette Essence indivisible procèdent à la fois l’Âme universelle et les âmes particulières, qui, semblables à des rayons de lumière, divergent à mesure qu’elles s’éloignent de leur foyer.

(V) L’individualité des âmes est indestructible. Comme les intelligences particulières dont elles sont les raisons, les âmes particulières conservent toujours leur différence et leur identité : elles s’unissent, sans se confondre, dans le sein de l’Âme universelle dont elles procèdent.

(VI-VII) L’Âme universelle, contemplant l’Intelligence universelle, a plus de puissance créatrice que les âmes particulières qui contemplent les intelligences particulières : celles-ci occupent d’ailleurs le premier, le deuxième ou le troisième rang, selon qu’elles sont en acte les intelligibles mêmes, ou qu’elles les connaissent ou qu’elles les désirent. Les passages qu’on cite de Platon sont conformes à la distinction de l’Âme universelle et des âmes particulières.

(VIII) Les âmes sont distinguées les unes des autres, abstraction faite des corps, par leurs opérations intellectuelles et leurs habitudes morales. Chaque âme est toutes choses en puissance, mais n’est en acte que ce qui occupe son attention, par conséquent, elle est caractérisée par la faculté qu’elle a principalement développée. Chacune enfin offre en elle unité et variété, et est coordonnée avec les autres dans l’unité et la variété de l’univers.

Deuxième question. Pour quelle cause et de quelle manière l’âme descend-elle dans le corps ? Il faut distinguer ici l’Âme universelle et l’âme humaine[5].

(IX-XI) L’Âme universelle n’est pas descendue dans le monde ; mais, par sa procession, elle a produit l’espace, en engendrant à la fois la matière et la forme. Elle a ainsi déterminé, selon son essence propre, l’étendue que le monde occupe : car elle l’a engendré et ordonné de tout temps, non par choix ni par délibération, mais en vertu de sa nature. Étant souverainement maîtresse de la matière, elle l’a façonnée par les raisons séminales, et elle a fait participer tous les êtres à la vie qu’elle possède elle-même. Son rôle est en effet de transmettre à la Nature les idées qu’elle contemple dans l’intelligence divine ; elle en est l’interprète : c’est par elle que tout descend du monde intelligible dans le monde sensible, c’est par elle que tout y remonte.

(XII-XIII) Les âmes humaines viennent à s’unir à des corps parce qu’elles y voient leur image. Elles descendent du monde intelligible et y remontent à des époques qui sont déterminées par les périodes de la vie universelle, avec laquelle elles sont toujours dans un accord parfait. Elles viennent ici-bas par un mouvement qui n’est ni complètement libre, ni soumis à une contrainte extérieure : elles obéissent à l’impulsion irrésistible d’une loi qu’elles ont naturellement en elles-mêmes et qui les porte à se rendre où les appelle leur destinée.

(XIV) Pandore, dotée d’un présent par chaque dieu, représente la matière qui, recevant de l’Âme ou de la Providence la vie universelle, et de chaque âme une vie particulière, devient le tout complet et harmonieux qu’on appelle le monde (ϰόσμος).

(XV-XVII) En quittant le monde intelligible, les âmes descendent d’abord dans le ciel ; elles s’y fixent et y prennent un corps éthéré, ou bien elles passent de là dans des corps terrestres. Si elles s’attachent étroitement à ces corps terrestres, elles tombent sous l’empire du Destin. Tout ce qui leur arrive, soit en bien, soit en mal, rentre dans l’ordre de l’univers et dérive du principe de convenance qui y préside.

Troisième question. L’âme fait-elle usage de la Raison discursive quand elle est hors du corps[6] ?

(XVIII) Le Raisonnement est une opération propre à l’âme dont l’intelligence est affaiblie par son union avec un corps. Quand l’âme est dans le monde intelligible, elle connaît tout par une simple intuition, sans le secours de la Raison discursive ni de la parole.

Quatrième question. Comment l’âme est-elle à la fois divisible et indivisible[7] ?

(XIX) L’âme est indivisible en elle-même, quand elle produit les opérations qui relèvent de la Raison et de l’Intelligence ; elle est divisible par son rapport avec le corps, quand elle exerce les Sens, la Concupiscence, la Colère, la Puissance végétative et nutritive, parce qu’elle a dans ce cas besoin des organes.

Cinquième question. Quels sont les rapports de l’âme avec le corps[8] ?

(XX-XXIII) L’âme n’est pas dans le corps comme dans un lieu ou dans un vase, ni comme la qualité dans le sujet, ni comme la partie dans le tout, ni comme le tout dans les parties, ni comme la forme dans la matière : c’est au contraire le corps qui est contenu dans l’âme, comme l’effet passager dans la cause permanente. La comparaison de l’âme avec un pilote n’est pas non plus complètement satisfaisante. Il faut dire que l’âme est présente au corps comme la lumière est présente à l’air, c’est-à-dire que l’âme communique à chaque organe la puissance qui a besoin de le mettre en jeu pour produire ses opérations.

Sixième question. Où va l’âme après la mort[9] ?

(XXIV) Après la mort, l’âme va dans le lieu que lui destine la justice divine : dans un autre corps, si elle a des fautes à expier ; dans le monde intelligible, si elle est pure.

Septième question. Quelles sont les conditions de l’exercice de la Mémoire et de l’Imagination[10] ?

(XXV-XXVI) Étant la représentation d’une notion adventice et passagère, le souvenir implique variété, succession ; par là, il est une opération moins parfaite que la pensée, acte simple et immanent, qui ne s’attache qu’à l’immuable et à l’éternel. D’un autre côté, le souvenir est supérieur à la sensation : car il n’a pas comme elle besoin des organes, parce qu’il se borne à reproduire la forme intelligible qu’elle a perçue.

(XXVII-XXXII) Il y a deux espèces de mémoire, la mémoire sensible et la mémoire intellectuelle : la première appartient à l’âme irraisonnable ; la seconde, à l’âme raisonnable. L’une et l’autre ont pour principe l’imagination : d’un côté, quand la sensation a été perçue, l’imagination en garde la représentation, dont la conservation constitue le souvenir ; d’un autre côté, la conception rationnelle accompagne toujours la pensée, et elle la transmet à l’imagination qui la réfléchit comme un miroir. Par là, elle fait arriver dans notre conscience et rester dans notre mémoire les actes de la partie supérieure de notre âme. Il y a ainsi deux espèces d’imagination, qui correspondent aux deux espèces de mémoire, l’imagination sensible et l’imagination intellectuelle : la première est subordonnée à la seconde : car, dans l’âme irraisonnable, le souvenir est une passion ; dans l’âme raisonnable, un acte. Plus on s’applique à la pensée des choses intelligibles, moins on doit se rappeler les choses inférieures.


LIVRE QUATRIÈME.
QUESTIONS SUR L’ÂME, II.

Première question. Quelles sont les âmes qui font usage de la Mémoire et de l’Imagination, et quelles sont les choses dont elles se souviennent[11] ?

(I-II) Quand l’âme s’élève au monde intelligible, elle n’exerce plus la mémoire, parce que cette faculté se rapporte aux choses temporaires et que le monde intelligible ne renferme que des essences. éternelles, entre lesquelles il n’existe d’autre distinction que celle de l’ordre. Tout entière à la contemplation de ces essences, l’âme ne fait point de retour sur elle-même ; mais elle se voit dans son principe, parce qu’en le pensant elle se pense elle-même en vertu de l’intuition qu’elle a de toutes choses.

(III-IV) Quand l’âme redescend du monde intelligible aux choses sensibles, elle se souvient de ces dernières et elle a conscience d’elle-même : car la mémoire ne consiste pas seulement à se rappeler ce qu’on a vu ou éprouvé, mais encore à être dans une disposition conforme à la nature de ce qu’on se rappelle.

(V) L’âme se représente les intelligibles plutôt par une intuition que par un souvenir. La mémoire proprement dite ne s’exerce dans l’âme que quand elle redescend du monde intelligible dans le ciel. Là, elle se rappelle les choses humaines et elle reconnaît les âmes avec lesquelles elle a été liée jadis.

Deuxième question. Les âmes des astres et l’Âme universelle ont-elles besoin de la Mémoire et du Raisonnement, ou se bornent-elles à contempler l’Intelligence suprême ?

(VI-VIII) Étant propre aux âmes qui changent, la mémoire ne convient pas aux âmes des astres, parce que celles-ci vivent d’une existence uniforme et identique. La contemplation de l’Intelligence suprême leur rend inutile la connaissance des choses particulières.

(IX-XII) Jupiter (l’Âme universelle) n’a pas besoin de la mémoire ni de la raison discursive : pour administrer le monde et y faire régner l’ordre, il lui suffit de contempler la Sagesse divine dont cet ordre est l’image ; il produit les choses muables chacune dans son temps, tout en restant lui-même immuable ; il connaît le futur comme le présent, parce qu’il en est le principe.

(XIII-XIV) Il en est de même de la Nature, parce qu’elle possède le dernier degré de la Sagesse propre à l’Âme universelle. N’ayant ni la pensée ni même l’imagination, elle imprime aveuglément à la matière les formes qu’elle reçoit des principes supérieurs. À la Nature finit l’ordre des essences. Après elle viennent immédiatement les corps qu’elle engendre, c’est-à-dire les éléments.

(XV-XVI) Quoique les choses engendrées soient toutes dans le temps, l’essence de l’Âme universelle est éternelle : c’est que la distinction du passé, du présent et de l’avenir ne s’applique qu’à ses œuvres, qui varient sans cesse, tandis qu’elle-même possède à la fois toutes les raisons séminales qu’elle réalise successivement.

Troisième question. Quelles sont les différences intellectuelles entre l’Âme universelle, les âmes des Astres, l’Âme de la Terre et les âmes humaines[12] ?

(XVIII) L’âme humaine ne peut, comme l’Âme universelle, jouir de l’exercice calme et uniforme de la pensée, parce qu’elle est troublée par les besoins et les passions qui naissent de l’union de l’âme avec le corps.

Quelles sont les facultés dont l’exercice dépend de l’union de l’âme et du corps ? — Voici quelles sont les lois qui président à l’influence que l’état du corps exerce sur celui de l’âme.

1o  Appétit concupiscible[13] (XIX-XXI) Le corps reçoit de l’âme la force vitale appelée nature : en vertu de cette force vitale, il éprouve des passions, c’est-à-dire des impressions et des modifications physiques, que l’âme connaît, mais ne partage point. En effet, quand un organe souffre, c’est le corps qui pâtit par le fait de la lésion, tandis que l’âme se borne à sentir, c’est-à-dire à prendre connaissance de la douleur. Par là s’explique l’origine de l’Appétit concupiscible : indifférente par elle-même aux propriétés des objets extérieurs, l’âme les recherche ou les fuit à cause du corps auquel elle est unie.

2o  Sensation[14]. (XXII-XXVII) Pour comprendre ce que peut être dans la Terre et dans les végétaux la puissance que nous appelons nature dans notre âme, il faut examiner quelles sont les conditions de la sensation.

Sentir, c’est percevoir les qualités inhérentes aux corps et se représenter leurs formes. La sensation suppose donc trois choses : l’objet extérieur, la faculté de connaître qui est propre à l’âme, enfin l’organe qui joue le rôle de moyen terme entre deux extrêmes, éprouvant une affection passive analogue à celle de l’objet extérieur et transmettant ensuite à l’âme une forme. L’âme ne peut donc sentir qu’avec le concours du corps. Mais, n’eût-elle pu besoin de ce concours, elle ne sentirait pas si elle n’était pas unie à un corps, parce que c’est pour lui seul qu’elle a besoin de connaître les objets extérieurs, et que, livrée à elle-même, elle se bornerait à contempler le monde intelligible.

Il en résulte que le Monde, n’ayant rien hors de lui, n’a rien à percevoir : il ne peut avoir que le sens intime de lui-même. Quant à ses parties, rien n’empêche qu’elles se sentent les unes les autres sans avoir d’organes. C’est ainsi que les âmes des Astres peuvent posséder l’ouïe et la vue ; cependant, elles n’ont pas besoin de ces deux sens pour connaître nos vœux : elles les exaucent par la sympathie qui nous unit à elles. Quant à la Terre, l’Âme qui lui communique la vie doit posséder des espèces de sens sans avoir cependant d’organes : aussi attribue-t-on à la Terre une Âme et une Intelligence, qui sont désignées sous les noms de Cérès et de Vesta.

3o  Appétit irascible. (XXVIII) L’Appétit irascible a pour origine, comme l’Appétit concupiscible, la constitution du corps qui reçoit de l’âme la force vitale appelée nature. Il a pour siége le cœur, tandis que l’Appétit concupiscible a pour siége le foie.

4o  Puissance végétative et générative. (XXIX) Quand l’âme quitte le corps, la force vitale qu’elle communiquait au corps abandonne celui-ci et remonte à sa source, comme la lumière remonte à sa source quand le soleil disparaît[15].

Quatrième question. Quelle est l’influence exercée par les astres ?

(XXX-XXXI) Les facultés qui ont été précédemment accordées aux astres suffisent pour expliquer l’action qu’ils exercent : car cette action n’est point l’effet de leur volonté ni de leurs propriétés physiques, mais de la constitution générale du monde.

(XXXII-XXXIII) Le Monde est un grand Animal, dont l’Âme universelle pénètre toutes les parties : par son unité, il forme un tout sympathique à lui-même. Si l’être qui pâtit a une nature analogue à la nature de celui qui agit, il éprouve du bien ; dans le cas contraire, du mal. Les dispositions particulières de ces êtres sont d’ailleurs régies par l’ordre universel, comme, dans un chœur, les diverses attitudes de chaque danseur sont déterminées par la figure générale qui règle tous les mouvements particuliers.

(XXXIV-XXXVII) C’est par son corps seulement que l’homme subit l’influence des astres[16]. Cette influence dépend à la fois des figures que ceux-ci forment par leurs mouvements et des choses que représentent ces figures. D’ailleurs, la puissance de produire des figures douées d’une certaine efficacité est commune à tous les êtres ; tous, étant des membres du grand Animal, doivent, selon leur nature, produire ou subir une action : car la vie est répandue dans le monde entier sous des formes diverses, et tous les êtres tiennent de l’Âme universelle une puissance plus ou moins occulte, puissance qui se manifeste surtout dans les astres.

(XXXVIII-XXXIX) Les faits dont la production est naturelle ont pour cause la puissance végétative de l’univers. Ceux dont la production est provoquée soit par des prières, soit par des enchantements, doivent être rapportés, non aux astres, mais à la nature particulière de ce qui subit l’action. Si l’influence des astres semble quelquefois nuisible, c’est que les êtres qui y sont soumis ne peuvent point, par leur constitution propre, profiter de ce que cette action a de salutaire. Toutes choses sont d’ailleurs coordonnées dans l’univers : c’est pour cela qu’elles sont les signes les unes des autres. Elles relèvent d’une Raison supérieure aux raisons séminales, et elles concourent à la réalisation de son plan par leurs qualités comme par leurs défauts. En tout cas, les astres ne sont pas responsables des maux qui se produisent ici-bas.

En quoi consiste la puissance de la magie ? — (XL-XLI) Les considérations qui précèdent expliquent la puissance de la Magie. Elle est fondée sur la sympathie qui unit entre elles toutes les parties de l’univers, sur les attractions et les répulsions réciproques que la nature a établies entre les êtres. L’univers ressemble à une lyre, où, dès qu’une corde vibre, les autres vibrent à l’unisson. L’harmonie qui y règne est fondée aussi bien sur l’opposition que sur l’analogie des forces multiples qu’il contient. Si les choses se nuisent les unes aux autres, cela tient à leurs différences essentielles : ce n’est pas le vœu de la nature.

(XLII) Les astres n’exaucent nos prières que fatalement, en vertu des lois qui régissent l’univers. Les âmes des astres sont impassibles, aussi bien que l’Âme universelle : car elles ne sauraient subir d’affection physique et leurs corps sont inaltérables.

(XLII-XLIV) La magie n’a point de prise sur l’âme du sage, mais seulement sur son corps. En effet, l’âme échappe aux influences de la magie quand, par la contemplation, elle se concentre en elle-même. Au contraire, si elle se livre à l’activité physique, elle cède dès lors à l’attrait qu’exercent nécessairement sur elle les autres êtres, elle se laisse séduire par les apparences du beau et du bien.

(XLV) Chaque être, par ses actions et ses passions naturelles, concourt à l’accomplissement de la fin de l’univers. Il donne et il reçoit, il est uni à tout par la sympathie. Placé dans une condition intermédiaire, l’homme peut s’élever par la vertu ou s’abaisser par le vice : par les voies cachées que suit la justice distributive de la Providence divine, il obtient les récompenses ou subit les punitions qui sont nécessaires au bon ordre de l’univers[17].


LIVRE CINQUIÈME.
QUESTIONS SUR L’ÂME, III.

(I-II) La perception de l’étendue tangible suppose contact entre le corps et l’objet extérieur. En est-il de même pour la vue et pour l’ouïe ? Y a-t-il un milieu entre l’œil et l’objet visible, entre l’oreille et l’objet sonore ?

S’il y a un milieu entre l’œil et l’objet visible, ce milieu n’est pas affecté, ou l’affection qu’il éprouve n’a aucune analogie avec la sensation de la couleur. En tout cas, celle-ci est plus nette quand il n’y a pas de milieu interposé : car, s’il est obscur, il fait obstacle à la vision ; s’il est transparent, il se borne à ne pas nuire.

On a besoin d’un milieu, si l’on admet, comme les Péripatéticiens, que la lumière est une affection du corps diaphane, ou si, comme les Stoïciens, on explique la vision par une réflexion du rayon visuel. — On n’a pas besoin d’admettre un milieu, si, comme Épicure, on rend compte de la vision par des images émanées des objets, ni si l’on admet avec Platon que la lumière émanée de l’œil se combine avec la lumière interposée entre l’œil et l’objet, ni si l’on explique la vision par une certaine sympathie entre l’œil et l’objet [ce qui est la doctrine propre à Plotin].

(III) La lumière n’est pas une affection de l’air, comme la chaleur : car, dans l’obscurité, on aperçoit les astres et les signaux de feu, sans voir les autres objets ; on voit, en outre, l’image tout entière de l’objet, tandis que, dans l’hypothèse d’une affection éprouvée par l’air, on ne devrait voir qu’une partie de cette image. C’est que la vision n’a pas lieu selon les lois de la nature corporelle, mais selon les lois supérieures de la nature animale. Entre l’œil et l’objet, il n’est pas besoin d’un autre milieu que la lumière : la vision s’explique par ce fait seul que le corps visible a le pouvoir d’agir et l’œil celui de subir son action.

(V) Quand on examine la sensation du son, on trouve que l’air est nécessaire pour le transmettre jusqu’à l’oreille, ou, dans certains cas, pour le produire par ses propres vibrations. Les différences qui existent entre les sons articulés ou inarticulés s’expliquent par la nature de l’action qu’exercent les objets qui résonnent. La perception du son suppose donc, ainsi que celle de la couleur, que les choses sont organisées de manière à entrer en rapport entre elles par la sympathie qui les unit comme les parties d’un seul animal.

(VI-VII) La lumière n’est ni un corps ni une modification de l’air : elle est l’acte du corps lumineux, sa forme et son essence[18]. Elle apparaît et disparaît avec lui ; elle modifie les objets éclairés sans s’y mêler, comme la vie est l’acte que l’âme produit dans le corps par sa présence. Quant à la couleur, elle résulte du mélange du corps lumineux avec la matière. Donc, dans tous les cas, la lumière est incorporelle quoiqu’elle soit l’acte d’un corps : elle subsiste aussi longtemps que lui, et cesse de se manifester dès qu’il disparaît.

(VIII) Ce qui rend possible toute perception en général, et la perception de la couleur en particulier, c’est que l’objet sensible et le sujet sentant appartiennent au même monde, qu’ils sont faits l’un pour l’autre et qu’ils constituent des parties d’un seul organisme. Supposez détruite la conformité de l’objet et du sujet, et ils ne sauraient plus entrer en rapport ; par conséquent, dans cette hypothèse, la perception est impossible.


LIVRE SIXIÈME.
DES SENS ET DE LA MÉMOIRE.

(I-II) La Sensation n’est pas une image imprimée à l’âme et semblable à l’empreinte d’un cachet sur la cire, mais un acte relatif aux objets qui sont de son domaine. Il faut ici distinguer la passion et la connaissance de la passion : la première est propre au corps, la seconde appartient à l’âme et constitue la Sensation.

(III) Il en est de même de la Mémoire : se souvenir, ce n’est pas garder une empreinte, mais réfléchir aux notions qu’on possède. Étant la raison de toutes choses, l’âme a l’intuition des choses intelligibles en s’y appliquant, en passant de la puissance à l’acte ; de même, elle a l’intuition des choses sensibles en éveillant les formes qu’elle en possède, en vertu de la puissance qu’elle a de les percevoir et de les enfanter[19]. Le souvenir a pour principe l’activité de l’âme, qui, après avoir considéré un objet avec attention, en reste longtemps affectée et se le rappelle ensuite quand elle y réfléchit.

En général, tous les phénomènes qui se produisent dans l’âme procèdent de facultés essentiellement actives ; c’est ce qui les distingue profondément des phénomènes sensibles, auxquels certains philosophes ont tort de les assimiler.



LIVRE SEPTIÈME.
DE L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME.[20]

(I-V.) Pour savoir si l’âme est immortelle, il faut examiner si elle est indépendante du corps.

A. l’âme n’est pas corporelle.

1o  Ni une molécule matérielle ni une agrégation de molécules matérielles ne sauraient posséder la vie et l’intelligence. 2o Une agrégation d’atomes ne pourrait former un tout qui fût un et sympathique à lui-même. 3o  Tout corps est composé d’une matière et d’une forme, tandis que l’âme est une substance simple. 4o  L’âme n’est pas une simple manière d’être de la matière, parce que la matière ne saurait se donner à elle-même une forme. 5o  Aucun corps ne subsisterait sans la puissance de l’Âme universelle. 6o  Si l’âme est autre chose que la simple matière, elle doit constituer une forme substantielle. 7o  Le corps exerce une action uniforme, tandis que l’âme exerce une action très diverse. 8o  Le corps n’a qu’une seule manière de se mouvoir, tandis que l’âme a des mouvements différents. 9o  L’âme, étant toujours identique, ne peut, comme le fait le corps, perdre des parties ni s’en adjoindre. 10° Étant une et simple, elle est tout entière partout, et elle a des parties identiques au tout ; il n’en est pas de même du corps.

(VI-VIII) 11° Le corps ne saurait posséder ni la sensation, ni la pensée, ni la vertu. — [Impossibilité pour le corps de sentir.] Le sujet qui sent doit être un, inétendu, pour percevoir l’objet sensible tout entier à la fois, pour être le centre auquel viennent aboutir toutes les sensations qu’il compare et qu’il juge. Si l’âme était corporelle, elle devrait avoir autant de parties que l’objet sensible et percevoir une infinité de sensations ; de plus, chaque sensation serait une empreinte matérielle, ce qui rendrait la mémoire impossible. On peut en dire autant des affections : dans la douleur, il y a la souffrance qui est propre au corps, et le sentiment de cette souffrance qui appartient à l’âme ; ce sentiment n’est pas transmis de proche en proche [comme l’enseignent les Stoïciens], mais produit instantanément, par conséquent, il suppose l’unité du principe qui sent. — [Impossibilité pour le corps de penser.] L’âme pense : or, la pensée de l’intelligible, qui est indivisible et incorporel, suppose un sujet de même nature. — [Impossibilité pour le corps de posséder la vertu.] La Beauté et la Justice, n’ayant pas d’étendue, ne peuvent être conçues et gardées que par un principe indivisible. Si l’âme était corporelle, les vertus, telles que la prudence, la justice, le courage, ne seraient plus qu’une certaine disposition du sang ou du souffle vivant ; or, une pareille hypothèse est inadmissible.

12° Les corps n’agissent que par des puissances incorporelles qu’ils tiennent de l’âme. Celle-ci doit donc être elle-même une force incorporelle. 13° L’âme pénètre le corps tout entier, tandis qu’un corps tout entier ne peut pénétrer un autre corps tout entier. 14° Si [comme le prétendent les Stoïciens] l’homme était d’abord une habitude, puis une âme, enfin une intelligence, le parfait naîtrait de l’imparfait, ce qui est impossible.

B. l’âme n’est pas l’harmonie ni l’entéléchie du corps.

L’âme n’est pas l’harmonie du corps[21] : car l’harmonie est un effet ; elle suppose donc une cause ; or cette cause n’est autre que l’âme.

L’âme n’est pas non plus l’entéléchie du corps naturel, organisé, qui a la vie en puissance. En effet, cette hypothèse soulève une foule de difficultés. D’abord, la pensée pure suppose un principe séparé du corps. Ensuite, le souvenir de la sensation, à moins d’être assimilé à une empreinte corporelle, doit être conçu comme indépendant de l’organisme. Enfin, les fonctions même de la vie végétative ne sauraient s’expliquer par une force complètement inséparable de la matière qu’elle façonne.

C. l’âme est une essence incorporelle et immortelle.

(IX-X) Puisque l’âme n’est ni un corps ni une manière d’être d’un corps, et qu’elle est cependant le principe de la force active, il faut admettre qu’elle est une essence véritable, qui donne au corps le mouvement et la vie parce qu’elle se meut elle-même et qu’elle possède la vie par elle-même. Elle est donc immortelle. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer l’affinité qu’elle a avec la nature divine et éternelle, lorsque, se séparant du corps, elle s’applique à penser et s’élève à Dieu[22]

(XI-XII) La vie suppose un principe, et ce principe doit être impérissable : sans cela, il n’y aurait plus dans l’univers qu’une suite de phénomènes sans cause réelle. Si l’on veut que l’Âme universelle soit seule immortelle, tandis que l’âme humaine serait périssable, on avance une chose impossible : car, l’âme humaine étant un acte un, simple, indivisible, inaltérable, ne saurait périr par décomposition, division ou altération.

(XIII) Pure et impassible tant qu’elle reste dans le monde intelligible, l’âme déchoit sans doute quand elle vient ici-bas façonner une portion de la matière à l’image des idées qu’elle a contemplées là-haut ; mais, alors même, par son intelligence, elle demeure encore impassible et indépendante du corps.

(XIV) L’âme n’est pas composée quoiqu’on y distingue plusieurs parties : car, lorsqu’elle se sépare du corps, elle ramène à elle les puissances qu’elle avait produites pour lui communiquer la vie[23].

Les âmes qui animent les corps des brutes sont également impérissables, quelle que soit leur nature.

(XV) Aux preuves précédentes, qui s’adressent uniquement à la raison, on peut, si on le désire, joindre des preuves historiques, comme les rites observés envers ceux qui ne sont plus, les réponses des oracles, etc.


LIVRE HUITIÈME.[24]
DE LA DESCENTE DE L’ÂME DANS LE CORPS.[25]

(I) La perfection que l’on découvre dans l’âme considérée en elle-même conduit à chercher comment elle a pu descendre dans un corps. Héraclite, Empédocle, Platon lui-même ne se sont pas expliqués sur ce point avec assez de clarté. Il reste donc encore à faire une étude attentive et complète de la question.

(II) L’Âme universelle demeure impassible en s’unissant au monde parce que le corps du monde est parfait : elle le gouverne avec une autorité royale, par des lois générales, sans éprouver de peine ni de fatigue, sans être détournée de la contemplation des essences intelligibles. Il n’en est pas de même de l’âme particulière que son commerce avec le corps détourne des conceptions de l’intelligence et expose à la douleur.

(III) La descente des âmes particulières sur la terre est une des lois de l’univers. En effet, de même que l’Intelligence universelle enveloppe la pluralité des intelligences particulières ; de même, l’unité de l’Âme universelle contient la pluralité des âmes particulières, dont la destinée est de vivifier et de gouverner les corps, afin que le monde intelligible manifeste et développe toutes les puissances qu’il possède.

(IV-V) Tant que l’âme particulière se borne à exercer sa puissance intellectuelle, elle reste unie à l’Âme universelle. Quand elle développe ses puissances sensitive et végétative, elle entre dans un corps et elle en partage les infirmités ; elle peut cependant remonter au monde intelligible. Par là, on peut concilier les opinions diverses énoncées précédemment (§ I) : la descente de l’âme dans le corps n’est ni spontanée ni involontaire ; elle résulte d’une loi providentielle qui n’abolit pas la liberté ; elle n’est pas un mal en soi, puisqu’elle donne aux âmes l’occasion de développer leurs facultés, de les faire passer de la puissance à l’acte[26] ; elle n’est un mal que pour celles qui s’attachent au corps et oublient leur céleste origine. Dans ce cas, ces âmes sont soumises à un jugement et à un châtiment qui a pour but de les purifier[27].

(VI-VIII) C’est une loi universelle que toute puissance produise en raison même de sa perfection et de sa fécondité. C’est ainsi que, par une procession successive, l’Un engendre l’Intelligence, l’Intelligence engendre l’Âme, et ainsi de suite, jusqu’à ce que les dernières limites du possible soient atteintes et que chaque chose participe du Bien autant que le comporte sa nature particulière. C’est en vertu de cette loi que l’âme particulière vient ici-bas pour manifester ses puissances et apprendre à mieux apprécier la félicité du monde intelligible par l’épreuve des contraires. Dans sa procession, elle se communique aux choses inférieures tout en conservant son intégrité ; à quelque rang qu’elle s’abaisse, elle ne descend jamais dans le corps tout entière, elle reste toujours unie à l’Intelligence par sa partie supérieure. Il y a en effet en nous deux parties, dont l’une contemple l’Intelligence, et l’autre dirige notre corps : nous avons successivement conscience de chacune d’elles, en appliquant notre attention à ses actes.


LIVRE NEUVIÈME.
TOUTES LES ÂMES FORMENT-ELLES UNE SEULE ÂME[28] ?

(I) De même que chaque âme particulière est, sans étendue et sans division, présente à tous les organes qu’elle anime, de même l’Âme universelle est présente à toutes les âmes particulières dont elle est la commune origine.

(II-III) De ce que toutes les âmes n’en forment qu’une, il n’en faudrait pas conclure qu’elles doivent éprouver les mêmes affections : car elles ne forment pas une unité numérique, mais une unité générique ; or, dans des êtres différents, la même essence peut éprouver des affections diverses, et les mêmes puissances produire des actes variés. D’un côté, nous sympathisons les uns avec les autres, et cette sympathie prouve l’unité de tous les êtres, unité qui résulte de ce que l’Âme est une. D’un autre côté, les âmes particulières exercent des puissances diverses, ou développent d’une manière différente la même puissance, ce qui explique pourquoi elles éprouvent des affections diverses.

(IV-V) L’Âme universelle est l’unité dans la multitude ; mais ce n’est pas une masse homogène divisée en une multitude de parties, ni une forme identique imprimée à une multitude de sujets. L’Âme universelle se donne à la multitude des âmes particulières, dont elle est le principe, tout en demeurant elle-même une et identique. Ainsi, la science est à la fois unité et pluralité : elle est le tout en acte et les parties en puissance ; chaque partie à son tour est le tout en puissance et la partie en acte.




  1. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, p. 631.
  2. C’est pour suppléer à ce manque d’ordre que nous donnons ci-après le résumé général de la Psychologie de Plotin, p. 566-580. Voy. aussi Jamblique, Traité de l’Âme, p. 665-672.
  3. Voy. ci-après Porphyre, Traité sur le précepte Connais-toi toi-même, p. 615-618.
  4. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, p. 646-647.
  5. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § XI-XII, p. 648-651.
  6. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § v, p. 636 ; § xviii, p. 660, et la note 4.
  7. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § viii, p. 640.
  8. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § xiii, p. 651-653.
  9. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § xv-xvi, p. 687-661.
  10. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § vi, p. 637-638 ; Comm. du Traité d’Aristote sur L’Âme, § xxi, p. 664-666.
  11. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § v, p. 636.
  12. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § IX p. 641-644.
  13. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, p. 640, et note 2.
  14. Voy. ci-après Jamblique, Comm. du Traité d’Aristote sur l’Âme, § XVIII, p. 662.
  15. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § V, p. 636-637.
  16. Pour la doctrine de Plotin sur l’influence des astres, Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 464. Olympiodore résume dans ce dilemme les objections que Plotin adresse aux astrologues : « Les astres sont animés ou inanimés. S’ils sont inanimés, ce qui n’est pas, comment peuvent-ils produire quelque effet, opérant sans âme ? S’ils sont animés, et que leur action soit divine, comment donnent-ils à l’un la richesse et tous les avantages de ce genre, à l’autre la pauvreté et toutes les autres sortes d’infortunes ? » (Comm. sur le Gorgias, dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 375.) Voy. le développement de cet argument dans l’Enn. II, liv. III, § 3, t. I, p. 167.
  17. Voy. Olympiodore, Comm. sur le Gorgias (dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 302-309).
  18. Voy. ci-après Jamblique, Comm. du Traité d’Aristote sur l’Âme, § XIX, p. 663.
  19. Voy. ci-après Jamblique, ibid., § XVIII, XXIII, 662, p. 666.
  20. Voy. ci-après Porphyre, Traité de l’Âme, p. 619-624, et Jamblique, Traité de l’Âme, § V, p. 654-656.
  21. Voy. Olympiodore, Comm. sur le Phédon (dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 414).
  22. C’est l’argument de la similitude, argument développé par Porphyre dans son Traité de l’Âme (Voy. ci-après. p. 619-621), et par Olympiodore dans son Commentaire sur le Phédon : « Olympiodore nous apprend, » dit M. Cousin, « que l’argument tiré de l’essence de l’âme, et fondé sur l’analogie de l’âme avec l’indissoluble, était considéré par tous les interprètes de Platon comme le seul argument vraiment démonstratif. Ici Jamblique est cité. Voici quel était son raisonnement : il s’appuyait sur ce principe de Plotin [Enn. IV, liv. VII, § 3, p. 438-439] que tout ce qui est détruit l’est d’une de ces deux manières, soit comme composé, soit comme accident et n’ayant d’existence que dans un sujet. Ainsi les corps périssent parce qu’ils sont composés, et les qualités intellectuelles périssent aussi parce qu’elles n’existent que dans un sujet. Or, l’âme n’étant point composée et n’existant pas non plus dans un sujet, puisqu’elle gouverne le corps, lui donne la vie et a en elle-même son principe d’action, ne peut périr d’aucune manière, ni comme composée, ni comme dépendante d’un sujet pour son existence. » (M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 411.)
  23. Olympiodore résume en ces termes les opinions diverses des Néoplatoniciens sur cette question : « Parmi les philosophes, les uns font l’âme immortelle, en comprenant dans cette immortalité le principe vital, comme Numenius ; les autres, comme Plotin s’exprime quelque part, y comprennent notre nature physique ; ceux-ci comprennent la partie irraisonnable de notre être, comme Xénocrate et Speusippe parmi les anciens, Jamblique et Plutarque parmi les modernes ; ceux-là y comprennent seulement la partie raisonnable, comme Proclus et Porphyre ; d’autres enfin immortalisent l’âme tout entière, absorbant les parties dans le tout. » (Comm. sur le Phédon, dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 453.) Dans un autre passage, Olympiodore place encore Jamblique parmi ceux qui, exagérant et dénaturant la pensée de Platon, s’étaient imaginé que Platon regarde toute âme comme immortelle, l’âme des bêtes et l’âme des végétaux, aussi bien que l’âme raisonnable. (Cousin, ibid., p. 415.) Voy. ci-après p. 655-656.
  24. Nous avons omis de dire dans les Éclaircissements que ce livre a été traduit en anglais par Th. Taylor, Five Books of Plotinus, p. 249.
  25. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § XI-XII, p. 648-652.
  26. Olympiodore tire de cette doctrine les arguments par lesquels il prouve qu’il n’est pas permis de se donner la mort : « 1o  Dieu ne se borne pas à la conscience de lui-même : il est la Providence de ce monde. Ainsi, le philosophe qui prend Dieu pour modèle (car la philosophie est la plus haute ressemblance avec Dieu), ne doit pas se borner à la réflexion ; rien ne l’empêche d’agir, d’exercer une sorte d’action providentielle sur les choses inférieures, sans perdre sa pureté. Après la séparation de l’âme et du corps opérée par la mort, il n’est pas difficile de vivre dans la pureté ; mais c’est une belle chose de se conserver incorruptible pendant que l’on est assujetti au corps. 2o  De même que Dieu est présent en toutes choses, de même l’âme doit être présente dans tout le corps et ne point s’en séparer. 3o  Un lien volontaire doit être délié volontairement ; un lien involontaire doit l’être involontairement. La vie physique est involontaire ; c’est un lien qui doit être dénoué sans l’intervention de la volonté, c’est-à-dire par la mort naturelle, tandis que la vie des sens, que nous avons embrassée librement, doit avoir une fin volontaire, la purification de nous-mêmes. » (Comm. sur le Phédon, dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 397.) Sur ce dernier argument, Voy. Enn. I, liv. IX, t. I, p. 140.
  27. Cette opinion de Plotin est citée en ces termes par Olympiodore : « Les âmes qui n’ont commis que des fautes légères ne sont condamnées que pour peu de temps, et une fois purifiées elles s’élèvent, non par rapport aux lieux, ce qui est symbolique, mais moralement, par rapport à leur manière d’être. Aussi Plotin dit-il que l’âme est ramenée au monde intelligible, non en changeant de lieu, mais en changeant de vie. » (Comm. sur le Gorgias, dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 375.)
  28. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § X, p. 646-64.