Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/La Biche borgne (bilingue)

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LA BICHE BORGNE


Une biche qui avait un œil crevé se rendit sur le rivage de la mer et se mit à y paître, tournant son œil intact vers la terre pour surveiller l’arrivée des chasseurs, et l’œil mutilé vers la mer, d’où elle ne soupçonnait aucun danger. Mais voilà que des gens qui naviguaient le long de cet endroit l’aperçurent, l’ajustèrent et l’abattirent. Tout en rendant l’âme, elle se dit à elle-même : « Vraiment je suis bien malheureuse ; je surveillais la terre que je croyais pleine d’embûches, et la mer, où je comptais trouver un refuge, m’a été beaucoup plus funeste. »

C’est ainsi que souvent notre attente est trompée : les choses qui nous semblaient fâcheuses tournent à notre avantage, et celles que nous tenions pour salutaires se montrent préjudiciables,

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Ἔλαφος πηρωθεῖσα.


Ἔλαφος πηρωθεῖσα τὸν ἕτερον τῶν ὀφθαλμῶν παρεγένετο εἴς τινα αἰγιαλὸν καὶ ἐνταῦθα ἐνέμετο, τὸν μὲν ὁλόκληρον πρὸς τὴν γῆν ἔχουσα καὶ τὴν τῶν κυνηγῶν ἔφοδον παρατηρουμένη, τὸν δὲ πεπηρωμένον πρὸς τὴν θάλασσαν· ἔνθεν γὰρ οὐδένα ὑφωρᾶτο κίνδυνον. Καὶ δή τινες παραπλέοντες ἐκεῖνον τὸν τόπον καὶ θεασάμενοι αὐτὴν κατηυστόχησαν. Καὶ ἐπειδὴ ἐλιποψύχει, εἶπε πρὸς αὑτήν· « Ἀλλ᾿ ἐγὼ ἀθλία, ἥτις τὴν γῆν ὡς ἐπίβουλον φυλαττομένη πολὺ χαλεπωτέραν ἔσχον τὴν θάλασσαν ἐφ᾿ ἣν κατέφυγον. »

Οὕτω πολλάκις παρὰ τὴν ἡμετέραν ὑπόληψιν τὰ μὲν χαλεπὰ τῶν πραγμάτων δοκοῦντα εἶναι ὠφέλιμα εὑρίσκεται, τὰ δὲ σωτήρια νομιζόμενα ἐπισφαλῆ.