Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 14

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 38-39).
§ 14. Du meteg.

a Le meteg (מֶ֫תֶג frein), comme le nom l’indique, a pour but général de freiner la prononciation. C’est un petit trait perpendiculaire qu’on met à la gauche d’une voyelle pour assurer sa prononciation exacte, ou, négativement, pour empêcher une prononciation rapide et précipitée. Mais de même que les accents indiquent souvent la place du ton principal ou secondaire (§ 15 d), bien que ce ne soit pas leur but premier, de même le meteg indique souvent le ton secondaire[1]. Dans certains cas aussi il se trouve indiquer la division syllabique.

Ni les manuscrits ni les grammairiens ne s’accordant sur l’usage du meteg, il suffira ici d’indiquer quelques exemples pratiques et les emplois les plus usuels[2].

b Exemples : Dans קָֽטְלָה qå-ṭe-lå(h) « elle a tué » (§ c 1) le meteg indique qu’il ne faut pas prononcer le qameṣ bref comme dans קָטְלָה qo̦t-lå(h) « tue », mais moyen. Par conséquent, ici le meteg se trouve indiquer aussi la division syllabique. De plus il indique un ton secondaire : qå̀-ṭe-lǻ(h). — Dans וְקָֽטַלְתִּ֫י (§ 43 a), le meteg avertit de prononcer exactement le qameṣ ; il indique de plus le ton secondaire : eqå̀ṭa̦ltī́ (§ c 2). De même dans אָֽנֹכִ֫י (§ 39 a). — Dans בָּֽתִּ֫ים båt-tī́m (§ c 5) le meteg invite à prononcer le qameṣ comme moyen, bien qu’il soit en syllabe fermée atone (§ 6 l 2).

c Principaux emplois : Le meteg se met :

  1. 1) à une voyelle moyenne ou longue suivie d’un shewa mobile et de la syllabe tonique, p. ex. קָֽטְלָה (voyelle moyenne), יִֽירְאוּ ou (defective) יִֽרְאוּ « ils craindront » (opposer יִרְאוּ i̯ir-ʾū « ils verront »). Ce meteg, on le voit, peut être discriminant.
  2. 2) à la voyelle de la 2e syllabe ouverte (ou semi-ouverte) avant le ton, p. ex. הָֽאָדָם, הָֽעַמִּים, וְקָֽטַלְתִּ֫י, הֶֽחָכָם (à la voyelle de la 3e syllabe ouverte avant le ton si la 2e syllabe est fermée, p. ex. הָֽאַרְבָּעִים[3]. De même à la voyelle de la 2e syllabe ouverte avant une voyelle ayant le meteg, p. ex. שָֽׁבֻעֹֽתֵיכֶם šå̀ḇūʿọ̄̀ṯẹ̄ḵé̦m. — Exception : וּ « et » ne prend pas le meteg, p. ex. וּבָנִים ; probablement parce que cet u est bref[4]. Dans cet emploi, le meteg, outre que, comme toujours, il protège la voyelle, indique un ton secondaire.
  3. 3) à la voyelle qui précède un ḥaṭef, p. ex. יַֽעֲמֹד ; de même dans le cas où un ḥaṭef devient voyelle pleine, p. ex. יַֽעַמְדוּ (§ 22 c).
  4. 4) dans les verbes הָיָה « être », חָיָה « vivre », à la voyelle de la 1re syllabe fermée, pour en assurer la prononciation exacte p. ex. : יִֽהְיֶה i̯ih-i̯e̦(h) « il sera » ; dans les formes וַיְהִי, וַיְחִי seulement devant maqqef ou quand elles ont l’accent pashṭa.
  5. 5) au qameṣ de בָּֽתִּים båt-tīm « maisons » pour empêcher d’abréger le qameṣ (§ b) ; de même dans la particule אָֽנָּ֫ה, אָֽנָּ֫א  : « ah ! de grâce » § 105 c.
  6. 6) au pataḥ de l’article devant une consonne ayant redoublement virtuel et shewa moyen, p. ex. הַֽמְכַסֶּה ha̦m(m)eḵa̦sse̦(h) « celui qui cache » Lév 3, 3 ; excepté devant י, p. ex. הַיְלָדִים. De même au pataḥ de l’adverbe interrogatif הֲ, p. ex. הַֽמְכַסֶּה אֲנִי Gn 18, 17.
  7. 7) à une voyelle moyenne ou longue, devant maqqef, pour empêcher de l’abréger, p. ex. שָֽׁת־לִי Gn 4, 25 šåṯ-lī (non šo̦ṯ-lī) ; כֹּֽל־ Ps 138, 21 (non כָּל־) ; אֵֽת־ Job 41, 26 (non אֶת־).

  1. C’est probablement à raison de ce fait que le meteg est appelé par certains grammairiens gaʿya גַעְיָה « mugissement, élévation de la voix ».
  2. En dehors du texte biblique, on néglige souvent d’imprimer le meteg, sauf dans les cas où il est utile pour distinguer une forme. On le marquera notamment dans les cas où il sert à discriminer le ◌ָ, p. ex. יִלְבָּֽשְׁךָ il te revêtira (opp. יִקְטָלְךָ il te tuera, sans meteg).
  3. On peut formuler une règle pratique générale (englobant aussi 1 et 2) : on met le meteg à la voyelle de la première syllabe ouverte (ou considérée ici comme ouverte) séparée du ton au moins par un shewa mobile, p. ex. מֽוֹאֲבִיָּה, דָּֽלִיּוֹתָיו, אֹֽרְחֹתָיו.
  4. Chez les poètes du moyen-âge וּ est bref ; cf. Luzzatto, Grammatica ebraica, (1853), p. 584. De même on écrit p. ex. וּבְנֵי sans meteg, contrairement à 1 ; mais on écrit, avec meteg, p. ex. וּֽזֲהַב § 9 d 4.