Henry Dunbar/34

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Traduction par Charles Bernard-Derosne.
Hachette (tome IIp. 88-99).

CHAPITRE XXXIV

Adieu.

Margaret consentit à prendre le breuvage envoyé par le médecin. Elle se soumit à la demande de Mme Austin, mais elle semblait à peine comprendre pourquoi ce médicament lui était offert. Elle était semblable à une somnambule, dont le cerveau est peuplé par des êtres qu’on voit dans un rêve, et qui n’a point conscience des réalités matérielles qui l’environnent.

Le breuvage que Vincent avait donné comme un calmant se trouva être un narcotique très-violent ; et, un quart d’heure après en avoir fait usage, Margaret tombait dans un profond sommeil.

Mme Austin courut chez son fils pour lui porter ces bonnes nouvelles.

— Je veillerai deux ou trois heures, Clément, pour voir comment elle va, — dit la veuve ; — mais j’espère que vous consentirez à vous coucher et à prendre un peu de repos ; je sais que toutes ces émotions ont épuisé vos forces.

— Non, ma mère, je n’éprouve aucune fatigue.

— Mais vous essayerez de prendre quelque repos, ne fût-ce que pour me plaire ? Voyez, cher enfant, il est déjà près de minuit.

— Oui, si vous le désirez, ma mère, je vais me retirer dans ma chambre, — répondit vivement Austin.

Sa chambre était près de celles occupées par sa mère et Margaret, bien plus rapprochées que le salon. Il souhaita le bonsoir à Mme Austin et la quitta ; mais il n’avait point l’idée de se mettre au lit, ni même d’essayer de dormir. Il entra dans sa chambre et se promena de long en large ; il sortait à chaque instant dans le corridor pour écouter à la porte de la chambre de sa mère.

Il n’entendit rien. Un peu avant trois heures, Mme Austin ouvrit la porte de sa chambre et trouva son fils dans le corridor.

— Est-elle encore endormie, ma mère ? — demanda-t-il.

— Oui, et elle dort très-tranquillement. Je vais me coucher maintenant ; je vous en prie, Clément, tâchez de dormir aussi pendant quelque temps.

— Oui, ma mère, je tâcherai.

Clément retourna dans sa chambre. Il était heureux, car il pensait que ce sommeil apporterait quelque soulagement au cerveau surexcité de Margaret. Il se mit au lit et s’endormit, car il était exténué par la fatigue de la journée et l’inquiétude de la nuit. Le pauvre Clément s’endormit et rêva qu’il rencontrait par un beau clair de lune, dans le parc qui entourait Maudesley, Margaret marchant avec un « homme mort » dont le visage lui était étranger. C’était le dernier des rêves qu’il avait eus, tous plus ou moins grotesques ou épouvantables, mais aucun n’était aussi effrayant ni aussi distinct que celui-ci. La fin de la vision éveilla Clément en sursaut ; et il ouvrit les yeux à la froide lueur de l’aube, qui semblait plus particulièrement froide dans cette chambre de l’hôtel du Grand-Cerf.

Clément ne perdit point de temps à sa toilette. Il regarda sa montre, tout en s’habillant, et vit qu’il était sept heures et demie du matin. Il était huit heures moins un quart lorsqu’il quitta sa chambre, et alla à celle de sa mère pour demander des nouvelles de Margaret. Il frappa doucement, mais il n’y eut point de réponse ; alors, il essaya d’ouvrir le bouton de la porte, et, trouvant qu’on ne l’avait point fermée à la clef, il l’entr’ouvrit avec beaucoup de précaution et entendit la respiration régulière de sa mère.

— Elle dort, la pauvre âme, — se dit-il ; — je ne veux pas la déranger, car elle doit avoir besoin de repos après avoir veillé la moitié de la nuit.

Clément referma la porte avec aussi peu de bruit qu’il l’avait ouverte, puis il se dirigea doucement vers le salon.

Il y avait un grand feu qui pétillait dans la grille brillante ; et l’infatigable domestique, qui refusait de croire à l’extinction des diligences et de la malle, avait préparé le service du déjeuner qui avait un aspect glacial — des tasses bleues et blanches avec leurs soucoupes sur une nappe d’un blanc de neige ; un pot à crème en cristal taillé, qui semblait avoir été coupé dans de la glace, et une fontaine à thé en cuivre du dernier modèle et de la dernière élégance. Le service du déjeuner s’adaptait harmonieusement à la saison, et il était calculé évidemment pour produire un vaste grelottement chez les hôtes du Grand-Cerf.

Mais Clément n’accorda pas même un regard à la table préparée pour le déjeuner. Il s’élança vers la fenêtre cintrée où Margaret était assise, son châle jeté sur ses épaules, et son chapeau sur une chaise à côté d’elle.

— Margaret ! — s’écria Clément en s’approchant de l’endroit où la fille de Wilmot était assise, — ma chère Margaret, pourquoi vous êtes-vous levée si tôt ce matin, vous qui avez tant besoin de repos ?

La jeune fille se leva et regarda son prétendu avec une expression de calme et une solennelle gravité ; mais sa figure était aussi blanche qu’elle l’était la veille au soir, et ses lèvres tremblaient un peu alors qu’elle parla à Clément

— J’ai dormi assez longtemps, — dit-elle d’une voix grave et émue ; — je me suis levée de bonne heure parce que… parce que… je m’en vais.

Ses deux mains, qui étaient restées nonchalamment cachées sous les franges de son châle, se levèrent alors et se croisèrent dans un mouvement convulsif ; mais elle ne détacha pas un seul instant ses yeux du visage de Clément, et son regard ne se troubla jamais en se fixant sur lui.

— Vous vous en allez, Margaret ? — s’écria le caissier ; — vous partez… aujourd’hui… ce matin ?

— Oui, par le train de neuf heures et demie.

— Margaret, il faut que vous soyez folle pour me dire une chose pareille.

— Non, — répondit doucement la jeune fille ; — c’est là ce qu’il y a de plus étrange au milieu de tout… c’est que je ne suis pas folle. Je pars, Clément… monsieur Austin. J’aurais désiré pouvoir éviter votre vue… J’avais pensé à vous écrire pour vous dire…

— Pour me dire quoi, Margaret ? — demanda Clément. — Est-ce moi qui deviens fou, ou est-ce que ceci est un rêve ?

— Ce n’est pas un rêve, monsieur Austin. Ma lettre n’aurait fait que vous dire la vérité. Je m’éloigne d’ici parce que je ne puis jamais être votre femme.

— Vous ne pouvez jamais être ma femme, pourquoi… Margaret ?…

— Je ne puis vous en dire la raison.

— Mais vous me la direz, Margaret, — s’écria Clément avec véhémence. — Je n’accepterai pas une sentence pareille sans savoir la raison qui vous la fait prononcer ; je ne souffrirai pas qu’une barrière imaginaire vienne se placer entre vous et moi. Il y a un mystère, il y a quelque mystification dans tout ceci, Margaret, une fantaisie féminine que quelques mots d’explication calmeront. Margaret, mon amie !… pensez-vous que je consentirai aussi aisément à vous perdre ? vous mon unique amour ! M’estimez-vous assez peu pour croire que je veux me séparer de vous ?… Mon amour est une passion plus puissante que vous ne le supposez, Margaret, et le lien que vous avez accepté quand vous m’avez promis d’être ma femme est un lien qu’on ne peut pas briser aussi aisément !

Margaret regardait son prétendu avec des yeux mélancoliques et sans larmes.

— La destinée est plus forte que l’amour, Clément, — dit-elle tristement. — Je ne puis pas être votre femme !

— Pourquoi ?

— Pour un motif que vous ne devez jamais connaître.

— Margaret, je ne veux pas me soumettre…

— Vous devez vous soumettre, — dit la jeune fille en faisant un geste de la main comme pour réprimer les paroles passionnées de son fiancé. — Vous devez vous soumettre, Clément. Cette vie semble bien cruelle parfois, si cruelle que souvent pendant un terrible moment de sombre désespoir les cieux se dérobent à nous, et que nous ne pouvons reconnaître la sagesse éternelle qui dirige la main qui nous afflige. La vie me semble bien dure aujourd’hui, Clément. Ne cherchez pas à la rendre plus cruelle. Je suis une femme bien malheureuse, et de toutes choses au monde il n’y a qu’une grâce que vous puissiez me faire. Laissez-moi partir sans m’interroger, et que mon image soit effacée à jamais de votre cœur quand je serai partie.

— Je ne consentirai jamais à vous laisser partir, — répondit Clément d’un ton résolu. — Vous m’appartenez par le droit que m’a conféré votre promesse sacrée, Margaret. Ce n’est pas une folie de femme qui nous séparera.

— Le ciel sait que ce n’est pas une folie de femme qui nous sépare, Clément, — répondit la jeune fille d’une voix plaintive et émue.

— Qu’est-ce donc alors, Margaret ?

— Je ne saurais vous le dire.

— Vous changerez d’idée.

— Jamais.

Elle le regardait, et son visage pâle dénotait sa froide résolution.

Clément se souvint de ce que le docteur avait dit au sujet de la volonté de fer de la malade. Était-il possible que M. Vincent eût raison ? Est-ce que la douce résolution de cette jeune fille surmonterait la véhémence passionnée de Clément ?

— Qu’est-ce qui peut nous séparer, Margaret ? s’écria Austin. — Dites-le-moi… Vous avez vu M. Dunbar hier ?

La jeune fille frissonna, et sur son visage blême il y eut une ombre livide qui ressemblait plus à la mort que la blancheur de marbre qui l’avait précédée.

— Oui, — dit Margaret après un silence. — J’ai été très-heureuse. J’ai pu me faire recevoir dans les salons de M. Dunbar.

— Et vous lui avez parlé ?

— Oui.

— Votre entrevue avec lui a-t-elle confirmé ou dissipé vos soupçons ?… Croyez-vous encore que M. Dunbar a tué votre père ?

— Non, — répondit résolument Margaret, — je ne le crois pas.

— Vous ne le croyez pas ? Alors le banquier vous a convaincue de son innocence ?

— Je ne crois pas que M. Dunbar ait assassiné mon malheureux père.

Il est impossible de décrire le ton d’angoisse avec lequel Margaret prononça ces derniers mots.

— Mais il a dû transpirer quelque chose dans cette entrevue à Maudesley Abbey ? M. Dunbar vous a raconté quelque chose… peut-être au sujet de votre père mort, quelque secret déshonorant dont vous n’aviez jamais entendu parler auparavant, et vous pensez que la honte de ce secret serait un fardeau que je redouterais de porter ? Vous vous trompez sur mon caractère, Margaret, et vous faites une grande injure à mon amour. Soyez ma femme, chère âme, et si le monde vous montrait au doigt en disant : « La femme de Clément Austin est la fille d’un voleur et d’un faussaire, » je lui rendrais mépris pour mépris, et je lui crierais bien haut que j’aime et respecte ma femme pour des vertus qui ont fait souvent défaut à l’épouse d’un roi.

Pour la première fois de la matinée les yeux de Margaret devinrent humides, mais de sa tremblante main elle essuya vivement les larmes qui s’amoncelaient sous ses paupières.

— Vous êtes un brave cœur, Clément, — dit-elle ; — et je… je… je voudrais me sentir plus digne de vous, vous êtes un brave cœur, mais vous êtes bien cruel envers moi aujourd’hui. Ayez pitié de moi et laissez-moi partir.

Elle tira une petite montre de sa ceinture et y regarda l’heure. Alors, se rappelant subitement que cette montre était un présent de Clément, elle détacha la petite chaîne de son cou et les lui offrit toutes deux.

— Vous m’avez donné ceci quand j’étais votre fiancée, monsieur Austin, je n’ai pas le droit de conserver ce présent aujourd’hui.

Elle parlait très-tristement ; mais le pauvre Clément n’était qu’un simple mortel. C’était un digne garçon, ainsi que Margaret l’avait déclaré ; mais malheureusement les meilleures gens du monde sont sujets aux passions aussi bien que leurs inférieurs en moralité.

Clément jeta le petit bijou genevois sur le sol, et le réduisit à l’état d’atome avec le talon de sa botte.

— Vous êtes cruel et injuste, monsieur Austin, — dit Margaret.

— Je suis un homme, mademoiselle Wilmot, — répondit Clément avec amertume, — et j’ai tous les sentiments d’un homme. Quand la femme que j’aime change tout à coup d’idée et me raconte froidement que son intention est de me briser le cœur, sans daigner même me donner une raison pour expliquer sa conduite, j’avoue que je ne suis pas assez homme du monde pour sourire poliment, et lui dire que son désir sera le mien.

Le jeune homme se détourna et marcha de long en large dans la chambre pendant quelques instants. Il était dans une grande colère, mais le chagrin se mêlait si bien à l’indignation dans son cœur qu’il pouvait difficilement savoir lequel de ces sentiments parlait le plus haut. Peu à peu, cependant, le chagrin se fondit dans son amour, et tous deux étaient trop forts pour laisser place à la colère.

Clément revint vers la fenêtre ; Margaret était encore debout à la même place où il l’avait laissée, mais elle avait mis son chapeau et ses gants, et était prête à quitter la maison.

— Margaret, — dit Austin essayant de lui prendre la main ; mais elle la retira, comme elle s’était éloignée de lui la veille dans le corridor ; — Margaret, une fois pour toutes, écoutez-moi ! Je vous aime, et je crois que vous m’aimez. Si cela est vrai, nul obstacle au monde ne pourra nous séparer tant que nous serons vivants. Il n’y a qu’une raison qui me ferait vous laisser partir aujourd’hui.

— Quelle est cette raison ?

— Dites-moi que j’ai été abusé par mon amour-propre. J’ai douze ans de plus que vous, Margaret, et il n’y a rien de très-poétique ni dans ma personne ni dans ma position sociale. Dites que vous ne m’aimez pas. J’ai de l’orgueil, je ne mendierai pas votre pitié. Si vous ne m’aimez pas, Margaret, vous êtes libre de partir.

Margaret inclina la tête et se dirigea lentement vers la porte.

— Vous partez… mademoiselle Wilmot !

— Oui, je pars… Adieu, monsieur Austin.

Clément lui saisit violemment la main.

— Vous ne partirez pas ainsi, Margaret, — s’écria-t-il avec chaleur, — non, pas ainsi ! Vous me parlerez ! vous me parlerez franchement ! Vous me direz la vérité ! Vous ne m’aimez pas ?

— Non, je ne vous aime pas.

— C’était une plaisanterie alors… une illusion… tout était mensonge et tromperie depuis le commencement jusqu’à la fin. Le sourire que je voyais sur vos lèvres était donc une moquerie ; quand vous rougissiez, votre rougeur était donc la rougeur simulée d’une coquette émérite. Toutes les tendres paroles que vous m’avez dites… tout ce frémissement ému que j’entendais quand vous parliez à voix basse… toutes les larmes que je voyais dans vos yeux et qui me paraissaient si sincères, tout… tout était donc faux… tout était une illusion… une…

La main puissante du jeune homme couvrit son visage et on l’entendit sangloter. Margaret le regardait ; ses yeux étaient sans larmes, ses lèvres se contractaient d’une façon convulsive, mais il n’y avait point d’autre trace d’émotion dans son visage.

— Pourquoi avez-vous agi ainsi, Margaret ? — dit Clément après un moment, et d’une voix qui montrait tout le déchirement de son cœur. — Pourquoi avez-vous fait une chose aussi cruelle ?

— Je vous dirai pourquoi, — répondit lentement la jeune fille d’un ton délibéré ; — je vous dirai pourquoi, et à vos yeux je serai tout à fait méprisable, et ce sera alors chose facile pour vous d’effacer à jamais mon image de votre cœur. J’étais une pauvre fille désolée, et pire encore que cela, car la tache de l’histoire honteuse de mon père souille à tout jamais mon nom. C’était beaucoup trop d’honneur, pour un être tel que moi, que de gagner l’amour d’un honnête homme… d’un gentleman… qui pouvait m’abriter contre tous les maux de la vie, en me donnant un nom sans tache et un rang honorable dans le monde. J’étais la fille d’un forçat libéré, d’un réprouvé, et votre amour m’offrait la perspective splendide de ma rédemption des sombres abîmes de mépris et de misère dans lesquels je vivais. Je n’étais qu’une faible mortelle, Clément Austin ; qu’y avait-il en moi qui pût m’inspirer des sentimentsaux ou généreux, ou me donner la force de rester à la tentation ? J’ai saisi au vol la seule chance de ma misérable existence ; je résolus de gagner votre amour. Petit à petit je vous ai attiré jusqu’à ce que vous m’ayez offert d’être votre femme. C’était mon but et mon unique soin. Je réussis, et pendant un temps je me réjouis de mon succès et des avantages qui en résulteraient pour moi. Mais je crois que les natures les plus mauvaises ont parfois un certain genre de conscience ; la mienne s’est réveillée en moi cette nuit, et j’ai résolu de vous épargner le malheur d’être uni à une femme qui descend d’une race pareille à celle qui m’a donné le jour.

Rien ne pouvait être plus insensible que la façon dont Margaret avait prononcé ce discours. Sa parole glaciale n’avait pas tremblé. Elle avait parlé lentement, s’arrêtant à chaque phrase nouvelle. Elle avait parlé comme une misérable créature dont le cœur desséché était presque incapable d’éprouver une émotion féminine.

Clément la regardait avec une expression vague et étonnée.

— Oh ! bonté du ciel, — s’écria-t-il à la fin. — Comment croirai-je qu’il soit possible qu’un homme ait pu être aussi cruellement trompé que je l’ai été par cette femme !

— Je puis partir à présent, monsieur Austin ? — dit Margaret.

— Oui, vous pouvez partir à présent Vous qui fûtes jadis la femme que j’aimais… vous qui avez jeté ce charmant masque en qui j’avais cru, et m’avez révélé le visage d’un squelette… vous qui avez soulevé le voile d’argent de mon imagination pour me montrer l’horreur hideuse de la réalité. Partez, Margaret, et puisse le ciel vous pardonner !

— Me pardonnez-vous, monsieur Austin ?

— Pas encore. Je prierai Dieu de me donner la force nécessaire pour vous pardonner !

— Adieu, Clément.

— Un mot, mademoiselle Wilmot, — s’écria Austin. — Je vous ai beaucoup trop aimée dans le passé pour devenir indifférent à votre sort. Où allez-vous ?

— À Londres.

— À votre ancienne demeure, à Clapham ?

— Oh !… non… non !…

— Avez-vous de l’argent… assez du moins pour vivre quelque temps ?

— Oui ; j’ai économisé quelque argent.

— Si vous aviez besoin de quelque chose… me permettriez-vous de vous venir en aide ?

— De grand cœur, monsieur Austin. Je ne suis pas assez orgueilleuse pour ne pas accepter votre appui à l’heure de ma détresse.

— Vous m’écrirez alors chez ma mère, ou vous écrirez à ma mère, si jamais vous avez besoin de quelque chose. Je ne raconterai rien à ma mère de ce qui s’est passé entre nous aujourd’hui, excepté que nous nous sommes quittés. Vous devez partir par le train de neuf heures trente, m’avez-vous dit, mademoiselle Wilmot ?

Clément avait dit vrai lorsqu’il avait affirmé qu’il était fier. Il fit cette question d’un ton aussi froid que s’il eût parlé à une étrangère.

— Oui, monsieur Austin.

— Je vais demander une voiture pour vous, en ce cas. Cela vous fera gagner cinq minutes. Et j’enverrai un des domestiques à la station pour vous épargner tout ennui au sujet de vos bagages.

Clément tira le cordon de sonnette, et donna les ordres en conséquence. Puis il salua gravement Margaret, et lui souhaita le bonjour au moment où elle quitta la chambre.

Et c’est ainsi que Margaret se sépara de Clément.