Histoire de la chimie/Tome 1/Première époque/Première section/Égyptiens, Phéniciens, Hébreux

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Firmin Didot (Tome 1p. 30-68).

ÉGYPTIENS. — PHÉNICIENS. — HÉBREUX.

Les monuments antiques, fruits du génie et du travail de l’homme, constituent la principale source de l’histoire des sciences et des arts, auxiliaires puissants de la civilisation des peuples. À cette source il faut joindre les documents écrits, transmis par les historiens. Mais de graves difficultés se présentent dans l’emploi judicieux de ces matériaux. À quel caractères reconnaît-on l’antiquité authentique des monuments invoqués à l’appui de l’histoire ? Comment apprécier la valeur de documents souvent incomplets, tronqués, fictifs, ou incompréhensibles ? Quel est ici le critérium pour distinguer le vrai du faux ?

Ces questions, vraies pour toute l’histoire en général, s’appliquent plus particulièrement à l’histoire de la chimie, et surtout à l’état de cette science chez les anciens Égyptiens, chez les Phéniciens et les Hébreux. Quant aux Chaldéens, aux Assyriens et aux Babyloniens, ils échappent, faute de documents, à toute appréciation exacte.

Avant d’aborder les détails, jetons un coup d’œil rapide sur chacun de ces peuples civilisateurs de l’antiquité.

Les Égyptiens, comme les Chinois et les Indiens, cultivèrent de bonne heure les arts et les sciences. Et ce que nous avons dit des Chinois s’applique en grande partie aux Egyptiens : une population nombreuse (1[1]), établie sur les bords du Nil, mise en présence d’une nature riche en productions de toutes espèces, mais une population dépourvue de l’esprit guerrier et de l’ambition des conquêtes, devait nécessairement, par la seule force de l’intelligence et du travail, se frayer pour sa subsistance des voies nouvelles, inconnues à des tribus nomades ou à des nations exclusivement guerrières. À cela il faut joindre les croyances religieuses et les institutions politiques, qui favorisaient plutôt qu’elles n’entravaient la recherche de l’utile et du beau.

C’est dans le royaume des Pharaons que Platon, Pythagore, Solon et Hérodote étaient venus s’instruire.

L’Égypte devint à différentes époques la proie des conquérants. Soumis successivement à des dominations diverses, les Égyptiens ont dû perdre peu à peu leur antique genre de civilisation et ce cachet d’originalité qui les distinguait de tous les peuples du monde.

Le royaume des Pharaons a rarement joui des bienfaits d’une paix durable ; tous les grands événements qui exercent une influence marquée sur les arts, le commerce et la politique des empires, ont ramené la guerre sur les bords du Nil.

Enfin, à la chute de l’empire romain, l’Egypte éprouva le sort commun aux autres nations de ce vaste empire, qui s’intitulait orbis terrarum.

Si la Chine s’est maintenue à peu près intacte depuis des siècles, c’est qu’elle éprouva des secousses moins fortes de la part des peuples limitrophes : si elle a été conquise, elle l’a toujours été par des nations inférieures en nombre, et les conquis ont fini par s’assimiler complètement les conquérants (1[2]).

L’Egypte, au contraire, en changeant souvent de maîtres, perdit peu à peu les coutumes de ses ancêtres, et en adoptant des usages nouveaux elle finit par altérer son type.

Les Phéniciens nous présentent également le spectacle d’un peuple nombreux, établi sur un territoire proportionnellement très-restreint. Ici encore le génie de l’homme devait suppléer au défaut de la nature. Par son territoire la Phénicie était petite, mais ses habitants étaient grands par leur commerce, par leur industrie, par tous les arts de la paix. Les marchandises de Tyr et de Sidon étaient recherchées dans le monde entier. Ce peuple, essentiellement navigateur et commerçant, resserré dans des limites étroites par suite des conquêtes de ses voisins, fut naturellement porté à fonder des colonies dans les contrées qu’il aborda le premier. Ce fut ainsi qu’il découvrit l’Espagne (2[3]). Ce pays était riche en or et en argent ; ses habitants n’en connaissaient ni la valeur ni l’usage (3[4]).

Ce fut à peu près dans le même état que, près de trente siècles plus tard, les Espagnols trouvèrent l’Amérique et ses autochthones.

Les Phéniciens, après avoir établi des entrepôts dans les îles de Rhodes et de Chypre, d’où ils tirèrent leurs minerais de cuivre, franchirent les premiers le bassin de la mer Méditerranée, et prirent possession du détroit de Gades (1[5]) (Cadix), comme d’un poste important pour leurs colonies et leur commerce. Ils poussèrent leurs navigations, au nord, jusqu’aux îles Britanniques, d’où ils tirèrent le χασσίτερς (étain), dont parlent déjà Moyse (2[6]) et Homère (3[7]).

Les navigations lointaines produisirent alors dans les arts et dans l’industrie même révolution qu’a produite à notre époque le commerce avec l’Inde.

Une chose digne de remarque, c’est que dès la plus haute antiquité, tous les peuples essentiellement mercantiles avaient auprès des autres nations une réputation d’improbité. C’est ce qu’attestent ces paroles qu’Homère met dans la bouche d’Ulysse :

Alors vint un Phénicien, un maître fourbe,
Un grappilleur, qui avait déjà fait beaucoup de mal aux hommes (4[8]).

La foi punique, fides punica, était, dans la bouche d’un Romain, synonyme de mauvaise foi. Les peuples animés de l’esprit de lucre ne cultivent guère que le côté pratique des sciences. Sous ce rapport, les Phéniciens différaient entièrement des Égyptiens, qui se complaisaient dans le dogmatisme philosophique et religieux.

Hébreux. — Opprimés par les Égyptiens, avilis par les Assyriens et les Syriens, méprisés par les Romains, persécutés au moyen âge, disséminés aujourd’hui sur tout le globe les Juifs ont conservé, au milieu de leurs infortunes, leur foi, leurs mœurs, leur caractère, jusqu’au type même de leur physionomie[9]. Cet accord de tous les peuples à maltraiter les Juifs ne donne-t-il pas à penser ? — Ce qu’il y a de certain, c’est que le christianisme, qui prêche la fraternité, a eu son berceau chez les Juifs, qui dans toute l’antiquité passaient pour le peuple le plus égoïste et le moins conciliant du monde. Les Romains, les plus tolérants des mortels, ne leur reprochaient-ils pas odium totius generis humani ? — Incontestablement les Israélites étaient dès leur origine animés du même esprit de lucre que les Phéniciens, avec lesquels ils avaient plus que de simples rapports de voisinage.

Quoique fidèles à leurs croyances religieuses, les Hébreux ont cependant emprunté aux Égyptiens et aux Phéniciens la pratique des choses qui leur paraissaient les plus utiles. Ils mettaient dans la construction du tabernacle tout le raffinement des arts de l’Egypte ; et les ornements du grand-prêtre devaient avoir mis à contribution les ateliers de Tyr et de Sidon[10]. Bien que Moyse, le Solon des Juifs, n’ait pas précisément institué des lois en faveur de la culture des arts, il fait cependant l’éloge des ouvriers et des artisans. (Exod., XXI, 11 ; XXXV, 30 — 36.) Les orfèvres, les sculpteurs, les forgerons, en général tous les artisans (חֲרָשִׁים), étaient, comme chez les Egyptiens, des hommes libres, et non des esclaves, comme chez les Grecs et les Romains.

§1.

De l’origine de la chimie.

Hermès ou Mercure, surnommé le trois fois très-grand (τριςμέγιστος), passe pour l’inventeur des arts en Égypte, et particulièrement pour l’inventeur de la chimie[11]. On attribue à ce personnage mythique, qui s’appelle aussi Thaat ou Thaut, un grand nombre d’écrits sur les arts, sur la médecine et l’astrologie, dont plusieurs existent encore sons le pseudonyme d’Hermès Trismégiste[12]. Ce qui prouve que ces écrits sont supposés, c’est qu’aucun écrivain antérieur à l’ère chrétienne n’en fait mention. Les auteurs qui en ont parlé les premiers appartiennent presque tous à la fameuse école d’Alexandrie, véritable atelier de science et de littérature pseudonymes.

D’autres attribuent l’invention des arts utiles à Phtha ou à Vulcain. Ils le regardent comme identique avec Tubalcaïn qui, d’après la tradition biblique, travailla le premier les métaux[13]. Zosime, Eusèbe et Synésius rapportent qu’il y avait dans le temple de Phtha (Vulcain), à Memphis, un endroit destiné à l’exercice de la science divine ou de l’art sacré, qui, comme nous le verrons plus bas, n’était autre que la chimie ou l’alchimie. C’est ainsi que les alchimistes se réunissaient autrefois dans les cathédrales pour se livrer aux opérations du grand œuvre.

Les alchimistes paraissent avoir également emprunté aux prêtres de l’Égypte les formes énigmatiques, les signes hiéroglyphiques de leur art, le rapprochement mystique des métaux, des planètes et des signes du zodiaque, les théories de l’œuf philosophique,  etc.

On a beaucoup et vainement discuté sur la science cachée des prêtres de Thèbes, de Memphis et d’Héliopolis. Le silence était imposé à ces prêtres sous les peines les plus sévères, et il ne leur était permis de s’exprimer que symboliquement.

Au rapport d’Eusèbe et de Synésius[14], c’est dans le temple de Memphis que Démocrite d’Abdère fut initié par Ostanes aux mystères de l’Égypte, en compagnie d’autres philosophes, parmi lesquels on cite Pammènes, et une prophétesse juive, nommée Marie.

Ces initiations mystiques offrent quelque analogie avec celles des alchimistes du moyen âge, qui s’engageaient aussi, par des serments terribles, à garder le secret de leur art, et qui ne parlaient des choses les plus simples que par énigmes.

Les disciples de l’art sacré, comme les alchimistes, se divisaient, à proprement parler, en deux classes : 1° ceux qui traitaient de la science par des signes ou des symboles, et qui dédaignaient d’observer la nature ou d’interroger l’expérience ; 2° ceux qui, sans suivre exclusivement leur imagination, arrivaient par la pratique de leur art à des découvertes utiles. Les premiers se faisaient remarquer par leur dogmatisme orgueilleux : ils se disaient les initiés par excellence, pour se distinguer de ceux de la deuxième classe, qui, pour être plus modestes, n’en étaient que plus estimables. Si c’est à la première classe qu’appartenaient les prêtres de Memphis, de Thèbes et d’Héliopolis, nous n’avons pas à regretter leur science : elle méritait l’oubli.

Les objets d’art de l’antiquité sont sortis des mains de l’ouvrier ; étranger à la langue du prêtre, il travaillait les métaux, fabriquait le verre, faisait de riches étoffes, et métamorphosait la matière brute en monuments que le temps a en partie respectés et que la postérité admire.

Laissons Borrichius[15], Conringius[16], Kircher[17], et d’autres érudits, discuter si c’est à Hermès Trismégiste, à Phtha, ou aux prêtres de Memphis et de Thèbes, que revient l’honneur de l’invention de la chimie ; si cet art a pris naissance, sous le règne d’Isis et d’Osiris, dans l’Égypte, appelée anciennement Chemia ou Chamia (pays de Cham), ou s’il a eu son berceau dans Chemmis, ville de la Thébaïde, consacrée à Pan. Essayons plutôt d’apprécier convenablement les connaissances pratiques que possédaient les Egyptiens dans les arts tributaires de la chimie.

Les preuves de l’antique existence des arts du verrier, du peintre, du sculpteur, du batteur d’or, du doreur, du statuaire en pierres et en métaux, du graveur, du stucateur, du fabricant de ce papyrus sur lequel les anciens habitants de l’Égypte traçaient leur écriture, du fabricant de toile, du teinturier, etc. ; les preuves de l’antique splendeur de tous ces arts se voient encore aujourd’hui dans les palais, dans les temples et surtout dans les hypogées de la ville de Thèbes. On y admire de petits tubes d’émail colorés, les uns en bleu, les autres en rouge ; des poteries émaillées de diverses couleurs, des vases, des statues en faïence, des verres, des pâtes de verre colorées, un stuc composé, vraisemblablement comme le nôtre, de plâtre et de colle forte, ou, comme celui des Romains, de marbre blanc et de chaux, et sur ce stuc, sculpté en relief, des figures diversement peintes, et qui ont, après des siècles, conservé leurs vives couleurs. On y voit des momies d’hommes et d’animaux,. dont l’enveloppe et les membres sont couverts de feuilles d’or ; des statues de bois et de bronze dorées ; des toiles de lin et de coton, les unes sans couleurs, les autres teintes, ou en bleu, par l’indigo, ou en rouge, par la garance ; enfin des papyrus offrant des caractères tracés avec une encre noire par des mains exercées.

On rencontre encore aujourd’hui, dans plusieurs villes de l’Égypte, des édifices construits en briques émaillées, et des appartements décorés de carreaux de faïence recueillis dans les ruines des villes anciennes, et qui, à cause de leur beauté, sont préférés par les riches aux carreaux que fournit actuellement l’art du faïencier, dégénéré dans ce pays, comme les autres arts [18].

Essayons de remonter à l’origine de ces arts.


§2.

Pain. — Ferment. — Vin. — Bière. — Huile.


Les premiers besoins de l’homme ont dû de bonne heure éveiller en lui cet esprit de recherches qui amène des découvertes ou des inventions utiles et nécessaires. Des témoignages irrécusables nous attestent l’antiquité de l’art de faire le pain, le vin, l’huile, de la fabrication des étoffes et des métaux, etc. À peine l’homme eut-il de quoi satisfaire les premiers besoins de la vie, qu’il songeait à embellir son existence. Jubal est contemporain de Tubal. Le vin est aussi ancien que le pain. La préparation des couleurs, la teinture des étoffes, l’emploi des pierres précieuses,  etc., remontent à l’antiquité la plus reculée. La musique et la danse datent de l’origine du monde.

Du blé au pain la distance est grande. Comment cette distance fut-elle franchie ? C’est ce qu’il est difficile de déterminer. Il a fallu peut-être longtemps avant de découvrir que le grain donne la farine, et que la farine réduite en pâte, et ayant subi la fermentation et la cuisson, donne le pain, ce symbole de la vie dans la langue sacrée. L’agriculture, dont le principal objet était la culture des céréales et de la vigne, remonte probablement aux temps antéhistoriques. Beaucoup d’anciens peuples employaient, comme le font encore aujourd’hui les tribus sauvages, certaines racines au lieu du fruit des graminées ; et ce n’est certes pas l’analyse chimique qui leur a appris que ces racines renferment une substance (fécule) tout semblable à celle que contient le froment.

Il fallait des instruments pour broyer les graines. À cet effet deux pierres pouvaient suffire. Ces deux pierres broyantes donnèrent sans doute l’idée du mortier, qui devait conduire à l’invention du moulin. Ce ne fut certainement que beaucoup plus tard qu’on inventa le tamis, ou un instrument analogue, propre à séparer l’enveloppe de la graine, le son de la farine. C’était déjà un raffinement. L’opération du blutage devait être d’abord très-imparfaite ; car le pain qu’on a trouvé dans les momies d’Égypte contient du blé grossièrement moulu, ce qui lui donne l’apparence du pumpernickel des Hollandais (1[19]). Cependant Pline nous apprend (2[20]) que les Egyptiens connaissaient le tamis, et qu’ils le fabriquaient avec des filaments de papyrus et des joncs très-minces. Les anciens habitants de l’Espagne faisaient des tamis en fil, et les Gaulois sont les premiers qui aient eu l’adresse d’y employer le crin des chevaux (3[21]).

Il se passa sans doute bien des siècles avant d’arriver à faire fermenter la pâte, et à lui appliquer le degré de cuisson convenable dans des fours appropriés. La fermentation avant la cuisson dénote déjà un certain perfectionnement dans l’art de la panification. Le pain, לֶחֶם {lekhem), qu’Abraham servit aux trois anges qui lui apparurent dans la vallée de Mambré, avait été fait avec de la pâle non fermentée ; c’était une espèce de biscuit de mer. Il fut de bonne heure interdit de faire fermenter la pâte du pain qui devait servir aux cérémonies religieuses. Pourquoi ? Parce que la fermentation, qui est une espèce particulière de putréfaction, était regardée comme l’acte d’un mauvais génie.

Dès l’époque de Moyse on connaissait l’usage du levain et du pain fermenté. Ce législateur, en prescrivant aux Hébreux la manière dont ils devaient manger l’agneau pascal, leur défendait expressément de manger du pain fermenté (חָמֵץ) (4[22]). Nous lisons dans l’Exode que les Israélites, lors de leur sortie d’Egypte, mangèrent du pain sans levain et cuit sous la cendre : les Egyptiens les avaient si fort pressés de partir, qu’ils ne leur avaient pas laissé le temps de mettre le levain dans la pâte (5[23]).

Les Juifs mangent encore aujourd’hui du pain azyme (non fermenté), en souvenir de la sortie de leurs ancêtres de la terre de Mizraïm.

En général, les anciens ne préparaient leur pâte qu’au moment où ils voulaient s’en servir ; ils la faisaient immédiatement cuire sous la cendre, comme cela se pratique encore aujourd’hui dans certains pays. D’autres fois ils préparaient avec la farine et l’eau une espèce de bouillie claire, qu’ils faisaient cuire avec des viandes ; c’est ce que les Romains appelaient pulmentum ou pulmentarium. Lors de la découverte des Canaries, on remarqua que les indigènes de ces îles ignoraient l’art de la panification : ils mangeaient leur farine cuite avec de la viande ou du beurre.

Comment fut découvert le ferment ? Le mot hasard n’explique rien. Il fallut nécessairement que l’esprit d’observation s’emparât d’un fait, en apparence, insignifiant. On aura été sans doute bien étonné en voyant qu’un morceau de pâte aigrie, et d’un goût détestable, ajouté à une pâte fraîche la faisait gonfler, et que cette pâte donnait un pain plus léger, plus savoureux, et d’une digestion plus facile.

La fermentation est de tous les phénomènes chimiques le plus important et en même temps le plus anciennement connu. Et cependant ce phénomène n’a été bien étudié que de nos jours : c’est la fermentation qui, par la découverte de l’acide carbonique, devint, au dix-septième siècle de notre ère, le point de départ de, la chimie moderne.

L’idée d’exprimer le suc des raisins et de le conserver dans des vases, pour s’en servir en guise de boisson, devait se présenter tout naturellement à l’esprit des hommes. Aussi l’art de la vinification est-il très-ancien en Égypte, ainsi que dans les contrées principales de l’Asie où prospérait la vigne. Sa connaissance remonte aux temps mythologiques. Osiris apprit aux hommes, selon la tradition des Égyptiens, à cultiver la vigne et à faire du vin (1[24]). Suivant d’autres, l’honneur de cette invention revient à Noé (2[25]) et à Bacchus. Dans les sacrifices primitifs, on offrait à la Divinité du pain et du vin (3[26]).

La bière, dont la connaissance est fort ancienne, était probablement d’abord une espèce de tisane d’orge. C’était la boisson la plus commune de la plupart des habitants de l’Égypte (4[27]). Les Espagnols et les Gaulois connaissaient de temps immémorial la préparation de la bière. Tacite raconte des Germains qu’ils avaient « un breuvage fait avec de l’orge, et converti, par la corruption (fermentation), en une espèce de vin : ex hordeo factus et in quamdam similitudinem vini corruptus) (1[28]) ; » ce qui montre que la bière des Germains était une liqueur fermenté comme le vin, et qui devait être en effet semblable à notre bière. L’emploi du houblon dans la préparation de la bière est d’une date récente ; aussi les bières des anciens devaient-elles facilement tournera l’aigre ou éprouver la fermentation acide.

Les anciens ignoraient sans doute que dans le suc exprimé des raisins, de même que dans le moût de bière (2[29]), la matière sucrée se transforme en alcool sous l’influence du ferment. Mais ils savaient fort bien que le moût perd au bout de quelque temps sa saveur sucrée, et qu’il acquiert la propriété d’enivrer. S’ils ignoraient l’eau-de-vie pure, ils connaissaient des liqueurs qui en contenaient : la découverte de l’esprit-de-vin coïncide avec celle de la distillation.

La connaissance du vin et de la bière implique celle du vinaigre ; car ces liqueurs, exposées au contact de l’air et dans les conditions atmosphériques ordinaires, s’acidifient naturellement, en donnant naissance, par suite de l’oxydation de l’alcool, à l’acide acétique. Les anciens connaissaient le vinaigre, mais ils ignoraient la cause qui le produit. Le vinaigre (vinum acidum, d’où acetum) ne servait pas seulement à assaisonner des légumes (3[30]) ; mais, délayé dans de l’eau, il était employé comme boisson (4[31]). Chez les thalmudistes, le vin et le vinaigre sont souvent pris l’un pour l’autre, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre ce passage de l’Évangile : « Ils lui donnèrent à boire du vinaigre (ὄξος) mêlé de bile. (5[32]) »

Il est à remarquer qu’ici, comme dans beaucoup d’autres cas, le nom donne, en quelque sorte, la raison même de la chose.

Ainsi, le mot חֹמֶץ (khomets), qui signifie (en hébreu, en chaldéen, en phénicien, etc.) vinaigre, dérive de חׇֹמֵץ (khamets) qui veut dire ferment, comme pour indiquer que le vinaigre est un produit de la fermentation. Bien plus, le nom יין (yine) vient lui-même du verbe יין faire effervescence, se soulever (1[33]), comme pour faire allusion au moût, qui se soulève (en dégageant de l’acide carbonique) pour se transformer en vin. Le nom יין (yine) qui signifie produit de la fermentation, est à peu près le même en phénicien, en syriaque, en arabe, en cophte et en arménien (ghini). Le nom grec οἱνς et le latin vinum dérivent évidemment de la même racine ; car οἶνος devait se prononcer inos comme on le prononce encore aujourd’hui en Grèce, et peut-être faisait-on sonner en même temps l’esprit doux (’) comme v, de manière à prononcer vinos ; de là le latin vinum (2[34]). C’est de ce dernier mot que dérive l’allemand wein (en bas-saxon wyn), l’anglais wine, l’italien vino, le français vin, enfin les mots qui dans toutes les langues indo-européennes signifient vin, c’est-à-dire, produit de la fermentation.

Mais ce n’est pas seulement avec les raisins qu’on faisait une boisson fermentée ; le suc du palmier et d’autres végétaux servait depuis fort longtemps à la préparation des liqueurs fermentées. Le vin de palmier des Assyriens est déjà mentionné par Hérodote (3[35]).

L’idée d’écraser les fruits pour en retirer, soit la fécule, soit le suc, amena la découverte de l’huile. Dans presque toutes les graines où l’embryon n’est pas entouré de fécule, on trouve, à la place de celle-ci, une matière grasse, qui paraît, comme la fécule, être destinée à nourrir l’embryon à mesure qu’il se développe. Selon toute apparence, l’huile, la fécule et le moût ont été découverts en même temps ; car l’homme qui le premier songea à écraser le fruit de la vigne n’avait aucune raison pour ne pas poursuivre ses expériences : il devait essayer de traiter de même tous les fruits secs ou charnus des plantes qu’il avait sous les yeux. L’huile, et en particulier l’huile d’olive, fut d’abord, ainsi que le produit des autres fruits, employée comme aliment ; puis on s’en servit dans les cérémonies religieuses, enfin comme d’un moyen d’éclairage. L’observation d’un fait à la portée de tous donna sans doute lieu à l’invention de la mèche. Avant l’emploi les lampes, on s’éclairait à la lueur des torches en bois résineux, comme cela se pratique encore aujourd’hui dans les pays où abondent les forêts de pins, de sapins et de cèdres. Les lampes devaient être connues en Égypte déjà avant l’arrivée de Moyse. L’usage qu’en fait ce législateur et la description qu’il en donne ne permettent aucun doute à cet égard (1[36]).


§3.

Métallurgie. — Or. — Argent. — Airain. — Fer, etc.

Les métaux sont les indispensables auxiliaires de l’industrie. Ils attirèrent de bonne heure l’attention du cultivateur et du chasseur. Et le guerrier lui-même devait bientôt reconnaître, soit pour l’attaque, soit pour la défense, l’incontestable supériorité des métaux sur les armes primitives de pierre ou de bois.

Le premier connu de tous les métaux, c’est l’or. D’abord, sa couleur et son éclat le font remarquer des sauvages et même de certains animaux (2[37]) ; puis, on le rencontre presque partout à l’état natif, c’est-à-dire avec la couleur, avec l’éclat et les autres propriétés physiques qui le caractérisent.

Une chose digne de remarque, c’est que le nom qui en hébreu, en phénicien et probablement dans la langue démotique des Égyptiens, signifie or, זָהָב, dérive précisément du verbe briller, resplendir, צָהַב (tsahab). C’est avec l’or qu’on a fabriqué les premiers instruments métalliques. Il est question, dans le Pentateuque (3[38]), de coupes, d’encensoirs, de tasses et de candélabres, faits avec de l’or pur, travaillé au marteau.

Le mot טָהוֹר (tahor), qui signifie pur, sans mélange, supposerait-il la connaissance de quelque moyen chimique de purifier l’or ? C’est une question sur laquelle nous reviendrons. Il paraît certain que l’on ne connaissait pas à l’époque de Moyse la dorure proprement dite, et que l’on ne savait aucun moyen de dissoudre l’or. Pour la construction du tabernacle, le seigneur avait dit : « Vous couvrirez les ais de lames d’or ; — vous couvrirez aussi ses barres de lames d’or (1[39]). »

C’était là une simple opération mécanique, semblable à celle dont parle Homère à propos du sacrifice de Nestor : « Vint le forgeron tenant dans ses mains les instruments de son art, l’enclume, le marteau et les tenailles bien faites, avec lesquels il travaillait l’or (χρυσὸν εἰργάξετο) (2[40]). »

Les anciens chimistes ont fait bien des conjectures sur le veau d’or que Moyse brûla, et qu’il donna à boire aux Israélites (3[41]). On est allé jusqu’à supposer ce législateur initié à la chimie ou à l’alchimie. Suivant Stahl, l’auteur de la fameuse théorie du phlogistique, Moyse eut le secret de l’or potable, et en faisant boire cette dissolution il aurait aggravé la punition infligée aux Israélites récalcitrants (4[42]). Le mot brûler, remarque Wiegleb (5[43]), signifie aussi fondre ; comme le veau d’or était probablement en bois recouvert de lames d’or, Moyse ne brûla réellement que le bois, pendant que l’or allait se fondre en culot : les cendres mises dans l’eau donnèrent non pas de l’or potable, mais une eau lixivielle (chargée de sels alcalins), qui devait produire l’effet d’un purgatif.

Moyse s’était-il réellement servi d’un moyen chimique pour dissoudre le veau d’or ? Non ; car en lisant attentivement le texte hébreu on peut se convaincre qu’il n’y est parlé que d’une opération purement mécanique. Voici comment nous traduisons ce passage de l’Exode : « Et il (Moyse) prit le veau, qu’ils (les Israélites) avaient fait, et le détruisit dans le feu (6[44]), et il le moulut (dans un moulin à bras (1[45]) en petites parcelles, qu’il jeta dans l’eau et fit boire aux fils d’Israël. »

Ainsi donc, c’était de l’or divisé par un moyen mécanique et tenu en suspension dans l’eau, que Moyse fit boire aux Israélites. Toutes ces discussions sur la prétendue dissolution du veau d’or et sur le savoir chimique de Moyse tombent d’elles-mêmes devant la clarté du texte original.

L’argent devait être connu presque en même temps que l’or ; car il est plus répandu dans la nature qu’on ne se l’imagine, et il se rencontre également à l’état natif. Quoique l’argent n’attire pas autant les regards que l’or, le nom qu’il porte dans toutes les langues anciennes est fondé sur la couleur et l’aspect que présente ce métal. Ainsi, כֶּסֶף (khesef), qui signifie argent en hébreu, dérive du verbe כָּסַף (khasaf), être pâle ; de même qu’en grec ἅργυρος ; (argent) vient de grc, blanc. C’est de là que dérivent le latin argentum et les mots équivalents des langues néolatines. L’argent servait aux même usages que l’or.

Après ces deux métaux viennent le cuivre, l’étain, l’airain et le plomb. On trouve l’énumération complète des métaux anciennement connu (vers 1 500 avant J.-C.), dans le passage suivant du Pentateuque (2[46]) : « Que l’or זָהָב (zahab), l’argent כֶּסֶף (khesef), le fer בַּרְזֶל (barzet), l’airain נְחֹ֫שֶׁת (nekhocet), le plomb עֹפָ֫רֶת (oferet), l’étain בְּדִיל (betil), et tout ce qui peut passer par le feu (3[47]), soit purifié par le feu. »

L’histoire ne nous a pas transmis le nom de celui qui eut le premier l’idée de retirer les métaux des minerais, dont l’extérieur ne fait ordinairement guère soupçonner les substances qu’ils recèlent.

Les Égyptiens attribuaient cette découverte à leurs premiers souverains (4[48]) ; les Phéniciens, à leurs divinités (5[49]).

Quand on songe qu’à notre époque, où la science fait tant de progrès, on n’a pas encore trouvé le moyen d’obtenir les métaux à l’état de pureté parfaite, on a toute raison de croire que les métaux des anciens étaient très-impurs et très-imparfaits. Comme les minerais ne renferment jamais un seul et même métal, les métaux qui en provenaient devaient être des espèces d’alliages, plus ou moins faciles à travailler. L’extraction et l’affinage des métaux supposent des connaissances qui se perfectionnent de jour en jour.

Il n’y a qu’un moyen d’expliquer la haute antiquité des métaux, c’est d’admettre, par hypothèse, que les métaux ou leurs mines étaient pour ainsi dire à fleur de terre ; que les éléments minéralisateurs, comme le soufre, l’oxygène, etc., n’avaient pas encore eu le temps de compléter leur action en altérant les métaux au point de les rendre méconnaissables, et que la plupart existaient à l’état natif ou à peine altérés, pareils au fer et au nickel qu’on trouve dans les météorites. Ne se pourrait-il pas que le fer d’alors, dont le prix était presque égal à celui de l’or, fût du fer aérolithique ? C’est une question que nous ne faisons que poser.

Les Égyptiens paraissent avoir connu de temps immémorial le moyen de purifier l’or et l’argent à l’aide du plomb et des cendres des végétaux. Le borith (בֹּרִית), par lequel il faut entendre tantôt le sel alcalin retiré des cendres (carbonate de potasse du commerce), tantôt les cendres mêmes, était primitivement employé comme fondant et dans l’affinage des métaux (1[50]).

Les anciens ignoraient l’usage des acides ou des eaux corrosives pour attaquer les métaux ou les minerais. Ils ne connaissaient que le vinaigre et les sucs acides des végétaux ; ils savaient cependant que ces derniers, conservés dans des vases d’airain, acquièrent des qualités malfaisantes. Il faut arriver au neuvième siècle de notre ère pour trouver les premières traces de la dissolution des métaux au moyen d’un acide minéral (eau-forte).

Les opérations auxquelles on soumettait les métaux étaient, pour le répéter, purement mécaniques. L’enclume, les tenailles et le marteau sont mentionnés par les auteurs les plus anciens comme attributs du forgeron (2[51]). On réduisait les métaux en lames plus ou moins minces ; mais on ne connaissait pas encore le moyen de les réduire en fils.

Les peuples primitifs employaient, comme le font encore aujourd’hui les peuples sauvages, le cuivre, ou des alliages de cuivre et d’étain ou de zinc (airain, bronze), pour les mêmes usages auxquels nous faisons aujourd’hui servir le fer ou l’acier, « Les Massagètes emploient, dit Hérodote, l’airain pour la fabrication des lances, des pointes de flèche, des sagayes. L’or leur sert dans leurs ornements. Ils garnissent le poitrail de leurs chevaux de cuirasses d’airain, et enrichissent d’or les brides, les mors et les housses. Mais ils ne connaissent pas le fer (1[52]). »

Les alliages de cuivre sont désignés par les noms génériques נְחֹ֫שֶׁת (nekhochet) (2[53], χαλαός aes, que l’on traduit généralement par airain. Nous reviendrons plus bas sur la valeur de ces mots.

Tous les auteurs anciens s’accordent à dire que les instruments aratoires, les armes, les outils employés dans les arts, etc., étaient fabriqués en airain (3[54]). Les armes, et d’autres instruments antiques, que l’on conserve dans les musées et dans les arsenaux de l’Europe, confirment ces témoignages (4[55]).

Le fer cru et non travaillé était probablement connu depuis la plus haute antiquité. Mais comme ce métal est très-difficile à fondre et à travailler, il s’était sans doute passé des siècles avant que l’on parvint à l’extraire convenablement de sa mine, à le forger, et à le rendre par la trempe apte à servir dans une foule d’usages, et à devenir ainsi le plus utile et conséquemment le plus précieux des métaux.

L’histoire de la découverte du Nouveau Monde nous apprend que les Mexicains et les Péruviens, qui connaissaient depuis longtemps l’art de travailler l’or, l’argent et le cuivre, n’avaient aucune notion des instruments de fer, quoique ce dernier métal abonde au Mexique et au Pérou[56]. Or, l’histoire des peuples sauvages est l’histoire des peuples primitifs.

Les traditions des Phéniciens et des Crétois font remonter la découverte du fer à des époques très-reculées[57]. Les Grecs l’attribuaient à des personnages fabuleux, à Cybèle, à Prométhée, aux Cyclopes et surtout aux Dactyles du mont Ida. « Les Dactyles étaient, dit le scoliaste d’Apollonius de Rhodes, des enchanteurs et des magiciens, qui passent pour avoir trouvé le fer[58]. » — Il y avait un mont Ida dans l’ile de Crète et un autre sur les limites de la ïroade et de la Phrygie, au fond du golfe d’Adramyttium. Duquel des deux s’agit-il ici ? Cette question se trouve résolue par le passage suivant de Diodore : a Le mont Ida est la plus haute montagne de l’Hellespont ; on y trouve un antre merveilleux, où les déesses furent, dit-on, jugées par Paris. C’est dans ce même antre que la tradition place les ateliers des Dactyles idéens, qui les premiers forgèrent le fer, après avoir appris cet art de la mère des Dieux [59] » — Les Chalybes, qui habitaient sur les bords du Pont-Euxin, passaient aussi pour très-habiles à travailler le fer[60] par l’emploi de la trempe, dont ils paraissent avoir eu le secret. Serait-ce en honneur des Chalybes que l’acier reçut le nom latin de chalybs ?

La connaissance de la trempe du fer, que François Bacon regarde à tort comme une découverte moderne, remonte au moins à mille ans avant l’ère chrétienne. Homère en parle en termes non équivoques, à propos de Polyphème, auquel Ulysse creva l’œil avec un pieu. « Et il se fit entendre, dit le poète, un sifflement semblable à celui que produit une hache rougie au feu et trempée dans l’eau froide ; car c’est là ce qui donne au fer la force et la dureté (τὸ γὰρ αὖτε σιδήρου γε κράτος ἐστίν) » [61].

Sophocle, qui vivait au temps de Périclès, par conséquent plus de 400 ans avant J.-C., compare quelque part un homme dur et entêté à du fer trempé (βαφῇ σίδηρος ὣς)[62]. Selon les marbres d’Arundell, le fer était connu 188 ans avant la guerre de Troie. Mais cette autorité est contredite par Hésiode, Plutarque et d’autres. Les anneaux de fer que l’on a trouvés dans les tombeaux d’Égypte sont d’une date plus récente ; la plupart ne paraissent pas être antérieurs aux Ptolémées[63].

La dureté du fer et la difficulté de le faire fondre, ces deux qualités caractéristiques, ont de tout temps fixé l’attention sur ce métal. Moyse parle souvent, au figuré, de la dureté du fer[64]. Une domination dure est désignée par שֵׁבֶט בַּרְזֶל (chefet barzel)[65], domination de fer ; un cœur insensible est comparé à une chaîne de fer (גִיד בַּרְזֶל)[66].

En voyant Moyse comparer la servitude à la chaleur d’un fourneau dans lequel on fond le fer, on serait porté à croire que l’on construisait déjà à l’époque de ce législateur, et probablement avant cette époque, des fourneaux particuliers pour faire fondre le fer. « Le Seigneur, dit Moyse aux Israélites, vous a fait sortir de l’Égypte comme d’un fourneau [où l’on fond] le fer (כּוּר הַבַּרְזֶל)[67].

Qu’il nous soit permis ici de relever une de ces erreurs qu’il arrive souvent de commettre, lorsqu’on est réduit à se fier) des traductions qui ne peuvent en aucun cas remplacer le texte original.

Goguet dit, à la page 342, tome I, d’un ouvrage estimé[68] : « Mais ce qu’on doit le plus remarquer, c’est que dès lors (à l’époque de Moyse) on faisait en fer des épées, des couteaux, des cognées, et des instruments à tailler des pierres. Pour parvenir à faire des lames de couteau, d’épée, etc., il a fallu trouver l’art de convertir le fer en acier, et le secret de la trempe. Ces faits me paraissent prouver suffisamment que la découverte de ce métal et l’art de le travailler remontent à des temps très-anciens, etc. »

Cette opinion, inconsidérément adoptée par beaucoup leurs, ne repose sur aucun texte de Moyse. Dans les passages du Pentateuque que Goguet cite, il n’est nullement question de lames de fer, ni de couteaux, ni d’épées. Voici comment nous traduisons textuellement :

« Il (le prêtre) lui déchirera les ailes ; il ne la partagera pus (לֹא יַבְדִּיל)[69]. » Le verbe בָּדַל (seulement employé au Hiphil) n’a jamais signifié autre chose que partager, séparer, disjoindre. Mais on peut disjoindre quelque chose par la simple force des mains, comme avec une pierre ou un os aiguisé. Il ne s’agit donc ici ni de lames ni de couteaux. De plus, le nom de fer ne s’y trouve même pas indiqué ; et les traducteurs, qui se sont servis des expressions de « lames de fer ou de couteaux », auraient pu tout aussi bien employer d’autres termes, tels que lames d’or, lames d’argent, d’airain, etc.

Ce qui prouve que les lames des couteaux qu’on employait alors (vers 1500 avant l’ère chrétienne) dans les cérémonies religieuses, et pour d’autres usages, étaient, non pas en fer, mais en pierre, ce sont les expressions de צוּר et צוּריס pierre, rocher, qui accompagnent toujours le nom חֶרֶב, couteau, épée[70]. C’est ce que les Septante ont rendu par μαχαίρας πετρίνας, et la Vulgate par cultros lapideos (couteaux de pierre).

Passons à une autre citation sur laquelle s’était appuyé Goguet, suivi par d’autres : « Si quelqu’un frappe avec [le] fer, et que [celui qui aura été frappé] meure, il est coupable d’homicide [71]. »

Dans ce passage il n’est non plus question ni d’épées, ni d’aucun instrument tranchant. On y trouve seulement le nom בַרְזֶל (barzel), qui signifie masse de fer. Mais on peut frapper quelqu’un avec une massue de fer ou une baguette, tout aussi bien qu’avec un instrument tranchant. Ce qui prouve qu’il faut entendre par בַרְזֶל une barre ou massue de fer, c’est que le verbe הִכְהי (de נָכָה), qui est ici employé pour désigner l’action de frapper, se rencontre plusieurs fois dans le Pentateuque, particulièrement à propos de la baguette de Moyse[72].

L’arme de fer (מִנֵּשֶׁק בַּרְזֶל), mentionné dans le livre de Job[73], le fer employé pour tailler les pierres, et d’autres instruments qui ne sont jamais désignés autrement que par la dénomination de fer (בַרְזֶל), pouvaient être de simples massues, des barres ou des espèces de marteaux de fer[74].

En insistant sur ces détails philologico-archéologiques, nous ne prétendons point nier que les anciens n’aient connu aucun moyen de travailler le fer pour en fabriquer des armes et d’autres ustensiles ; il nous importait seulement de montrer combien il faut être circonspect lorsque, pour défendre ses opinions, on ne s’appuie que sur l’autorité des traducteurs.

Quoi qu’il en soit, il paraît certain que, jusqu’au douzième siècle avant l’ère chrétienne, presque tous les instruments qui sont aujourd’hui en fer ou en acier étaient fabriqués avec des alliages de cuivre. Les outils du forgeron, l’enclume, le marteau et les tenailles, qui doivent être comptés au nombre des premiers instruments qu’on ait songé à faire en fer, étaient en airain, même au siècle d’Homère (χαλκήια, πείρατα τέχνης)[75].

Suivant quelques érudits, le fer fui introduit en Grèce vers l’an 1400 avant J.-C., à l’époque où régnait en Égypte Aménophis III, fondateur du temple de Louqsor et de beaucoup d’autres monuments de la haute Égypte ; mais cette opinion ne repose sur aucun document authentique. Au rapport d’Hésiode, le fer n’était pas encore connu des Grecs au temps de Thésée, qui occupa le trône d’Athènes en 1245 avant J.-C. : le glaive de ce héros légendaire était d’airain.

Ce qui avait fait croire que les Égyptiens connaissaient le fer très-anciennement, ce sont les figures hiéroglyphiques taillées dans des pierres extrêmement dures, telles que le granit et le basalte. En effet, pour exécuter ces sculptures, il fallait des instruments fabriqués avec des matières plus dures que ces roches. Mais est-ce qu’on n’aurait pas pu préalablement ramollir la pierre aux endroits où elle devait être entamée, par quelque moyen chimique ? Nous verrons plus loin que l’Egypte est la patrie de l’art sacré qui possédait le secret des dissolvants. Suivant M. de Rozière, cité par M. Wilkinson, les granites égyptiens ont été taillés et gravés avec des outils de bronze, à juger surtout par les traces d’oxyde de cuivre qu’on y rencontre. Les glaives et poignards, trouvés à Thèbes, sont en bronze. Malgré leur vétusté, ils sont flexibles et élastiques comme le meilleur acier trempé. Les glaives sont droits, d’environ deux pieds et demi de long. On en rencontre qui sont surmontés d’une tête d’épervier, symbole des Pharaons. Les faux ou couteaux recourbés, qu’on voit figurés sur les monuments de Thèbes, ont leurs lames peintes en bleu, ce qui semblerait indiquer qu’elles étaient en acier. Certaines massues paraissent avoir été composées de fer météorique[76]. Les clefs furent au nombre des premiers instruments fabriqués avec le fer, lorsque ce métal devint d’un usage plus répandu[77].

L’usage du fer est postérieur à l’usage de l’or, de l’argent et du cuivre (airain). C’est là l’opinion qu’avait déjà émise Isidore de Séville, qui vivait au sixième siècle de notre ère ([78].

Le bedil (בְּדיל), que les traducteurs rendent par étain, paraît, ainsi que le plumbum des Romains, avoir signifié, tantôt étain (plumbum album), tantôt plomb proprement dit (plumbum nigrum). Dans d’autres cas, bedil (בְּדִיל) veut dire scories, impuretés, comme dans le passage suivant (Isa. c. I. V, 25) : « J’étendrai ma main sur vous ; je vous purifierai de toute votre écume par le feu ; j’ôterai tout l’étain qui est en vous [79]. » — Le mot bedil dérive ici évidemment de badal (בָּדַל), séparer, éliminer. L’étain, le plomb, et en général tous les métaux alors connus, composaient une branche importante du commerce des Phéniciens et des Carthaginois ([80]. S’il est vrai que les métaux doivent, comme l’or et l’argent, leurs dénominations primitives à leur aspect ou à quelque propriété physique saillante, nous établirons, contrairement à l’autorité de tous les traducteurs et archéologues, que l’opheret (עוֹפֶרֶת) des Hébreux, des Phéniciens et des Égyptiens, est, non pas le plomb, mais le cuivre[81] ; car opheret dérive de aphar (עָפַר), rouge, ou terre rougeâtre[82]. Or la couleur rouge n’est applicable qu’au cuivre. Le mot opheret ne saurait faire allusion à la couleur de la litharge ; car jamais les propriétés des composés métalliques, qui étaient considérés comme des produits tout particuliers, ne servaient à désigner le métal. Sans doute les anciens connaissaient le plomb, mais ce métal n’avait alors aucun nom spécial : bedil signifiait, ainsi que nous venons de l’indiquer, tantôt étain, tantôt plomb. Il règne ici la même confusion que chez les Romains et les Grecs, pour les mots stannum, plumbum et χασίτερος.

Les composés métalliques, les plus anciennement connus, sont les oxydes (rouilles) de fer, de plomb, de cuivre et d’étain, obtenus, soit par la calcination, soit par la simple exposition de ces métaux à l’air. Peut-être faut-il y ajouter encore les acétates, préparés par la dissolution des métaux dans le vinaigre. Certains oxydes métalliques (rouilles) étaient depuis longtemps employés par les Égyptiens et les Phéniciens pour colorer le verre.

Les Hébreux, moins industrieux que les Égyptiens, auxquels ils empruntèrent leurs arts, avaient des mines dans le pays de Chanaan[83] ; mais on ne voit point qu’ils les aient exploitées. D’ailleurs ils ne nous ont laissé aucun détail sur les procédés dont ils se servaient pour l’extraction et l’affinage des métaux. Nous n’avons à cet égard que des mots isolés, tels que fourneau de fer (pour préparer le fer) (כּוּר הַבַּרְזֶל)[84], scories (כֶּ֣סֶף סִ֭יגִים)[85], four pour purifier l’argent et l’or (סִגִים כֶּסֶף וְוַהַכ כּוּר)[86], des cendres de borith (בֹּרִית)[87] (carbonate de potasse impur).


§4.

Monnaies.

Il est impossible de dire à quelle époque remonte l’emploi des métaux, particulièrement de l’or et de l’argent, comme signes représentatifs des produits industriels, ou du prix des marchandises et des denrées. Les Égyptiens paraissent en avoir les premiers fait usage. Abraham (1900 ans avant J.-C.) ne connaissait l’or et l’argent, comme signes de la richesse, qu’après son voyage en Égypte[88]. Ces métaux n’étaient pas d’abord monnayés ; ils se vendaient au poids, comme cela se pratique encore en Chine. Moyse fit peser devant tout le peuple la somme d’argent destinée à l’achat d’un terrain de sépulture[89]. Les expressions, telles que or ou argent pur, très-pur, qu’on rencontre dans l’Écriture, font supposer que ces métaux étaient, comme ils le sont encore aujourd’hui, des espèces d’alliages dans lesquels l’or et l’argent prédominaient. Y avait-il, à cette époque reculée, quelque moyen chimique pour apprécier le titre, c’est-à-dire la quantité réelle d’or ou d’argent contenue dans ces alliages ? C’est ce qu’il est difficile de déterminer. Cependant il semble ressortir de différents passages de l’Écriture, que de même qu’on employait les cendres des végétaux (borith) pour nettoyer les étoffes, on s’en servait aussi pour nettoyer l’or et l’argent, afin de leur enlever les scories, les impuretés désignées par le nom בְּדיל, plomb. Ainsi, les cendres des végétaux (faisant le même office que les coupelles d’os calcinés), le plomb et le feu, voilà, en effet, l’ensemble de tous les éléments de la coupellation. Et il n’est pas impossible que les fourneaux qui servaient à purifier l’argent et l’or (כּוּר כֶּסֶף וְוַהַכ) aient été réellement des fourneaux d’essai, et les מְכַבְּסִֽים (purificateurs), des Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/71 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/72 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/73 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/74 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/75 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/76 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/77 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/78 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/79 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/80 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/81 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/82 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/83 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/84

  1. Il est incontestable que l’Égypte sous les Pharaons était beaucoup plus peuplée qu’elle ne l’est aujourd’hui
  2. Quelques érudits, De Guignes entre autres, ont prétendu que l’Egypte était une colonie chinoise. Rosellini (Quarterly Review, num. 105, févr. 1835) et Davis (la Chine, vol. II, p. 184) possèdent, dans leurs collections, des flacons trouvés dans des tombes égyptiennes. « Ces flacons sont, dit M. Davis, identiques, pour la forme et même pour la beauté de la porcelaine, aux flacons de senteur et aux bouteilles à tabac fabriquées actuellement en Chine. Sur un de ces flacons on voit une image de plante légèrement esquissée ; la tige et les feuilles ont l’air d’un dessin exécuté à l’encre de Chine. Le style de cette esquisse est complètement chinois. De l’autre coté sont cinq caractères pareils à l’écriture cursive des Chinois. » — Ce n’est pas avec quelques fragments d’antiques, d’une authenticité plus ou moins contestable, que l’on reconstruit l’antiquité ; c’est bien plutôt avec cette profondeur de vue qui embrasse l’ensemble des détails. Michel-Ange, par la seule conception de son génie, restaura une statue antique mutilée ; et lorsque, plus tard, on découvrit le fragment véritable, on le trouva en tout semblable à la pierre ajoutée par ce grand maître.
  3. Le nom Espagne est lui-même phénicien ; il dérive de Spanja, ou de l’hébreu (qui a beaucoup d’analogie avec le phénicien) שׇכׇן (chapan), qui signifie lapin, ou animal qui se creuse des terriers, parce que, d’après les témoignages anciens, l’Espagne était remplie d’une quantité prodigieuse de lapins. — (Varro, De re rustica, litt. 3, c. XIII. Strab. IIIPlin., Hist. nat., lib. VIII.) Il est bon d’ajouter que ce même nom signifie, au figuré, un ouvrier qui creuse dans les mines.).
  4. Strab., lib.  III}}. — Diod. de Sicile, V
  5. Le nom de Gadir (Gades, Cadix) signifie enclos, refuge ; plus tard il fut changé en celui de Gibraltar, de l’arabe ghibel al Tarick (rocher de Tarick) ; Tarick étant un des généraux des Maures qui envahirent l’Espagne en 711, sous la conduite de Walid. Le nom de colonnes d’Hercule, que portait ce détroit rappelle encore les Phéniciens, s’il est vrai qu’il faut faire dériver Hercule de harokel, qui en phénicien signifie marchand.
  6. Nombres, XXXI, 22.
  7. Iliade, XI, 25 et 34.
  8. Δὴ τότε Φοῖνιξ ἦλθεν ἀνὴρ ἀπατήλια εἰδώς,
    Τρώκτης, ὃς δὴ πολλὰ κάκ᾽ ἀνθρώποισιν ἐώργει.

    (Odyss., XIV, 289.)

  9. On a remarqué que les figures des Israélites peintes il y a plus de trois mille ans, sur d’anciens sarcophages ou sur d’autres monuments égyptiens, ont les même traits de physionomie que les Juifs de nos jours.
  10. Voy. pour la description du tabernacle l’excellent ouvrage de l’abbé Glaire, Introduction historique et critique aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, t. II ; Paris, 1839, p. 606
  11. Tertullien (de Anima, c.2, et adversus Valentinianos, p.15) appelle Hermès physicorum magistrum.
  12. La table d’émeraude (tabula smaragdina) de Hermès Trismégiste était consultée comme un oracle par les alchimistes du moyen âge. Le divinus Pymander, écrit originairement en grec (alexandrin), et traduit en latin par Marsilius Ficin, est un ouvrage mystique, souvent cité. Voy. les ouvrages attribués à Hermès Trismégiste, dans Clément d’Alexandrie (Stromat. lib. . — Theatrum chemicum, Manget, Bibl. chemica ; Iatro-mathematica Hermetis, par Dav. Hoeschel, Augsb., 1597 ; les manuscrits arabes de la Bibliothèque de Leyde. Saint Augustin (de Civ. Dei, c. 23, 24 et 26), cite un ouvrage attribué à Hermès Trismégiste sous le titre de Verbe parfait (Λόγος τέλειος). On lui attribue aussi un livre intitulé Asclepias, dont la version est probablement due à Apulée.
  13. Genes., IV, 22. Diodore de Sicile, liv. II, ῝Ηφαιστον λέγουσιν τῆς περὶ τοῦσιδήρου ἐργασίας εύρετὴν γενέσθαι.
  14. Eusebiana græca scalig., p. 43.
  15. De ortu et progressu Chemiæ, dans Manget, Bibl., chem., t. I.
  16. H. Conringius, de Hermetica Ægypt. Helmst. 1648, 4.
  17. Ath. Kircher, Œdip. Ægypt., t. II, par. II (Rome, 1653, in-fol.), p. 387. Alchimia hierogliphica. Suivant cet auteur, les mythes égyptiens, comme les mythes grecs, renferment, sous une forme allégorique, tous les secrets de la chimie. Osiris et Isis représentant, dit-il, comme Jupiter et Junon, le principe mâle et le principe femelle, l’actif et le passif. Osiris (la matière de l’alchimiste) est mis en pièces par son frère adultérin Typhon ( division), et placé dans un tombeau (vase chimique), où il subit l’action de Phtha (feu). Bientôt Isis rassemble les morceaux épars du corps d’Osiris, les joint et les combine ensemble, pour en faire un corps plus parfait. C’est pourquoi Isis est à la fois la mère, la sœur et l’épouse d’Osiris. De l’union d’Osiris avec Isis naquit Horus, qui fut instruit par sa mère dans tous les secrets du grand œuvre. Horus (Apollon) était le maître d’Hermès Trismégiste qui, selon la tradition, est l’inventeur des hiéroglyphes et de tous les arts pratiqués en Egypte. — Les pommes du jardin des Hespérides, gardé par un dragon, renferment, selon le même auteur, tout le mystère de l’art hermétique. Hercule, étouffant le lion de la forêt de Némée, exprimerait symboliquement la décomposition de la matière par un acide puissant. On joue ici sur le mot ὔλη, qui signifie en effet tout à la fois forêt et matière. Voy.. Maier, Arcana arcanorum omnium arcanissimum. — J. Faber, Hercules Piochymicus.
  18. Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Égypte pendant l’expédition de l’armée française. 2e édit. in-8o ; Paris, 1821, t. IX, p. 247.
  19. On voit des morceaux de ce pain au Musée égyptien du Louvre.
  20. Hist. nat. lib. ), 11.
  21. Plin. ibid.
  22. Exode, XII, 65 ; XIII, 3.
  23. Exode, XII, 39.
  24. Diodore de Sic., I.
  25. Gen. IX, 20.
  26. Gen. XIV, 18.
  27. Hérodote, II, 77. — Diodore, liv. I. — Strabon, lib. , p. 1179 (édit. Casaub.). — Athénée, I, p. 34 (édit. Schweigh.)
  28. Tacite, de Moribus Germanorum.
  29. Les Grecs appelaient la bière οῑνς χρίθινσς, vin d’orge. Il en est souvent question dans les œuvres de Xenophon
  30. Ruth. II, 14.
  31. Nombres, VI, 3.
  32. Saint Mathieu, XXVII, 34. Ce qui prouve que le mot ὄξος signifie οῑνς, vin, c’est que saint Marc (XV, 23), rapportant le même fait de la Passion, emploie le mot οἱνς : χαὶ ἐδίδουν αὐτῷ πιεῖν ἐσμυρνισμένον οἶνον. On remarquera en même temps que le mot ἐσμυρνισμἐνον, aromatisé de myrrhe (aromate très-amer), remplace, dans saint Marc, les mots μετὰ χολῆς μεμιγμένον, mêlé de bile, de saint Mathieu.
  33. חֶֹמֶר (khemer), qui signifie aussi vin, vient du verbe חַֹמַר (khamar), qui veut dire faire effervescence, fermenter
  34. Ce qui prouve que l’esprit doux (’) était souvent prononcé comme v c’st que οἶς (brebis), αιών (âge), ont donné naissance aux mots latins ovis, ævum qui ont les mêmes significations.
  35. Herod., I, 113
  36. Exode, XXV, 31.
  37. Les pies, les corbeaux, et d’autres oiseaux d’un instinct voleur.
  38. Exode, XXV, 29, 31, 36.
  39. Exode, XXVI, 10, 29.
  40. Odysée, III 432 et suiv.

    Ηλθε δὲ χαλκεὺς
    ὅπλ᾽ ἐν χερσὶν ἔχων χαλκήια, πείρατα τέχνης,
    ἄκμονά τε σφῦραν τ᾽ ἐυποίητόν τε πυράγρην,
    οἷσίν τε χρυσὸν εἰργάξετο

  41. Exode, XXXII, 20.
  42. Vitilus aureus in Opusc. Chym. Phys. med., p. 585.
  43. Handbuch der allg. Chemie, t. I, p. 120 ; 1786.
  44. Littéralement, il l’absorba dans le feu, וַיִּשְׂרֹף בָּאֵשׁ, c’est-à-dire qu’en le fondant il en détruisit la forme. Exode, XXXII, 20.
  45. וַיִּטְחַן עַד אֲשֶׁר-דָּק : le verbe טְחַן (thakhane), qui est ici employé vient du subst. טַחֲנָה (takhanah), moulin à bras
  46. Nombr. XXXI, 22 et 23.
  47. כָּל־דָּבָ֞ר אֲשֶׁריָבֹ֣א בָאֵ֗ש
  48. Diodore, I, 43. Agatharchide apud Phot., c. II.
  49. Voy. notre Phénicie, p. 68, dans l’Univers pittoresque
  50. Voy. pag. 54 et 58.
  51. Job. XXX, 10 ; Hom., Odyss., III, 432.
  52. Hérodote, I, 215.
  53. נְחֹ֫שֶׁת est un nom onomatopique, qui dérive de נָחַשׁ (nakhach), faire du bruit, siffler
  54. Genes. iv, 22. Exod. xxvi, 11. Hésiod. Theog. v, 722, 726, 733. Lucrèce, liv.  V, 1286. Varron dans S. Augustin, de Civ. Dei, lib.  vii, c.24. Isid. Orig. lib.  viii, c. 11. Illiad. IV, v. 511 ; xiii, v. 622 ; xxiii, v. 560 ; xxiii, v, v. 723 ; xxiii, v. 118. Odyss. XXI v. 423 ; V, v. 244. Diodore, i. Agatharchide apud Phot., c. 1341 et 1344.
  55. Avant la connaissance du bronze, les hommes fabriquaient leurs armes et ustensiles avec la pierre silicieuses. De là trois âges bien distincts dans la marche de la civilisation : 1o  l’âge de pierre, 2o  l’âge de bronze, 3o  l’âge de fer. La durée de chacune de ces périodes est difficile, sinon impossible, à déterminer. Comp. p.30 et 43.
  56. Al. Barba. I, p. 111 et 118. Acosta, Hist. des Indes, in-fol., p. 132. Mém. de l’Acad. de Berlin, 1746, p. 451.
  57. Sanchoniath. apud Euseb. p. 35.
  58. Ad. Argonaut. I, 1129. Voy. P. Rossignol, les Métaux dans l’antiquité p. 16 (Paris 1863).
  59. Diodore, XVII, 7.
  60. Eschyle, in Prometh. vincto, v. 718. Virg. Georg. lib. , v. 58. Ammien Marcelin, liv. XXII, c. 8. Tzetzès, Chron. 10, p. 338
  61. Odyss. IX, 393.
  62. Ajax, v. 720.
  63. J.-G. Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, vol. I, p. 242.
  64. Deut. XXVIII, 23 et 48 ; III, 11, VIII, 9. Lévit. XXVI, 19.
  65. Ps. II, 9.
  66. Is. XLVIII, 4.
  67. Deut. IV, 20.
  68. De l’origine des lois, des arts et des sciences, etc., 6 vol.  Paris, 8, 1778
  69. Lévit. I, 17. וְשִׁסַּע אֹתוֹ בִכְנָפָיו לֹא יַבְדִּיל, ces mots ont été inexactement rendus par les traducteurs « Il lui rompra les ailes sans les couper, et sans diviser l’hostie avec le fer (ou le couteau). » — Le mot שסַּע (chissa), qui est ici employé, est onomatopique comme le grec σχίζω, imitant, en quelque sorte, le bruit de l’action de déchirer.
  70. Josué V, 2, 3. Exod., iv, 25. Ps. LXXXIX, 44.
  71. Nombres XXXV, 16.
  72. Exode, VIII, 13 ; II, 11, 13. Deut. XXV, 3
  73. Job, XX, 24.
  74. Job, XIX, 24. Deut. XIX, 5 ; XXVII, 5. Jos., VIII, 31.
  75. Odyss. III, v.  433.
  76. S.-G. Wilkinson Manners and Customs of the ancient Egyptians, vol. I, p. 320 (Londres, 1837).
  77. Ibid., p. 112, M. Wilkinson possède une de ces clefs égyptiennes dont il a donné le dessin dans son ouvrage. Elle ressemble à une pince dite monseigneur ; un de ses bouts est armé de trois dents.
  78. Ferri usus post alia metalla repertus est. Isidore, Orig., XVI, 20.
  79. אָסִירָה כָּל בְּדִילָיִךְ, removebo omnia stanna tua, i. e. spurias et impuras metalli partes. Gesenius. Lex. Heb. et Chald. ; Lips. 1833.
  80. Ezech. XXVII, 12 « Les Carthaginois trafiquaient avec vous, en vous apportant toutes sortes de richesses, et remplissaient vos marchés d’argent, de fer, d’étain et de plomb. »
  81. Exode, XV, 10. Zach. V, 8.
  82. Job. XXVIII, 6. Prov. VIII, 26.
  83. Deut. VIII, 9. Job parle également de mines (c. XXVII). Il en est encore question Psaum. XCV, 4, et Isa. II, 1.
  84. Deut. IV, 20. I Reg. VIII), 51. Jer. XI, 4.
  85. Prov. XXVI, 23. Ps. CXIX, 140. Isa. I, 22, 25.
  86. Ezech. XXII, 18-22. Prov. XVII 3 ; XXVII, 21.
  87. Malach. III, 2. Jerem. II, 22.
  88. Genèse, XIII, 2.
  89. Gen. XXIII, 16.