Histoire grecque (Trad. Talbot)/Livre 4

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Histoire grecque (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
Histoire grecqueHachetteTome 1 (p. Livre IV-524).
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LIVRE IV.




CHAPITRE PREMIER.


Agésilas ravage la province de Pharnabaze. — Son alliance avec Otys. Hippéridas s’empare du camp de Pharnabaze. — Défection d’Otys. — Alliance d’Agésilas avec Pharnabaze.


(Avant J. C. 395.)


Cependant Agésilas, arrivé avec l’automne dans la Phrygie de Pharnabaze, brûle et saccage le pays et s’empare des villes ou de force ou de gré. Spithridate l’ayant assuré que, s’il veut le suivre en Paphlagonie, il aura facilement une entrevue avec le roi des Paphlagoniens et pourra s’en faire un allié, il part en toute hâte, désirant depuis longtemps détacher cette nation du parti du roi.

Dès qu’il est arrivé en Paphlagonie, Otys vient à lui pour négocier une alliance. Le roi l’avait mandé, mais il ne s’y était pas rendu. Sur les conseils de Spithridate, Otys avait envoyé à Agésilas mille cavaliers et deux mille peltastes. Agésilas, reconnaissant de ce service, dit à Spithridate : « Dis-moi, Spithridate, donnerais-tu bien ta fille à Otys ? — Beaucoup plus volontiers, répondit-il, que celui-ci ne serait prêt à prendre la fille d’un exilé, vu qu’il est roi d’un pays vaste et puissant. » Il ne fut pas alors plus longtemps question de ce mariage ; mais lorsque Otys, près de son départ, vient prendre congé d’Agésilas, celui-ci fait retirer Spithridate, et aborde ce sujet en présence des Trente : « Dis-moi, Otys, lui dit-il, quelle est la naissance de Spithridate ? » Otys répond qu’il ne le cède sous ce rapport à aucun Perse. « Tu as vu son fils, reprend Agésilas, il est beau ? — Si je l’ai vu ? hier soir je soupais avec lui. — Et sa fille, on dit qu’elle est encore plus belle. — Par Jupiter, dit Otys, elle est belle. — Eh bien, moi, dit Agésilas, puisque tu es devenu notre ami, je te conseillerais de prendre sa fille pour femme, puisqu’elle est très-belle. Qu’y a-t-il de mieux pour un mari ? Son père est de haute naissance, il est assez puissant pour avoir pu se venger des injustices de Pharnabaze, en l’exilant, comme tu vois, de toute cette contrée. Sache donc bien que, comme il a pu se venger de cet ennemi, il pourra aussi faire du bien à un ami. Pense que par ce mariage tu ne deviendras pas seulement le parent de Spithridate, mais aussi le mien et celui de tous les Lacédémoniens, et, puisque nous commandons à la Grèce, celui de la Grèce entière. Si tu suis mon conseil, qui jamais aura fait un plus splendide mariage ? Quelle fiancée a jamais eu un cortége de cavaliers, de peltastes et d’hoplites, pareil à celui qui accompagnera ta femme jusqu’à ta demeure ? » Otys alors lui demanda : « Ce que tu me dis là, Agésilas, a-t-il aussi l’approbation de Spithridate ? — Au nom des dieux, dit Agésilas, il ne m’a pas chargé de t’en parler ; mais moi, quoique fort content quand je me venge d’un ennemi, j’éprouve un plaisir plus vif encore quand je trouve à faire un peu de bien à un ami. — Pourquoi donc, dit Otys, ne t’informes-tu pas si cela lui agrée également ? » Aussitôt Agésilas : « Allez, dit-il, Hérippidas, et vous autres, et amenez-le à vouloir ce que nous voulons, » Ils se lèvent et vont l’instruire de la chose. Comme ils demeuraient longtemps : « Veux-tu, Otys, dit Agésilas, que nous le fassions venir ici lui-même ? Il sera, je crois, plus tôt persuadé que par tous les autres ensemble. » Alors Agésilas fait appeler Spithridate et tous les autres. Ils arrivent aussitôt et Hérippidas s’écrie : « À quoi bon, Agésilas, te rapporter en détail tout ce qui a été dit ? Spithridate a fini par dire qu’il fera volontiers tout ce qui te semblera convenable. — Je crois donc convenable, dit Agésilas, qu’à la garde des dieux tu donnes ta fille à Otys, et que toi, Otys, tu la prennes pour femme. — Cependant nous ne pourrions pas avant le printemps amener la jeune fille par terre. — Mais, par Jupiter, dit Otys, on pourrait l’amener tout de suite par mer, si tu voulais. » Là-dessus on se tend la main de part et d’autre, et l’on reconduit Otys.

Aussitôt Agésilas, voyant l’impatience d’Otys, fait équiper une trirème et ordonne au lacédémonien Callias d’aller chercher la jeune fille. Lui-même s’avance contre Daskylium, où se trouvaient les palais de Pharnabaze, entourés de plusieurs grands villages abondamment pourvus, avec des chasses dans des parcs fermés ou dans des lieux découverts, toutes magnifiques. Autour coulait un fleuve rempli de poissons de toute espèce, et il y avait des volatiles de tout genre pour qui pouvait y chasser. C’est dans cet endroit qu’Agésilas prend ses quartiers d’hiver, et c’est là qu’au moyen d’expéditions de fourrageurs il alimente son armée. Il y avait une grande insouciance, un grand abandon parmi les soldats en quête de vivres, à cause de l’absence de toute résistance, lorsqu’un jour Pharnabaze les surprend éparpillés dans la plaine : il avait des chars armés de faux et quatre cents cavaliers. Les Grecs, en le voyant s’avancer sur eux, se réunissent en courant au nombre de sept cents environ. Cela ne l’arrête point : il fait mettre les chars en avant, et se plaçant lui-même derrière avec ses cavaliers, il donne l’ordre de marcher sur les ennemis. Les chars une fois lancés dispersent le gros de la troupe, et les cavaliers ont bientôt abattu une centaine de soldats. Le reste s’enfuit auprès d’Agésilas, qui était à proximité avec les hoplites.

Trois ou quatre jours après, Spithridate reçoit l’avis que Pharnabaze est campé à Kavé, grand village situé à la distance de cent soixante stades. Il le communique aussitôt à Hérippidas, qui, brûlant de se distinguer par quelque exploit, demande à Agésilas deux mille hoplites, autant de peltastes, les cavaliers de Spithridate, les Paphlagoniens et ceux des Grecs auxquels il persuaderait de le suivre. Cette promesse faite, il offre un sacrifice, qu’il termine le soir quand les présages sont favorables. Il ordonne qu’aussitôt après le repas on vienne se placer devant le camp ; mais, comme il faisait sombre, il ne sort guère que la moitié de chaque troupe.

Cependant Hérippidas, craignant, s’il se laisse intimider, les moqueries des autres Trente, s’avance avec les troupes qu’il a. Au point du jour, il fond sur le camp de Pharnabaze : un grand nombre de Mysiens, qui formaient l’avant-poste, tombent sous ses coups ; les autres s’enfuient ; le camp est pris avec un grand nombre de coupes et autres objets précieux appartenant à Pharnabaze. On lui prend également tout son bagage et les bêtes de somme qui le portaient. Pharnabaze, en effet, craignant toujours, s’il s’établissait quelque part, d’être entouré et assiégé, parcourait le pays dans tous les sens, à la manière des Nomades, et tenait toujours ses campements cachés. Comme les Paphlagoniens et Spithridate emmenaient les riches dépouilles qu’ils avaient prises, Hérippidas les fait dépouiller par des taxiarques et des lochages qu’il avait postés là, afin de pouvoir livrer lui-même beaucoup de butin aux lapbyropoles[1]. Spithridate et les Paphlagoniens ne peuvent supporter une telle conduite. Se considérant comme lésés et outragés, ils plient bagage de nuit, et se rendent à Sardes auprès d’Aricé, auquel ils se fient, attendu qu’Aricé a quitté le roi et lui fait la guerre. Quant à Agésilas, cette défection de Spithridate, de Mégabate et des Paphlagoniens, fut le coup le plus pénible qu’il eût reçu dans cette campagne.

Il y avait un certain Apollophane de Cyzique, qui se trouvait être depuis longtemps hôte de Pharnabaze, et qui, vers cette même époque, s’était trouvé lié d’hospitalité avec Agésilas. Il dit à Agésilas qu’il pense pouvoir amener Pharnabaze à une conférence pour conclure amitié. Après l’avoir entendu, Agésilas fait une trêve et donne sa parole à Apollophane, qui amène Pharnabaze à un endroit convenu. Agésilas et les Trente les y attendaient, assis par terre sur le gazon. Pharnabaze arrive avec une robe couverte de riches ornements d’or. Mais lorsque ses serviteurs veulent lui étendre les coussins sur lesquels les Perses s’asseyent avec mollesse, il a honte de cette délicatesse en voyant la simplicité d’Agésilas, et il s’assied tout simplement par terre. Ils commencent par se saluer réciproquement ; puis, Pharnabaze ayant tendu la main, Agésilas la lui tend à son tour. Ensuite Pharnabaze, prenant la parole comme étant le plus vieux : et Agésilas, dit-il, et vous tous Lacédémoniens ici présents, j’ai été votre ami et votre allié quand vous faisiez la guerre aux Athéniens ; j’ai fortifié votre flotte en vous fournissant de l’argent ; sur terre, j’ai combattu moi-même à cheval avec vous, j’ai poursuivi les ennemis jusqu’à la mer, et vous ne sauriez me reprocher, comme à Tissapherne, de vous avoir jamais parlé ou d’avoir agi avec duplicité. Malgré cette conduite, vous m’avez cependant réduit à ne pouvoir trouver de quoi manger sur mon propre territoire, qu’en y recueillant vos restes comme les animaux. Les belles demeures, les parcs remplis d’arbres et de gibier que je tenais de mon père, et qui faisaient ma joie, je vois tout cela coupé ou brûlé. Si j’ignore ce qu’il y a de juste et de sacré, apprenez-moi comment de pareils actes sont ceux de gens qui savent ce que c’est que la reconnaissance. »

Tel est le discours de Phamabaze. Tous les Trente demeurent confus et gardent le silence ; mais Agésilas, au bout de quelques instants : « Tu n’ignores pas, je crois, Pharnabaze, dit-il, que, dans les cités, presque tous les hommes s’unissent entre eux par l’hospitalité. Or, ces hommes, quand leurs cités sont en guerre, combattent avec leur patrie ceux même auxquels ils sont liés par l’hospitalité, et parfois il arrive qu’ils s’entre-tuent. Nous de même, qui faisons aujourd’hui la guerre à votre roi, nous avons été forcés de regarder comme ennemi tout ce qui lui appartenait ; et pourtant nous estimerions au-dessus de tout de devenir tes amis. S’il te fallait échanger la domination du roi contre la nôtre, moi-même je ne te le conseillerais pas ; mais tu es libre, maintenant, en te mettant avec nous, de n’avoir plus à te prosterner devant personne, de vivre sans avoir un maître qui jouisse de ce qui est à toi. Or, pour ma part, je regarde la liberté comme valant bien tous les trésors. Et cependant nous ne t’engageons pas à devenir pauvre et libre, mais à nous prendre pour alliés, afin d’augmenter non pas la puissance du roi, mais la tienne, à subjuguer tes compagnons d’esclavage et à t’en faire des sujets. Si donc tu devenais à la fois libre et riche, que te manquerait-il pour être complétement heureux ? — Faut-il, répond Pharnabaze, vous dire franchement ce que je ferais ? — C’est convenable. — Eh bien ! dit-il, si le roi nomme un autre général sous les ordres duquel il me place, je veux alors être votre ami et votre allié ; mais si c’est à moi qu’il donne le commandement, sachez bien alors que, revêtu d’une telle charge, propre à nourrir l’ambition, j’emploierai, pour vous faire la guerre, tous les moyens qui sont en mon pouvoir. » En entendant ces mots, Agésilas lui prend la main et lui dit : « Plût aux dieux, mon très-cher, qu’avec de tels sentiments tu devinsses notre ami ! mais n’oublie pas une chose : c’est que, maintenant, je vais évacuer ton territoire aussi vite que je pourrai, et qu’à l’avenir, la guerre durât-elle encore, nous ne toucherons ni à toi ni aux tiens, tant que nous aurons à marcher contre un autre ennemi. »

Ce discours fini, la conférence est dissoute. Pharnabaze remonte à cheval et s’éloigne ; mais son fils, né de Parapita, et qui était encore un beau jeune homme, reste en arrière ; et, courant après Agésilas : « Tu es mon hôte, Agésilas, dit-il, je te prends pour tel. — J’accepte. — Ne l’oublie pas ! » Aussitôt il prend son javelot (or il en avait un fort beau), et le donne à Agésilas. Celui-ci le prend, ôte les magnifiques ornements du cheval de son secrétaire Idéus, et les donne à son tour au jeune homme, qui saute sur son cheval et court après son père. Dans la suite, un autre fils de Pharnabaze, profitant de l’absence de son père, s’empare du pouvoir et exile le fils de Parapita. Agésilas alors l’entoure de soins, et, en particulier, il fait tout au monde pour que le fils de l’Athénien Eualcès, dont il était épris, soit admis au combat de la course à Olympie, bien qu’il fût le plus grand des enfants.

Ainsi qu’il l’avait dit à Pharnabaze, Agésilas quitte aussitôt le pays. On était aux approches du printemps. Arrivé dans la plaine de Thèbes, il place son camp autour du temple de Diane Astyréné[2]. Là, il s’occupe à rassembler de toutes parts de nombreuses troupes, pour les ajouter à celles qu’il avait déjà. Il se préparait, en effet, à pénétrer aussi avant qu’il pourrait dans l’intérieur de l’Asie, espérant que tous les peuples qu’il laisserait derrière lui se révolteraient contre le roi.


CHAPITRE II.


Rappel d’Agésilas. — Bataille de Corinthe.


(Avant J. C. 395.)


Agésilas en était là. Les Lacédémoniens, instruits positivement que des sommes d’argent ont été répandues dans la Grèce, et que les villes les plus considérables se sont coalisées pour leur déclarer la guerre, jugent alors l’État en danger, et croient une campagne nécessaire. Tout en s’y préparant, ils envoient vers Agésilas Épicydidas, qui, arrivé auprès de lui, lui expose en général l’état des affaires, et lui transmet l’ordre de la ville de marcher en toute hâte au secours de la patrie. À cette nouvelle, Agésilas éprouve un vif chagrin en songeant de quels honneurs, de quelles espérances il est privé ; mais il n’en rassemble pas moins les alliés[3], et, leur montrant les ordres de Lacédémone, il leur dit qu’il est obligé d’aller au secours de sa patrie. « Cependant, ajouta-t-il, si tout cela tourne bien, soyez sûrs, alliés, que je ne vous oublierai pas, mais que je reviendrai au milieu de vous, pour achever ce que vous désirez. » En entendant ces paroles, plusieurs versent des larmes, et tous décident d’aller avec Agésilas au secours de Lacédémone ; puis, si tout se passe bien, de le reprendre pour chef et de revenir en Asie. Ils se préparent donc à l’accompagner. Agésilas laisse en Asie l’harmoste Euxène à la tête de garnisons fortes d’au moins quatre mille hommes, afin qu’il puisse garder les villes. Mais s’apercevant lui-même que la plupart des soldats ont plus envie de rester que de marcher contre des Grecs, comme il veut cependant emmener avec lui les meilleurs et les plus nombreux, il promet des prix aux villes qui enverront la plus belle armée, ainsi qu’aux lochages des mercenaires qui lui amèneront les loches les mieux armés, hoplites, archers et peltastes. Il fait aussi annoncer aux hipparques que celui qui présentera l’escadron le mieux monté et le mieux armé, il lui donnera un prix. Il ajoute que la distribution aura lieu en Chersonèse, après qu’on sera passé d’Asie en Europe, afin que l’on comprenne bien qu’il veut distinguer ceux qui doivent marcher avec lui. Les prix étaient pour la plupart des armes travaillées avec luxe, armes d’infanterie et de cavalerie : il y avait aussi des couronnes d’or. La valeur de tous ces prix n’était pas moindre de quatre talents. Malgré cette grande dépense, on consacra encore beaucoup d’argent à acheter des armes de toute espèce pour l’armée. Après avoir traversé l’Hellespont, il établit pour juges les Lacédémoniens Ménarque, Hérippidas et Orsippe, et un homme de chacune des villes alliées ; puis, après la distribution des prix, il s’avance, à la tête de son armée, par la même route qu’avait prise le roi[4], quand il marcha contre la Grèce.

Vers le même temps, les éphores décrètent une expédition. La ville, vu la jeunesse d’Agésilas, choisit Aristodème, parent et tuteur de l’enfant, pour la commander. Quand les Lacédémoniens ont passé les frontières, les ennemis rassemblés se réunissent pour délibérer sur la manière la plus favorable de livrer bataille. Le Corinthien Timolaüs prend la parole : « Il me semble, dit-il, alliés, que les Lacédémoniens ressemblent aux fleuves qui, près de leur source, sont peu considérables et faciles à passer, mais qui, à mesure qu’ils avancent, deviennent de plus en plus violents par la réunion des autres fleuves qui s’y jettent. De même, les Lacédémoniens, à leur point de départ, sont seuls, abandonnés à eux-mêmes ; mais, à mesure qu’ils avancent et qu’ils prennent les villes, ils deviennent plus nombreux et plus difficiles à combattre. Je vois aussi, ajouta-t-il, que, lorsque ceux qui veulent détruire les guêpes leur donnent la chasse pendant qu’elles volent en liberté, ils s’attirent beaucoup de blessures, mais que, lorsqu’ils les attaquent avec le feu dans l’intérieur de leur retraite, ils s’emparent des guêpes sans avoir rien à souffrir. Ces réflexions me font penser que le mieux est de livrer le combat, si ce n’est dans la Laconie même, du moins le plus près possible de ce pays. »

L’orateur ayant paru bien dire, on vote sa proposition. Mais pendant qu’on discute sur le commandement, et que l’on convient du nombre de rangs sur lesquels on doit ranger toute l’armée, de peur que les divers États ne donnent à leurs phalanges trop de profondeur et ne permettent ainsi à l’ennemi de les envelopper, les Lacédémoniens, réunis déjà aux Tégéates et aux Mantinéens, s’avancent vers l’isthme. Par cette marche rapide, les Lacédémoniens et leurs alliés se trouvent à Sicyone presque au moment où les Corinthiens sont à Némée. Ils envahissent par l’Épiécie[5], mais les gymnètes des ennemis[6], leur lançant des traits et des flèches du haut des collines, leur font beaucoup de mal ; ils redescendent alors vers la mer, et s’avancent à travers la plaine, brûlant et saccageant le pays. Les autres cependant arrivent sur ces entrefaites, et placent leur camp derrière un torrent[7]. Quand les Lacédémoniens ne sont plus qu’à dix stades de leurs adversaires, ils asseyent aussi leur camp et demeurent en repos.

Je vais rapporter la force des deux armées. Du côté des Lacédémoniens étaient réunis près de six mille hoplites, trois mille Étéens, Triphyliens, Acroriens et Lasioniens, mille cinq cents Sicyoniens, et au moins trois mille Épidauriens, Trézéniens, Hermioniens et Haliens. Joignons-y près de six cents cavaliers lacédémoniens, trois cents archers crétois, et quatre cents frondeurs marganéens, létrins et amphidoles. Les Phliasiens n’avaient point suivi les autres peuples ; ils prétextaient une suspension d’armes. Telles étaient les forces des Lacédémoniens. Celles des ennemis se composaient de six mille hoplites athéniens, sept mille Argiens, cinq mille Béotiens seulement, vu l’absence des Orchoméniens, trois mille Corinthiens, et au moins trois mille hommes levés dans toute l’Eubée : voilà pour les hoplites. Quant à la cavalerie, elle se composait de huit cents Béotiens seulement, vu l’absence des Orchoméniens, de six cents Athéniens, de cent Chaldéens de l’Eubée, et de cinquante Locriens Opontiens : les troupes légères réunies, celles des Corinthiens étaient supérieures en nombre, car les Locriens Ozoles, les Méliens et les Acarnaniens, en faisaient partie. Telles étaient les forces respectives.

Tant que les Béotiens occupèrent la gauche, ils ne hâtèrent point le combat ; mais, lorsqu’on eut rangé les Athéniens contre les Lacédémoniens, ils se trouvèrent alors à l’aile droite et vis-à-vis des Achéens ; aussitôt ils déclarent les victimes favorables et donnent l’ordre de se préparer au combat. Et d’abord, négligeant la formation sur seize de hauteur, ils donnent une très-grande profondeur à la phalange, puis ils marchent sur la droite, afin d’enfoncer l’aile des ennemis. Les Athéniens, pour ne pas être séparés, les suivent, bien qu’ils sachent qu’ils courent risque d’être entourés. Jusque-là les Lacédémoniens ne s’étaient point aperçus de l’approche des ennemis, parce que le pays était fourré ; mais ayant entendu le péan, ils les reconnaissent, et ordonnent aussitôt à toutes leurs troupes de se préparer au combat. Quand elles sont à la place où les ont rangées les chefs des étrangers, l’ordre est donné de suivre à chaque chef de file. Alors les Lacédémoniens se portent vers la droite et étendent tellement leur aile, que six tribus[8] seulement des Athéniens sont opposées aux Lacédémoniens, et les quatre autres aux Tégéates. Quand on n’est plus qu’à la distance d’un stade, les Lacédémoniens, suivant leur usage, immolent la chèvre à Diane Agrotère[9], et s’avancent contre les ennemis en faisant faire un coude à leur ligne pour les envelopper. Le combat engagé, tous les alliés des Lacédémoniens sont battus par les ennemis ; les Pelléniens seuls, qui avaient affaire aux Thespiens, combattent de manière à ce qu’il en tombe beaucoup des deux parts sur le terrain. Les Lacédémoniens battent toutes les troupes athéniennes qui leur sont opposées, les enveloppent et en tuent un grand nombre. Comme ils n’ont pas souffert, ils rétablissent leur ordre de bataille, et se portent en avant : ils dépassent ainsi les quatre autres tribus athéniennes, avant qu’elles soient revenues de la poursuite, en sorte qu’ils ne perdent que les hommes tués dans le premier choc avec les Tégéates. Les Lacédémoniens rencontrent alors les Argiens en retraite. Le premier polémarque allait les attaquer de front, lorsque quelqu’un s’écrie, dit-on, qu’il faut laisser passer les premiers rangs. On le fait, et les Lacédémoniens, tombant ainsi sur les flancs découverts des ennemis qui passent devant eux, en tuent un grand nombre. Ils fondent de même sur les Corinthiens en retraite ; puis, rencontrant un corps de Thébains qui reviennent de la poursuite, ils en massacrent un grand nombre. Les vaincus se réfugient d’abord dans les murs[10] ; mais repoussés par les Corinthiens, ils viennent reprendre position dans leur ancien camp. De leur côté, les Lacédémoniens se retirent à l’endroit où avait commencé la mêlée, et y dressent un trophée. Telle fut l’issue de ce combat.


CHAPITRE III.


Agésilas défait la cavalerie thessalienne. — Combat naval de Cnide. — Bataille de Coronée, gagnée par Agésilas. — Expédition malheureuse de Gylis en Locride.


(Avant J. C. 394.)


Agésilas accourait d’Asie au secours de l’armée. Il était à Amphipolis, quand Dercyllidas[11] lui annonce la victoire des Lacédémoniens, qui ne leur a coûté que huit hommes, tandis que les ennemis en ont eu un grand nombre de tués. Il ne lui cache pas qu’il a péri un assez grand nombre d’alliés. Agésilas lui demande : « Ne crois-tu pas, Dercyllidas, qu’il serait convenable d’informer le plus vite possible de cette victoire les villes dont les soldats nous accompagnent ? » Dercyllidas répond : « Certainement cette nouvelle ne pourra que leur donner plus de cœur. — Mais n’est-ce pas toi, puisque te voilà, qui pourrais le mieux accomplir ce message ? » Dercyllidas, grand ami des excursions, est ravi de l’entendre ainsi parler : « Si tu l’ordonnes, dit-il. — Je l’ordonne, répond Agésilas, et je te prie d’annoncer à ces villes que, si tout va bien ici, nous reviendrons les voir, comme nous le leur avons promis. » Là-dessus Dercyllidas se dirige d’abord vers l’Hellespont, et Agésilas, traversant la Macédoine, arrive en Thessalie. Les Larisséens, les Cranoniens, les Scotuséens, les Pharsaliens, peuples alliés des Béotiens, ainsi que les Thessaliens qui ne se trouvaient pas alors en exil, le suivaient en inquiétant sa marche. Jusque-là son armée avait formé un carré long, la moitié de la cavalerie à la tête, l’autre moitié à la queue. Mais comme les Thessaliens chargent l’arrière-garde et arrêtent sa marche, il envoie en arrière toute la cavalerie de la tête, à l’exception de sa garde. Quand les deux armées sont en présence, les Thessaliens, trouvant dangereux de se hasarder avec de la cavalerie seulement contre des hoplites, se retirent au pas. Les autres continuent la poursuite avec de grandes précautions ; mais Agésilas, rachetant la faute qui se commettait des deux côtés, envoya les cavaliers vigoureux qui l’entouraient[12] avec l’ordre de se joindre aux autres et de poursuivre avec eux les ennemis avec la plus grande promptitude, sans leur laisser le temps de faire volte-face. Les Thessaliens, se voyant chargés à l’improviste, ne se retournent point pour la plupart ; ceux qui cherchent à le faire sont atteints au moment même où ils ont leurs chevaux à demi tournés. Cependant le Pharsalien Polycharme[13], commandant de cavalerie, fait volte-face et tombe avec les siens en combattant. Alors ce n’est plus chez les Thessaliens qu’une déroute désastreuse : les uns sont tués, les autres faits prisonniers, et les fuyards ne s’arrêtent que quand ils ont atteint le mont Narthacium. Alors Agésilas élève un trophée entre Pras et le Narthacium, et y demeure, enchanté de cet exploit, vu qu’avec des cavaliers recrutés par lui-même il avait battu le peuple qui est le plus fier de sa cavalerie. Le lendemain, il franchit les monts achéens de la Phthie, et n’a dès lors que des pays amis à traverser jusqu’aux frontières de la Béotie.

Il allait les franchir, quand le soleil se montre sous forme de lune[14]. On reçoit en même temps la nouvelle de la défaite des Lacédémoniens dans un combat naval, et de la mort du navarque Pisandre. On raconte aussi comment ce combat eut lieu. C’était près de Cnide que la rencontre s’était faite. Pharnabaze, qui faisait les fonctions de navarque, commandait les trirèmes phéniciennes, en avant desquelles Conon[15] avec la flotte grecque avait disposé ses vaisseaux. Pisandre avait formé sa ligne en face ; mais, quand on put voir combien ses vaisseaux étaient inférieurs en nombre à ceux de la flotte grecque commandée par Conon, les alliés qui sont à l’aile gauche prennent aussitôt la fuite. Pisandre, réduit à ses propres forces, engage le combat ; mais sa trirème, percée de coups d’éperons, est poussée à la côte : tous ceux qui sont ainsi jetés à la côte abandonnent leurs vaisseaux et s’enfuient comme ils peuvent à Cnide. Pisandre meurt en combattant sur son vaisseau.

Agésilas, en apprenant cette nouvelle, commence par être fort affligé. Cependant, réfléchissant que la plus grande partie de son armée est bien disposée à partager ses succès, mais que rien ne la forcera à demeurer avec lui, quand elle sera témoin de quelque revers, il dissimule et dit qu’il a reçu la nouvelle de la mort de Pisandre, vainqueur dans un combat naval. Cela dit, il immole des bœufs, comme en reconnaissance d’une bonne nouvelle, et envoie à plusieurs des morceaux des victimes. De cette manière, dans une escarmouche qui a lieu, les troupes d’Agésilas ont l’avantage, grâce au bruit que les Lacédémoniens avaient été vainqueurs dans le combat naval.

Les troupes opposées à Agésilas se composaient de Béotiens, d’Athéniens, d’Argiens, de Corinthiens, d’Ænianes, d’Eubéens et de Locriens des deux pays ; Agésilas avait avec lui la more venue de Corinthe, et une demi-more venue d’Orchomène : il avait, de plus, les néodamodes de Lacédémone qui avaient fait la campagne avec lui, les mercenaires commandés par Hérippidas, les troupes de villes grecques d’Asie et celles qu’il avait recrutées à son passage dans les villes grecques d’Europe. Ajoutons-y des hoplites d’Orchomène et de Phocée. Les peltastes d’Agésilas étaient de beaucoup plus nombreux ; la cavalerie était à peu près égale des deux côtés. Telles étaient les forces des deux partis.

Je vais retracer ce combat[16]. C’est l’un des plus remarquables de notre époque. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine voisine de Coronée ; celle d’Agésilas venant de Céphire, et celle des Thébains de l’Hélicon. Agésilas commandait l’aile droite ; les Orchoméniens étaient placés à l’extrémité de son aile gauche ; de leur côté, les Thébains étaient à la droite, et à la gauche les Argiens. Les deux armées s’ébranlent dans le plus grand silence ; mais, arrivées à la distance d’un stade, les Thébains jettent un cri et s’élancent tous en avant. Il restait encore un intervalle de trois plèthres, lorsque la phalange mercenaire d’Agésilas, commandée par Hérippidas, se détache et s’élance au pas de course, et avec elle les Ioniens, les Éoliens et les Hellespontins ; or, ce détachement, arrivé à une portée de pique, met en déroute ceux qui lui font face. Cependant les Argiens, ne tenant pas contre les soldats d’Agésilas, s’enfuient vers l’Hélicon. En ce moment quelques soldats étrangers couronnaient déjà Agésilas, quand on lui annonce que les Thébains ont rompu les Orchoméniens jusqu’aux skeuophores : par une brusque évolution, il déploie sa phalange, court sur eux, et les Thébains, voyant que leurs alliés se sont enfuis vers l’Hélicon, doublent le pas pour les joindre.

C’est alors qu’Agésilas montre, sans contredit, la plus grande valeur : cependant le parti qu’il prit était des plus dangereux. Il pouvait laisser passer l’ennemi qui battait en retraite, puis tomber sur ses derrières et y faire main-basse ; mais il n’en fit rien, et rompit en visière avec les Thébains ; les boucliers serrés s’entre-choquent, on se bat, on tue, on meurt. À la fin, une partie des Thébains s’échappe vers l’Hélicon : un grand nombre périt dans la déroute. Après que la victoire est assurée à Agésilas, et qu’on l’a rapporté lui-même blessé à sa phalange, quelques cavaliers accourent pour lui dire que quatre-vingts des ennemis sont dans le temple avec leurs armes, et demandent ce qu’il faut faire. Et lui, couvert de nombreuses blessures, mais n’oubliant pas ce qu’il doit à la sainteté du lieu, il ordonne de les laisser aller où ils voudront, loin de leur faire aucun mal. Ensuite, comme il était déjà tard, les soldats prennent leur repas et se livrent au sommeil.

Le lendemain, Agésilas commande au polémarque Gylis de mettre les troupes sous les armes et d’ériger un trophée, aux soldats de se couronner de fleurs en l’honneur du dieu, et aux flûteurs de jouer de leurs instruments : ce qui fut fait. Cependant les Thébains envoient des hérauts demander une trêve. Agésilas la leur accorde, se rend à Delphes, et consacre au dieu la dîme du butin, qui ne s’élève pas à moins de cent talents. Le polémarque Gylis se retire en Phocide à la tête de l’armée, et de là il fait une invasion en Locride. Les soldats passent toute la journée à piller les effets et les vivres dans les villages ; mais lorsque le soir arrive et que les Lacédémoniens veulent enfin se retirer, ils sont suivis par les Locriens, qui leur lancent des javelots et des flèches. Les Lacédémoniens se retournent alors, les poursuivent et en tuent quelques-uns : les autres, de ce moment, renoncent à les suivre par derrière, mais ils leur lancent des traits du haut des collines ; les Lacédémoniens essayent de les poursuivre dans ces lieux escarpés, mais la nuit survient, et, quand ils veulent se retirer, les uns tombent, à cause de l’inégalité du terrain, d’autres parce qu’ils ne peuvent voir devant eux, d’autres enfin sont atteints par les traits de l’ennemi. Le polémarque Gylis y est tué avec un grand nombre[17] de ceux qui l’entourent, ainsi que dix-huit soldats écrasés par les pierres ou traversés par les javelots ; et même, si ceux qui prenaient leur repas dans le camp n’étaient pas venus à leur secours, ils couraient tous le risque de périr.


CHAPITRE IV.


Retour d’Agésilas. — Massacre des aristocrates à Corinthe. — Les Lacédémoniens renversent les longs murs de Corinthe. — Guerre des mercenaires. — Iphicrate attaque Phlionte. — Les Athéniens relèvent les longs murs de Corinthe, qu’Agésilas abat de nouveau.


(Avant J. C. 393.)


Après cette campagne, le reste de l’armée est renvoyé dans ses villes respectives, et Agésilas s’embarque pour sa patrie. Dès lors la guerre se fait entre les Athéniens, les Béotiens, les Argiens et leurs alliés, postés à Corinthe, et les Lacédémoniens établis à Sicyone. Les Corinthiens, voyant ainsi leur territoire ravagé et leur population décimée par le voisinage continuel de la guerre, tandis que le reste des alliés jouissaient eux-mêmes de la paix et cultivaient leurs champs, désirent vivement la paix, principalement les plus nombreux et les plus notables, et se réunissent pour se communiquer leur désir. Mais les Argiens, les Athéniens, les Béotiens, et ceux des Corinthiens qui avaient eu part aux largesses du roi, et qui étaient les fauteurs les plus actifs de la guerre, comprennent que, s’ils ne se débarrassent pas de ceux dont les esprits sont tournés vers la paix, ils courront grand risque de voir l’État retomber sous l’influence lacédémonienne : ils essayent de procéder par des massacres, et ils prennent la plus impie de toutes les mesures. Jamais, en effet, on n’exécute pendant une fête une sentence de mort, même édictée par la loi ; et ils choisissent le dernier jour des Eucléies[18], parce qu’ils espèrent pouvoir alors saisir sur l’agora un plus grand nombre de personnes à qui donner la mort. À un signal donné, ceux qui ont mission d’égorger leurs victimes tirent leurs épées, et frappent aussi bien celui qui est debout dans le cercle des citoyens que celui qui est assis ; celui qui est au théâtre que celui qui siége en qualité de juge. Aussitôt que ce massacre est connu, les premiers citoyens vont chercher un refuge, les uns vers les statues des dieux sur la place publique, les autres vers les autels. Là ces monstres impies, foulant aux pieds toute espèce de loi, ordonnateurs et exécuteurs, continuent leur boucherie devant le sanctuaire, si bien que quelques-uns de ceux qui ne sont point frappés, hommes d’ailleurs amis de la justice, se sentent l’âme pénétrée d’horreur à la vue de cette impiété. Ainsi périssent un grand nombre de citoyens les plus âgés ; car c’étaient eux qui se trouvaient en plus grande partie sur la place publique. Les plus jeunes, qui, sur l’avis de Pasimélus, avaient eu quelque soupçon de ce qui devait arriver, étaient restés tranquilles sur le Cranium[19]. Mais bientôt ils entendent les cris, quelques citoyens échappés au massacre arrivent à eux ; alors ils s’élancent dans l’Acrocorinthe[20] et repoussent les Argiens ainsi que les autres troupes qui viennent les assaillir. Pendant qu’ils délibèrent sur ce qu’ils doivent faire, ils voient tomber le chapiteau de la colonne[21] sans qu’il y ait eu vent ou tremblement de terre ; et, quand ils sacrifient, les victimes sont telles que les devins déclarent qu’il vaut mieux quitter la place.

Ils s’éloignent donc tout d’abord, avec l’intention de fuir le territoire de Corinthe ; mais, persuadés par les prières de leurs amis, de leurs frères, de leurs mères accourues auprès d’eux, par les serments de plusieurs de ceux qui étaient au pouvoir, et qui leur garantissaient une entière sûreté, quelques-uns d’entre eux retournent dans leurs foyers. Puis, quand ils voient le pays gouverné par des tyrans, quand ils s’aperçoivent qu’on anéantit l’État en lui enlevant ses frontières, en ôtant à la patrie le nom de Corinthe pour lui donner celui d’Argos, et en imposant aux Corinthiens un gouvernement argien qui ne peut leur convenir et qui leur laisse chez eux moins de pouvoir qu’aux métèques, il y en a plusieurs qui pensent qu’on ne peut pas vivre ainsi. Essayer de refaire de Corinthe une patrie telle qu’elle était dès le principe, lui rendre la liberté, la purifier des massacres, la faire jouir d’une bonne législation, leur paraît une action méritoire. Ils pensent que, s’ils l’accomplissent, ils seront les sauveurs de leur patrie, et que, s’ils ne peuvent réussir, ils trouveront la mort la plus glorieuse, puisqu’ils auront ambitionné le plus grand et le plus beau des biens.

Deux hommes donc, Pasimélus et Alcimène, traversent le torrent, essayent d’arriver jusqu’au polémarque lacédémonien Praxitas, qui se trouvait avec sa garnison à Sicyone. Ils lui disent qu’ils pourront l’introduire dans l’enceinte des murs qui conduit au Léchéum[22]. Praxitas, qui les connaissait précédemment comme des hommes dignes de foi, croit à leur parole ; il s’arrange donc pour que la division qui doit quitter Sicyone y reste, et il fait ses préparatifs pour entrer dans la ville. Soit hasard, soit calcul, les deux hommes en question étaient de garde à la place où avait été dressé le trophée[23], lorsque Praxitas se présente à la tête de sa division, avec des Sicyoniens et tous les exilés corinthiens. Arrivé près des portes, il craint d’entrer sur-le-champ et veut envoyer d’abord un homme sûr pour examiner ce qui se passe à l’intérieur. Les deux hommes l’introduisent et lui montrent tout d’un air si naturel, qu’il revient en déclarant qu’il n’y a, comme ils l’assuraient, aucune ruse à redouter. Sur cette déclaration il entre[24]. Mais comme les murs étaient séparés les uns des autres par un intervalle assez considérable, les Lacédémoniens trouvent qu’ils sont trop peu nombreux pour occuper cet espace ; ils font donc, du mieux qu’ils peuvent, une palissade et un fossé en avant de leur ligne, afin de pouvoir attendre ainsi que les alliés viennent les rejoindre. Le port derrière eux était gardé par des Béotiens.

Le lendemain de la nuit où ils étaient entrés se passe sans combat ; mais le surlendemain, les Argiens arrivent en masse. Ils trouvent les ennemis rangés en bataille : les Lacédémoniens à l’aile droite, à côté d’eux les Sicyoniens, puis les exilés corinthiens au nombre d’environ cent cinquante, au pied du mur oriental. Ils déploient aussi leur ligne de bataille. Iphicrate et ses mercenaires s’appuient sur le mur oriental : après eux viennent les Argiens. Les Corinthiens de la ville occupent l’aile gauche. Pleins de confiance dans leur nombre, ils marchent aussitôt à l’ennemi : ils mettent en déroute les Sicyoniens, enfoncent la palissade, les poursuivent jusqu’à la mer, où ils en font un grand carnage. L’hipparmoste[25] Pasimachus, qui commandait un petit nombre de cavaliers, voyant la déroute des Sicyoniens, ordonne à ses soldats d’attacher leurs chevaux à des arbres, arrache aux fuyards leurs boucliers, et marche contre les Argiens avec ceux qui veulent le suivre. Les Argiens, voyant les Σ[26] gravés sur leurs boucliers, croient que ce sont des Sicyoniens et ne s’en défient pas. On rapporte que Pasimachus s’écria en ce moment : « Par les Dioscures[27], ces Σ vous tromperont, » et qu’il s’élança sur eux. Il combat alors bravement avec la poignée d’hommes qui l’entoure ; mais, vaincu par le nombre, il est tué, et plusieurs autres avec lui. Cependant les exilés corinthiens avaient défait leurs adversaires, et pénétrant en avant, ils s’étaient rapprochés du mur d’enceinte de la ville.

De leur côté, les Lacédémoniens, qui avaient aperçu la défaite des Sicyoniens, se portent à leur secours en gardant la palissade à leur gauche. Dès que les Argiens apprennent que les Lacédémoniens sont derrière eux, ils font volte-face à l’instant et s’élancent au pas de course pour repasser la palissade ; les dernières files de droite, exposant leur flanc sans défense aux coups des Lacédémoniens, sont massacrées. Le reste, qui s’était réuni auprès du mur, se retire en grand tumulte vers la ville, lorsqu’il rencontre les exilés corinthiens qu’il reconnaît pour des ennemis, et qu’il veut éviter encore en se détournant de nouveau. Les uns montent alors par des échelles et se tuent en sautant du haut du mur, les autres sont tués au pied même des échelles autour desquelles ils étaient pressés et frappés, les autres sont foulés aux pieds ou étouffés par leurs propres compagnons.

Les Lacédémoniens ne manquaient pas de monde à tuer, car la divinité leur accorda en ce moment un succès qu’ils n’auraient jamais pu espérer. Comment, en effet, cette multitude d’ennemis livrée à leur merci, pleine d’effroi, frappée de stupeur, découverte à leurs coups, entraînée tout entière à combattre, et s’aidant de tous ses efforts à sa perte, n’eût-elle pas paru poussée par une force divine ? Aussi, dans un court espace de temps, il en tomba un si grand nombre, que les hommes accoutumés à ne voir que des monceaux de blé, de bois ou de pierres, purent voir des monceaux de cadavres. Les gardes béotiens, postés dans le port, sont aussi massacrés, les uns sur les murs, les autres sur les toits des chantiers où ils sont montés. Après cette action, les Corinthiens et les Argiens obtiennent une trêve pour relever les morts ; les alliés des Lacédémoniens arrivent alors, et, dès que toutes les troupes sont réunies, Praxitas songe d’abord à abattre un espace suffisant des murs pour donner passage à une armée ; puis il se met à la tête de ses troupes et les conduit dans la direction de Mégare. Il prend d’assaut Sidonte, puis Crommyone[28], et, après avoir établi des garnisons, il revient en arrière. Il fortifie Épiécie, afin que les alliés aient une forteresse avancée pour protéger les pays amis ; après quoi, il licencie son armée et retourne lui-même à Lacédémone.

Dès lors des expéditions importantes se font de part et d’autre : les États envoient des garnisons, les uns à Corinthe, les autres à Sicyone, pour en garder les fortifications ; les deux partis avaient des mercenaires, au moyen desquels ils continuaient la guerre avec vigueur.

Iphicrate envahit alors le territoire de Phlionte, et se tenant en embuscade, pendant qu’il fait ravager le pays par un petit nombre de soldats, il tue beaucoup de monde aux habitants de la ville sortis sans précautions. Il en résulte que les Phliontiens, qui n’avaient pas voulu auparavant recevoir les Lacédémoniens dans leurs murs, parce qu’ils craignaient qu’ils ne fissent rentrer les citoyens exilés, sous le prétexte de leur attachement à Sparte, ont une si grande frayeur des troupes de Corinthe, qu’ils appellent les Lacédémoniens et leur abandonnent la garde de la ville et de la citadelle. Cependant les Lacédémoniens, quoique bien disposés envers les exilés, ne font aucune mention de leur rappel tout le temps qu’ils occupent la ville ; et même, quand elle leur semble rassurée, ils partent, laissant le gouvernement et les lois dans le même état que lorsqu’ils y étaient entrés.

Cependant Iphicrate et sa troupe font de nombreuses invasions en Arcadie, ravagent le pays et assiègent les villes, hors desquelles les hoplites arcadiens ne se hasardent jamais de sortir, tant ils ont peur des peltastes, qui, de leur côté, redoutent tellement les Lacédémoniens, qu’ils ne s’approchent jamais des hoplites à portée du trait. En effet, il était déjà arrivé qu’à cette distance les plus jeunes Lacédémoniens, se mettant à leur poursuite, en avaient atteint et tué quelques-uns. Les Lacédémoniens, qui méprisaient les peltastes, avaient encore un plus grand mépris pour leurs propres alliés, depuis la conduite que les Mantinéens avaient tenue un jour dans une sortie contre les peltastes. Ils s’étaient élancés sur eux hors du Léchéum ; mais, reçus par une grêle de traits, ils avaient aussitôt plié et pris la fuite, en laissant quelques morts ; de telle sorte que les Lacédémoniens ne craignaient pas de railler leurs alliés, en disant qu’ils craignaient les peltastes, comme les enfants les fantômes.

Les Lacédémoniens, partis du Léchéum avec une more et les exilés corinthiens, viennent entourer Corinthe d’un cercle de troupes. Les Athéniens, de leur côté, redoutant la puissance des Lacédémoniens, et craignant qu’une fois les longs murs de Corinthe abattus, ils ne marchent contre eux-mêmes, croient que le mieux est de relever les murs renversés par Praxitas. Ils viennent donc en masse avec des maçons et des architectes, et ils rétablissent en peu de jours le mur occidental qui regarde Sicyone : quant au mur oriental, ils le rebâtissent plus à leur aise.

Les Lacédémoniens, réfléchissant que les Argiens sont tranquilles chez eux et se complaisent dans cette guerre, font contre eux une expédition, Agésilas en tête. Celui-ci, après avoir ravagé tout le pays, franchit à l’improviste la frontière à Ténia, et se dirige vers Corinthe, où il détruit les murs rebâtis par les Athéniens. Son frère, Téleutias, le suivait par mer avec une douzaine de trirèmes ; de sorte que leur mère pouvait se vanter que le même jour l’un de ses fils s’était emparé, sur terre, des murs des ennemis, et l’autre, sur mer, de leurs vaisseaux et de leurs chantiers. Cela fait, Agésilas licencie l’armée des alliés, et ramène chez lui les troupes nationales.


CHAPITRE V.


Nouvelle expédition d’Agésilas contre Corinthe[29]. — Prise du Piréum. — Iphicrate détruit une more lacédémonienne.


(Avant J. C. 392.)


Alors les Lacédémoniens, informés par les exilés que les gens de la ville possèdent tout le bétail et l’ont mis en sûreté dans le Piréum, où un grand nombre d’entre eux se sont retirés, font une nouvelle expédition contre Corinthe. Agésilas, qui la commandait encore, se rend d’abord à l’isthme. On était, en effet, au mois dans lequel ont lieu les jeux isthmiques, et c’étaient les Argiens qui se trouvaient alors accomplir le sacrifice à Neptune, Argos se confondant avec Corinthe. Mais, quand ils apprennent l’arrivée d’Agésilas, ils laissent sacrifices et festins, et se retirent en grand effroi dans la ville par le chemin de Cenchrées. Tout en voyant cette retraite, Agésilas ne les poursuit cependant pas ; il s’établit dans le temple, sacrifie lui-même au dieu, et reste jusqu’à ce que les exilés corinthiens aient célébré en l’honneur de Neptune le sacrifice et les jeux. Dès qu’il est parti, les Argiens, à leur tour, recommencent leurs jeux isthmiques : aussi vit-on cette année les mêmes hommes vaincus deux fois dans les jeux, et d’autres proclamés deux fois vainqueurs.

Le quatrième jour, Agésilas conduit son armée contre le Piréum ; mais le voyant gardé par des forces nombreuses, il se retire, après le repas du matin, du côté de la ville, comme si on allait la lui livrer. Les Corinthiens, craignant alors que la ville ne lui soit réellement livrée par quelques hommes, font venir Iphicrate avec presque tous les peltastes. Mais Agésilas, informé pendant la nuit de leur passage, change de direction à la pointe du jour, et marche contre le Piréum. Il se dirige lui-même vers les Thermes, en envoyant une more vers les sommets les plus escarpés, et il passe la nuit près des Thermes, tandis que la more va de son côté occuper les hauteurs. Agésilas imagine alors un expédient qui, bien que petit en lui-même, n’en mérite pas moins d’être cité. Aucun de ceux qui avaient porté des vivres à la more n’avait pensé à prendre du feu ; et, le froid se faisant sentir à cause de l’extrême élévation à laquelle on se trouvait, ainsi que de la pluie et de la grêle qui étaient tombées sur le soir, les soldats qui étaient déjà montés avec des vêtements d’été étaient glacés et n’avaient aucune envie de manger ainsi dans l’obscurité. Agésilas, alors, n’envoie pas moins de dix hommes portant du feu dans des vases. Ces gens montent de différents côtés, et, comme il y avait beaucoup de bois, ils allument une quantité de grands feux ; après quoi tous se frottent d’huile, et un grand nombre se mettent à souper.

Cette même nuit, on vit distinctement l’incendie du temple de Neptune ; seulement la cause pour laquelle il brûlait, personne n’en sut rien. Quand ceux du Piréum virent que les hauteurs étaient occupées, ils ne songèrent plus à se défendre ; mais, hommes et femmes, esclaves et hommes libres, allèrent tous se réfugier avec la plus grande partie du bétail dans le temple de Junon[30]. Agésilas se dirige alors vers la mer avec son armée ; et en même temps la more, descendue des hauteurs, s’empare de la place forte d’Œnoé et de tout ce qu’elle contient. Ce jour-là, tous les soldats se fournissent en abondance de vivres dans les campagnes. Ceux qui s’étaient réfugiés dans le temple de Junon sortent aussi, laissant à Agésilas de décider de leur sort ; celui-ci ordonne de livrer aux exilés ceux d’entre eux qui avaient pris part aux massacres, et de vendre les autres comme esclaves. On fait ainsi dans le temple de Junon une immense quantité de prisonniers.

Il arrive alors des députations de plusieurs endroits, et en particulier des Béotiens, pour demander à quelles conditions on pourrait obtenir la paix. Agésilas affecte avec une grande fierté de ne pas même les voir, bien que Pharax, en qualité de proxène, s’entremît pour les faire recevoir. Assis dans un édifice de forme circulaire bâti autour du port, il examine les nombreux esclaves qu’on amène. Des hoplites lacédémoniens, armés de leurs lances, accompagnent les prisonniers, et attirent principalement eux-mêmes les regards de tous les assistants : car ceux qui sont heureux et vainqueurs semblent toujours mériter d’être les plus regardés. Agésilas était donc encore assis, et paraissait fier de ses succès, quand un cavalier arrive au galop sur un cheval tout en sueur ; il ne répond à aucune des nombreuses questions qui lui sont faites sur ce qu’il vient annoncer ; mais quand il est auprès d’Agésilas, il saute de cheval, court à lui et lui raconte avec une profonde tristesse le désastre de la more du Léchéum. À cette nouvelle, Agésilas s’élance de son siége, saisit sa lance, et ordonne au héraut de convoquer les polémarques, les pentécostères et les chefs des mercenaires. Ils arrivent, et, comme ils n’avaient pas encore déjeuné, il leur dit, dès qu’ils sont réunis, d’aller manger quelque chose et de le suivre aussitôt que possible. Pour lui, sans prendre le temps de manger, il part à la tête de ses commensaux. Les doryphores, saisissant leurs armes, le suivent en hâte ; il marche en tête, les autres viennent après. Il avait déjà passé les thermes et atteint la plaine du Léchéum, lorsque arrivent trois cavaliers qui lui annoncent qu’on a déjà relevé les morts. À cette nouvelle, il fait poser les armes, et laisse quelques moments de répit à ses troupes, qu’il ramène ensuite au temple de Junon. Le lendemain eut lieu la vente des prisonniers.

Les députés des Béotiens, qu’Agésilas fait appeler et auxquels il demande pourquoi ils étaient venus, ne font plus mention de la paix, mais ils disent qu’ils désirent, si rien ne s’y oppose, se rendre dans la ville auprès de leurs soldats. Agésilas se prenant à sourire : « Oh ! je sais bien, dit-il, que vous ne voulez pas voir vos soldats, mais connaître jusqu’où va le succès de vos amis. Attendez-donc ; je veux moi-même vous y conduire, et vous pourrez encore mieux que moi connaître réellement ce qui s’est passé. » Il ne se trompa point. Le lendemain, après avoir offert un sacrifice, il conduisit son armée vers la ville. Il ne renverse pas le trophée, mais il coupe et brûle tous les arbres qui restent debout, pour bien constater que personne n’ose sortir à sa rencontre. Il établit ensuite son camp près du Léchéum, et, au lieu de laisser les députés thébains entrer dans la ville, il les renvoie par mer à Creusis[31]. Du reste, l’étendue de ce revers éprouvé par les Lacédémoniens causait un grand deuil dans leur armée, excepté chez ceux dont les fils, les pères ou les frères, étaient restés sur la place ; on voyait ces derniers se promener, parés comme après une victoire, et se glorifier de la perte qui les touchait de si près.

Or, voici comment était arrivé le désastre de cette more. Lorsque les Amycléens sont en campagne ou qu’ils se trouvent n’importe en quel endroit éloigné de chez eux, ils ont coutume de revenir à l’époque des Hyacinthies pour le chant du péan ; et cette fois Agésilas avait laissé au Léchéum tous les Amycléens et son armée. Le polémarque qui commandait la garnison enjoint aux troupes des alliés qui en faisaient partie, de garder la place, et lui-même avec une division des hoplites et de cavaliers, escorte les Amycléens le long des murs de Corinthe. Lorsqu’ils sont arrivés à environ vingt ou trente stades de Sicyone, le polémarque reprend le chemin du Léchéum avec les hoplites, au nombre de six cents environ, et ordonne à l’hipparmoste de le rejoindre, après qu’il aura escorté les Amycléens aussi loin qu’ils le désireront. Les Lacédémoniens n’ignoraient pas que Corinthe renfermait un nombre considérable d’hoplites et de peltastes ; mais ils s’en inquiétaient peu, croyant qu’on n’oserait les attaquer après ce qui s’était passé tout récemment. Alors deux hommes du parti de la ville, Callias, fils d’Hipponique, général des hoplites athéniens, et Iphicrate, commandant des peltastes, voyant les troupes peu nombreuses et dépourvues d’infanterie légère et de cavalerie, se figurent qu’on peut en toute sûreté les attaquer avec le corps des peltastes. En effet, si les Lacédémoniens continuaient leur route, les coups, portant sur leurs flancs sans défense, devaient en abattre un grand nombre, et, s’ils essayaient de les poursuivre, les peltastes, la plus agile de toutes les troupes, n’auraient guère de peine à échapper aux hoplites. Ces réflexions faites, ils sortent. Callias range les hoplites à quelque distance des murs, et Iphicrate, à la tête de ses peltastes, attaque la more. Les Lacédémoniens, atteints par les traits qui les blessent ou les tuent, ordonnent aux valets d’armes de prendre les blessés et de les emporter au Léchéum, et ce furent, pour dire vrai, les seuls de la more qui échappèrent. Ensuite, le polémarque ordonne à ceux qui, depuis dix ans, ont passé l’adolescence, de poursuivre les assaillants ; mais ces troupes pesamment armées ne peuvent plus approcher des peltastes à la portée du trait, ces derniers ayant reçu l’ordre de se retirer sans attendre les hoplites. Les Lacédémoniens, ne courant pas tous avec la même vitesse, s’étaient dans la poursuite écartés les uns des autres. Lors donc qu’ils veulent revenir vers les leurs, les soldats d’Iphicrate, faisant volte-face, les accablent de nouveau de traits, les uns par derrière, les autres en prenant de côté leur flanc découvert ; les peltastes tuent donc tout d’abord dans cette première poursuite neuf ou dix Lacédémoniens, succès qui les rend déjà plus hardis. Comme les Lacédémoniens avaient eu le désavantage, le polémarque ordonne aux soldats qui, depuis quinze ans, avaient passé l’adolescence, d’attaquer de nouveau ; mais, lorsqu’ils se replient, il en tombe encore plus que la première fois. Ils avaient déjà perdu leurs meilleures troupes, lorsque la cavalerie les rejoint et tente avec eux une troisième attaque ; mais lorsque les peltastes se retirent, les cavaliers font une fausse manœuvre. En effet, au lieu de les poursuivre jusqu’à ce qu’ils en eussent tué quelques-uns, ils chargent de front avec les hoplites, s’avancent et se replient en même temps qu’eux.

Après avoir répété plusieurs fois la même manœuvre avec aussi peu de succès, ils vont s’affaiblissant toujours en nombre et en courage, tandis que les ennemis ne devenaient que plus audacieux et plus nombreux dans leurs attaques. Ne sachant que faire, ils se réunissent sur une petite colline éloignée de la mer de deux stades, et de seize ou dix-sept du Léchéum. Ceux du Léchéum, s’apercevant alors de leur situation, s’embarquent dans de petits bateaux et s’avancent vers la colline. Les Lacédémoniens, déjà réduits au désespoir par leur triste position et par le nombre des morts, sans pouvoir rien pour leur défense, prennent la fuite quand ils voient encore arriver des hoplites. Les uns se jettent dans la mer, d’autres en petit nombre se sauvent au Léchéum avec les cavaliers. Dans tous ces combats et dans la déroute, ils perdent environ deux cent cinquante hommes. Voilà comment les choses se passèrent.

Aussitôt après, Agésilas part avec la more ainsi entamée, et en laisse une autre au Léchéum. Pendant le trajet jusqu’à Sparte, il entre le plus tard possible dans les villes et en part le plus tôt qu’il peut. Bien que parti d’Orchomène au point du jour, il n’entre que de nuit à Mantinée, tant il craint de voir les soldats exaspérés du plaisir que les Mantinéens prennent à leur malheur. À la suite de ces faits, Iphicrate y ajoute de nouveaux succès. Des garnisons avaient été établies à Sidonte et à Crommyone par Praxitas, qui avait pénétré dans leurs murs, et dans Œnoé par Agésilas, quand il s’était rendu maître du Piréum ; toutes ces places tombent au pouvoir d’Iphicrate. Quant au Léchéum, il était gardé par une garnison de Lacédémoniens et d’alliés. Depuis le revers de la more lacédémonienne, les exilés corinthiens n’osaient plus venir de Sicyone par terre, mais ils longeaient la côte, et, du rivage où ils débarquaient, ils harcelaient ceux de la ville, qui les harcelaient à leur tour.


CHAPITRE VI.


Agésilas aide les Achéens en guerre avec les Acarnaniens.


(Avant J. C. 391.)


Peu de temps après, les Achéens qui possédaient Calydon[32], ville jadis étolienne, et qui avaient accordé le droit de cité aux Calydoniens, sont forcés d’y établir une garnison. Les Acarnaniens, en effet, marchaient contre elle, soutenus, en vertu de leur alliance, par quelques troupes athéniennes et béotiennes. Pressés par eux, les Achéens envoient donc des députés à Lacédémone. Ceux-ci déclarent en arrivant que les Lacédémoniens ne se sont pas conduits avec justice à leur égard, « En effet, disent-ils, citoyens, nous prenons part à toutes les expéditions auxquelles vous nous appelez, nous vous suivons partout où vous nous conduisez ; et vous, vous ne vous inquiétez nullement de notre sort, pendant que nous sommes assiégés par les Acarnaniens et par leurs alliés, les Athéniens et les Béotiens. Nous ne pourrions pas y résister, si cela continuait ainsi ; il nous faudrait alors laisser là la guerre du Péloponèse, et passer la mer avec toutes nos forces pour aller combattre les Acarnaniens et leurs alliés, ou bien faire la paix aux meilleures conditions possibles. » Voilà ce qu’ils disent aux Lacédémoniens en les menaçant sourdement de se retirer de l’alliance, si à leur tour ils ne leur viennent en aide. Les éphores et l’assemblée, après avoir entendu les députés, déclarent qu’il est nécessaire de marcher avec les Achéens contre les Acarnaniens, et ils envoient Agésilas à la tête de deux bataillons lacédémoniens et du contingent des alliés ; les Achéens se réunissent à lui avec toutes leurs forces. Quand Agésilas a débarqué, tous les Acarnaniens des campagnes se retirent dans les villes, et tous les troupeaux sont conduits à une grande distance, afin qu’ils ne tombent pas aux mains de l’armée. Arrivé sur les frontières, Agésilas envoie des députés à la diète des Acarnaniens réunie à Stratos[33], déclarer que, s’ils ne renoncent à l’alliance des Béotiens et des Athéniens, et ne se réunissent aux Lacédémoniens, il ravagera leur pays d’un bout à l’autre et n’épargnera rien. Les Acarnaniens n’obéissant pas, il accomplit ses menaces, et, occupé continuellement à ravager le pays, il n’avance pas de plus de dix ou douze stades par jour. Les Acarnaniens, se croyant alors en sûreté à cause de la lenteur de la marche, font redescendre leurs troupeaux des montagnes et se mettent à cultiver la plus grande partie de leurs terres. Mais lorsque Agésilas les croit tout à fait rassurés, quinze ou seize jours après son entrée dans le pays, il part le matin après avoir sacrifié, fait une marche de cent cinquante stades, arrive le soir au bord du lac autour duquel étaient réunis presque tous les troupeaux des Acarnaniens, s’empare ainsi d’une immense quantité de bœufs, de chevaux et d’autres bestiaux de toute espèce, et fait également un grand nombre de prisonniers.

Il reste le jour suivant au même endroit, pour les vendre comme des esclaves. Cependant des peltastes acarnaniens arrivent en nombre sur la montagne au pied de laquelle Agésilas était campé, et, lançant de là des traits et des pierres sur les Lacédémoniens, tout en restant eux-mêmes hors d’atteinte, ils forcent l’armée à quitter les hauteurs et à descendre dans la plaine, bien qu’elle soit déjà occupée à préparer le souper. À la nuit, les Acarnaniens se retirent, et les soldats lacédémoniens posent des gardes et se livrent au sommeil.

Le lendemain, Agésilas met l’armée en retraite ; mais les montagnes qui entourent la vallée et la plaine où est situé le lac ne laissaient qu’un passage étroit, et les Acarnaniens, maîtres des hauteurs, lançaient de là des projectiles et des traits. Descendant sur le bord des montagnes, ils attaquent l’armée et la harcellent de manière à ce qu’il lui devient impossible d’avancer. Les hoplites et les cavaliers de la phalange qui veulent se mettre à la poursuite des assaillants, ne leur font absolument aucun mal, parce que les Acarnaniens en se retirant arrivent bientôt à des positions inattaquables. Agésilas, sentant alors la difficulté de sortir de ce défilé, tant qu’il serait exposé aux mêmes atteintes, se détermine à attaquer ceux qui inquiètent sa gauche et qui sont très-nombreux : en effet, ce côté de la montagne était plus accessible aux hoplites et aux cavaliers. Pendant qu’il sacrifie, les Acarnaniens le pressent vivement, lançant sur ses soldats des traits et des flèches, et s’avançant si près qu’ils en blessent un grand nombre. Mais dès qu’il a donné l’ordre de l’attaque, ceux des hoplites qui, depuis quinze ans, avaient passé l’adolescence, s’élancent en avant, la cavalerie charge, et lui-même suit avec le reste des troupes. Alors ceux des Acarnaniens qui sont descendus jusqu’en bas, plient aussitôt après avoir lancé au loin quelques traits, et sont tués au moment où ils s’enfuient vers les hauteurs. Cependant les hoplites acarnaniens et la plus grande partie des peltastes étaient rangés en bataille sur le sommet de la montagne, et attendaient là l’ennemi de pied ferme ; ils lancent force traits, se servent de leurs lances comme de javelots, blessent quelques cavaliers et tuent plusieurs chevaux ; mais quand ils sont sur le point d’en venir aux mains avec les hoplites lacédémoniens, ils prennent la fuite et perdent dans cette journée près de trois cents des leurs. Là-dessus Agésilas dresse un trophée, puis il dévaste et incendie les environs : contraint par les Achéens, il attaque aussi quelques villes, mais il n’en perd pas une. Enfin, comme l’automne approchait, il quitte le pays. Toutefois les Achéens estimaient qu’il n’avait rien fait, parce qu’il n’avait pris aucune ville ni de gré ni de force. Ils le prient donc, à défaut d’autre chose, de rester assez longtemps pour empêcher les Acarnaniens d’ensemencer leurs terres ; mais il répond que ce qu’ils disent est contraire à leur propre intérêt. « Pour moi, dit-il, je ferai une nouvelle expédition contre ce pays l’été prochain, et plus les habitants auront semé, plus ils désireront la paix. » Cela dit, il se retire par terre à travers l’Étolie, par une route que l’on ne pouvait faire ni avec beaucoup, ni avec peu de troupes, contre le gré des Étoliens. Cependant ceux-ci lui permettent de traverser leur pays, espérant qu’il leur ferait rendre Naupacte. Mais arrivé au Rhion, il y passe la mer et arrive à Sparte. Le passage de Calydon dans le Péloponèse était intercepté par des trirèmes que les Athéniens avaient envoyées d’Œniades.


CHAPITRE VII.


Les Acarnaniens font une alliance avec Sparte et la paix avec les Achéens. — Expédition d’Agésipolis en Argolide.


(Avant J. C. 390.)


L’hiver étant sur sa fin, Agésilas, suivant la promesse faite aux Achéens, prépara, au commencement du printemps, une nouvelle campagne contre les Acarnaniens. Ceux-ci, l’ayant appris, réfléchissent que leurs villes, à cause de leur position au milieu des terres, seront tout aussi bien assiégées par un ennemi qui détruira les blés que par une armée campée autour de leurs murs pour en faire le siége. Ils envoient donc des députés à Lacédémone, et concluent la paix avec les Achéens et une alliance avec les Lacédémoniens. Ainsi se terminèrent les affaires avec les Acarnaniens.

Ensuite les Lacédémoniens, trouvant dangereux de marcher contre les Athéniens ou contre les Béotiens, en laissant derrière eux sur les frontières de la Laconie une ville ennemie aussi puissante que l’était Argos, déclarent la guerre à Argos. Dès qu’Agésipolis[34] sait que c’est lui qui doit commander l’expédition et qu’il a célébré les sacrifices du départ, il se rend à Olympie pour consulter l’oracle : il demande au dieu s’il pourra sans impiété rejeter la trêve que proposeraient les Argiens, parce qu’ils avaient coutume de prétexter les mois sacrés[35], non pas lorsque l’époque en était arrivée, mais lorsque les Lacédémoniens étaient sur le point d’envahir leur pays. Le dieu lui signifie qu’il peut, sans impiété, rejeter une trêve injustement réclamée. De là, il se rend directement à Delphes pour demander à Apollon s’il a sur cette trêve la même manière de voir que son père. Apollon lui fait absolument la même réponse. Alors il va rejoindre son armée à Phlionte, où elle s’était réunie pendant qu’il était allé consulter les oracles, et fait irruption par Némée. Les Argiens, voyant qu’ils ne peuvent résister, envoient, selon leur coutume, deux hérauts couronnés de fleurs pour demander une trêve. Mais Agésipolis, répondant que les dieux ont proclamé l’injustice de leur demande, n’accepte point la trêve, envahit le pays et cause une grande terreur dans les campagnes et dans la ville.

Comme il soupait pour la première fois sur le territoire d’Argos, au moment où l’on venait de faire les libations accoutumées après le repas, le dieu ébranle la terre. Alors tous les Lacédémoniens, suivant l’exemple des commensaux du roi, entonnent le péan en l’honneur de Neptune. Le reste des soldats se figure qu’on va se retirer, parce que Agis avait quitté l’Élide après un tremblement de terre. Mais Agésipolis dit que, si le tremblement avait eu lieu au moment d’entrer dans le pays ennemi, il l’aurait regardé comme une défense, mais que, comme il avait eu lieu après son entrée, il le considérait comme un encouragement. Aussi le lendemain, après avoir sacrifié à Neptune, il marche en avant, sans cependant aller trop loin. Comme il avait devant les yeux la récente expédition d’Agésilas contre Argos, Agésipolis demande aux soldats jusqu’à quelle distance des murs Agésilas s’est avancé et jusqu’où il a étendu ses ravages dans le pays : c’était un pentathle qui essaye en tout de surpasser un rival. Un jour il franchit deux fois les fossés creusés autour des murs de la ville, malgré les traits qu’on lui lance du haut des tours. Une autre fois que la plus grande partie des Argiens était allée en Laconie, il s’avance si près des portes, que les Argiens qui les gardaient n’osent les ouvrir à la cavalerie béotienne qui entrait dans la ville, de peur que les Lacédémoniens ne s’y jettent en même temps, de sorte que les cavaliers sont obligés de se coller aux murs sous les créneaux, comme des chauves-souris ; et, si les Crétois ne s’étaient pas trouvés en excursion contre Nauplie, chevaux et hommes seraient tombés en grand nombre sous leurs flèches. Quelque temps après, comme Agésipolis était campé autour de l’enceinte de la ville, le tonnerre tombe dans le camp, quelques hommes sont tués par la foudre, d’autres par la peur. Ensuite, au moment où, voulant élever un fort sur le passage de Céluse, il offre un sacrifice, le foie des victimes se montre incomplet : il emmène donc son armée et la licencie, après avoir fait cependant beaucoup de mal aux Argiens, en les attaquant ainsi à l’improviste.

CHAPITRE VIII.


Succès de Pharnabaze et de Conon dans les îles et les villes maritimes. — Antalcidas chez le roi de Perse. — Conon arrêté par Tiribaze. Thimbron en Asie. — Mort de Thrasybule. — Iphicrate le remplace et bat Anaxibius à Antandros.


(Avant J. C. 394, 390.)


Tels étaient sur terre les divers incidents de la guerre. Tout ce qui, dans le même temps, se passa sur mer et dans les villes maritimes, va maintenant être raconté ; seulement je n’écrirai que les actions les plus mémorables, et laisserai de côté celles qui n’ont point d’importance.

D’abord donc, Pharnabaze et Conon, après avoir battu les Lacédémoniens dans le combat naval, firent le tour des îles et des places maritimes, pour en chasser les harmostes lacédémoniens et donner aux villes l’assurance que l’on n’occuperait point leurs citadelles, mais qu’on leur laisserait l’indépendance. Les États expriment hautement la joie que leur cause cette déclaration, et envoient en reconnaissance des dons d’hospitalité à Pharnabaze. En effet, c’était Conon qui avait fait comprendre à Pharnabaze qu’en traitant ainsi les villes, il se les rendrait toutes amies, tandis que, s’il voulait ouvertement les asservir, chacune d’elles, lui disait-il, pourrait lui susciter de nombreux embarras et l’amener au risque d’une coalition des Grecs, s’ils pressentaient son dessein. Ces réflexions avaient convaincu Pharnabaze. Débarqué à Éphèse, il donne à Conon quarante trirèmes, en lui disant d’aller l’attendre à Sestos, pendant que lui-même s’en irait par terre dans sa province. En effet Dercyllidas, qui depuis longtemps était son ennemi, se trouvait à Abydos, lors de la bataille navale, et, au lieu de s’enfuir comme les autres harmostes, il s’était maintenu à Abydos et l’avait conservée fidèle aux Lacédémoniens. Il avait convoqué les Abydéniens et leur avait tenu ce langage : « Citoyens, c’est maintenant que vous pourrez, vous, les vieux amis de notre cité, vous montrer les bienfaiteurs des Lacédémoniens. Demeurer fidèles dans le bonheur, cela n’a rien de remarquable ; mais quand on demeure aussi fidèle à ceux qui sont dans le malheur, on provoque par là une éternelle reconnaissance. Cependant il ne faut pas croire que, parce que nous avons été vaincus dans la bataille navale, nous ne sommes rien du tout. Certes, jadis, quand les Athéniens avaient l’empire de la mer, notre ville était partout en état de récompenser ses amis et de punir ses ennemis. Mais plus les autres villes se seront empressées de nous tourner le dos avec la fortune, plus votre fidélité paraîtra réellement grande. Si quelqu’un de vous craint de voir cette ville assiégée par terre et par mer, qu’il songe qu’il n’y a encore dans ces parages aucune flotte grecque, et que la Grèce ne permettra jamais que les barbares essayent de prendre l’empire de la mer, de sorte que cette ville, en se secourant elle-même, deviendra aussi notre alliée. »

En entendant ces mots, les Abydéniens obéissent à l’instant et avec joie. Ils reçoivent amicalement les harmostes qui arrivent chez eux et envoient chercher ceux qui se trouvent ailleurs. Quand il se trouve ainsi réuni dans la ville un nombre considérable d’hommes capables, Dercyllidas passe à Sestos, en face d’Abydos, à une distance qui n’est pas de huit stades. Là il rassemble tous ceux qui doivent aux Lacédémoniens les terres qu’ils ont dans la Chersonèse, et tous les harmostes qui avaient été chassés des villes de l’Europe. Il les reçoit, en leur disant qu’ils ne doivent point désespérer, mais se rappeler qu’en Asie même, dans l’empire du roi, il y a la petite ville de Temnos, Èges, et d’autres places, qu’ils peuvent habiter sans être sous la dépendance du roi. « Et cependant, ajoute-t-il, pourriez-vous trouver une position plus forte et plus imprenable que Sestos, pour le siége de laquelle il faudrait des vaisseaux et des troupes de terre ? » C’est ainsi que par ses discours il les empêchait d’avoir peur. Pharnabaze, trouvant Abydos et Sestos dans ces dispositions, leur déclare que, si elles ne chassent les Lacédémoniens, il leur fera la guerre. Comme elles refusent d’obéir, il ordonne à Conon de les empêcher de tenir la mer, et il dévaste lui-même le territoire des Abydéniens. Mais, ne pouvant venir à bout de les soumettre, il s’en retourna chez lui après avoir donné à Conon l’ordre de se concerter avec les villes sur l’Hellespont, pour réunir au printemps le plus de vaisseaux possible. Dans sa colère contre les Lacédémoniens pour tout ce qu’il avait souffert, son désir le plus vif était d’aller dans leur pays en tirer la vengeance la plus éclatante qu’il pourrait. Ils passent tous les deux l’hiver à s’occuper de ces préparatifs.

Dès le commencement du printemps, Pharnabaze équipe un grand nombre de vaisseaux, lève une armée de mercenaires, met à la voile avec Conon, et se rend à Mélos, à travers les îles. De là ils partent pour la Laconie. Il commence par aborder à Phères[36] et en ravage le pays, puis il opère des descentes sur plusieurs points de la côte, et y fait le plus de mal qu’il peut. Mais bientôt, redoutant le manque de port dans ces parages, l’arrivée des ennemis et la disette de vivres, il part et va aborder à Phéniconte, dans l’île de Cythère. Les troupes de cette île qui occupaient la ville, craignant une prise d’assaut, abandonnent la place. Pharnabaze les laisse se retirer librement en Laconie sous la foi d’une convention, puis il répare les fortifications de la ville, y établit une garnison, et laisse l’Athénien Nicophème en qualité d’harmoste des Cythériens. Cela fait, il cingle vers l’isthme de Corinthe, exhorte les alliés à soutenir bravement la guerre et à se montrer fidèles au roi, leur laisse tout l’argent qu’il a, et s’en retourne chez lui. Conon alors le prie de lui confier la flotte qu’il voulait entretenir aux frais des îles, et avec laquelle il retournerait ensuite dans sa patrie pour reconstruire les Longs-Murs d’Athènes et la muraille d’enceinte du Pirée. Il disait qu’il ne savait rien qui dût être plus pénible aux Lacédémoniens : « Et ainsi, ajoute-t-il, tu t’assureras l’amitié des Athéniens et tu te vengeras des Lacédémoniens ; car tout le mal qu’ils se sont donné, tu le rendras inutile. » Pharnabaze persuadé l’envoie aussitôt à Athènes, et lui donne en outre de l’argent pour le rétablissement des murs. Arrivé à Athènes, Conon relève une grande partie de la muraille, fournissant ses équipages, payant le salaire des architectes et des maçons, et faisant toutes les autres dépenses nécessaires. D’autres parties sont reconstruites par les Athéniens eux-mêmes, les Béotiens et d’autres villes, qui s’empressent d’y contribuer.

Cependant les Corinthiens, ayant équipé des vaisseaux avec l’argent que leur a laissé Pharnabaze, donnent à Agathinus les fonctions de navarque et tiennent l’empire de la mer sur le golfe qui baigne l’Achaïe et le Léchéum. Les Lacédémoniens, de leur côté, mettent sous voile des vaisseaux commandés par Podanémus ; mais il est tué dans une rencontre, et comme Pollis, son second, est aussi forcé par des blessures de quitter la flotte, Hérippidas prend le commandement des vaisseaux. Cependant le Corinthien Proène, qui avait succédé à Agathinus dans le commandement de la flotte, sort de Rhion[37], que les Lacédémoniens reprennent ; mais Téleutias vient ensuite prendre le commandement des vaisseaux d’Hérippidas et conserve la suprématie dans le golfe.

Cependant les Lacédémoniens apprennent que Conon retire les siens d’Athènes avec l’argent du roi, à l’aide duquel il entretient aussi sa flotte, et qu’il gagne à Athènes les îles et les villes du continent voisines du littoral. Ils pensent alors que, s’ils informent de cela Tiribaze, général du roi, ils pourront l’attacher à leur parti, ou du moins faire retirer à Conon les moyens d’entretenir la flotte. Dans ce dessein, ils envoient Antalcidas auprès de Tiribaze, avec mission de l’informer de ce qui a lieu, et de négocier la paix entre Lacédémone et le roi. Les Athéniens, apprenant cette démarche, envoient, de leur côté, les députés Conon, Hermogène, Dion, Callisthène et Callimédon ; ils engagent leurs alliés à en envoyer aussi ; et c’est ce que font les Béotiens, Corinthe et Argos. Quand ils sont là, Antalcidas dit à Tiribaze qu’il vient de la part de sa patrie demander la paix au roi, et à des conditions telles que le roi peut le souhaiter. En effet, pour ce qui est des villes grecques d’Asie, les Lacédémoniens n’opposent au roi aucunes prétentions, et il leur suffit qu’on reconnaisse l’indépendance de toutes les îles et du reste des villes. « Et comme, ajoute-t-il, ce sont là nos désirs, pourquoi les Grecs ou le roi nous feraient-ils la guerre et dépenseraient-ils de l’argent ? Toute expédition contre le roi devient impossible aux Athéniens, du moment que nous ne les commandons pas, et à nous, du moment que les villes sont indépendantes. » Tiribaze entend avec le plus vif plaisir ces discours d’Antalcidas. Mais l’opinion opposée se formulait ainsi : Les Athéniens redoutaient de voir proclamer l’indépendance des villes et des îles, ce qui leur aurait enlevé Lemnos, Imbros et Scyros ; les Thébains craignaient également d’être obligés de reconnaître l’indépendance des villes béotiennes, et les Argiens comprenaient que, si ce traité et cette paix avaient lieu, il leur faudrait, contre leur désir, renoncer à traiter Corinthe comme Argos. Cela fit que la paix ne fut point conclue et que chacun s’en alla chez soi.

Cependant Tiribaze croit qu’il peut être dangereux pour lui de s’allier aux Lacédémoniens sans l’assentiment du roi ; il donne, toutefois, de l’argent en secret à Antalcidas, afin que les Lacédémoniens puissent équiper une flotte, et amener ainsi les Athéniens et leurs alliés à désirer plus vivement la paix ; puis, croyant aux rapports des Lacédémoniens, qui lui disent que Conon trahit le roi, il le fait mettre en prison. Cela fait, il se rend auprès du roi pour lui rapporter les propositions des Lacédémoniens, lui dit qu’il a fait arrêter Gonon comme traître, et lui demande ce qu’il doit faire au milieu de toutes ces conjonctures. Le roi, pendant que Tiribaze est auprès de lui dans le haut pays, envoie Strouthas pour diriger les affaires maritimes. Or, Strouthas penchait fortement pour les Athéniens et pour leurs alliés, parce qu’il se rappelait tout le mal qu’Agésilas avait fait au pays du roi.

Les Lacédémoniens, voyant alors que Strouthas leur est hostile et bien disposé pour les Athéniens, envoient Thimbron pour lui faire la guerre. Thimbron passe en Asie, se porte à Éphèse, à Priène, à Leucophrys, à Achilléium, trois villes de la plaine du Méandre, et met à feu et à sang le pays du roi. À la longue, Strouthas, s’apercevant que Thimbron sort chaque fois en désordre et avec une grande insouciance, envoie des cavaliers dans la plaine, et leur ordonne de se jeter sur l’ennemi, de l’entourer et de le charger à fond de train. Thimbron venait de déjeuner et sortait de sa tente avec le joueur de flûte Thersandre. Ce Thersandre n’était pas seulement un excellent flûteur ; mais, en sa qualité de musicien, il se donnait des airs d’athlète. Strouthas, voyant en ce moment les forces ennemies marcher en désordre avec une faible avant-garde, se montre tout à coup à la tête d’une nombreuse cavalerie bien rangée. Thimbron et Thersandre sont les premiers tués. Tout le reste de l’armée, les voyant tomber, prend la fuite ; l’ennemi, se jetant à la poursuite des fuyards, en fait un grand carnage, mais quelques-uns parviennent à se sauver dans les villes alliées. Plusieurs aussi échappent, parce qu’ils ont appris trop tard cette sortie : souvent en effet, comme cette fois, Thimbron faisait des sorties sans l’annoncer d’avance. C’est ainsi que tout cela se passa.

Cependant il arrive à Lacédémone des Rhodiens exilés par le peuple. Ils déclarent que c’est une indignité de laisser les Athéniens subjuguer Rhodes et se renforcer d’une telle puissance. Les Lacédémoniens, comprenant que, si le peuple a le dessus, Rhodes entière tombera au pouvoir des Athéniens, tandis qu’elle serait en leur propre puissance, si les riches dominaient, leur équipent huit navires avec Ecdicus pour navarque. Ils envoient en même temps sur ces vaisseaux Diphridas, chargé de passer en Asie, de protéger les villes qui ont ouvert leurs portes à Thimbron, de rassembler les restes de l’armée, de la renforcer de toutes les troupes qu’il pourrait encore lever, et, avec ces forces réunies, de faire la guerre à Strouthas. Diphridas exécute ces ordres et remporte quelques succès. Il s’empare du gendre de Strouthas, Tigrane, qui se rendait à Sardes avec sa femme, et dont il exige une rançon considérable, ce qui lui fournit sur-le-champ de quoi payer ses troupes. Diphridas était, du reste, un homme non moins aimable que Thimbron, mais un général plus rangé et plus entreprenant. Il ne se laissait point dominer par les plaisirs du corps, et il était toujours à ce qu’il faisait.

Quand Ecdicus est arrivé à Cnide et qu’il apprend que le peuple de Rhodes était maître de toutes les affaires, régnait sur terre et sur mer, et possédait le double des trirèmes qu’il avait lui-même, il demeure en repos à Cnide. Alors, les Lacédémoniens, apprenant qu’il n’a pas assez de forces pour aider leurs alliés, ordonnent à Téleutias de se rendre vers Ecdicus avec les douze vaisseaux qu’il a sur le golfe d’Achaïe et du Léchéum. Téleutias devait renvoyer Ecdicus à Sparte, épouser lui-même les intérêts de ceux qui se déclareraient amis, et faire tout le mal possible aux ennemis. Téleutias, arrivé à Samos, y prend des vaisseaux avec lesquels il se rend à Cnide, et Ecdicus alors retourne à Sparte. Ensuite Téleutias fait voile vers Rhodes avec sa flotte, forte déjà de vingt-sept vaisseaux. Dans le trajet, il rencontre Philocrate, fils d’Éphialte, qui venait d’Athènes avec dix trirèmes et allait à Cypre, au secours d’Évagoras : il les lui prend toutes. Ainsi, les rôles se trouvent intervertis : les Athéniens, alliés du roi, envoient des secours à Évagoras, qui fait la guerre au roi ; Téleutias, tandis que les Lacédémoniens sont en guerre avec le roi, détruit les vaisseaux qui allaient lui faire la guerre. Il retourne à Cnide pour vendre ce qu’il a pris, puis il se rend de nouveau à Rhodes pour secourir ceux du parti des Lacédémoniens.

Les Athéniens, croyant les Lacédémoniens tout près de rétablir leur puissance sur mer, envoient de leur côté Thrasybule de Stiriée avec quarante vaisseaux. Celui-ci, toutefois, ne se rend point à Rhodes, dans la pensée qu’il pourra difficilement faire peser sa vengeance sur les amis des Lacédémoniens, maîtres d’une place forte et soutenus par la présence de Téleutias et de sa flotte. D’un autre côté, il ne croit pas que les alliés des Athéniens courent le risque de succomber sous leurs ennemis, parce qu’ils possèdent les villes, qu’ils sont de beaucoup supérieurs en nombre, et qu’ils viennent de gagner une bataille. Il fait donc voile vers l’Hellespont, et, comme il n’y trouve point d’adversaires, il pense qu’il pourra rendre de grands services à sa patrie. Aussi, ayant appris d’abord que Médoce, roi des Odryses, et Seuthès, souverain du littoral étaient brouillés, il les réconcilie et en fait des amis et des alliés d’Athènes. Il espérait que, grâce à cette alliance, les villes grecques situées dans la Thrace seraient mieux disposées en faveur des Athéniens. Or, comme ces pays, ainsi que les villes grecques d’Asie, à cause de l’alliance du roi avec les Athéniens, ne lui donnaient aucune inquiétude, il se rend à Byzance et afferme la dîme prélevée sur les vaisseaux qui sortent du Pont. Il remplace aussi par la démocratie le gouvernent oligarchique des Byzantins. De cette manière, le peuple de Byzance voit avec plaisir un grand nombre d’Athéniens entrer et séjourner dans leur ville. Cela fait, il s’assure l’amitié des Chalcédoniens, puis il quitte l’Hellespont. Il trouve toutes les villes de l’île de Lesbos, sauf Mitylène, attachées au parti lacédémonien. Il ne marche pourtant contre aucune d’elles avant d’avoir rassemblé à Mitylène les quatre cents hoplites qui se trouvaient sur ses vaisseaux et tous les exilés des villes qui s’étaient réfugiés à Mitylène, auxquels il adjoint les Mityléniens les plus intrépides. Il promet aux Mityléniens que, s’il s’empare des villes, il leur donnera la prééminence sur toute l’île de Lesbos ; aux exilés, que, s’ils réunissent leurs forces contre chaque ville, ils seront par là même en état de rentrer chacun dans leur patrie ; aux épibates, que, s’ils parviennent à faire de Lesbos une amie, ils procureront ainsi à leur patrie une source d’abondantes richesses. Après les avoir animés de la sorte, il forme ses troupes et les conduit contre Mitylène.

Cependant, lorsque Thérimachus, qui s’y trouvait harmoste des Lacédémoniens, apprend l’arrivée de Thrasybule, il réunit les épibates de ses vaisseaux, les Méthymnéens eux-mêmes ainsi que tous les Mityléniens de la ville, et marche avec ses troupes sur la frontière. On livre bataille. Thérimachus est tué, ses troupes prennent la fuite et perdent beaucoup de monde. Alors plusieurs villes ouvrent leurs portes à Thrasybule, qui ravage celles qui refusent de se rendre, et fournit ainsi de l’argent à ses soldats. Il se hâte ensuite de retourner à Rhodes ; mais, afin de donner plus de cœur à son armée, il lève des contributions dans les différentes villes, et vient spécialement dans cette vue à Haspendos, sur le fleuve Eurymédon. Il avait déjà reçu de l’argent des Haspendiens, lorsque ses soldats commettent quelques dégâts dans la campagne. Les Haspendiens irrités font une irruption de nuit et l’égorgent dans sa tente. Ainsi mourut Thrasybule, qui passait pour un excellent homme. Les Athéniens élisent à sa place Agyrrhius, qui vient prendre le commandement de la flotte.

Cependant les Lacédémoniens, apprenant que les Athéniens ont affermé à Byzance la dîme prélevée sur les vaisseaux sortant du Pont, qu’ils occupent Chalcédoine, et que, grâce à l’amitié de Pharnabaze, ils sont au mieux avec les autres villes de l’Hellespont, croient qu’il y faut donner leurs soins. Ils n’avaient rien à reprocher à Dercyllidas ; mais Anaxibius, qui avait su gagner les bonnes grâces des éphores, obtient qu’on l’envoie comme harmoste à Abydos. Si on lui donne des subsides et des vaisseaux, il promet de faire une si bonne guerre aux Athéniens, que leur position sur l’Hellespont ne sera plus tenable. On lui donne donc trois trirèmes et de quoi entretenir mille mercenaires, puis on l’envoie à Abydos. Arrivé là, il lève dans les environs une armée de mercenaires, détache du parti de Pharnabaze quelques villes éoliennes, marche sur les villes qui s’étaient liguées contre Abydos, envahit et dévaste leur territoire. Il équipe à Abydos trois autres navires qu’il adjoint à ceux qu’il a, et avec lesquels il essaye d’aller prendre en mer quelque bâtiment des Athéniens ou de leurs alliés. Informés de ces faits, les Athéniens, qui craignent de voir détruire la puissance que Thraysbule leur a acquise sur l’Hellespont, envoient de leur côté Iphicrate avec huit vaisseaux et près de douze cents peltastes, dont la plupart avaient déjà servi sous ses ordres à Corinthe. Les Argiens, Corinthe soumise, avaient déclaré n’avoir plus besoin des Athéniens. Et de fait, Iphicrate avait fait mettre à mort quelques hommes du parti argien. Il était donc revenu à Athènes, où il se trouvait alors. Après son arrivée en Chersonèse, Anaxibius et lui se font d’abord la guerre en s’envoyant de part et d’autre des corsaires. Mais à la longue, Iphicrate, informé qu’Anaxibius s’est rendu à Antandros avec ses mercenaires, les Lacédémoniens qui sont avec lui et deux cents hoplites d’Abydos, sachant en outre qu’il s’est allié avec Antandros, il suppose qu’après y avoir établi une garnison, il reviendra sur ses pas pour ramener les Abydéniens chez eux, passe la nuit sur la partie la plus déserte du territoire d’Abydos, et, gravissant la montagne, il s’y établit en embuscade. Il ordonne en même temps aux trirèmes qui l’ont amené de remonter vers la Chersonèse, pour faire mine d’avoir été comme à l’ordinaire lever de l’argent. En agissant de la sorte, il ne se trompa point. En effet, Anaxibius repart, sans que, dit-on, ce jour-là les victimes aient été favorables ; mais il n’en tient aucun compte, parce que la route le conduisait par un pays ami à une ville alliée ; et, sur le rapport de gens qu’il rencontre, qu’Iphicrate a cinglé vers Préconnèse, il s’avance en désordre. Cependant Iphicrate ne bouge point, tant que l’armée d’Anaxibius est à la même hauteur que lui ; mais dès que les Abydéniens, qui ouvraient la marche, sont arrivés dans la plaine de Crémastès, où ils possèdent leurs mines d’or, et que le reste de l’armée, qui les suivait, se trouve sur la pente de la montagne qu’Anaxibius descendait en même temps que les Lacédémoniens, Iphicrate s’élance de son embuscade et fond sur eux au pas de course. Anaxibius sent bien qu’il n’a aucun espoir de salut, et, considérant la longue ligne de son armée qui s’étend dans le défilé, il comprend que la montagne empêchera ceux qui le précèdent de venir à son secours. Voyant donc la terreur de toutes ses troupes quand elles s’aperçoivent de l’embuscade, il dit à ceux qui l’entourent : « Camarades, je trouve beau de mourir ici : quant à vous, avant d’en venir aux mains avec les ennemis, hâtez-vous de vous sauver ! » À ces mots, il prend son bouclier des mains de son écuyer et tombe sur la place en combattant. Son mignon reste à ses côtés, et une douzaine d’harmostes lacédémoniens, rassemblés des différentes villes, sont tués avec lui. Le reste tombe en fuyant ou est poursuivi jusqu’à la ville. Le reste des troupes perd environ deux cents hoplites, et les Abydéniens une cinquantaine. Cela fait, Iphicrate se retire de nouveau dans la Chersonèse.





  1. Espèces de commissaires-priseurs, qui se chargeaient de vendre aux enchères le butin fait sur l’ennemi.
  2. D’Astyre, ville de Mysie.
  3. Les Grecs d’Asie.
  4. Xerxès.
  5. Défilé, dont il est encore question plus loin, livre IV, chap. iv.
  6. C’est-à-dire les Corinthiens et leurs alliés.
  7. Dans un endroit boisé, selon les conjectures de Schneider.
  8. Les Athéniens étaient divisés pour le civil en dix tribus, et l’on conservait aussi cette dénomination pour le militaire.
  9. Chasseresse.
  10. De Corinthe.
  11. Il était revenu en Europe après avoir accompli sa mission auprès de Tissapherne. Cf. III, iv.
  12. Schneider dit que c’étaient 300 cavaliers d’élite qui servaient d’état-major aux rois de Lacédémone. Cf. Thucydide, V, LXXII ; Hérodote, VIII, cxxiv.
  13. Weiske le nomme Polymaque.
  14. À cause d’une éclipse annulaire.
  15. Conon, après la bataille d’Ægos-Potamos, s’était enfui auprès d’Évagoras et de là chez le roi de Perse.
  16. Cf. Agésilas, ii.
  17. Je lis, avec A. Turrettini et L. Dindorf, πολλοί, au lieu de Πελλεῖς, malgré l’autorité de Weiske et de quelques autres éditeurs.
  18. Fêtes en l’honneur de Diane, adorée à Thèbes dans le temple que lui éleva Hercule, après la victoire qu’il remporta sur les Orchoméniens.
  19. Gymnase situé sur une colline voisine de Corinthe, et entouré d’un bois sacré.
  20. Montagne avec une citadelle qui domine Corinthe.
  21. C’était une colonne consacrée à Cybèle, mère des dieux.
  22. Port de Corinthe.
  23. Voy. plus haut, à la fin du chapitre ii.
  24. Pour l’intelligence de ces divers mouvements, on fera bien de recourir, si l’on peut, à la carte dressée par Weiske dans son édition de Xénophon, t. IV, p. 189.
  25. Chef de la cavalerie.
  26. C’est la première lettre du mot Σικυώνιοι, Sicyoniens.
  27. Ναὶ τὼ σιώ, littéralement « Par les deux dieux ! » formule de serment particulière aux Doriens. Les Dioscures sont Castor et Pollux.
  28. Bourg et place de la campagne de Corinthe.
  29. Cf. Agésilas, II.
  30. Voy. Tite Live, XXXI, xxiii.
  31. Ville du golfe de Corinthe.
  32. La ville la plus considérable de l’Acarnanie.
  33. Ville de l’Acarnanie à l’embouchure de l’Achéloüs.
  34. Roi de Sparte, fils de Pausanias.
  35. Et mieux le mois sacré. C’était le carnéum des Doriens, le métagitnion des Attiques, correspondant à une partie d’août et de septembre.
  36. En Messénie.
  37. Détroit et promontoire d’Étolie.