Histoire universelle/Tome I/II/V

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Société de l’Histoire universelle (Tome Ip. 64-65).
Afghanistan

Si le Penjab est le vestibule intérieur de l’Inde, on peut dire que l’Afghanistan en est le vestibule extérieur. Il en a été souvent question dans les pages qui précèdent et de même, dans celles qui suivent, en trouvera-t-on mention. La géographie a fait de ce pays un de ces redoutables carrefours où se préparent les agressions et dont la possession peut seule assurer la sécurité de ceux qui les avoisinent. Or l’Afghanistan n’est aisé ni à conquérir ni à conserver. D’une superficie qui dépasse celle de la France (550.000 km. carrés) il renferme environ quatre millions et demi d’habitants d’origine iranienne mais musulmans. C’est en 1839 qu’a eu lieu la première intervention anglaise. Les Anglais occupèrent Caboul, détrônèrent l’émir et en installèrent un autre. Ils en voulaient un à leur dévotion. On commençait en Angleterre à s’alarmer de ce que l’on considérait comme fatalement appelé à peser sur les destinées de l’Inde : le péril russe, la descente obligatoire de l’expansion russe vers la mer d’Oman à travers la Perse, l’Afghanistan et l’Hindoustan. Il y avait là une grande part de chimère mais la politique mondiale s’en trouva longtemps influencée et cette crainte ne fut pas étrangère à l’encouragement tacite donné en 1870 à l’Allemagne par le gouvernement britannique qui désirait voir ce pays devenir assez puissant pour pouvoir au besoin servir de contrepoids aux ambitions moscovites déchaînées.

En 1842 la garnison anglaise de Caboul ayant été massacrée, il s’en suivit une nouvelle expédition. La guerre recommença trente-six ans plus tard (1878-1881) : elle fut sérieuse. Dès lors le protectorat anglais fut plus ou moins accepté par les Afghans mais les Russes s’y résignaient mal. En 1885, ils s’emparèrent de Merv et l’on put croire le conflit près d’éclater entre la Russie et l’Angleterre. Finalement ce fut la paix qui vint. L’accord général de 1907 calqué sur celui qui trois ans plus tôt avait liquidé tous les litiges franco-anglais posa les bases d’une entente générale russo-anglaise en Perse, en Afghanistan, au Thibet. Tout cela était l’œuvre du grand ministre français Delcassé qui préparait par cette double action l’alliance anglo-franco-russe dont il voulait faire la pierre angulaire de la paix européenne. Il est difficile de dire si l’accord de 1907 eut suffi à immobiliser les passions impérialistes d’alors entre lesquelles il s’efforçait de tracer ainsi une frontière mitoyenne. Toujours est-il que, profitant des circonstances favorables, le nationalisme afghan s’est affirmé en 1919 avec une vigueur qui semble l’avoir libéré pour longtemps des menaces extérieures. Par le traité signé à Caboul en 1921, l’Angleterre a subi en ces lieux si longuement convoités par elle une défaite difficile à réparer. L’émir Amanullah n’est pas seulement devenu un souverain indépendant. Appuyé par des ententes avec les nationalistes de Téhéran et d’Angora, il parle haut et se pose en champion de l’islamisme.