Jean Chrysostome/Après qu’il eut été accueilli par le bienheureux Jean

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Première Homélie avant que saint Jean partit en exil.
Œuvres complètes de Saint Jean Chrysostome (éd. M. Jeannin, 1894)


DISCOURS DE SÉVÉRIEN SUR LA PAIX APRÈS QU’IL EÛT ÉTÉ ACCUEILLI PAR LE BIENHEUREUX JEAN, ÉVÊQUE DE CONSTANTINOPLE.[modifier]


A l’avènement du Seigneur notre Sauveur, quand il parut présent, en corps, sur la terre, les chœurs des anges du ciel évangélisaient les bergers, en leur disant : Nous vous apportons aujourd’hui une nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple. (Luc. 2,10) Nous voulons emprunter les paroles des saints anges eux-mêmes, nous vous annonçons aujourd’hui une grande joie. Aujourd’hui, l’Église est dans la paix, et les hérétiques sont livrés à la colère. Aujourd’hui, le vaisseau de l’Église est dans le port, et la fureur des hérétiques est ballottée par les flots. Aujourd’hui, les pasteurs de l’Église sont dans la sécurité, et les hérétiques sont dans le Trouble. Aujourd’hui, les brebis du Seigneur sont en sûreté et les loups, en proie à la rage. Aujourd’hui, la vigne du Seigneur est dans l’abondance, et les ouvriers de l’iniquité dans le besoin. Aujourd’hui, le peuple du Christ est exalté, et les ennemis de la vérité sont humiliés. Aujourd’hui, le Christ est dans la joie, et le démon est dans le deuil. Aujourd’hui, les anges sont dans l’allégresse, et les puissances de l’enfer dans la confusion. Et qu’est-il besoin de tant de paroles ? Aujourd’hui, le Christ, qui est le roi de paix, s’avançant avec sa paix, a mis en fuite tout dissentiment, en déroute les dissensions, chassé, exterminé la discorde. Et, comme la splendeur du soleil illumine le ciel, ainsi l’Église s’illumine des douces clartés de la paix. La paix ! ô combien désirable est ce nom ; quel stable fondement de la religion des Chrétiens ; quelle armure céleste pour la défense de l’autel du Seigneur ! Et quelles premières paroles pouvons-nous consacrer en l’honneur de la paix ? La paix, c’est le nom du Christ lui-même, comme dit l’Apôtre : Car le Christ est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un (Eph. 2,14) ; ce n’était pas la différence de la foi, mais la haine du démon qui les divisait. Mais, comme on voit, quand an roi s’avance, les places se nettoyer, la cité tout entière se couronner de fleurs, se parer de divers ornements, afin que tout soit digne des regards du roi ; de même, en ce jour où s’avance le Christ, le roi de paix, faisons disparaître tout ce qui afflige les yeux ; qu’à la lumière de la vérité, le mensonge prenne la fuite ; que la discorde disparaisse au loin, la concorde resplendit. Nous avons vu souvent, dans des tableaux représentant des rois ou des frères, le peintre figurer leur unanimité par une femme, que l’on aperçoit derrière eux ; c’est la concorde qui les tient tous les deux dans ses bras ; elle montre ainsi que ceux qui forment deux corps distincts, ne sont qu’un par l’accord des pensées et de la volonté : de même, en ce jour, la paix du Seigneur au milieu de nous, nous serrant tous les deux sur son cœur plein d’amour, montre à tous que ceux qu’elle réunit dans ses bras ne font, de deux corps, qu’une seule âme. En elle s’accomplit manifestement la parole du Prophète : Et il y aura entre eux une alliance de paix. (Zac. 6, 13)
Hier, notre père commun a fait entendre avec une bouche évangélique, les préliminaires de la paix ; aujourd’hui, c’est à notre tour de publier les paroles de la paix. Hier, nous tendant les mains, il nous a accueilli avec un langage pacifique ; à notre tour aujourd’hui, de dilater notre cœur, d’ouvrir les bras, de nous présenter au Seigneur, avec les offrandes de la paix. Maintenant, c’en est fait de toute guerre ; la beauté de la paix a prévalu. Maintenant, le démon est dans le deuil, et toute l’armée des enfers se lamente ; maintenant la joie est dans le ciel, et l’allégresse transporte les anges, ces amis naturels, ces plus chers amis de la paix. En effet, les vertus célestes elles-mêmes admirent ce bien dont elles possèdent la source éternelle, intarissable, de laquelle nous vient goutte à goutte, sur la terre, une divine rosée. Aussi, quoique nous ne goûtions que la paix de la terre, la splendeur de cette paix rejaillit jusqu’au ciel ; les anges du ciel l’exaltent et s’écrient : Gloire à Dieu, dans les hauteurs du ciel et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté ! (Luc. 2,14) Voyez comme tous, dans le ciel, sur la terre, s’envoient réciproquement les présents de la paix ! Les anges du ciel annoncent la paix à la terre ; les saints, sur la terre, s’accordent pour louer ensemble le Christ, qui est notre paix, le Christ assis au milieu des chœurs célestes ; et leurs voix œ joignent à ces chœurs mystiques, pour crier : Hosanna au plus haut des cieux ! (Mat. 21,9) Disons donc, nous aussi : Gloire à Dieu, au plus haut des cieux ! il a humilié le démon, il a exalté son Christ. Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! il met en fuite la discorde, et il établit la paix. Je vous parle ici des artifices du démon, vous n’en ignorez pas l’astuce. Satan a vu la fermeté de votre foi, les dogmes établis dans l’enceinte inébranlable de la piété, il a vu l’abondance des fruits, des bonnes œuvres et alors, à ce spectacle, sa rage s’est enflammée ; dans le délire brûlant de sa fureur, il a voulu déchirer l’amitié, arracher des cœurs la charité, rompre tous les liens de la paix, mais puisse la paix du Seigneur être toujours avec nous, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui, comme à Dieu le Père et au Saint-Esprit, appartient la gloire dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.