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Jean Chrysostome/Sur la réconciliation et la réception de Sévérien

La bibliothèque libre.
Deuxième Homélie sur la disgrâce d’Eutrope.
Œuvres complètes de Saint Jean Chrysostome (éd. M. Jeannin, 1864)


HOMÉLIE SUR LA RÉCONCILIATION ET LA RÉCEPTION DE SÉVÉRIEN

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S’il est nécessaire que le corps ne soit pas séparé de la tête, il faut de même quo l’église reste attachée à son évêque, que le peuple reste attaché à son prince : comme les branches tiennent aux racines, les fleuves à leurs sources, ainsi les fils doivent rester unis à leur père, les disciples à leur maître. Ce préambule que nous adressons à votre charité n’est pas inutile ; notre but c’est, vu la communication particulière que nous avons à vous faire, de prévenir toute espèce de trouble, toute interruption de notre entretien ; notre but, c’est de faire croître en vous l’obéissance des disciples et de vous mettre à même de manifester l’affection que vous portez à votre père. Faites-moi une parure, mes fils ; mettez sur mon front la couronne de votre obéissance ; faites que tous me jugent bienheureux et glorifiez mon enseignement par votre obéissance, selon les avis de l’Apôtre qui vous dit : Obéissez â vos conducteurs et soyez-leur soumis ; car ce sont eux qui veillent pour vous, comme devant rendre compte de vos âmes. (Heb. 13,17) Je vous donne donc ce conseil et je commence par là pour que personne ne se révolte confire l’avertissement commun que je viens vous adresser. En effet je suis père et il est nécessaire que mes conseils persuadent mes fils ; car ce que fait la nature de la chair dans les pères selon la chair, c’est la grâce de l’Esprit qui l’opère en nous. Je suis père, et ma crainte paternelle est si vive pour mes fils, que s’il faut verser mon sang pour vous je suis prêt. Et en cela je ne mérite pas de reconnaissance. Car c’est la loi des apôtres, c’est le précepte du Seigneur : Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. (Jn. 10,11) À votre tour, faites pour nous de même, car vous avez pour nous la même affection. Écoutez ce que dit Paul : Saluez de ma part Priscille et Aquila, qui ont travaillé avec moi en Jésus-Christ ; qui ont exposé leur tête pour me sauver la vie. (Rom. 16,3-4) En effet, s’il est beau que le pasteur s’immole pour ses brebis, en retour il est beau que les brebis ne se séparent pas de leur pasteur, même par la mort. Car tant qu’elles seront unies à lui sans jamais s’en séparer, elles ne craindront pas le loup, le démon. C’est que la charité est un mur plus solide que le diamant : Et le frère qui est aidé par son frère, est comme une ville forte et qui est bien assurée. (Pro. 18,19) Toutes ces paroles tendent à ce que vous écoutiez, avec une entière affection, ce que nous vous disons, et qu’aucun de vous ne commence à se troubler.
Nous parlons d’une chose qui mérite qu’on en parle dans l’église, digne d’être écoutée par vous sans répugnance. C’est pour la paix que nous vous adressons la parole. Eh ! quoi de plus convenable que le prêtre de Dieu persuadant au peuple la paix ? Pas de contradiction possible, du moment que le sujet de l’ambassade est conforme à la sainteté, et l’ambassadeur accepté. C’est pour la paix que nous vous adressons la parole, pour cette paix qui a fait descendre le Fils de Dieu sur la terre, lui qui est venu pacifier par son sang, non seulement ce qui est sur la terre, mais ce qui est dans le ciel, et unir la terre au ciel. C’est pour la paix que nous vous adressons la parole ; pour cette paix le Fils de Dieu a souffert ; pour cette paix il a été mis en croix, enseveli ; cette paix, il nous l’a laissée pour tout héritage, pour toute richesse ; c’est comme le mur qu’il a donné à l’Église ; c’est le bouclier dont il l’a couverte contre les assauts du démon ; c’est le glaive qu’il lui a mis dans la main contre l’enfer ; c’est le port d’une tranquillité parfaite où il a abrité les fidèles ; c’est la propitiation qui reconquiert la faveur de Dieu ; c’est l’absolution concédée à nos fautes ; au nom de cette paix, je suis l’ambassadeur envoyé auprès de vous. Ne me faites pas un affront ; ne faites pas que ma mission soit déshonorée ; avec moi dites oui, je vous en prie. Bien des choses, depuis longtemps, dans l’Église, des choses fâcheuses ont eu lieu ; je confesse mon Dieu, mais je ne loue pas les agitations ni les troubles, je n’embrasse pas les séditions. Tenez, il en est temps, laissons cela ; mettez un terme à tout cela ; concorde, paix, modérez-vous, plus d’emportements, plus de colère : c’est bien assez de ce que l’Église a été dans la douleur ; assez, finissons, plus de trouble : telle est la volonté de Dieu, et tel est l’agrément de notre très-pieux empereur. Car il faut bien assurément obéir aux chefs des États, surtout quand ils sont les premiers à obtempérer aux lois de l’Église. Car, dit l’Apôtre : Soyez soumis aux princes et aux puissances. (Tit. 3,1) A combien plus forte raison, à un prince religieux et qui souffre pour l’Église ? .
Donc si j’ai préparé vos esprits à recevoir mon ambassade, recevez notre frère l’évêque Sévérien. Je vous rends grâce de la faveur avec laquelle vous avez accueilli mes paroles. Vous m’avez donné les fruits de votre obéissance : c’est maintenant que je me réjouis d’avoir semé une bonne semence. Voici, en effet, que je vais récolter tout de suite les gerbes du froment. Que le Seigneur vous accorde la récompense de votre bonté, le salaire de votre obéissance : car c’est bien maintenant que vous avez offert à Dieu la vraie victime de paix, puisque personne parmi vous ne s’est troublé en entendant ce nom, mais que votre charité l’accueille ; dès que nous vous avons parlé, vous avez chassé de votre âme tout sentiment de colère. Recevez-le donc de tout cœur, à bras ouverts. S’il a été fait quelque chose de fâcheux, oubliez ; parce que, du moment que le temps de la paix est venu, il ne faut plus se souvenir d’aucun motif de discorde, afin qu’il y ait joie au ciel, joie sur la terre, allégresse et doux transport d’esprit dans l’Église de Dieu. Et maintenant prions, pour que Dieu daigne garder son Église dans la paix, lui accorder une paix assurée et durable, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui appartient la gloire, ainsi qu’à Dieu le Père, en même temps qu’au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.