L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789/II/II

La bibliothèque libre.

CHAPITRE II

RELIGION DES ESCLAVES


« Il ne suffit pas de baptiser un peuple, pour faire chrétien. » (Wallon, Hist. de l’esclavage dans l’antiquité, I, Introd., p. lxviii)


I. — Le prosélytisme religieux invoqué pour justifier l’esclavage. — De l’influence que pouvait exercer la religion chrétienne sur les esclaves. — Fétichisme des nègres. — Quelques-uns ont une vague connaissance de l’Islamisme.
II. — Les religieux entreprennent dès le début leur conversion. — Ils sollicitent l’intervention des pouvoirs locaux. — Diverses mesures prises avant le Code Noir. — Les maîtres juifs et protestants.
III. — Prescriptions relatives au baptême et à l’instruction religieuse. — Repos des jours fériés. — Libre exercice du culte. — Règlement adressé aux curés des îles. — Préoccupations officielles qu’inspire constamment le salut des noirs.
IV. — Qu’arrive-t-il dans la pratique ? — Offices troublés par les nègres. — Processions. — Fêtes. — Difficultés de l’enseignement évangélique. — Superstitions des nègres. — Leurs réunions illicites dans les églises. — Les Jésuites accusés de les corrompre — Les magistrats ne veulent pas laisser les religieux empiéter sur la justice séculière à propos des pénitences publiques.
V. — Inconvénients que voit le pouvoir civil dans l’enseignement donné aux nègres. — La sûreté des blancs dépend de leur ignorance. — La religion n’a pas favorisé l’émancipation des esclaves.


I

Il n’est pas surprenant de voir le Code Noir, débuter par des prescriptions relatives à la religion. Le préambule de l’Édit de mars 1685 porte, en effet, qu’il est rendu d’abord pour régler la discipline de l’Église catholique, puis la situation des esclaves aux îles. Ceci s’explique naturellement par l’influence prédominante du catholicisme au xviie siècle, et, en particulier, à ce moment où allait être promulguée la Révocation de l’Édit de Nantes. Les intérêts religieux sont plus que jamais au premier rang parmi les préoccupations de Sa Majesté très chrétienne.

Il importe, d’ailleurs, de signaler, dès le début de la renaissance de l’esclavage dans les temps modernes, l’idée de prosélytisme religieux dont s’inspirèrent les divers souverains. Montesquieu a remarqué combien elle encouragea les conquérants de l’Amérique dans leurs crimes : « C’est sur cette idée qu’ils fondèrent le droit de rendre tant de peuples esclaves ; car ces brigands, qui voulaient absolument être brigands et chrétiens, étaient très dévots[1]. » Par exemple, l’infant don Henri de Portugal, lorsqu’il envoie ses premières expéditions sur les côtes occidentales d’Afrique, recommande aux navigateurs de prendre des sauvages pour les amener à la connaissance du Christ[2]. Puis, lorsque les premiers sont exposés sur le marché de Lagos, « il considère avec un indicible plaisir, nous rapporte le chroniqueur Azurara[3], le salut de ces âmes qui, sans lui, eussent été à jamais perdues ». C’est ce même plaisir que devait éprouver Torquemada en condamnant ses victimes au salut éternel.

Les Espagnols eurent d’abord pour principe de n’introduire aux colonies que des noirs esclaves, chrétiens depuis leur naissance même. Dès 1506, il est ordonné aux maîtres de veiller à ce qu’ils assistent à la messe les dimanches et jours de fêtes[4].

Enfin, comme le dit encore Montesquieu[5] : « Louis XIII se fit une peine extrême de la loi qui rendait esclaves les nègres de nos colonies ; mais, quand on lui eut bien mis dans l’esprit que c’était le moyen le plus sûr de les convertir, il y consentit. » Il est inutile d’insister sur cette conception de la fraternité chrétienne. Ce fut « après une décision formelle demandée à la Sorbonne par Richelieu » qu’il permit, comme on l’a dit, « le déplacement du théâtre de la servitude africaine, déplacement que ses croyances, sa politique et les intérêts de la France exigeaient alors également[6] ».

Nous reconnaîtrons volontiers que la religion chrétienne, prêchée dans d’autres conditions aux noirs africains, eût été le meilleur moyen de les gagner à une civilisation supérieure. Même dans leur misérable situation, et avec les réserves qu’on était bien forcé de faire dans l’explication qu’on leur donnait du dogme et de l’esprit évangélique, elle leur apportait quelques éléments de moralité, et, pour ceux dans le cœur desquels put pénétrer la foi, du moins à l’état rudimentaire, elle dut constituer la plus efficace des consolations. Malheureusement, nous sommes bien forcés de le constater, si les religieux, tout en possédant eux-mêmes des nègres, firent preuve, pour ceux-là en particulier et pour tous en général, de douceur et de bonté[7], la plupart des maîtres catholiques ne s’abstinrent pas de cruautés, qu’ils commettaient eux-mêmes ou laissaient commettre à leur égard ; et, quant aux notions morales qui leur étaient inculquées avec peine, les maîtres furent, dans la plupart des cas, les premiers à les détruire en eux. Sûrement, avec une population libre, le libertinage n’eût jamais atteint le degré où il fut poussé. Mais la famille chrétienne pouvait-elle réellement exister pour le nègre ? Fût-il autorisé à se marier, quel moyen avait-il de protéger sa femme et ses enfants ? Nous savons assurément qu’attribuer aux noirs esclaves nos idées sur la chasteté et sur l’honneur serait une grande erreur. Gardons-nous pourtant de les considérer comme incapables de ce sentiment de jalousie qu’on a remarqué jusque chez certains animaux. C’est le cas de leur appliquer le mot de Sénèque : Servi sunt ? Imo homines[8].

La plupart des esclaves importés aux Antilles étaient exclusivement fétichistes. C’est le caractère dominant chez la race nègre. « Les noirs sont fétichistes, c’est-à-dire qu’à leurs yeux tout est dieu, tout est animé d’une vie et d’une volonté, tout peut exercer une action sur l’univers. Chaque nation a cependant des êtres qui sont plus spécialement l’objet de son adoration ; là, c’est un animal, un léopard, un crocodile, un serpent ; ici, c’est un arbre, une pierre, un rocher ; ailleurs, c’est un lac, une rivière, la mer, la lune, la voûte céleste. La nature déjà si vivante de l’Afrique est, dans la croyance des nègres, douée d’une vitalité encore plus puissante ; et au monde des esprits des choses vient encore s’ajouter la foule innombrable des esprits des morts. — Le culte et la terreur des mânes règnent en maitres sur les noirs africains. Mais ces mânes, redoutables aux vivants, peuvent et doivent être apaisées et gagnées par des sacrifices. Elles ont, d’ailleurs, conservé les goûts et les besoins de ce monde, et la vie future semble calquée pour les nègres sur la vie terrestre. Les morts boivent, mangent, jouissent comme les vivants ; aussi leur offre-t-on de la nourriture, des liqueurs, des armes et des meubles, et, comme il leur faut des serviteurs et des femmes dans l’autre monde, s’ils ont été chefs et rois dans celui-ci, on égorge une foule de malheureux, dont les mânes sont chargées d’accompagner l’âme du défunt. Telle est l’origine de ces massacres effroyables qui ont lieu en Guinée, au Dahomey ou chez les Achantis, et qui sont connus sous le nom de « Grandes Coutumes[9] ». Toutes ces superstitions, les nègres les conservèrent aux Antilles, et elles ne furent pas sans influer sur leur conduite, comme nous le verrons par la suite.

Quelques-uns seulement avaient reçu comme une teinte légère d’Islamisme. Les Foules avaient subi les premiers, dès le moyen âge, l’influence des Arabes ; puis, s’étant croisés avec les Yolofs, ils avaient donné naissance aux Tekrouri ou convertis, mot que les noirs prononcent Tokolor, et dont nous avons fait Toucouleur[10]. Mais, comme on peut le penser, ils n’avaient pas tardé à altérer les dogmes qui leur étaient transmis. Au xviiie siècle, un de nos administrateurs[11] constate que leurs croyances musulmanes sont mêlées des plus étranges superstitions. Les Yolofs, en particulier, croyaient qu’une sorte de personnage mythologique, « Abouderdail, a donné naissance à leurs premiers chefs… Il vient de l’Orient comme un envoyé de Mahomet pour leur faire connaître le dogme et la sublimité de l’Alcoran ». Dans cette légende, nous retrouvons seulement la trace de la marche de l’Islamisme venu de l’Est. Du reste, si ces noirs avaient été réellement musulmans, on sait que leur religion aurait défendu à leurs coreligionnaires de les vendre comme esclaves.

Ils étaient donc restés, en somme, de véritables païens, et par là ils étaient plus faciles à convertir. Nous avons noté déjà le rôle important joué par les religieux des différents ordres dans les premiers temps de la colonisation. C’est ainsi qu’ils ne manquèrent pas de s’attacher immédiatement à leur œuvre spirituelle. Leurs efforts furent plus heureux auprès des nègres qu’auprès des sauvages. Du Tertre[12] rapporte, en effet, que tous les missionnaires n’ont peut-être pas gagné à Dieu 20 sauvages depuis trente-cinq ans, tandis qu’ils ont converti plus de 15.000 esclaves. La constatation qu’il a faite du manque absolu de toute religion chez certains d’entre eux lui inspire cette réflexion : « En quoi nous pouvons dire que leur servitude est le principe de leur bonheur et que leur disgrâce est cause de leur salut. » Il affirme, en même temps, qu’ils « vivent plus chrétiennement dans leur condition que beaucoup de Français[13] ». Il écrit qu’à Saint-Eustache et à Antigoa, d’après ce qu’on lui a dit, « les Hollandais et les Anglais tenaient pour maxime, dans leur réformation prétendue, de n’avoir point d’esclaves chrétiens ; croyant faire injure au sang et à la loi de Jésus-Christ de tenir en servitude ceux que sa grâce affranchit de la captivité ». En conséquence, ils ne baptisaient les nègres qu’à l’article de la mort, parce que, s’ils réchappaient de leurs maladies, une fois baptisés, ils étaient libres[14]. Soit dit en passant, pour être plus conséquents avec ces bons principes, il est évident que les Hollandais et les Anglais auraient dû commencer par ne pas maintenir les nègres en esclavage.



II

Il paraît certain que les religieux durent agir auprès des pouvoirs locaux pour solliciter leur intervention, car eux-mêmes risquaient de n’être pas suffisamment écoutés de cette population de maîtres, dont beaucoup assurément ne se distinguaient pas par leurs sentiments de piété. Aussi voyons-nous que certaines mesures furent prises même avant le Code Noir à ce sujet. Nous relevons la première dans un Acte d’assemblée de la Compagnie des Îles, du 1er septembre 1638[15]. Il y est prescrit « qu’il ne soit souffert que ceux de la R. P. R., qui peuvent être dans les îles, aient à leur service aucuns nègres ou sauvages, et, s’ils en ont acheté quelques-uns, les catholiques qui les voudront avoir les pourront retirer d’avec eux en leur rendant ce qu’ils auront donné pour avoir lesdits nègres ou sauvages, à la charge que les catholiques qui les retireront les feront instruire soigneusement en la religion catholique, l’intention principale de Sa Majesté en l’établissement de cette colonie ayant été pour l’instruction des sauvages. » Puis, un arrêt du Conseil de la Martinique, du 7 octobre 1652[16], défend absolument d’exiger aucun travail des esclaves les jours de dimanches et de fêtes. Un règlement de M. de Tracy, du 19 juin 1664[17], touchant les blasphémateurs et la police des îles, contient diverses prescriptions relatives à la religion. L’article 3 défend à tous les maîtres des cases, quelque religion qu’ils professent, d’empêcher les engagés et les nègres d’aller à la messe les dimanches et fêtes ; il leur ordonne, au contraire, de les envoyer au service divin et au catéchisme, sous peine d’une amende de 120 livres de petun. Par l’article 6, il leur est enjoint de pourvoir au baptême des nègres qui descendront des vaisseaux, à leurs mariages ensuite et au baptême des enfants qui en proviendront, sous peine d’une amende de 150 livres de petun, qui est doublée en cas de récidive ; s’ils persistent à ne pas observer ces prescriptions, leurs esclaves seront vendus, — à leur profit, il est vrai, — pour être mis en des mains plus chrétiennes. Une ordonnance de M. de Baas, du 1er août 1669[18] nous montre que, lorsqu’il n’y a pas de commandeurs catholiques sur une habitation, on ne s’occupe nullement des esclaves au point de vue de la religion, que les maîtres juifs leur font observer le samedi et que, le dimanche, ils leur font tenir le marché, ce qui, dorénavant, leur est interdit. Un officier ayant donné un juif pour commandeur à ses nègres, et l’ayant gardé nonobstant les ordres de la justice et les remontrances des religieux, est cassé de ses fonctions, le 20 octobre 1670[19] ; il faut dire que ce n’est pas pour ce seul motif et que même on lui reprochait surtout ses mauvais traitements à l’égard de sa femme, sa belle-fille et ses esclaves.

Au sujet des juifs, on paraît avoir été assez embarrassé. Ainsi, le 4 février 1658, un arrêt en règlement du Conseil de la Martinique leur interdit tout commerce dans l’île ; mais, dès le 2 septembre suivant, il est rapporté[20]. Le roi écrit, le 23 mai 1671, à M. de Baas[21], pour lui prescrire de leur laisser une entière liberté et de les faire jouir des mêmes privilèges que les autres habitants, parce qu’ils ont fait « des dépenses assez considérables pour la culture des terres ». Aussi font-ils promptement des progrès. Le comte de Blenac s’en inquiète[22], et les Jésuites fournissent un Mémoire, où ils condensent tous leurs griefs contre eux et contre les huguenots[23] : « Ils ont dans leurs maisons un grand nombre d’esclaves qu’ils instruisent dans le judaïsme, ou du moins qu’ils divertissent du christianisme, les empêchent de se trouver aux instructions et détruisent par un rit (sic) de religion contraire à la nôtre et par les discours qu’ils leur font en particulier tous les sentiments que les missionnaires leur peuvent inspirer de la foi ; bien plus, du nombre des esclaves, il y en a plusieurs qui viennent de certaines contrées, qui, à cause du voisinage des mahométans, ont tous reçu la circoncision qui, étant la porte du judaïsme, il est très aisé (sic) aux juifs de persuader à leurs esclaves les autres dogmes de la loi. » Le roi envoie alors aux administrateurs[24] un ordre pour les chasser des îles. Et il leur écrit en même temps : « À l’égard des prétendus réformés, ils ne doivent pas souffrir qu’ils fassent aucun exercice de leur religion. » Un arrêt du Conseil de la Martinique, du 4 septembre 1684, condamne « la demoiselle L’Hermite à avoir un commandeur catholique, à peine de 3.000 livres de sucre d’amende pour chacun mois qu’elle y manquera et même de plus grande peine en cas d’une opiniâtre désobéissance[25] ».

Après la tolérance du début, inspirée probablement par Colbert, ce sont les idées d’exclusion qui prévalent. C’est ce qui explique que le Code Noir débute par l’expulsion des juifs des Antilles ; c’est une confirmation solennelle de l’ordre de 1683, qui n’avait sans doute pas été régulièrement exécuté. L’édit du 23 avril 1615, qui est rappelé par l’article 1, porte que les Juifs sont expulsés du royaume dans le délai d’un mois « sur peine de la vie et de confiscation de tous leurs biens[26] ». Le Code Noir marque donc, malgré tout, une atténuation. Il y a lieu de croire, d’ailleurs, que la prescription de l’article 1er ne fut pas suivie à la lettre, car, dans la suite, nous retrouverons des juifs aux îles. Il est certain qu’ils avaient rendu de grands services. Ainsi c’est un juif du Brésil, Benjamin Dacosta, qui, vers 1644, aurait introduit[27] la canne de Batavia aux Antilles et qui fit connaître à la Martinique les premiers engins de distillation. En réalité, l’intérêt commercial rendit les religieux eux-mêmes plus accommodants dans la pratique. Voici, par exemple, un passage caractéristique du P. Labat à ce propos : « J’avais arrêté un raffineur, en 1704, nommé Corneille de Jérusalem, d’Hambourg et luthérien, pour l’amener à la Guadeloupe. Alors le religieux nommé supérieur à la Guadeloupe m’écrivit qu’il aurait de la peine à se servir de cet hérétique. Je répondis aussitôt qu’il n’avait qu’à me l’envoyer, parce qu’il m’était indifférent que le sucre qu’il ferait fût luthérien ou catholique, pourvu qu’il fût bien blanc[28]. » Il n’est pas question, dans l’article 1er du Code Noir, des esclaves convertis au judaïsme ; mais il est probable que les maîtres expulsés furent contraints de les vendre, ce qui était une excellente occasion de les ramener à la foi chrétienne et de maintenir le développement des colonies.

Les protestants sont officiellement tolérés, conformément aux instructions du roi citées plus haut. Nombre de calvinistes furent même admis aux Antilles, principalement à Saint-Christophe, après la Révocation de l’Édit de Nantes. Mais l’article 3 du Code Noir les atteignait en interdisant tout exercice public d’autre religion que la C, A. et R., et il considérait comme rebelles les maîtres qui permettaient « à l’égard de leurs esclaves » des assemblées ayant pour but de pratiquer un culte illicite. Une lettre du Ministre à de Blenac, du 14 septembre 1686[29], recommande d’essayer de les convertir par la douceur ; si le moyen ne réussit pas, il y a lieu de « se servir de soldats pour mettre garnison chez eux ou les faire mettre en prison, en joignant à cette rigueur le soin nécessaire pour leur instruction ». Mais, bien loin de les expulser, il faut empêcher par tous les moyens qu’ils n’émigrent dans les îles étrangères. Cependant on voit par une lettre du Ministre, de 1687[30] que beaucoup s’en vont. Rien n’indique ce qu’ils font de leurs esclaves. Malgré tout, les lois ne furent jamais suivies d’effet complet. Ainsi, à la date du 7 mars 1777, nous lisons encore dans un Mémoire du roi aux sieurs Bouillé et De Tascher, administrateurs de la Martinique : « Les lois du Royaume à l’égard des juifs et des protestants ne sont pas rigoureusement observées dans les colonies. Sa Majesté veut bien permettre que ceux qui sont établis à la Martinique et à Sainte-Lucie ne soient point inquiétés pour leur croyance, pourvu toutefois qu’ils s’abstiennent de tout exercice public de la religion qu’ils professent[31]. »



III

Le baptême est déclaré obligatoire par l’article 2 du Code Noir pour tous les esclaves. Mais il faut que les nègres soient d’abord instruits des principes fondamentaux de la religion. Or, dans la pratique, c’est presque impossible. Nous avons vu que déjà MM. de Tracy et de Baas avaient pris des mesures en ce sens : mais elles avaient été inefficaces. Les maîtres se souciaient peu de les faire instruire, d’abord parce qu’ils estimaient que cela leur faisait perdre du temps ; ils s’opposaient aussi à ce que les religieux eussent libre accès sur leurs habitations, parce qu’ils étaient ainsi trop à même de constater les mauvaises mœurs ou les excès commis à l’égard des nègres. Une ordonnance du gouverneur de la Guadeloupe, du 14 septembre 1672[32], leur enjoint, en conséquence, de laisser les Jésuites et autres religieux instruire les nègres aux champs les jours de semaine. Tous les nègres nouveaux désiraient en général avec ardeur le baptême, parce que, tant qu’ils ne l’avaient pas reçu, ils étaient un objet de mépris dans les ateliers de la part des autres devenus déjà catholiques[33]. Les Capucins étaient très accommodants pour le leur conférer ; les Jésuites également ; mais les Jacobins, par exemple, tenaient à s’assurer qu’ils n’étaient pas entièrement ignorants[34]. Il arrivait souvent quand même que le baptême était une cérémonie purement illusoire. Certains esclaves ne se faisaient pas faute d’en obtenir le renouvellement quand ils pouvaient, car ils en faisaient uniquement « des occasions de festins et de présents, parce qu’on n’en exige pas les billets des maîtres, qui devraient exiger de leurs esclaves le rapport des billets endossés du certificat des desservants[35]. »

La garantie stipulée par l’article 4 au sujet des commandeurs, qui ne pouvaient être que catholiques, devait être forcément d’influence nulle sur la conversion des esclaves. Le commandeur, en effet, qu’il fût blanc ou noir, n’avait qu’une mission : assurer la discipline ; terrible garde-chiourme, il ne se servait guère que d’un moyen, le fouet. Il fallait songer seulement à l’empêcher d’abuser des négresses. Mais, quant à s’occuper de la moralité de son troupeau, il était lui-même trop peu au-dessus de lui pour qu’on eût rien à en espérer.

Le moyen le plus efficace pour arriver à instruire les nègres dans la mesure du possible semblait devoir être dans l’observation du repos ordonnée même pour les esclaves[36] pendant les dimanches et jours de fêtes (art. 6 du Code Noir), avec l’obligation de ne pas les troubler dans le libre exercice de la religion catholique (art. 5) et la défense de tenir le marché aux jours fériés (art. 7). Cette dernière prescription ne tarda pas, du reste, à être rapportée par un arrêt du Conseil d’État du 13 octobre 1686[37], à la suite des très humbles remontrances adressées à Sa Majesté à ce propos (ainsi que sur l’article 30), le 1er octobre 1685, par le Conseil souverain de la Martinique[38]. Le Conseil fit, en effet, remarquer que, si les esclaves ne venaient pas au marché, ils manqueraient pour la plupart d’entendre la messe et le catéchisme, et deviendraient libertins, tandis que, les marchés ne durant que trois heures, ils avaient tout le temps de remplir leurs devoirs spirituels ; au surplus, les maîtres ne pouvaient guère les y envoyer les jours ouvriers. Mais il était plus facile d’édicter que les esclaves assisteraient aux offices et aux instructions religieuses que de l’assurer dans la pratique. Dans les paroisses assez considérables, il y avait un curé des nègres[39] ; mais il ne pouvait guère catéchiser que les esclaves des villes. Il n’y en avait que très peu parmi ceux des habitations qui eussent les moyens de venir régulièrement à l’église[40]. Qu’on songe, en effet, à la difficulté de conduire et de réunir dans un même endroit des centaines d’esclaves, fussent-ils même sous la surveillance des commandeurs. C’eût été s’exposer à des révoltes. Frappés de ces inconvénients, quelques maîtres eurent l’idée d’établir, en 1715, des chapelles spéciales sur leurs habitations. Mais les prêtres ordinaires trouvèrent qu’il y avait abus, leurs paroisses n’étant plus fréquentées. Aussi un ordre du roi, du 25 août 1716[41], les supprima, et, dans la suite, on ne songea nullement à y suppléer pour les esclaves.

Si l’on s’en rapportait uniquement aux prescriptions qu’on lit dans les documents, on risquerait fort de se tromper en croyant que les nègres devenaient pour la plupart bons chrétiens. Voici, par exemple, un Règlement[42], très bien conçu assurément, et qui fut adressé aux curés des îles. Le préambule a soin de rappeler que le seul avantage que les esclaves puissent retirer de leur état est le salut de leur âme ; aussi est-ce pour cette raison que nos rois en ont autorisé la traite. Jésus-Christ n’est pas moins le sauveur de l’esclave que du libre. Le premier titre traite ensuite de l’instruction : Il faut enseigner le catéchisme aux nègres par des procédés en rapport avec l’état de leur esprit, d’une manière concrète, en usant de comparaisons, d’images, etc. Il est bon de s’intéresser à eux, pour leur enseigner à obéir et à bien vivre. « Chacun ne peut se sanctifier qu’en remplissant les devoirs de son état dans la condition et la situation où la Providence l’a placé. » Il est question, en second lieu, des moyens d’instruction. On divisera les nègres en trois classes, comprenant ceux qui sont : 1° baptisés, instruits et mariés ; — 2° baptisés et célibataires ; — 3° les catéchumènes. Les meilleurs de la première classe seront choisis pour surveiller les autres à l’église ; ils seront habillés d’une soutane et d’un surplis, car il s’agit d’exciter leur émulation, de frapper et flatter leur imagination. Enfin vient la discipline : La religion sera le meilleur moyen d’empêcher tout marronage, empoisonnement, avortement. Les coupables qui seront dénoncés par leurs maîtres seront placés sur le seuil du portail de l’église, à genoux, et astreints à une pénitence publique ; ils recevront l’absolution le jour de Pâques, s’ils en ont été jugés dignes.

On trouve, d’ailleurs, à peu près constamment la trace des préoccupations officielles qu’inspirait le salut des noirs. Par exemple, un arrêt du Conseil de la Martinique[43], du 12 mars 1718, ajourne l’exécution d’un nègre condamné à mort, à cause de l’ivresse du patient, « pour empêcher la perte du salut de l’âme dudit ». Dans un arrêt en règlement du Conseil du Cap, des 12 septembre 1740 et 6 mai 1741[44], nous relevons les prescriptions suivantes : Article premier : Les esclaves prisonniers seront tenus d’assister tous les jours à la prière du matin et du soir, à peine de trois jours de cachot. — Art. 8. Il est enjoint aux anciens prisonniers et autres de dénoncer ceux de la chambre ou cachot qui auraient juré le S. nom de Dieu. — Dans le Mémoire du 7 mars 1777, que nous avons cité plus haut[45], il est dit : « La Religion, par la sainteté de son principe, comme par l’excellence de sa fin, doit fixer les premiers regards de l’Administration… C’est surtout par le frein qu’elle impose que peuvent être maintenus des esclaves, trop malheureux par l’esclavage même, et également insensibles à l’honneur, à la honte et aux châtiments. » Ici, on le voit, l’utilité pratique de la religion est nettement indiquée. En général, cette idée est plutôt sous-entendue. Mais, jusqu’aux dernières années de l’ancien régime, le gouvernement donne des ordres en ce sens. Une ordonnance du roi sur les missions ecclésiastiques, du 24 novembre 1781[46], contient l’article suivant : (X) « Le préfet apostolique veillera particulièrement à ce que les esclaves dans chaque paroisse reçoivent de leurs curés les instructions nécessaires et les sacrements de l’Église, et, dans le cas où il aurait connaissance de négligence ou empêchement de la part des maîtres, il en donnera avis aux gouverneur, lieutenant général et intendant, afin qu’il y soit par eux pourvu. »



IV

Telle est la théorie ; mettons en regard ce qui se passait dans la pratique.

Naturellement l’instinct l’emportait le plus souvent chez les esclaves et, dès qu’on leur laissait un peu de liberté, ils essayaient d’en profiter pour se procurer quelques jouissances matérielles à leur portée. Ils buvaient surtout, aussitôt qu’ils en avaient les moyens, et éprouvaient le besoin de se livrer à leur nature exubérante, si durement contenue d’ordinaire, de danser, de crier et de faire du tapage. C’est ainsi qu’ils préféraient les cabarets à l’église ; aussi dut-on les faire fermer pendant les offices. Un arrêt du Conseil de la Martinique, du 5 septembre 1689[47], condamne un cabaretier à 300 livres de sucre d’amende pour avoir vendu de l’eau-de-vie à des nègres et négresses un dimanche, pendant le service divin. Un règlement du gouverneur de la Guyane, du 1er janvier 1696[48], qui ordonne de faire baptiser les esclaves et de leur administrer les sacrements, défend, en outre, aux cabaretiers de leur vendre ni vin ni eau-de-vie les jours de fêtes et de leur donner à manger de la viande les jours maigres. Par parenthèse, cette dernière précaution paraît à peu près superflue, vu qu’ils n’étaient pour ainsi dire jamais libres ces jours-là. Une ordonnance d’un gouverneur, du 1er août 1704[49], défend les assemblées et danses des nègres esclaves les dimanches et fêtes, pendant le service divin ; elle interdit aussi qu’ils battent du tambour pendant les offices religieux ou après le coucher du soleil et pendant la nuit ; c’était une de leurs distractions favorites.

Les processions, auxquelles on avait voulu les associer, n’étaient guère pour eux qu’une occasion de parade, de divertissement et de désordre. Une lettre de De Bompard, gouverneur de la Martinique, du 20 juillet 1753[50], nous fournit de curieux détails à ce sujet. S’étant rendu à Saint-Pierre pour voir une procession des nègres à l’occasion de la Fête-Dieu, il a trouvé que rien n’était plus indécent. Il y avait deux curés des nègres, un jacobin et un jésuite. Comme la procession avait lieu après celle des blancs, ils avaient voulu rivaliser avec eux d’apparat. Un grand nombre de nègres y figuraient avec des armes (il est vrai qu’elles étaient de bois), et leur discipline lui a paru remarquable. « Plusieurs autres vêtus d’habits très riches représentaient le roi, la reine, toute la famille royale, jusqu’aux grands officiers de la couronne. On m’a même assuré que, dans une des paroisses de l’île, le curé introduisit l’année dernière dans le sanctuaire le singe et la guenon qui contrefaisaient le roi et la reine ; ils furent placés l’un et l’autre dans des fauteuils… » Le gouverneur a frémi en pensant qu’il y avait en ce moment dans l’île « 15 ou 18.000 nègres tous choisis, ameutés et exercés, et auxquels il ne manquait qu’un chef ». Mais il saisit l’occasion d’une dispute pour défendre à l’avenir les processions. Aussi le Ministre écrit, le 27 novembre suivant, au P. de Sacy[51] : Le roi approuve la défense faite par le gouverneur ; les processions des nègres lui ont semblé, en effet, indécentes pour la religion et mauvaises pour la discipline. — Toutefois, sur les réclamations des religieux, on se décida à les autoriser de nouveau, mais on interdit aux esclaves de se parer pour l’occasion. Une ordonnance des administrateurs de la Martinique, du 30 mai 1776[52], porte en effet que « les esclaves de l’un et de l’autre sexe ne pourront assister aux processions qu’avec leurs habits ordinaires et conformes à leur état, à peine du fouet et du carcan, et, contre les maîtres qui les autoriseront, de 50 livres d’amende ».

Les maîtres craignaient toujours, naturellement, les révoltes. De plus, ils voyaient les fêtes de mauvais œil, parce qu’elles les privaient du travail de leurs esclaves. À plusieurs reprises, il fut question de les diminuer. Ainsi l’intendant Blondel de Jouvancourt nous fait connaître[53] que le Conseil de la Martinique a proposé de retrancher les fêtes pour les esclaves seulement, « en obligeant les habitants de payer à la fabrique de leur paroisse pour chaque fête retranchée 5 sols par tête de nègre et 2 sols à chaque nègre pour le dédommager de son travail. » Cette proposition, dit-il, ne peut qu’être approuvée des habitants, « puisqu’ils profiteraient par là de quarante jours de travail pendant l’année ». Quelque temps après, MM. de Champigny et d’Orgeville écrivent au Ministre[54] que les préfets apostoliques leur ont communiqué un rescrit de Rome relatif à la suppression de quelques fêtes. Tout le monde convient, d’après eux, que « les fêtes, bien loin d’exciter la piété des nègres, les entretiennent dans le libertinage ». Mais les maîtres se plaignant de ne pas pouvoir nourrir leurs nègres, dont ils ont un moins grand besoin alors par suite de la ruine des cacaos, aiment mieux provisoirement leur laisser la liberté des jours de fêtes, qui leur permet de pourvoir à leur subsistance en se livrant à des travaux de jardinage. Il ne paraît pas, en effet, qu’on ait rien fait en ce sens, car nous voyons les plaintes se reproduire. Le 15 mars 1760, le Ministre écrit à MM. Le Vassor et La Rivière[55] à propos de cette multiplicité des fêtes qui produit trop de dissipation parmi les esclaves, car ils profitent de ces moments pour tramer leurs complots. Il rappelle les dangers que courut la Martinique, en 1748, « quand les esclaves, la plupart marrons, ayant formé le projet de se rendre, pendant la messe de la nuit de Noël, maîtres des différents bourgs de la Martinique, s’emparer des armes des habitants et faire main basse sur tous ceux qui seraient dans les églises, on n’évita la ruine totale de cette île que parce qu’un habitant entendit par hasard des nègres qui s’entretenaient de ce projet ». Sa Majesté a écrit « à M. l’Évêque, duc de Laon », son ambassadeur à Rome, pour savoir s’il ne serait pas possible d’obtenir la diminution des fêtes. Mais il n’est plus question, les années suivantes, de la solution donnée à ce projet. Ce n’est que le 16 février 1787 que nous trouvons une circulaire aux administrateurs de Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie, Tabago, Cayenne et le Sénégal, indiquant que le roi a obtenu divers décrets de la Cour de Rome pour réduire à 10 le nombre des fêtes[56].

Nous venons de voir qu’il était difficile de contenir les esclaves, dès qu’ils étaient réunis à ces occasions. Parfois même ils étaient excités par les blancs, ainsi qu’il résulte d’une ordonnance des administrateurs de la Guadeloupe, du 9 septembre 1772[57]. Article premier : « Les tumultes et les huées indécentes des blancs et surtout des nègres, lors de la célébration des mariages, forcent les curés à ne plus administrer ce sacrement que pendant la nuit, à des heures indues, contre les règles de l’Église et les ordonnances de nos rois, notamment celle de 1650. » Les nègres qui feront du bruit à l’église seront condamnés à trois heures de carcan. — Art. 2 : « Défendons pareillement pour les mêmes raisons les attroupements de nègres autour des églises, dans les jours de grande solennité et particulièrement pendant celles de la semaine sainte, et ce à cause des bruits indécents qui en résultent autour et souvent dans l’intérieur de l’église, à peine d’être punis suivant l’exigence des cas, ce que nous confions à la prudence des juges respectifs. »

Ou comprend qu’il était assez difficile de faire pénétrer dans ces esprits grossiers la pure doctrine du christianisme. N’oublions pas d’abord qu’ils n’arrivaient à saisir par l’usage que quelques mots de la langue usuelle, et qu’ils prononçaient encore en les dénaturant de singulière façon. Par conséquent, les religieux étaient obligés de se mettre à leur portée par tous les moyens possibles, et surtout de matérialiser l’expression de leurs idées[58]. Bien entendu, le cercle de leurs développements était très restreint. Les nègres ne manquaient pas non plus de modifier au gré de leur imagination les notions qu’on essayait de leur inculquer. D’après ce que rapporte Moreau de Saint-Méry, « selon eux, Dieu fit l’homme et le fit blanc ; le diable, qui l’épiait, fit un être tout pareil ; mais le diable le trouva noir lorsqu’il fut achevé, par un châtiment de Dieu, qui ne voulait pas que son ouvrage fût confondu avec celui de l’esprit malin. Celui-ci fut tellement irrité de cette différence qu’il donna un soufflet à la copie, et la fit tomber sur la face, ce qui lui aplatit le nez et lui fit gonfler les lèvres. D’autres nègres moins modestes disent que le premier homme sortit noir des mains du Créateur et que le blanc n’est qu’un nègre dont la couleur est dégénérée[59]. » G. de Cassagnac cite en effet leur dicton : « Le blanc, c’est l’enfant de Dieu ; le noir, c’est l’enfant du diable, le mulâtre n’a pas de père[60]. »

Ce qu’on tâchait évidemment de leur mettre dans l’esprit, c’est qu’il leur fallait supporter leur condition, que Dieu le voulait ainsi, que c’était pour eux un moyen de gagner le ciel. Certains d’entre eux devaient dans leur for intérieur penser comme l’Indien qui déclarait à un missionnaire que, si les Espagnols devaient y aller eux aussi, il n’en voulait à aucun prix. Il est sûr que l’idée d’une Providence, mère commune des blancs et des noirs, devenus frères en Jésus-Christ, était une de ces vérités difficiles à accepter pour eux. Un jour, à ce que raconte un auteur ayant vécu au milieu d’eux[61], un missionnaire expliquait aux nègres qu’ils tenaient de Dieu les patates qu’ils mangeaient. Mais l’un d’eux lui répondit librement qu’il n’en croyait rien et que, s’ils ne plantaient pas les patates, elles ne pousseraient pas. « Et la pluie, d’où vient-elle ? » lui demanda le missionnaire. Le nègre resta interloqué par cet argument et se contenta de lever les yeux au ciel, en signe qu’il était convaincu de l’existence d’un Dieu créateur. Quelque sentiment vague qu’ils pussent avoir de l’opposition par trop manifeste entre les principes qui leur étaient enseignés et la conduite de leurs maîtres, il leur était forcément impossible de discuter. Donc ils acceptaient tout ce qu’on leur disait, tout en faisant subir le plus souvent aux idées les plus étranges déformations. C’étaient surtout les hommes qui perdaient le plus facilement les croyances mal comprises dont ils ne s’étaient qu’imparfaitement pénétrés. Au témoignage de l’auteur de l’Essai sur l’esclavage, ils finissaient par revenir la plupart du temps à leurs superstitions. « Ils adorent des dieux différents, sous la figure de quelque animal. Si c’est un bœuf, un mouton ou quelque bête bonne à manger, ils ne se déterminent qu’avec répugnance à lui donner la mort, et ceux qui se piquent d’être scrupuleux n’en mangent pas la viande ; mais ce rigorisme est rare, et on a si bien travaillé que les nègres n’ont plus d’autre frein que la terreur des châtiments, auxquels l’autorité a été obligée de recourir pour prévenir les plus grands désordres[62]. »

Quoi qu’on fît, ils conservèrent principalement leur croyance à la sorcellerie. Nous trouvons, à la date du 23 novembre 1686[63], un curieux arrêt du Conseil supérieur de Saint-Christophe contre les nègres sorciers et soi-disant médecins. Le procureur général a présenté une remontrance faite par le R. P. Moreau, jésuite, ayant la direction spirituelle des esclaves. Ils se mêlent, dit-il, de guérir plusieurs maladies « par sortilèges, paroles ou autrement, et même aussi de deviner les choses qu’on leur demande. » On distingue : 1° les sorciers, qui ont communication avec le démon ; ils arrivent, par exemple, à « représenter dans un bassin plein d’eau telle ou telle personne » ; — 2° ceux qui usent de sortilèges ; ils se servent de certaines drogues « par la coopération du démon, qui agit secrètement en conséquence d’un pacte qu’il a fait de produire certains effets aussitôt que quelqu’un l’invoquerait en faisant telles choses extérieures, telle que serait de manger le foie d’une poule blanche ou de porter pendu au col un billet marqué de certains caractères, tout cela au reste n’ayant aucune vertu ni force, mais étant simplement des signes par lesquels ceux qui les emploient le prient de faire une certaine chose qu’ils souhaitent » ; — 3° les jongleurs, qui font des singeries, des attouchements, et « font croire aux plus simples qu’ils les ont désensorcelés en leur tirant du corps certains morceaux de bois ou terre, etc., qu’ils appellent ouanga ou burgos[64], qu’ils prétendent être cause des maladies » ; — 4° enfin, ceux qui usent de remèdes naturels, c’est-à-dire qui ont la connaissance de quelques simples. — L’arrêt défend de recourir à eux sous peine de 50 livres d’amende, monnaie des îles, de peine afflictive et punition corporelle en cas de récidive ; les esclaves seront punis de 20 coups de fouet et de la fleur de lys sur une joue ; pour la deuxième fois, ils auront le nez et les oreilles coupés, et subiront une « plus grande peine en cas de récidive ».

Les maîtres ne se faisaient pas faute d’user même de châtiments plus terribles. Le ministre écrit, le 3 septembre 1727[65], à MM. De la Rochalar et Du Clos : « Il m’a été adressé un Mémoire de Saint-Domingue contenant qu’il y a des habitants qui, sur des soupçons qui leur viennent qu’il est des nègres sorciers, se donnent la licence de les faire mourir de leur propre autorité, les uns par le feu et les autres en leur brisant les os à coups de bâton ou de marteau, sans leur procurer le baptême ni autre sacrement. » La lettre, après avoir traité des autres abus concernant la religion, se termine ainsi : « Il ne convient en aucune façon que les maîtres se fassent une justice aussi sévère, quand même le crime de sortilège serait aussi réel qu’il paraît imaginaire ; cela est contre les lois, la religion, le bon ordre et l’humanité ; vous devez réprimer ces excès avec toute la sévérité que demande la justice. »

Le P. Labat[66] est d’avis « qu’il y a véritablement des gens qui ont commerce avec le diable », et il raconte l’histoire de plusieurs nègres sorciers. À l’un d’eux entre autres il a « fait distribuer environ 300 coups de fouet, qui l’écorchèrent depuis les épaules jusqu’aux genoux » ; puis, il l’a fait mettre aux fers, après l’avoir fait laver avec une pimentade, c’est-à-dire avec de la saumure dans laquelle on a écrasé du piment et de petits citrons.

Cette croyance à la sorcellerie, les nègres l’avaient apportée de leur pays. Dès leur enfance ils avaient appris à croire aux ombies ou revenants[67], et ils portaient, pour s’en garantir, des grigris, ou amulettes, composés par des sorciers et enchanteurs. Ils croyaient aussi à la transmigration des âmes. C’est pour cela que certains se suicidaient, persuadés qu’après leur mort ils retourneraient dans leur pays. « On n’a vu que trop souvent les Ibos d’une habitation former le projet de se pendre tous pour retourner dans leur pays. Il y a longtemps qu’on oppose à leur erreur une de leurs propres opinions ; lorsqu’on n’a pu prévenir absolument ce voyage Pythagoricien, on fait couper la tête du premier qui se tue, ou seulement son nez et ses oreilles, que l’on conserve au haut d’une perche ; alors les autres, convaincus que celui-là n’osera jamais reparaître dans sa terre natale ainsi déshonoré dans l’opinion de ses compatriotes, et redoutant le même traitement, renoncent à cet affreux plan d’émigration[68]. »

On peut penser jusqu’où allait ainsi l’imagination de ces malheureux, surexcitée encore dans bien des cas par la souffrance et la terreur. Se figurant qu’on pouvait leur jeter des sorts, ils tâchaient de se protéger au moyen de petits sachets on paquets ficelés appelés garde-corpset macandals[69]. Dans la composition de ces amulettes, il entrait de l’encens, de l’eau bénite, de petits crucifix et « presque toujours du pain bénit de Noël et d’une autre fête solennelle et de la cire du cierge pascal[70] » ; fréquemment il y avait aussi du poison. Les nègres se croyaient en sûreté lorsqu’ils prenaient la fuite portant un macandal ; quoique journellement il leur arrivât d’être pris, ils n’attribuaient leur malheur qu’au défaut d’observation de ce que le distributeur leur avait prescrit. Un arrêt de règlement du Conseil de la Martinique[71], du 7 avril 1758, défendit par l’article 2 à tous affranchis et esclaves de composer, vendre, distribuer ou acheter des macandals, « à peine d’être poursuivis extraordinairement comme profanateurs et séducteurs et punis suivant la rigueur de l’édit de 1682 ». L’article 1er interdit les cérémonies superstitieuses « qu’improprement ils nomment prières à l’occasion de la mort de l’un d’eux ». Ils poussaient en effet des hurlements, ce qui ne les empêchait pas de faire une sorte de festin, quand ils en avaient les moyens. Leur deuil consistait à se vêtir de blanc durant plusieurs jours et à porter le mouchoir de tête plié en demi-mouchoir, mis sans aucun soin et avec les deux bouts pendants par derrière.

Voici un exemple intéressant des abus auxquels ils en étaient arrivés peu à peu en ce qui concerne la religion. Il est tiré d’un arrêt de règlement du Conseil du Cap, du 18 février 1761[72]. Le préambule, très long, reproduit les remontrances qu’a faites à ce sujet le procureur général. Malgré les défenses précédemment enjointes, les esclaves couvrent leurs assemblées « du voile de l’obscurité et de celui de la religion », en se réunissant la nuit dans les églises, qui deviennent ainsi le refuge des fugitifs et même un lieu de prostitution. Comme on a essayé de mettre fin à ces réunions du soir, les domestiques et ouvriers du Cap, très nombreux, se donnent rendez-vous de midi à deux heures, et il est très difficile de les en empêcher. En outre, le jésuite chargé de l’instruction religieuse des nègres remplit seul à l’égard desdits nègres libres et esclaves « toutes les fonctions curiales ». Aussi en sont-ils arrivés à se figurer qu’ils formaient « un corps de fidèles distinct » : ils ont érigé quelques-uns d’entre eux en chantres, en bedeaux, en espèces de marguilliers, et affectent de copier l’usage des fabriques ; quand ils sont réunis, il y en a qui ont accoutumé de catéchiser ou de prêcher les autres ; dans leur zèle, ils vont aussi catéchiser dans les maisons et dans les habitations. Le procureur se plaint encore de ce que « le religieux, chargé de l’instruction des nègres et leur administrant seul tous les sacrements sous ce titre, différait souvent de baptiser les enfants noirs ou mulâtres, par le refus qu’il faisait des parrains et marraines de cette classe, sous prétexte qu’ils n’étaient point assez exacts aux devoirs de la religion ou assez assidus aux exercices spirituels ». Il célébrait aussi des mariages, sans avoir soin de s’assurer auparavant du consentement du curé de la paroisse. — C’est pourquoi l’arrêt du Cap ordonne : Article premier : Les mariages des nègres ne pourront avoir lieu sans le consentement des curés. — Art. 2 : Défense aux prêtres de différer le baptême et de refuser pour parrain et marraine toutes personnes blanches ou noires faisant profession de la religion C, A. et R. — Art. 3 : Défense aux esclaves de s’assembler dans les églises de midi à deux heures et après le soleil couché. — Art. 4 : Défense à tous les esclaves de faire les fonctions de suisse ou de bedeau sous peine du fouet. — Art. 5 : Défense de catéchiser.

Il n’est pas moins curieux de voir attribuer aux Jésuites la cause de tous les méfaits commis par les nègres. Les Jésuites avaient cherché sans doute à les dominer, ce qui leur donnait naturellement un puissant moyen d’influence, si bien que le gouvernement en avait même pris ombrage. En effet, une lettre du Ministre aux administrateurs de la ^Martinique, du 29 décembre 1752[73], désapprouve un projet qu’ils avaient présenté pour l’établissement d’une confrérie intitulée : « L’Esclavage de la Sainte-Vierge. » Il y est dit que « le roi sera toujours favorablement disposé à favoriser tous les arrangements qui pourront contribuer à l’instruction des nègres », mais qu’il ne faut pas oublier la nécessité de les contenir. Le 24 novembre 1763, le Conseil supérieur du Cap rend un arrêt définitif qui prononce l’extinction des Jésuites et leur expulsion hors de la colonie[74]. Il rappelle l’arrêt précédent de la Cour, du 18 février 1761, « qui prescrit l’établissement fait en cette ville par les soi-disant jésuites d’un prétendu curé des nègres », ainsi que les abus qu’ils ont autorisés. Il cite « un billet écrit en latin par le Frère Langlois à un desservant de l’église du Port Margot, qui constate que les soi-disant Jésuites favorisaient la désertion des esclaves ». Selon le procureur général, c’est à la doctrine et à la morale pratique des Jésuites envers les esclaves qu’on doit principalement imputer « les crimes énormes, notamment les profanations et empoisonnements commis par lesdits esclaves ».

Mais on se demande quel intérêt auraient eu les Jésuites à pousser les esclaves au crime. Ne risquaient-ils pas, au contraire, d’en être les premières victimes ? À juger les choses impartialement, il paraît probable que le procureur a grossi les faits pour obtenir la condamnation d’un ordre qui inquiétait le pouvoir laïque[75]. Les magistrats se montrent, en effet, sans cesse préoccupés d’empêcher les empiétements des ecclésiastiques, quels qu’ils soient, sur leurs prérogatives. Nous n’en donnerons qu’un exemple : Les religieux avaient imaginé de recourir à la pénitence publique, qui impressionnait vivement les esclaves, pour réprimer leur libertinage, et ils l’imposaient aux négresses qui avaient donné le jour à des bâtards. La femme était contrainte de venir, au commencement de la messe paroissiale, à l’église, son enfant entre les bras, une corde au cou, un cierge allumé à la main ; elle restait ainsi à genoux durant toute la messe, au milieu de l’église, après quoi le curé baptisait l’enfant et faisait à la mère « une petite instruction et correction ». Mais le procureur général avait réclamé à ce sujet, voyant dans cette punition « une usurpation de la justice séculière », si bien que la pénitence publique avait été supprimée, le 12 septembre 1724[76].



V

Pour nous résumer, nous dirons que l’impression qui paraît avoir dominé chez les administrateurs, c’est plutôt celle des inconvénients que des avantages moraux de l’instruction religieuse donnée aux nègres. C’était le seul moyen d’éveiller leur esprit ; or il importait de supprimer en eux autant que possible toute pensée. Cette théorie de l’intérêt bien entendu est exposée tout au long dans une lettre confidentielle adressée, le 11 avril 1764, au Ministre par le gouverneur de la Martinique, Fénelon[77] : « Je suis arrivé à la Martinique, écrit-il, avec tous les préjugés d’Europe contre la rigueur avec laquelle on traite les nègres et en faveur de l’instruction qu’on leur doit par les principes de notre religion. » Puis, il s’est vite convaincu qu’ « une discipline sévère et très sévère est un mal indispensable et nécessaire… L’instruction, j’effraierais tous les saints du clergé de France si mon opinion sortait du sanctuaire de votre cabinet, est un devoir dans les principes de la sainte religion, mais la saine politique et les considérations humaines les plus fortes s’y opposent… La sûreté des blancs exige qu’on tienne les nègres dans la plus profonde ignorance… Je suis parvenu à croire fermement qu’il faut mener les nègres comme des bêtes… J’hésite à faire instruire les miens ; je le ferai cependant pour l’exemple et pour que les moines ne mandent point en France que je ne crois point à ma religion et que je n’en ai pas. » Cet aveu n’est-il pas significatif ? Voilà donc à quoi se réduisent ces projets en apparence généreux de conversion des nègres, destinés à calmer les consciences qui auraient pu s’indigner des horreurs de l’esclavage. Ce sont les considérations purement humaines qui l’emportent, le droit du plus fort qui finit par s’exercer cyniquement. Et cela en plein xviiie siècle ! Combien Voltaire avait raison d’écrire[78] : « Nous leur disons qu’ils sont hommes comme nous, qu’ils sont rachetés du sang d’un Dieu mort pour eux, et ensuite on les fait travailler comme des bêtes de somme : on les nourrit plus mal ; s’ils veulent s’enfuir, on leur coupe une jambe, et on leur fait tourner à bras l’arbre des moulins à sucre, lorsqu’on leur a donné une jambe de bois. Après cela nous osons parler du droit des gens ! » Non, la loi du Christ ne fut pas pour eux une loi d’amour et de fraternité ; ce n’est pas elle qui devait faire triompher les idées d’émancipation.


  1. Esprit des Lois, liv. XV, ch iv.
  2. Cf. Journal des Savants, 1841. Article de Magnin, p. 706.
  3. Op. cit., ch. xxxvi, p. 182. — F. Denis, Chroniques chevaleresques de l’Espagne et du Portugal, II, 49.
  4. Herrera, Histoire générale des Indes, déc. I, liv. VI, ch. xx.
  5. Loc. cit.
  6. Avis des Conseils coloniaux. Conseil de la Martinique, p. 30.
  7. Arch. Col., Colonies en général, XIII. Martinique, 11 avril 1764. Lettre de Fénelon au Ministre : « En général, les religieux traitent assez bien les nègres pour n’avoir presque pas besoin d’en acheter… »
  8. Sén., Ep. XLVII, i.
  9. Girard de Rialle, op. cit., p. 60-61.
  10. Girard de Rialle, op. cit., p. 84.
  11. Le Brasseur, op. cit., 1779.
  12. II, 501. Cf. aussi Labat, Nouveau voyage aux isles, etc. II. 88-89.
  13. Cf. Rochefort, op. cit., p. 341 : « Il y a de ces nègres qui jeûnent exactement le carême et tous les autres jours de jeûne qui leur sont ordonnés, nonobstant leurs travaux ordinaires et continuels. »
  14. Du Tertre, II, 503.
  15. Arch. Col., F, 52.
  16. Moreau de Saint-Méry, I, 73.
  17. Id., ib., 117.
  18. Id., ib., 180.
  19. A. Dessalles, III, 150.
  20. Id., II, 279.
  21. Moreau de Saint-Méry, I, 225.
  22. Arch. Col., C8, 3. Lettre au Ministre, 19 novembre 1681.
  23. Arch. Col., F, 142, volume non paginé. Le mémoire doit être de 1682. Cf. aussi B, 10, p. 9. Lettre du roi à MM. le chevalier de Saint-Laurent et Begon.
  24. Arch. Col., B, 10, p. 23, 24 septembre 1683. Moreau de Saint-Méry, I, 388, indique la date du 30.
  25. Dessalles, op. cit., III, 213.
  26. Moreau de Saint-Méry, I, 13.
  27. Cf., plus loin, p. 448, note 4.
  28. Nouveau voyage aux isles, etc., IV, 138.
  29. A. Dessalles, II, 61.
  30. Arch. Col., B, 1, p. 1.
  31. Durand-Molard, op. cit., III, 281.
  32. Arch. Col., F, 221, p.477.
  33. A. Dessalles, III, 299.
  34. Cf. Arch. Col., C8, 19, 10 janvier 1773, une longue et curieuse lettre de Phelypeaux sur les divers Ordres ; on y voit qu’un assez grand nombre de religieux étaient eux-mêmes loin de donner le bon exemple et se souciaient fort peu de s’acquitter de leur ministère.
  35. Petit, Traité sur le gouvernement des esclaves, II, 116.
  36. Il est dit dans le Deutéronome, V, 14 : « Le septième jour est le sabbat. Tu t’abstiendras, en ce jour, de tout travail, et comme toi, ton fils, ta fille, ton esclave. » De même pour les jours de fêtes. Ib., XVI, 1, 14.
  37. Moreau de Saint-Méry, I, 447.
  38. Arch. Col., F, 248, p. 1087.
  39. Petit, op. cit., II, 114.
  40. « Les esclaves travaillent les jours de commandement, ne sont pas instruits et meurent sans baptême. » Arch. Col., F, 21, Mémoire du frère Saint-Gilles touchant la religion et les mœurs de la colonie de Cayenne. — Cf. aussi une lettre du Ministre au Comte de Choiseul, 25 juillet 1708. Arch. Col., B, 31, p. 169. Il constate que les esclaves ne sont pas instruits, et il ajoute : « Vous ferez connaître aux maîtres leur véritable intérêt ; mieux les nègres sont instruits, plus ils leur seront fidèles. »
  41. Durand-Molard, op. cit., I, 113.
  42. Arch. Col., Colonies en général, XIII, F, 90.
  43. Arch. Col., F, 251, p. 783.
  44. Moreau de Saint-Méry, III, 625.
  45. Page 176.
  46. Durand-Molard, op. cit., III, 451.
  47. Arch. Col., F, 246, p. 333.
  48. Trayer, op. cit., p. 24.
  49. Moreau de Saint-Méry, II, 12.
  50. Arch. Col., F, 144.
  51. Arch. Col., F, 238, p. 743.
  52. Durand-Molard, op. cit., III, 265.
  53. Arch. Col., C8, 32. Lettre du 28 juin 1723.
  54. Arch. Col., C8, 40. Lettre du 2 janvier 1729.
  55. Arch. Col., B, 111, Îles-du-Vent, p. 10.
  56. Arch. Col., B, 196, Saint-Domingue, p. 49.
  57. Arch. Col., Recueil des lois particulières à la Guadeloupe, F, 236, p. 654.
  58. Cf. P.-A. Chevillard, Les desseins de S. Em. de Richelieu pour l’Amérique, etc. Rennes, s. d., in-4. Il donne, p. 143, un curieux modèle d’instruction religieuse à l’usage des nègres.
  59. Moreau de Saint-Méry, Description de Saint-Domingue, I, 74.
  60. Voyage aux Antilles françaises, etc., I, 101.
  61. Petit, op. cit., II, 113.
  62. P. 228 du manuscrit des Arch. Col., F, 129.
  63. Arch. Col., F, 53.
  64. Cf. Arch. Col. Code Guadeloupe, F, 221, p. 519, arrêt du Conseil du 18 avril 1674, dans lequel il est dit qu’ils tirent « des boutons, des pieds de crabes et autres choses semblables du ventre d’un prétendu infirme ».
  65. Arch. Col., F, 50, p. 430.
  66. Nouveau voyage aux isles, etc., II, pp. 53 à 65.
  67. Schœlcher, Col. françaises, 323.
  68. Moreau de Saint-Méry, Description de Saint-Domingue, I, 36, Même idée dans la Réponse à MM. les philanthropes anglais. Arch. Col., F, 61.
  69. Macandal est le nom d’un célèbre empoisonneur, que nous retrouverons plus loin.
  70. Arch. Col., F, 245, p. 293. Procès d’un nègre accusé de maléfices, janvier 1755.
  71. Moreau de Saint-Méry, IV, 225.
  72. Moreau de Saint-Méry, IV, 352.
  73. Arch. Col., F, 258, p. 691, et B, 95, Îles-du-Vent, p. 56.
  74. Moreau de Saint-Méry, IV, 626. — Ce n’était qu’à la suite de lettres patentes du 3 juin précédent (Id., IV, 586), concernant la poursuite des biens de la Compagnie ; les lettres patentes, communes à toutes les colonies, n’eurent à Saint-Domingue aucune exécution, l’établissement d’un séquestre ayant même eu lieu précédemment par arrêt du Conseil du Cap, du 9 décembre 1762 ; aussi leurs dispositions furent-elles changées par d’autres lettres patentes du 27 octobre 1764 et, enfin, rendues sans effet par celles du 14 février 1768.
  75. N’oublions pas non plus que le P. La Valette, qui venait de faire une faillite de 3 millions, était supérieur des missions de la Martinique.
  76. Cf. Arch. Col., F, 252, pp. 527, 531, 567, 575, diverses pièces à ce sujet, année 1722. F, 69, Instructions à l’intendant Blondel de Jouvancourt, 4 janvier 1763 ; F 253, p. 477, au même, pour lui enjoindre l’interdiction, 12 septembre 1724.
  77. Arch. Col., Col. en général, XIII, F, 90.
  78. Essai sur les mœurs. Édit. Garnier, XII, 417.