L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789/II/VII

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CHAPITRE VII

DU MARRONAGE DES NÈGRES. — RÉVOLTES


« Il faut avouer que, de toutes les guerres, celle de Spartacus est la plus juste, et peut-être la seule juste. » (Voltaire, Dict. phil., au mot Esclaves.)


I. — Étymologie du mot marronage. — Le marronage a été la plaie des Antilles. — Différentes sortes de nègres marrons. — Premières mesures prises contre eux. — L’esclave Fabulé. — Jurisprudence incertaine et variable jusqu’en 1685. — L’article 38 du Code Noir.
II. — Règlements divers à partir de 1700. — Proposition de rendre eunuques les marrons. — Désordres qu’ils causent. — Chasses dirigées contre eux. — Prix de capture. — Les maîtres doivent signer leurs plaintes en marronage. — Des esclaves épaves et non réclamés. — Du sort des nègres nés dans les bois.
III. — Des esclaves réfugiés en territoire étranger. — Conventions avec les Espagnols et les Portugais. — Acte du 3 juin 1777. — Des nègres marrons de Surinam.
IV. — Recrudescence du marronage dans les Antilles françaises vers 1740. — Règlements des Conseils de Léogane et du Cap concernant la maréchaussée. — Cas divers. — Ordonnance royale du 1er février 1743.
V. — Lettre du Ministre au maréchal de Saxe au sujet de son projet d’enrôler des nègres marrons (1747). — Exemple de la discipline des marrons entre eux. — Marrons à la chaîne (1764). — Déclaration royale de 1768.
VI. — Peines portées contre les receleurs d’esclaves. — Tentatives de révoltes. — Pourquoi elles ont toujours échoué.


I

Le nom de marron vient de l’espagnol cimarron, qui veut dire sauvage ; et ce mot de cimarron lui-même paraît venir de symaron, nom d’une peuplade située autrefois entre Nombre-de-Dios et Panama, qui, s’étant révoltée contre les Espagnols, fut réduite par eux en esclavage[1]. On appela donc nègres_marrons les esclaves insoumis qui, pour échapper à la servitude ou aux mauvais traitements, s’enfuyaient de l’habitation de leur maître et allaient chercher un refuge dans la forêt ou dans la montagne. Le marronage fut la plaie continuelle des Antilles. On peut dire que, dès qu’il y eut des esclaves dans ces îles, il y eut des marrons ; et jamais on ne trouva le moyen d’empêcher ce délit ; au contraire, il alla toujours en augmentant ; tant est inné au cœur de l’homme l’amour de la liberté ! Les esclavagistes ont pu vanter la douceur de la condition des esclaves, la comparer à celle de leurs compatriotes sur la terre d’Afrique, ou bien à celle du paysan, du soldat, du matelot français, pour essayer de prouver qu’ils étaient matériellement plus heureux. La meilleure réfutation à leur opposer consistait dans ce fait que, cette condition si bien assurée, tous ceux qui n’étaient pas retenus par la crainte des châtiments s’empressèrent en tout temps de la fuir. Aussi bien n’est-il nullement dans notre intention de discuter de nouveau les arguments à l’aide desquels les intéressés ont cherché à soutenir leur détestable cause. Les faits ne parlent-ils pas assez hautement ? « Toutes les îles à esclaves, à quelque nation qu’elles appartiennent, ont leurs marrons », dit M. Schœlcher[2], et cela à une époque où la situation s’était bien améliorée. N’oublions pas que les Français furent encore ceux qui traitèrent leurs esclaves avec le moins de dureté. Au témoignage d’un colon[3], « le marronage est l’échelle à laquelle on peut mesurer l’administration douce, intelligente, sévère ou cruelle d’une propriété ». Or bien rares furent, même chez les Français, les habitations sur lesquelles il ne se produisit pas de faits de marronage. Jamais, pourtant, il n’atteignit les mêmes proportions qu’à Surinam et à la Jamaïque ;, où la Hollande et l’Angleterre, dans l’impossibilité de réduire leurs déserteurs, furent obligées, après des chasses et même des guerres acharnées, de traiter finalement avec eux et de reconnaître leur indépendance en leur abandonnant une partie de territoire. Dans les Antilles françaises, quoiqu’ils soient arrivés souvent à former des bandes inquiétantes, jamais on n’en fut réduit à les laisser jouir d’une absolue sécurité. Mais jamais non plus le colon ne pouvait lui-même être tranquille ; les endroits écartés n’étaient pas sûrs ; il fallait même garder les habitations. Et que de dépenses on fut contraint de faire sans cesse pour donner la chasse aux nègres marrons ! Que de cruautés il fut nécessaire d’exercer pour l’exemple ! Que de vies ainsi perdues ! Vraiment, à mesure qu’on envisage l’esclavage par ses divers côtés, on constate de plus en plus quelles ont été ses désastreuses conséquences, on est effrayé de voir à quel prix on dut acheter cette production de denrées de luxe, destinées à enrichir bien plus encore les négociants de la métropole que les colons. Ce chapitre sur le marronage nous en fournira une nouvelle preuve.

D’une manière générale, avant d’entrer dans le détail, nous distinguerons, avec Schœlcher[4], trois sortes de nègres marrons :

1° L’homme énergique et résolu qui ne peut supporter la servitude ; son maître doit le considérer comme à jamais perdu ;

2° Celui qui s’échappe pour une cause quelconque, la crainte d’une punition, un moment de lassitude, un vague besoin de liberté, et qui, la cause cessant, revient de lui-même à la grande case au bout d’un certain temps ;

3° Celui qui trouve trop lourdes les rigueurs de l’esclavage, mais qui n’a pas non plus assez de force pour vivre en liberté, qui erre misérablement et finit par se laisser reprendre.

On en trouvait aussi qui ne se rendaient pas compte qu’ils obéissaient à leur instinct, qui se croyaient possédés de l’esprit du mal et venaient demander à leurs maîtres de faire dire des messes pour le chasser.

Dès les premiers temps de la colonisation des Antilles, les mesures les plus rigoureuses furent prises contre les marrons. Si nous nous reportons à notre chapitre i du Livre I, nous voyons que les gouverneurs anglais et français de Saint-Christophe s’interdisent de garder des esclaves qui ne leur appartiennent pas ; cependant il n’est pas encore question de châtiment à infliger à ceux qui auront quitté leurs maîtres. Les punitions paraissent avoir été absolument arbitraires avant le Code Noir. Ainsi, le 16 février 1641[5], le roi fait connaître qu’il est disposé à autoriser une négresse condamnée à mort pour marronage à épouser le nègre maître des hautes œuvres, qui a demandé à se marier ainsi. — Le 23 juillet 1655[6], un nommé Séchoux fut condamné à être pendu, puis écartelé, ses membres devant être exposés sur les avenues publiques, pour avoir été le chef d’une entreprise tentée par les esclaves fugitifs dans l’intention de se joindre aux Caraïbes. — Dès 1665, il y avait à la Martinique 4 à 500 marrons[7], obéissant presque tous à l’un d’entre eux qui avait pris le nom de son maître Francisque Fabulé. Ils causaient de tels ravages que le Conseil supérieur arrêta qu’on traiterait avec eux[8] : les conditions de ce traité, projeté par l’entremise d’un nègre du sieur Renaudot, furent que Fabulé aurait sa liberté et 1.000 livres de petun, et qu’on n’infligerait aucun châtiment à ceux de sa troupe. Fabulé se tint tranquille tant que M. de Clodoré resta gouverneur de l’île ; mais il se dérangea de nouveau et, par arrêt du 10 mai 1671, il fut condamné aux galères a perpétuité : l’arrêt rappelle qu’il a commis « plusieurs désordres depuis six à sept ans, enlevé jusqu’au nombre de 40 à 50 nègres dans les bois et avec iceux fait plusieurs brigandages, vols, et même quelques meurtres et assassinats » ; puis, qu’ayant accepté les propositions de M. de Clodoré, il fit sa résidence dans sa maison, mais qu’il suborna une jeune négresse, l’induisit à commettre plusieurs vols et lui conseilla même de poignarder son maître ; c’est pour avoir été fustigé en raison de ces faits qu’il était revenu dans les bois. De là sa nouvelle condamnation.

Le 13 octobre 1671, le Conseil supérieur de la Martinique rendit un arrêt sur la taxe et prise des nègres marrons[9]. Il devait être payé par les maîtres : 800 livres de sucre pour celui qui serait marron depuis un an jusqu’à trois ; 600 livres, de six mois à un an ; 300, de deux à six mois ; 150, de huit jours à deux mois. De plus, il était permis de faire couper le nerf du jarret à ceux qui récidiveraient. L’arrêt constate que les nègres vivent en commun dans les bois, où ils ont des habitations défrichées, des cases bâties et des vivres plantés, qu’ils volent et commettent toute espèce de désordres. — Un arrêt du même Conseil, du 20 juin 1672[10], condamne à mort les nègres qui, ayant déjà une année de séjour dans les îles, seront marrons pendant trois ans, et ordonne de plus que leur valeur sera remboursée aux maîtres par le public. — Le 28 août 1673, une ordonnance du gouverneur général des îles[11] porte que chaque capitaine devra détacher un quart de sa compagnie pour faire des battues contre les nègres marrons ; les habitants seront tenus de donner des billets à leurs nègres, faute de quoi on tirera dessus, et il ne sera pas accordé d’indemnité.

Par arrêt du Conseil de la Martinique, du 5 juillet 1677[12], le nègre Petit Jean est condamné à avoir la jambe gauche coupée en présence de tous les autres nègres des habitations voisines, et le nègre Jacques à avoir le jarret coupé au-dessous du genou et être marqué sur le front de la fleur de lys. Mais, suivant Dessalles, cette décision paraît avoir été sans exécution ; de plus le Conseil, n’ayant pas le droit d’ordonner la peine de mort contre les marrons, fit un règlement[13], d’après lequel les nègres marrons depuis quinze jours jusqu’à deux mois auraient le fouet et la fleur de lys, de quatre à six mois, le jarret coupé, et, au-dessus, les jambes. Il semble difficile d’admettre, avec Dessalles, que le Conseil n’avait pas le droit de condamner à mort, car nous trouvons, à la date du 14 novembre 1678, une lettre de Blenac au Ministre[14] disant : « J’ai fait finir les détachements des habitants contre les nègres marrons, attendu que les chefs sont tués, noyés ou roués, et quantité d’autres, et qu’il en reste peu dans les bois. » La copie de l’ordre envoyé à cet effet au major le 2 novembre se trouve aux Archives Coloniales[15]. Le 17 juillet 1679, le Conseil de la Martinique condamne quelques nègres accusés d’avoir voulu s’évader hors de l’île, les hommes à avoir une jambe coupée, et les femmes le nez, les uns et les autres à être marqués de la fleur de lys sur le front. Le 3 septembre 1681[16], il est obligé de rendre un autre arrêt général contre les marrons. « Si ces désordres continuaient, on serait exposé aux révoltes, dont les exemples encore récents donnent sujet d’en craindre de nouvelles. » Aussi, comme mesure de précaution, devait-t-on attacher les canots avec une chaîne de fer, et, de plus, faire des détachements d’habitants.

Comme on vient de le voir, il n’y a pas eu de jurisprudence fixe jusqu’au Code Noir. L’article 38 est ainsi conçu : « L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule ; s’il récidive un autre mois à compter pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni de mort[17]. » Il est à remarquer qu’au delà du deuxième mois on ne fait plus aucune distinction en ce qui concerne la durée du marronage : celui qui aura été fugitif pendant trois mois et celui qui l’aura été pendant plusieurs années sont également punis de mort, du moment qu’il s’agit d’un troisième marronage. C’est évidemment une lacune.



II

Pendant quelques années, on se contente d’appliquer simplement les peines du Code Noir, en commuant, d’ailleurs, souvent celle de mort. Les administrateurs ne parlent pour ainsi dire pas du marronage dans leur correspondance, et nous ne relevons non plus aucune mesure nouvelle à ce sujet avant 1700. Cette année-là, M. de Galiffet, commandant en chef par intérim à Saint-Domingue, ayant rendu une ordonnance[18] qui condamnait les nègres arrêtés à l’Espagnol à avoir le jarret coupé, elle fut rapportée presque aussitôt parce qu’on jugea que ce châtiment diminuait la valeur des esclaves. — Le 6 avril 1704, un ordre du commandant du Cap[19] fait savoir qu’il y a au corps de garde des nègres marrons épaves et, comme ils ne sont pas étampés, que leurs maîtres aient à venir les reconnaître. Les excès des marrons semblent redoubler. Non seulement ils s’enfuient dans les bois, mais ils viennent voler sur les grands chemins et jusque sur les habitations, et ils assassinent les maîtres. « Ils souffrent la roue et le feu sans dire un seul mot, — écrit M. de Machault[20], — et même un des deux (exécutés) exhortait les nègres à faire comme lui pour se rendre les maîtres de la Martinique ». Ils connaissent des herbes dont le suc efface l’impression de la fleur de lys, et, en mettant un mouchoir autour de leur tête, ils cachent le défaut de leurs oreilles coupées. « Comme la cause de leur libertinage est de courre les négresses… il vaudrait mieux leur couper le bout du nez pour les rendre difformes ; les Anglais les font eunuques pour les rendre sages malgré eux et ne jugent pas que ce soit un grand mal que cette nation ne se multiplie pas. » Aussi de Machault demande-t-il si le roi veut approuver cette peine au lieu de la peine de mort. Dans une autre lettre, écrite peu de temps après[21], et qui n’est guère que la répétition de la précédente, il affirme que les nègres marrons ont enlevé des hommes et des femmes sur les grands chemins pour les manger. Le Ministre répond à M. Begon[22] au sujet des propositions faites au roi : « M. de Machault m’écrit que leur débauche pour les femmes contribuant plus que toute autre chose au libertinage, il estimerait plus à propos d’en user ainsi que les Anglais en les faisant eunuques… Vous examinerez ce que vous estimez plus convenable… et ensuite s’il n’y a rien dans les lois de l’Église qui soit contraire à cette disposition. » Puis, un mois après[23] : « Le roi n’a pu se déterminer à entrer dans la proposition de convertir la peine de mort qui a été ordonnée contre les nègres fugitifs pour la troisième fois en celle de les rendre eunuques, et Sa Majesté s’est déterminée à laisser subsister l’ordonnance de 1685. »

Un arrêt du Conseil de Léogane, du 16 mars 1705[24], établit 36 hommes dans chaque quartier du Petit-Goave, Léogane et Cul-de-Sac, pour rechercher les marrons, fixe la prime de prise de 30 à 60 livres suivant les lieux, ordonne une levée publique de 15.000 livres pour payer lesdits hommes et les nègres tués, règle la comptabilité de cette levée et les droits du receveur, soit un 10e et enfin enjoint à ce dernier de fournir un recensement fidèle. Ce règlement fut approuvé par une lettre du Ministre à M. Deslandes, en date du 14 avril 1706. — Notons à la même époque[25] une affaire assez curieuse au sujet d’un nègre vendu par des religieuses, à condition qu’il soit emmené dans l’île de Grenade, et sans pouvoir revenir, parce qu’il est séditieux, ameutant jusqu’à 60 autres nègres, les poussant à la révolte et vivant dans le libertinage. Or ledit nègre a été revendu à un autre propriétaire qui l’a ramené à la Martinique. Mais l’intendant déclare qu’il ne saurait y rester.

Tandis qu’on prend toutes sortes de mesures pour se préserver des marrons, il est curieux de constater qu’on cherche, pendant la guerre de la succession d’Espagne, à aider ceux des ennemis. Le 20 août 1706, le Ministre écrit à M. Deslandes[26] : « Vous rendriez un service important si vous pouviez trouver les moyens de secourir les nègres de la Jamaïque qui sont révoltés et leur faire porter quelques armes et munitions de guerre, de sorte qu’ils occupent les Anglais et diminuent la force de la colonie ; vous aurez soin de m’informer de la situation de ces nègres et de leur nombre, si vous pouvez en avoir quelque connaissance. »

Mais il semble que la guerre favorise aussi les esclaves des Antilles françaises, car les prescriptions et les condamnations s’accumulent contre eux. Dans un rapport de Lefebvre d’Albon, du 15 mai 1707[27], il est question de plusieurs nègres marrons conduits par un des leurs, Gabriel, qui se fait appeler M. le Gouverneur. Il avait réuni également autour de lui plusieurs Indiens. Un d’entre eux, esclave, le dénonce. On prend un Indien et cinq Indiennes, dont deux étaient femmes dudit Gabriel, et on les condamne à diverses peines. Un autre nègre, nommé Jacob, appartenant aux Ursulines[28], ayant attiré des nègres dans sa cave, leur avait donné à boire et à manger, avait pris le titre de général, et « avait fait, de sa propre confession, des sortilèges et secrets diaboliques ». Il fut condamné à être rompu vif, ainsi que plusieurs de ses complices ; leurs têtes et leurs mains devaient être exposées sur des fourches. Le procureur général requit que le gouverneur fût tenu de faire une chasse continuelle aux marrons. Une lettre de M. Gabaret[29] rend compte des poursuites qu’il fait contre les marrons et parle d’une conspiration qu’il a découverte de 200 nègres prêts à brûler le bourg Saint-Pierre. Le Ministre approuve[30] la sévérité dont on fait preuve à l’égard des marrons et recommande de continuer à les rechercher. Plusieurs sont encore condamnés pour rébellion[31].

À côté de ces mesures impitoyables, nous constatons pourtant qu’on ménage parfois les nègres marrons. Ainsi le gouverneur général de la Martinique, dans des Instructions qu’il donne au colonel d’un régiment de milices[32], le 9 février 1713, lui recommande de se montrer aussi humain que possible, d’autant que « la plupart des nègres marrons y ont été forcés par l’injustice, l’avarice et la dureté de leurs maîtres ». Aussi ne devra-t-on tirer sur eux qu’en cas d’absolue nécessité. D’après un arrêt du Conseil de Léogane, du 3 septembre 1714[33], les esclaves tués en marronage autrement que dans le temps des chasses ordonnées n’étaient pas remboursables. Peut-être craignait-on que certains maîtres n’eussent recours à ce moyen pour se débarrasser de mauvais esclaves. De plus, on exigeait que les plaintes en marronage fussent signées des propriétaires ou de personnes munies de pouvoirs ad hoc. Les geôliers ne devaient écrouer les prisonniers qu’après avoir reçu cette plainte[34]. Depuis le 9 février 1707, à la suite d’une réclamation de Me Noël Camusat, greffier et notaire du Cap, il avait été décidé que les frais d’entretien des nègres épaves seraient avancés par le receveur des amendes et confiscations. Les nègres devaient être vendus après un mois, s’ils n’avaient pas été réclamés par leurs maîtres[35].

Les prisons ne cessaient d’en être encombrées, au point qu’il ne restait pas de place pour y mettre les blancs. « À peine celles qui sont établies peuvent-elles contenir les nègres, et si, par hasard, on y met un blanc de la moindre considération, comment s’empêcher d’ordonner qu’il soit élargi, lorsqu’il représente la triste situation où il se trouve parmi des esclaves[36] ? » Néanmoins, il s’en faut qu’on prenne tous les esclaves fugitifs. Les habitants eux-mêmes, intéressés les premiers à les poursuivre, s’en acquittent fort mal. « Les désordres des nègres marrons continuent toujours à la Martinique et à la Guadeloupe. Si les chasses s’y faisaient avec attention, on pourrait les détruire ; mais, quand les habitants sont commandés, ils songent dans ces chasses plutôt à se divertir qu’à exécuter les ordres qui leur sont donnés[37]. « Il faudrait un prévôt et un exempt avec 9 archers dans chacun des 4 quartiers de la Martinique.

Dans un Mémoire du 15 juin 1725[38], il est dit qu’il y a à la Grenade une troupe d’environ 60 marrons qui commettent toutes sortes de désordres. Leur audace va sans cesse en croissant, parce qu’ils ne sont pas assez sévèrement châtiés et que la punition n’est jamais assez prompte ni visible. Ils en sont venus jusqu’à envahir les habitations, et ils ont violé la femme d’un habitant ; ailleurs, ils en ont tiré par les cheveux une autre qui, venait d’accoucher depuis dix-huit heures, l’ont foulée aux pieds, ont voulu casser la tête au nouveau-né « et ont obligé la mère, pour lui rendre son enfant, de baiser le derrière à l’un des nègres[39] ». Une lettre du Ministre, du 19 mars 1726, aux administrateurs de la Martinique[40], nous apprend qu’il y a à la Guadeloupe, suivant le rapport que lui a fait M. de Crapado, lieutenant par intérim, « plus de 600 nègres marrons qui sont attroupés en quatre bandes, qui envoient journellement des détachements de 60 à 80 hommes pour piller les habitations ; et, quoiqu’il y ait continuellement des détachements des milices après eux, on n’a pu éviter les vols et les enlèvements de négresses et de vivres qu’ils font sur les habitants. » Le Ministre se déclare surpris que les administrateurs ne lui en aient rien dit, et il leur prescrit de faire le nécessaire. Mais il écrit bientôt à De Feuquières[41] que « M. de Crapado a beaucoup exagéré les désordres des nègres marrons », que, suivant une lettre de M. de Moyencourt, ils étaient au plus 200 et que les désordres qu’ils avaient causés n’allaient pas à 100 écus. Toute cette affaire laisse supposer que les administrateurs ne tenaient pas en réalité toujours le pouvoir central au courant de ce qui se passait aux îles.

Un arrêt du Conseil de la Martinique, du 13 septembre 1726[42], au sujet des esclaves saisis, épaves ou criminels, décide qu’ils seront recueillis « à la charge et garde des geôliers », les maîtres devant, bien entendu, payer les frais de leur séjour. Ceux qui n’auraient pas été retirés devaient être vendus dans trois mois. Après la vente, les propriétaires avaient encore le droit d’en réclamer le prix pendant un an. Suivant un arrêt du Conseil du Cap, du 5 janvier 1731[43], touchant la vente des nègres épaves de la juridiction du Fort-Dauphin, le receveur des amendes demande à être autorisé à vendre les nègres marrons non réclamés dans les quarante jours, au lieu d’attendre trois mois ; quarante jours, c’est le délai observé au Cap ; une plus longue attente cause de trop grands frais. Le Conseil réserva d’abord la solution, mais une ordonnance des administrateurs du Conseil, du 6 avril 1733[44], fixa le délai d’un mois seulement. De plus, il était défendu aux concierges des prisons de se les faire adjuger à des prix infimes, après entente avec les huissiers, et, en tout cas, les maîtres étaient autorisés à les réclamer pendant un an au prix d’adjudication, quand même ils auraient été revendus beaucoup plus cher à un tiers. — Une ordonnance de l’intendant de la Martinique[45] défend aux geôliers de donner l’élargissement, de leur autorité privée, aux nègres détenus dans les prisons pour cause de marronage.

Une question particulière se trouve résolue par un arrêt du Conseil du Petit-Goave, du 7 mai 1732[46], à savoir quel devait être le sort des nègre nés, dans les bois, de parents marrons. Il est décidé qu’ils reviendront aux maîtres, qui pourront justifier de leur droit de propriété, ce qui était naturellement, dans la plupart des cas, bien difficile. S’ils n’étaient pas revendiqués à juste titre, ils étaient vendus, et le prix de la vente devait être appliqué aux frais de capture. En vertu du même arrêt, les maîtres étaient tenus de payer 250 livres pour chaque nègre pris, « eu égard à l’éloignement des lieux ». C’est la plus forte prime qui ait été exigée. Il était, en outre, accordé des exemptions de droits curiaux aux habitants qui avaient poursuivi les marrons. — Dans une ordonnance des administrateurs de Saint-Domingue[47], il est dit que des habitants, ayant plusieurs terrains et ne pouvant « les établir tous », se contentent d’y placer des nègres invalides pour en conserver la possession. Or ces terrains servent de refuge aux nègres marrons ; aussi est-il prescrit d’y mettre au moins un blanc ou un mulâtre libre.

Nous relevons, à la date du 8 mars 1733[48], l’enregistrement à la Guadeloupe de remontrances faites par le procureur du roi au sujet d’expressions dangereuses sous le rapport de la subordination des esclaves dont s’était servi un jésuite dans un sermon. « Les hommes se révoltent contre Dieu ; les noirs se révoltent contre les blancs et en cela vengent Dieu ; le temps n’en est pas loin. » Le procureur fait remarquer le danger qu’il y aurait à soulever 30.000 noirs contre 2.500 blancs.



III

Il arrivait que des esclaves se réfugiassent à l’étranger. Par exemple, de 1702 à 1732, il s’était sauvé 93 nègres « de la Grenade à la Marguerite Espagnole[49] ». C’est de Saint-Domingue surtout qu’ils fuyaient chez les Espagnols, et de la Guyane chez les Hollandais et les Portugais. « Un arrêt du Conseil de Léogane, 1er juillet 1709, décida qu’une personne de confiance serait chargée d’aller chercher les esclaves français sur le sol espagnol et de les en ramener, moyennant que le maître lui paierait la moitié de leur valeur. Il paraît même que cet arrêt, oublieux du principe de l’indépendance et de la souveraineté des États, avait permis aux officiers français et à la milice de poursuivre les nègres fugitifs hors de notre territoire : cette décision fut cassée par une ordonnance royale du 2 février 1711, qui autorisa seulement la poursuite par le maître. Entre temps, les administrateurs avaient trouvé un procédé meilleur pour le maintien de bons rapports internationaux ; ils donnèrent (1er décembre 1710) commission à un sieur Beaussan, Espagnol, pour le charger des intérêts français dans la partie espagnole de Saint-Domingue ; il pouvait notamment arrêter les marrons, et au besoin poursuivre en justice les Espagnols qui s’en étaient emparés, ou les avaient affranchis, — pour ensuite les renvoyer sous bonne escorte. Tous ces moyens ne valaient du reste pas une convention entre les deux pays. Il en fut fait une, en vertu de laquelle une ordonnance royale du 30 novembre 1714 et une ordonnance des administrateurs du 2 mai 1715 décidèrent que les officiers français pourraient poursuivre les esclaves fugitifs sur la portion espagnole de l’île, et réciproquement. Le traité stipulait en outre que les nègres livrés ainsi de part et d’autre ne pourraient être condamnés à mort, aux galères ni à la prison perpétuelle[50]. » Cette convention servit à peu près de modèle à celles qui intervinrent depuis.

Le Ministre écrit à ce propos, le 23 novembre 1734, aux administrateurs de Cayenne[51] : « Le roi a approuvé que, pour parvenir à l’exécution du décret du roi de Portugal, les habitants de la colonie aient envoyé un député à Para pour y chercher les esclaves déserteurs qui s’y sont réfugiés et que, dans l’assemblée qu’ils ont faite à ce sujet, il ait été réglé que pour la dépense de cette députation les propriétaires des nègres paieraient 200 livres pour chaque nègre recouvert (sic) et que le surplus serait réparti dans la colonie. » Dans I une autre occasion, le roi lui-même prend à sa charge 22.383 livres, montant des dépenses faites dans le voyage entrepris à la ville de Saint-Domingue pour une recherche infructueuse de nègres fugitifs, somme qui avait été empruntée par la colonie à la caisse du trésorier de l’octroi[52]. — Des instructions données à M. de Larnage, le 10 juin 1737[53], il ressort que, d’après une première convention (dont la date n’est pas indiquée), faite avec les Espagnols, les nègres de Saint-Domingue réfugiés sur leur territoire devaient être rendus aux Français moyennant 29 piastres par tête. Mais il s’en faut bien qu’il en ait été ainsi. On a donc conclu en 1729 un nouveau traité, pour que tous les déserteurs fussent rendus de part et d’autre, mais il n’a pas eu davantage « l’exécution qu’on en devait attendre ». Aussi le Ministre recommande d’y tenir la main. — Un arrêt du Conseil de Léogane, du 10 janvier 1741[54], accorde l’exemption des droits publics, d’octroi, suppliciés et curiaux, et même des corvées pour ses nègres, à un habitant chargé de retirer les fugitifs en territoire espagnol, jusqu’à concurrence de 200 têtes. — À ce moment, la restitution réciproque ne se pratiquait guère, car le Conseil d’État rendit, le 28 juillet 1745, un arrêté « portant que les esclaves des ennemis qui se sauvent dans les colonies françaises et les effets qui y sont par eux apportés appartiennent au roi seul, ainsi que les vaisseaux et effets qui échouent aux côtes de sa domination[55] ».

Une dernière convention fut signée, le 29 février 1776, entre les gouverneurs français et espagnol (de Saint-Domingue) pour se restituer réciproquement les noirs marrons ; elle fut ratifiée définitivement par les deux cours de France et d’Espagne, le 3 juin 1777. « Cet acte contient quelques détails intéressants : ainsi le mariage d’un esclave sur le territoire étranger sera un motif suffisant pour qu’il ne puisse plus être réclamé ; la nation qui le garde devra seulement payer sa valeur et pourra ensuite le vendre. Le même traité renferme aussi des règles généralisées aujourd’hui en matière d’extradition : si l’esclave qui s’est réfugié hors de son pays allègue pour prétexte de sa fuite les poursuites judiciaires exercées contre lui à raison de quelque crime qu’il aurait commis, il sera tout de même livré ; mais le gouverneur de la nation qui le réclamera donnera auparavant sa caution juratoire qu’il sera considéré comme encore dans l’asile où on l’a arrêté, c’est-à-dire qu’on ne le châtiera pas pour le délit commis, « à moins que ce ne soit pour un crime atroce, ou de ceux qui sont exceptés par des traités et par le consentement général des nations[56] ».

Nous n’avons pas trouvé de convention conclue avec les Hollandais, et peut-être n’y en a-t-il pas eu effectivement. Le marronage et les soulèvements étaient très fréquents chez eux, et ils ne les réprimaient « qu’en versant des torrents de sang[57] ». La France semble avoir cherché à certains moments à profiter de cette barbarie, qui poussait un grand nombre de leurs esclaves à s’enfuir ; c’est du moins ce qui résulte du témoignage suivant : « Les nègres de Surinam s’étant révoltés et attroupés, on fut obligé de s’armer contre eux. En 1773, toutes les milices d’un régiment de troupes réglées essayèrent vainement de les soumettre. Il fallut faire avec eux une paix honteuse, qu’ils ont violée continuellement depuis. — En 1776, il en passa 3.000 dans la Guyane française. Depuis, 400 autres y passent encore ; enfin, encore 200 autres. On dit que ces 3.600 sont autres que ceux avec lesquels on a capitulé. Un nommé Cadet, député secrètement par les administrateurs, va, en 1783, pour traiter avec eux. Il les amène à se confier aux Français et, pour gage de la foi promise, un chef et lui se font tirer du sang qu’on mêle dans un vase et qu’ils boivent ensuite. Une lettre du Ministre, du 20 avril 1786, dit aux administrateurs de les établir comme des nègres libres et les contenir sur ce pied[58]. »

Un cas particulier nous a paru mériter d’être noté : c’est celui du commandeur nègre Tranquille. Il s’est enfui à Sainte-Lucie avec 12 autres esclaves. Condamné à mort par le premier juge, on ne lui inflige ensuite que la peine du fouet (trois samedis consécutifs) et de la fleur de lys. On tint compte en effet de ce qu’il avait été poussé à la fuite parce que son maître lui avait fait espérer sa liberté, puis l’avait vendu. Le jugement porte, entre autres considérants, que le Code Noir ne prononce point de peine contre les nègres qui, dans le premier cas de marronage, s’enfuient hors de l’île[59].



IV

Ceux-là, du moins, en admettant qu’ils fussent souvent perdus, ne causaient point de ravages sur les habitations. Ils ne constituaient, d’ailleurs, que l’exception. Ceux qui restaient, bien plus nombreux, ne cessaient de se signaler par leurs brigandages, Il serait sans intérêt de rappeler les innombrables procès et condamnations qu’ils provoquèrent. Nous citerons simplement encore, d’après l’ordre chronologique, certains exemples fameux de marronage, en remarquant que la plupart ont été suivis de nouveaux règlements de protection contre ces excès.

Le 21 mai 1737, fut instruite à la Guadeloupe[60] une vaste procédure contre une bande de 48 marrons, dont 15 contumaces, commandés par un nommé Bordebois. Il y en eut 8 condamnés à être rompus vifs. Mais, suivant un Mémoire du 20 janvier 1738, ces supplices, « au lieu d’effrayer les autres, les ont excités à commettre plus d’excès ». Ils ont, en particulier, enlevé « l’enfant du sieur Vouche, qu’ils ont tué et mangé avec tous les traits marqués de la joie dont ils usent dans leurs pays dans de pareils sacrifices, étant la plupart nègres mondongues réputés anthropophages[61] ». La relation indique nombre d’autres condamnations qui ont suivi. Cette sorte de procès monstre se continua jusqu’en novembre 1738, à la suite de révélations faites par les accusés mis à la question[62].

Vers cette époque, il semble qu’il y ait partout une recrudescence du marronage. Le Conseil de Léogane promulgue le_17 janvier 1739, un règlement concernant la maréchaussée[63], dont plusieurs articles nous intéressent particulièrement. Outre les chasses extraordinaires, les habitants seront tenus d’en faire « une autre, qui sera appelée l’ordinaire, par chaque semaine, où le prévôt et l’exempt marcheront et commanderont alternativement avec moitié de la troupe, pour suivre les nègres fugitifs dans les bois, montagnes et autres lieux de leurs départements, laquelle course ne pourra durer moins de trois jours, et sera, attendu leurs appointements, par eux faite sans aucun salaire ni récompense que celle qui leur reviendra des captures qu’ils pourront faire, suivant la taxe qui sera réglée ci-après… » (art. 19). — « Lorsqu’il sera ordonné auxdits prévôts, exempts, brigadiers et archers de marcher à la requête d’un habitant pour courir sur les nègres esclaves qui seront partis attroupés, il leur sera payé par ledit habitant, après leur expédition, par chaque jour, savoir : au prévôt la somme de 40 sols, à l’exempt, celle de 30 sols, et à chacun des brigadiers et archers celle de 20 sols ; le tout sans préjudice du droit de la capture… » (art. 21). — « Les captures seront payées par chaque tête de criminels, soit blancs (déserteurs), nègres, négresses, négrillons ou négrittes, qui seront pris et arrêtés au delà de toutes habitations du côté des frontières espagnoles, à raison de 100 livres par tête ; pour ceux qui seront pris dans la montagne à la distance de 10 lieues du lieu principal du département, la somme de 60 livres. » Pour ceux qui seront arrêtés à une distance moindre, 18 livres ; pour ceux qui seront rencontrés sans billets ni marques connues, 12 livres, s’ils sont montés, et 10 livres, s’ils sont à pied ; pour les chasses extraordinaires contre ceux « qui seront attroupés avec des établissements formés dans des lieux fort éloignés », 200 livres par tête, et 100 seulement s’ils sont tués (art. 22). — Il est permis à toutes personnes de poursuivre et d’arrêter les marrons et de toucher les primes de capture (art. 25). — Tout nègre non réclamé après un mois sera vendu ; le propriétaire a cependant le droit de le réclamer pendant un an et un jour (art. 26). — Un arrêt du Conseil du Cap, également relatif à l’établissement d’une maréchaussée[64], fixe le prix de capture de 6 à 48 livres suivant les endroits, et 100 pour les marrons qui seront pris dans les chasses extraordinaires, « dans les doubles montagnes ». On voit que c’est à peu près la confirmation du précédent.

Pour épouvanter davantage les nègres, on eut parfois l’idée d’exposer les membres de ceux qui avaient été tués en marronage. Mais un arrêt du Conseil de la Martinique au sujet d’esclaves de la Grenade mutilés par leurs maîtres défendit cette pratique[65]. — Par un arrêt du 10 juin 1740[66], une négresse est condamnée à être pendue et étranglée pour troisième marronage. Comme elle était enceinte, il est sursis à l’exécution. Le bourreau la demande pour femme ; le Conseil de la Guadeloupe la lui refuse ; mais, les administrateurs en ayant référé au Ministre, le roi la lui accorde. — Le 8 novembre 1740[67], deux négresses sont condamnées à la potence pour troisième marronage ; une autre, à la marque et au jarret coupé pour deuxième.

D’après l’article 35 d’un arrêt du Conseil du Cap, du 12 septembre 1740[68], « les geôliers écriront sur leur registre les noms des esclaves fugitifs qui seront amenés des prisons, et feront mention de la qualité de l’esclave, de son étampe et signalement, et du nom de celui qui l’aura conduit, lequel signera sur le registre, sinon sera fait mention de son refus. » L’article 37 dit : « Sera payé aux geôliers, pour avoir inscrit sur leur registre le nom de l’esclave fugitif, 15 sols, et pour l’entrée en la prison 30 sols, 30 sols pour la sortie et 15 sols par jour pour la cassave et viande qui lui seront fournis conformément aux articles 5 et 6. »

À la suite d’une lettre des administrateurs de la Martinique. De Champigny et De la Croix, au Ministre[69], le roi promulgua, le 1er février 1743, une ordonnance[70] portant que les esclaves surpris en marronage avec armes blanches ou à feu seraient condamnés à mort ; avec couteaux autres que ceux appelés jambettes[71], punis de peine afflictive et même de mort, au besoin (art. 1). — Ceux qui chercheraient à s’enfuir de la colonie auraient le jarret coupé (art. 5).

Nous avons retrouvé toute une procédure instruite, le 27 avril 1744[72], contre 66 nègres marrons accusés du meurtre de leur économe. Ils passaient pour « la fleur et l’élite de l’habitation ». Ils revenaient tous les soirs coucher à leurs cases et disaient publiquement que, tant que l’économe resterait dans la maison, ils ne se rendraient pas. Ledit économe tue un jour, d’un coup de couteau au ventre, une négresse marronne enceinte, qui se baignait. Deux mois après, les nègres le surprennent, l’enlèvent et le massacrent. Un certain nombre sont condamnés ; mais, peu après, le roi accorde le pardon à tous les autres accusés.

Voici encore un cas très particulier[73] : Un nègre, condamné une première fois à mort, a été gracié parce qu’il a accepté de devenir exécuteur. Il a fui ; mais le Conseil de la Martinique est très embarrassé pour savoir s’il peut le condamner de nouveau à mort, le premier cas de marronage ne comportant pas cette peine. Il se demande s’il y a prescription pour la première condamnation. Pendant ce temps, le nègre s’évade de nouveau ; il est repris ; alors le Conseil n’hésite plus.

En 1747, à Sainte-Lucie, les marrons occupent les habitants pendant trois mois[74]. Ils voulaient brûler les habitations et venir ensuite au Carénage mettre le feu au magasin et à la poudrière. Devant le danger, D’Albon et Moreau de Saint-Méry publient une ordonnance promettant l’amnistie à ceux qui se rendraient en janvier.



V

Certains nègres trouvaient le moyen de s’enfuir hors des îles et jusqu’en France. Le maréchal de Saxe eut l’idée de les employer comme soldats ; les marrons, en général les plus audacieux, lui avaient paru devoir faire de bonnes recrues. On aurait pu, pensait-il, lui en envoyer de ceux qui avaient été repris aux Antilles. Mais le Ministre lui écrit à ce propos, le 3 novembre 1747[75] : « Le projet qu’on vous a proposé dans le mémoire que vous m’avez fait l’honneur de m’envoyer… est absolument impraticable. » D’abord, il n’y a pas autant de nègres marrons qu’il y est dit. Puis, une amnistie serait par trop dangereuse. Et quelle perte pour les habitants ! Enfin, les nègres deviendraient particulièrement redoutables si, après avoir appris le maniement des armes, ils trouvaient le moyen de repasser aux îles. « Je ne puis même, ajoute le Ministre, vous laisser ignorer plus longtemps, Monsieur, que l’établissement de votre troupe de nègres a déjà causé beaucoup d’inquiétude à cet égard aux habitants des îles… Nos colonies auraient infiniment plus à craindre de la supériorité des esclaves, s’ils avaient quelque chef capable de la leur faire connaître et d’en faire usage, que de tous les efforts que les ennemis pourraient faire contre elle… Les Anglais, qui auraient bien plus de facilité que nous pour avoir des troupes de nègres, se sont bien gardés d’en faire venir en Europe pour leur mettre les armes à la main… Au reste, Monsieur, toutes ces réflexions ne font rien changer à ce que j’ai eu l’honneur de vous mander au sujet des nègres qui ont été arrêtés à Orléans. S’il y en a dont le roi puisse disposer, je ferai remettre, comme vous le désirez, à M. de Bachoüé, à Chambord[76], les ordres pour les retirer. » En effet, le 8 novembre, le Ministre lui écrit de nouveau : « Les 7 nègres détenus dans les prisons d’Orléans s’étant trouvés. Monsieur, dans le cas de la confiscation au profit du roi, Sa Majesté les a destinés par des ordres particuliers à servir le reste de leurs jours dans votre régiment de volontaires. »

Outre ce curieux épisode de nègres marrons versés dans un régiment de France, signalons cet autre exemple qui marque combien ces mêmes noirs pouvaient être disciplinés. Il nous est connu par la « Déclaration faite au lieutenant criminel de Cayenne par le nommé Louis, nègre marron, âgé d’environ quinze ans, qui a été emmené du quartier général des marrons d’au-dessus de Tonne-Grande à l’ouest de Cayenne[77] ». Il rapporte qu’il y a au quartier général 72 nègres, et 22 négresses, dont 13 sont les maîtresses de tel ou tel nègre et 3 les femmes de tel ou tel autre. « Bernard, surnommé Couacou, baptise avec l’eau bénite et récite journellement la prière. » Tous obéissent exactement aux ordres du capitaine André, qui fouette lui-même ou fait fouetter ceux qui le méritent. Du quartier général on entend distinctement les coups de canon tirés de Cayenne ; ils connaissent ainsi quand il s’agit d’alarme. « Le jour de Fête-Dieu, au premier coup de canon pour la sortie du Saint-Sacrement de l’église, ils se mettent tous à genoux et vont en procession autour de leurs cases en récitant des cantiques, les femmes portant des croix. » Trois d’entre eux font des toiles de coton qui servent à procurer des tonga aux négresses et des calimbé aux nègres. « Ils observent exactement les fêtes qu’ils connaissent et les dimanches, sans travailler, récitant ces jours-là le chapelet outre leurs prières ordinaires. » Ils n’ont d’autres meubles pour serrer leurs bagages que des pagarats. Depuis longtemps, 6 d’entre eux voudraient se rendre, mais le chef s’y oppose. Cependant, un mois après[78], MM. Dorvillier et Lemoyne écrivent au Ministre que 50 ont fait leur soumission. Ils lui envoient, à cette occasion, pour le faire approuver, un règlement général sur les esclaves, faisant revivre les anciennes dispositions et y en ajoutant de nouvelles reconnues nécessaires. Mais ce document n’est pas joint à leur lettre. À Cayenne, comme ailleurs, au témoignage de ceux qui voient les faits de près, « la conduite cruelle et dénaturée de plusieurs maîtres envers leurs esclaves occasionne des marronages fréquents[79] »…

Il n’est pas d’instructions dans lesquelles le Ministre n’attire particulièrement l’attention des agents nouveaux du pouvoir central sur cette question capitale de la sécurité à maintenir contre les esclaves. Les administrateurs de la Martinique répondent à ce sujet au Ministre, le 30 janvier 1754[80] : « Nous aurons toujours la plus grande attention à ce qui regarde la police des esclaves. C’est un objet extrêmement intéressant et en même temps difficile, parce que cela dépend beaucoup des maîtres, dont les uns sont d’une sévérité outrée qui va jusqu’à la cruauté, ce qui peut avoir des suites dangereuses, et les autres sont d’une nonchalance et d’une faiblesse pour leurs esclaves qui va à l’imbécillité ; très peu savent tenir le milieu de fermeté et de bonté nécessaires pour contenir cette espèce de gens. Mais nous ne nous relâcherons jamais sur cet article. »

Un danger provenait de ce que, à certains moments, pour se défendre aux Antilles contre les incursions des ennemis, on n’hésitait pas à armer des esclaves. Il y en avait alors qui profitaient des circonstances pour s’enfuir ou pour cacher des armes. Un arrêt du Conseil de la Guadeloupe, du 9 juin 1759[81], enjoint aux habitants de prendre les mesures nécessaires pour désarmer leurs esclaves (après la guerre), proclame une amnistie pour les nègres marrons et fixe des peines pour ceux qui n’en profiteront pas.

Le 23 septembre 1763, une lettre du roi aux administrateurs de la Martinique[82] porte commutation de la peine des galères et de celle de mort pour les marrons en celle de la chaîne publique, les coupables devant au préalable être marqués d’une fleur de lys à la joue. Une circulaire du même jour[83] nous donne les motifs de cette décision : c’est que la mort pour le marronage au troisième cas « n’est pas une peine pour la plupart d’entre eux qui se la donnent volontairement ». De plus, mettre les esclaves à la chaîne est un moyen de les conserver à la colonie. C’est une raison d’utilité et non d’humanité qui prévaut. Le 3 janvier 1764, les administrateurs de la Martinique rendent une ordonnance[84] portant également commutation de la peine de mort pour troisième marronage et des galères en celle des travaux à la chaîne. Il faut donc croire que la lettre du roi citée plus haut ne paraissait pas suffisante comme texte législatif ; c’est sans doute parce qu’elle n’était pas accompagnée d’une ordonnance. Mais il y a lieu de remarquer que très souvent il est difficile de savoir au juste ce qui a force de loi aux colonies. — Le 23 mars 1764, la réglementation sur ce point est encore modifiée par une ordonnance de l’intendant Clugny, de la Martinique[85]. Il rappelle l’article 26 du règlement du 31 juillet 1743, suivant lequel les nègres marrons non réclamés dans le mois devaient être attachés à la chaîne. Depuis, on avait décidé — le 26 octobre 1746 — qu’ils seraient vendus à la barre des sièges royaux, mais que les maîtres pourraient les reprendre pendant un an et un jour ou en réclamer le prix pendant cinq ans. Or cette manière de procéder a suscité de nombreuses difficultés. En conséquence, l’intendant décide que les marrons seront mis à la chaîne immédiatement après leur incarcération (art. 1) ; les maîtres auront le droit de les réclamer en tout temps, « en payant les frais de capture et un mois de nourriture à la geôle ». — Au Cap, pour faciliter les réclamations, on fait insérer, à dater du 8 février 1764[86], dans la Gazette (récemment créée), la liste des nègres marrons, en spécifiant, autant que possible, le nom, la nation, l’étampe et l’âge apparent de chaque nègre. — Mais il se produit toutes sortes de confusions au sujet de la destination de ces nègres épaves. Ainsi, le 1er juin 1767, une ordonnance du roi[87] stipule pour Saint-Domingue que, s’ils ne sont pas réclamés dans un mois, ils seront vendus par le receveur des épaves (art. 1). Les propriétaires sont autorisés à les réclamer en nature ou en argent durant un an et un jour (art. 2). Enfin, ils pourront aussi réclamer pendant un an et un jour, à compter du 1er août 1767, les nègres ci-devant attachés à la chaîne. Il est singulier de constater que, sans motif apparent, des ordonnances différentes dans le détail sont rendues pour les diverses îles. Très peu après, par exemple, pour la Martinique, le roi déclare que l’intendant Glugny a excédé ses pouvoirs en promulguant l’ordonnance du 23 mars 1764, et, par une nouvelle, du 18 novembre 1767[88], il ordonne que les nègres épaves seront vendus après trois mois, au lieu d’un (art. 1) ; les propriétaires seront en droit de les reprendre pendant un an et d’en réclamer le prix pendant une autre année (art. 4). « Il ne semble pas, dit M. Trayer à ce sujet[89], que cette ordonnance ait été modifiée dans la suite ; il est même possible que, émanant du pouvoir central, elle eût été rendue exécutoire dans toutes nos colonies. » Il nous semble cependant qu’il faut encore rapporter à cette question une Déclaration royale du 1er mars 1768[90], d’après laquelle les esclaves ayant mérité les galères seront marqués de la fleur de lys, auront une oreille coupée et seront attachés à la chaîne à perpétuité ; à la première évasion, ils auront la seconde oreille coupée, puis ils seront pendus ; ceux qui auront mérité la mort pour marronage seront marqués de la fleur de lys, auront les deux oreilles coupées et seront condamnés à la chaîne à perpétuité ; ils seront pendus à la première évasion.


VI

Ce qui rendait le marronage si difficile à extirper des îles, c’est que les fugitifs trouvaient souvent un abri chez des recéleurs, qui les cachaient soit par crainte, soit par l’appât du gain. Cette pratique paraît remonter assez haut, puisque le gouverneur général des îles rendit, en 1678, une première ordonnance contre les affranchis receleurs d’esclaves[91]. Mais les peines portées contre eux ne sont pas indiquées. De Blenac écrit au Ministre, le 23 septembre 1679[92] : « Je serais assez d’avis qu’on se défît des nègres libres en les envoyant à Saint-Domingue, car ce sont eux qui débauchent les nègres des habitations et les commercent avec les sauvages. » Le Conseil de la Martinique rend, le 4 septembre 1684, un arrêt « contre ceux qui retiennent les nègres et engagés chez eux[93] » ; mais le Code manuscrit de la Martinique n’en donne que le titre, sans le texte. Enfin, l’article 39 du Code Noir est des plus positifs : « Les affranchis qui auront donné retraite dans leurs maisons aux esclaves fugitifs seront condamnés par corps envers le maître en l’amende de 300 livres de sucre par chacun jour de rétention, et les autres personnes libres qui leur auront donné pareille retraite en 10 livres tournois d’amende par chacun jour de rétention. »

Cette pénalité n’eut probablement guère d’effet, car une ordonnance royale, du 10 juin 1705[94], décide que les nègres libres qui faciliteront aux esclaves les moyens de devenir marrons seront déchus de leur liberté et vendus avec leur famille résidant chez eux au profit du roi. Cette législation fut appliquée pendant un certain temps[95]. Mais elle fut sensiblement adoucie pour les Îles-sous-le-Vent par une Déclaration royale du 8 février 1726[96], en vertu de laquelle le coupable seul perdait la liberté, et encore dans le cas seulement où il n’aurait pu payer l’amende fixée à 300 livres de sucre par chaque jour de recel[97]. Elle paraît pourtant être restée en vigueur à Saint-Domingue, comme tendraient à le prouver deux arrêts du Conseil du Cap, du 7 avril 1758 et du 23 mars 1768[98].

En somme, les maîtres durent toujours être sur le qui-vive. Non seulement ils avaient à craindre les esclaves partis en marronage, mais ils étaient exposés à des complots et révoltes de ceux qui restaient sur les habitations. Cependant nous ne voyons pas que les noirs soient jamais arrivés à réussir dans leurs tentatives réitérées pour secouer le joug qui les opprimait. « Leurs desseins seraient impénétrables, écrit l’auteur de l’Essai sur l’esclavage[99], s’ils n’étaient découverts par des femmes maîtresses de blancs auxquels elles sont ordinairement fort attachées. — La danse appelée à Surinam Watur mama, et dans nos colonies la mère de l’eau, leur est sévèrement interdite. Ils en font un grand mystère, et tout ce qu’on en sait, c’est qu’elle échauffe beaucoup leur imagination. Ils s’exaltent à l’excès lorsqu’ils méditent un mauvais dessein. Le chef du complot entre en extase jusqu’à perdre connaissance ; revenu à lui, il prétend que son dieu lui a parlé et lui a commandé l’entreprise ; mais, comme ils n’adorent point le même dieu, ils se haïssent et s’épient réciproquement, et ces projets sont presque toujours dénoncés. »

Nous avons déjà vu (au chapitre De la Religion, § IV), qu’en 1748 les esclaves de la Martinique avaient résolu de profiter de la nuit de Noël pour s’emparer de l’île et qu’ils échouèrent surtout parce qu’un habitant eut par hasard connaissance du complot. Aussi avait-on redoublé depuis de précautions contre eux. Le 15 avril 1704, à la Guadeloupe[100], le procureur du roi « requiert l’incarcération et l’interrogatoire de plusieurs nègres, dont les discours semblent menacer la colonie d’une révolte générale et imminente ». On les accusait d’avoir « dit que les Anglais allaient partir, mais que l’île deviendrait noire, que les nègres deviendraient blancs ». Un des nègres interrogés répond « qu’il n’est pas permis de penser qu’il ait dit pareille chose, où il n’y a pas le moindre sens ». On leur attribue également d’autres propos, tels que ceux-ci : « Les blancs demanderaient bientôt pardon aux nègres ; — il y aurait, cette année, un mauvais temps qui détruirait les plantations et les blancs. — Les gros sucriers perdraient l’île parce qu’ils ne nourrissaient pas leurs esclaves, les faisaient travailler jour et nuit, pendant qu’ils étaient couchés avec leurs femmes, et tiraient le sang de leurs esclaves, ne leur donnaient point à vivre, se contentant de faire du sucre, ce qui obligeait tous les nègres à aller marrons dans les bois ;… — si les Anglais venaient une seconde fois assiéger l’île, les marrons pourraient bien se mettre avec eux. » La cause est instruite. Dans la relation de la procédure, il est rapporté qu’un nègre a été menacé de la question ; or il répond « que Dieu est son créateur ; que nous le ferons mourir si nous voulons, qu’il ne sait pas mentir et que nous pouvons demander à son maître s’il s’est dérangé ». Plusieurs esclaves furent condamnés au carcan et à la fustigation.

Le 21 juillet 1768, à la Martinique, le bruit se répand qu’un roi nègre très puissant a racheté les noirs et qu’ils vont tous retourner dans leur pays. Cette nouvelle a « échauffé leur cervelle ». Pour réprimer leur ardeur, on prend le parti de donner 39 coups de fouet pendant trois jours à ceux qui colporteraient la nouvelle et de les mettre aux fers.[101]

Le calme finit par renaître dans la plupart des cas, grâce au système de la terreur. Toute velléité de liberté n’est-elle pas comme un vol et même un crime ? Et quoi ! le maître a payé ses esclaves, il les nourrit et les entretient ; et les voilà qui s’enfuient, qui se révoltent ! Heureusement le blanc a pour lui la loi et la force mises au service de… la justice ! Nous avons constaté qu’il sait en profiter pour se protéger et ne pas perdre sa propriété. En France, pourtant, on n’admet plus depuis longtemps qu’un homme soit la propriété d’un autre homme. Mais les colonies sont loin, et il ne s’agit que de nègres ! Dans la métropole, on en voit bien, de temps en temps, quelques-uns. Après tout, ils n’ont pas l’air si malheureux. Ceux-là sont, il faut le dire, les privilégiés amenés par leurs maîtres comme domestiques. Encore la loi commune, qui veut qu’il n’y ait que des libres sur le territoire du royaume, fait-elle une exception pour eux, comme nous allons le voir.


  1. Arch. Col., F, 138, p. 134.
  2. Col. françaises, 119.
  3. Ib., 113.
  4. Col. françaises, p. 111.
  5. Arch. Col., F, 257, p. 13.
  6. Dessalles, III, 113.
  7. Id., ib., 109 ; — et Du Tertre, III, 201.
  8. Moreau de Saint-Méry, I, 136. Arrêt du 2 mars. Il n’est pas question de cet arrêt dans Dessalles, qui dit que le gouverneur, M. de Clodoré, rendit le 3 avril, une ordonnance promettant des primes à tous ceux qui ramèneraient des nègres fugitifs.
  9. Moreau de Saint-Méry, I, 248.
  10. Id., ib., 264.
  11. Id., ib., 268.
  12. Dessalles, III, 113.
  13. Moreau de Saint-Méry, I, 306.
  14. Arch. Col., C8, II.
  15. Ib., F, 248, p. 385.
  16. Ib., ib., p. 651.
  17. Cf. Digeste, De servis fugitivis.
  18. Moreau de Saint-Méry, I, 647, 16 août.
  19. Id., II, 8.
  20. Arch. Col., C8, 15. Lettre du 12 juin 1704.
  21. Ib., ib., 3 juillet 1704.
  22. Ib., B, 26, 22 avril 1705.
  23. Ib., Col. en général, XIII, F, 90, 27 mai 1705.
  24. Moreau de Saint-Méry, II, 25.
  25. Arch. Col., F, 250, p. 343, 14 octobre 1705.
  26. Arch. Col., B, 28, p. 142.
  27. Arch. Col., Col. en général, XIII, F, 90.
  28. Arch. Col., F, 250, p. 819, 28 juillet 1710. Conclusions définitives du procureur général du roi au procès des nègres de la Martinique, accusés de révolte contre les blancs.
  29. Ib., ib., 837, même jour.
  30. Ib., ib., 965. Lettre à M. de Vaucresson, 20 mai 1711.
  31. Ib., ib., 911, 31 octobre 1711.
  32. Ib., F, 251, p. 173.
  33. Moreau de Saint-Méry, II, 429.
  34. Moreau de Saint-Méry, III, 111. Arr. du Conseil du Petit-Goave, 4 sept. 1724.
  35. Id., II, 92. Arrêt du Conseil du Cap.
  36. Arch. Col., C8, 34. Lettre de l’intendant Blondel au Ministre, 15 juin 1725.
  37. Ib., ib. Du même. Lettre du 31 août 1725.
  38. Ib., F, 17.
  39. À la suite de ces désordres, on crée une chambre royale à la Grenade pour juger les nègres en dernier ressort. Arch. Col., B, 48, p. 321. Lettre d’envoi de lettres patentes aux administrateurs. Les lettres patentes sont p. 424, en date de janvier 1726.
  40. Arch. Col., B, 48, p. 322. À MM. de Feuquières et Blondel. Le même jour, même lettre à M. de Moyencourt. Cf., F, 134, p. 3. Lettre de De Crapado, du 10 septembre 1726.
  41. Arch., Col., B, 48, p. 400, 13 octobre 1726.
  42. Durand-Molard, I, 283.
  43. Moreau de Saint-Méry, III, 296.
  44. Id., ib., 355.
  45. Durand-Molard, I, 378.
  46. Arch. Col., Code Saint-Domingue, F, 270, p. 367.
  47. Moreau de Saint-Méry, III, 369, 21 août 1733.
  48. Arch. Col., F, 224, p. 791.
  49. Arch. Col., F, 134, p. 21. Lettre de Larnage, du 23 mai 1732.
  50. Trayer, op. cit., 61-62.
  51. Arch. Col., B, 61, Cayenne, p. 402. Lettre à MM. de l’Amirande et d’Albond.
  52. Moreau de Saint-Méry, III, 413. Lettre min. à M. Duclos, 18 janvier 1735.
  53. Arch. Col., F, 69.
  54. Arch. Col., Code Saint-Domingue, F, 271, p. 1.
  55. Arch. Col., B, 81, p. 116. Instructions aux divers administrateurs en leur envoyant une expédition de l’arrêté.
  56. Trayer, op. cit., p. 62.
  57. Arch. Col., F, 129 : Essai sur l’esclavage, p. 114.
  58. Arch. Col., F, 132, p. 457.
  59. Arch. Col., Ann. Mart., F, 244, p. 285. Arrêt du Cons. sup., du 5 décembre 1738.
  60. Arch. Col., F, 231, p. 221.
  61. Arch. Col., F, 231, p. 263. Cf. aussi F, 134, p. 8, Lettre de Mont-Saint-Rémy, du 4 février 1738, relative à la même affaire ; il est question d’un enfant de six ans « immolé aux faux dieux et mangé » et de nègres et négresses mangés également ou enterrés vifs par les marrons.
  62. Ib., F, 231, p. 279, Arrêt du Conseil supérieur, du 23 janvier 1739, confirmant les sentences contre lesdits nègres.
  63. Moreau de Saint-Méry, III, 551.
  64. Moreau de Saint-Méry, III, 568, 6 août 1739.
  65. Arch. Col., F, 256, p. 869, 4 janvier 1740.
  66. Ib., F, 225, p. 627.
  67. Arch. Col., F, 225, p. 617.
  68. Moreau de Saint-Méry, III, 625.
  69. Arch. Col., Col. en général, XIII, F, 90, 8 septembre 1741.
  70. Durand-Molard, I, 464.
  71. Couteaux pliants, sans ressort ni virole.
  72. Arch. Col., F, 226, p. 133.
  73. Arch. Col., Ann. Mart., F, 244, p. 399, 15 septembre 1746.
  74. Arch. Col., F, 134. p. 8.
  75. Arch. Col., F, 143.
  76. Fontenoy avait valu au maréchal de Saxe le domaine de Chambord et 40.000 livres de revenu.
  77. Arch. Col., F, 22, 31 octobre 1748.
  78. Ib., ib., 1er décembre 1748.
  79. Ib., Col. en général, XIII, F, 90. Lettre (sans autre indication) du 18 mars 1755.
  80. Arch, Col., Col. en général, XIII, F, 90.
  81. Ib., F, 227.
  82. Moreau de Saint-Méry, IV, 619. Cette lettre en reproduit une autre du 14 mars 1741. Celle-ci avait été suivie d’un règlement royal du 31 juillet 1743, qui décidait (art. 26) que les fugitifs non réclamés dans le mois seraient mis à la chaîne ; mais on ne l’appliqua pas.
  83. Arch. Col., B, 116, Îles-sous-le-Vent, p. 149.
  84. Arch. Col., F, 260, p. 7.
  85. Moreau de Saint-Méry, IV, 717.
  86. Id., ib., 706. Lettre de l’intendant aux officiers de la juridiction du Cap.
  87. Arch. Col., B, 125, Saint-Domingue, p. 87.
  88. Moreau de Saint-Méry, V, 139. Cette ordonnance royale annula aussi une ordonnance des administrateurs de la Martinique, du 18 février 1767, — Id., ib., 88, — d’après laquelle les nègres pouvaient être réclamés pendant cinq ans.
  89. Op. cit., p. 65.
  90. Durand-Molard, II, 563.
  91. Arch, Col., F, 248, p. 278. La date n’est pas mieux précisée.
  92. Ib., C8, II.
  93. Ib., F, 248, p. 991.
  94. Ib., ib., p. 36 ; et 250, p. 303. Lettre du Min. à M. de Machault pour lui envoyer ladite ordonnance.
  95. Cf. Ord. de M. Gabaret. Arch. Col., F, 250, p. 867, 1er août 1710 ; — et deux arrêts du Conseil de la Martinique, des 6 mars et 7 septembre 1719, F, 251, pp. 975 et 1039.
  96. Moreau de Saint-Méry, III, 159.
  97. L’article 34 du Code Noir spécial à la Louisiane — mars 1724 — contenait déjà cette modification ; seulement l’amende était de 30 livres par jour de rétention pour les affranchis et de 10 livres pour les autres personnes. Cf. Code Noir, éd. de 1788, p. 291.
  98. Moreau de Saint-Méry, IV, 225, et V, 165.
  99. Arch. Col., F, 129.
  100. Arch. Col., F, 226, p. 659.
  101. Arch., Col., F, 134, p. 97.