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L’électricité dans la ferme/Texte entier

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Librairie agricole de la Maison Rustique (p. 5-62).

AVANT-PROPOS

Le mot électricité est aujourd’hui une expression populaire ; mais si beaucoup de personnes parlent souvent de l’électricité et de ses diverses applications industrielles, bien peu connaissent les principes généraux qui règlent l’emploi du fluide électrique dans chaque cas particulier (chimie industrielle, métallurgie, éclairage, transport de l’énergie, etc., etc.). Nul doute que si ces principes étaient mieux connus, il y aurait de plus nombreuses applications de la part des personnes susceptibles de les utiliser.

Au point de vue agricole, le fluide électrique peut être employé pour la production de la lumière, et surtout pour la transmission de la puissance à distance. Dans beaucoup de circonstances, les agriculteurs peuvent trouver à louer à bas prix des moulins à eau ; avec une installation relativement peu coûteuse, ils pourraient transmettre la puissance de la roue hydraulique à la ferme et se procurer ainsi un travail mécanique disponible qui remplacerait avantageusement celui de la machine à vapeur. Dans un autre cas, l’industrie annexée à la ferme comporte une machine à vapeur dont on pourrait utiliser une partie de la puissance pour la production de l’électricité nécessaire à l’éclairage.

Il est incontestable que dans un avenir assez rapproché, les machines électriques prendront rang dans le matériel agricole déjà si complexe. Nous croyons donc utile de vulgariser les données que l’on possède aujourd’hui sur l’électricité.

Quoique les anciens (du temps de Thalès) avaient notion de certains effets de l’électricité, que le médecin anglais Gilbert résuma en 1600 dans son livre de Magnete, l’électricité est une science toute moderne. Nous ne ferons pas ici l’historique, même succinct, des travaux des Otto de Guerike, des Newton, des Grey, Franklin, Volta, Galvani et tant d’autres qui s’illustrèrent dans cette branche de la physique. Nous dirons seulement que l’invention de la pile électrique en 1800, de l’électro-magnétisme en 1820 et de l’induction en 1833 contribuèrent pour beaucoup aux applications de l’électricité.

« Lorsqu’il fut démontré, a dit M. Ed. Becquerel, qu’au moyen des effets d’induction on pouvait développer de l’électricité dans des circuits conducteurs par l’influence d’aimants dont les positions relatives avec celles des conducteurs venaient à changer dans des conditions déterminées, on songea à utiliser cette nouvelle source d’électricité dans laquelle l’action mécanique seule est en jeu. MM. Pixii, Saxton et Clarke, peu après la découverte de Faraday, construisirent des appareils qui portent le nom de ces ingénieurs ; mais ce n’est que lorsqu’on chercha à produire économiquement la lumière électrique en utilisant l’intensité lumineuse de l’arc voltaïque, comme dans l’expérience de Davy, que l’on fit des machines d’induction capables de donner une quantité d’électricité que les actions mécaniques peuvent seules fournir à bas prix. Nous ne pouvons indiquer toutes les machines de ce genre aujourd’hui en usage, mais nous devons dire que celle dont le principe a été donné par M. Gramme en 1871, en raison des effets puissants qu’elle présente sous des dimensions relativement restreintes, a constitué un progrès réel dans la production de l’électricité à l’aide des forces mécaniques[1]. »

Avant l’établissement de ces machines, il fallait consommer du zinc dans des piles pour se procurer le courant électrique ; aujourd’hui on arrive au même résultat en consommant de la houille, qui coûte infiniment moins cher que le zinc.

À l’Exposition universelle de 1867, on remarquait déjà plusieurs tentatives de l’emploi industriel de l’électricité (machine de Ladd) ; en 1873, à l’Exposition de Vienne (machines Gramme) et en 1878, à l’Exposition universelle de Paris. Mais la grande impulsion donnée au développement industriel de cette partie de la physique date de l’exposition d’électricité de Paris (1881), et en 1889 la question avait acquis une telle extension qu’il a fallu consacrer à l’électricité une classe toute spéciale à l’Exposition universelle (classe 6), qui comprenait près de quatre cents exposants.

Nous adopterons dans la suite de ce travail la méthode suivante : Après l’examen des notions préliminaires, unités électriques et mécaniques (chapitre Ier), nous examinerons successivement la production de l’énergie électrique (chapitre II), la ligne électrique (chapitre III) chargée de transmettre le courant de la machine génératrice aux différents récepteurs : lampes pour l’éclairage électrique (chapitre IV), ou dynamos pour la transmission de la puissance (chapitre V), et enfin les appareils et procédés employés pour emmagasiner l’énergie électrique, c’est-à-dire les accumulateurs (chapitre VI).

Le chapitre VII et dernier (Résumé et conclusions) sera, en quelque sorte, la synthèse de l’ensemble précédent.

CHAPITRE PREMIER

Notions préliminaires

Pour mieux comprendre les différents phénomènes qui se produisent lors du fonctionnement d’une machine électrique, il est nécessaire de connaître certaines notions préliminaires et l’explication de certains termes propres au langage spécial de la science électrique[2].


Fig. 1. — Générateur d’électricité.
I. Le fluide électrique, lors de ses manifestations, n’est pas immobile : il circule à l’intérieur des corps soumis à son influence, et porte le nom de courant électrique.

Il y a deux sortes d’électricité, et pour les différencier l’une de l’autre, on leur a donné les noms d’électricité positive et d’électricité négative.

Si nous considérons un générateur quelconque d’électricité (pile ou machine électrique) (fig. 1), les deux fluides électriques s’accumulent en deux points et appelés pôles et de là à des plaques et appelées électrodes (ou rhéophores), auxquelles sont fixés des fils et dits conducteurs. L’un des fils, par exemple, reçoit de l’électricité positive que l’on désigne par le signe  ; l’autre, , est électrisé négativement (signe ). Tant qu’il n’y a aucun contact entre les fils et , il n’y a pas de courant (on dit que le circuit est ouvert). Si le contact s’établit, le circuit électrique est fermé ; il s’établit un courant qui, dans les conducteurs, va du pôle positif au pôle négatifs, tandis que dans l’intérieur du générateur, le circuit est dirigé en sens inverse du pôle négatif au pôle positif . On entend donc par courant la recomposition continue des fluides électriques d’un générateur dont les pôles communiquent ensemble.

Pour que le générateur fonctionne, il n’a pas besoin d’être isolé, le courant électrique suivant toujours les corps les plus conducteurs.

II. Chaque fois que deux courants électriques sont en présence, ils exercent l’un sur l’autre une action attractive ou répulsive ; attractive si les courants sont dirigés dans le même sens, et répulsive si les courants vont en sens inverse l’un de l’autre. De telle sorte que si l’un des deux conducteurs est mobile (A, fig. 2), il s’approche ou s’éloigne de l’autre (B) suivant l’influence de la réciprocité des courants. C’est ce qu’on désigne sous le nom de loi d’Ampère ou loi de l’électrodynamie.


Fig. 2. — Représentation des lois de l’électro-dynamie et de l’induction.
III. Supposons que l’un des deux conducteurs précitée (, fig. 2) soit parcouru par des courants électriques (appelés courants inducteurs) et soit animé d’un mouvement, c’est-à-dire qu’il s’éloigne ou se rapproche de l’autre conducteur neutre  ; sous l’influence simultanée des courants et du mouvement, il se manifestera dans le conducteur neutre , de plus faible résistance électrique, un courant appelé courant induit. C’est la loi de Faraday ou loi de l’induction.

IV. Le courant induit est de sens contraire du courant inducteur lorsqu’il y a rapprochement et de même sens lorsqu’il y a éloignement. C’est ce que l’on nomme la loi de Lenz.

Les conducteurs peuvent rester immobiles et la loi de Lenz peut encore se manifester, il faut alors que le courant inducteur soit discontinu : le courant induit est de sens contraire lors de l’arrivée du courant inducteur ; il est de même sens lors de sa disparition. (On trouve une application de ce cas spécial dans la bobine de Rhumkorff.)


Fig. 3. — Électro-aimant.
V. Un des courants électriques peut être remplacé par l’influence d’un aimant (magnétisme) ou mieux, d’un électro-aimant. L’électro-aimant, à égalité de poids, donnant un champ magnétique plus puissant que l’aimant, on fut conduit à l’emploi de ce genre d’induction dans les machines électro-dynamiques. L’électro-aimant est composé en principe d’un axe ou noyau en fer doux (fig. 3) placé à l’intérieur d’une bobine sur laquelle est enroulé un fil de cuivre isolé . Chaque fois qu’un courant électrique traverse le fil , le noyau de fer doux devient magnétique, et joue le rôle d’un aimant naturel ; le magnétisme cesse avec le courant qui traverse le fil de la bobine .

Couplage des récepteurs.


Fig. 4. — Couplage direct.
Toute installation électrique comprend :

1° Un générateur d’électricité , fig. 4, pile électrique ou machine dynamo-électrique qui, dans ce cas, porte le nom de génératrice.

2° Une ligne électrique formée de deux fils conducteurs et  ; l’un des fils, , dit fil d’aller ou conducteur principal ; l’autre , appelé fil de retour.

3° D’un ou plusieurs récepteurs (lampes ou moteurs électriques appelés dans ce cas réceptrices).

Lorsqu’il n’y a qu’un récepteur, comme dans la figure 4, ce dernier est en relation avec la génératrice par les deux fils et .
Fig. 5. — Couplage en tension.

Lorsqu’il y a plusieurs récepteurs, leur couplage peut s’effectuer :

1° En tension ou en série lorsque les récepteurs a, b, e (fig. 5), sont intercalés à la suite les uns des autres dans le circuit f g. Ce système rend tous les récepteurs solidaires.


Fig. 6. — Couplage en dérivation.
2° En dérivation (ou en quantité, surface ou arc multiple), lorsque chacun des récepteurs d, h, k, n (fig. 6) est relié d’une part avec le conducteur (f) et d’autre part avec le fil de retour (g) ; ce genre de montage rend les récepteurs indépendants les uns des autres.

Les unités électriques.

Il est absolument impossible d’indiquer, de discuter les résultats d’expériences électriques (lumière, transport dela puissance, etc.) et de déterminer les diverses conditions d’applications, si l’on n’est pas au courant de certaines unités employées par les électriciens.

Certes, il sortirait du cadre de cette étude, d’expliquer en détail en quoi consistent ces différentes unités, aussi je tâcherai de les présenter sous une forme peut-être peu scientifique, mais qui, pouvant être comprise par le plus grand nombre, aura pour avantage de vulgariser ces notions.

Autrefois, dans chaque pays, les physiciens et les électriciens se servaient d’unités arbitraires spéciales, aussi est-ce avec un réel intérêt pratique que le congrès international des électriciens, réuni à Paris à l’occasion de l’Exposition universelle d’électricité en 1881, a arrêté les bases des unités électriques. — La sanction de ces unités a été donnée par le congrès international, réuni l’année suivante par le gouvernement français, auquel ont répondu toutes les puissances, depuis l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie, la Norwège, jusqu’aux plus petites républiques de l’Amérique du Sud (vingt-huit États y étaient représentés [3]).

Le système adopté par le congrès international, ayant comme unités fondamentales : le centimètre (unité de longueur), le gramme (unité de poids), et la seconde (unité de temps), a pris le nom spécial de système centimètre-gramme-seconde, ou en abrégé système CGS, afin de le différencier des autres.

Il est intéressant de noter ici que, même dans les congrès de 1889, les électriciens ont tenu à conserver leurs unités CGS sans chercher à les faire concorder avec celles des mécaniciens qui sont : le mètre (unité de longueur), le kilogramme (unité de poids), et la seconde (unité de temps). — Sans insister sur les discussions qui ont eu lieu à ce sujet, tout en constatant que les différences entre les unités des électriciens et les unités des mécaniciens ont pour résultat de compliquer les choses au lieu de les simplifier et de rendre plus obscure, pour certaines personnes, la comparaison des deux systèmes, nous sommes obligés d’employer ici le système CGS.

Considérons un fil électrique ou circuit traversé par un courant, et cherchons les différents rapports qui peuvent exister entre le courant, son énergie et ses différentes manifestations :

1° Le potentiel est la pression électrique sur un point du circuit. Pour qu’il y ait courant, il faut que le potentiel à chaque point du circuit soit différent d’une quantité quelconque : c’est ce qu’on nomme la différence des potentiels. C’est en définitive comme pour une conduite d’eau sous pression : si la pression (potentiel ) est la même aux deux extrémités de la conduite, il n’y a pas d’écoulement et le fluide est en repos ; pour que ce dernier se mette en mouvement, il faut qu’à une extrémité de la conduite, la pression (finale) soit plus faible qu’à l’autre (pression initiale) : l’eau s’écoulera d’autant plus vite que la différence des pressions (différence des potentiels) sera plus grande : il en sera de même du fluide électrique circulant dans un conducteur.

2° La différence des potentiels dans un circuit correspond à une certaine force dite force électro-motrice[4]. (En pratique, l’unité de force électro-motrice (volt) est à peu près celle qui est fournie par une pile Daniell.)

3° Le conducteur ou circuit traversé par le courant, présente au fluide électrique une certaine résistance : si le circuit est bon conducteur, sa résistance est faible ; s’il est mauvais conducteur, sa résistance est élevée, c’est-à-dire qu’il faudra un courant plus intense pour le traverser ; c’est ce qu’on nomme la résistance du corps ou du circuit[5]. (L’unité pratique de résistance (ohm) est représentée par un fil de fer de 1, 000 mètres de longueur et de 4 millim. de diamètre).

4° Le courant qui traverse le circuit est plus ou moins intense et cette intensité[6] dépend de la force électro-motrice et de la résistance du circuit. (L’unité pratique (Ampère) est représentée par un courant d’un volt traversant un circuit d’une résistance d’un ohm.)

5° Un courant d’une certaine intensité produit une certaine quantité d’électricité[7]. (L’unité pratique (Coulomb) est la quantité d’électricité débitée par seconde par un courant d’un ampère.)

6° Lorsque l’électricité se condense ou s’accumule dans un corps, la quantité d’électricité emmagasinée dépend du corps considéré, c’est-à-dire de sa capacité[8]. (La quantité d’électricité emmagasinée est fonction de la pression électrique (force électro-motrice) comme la quantité de gaz contenue dans un récipient dépend du volume du récipient et de la pression du gaz ; l’unité pratique est le farad.)

Les cinq grandeurs fondamentales sont donc : l’intensité, la quantité, la force électro-motrice, la résistance et la capacité. Pour abréger, en même temps que pour honorer la mémoire des savants qui se sont occupés de la science électrique, on leur a donné les noms suivants, tout en les désignant par un symbole :

Grandeurs. Symboles. Nom des
unités pratiques.
Intensité. I Ampère.
Quantité. Q Coulomb.
Force électro-motr. E Volt.
Résistance R Ohm.
Capacité. C Farad.

La célèbre loi de Gabriel-Samuel Ohm, physicien d’Erlangen (Bavière), établit, ainsi qu’il suit, la relation entre les trois grandeurs d’intensité (I), de force électromotrice (E) et de résistance (R) :

d’où l’on titre :

 ;

Nous avons vu que la loi de Ohm donne

 ;

dans un autre cas on aurait pu avoir :

 ;

en divisant membre à membre ces deux égalités on aura

 ;

si dans cette relation on fait :

1° , on a

 ;

ou en d’autres termes la résistance du circuit étant constante, l’intensité du courant est directement proportionnelle à la force électro-motrice.

2° , on a

 ;

Pour une même force électro-motrice, l’intensité est inversement proportionnelle à la résistance du circuit.

C’est donc en diminuant la résistance du circuit, qu’on arrive à augmenter le rendement en intensité sans faire varier la force électro-motrice.

3° Si , on a

Dans deux circuits de même intensité, les forces électro-motrices sont proportionnelles aux résistances.

En dehors des cinq unités précitées, on fait couramment usage de quelques autres dérivées des précédentes et parmi lesquelles il est indispensable de connaître :

Puissance électrique : l’unité est le watt ou le volt-ampère, puissance due à un courant d’un ampère sous une différence de potentiel égale à un volt.

Ainsi 1 cheval-vapeur (75 kilogrammètres par seconde) représente 736 watts[9]. (Nous verrons plus loin qu’une machine dynamo-électrique produit, en pratique, 650 watts par cheval-vapeur, par suite des différentes déperditions du travail mécanique.)

[10].

c’est-à-dire, d’après la nouvelle nomenclature adoptée par le congrès international des mécaniciens (1889) :

[11]

La loi de Joule établit ainsi les relations entre la quantité de travail ou de chaleur , l’intensité du courant, la résistance du circuit et le temps  :

Si on remplace par sa valeur tirée de la loi de Ohm, la loi de Joule se réduit en :

ou la quantité de travail développé dans un circuit électrique est proportionnelle à l’intensité du courant, à sa force électromotrice et au temps.

Telles sont les principales mesures électriques dont nous aurons occasion de parler dans la suite de ce travail. — Ces unités étant aujourd’hui admises et employées dans tous les pays, je ne parlerai pas des anciennes mesures, qui compliqueraient l’étude sans aucun profit.

Les unités mécaniques.

Nous rappellerons en peu de mots les principales unités mécaniques dont nous aurons occasion de nous servir dans la suite de cette étude.

L’unité de force ou d’effort est le kilogramme.

Il y a un travail mécanique dépensé ou produit lorsque l’effort (la force ou la pression) se déplace et parcourt un certain chemin.

L’unité de chemin parcouru est le mètre.

L’unité de travail mécanique est le kilogrammètre qui correspond au travail produit par une force égale à 1 kilogr. se déplaçant suivant un chemin égal à 1 mètre.

Donc si est l’intensité de l’effort (en kilogrammes) dans la direction du chemin parcouru (en mètres), le travail mécanique a pour expression

Ainsi un cheval qui exerce un effort de traction de 75 kilogr., se déplaçant suivant un chemin dont la longueur est de 100 mètres, produit dans ce cas un travail mécanique de

La puissance est la quantité de travail mécanique que peut fournir un moteur pendant l’unité de temps, qui est la seconde.

Ainsi dans l’exemple précédent, le cheval parcourant les 100 mètres en 125 secondes, ou ayant une vitesse de 0m,80 par seconde, sa puissance sera de ;

L’unité de puissance mécanique est donc le kilogrammètre par seconde (effort chemin parcouru par seconde par cet effort et suivant sa direction).

L’unité industrielle de puissance était autrefois le cheval-vapeur qui est égal à 75 kilogrammètres par seconde.

Le congrès international des mécaniciens en 1889 a fixé la nouvelle unité industrielle de puissance mécanique à 100 kilogrammètres par seconde en lui donnant le nom du célèbre ingénieur Poncelet[12].

En Angleterre, l’unité industrielle qui est le cheval-vapeur (horse-power) ne correspond pas à notre ancienne unité française :

1 horse-power = 75,9 kilogrammèt. par seconde.
1 horse-power = 1,0139 cheval-vapeur.

On emploie souvent l’unité dite cheval-heure pour exprimer la quantité de travail mécanique fournie par un moteur quelconque :

.

Dans cet ordre d’idées on aurait :

.

La puissance d’un moteur (hydraulique, à vapeur, etc.) se mesure en multipliant l’effort F tangentiel sur le volant ou la poulie par le chemin parcouru par seconde à la circonférence.

Si est le rayon du volant ou de la poulie, son nombre de tours par minute

représente la vitesse à la circonférence par seconde, et

est la puissance fournie par la machine en kilogrammètres, par seconde.

Ainsi, par exemple, soit un moteur dont la poulie d’un rayon de 0m,30, fait 120 tours par minute et exerce un effort tangentiel sur la courroie de 30 kilogrammes.

La puissance en kilogrammètres, par seconde, est

La puissance de ce moteur est :

113,10 kilogrammètres par seconde.

cheval-vapeur.

poncelet.

La transformation des unités mécaniques industrielles en unités électriques s’indique en watts :

1 kilogrammètre = 9,81 watts.
1 cheval-vapeur = 736,00 watts.
1 horse-power = 746,00 watts.
1 poncelet = 981,33 watts.

Le tableau suivant résume les rapports qui existent entre les différentes unités mécaniques et électriques précédentes :


UNITÉS KILOGRAMMÈTRE CHEVAL-VAPEUR PONCELET WATT
Kilogrammètre 1,0000 0,0133 0,010000 9,81
Cheval-vapeur 75,0000 1,0000 0,750000 736,00
Poncelet 100,0000 1,3300 1,000000 981,33
Watt 0,1019 0,0013 0,001019 1,00
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Fig. 46. — Emploi de la lumière électrique pour les travaux de la moisson.

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CHAPITRE VI
EMMAGASINEMENT DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

Les accumulateurs.

On a eu l’idée de chercher différents systèmes qui seraient susceptibles de recevoir et d’emmagasiner un courant électrique, puis, à un moment voulu, de restituer ce courant, au moins partiellement, tout comme on emmagasine l’eau dans un réservoir ou un effort dans une lame de ressort.

Ces systèmes sont analogues aux piles hydro-électriques, tout en ayant cette différence que, si les piles ordinaires produisent les courants, ces piles spéciales (appelées secondaires) sont destinées à emmagasiner l’énergie électrique qui leur est fournie.

Les phénomènes qui se passent dans les-piles secondaires (qui sont dus à ce que les électriciens appellent la polarisation des électrodes), ont été observés en 1801 par Gautherot, en 1803 par Ritter, puis par Grove. Mais la réalisation pratique est due à M. G. Planté (1860), qui en a donné une description dans ses Recherches sur l’électricité.

La pile secondaire, ou accumulateur de M. Planté, se compose en principe de deux lames de plomb immergées dans un vase contenant de l’eau acidulée par l’acide sulfurique. Si l’on met les électrodes de ces lames en communication avec une pile, l’une se couvre d’hydrogène, l’autre d’un dépôt de peroxyde de plomb.

Lorsque l’accumulateur est chargé, il peut (s’il est parfaitement bien isolé) conserver indéfiniment la quantité d’électricité qui lui a été fournie.

À la décharge, on observe un courant énergique, qui a une durée variable avec la résistance du circuit qui lui est offert. Ces accumulateurs se réunissent en batterie comme les piles ordinaires ; généralement, à la charge, on les groupe en quantité, et on les monte en tension pour la décharge. — En pratique, il ne convient pas de laisser les accumulateurs chargés plus de deux ou trois semaines (un mois pour des appareils exceptionnels).

D’après M. Planté, l’accumulateur restituerait de 88 à 89 % de la quantité d’électricité qui lui a été fournie ; ce chiffre s’abaisse pour les appareils industriels à 40 et 60 %.

En pratique, les accumulateurs se chargent par des machines à courant continu.

Voici quelques données sur deux types d’accumulateurs très employés aujourd’hui.

Faure employa des sels et oxydes de plomb dans ses accumulateurs ; Volckmar eut l’idée d’enchâsser la matière active (plomb divisé, oxyde de plomb, etc.) dans des cellules ou grilles ; Sellon, pour assurer la durée des électrodes, les construit en alliages inaltérables de plomb et d’antimoine. C’est la combinaison des trois inventions précédentes qui a conduit la Société française des accumulateurs électriques aux accumulateurs Faure-Sellon-Volckmar.


Fig. 58. — Vue d’une plaque jumelle d’un accumulateur Faure-Sellon-Volckmar.
Le dernier modèle (1888), dit à plaques jumelles amovibles, se compose d’une série plus ou moins nombreuse de plaques accouplées par un pont en alliage de plomb et d’antimoine ; (la figure 58 représente une de ces plaques jumelles).


Fig. 59. — Batterie d’accumulateurs.
En principe, comme le représente la figure schématique 59, la batterie se compose d’un certain nombre de cuves prismatiques A B C D en bois doublé de plomb, placées les unes à côté des autres, dans lesquelles on pose les plaques jumelles a, b, c, d, e, f, g, h, une des plaques b jouant dans une cuve (A) le rôle d’électrode négative, l’autre c dans l’autre cuve (B), d’électrode positive, d’une façon analogue à une batterie de piles électriques, avec cette différence que chaque récipient reçoit un certain nombre de plaques positives et négatives. Les plaques sont maintenues à l’écartement voulu au moyen de fourchettes en verre qui empêchent le circuit de se fermer dans une quelconque des cuves. À chaque extrémité de la batterie, les plaques sont simples et se réunissent à un collecteur qui reçoit les bornes P et N, où aboutissent les fils électriques.

Les plaques ressemblent à une grille en alliage Sellon, dans les trous desquelles on comprime du minium, du plomb réduit ou un sel de plomb. Ces plaques réduites durent très longtemps.

Le liquide dans lequel baignent les électrodes est de l’eau distillée additionnée de 10 % (en volumes). Quand le niveau du liquide baisse par suite de l’évaporation, on le rétablit par une addition d’eau distillée.

Le tableau suivant indique les dimensions et les poids des cuves suivant les intensités et la capacité électrique.

Accumulateurs Faure-Sellon-Volckmar.
DIMENSIONS
en millimètres.
POIDS INTENSITÉ MAXIMUM
des courants
CAPACITÉ électrique (ampères, heures).
Longueur. Largueur. Hauteur. Approximatif des plaques. Brut de l’accumulateur. À la charge (ampères). À la décharge (ampères).
165 90 220 6k 8k 6 12 60
130 10 13 10 20 100
180 15 20 15 25 150
400 190 300 30 45 30 45 300
217 40 60 40 60 400
325 60 85 60 90 600
406 80 110 80 120 800
524 100 130 100 150 1000
632 125 160 125 180 1250
740 150 200 150 225 1500
983 200 360 200 300 2000

Ainsi le plus grand modèle, pouvant fournir 2,000 ampères heure, donnera, suivant les cas, un courant de 200 ampères en 10 heures, de 20 ampères en 100 heures, 50 ampères en 40 heures, et ainsi de suite.

Dans les accumulateurs Reynier, les plaques sont formées par une seule feuille de plomb plissée maintenue dans un cadre.

Voici quelques indications à leur sujet.

Accumulateurs Reynier.
DIMENSIONS EXTÉRIEURES
en centimètres.
PLAQUES POIDS
total des accumulateurs.
COURANT CAPACITÉ
électrique (ampères, heures).
Longueur. Largeur. Hauteur. Nombre. Poids total. À la charge (ampères). À la décharge maximum (ampères).
23 11 30 3 3k6 7k 2 à 3 4 14
11 4 4.8 8 3 à 4 6 20
23 9 10.8 18 8 à 12 18 56
23 13 15.6 23 14 à 18 24 84
42 23 19 22.8 42 20 à 25 40 130
23 27 32.4 50 30 à 40 60 190

Je n’insisterai pas sur les autres modèles (Khotinsky, de Montaud, Pollak, etc.).

Voici, à titre d’exemple, les résultats d’expériences faites en janvier 1882 par la Commission de l’exposition d’électricité sur les accumulateurs C. Faure (d’après E. Hospitalier).

Accumulateurs. — Lames de plomb (spirales) recouvertes de minium maintenu, appliqué contre elles par du papier parchemin et du feutre (type de 1881), 10 kilogr. de minium par mètre carré. — Liquide : eau distillée et (en poids) d’acide sulfurique.

Batterie de 35 éléments ronds pesant brut chacun 43k7. Poids total : .

Charge par une dynamo Siemens excitée en dérivation (shunt-dynamo).

Durée : 22 heures 45 minutes.

Courant : 11 à 6,36 ampères.

Courant : 91 volts (potentiel moyen).

Quantité totale d’électricité donnée : 694,500 coulombs.

Travail mécanique fourni :

Kilogrammètres.
Travail de charge effectif. 6,382,100
Excitation de la dynamo. 1,883,600
Échauffement de l’anneau de la dynamo. 269,800
Résistances passives. 1,034,580
Travail total fourni. 9,570,000

Décharge : durée, 10 heures 39 minutes.

Décharge : courant moyen, 16,2 ampères.

Décharge : courant moyen, 61,5 volts (potentiel moyen) sur 12 lampes Maxime en dérivation.

Décharge : Quantité totale d’électricité rendue, 619,600 coulombs.

La perte a été de 74,900 coulombs (694,500 — 619,600), soit 10 %.

Le travail disponible extérieur a été de 3,809,000 kilogrammètres, soit 40 % du travail total fourni (9,570,000) et 60 % du travail emmagasiné (6,382,100).

Certainement l’accumulateur ne restitue pas la totalité de l’énergie électrique qu’il a reçu (les constructeurs accusent un rendement de 75 %), mais dans certains cas, cette perte n’a pas une grande importance industrielle lorsque sans accumulateurs on ne pourrait se servir utilement du courant électrique.

Ainsi, supposons qu’un ruisseau, traversant une exploitation agricole, soit susceptible d’actionner une roue hydraulique fournissant la puissance d’un demi-poncelet (50 kilogrammètres par seconde) ; il est certain que cette puissance serait insuffisante pour certains travaux qui, devant être exécutés rapidement, exigent une certaine quantité de travail mécanique.

On sait, en tenant compte de la transmission, qu’une dynamo produit 650 watts par cheval-vapeur, ou, en adoptant la nouvelle unité mécanique industrielle watts par poncelet.

La petite roue hydraulique de l’exemple précédent pourra commander une dynamo donnant watts. Admettons que la dynamo alimente pendant trente-huit heures un accumulateur dont la décharge est utilisée en 10 heures sur une réceptrice, on aurait les résultats suivants en se basant sur les expériences de la commission de l’exposition d’électricité :

Charge. — 50 kilogrammètres par seconde à la roue.

Charge. — 433 watts par seconde.

Charge. — en 38 heures, par exemple :

6,840,000 kilogrammètres,
59,234,400 watts.

Décharge. — 40 % du travail total fourni.

Charge. — Durée, 10 heures.

Charge. — 658,16 watts par seconde.

La réceptrice absorbant près de 1,100 watts par cheval (voir le chapitre précédent) ou 1 watt donnant 0,07 kilogrammètres par seconde, les 658,16 watts donneront à la réceptrice 0,46 poncelets.

Ainsi, le travail fourni à l’accumulateur est, déduction faite des résistances passives de la transmission et des pertes de la génératrice, de 6,840,000 kilogrammètres ; avec un rendement de 40 % l’accumulateur donnerait 2,736,000 kilogrammètres ; mais le rendement de la réceptrice étant de 60 %, on n’obtiendra que 1,641,600 kilogrammètres pratiquement utilisables, soit près de 46 kilogrammètres par seconde pour une durée de travail de 10 heures.

On peut dresser le tableau suivant d’après les données précédentes :

PUISSANCE
motrice à la génératrice.
DURÉE PUISSANCE
motrice à la réceptrice (poncelets).
NOMBRE
de jours de marche de la réceptrice.
De la charge des accumulateurs. De la décharge.
1 poncelet. 38 heures. 10 heures. 0.91 1 sur 2
1 poncelet. 60 heures. 10 heures. 1.44 1 sur 3
1 poncelet. 86 heures. 10 heures. 2.06 1 sur 4
1 poncelet. 110 heures. 10 heures. 2.64 1 sur 3

Ainsi, avec une roue hydraulique de la puissance de 2 poncelets (2 chevaux-vapeur 2/3) et une transmission directe par l’énergie électrique on n’aurait à la réceptrice, avec un rendement de 60 %, qu’une puissance disponible de 1,2 poncelet (1 cheval 1/3), qui serait insuffisante pour les battages, par exemple.

Tandis qu’avec les accumulateurs, en marchant un jour sur deux, on aurait pendant dix heures une puissance à la réceptrice de près de 2 poncelets (182 kilogrammètres par seconde, ou 2,42 chevaux-vapeur), et en marchant un jour sur cinq, près de 5,28 poncelets, ou 7 chevaux-vapeur.

Enfin, si l’on dispose d’une machine à vapeur qui ne fonctionne que le jour, l’accumulateur pourra devenir générateur pendant la nuit pour l’éclairage de la ferme.


Fig. 60. — Accumulateur intercalé dans un circuit.
Les accumulateurs peuvent encore être employés comme régulateurs pour atténuer les oscillations provenant des irrégularités du moteur (cas général des installations agricoles) ; pour cette application, l’accumulateur A est monté en tension sur le circuit f, ainsi que le représente schématiquement la figure 60, dans laquelle Gest la machine génératrice.

Les accumulateurs ont une durée de deux à cinq ans, au bout desquelles les plaques commencent à se fendiller.

L’installation des accumulateurs est très simple, un commutateur permet de mettre en communication l’accumulateur tantôt avec la dynamo-génératrice, tantôt avec le circuit. La charge a lieu avec un courant dont l’intensité est comprise entre 0, 5 et 1 ampère par kilogramme de plaque ; il faut environ 2 volts 1/2 par élément.

La charge demande plus de temps quand les accumulateurs sont neufs ou complètement épuisés ; il ne faut jamais pousser la charge trop loin, et de même les décharger complètement.

On reconnaît qu’un accumulateur est chargé à saturation quand il se produit un dégagement continu de gaz sur les électrodes et quand la densité du liquide augmente (ce que l’on peut constater à l’aide d’un aéromètre).

Les accumulateurs dégageant des gaz explosibles (mélange d’oxygène et d’hydrogène) doivent être placés dans un lieu bien ventilé, et où il ne se trouve pas de lampes à feu nu.

CHAPITRE VII
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

Il résulte de l’ensemble de cette étude, dont certains points ont été souvent présentés sous une forme aride mais déterminée par la nature même du sujet, que dans un avenir prochain l’électricité trouvera de nombreuses applications à la ferme.

C’est précisément pour aller au devant de ces applications que j’ai cru utile de mettre le lecteur au courant de la situation actuelle. Beaucoup de personnes seraient désireuses de se servir de l’électricité, mais sont retardées parce qu’elles ne possèdent pas des données pratiques à ce sujet, données qui ne figurent pas, à notre point de vue spécial, même dans les récents traités de physique ; d’autres, enfin, initiées dans les principes généraux, verront peut-être, d’après les documents qui précèdent, qu’ils pourraient avantageusement introduire l’électricité dans leur exploitation rurale.

En résumé, au point de vue agricole, les deux grandes utilisations de l’électricité sont : la lumière et la transmission de la puissance.

Je ne reviendrai pas sur les avantages que présente l’emploi de la lumière électrique, notamment la lumière par incandescence, dans les fermes où les incendies sont faciles à naître et difficiles à éteindre.

Pour la transmission et la puissance, la question est très importante et peut se diviser en deux groupes qu’on peut appeler les transmissions intra-muros et les transmissions extra-muros.

Les transmissions dans l’intérieur même de la ferme peuvent être très fréquemment employées et avec le plus de succès, étant placées sous la surveillance immédiate du chef.

Dans combien de fermes ne voit-on pas dans un bâtiment fonctionner la machine à vapeur, tandis qu’en même temps, à une faible distance, dans un autre bâtiment, se trouve un homme qui fait mouvoir un tarare, un couperacines, etc., etc. ? Si l’on interroge l’agriculteur sur cet état de choses, il répondra que certainement il vaudrait mieux que la machine à vapeur actionnât le tout, mais qu’il faudrait pour cela installer des arbres de couche souvent très longs, ou des transmissions télodynamiques, des renvois, etc., etc. Ici, dans cet exemple, l’électricité se plie avec une merveilleuse facilité aux différentes dispositions des bâtiments d’une ferme, quelles que soient leurs positions respectives. Il n’y a aucun alignement ou ligne parallèle ou perpendiculaire à observer ; l’organe essentiel de la transmission est un fil, un câble qui passe à l’endroit le plus commode, contre un mur, en l’air, sous terre, etc.

Mais le plus bel emploi de la transmission de la puissance par l’énergie électrique est celui d’une machine génératrice placée à une certaine distance de la ferme, envoyant le courant à un poste central d’où il se bifurquerait, à l’aide de commutateurs, à différentes réceptrices installées soit à poste fixe, soit en locomobiles : à poste fixe dans l’atelier de préparation des aliments du bétail pour le fonctionnement des concasseurs, aplatisseurs, coupe racines, hachepaille ; dans les greniers, pour la mise en marche du tarare et du trieur ; pour la manœuvre des pompes à eau d’alimentation et à purin. Une dynamo pourrait être montée en locomobile, accouplée à la batteuse même pour le battage en plein air et permettrait ainsi à la machine de se rapprocher successivement de chaque meule de gerbes, ou parcourir successivement les différentes travées de la grange.

Ce que je viens de dire n’est donné qu’à titre d’exemple pour faire saisir les nombreuses et variées applications que l’on peut tirer de la transmission de la puissance à l’aide de l’électricité.

Dans toutes ces applications, force ou lumière, il est indispensable de créer ou d’engendrer le fluide électrique et on ne l’obtient industriellement qu’à l’aide des dynamos. L’emploi des piles hydroélectriques n’est pas pratique : le courant qu’elles fournissent revient à un prix trop élevé, et s’il y a un jour une application des piles, ce sera des piles thermo-électriques, c’est-à —dire des appareils formés de différents métaux dont les soudures sont portées à une certaine température ; dans ce genre de générateur il y a la pile Clamond, chauffée au coke comme un véritable calorifère. C’est aux chercheurs à reprendre cette idée qui deprime abord est très séduisante en ce sens qu’elle permettrait de supprimer un intermédiaire coûteux : la machine motrice à vapeur ; l’installation comprendrait alors une pile chauffée directement (comme une chaudière), un circuit et une ou plusieurs réceptrices.

Mais, dans l’état actuel, il est plus économique de se servir d’un moteur à vapeur et à plus forte raison d’une puissance naturelle (moteur hydraulique).

Il ne faudrait pas non plus pousser les choses à l’extrême et installer une machine à vapeur spécialement affectée au service électrique de la ferme : ce qui est avantageux pour les stations et usines centrales dans nos grandes villes, deviendrait ruineux dans nos exploitations rurales.

Au contraire, l’installation électrique trouve sa place naturelle dans les fermes auxquelles est annexée une industrie (distillerie, laiterie, etc.) ; là, la machine à vapeur existe déjà, avec une puissance peut-être plus que suffisante et l’accouplement d’une dynamo sur la transmission est chose généralement facile. Dans cet exemple, il y a deux cas à considérer :

1° La machine à vapeur effectue un travail de jour et de nuit.

2° La machine ne travaille que le jour.

Dans le premier cas, on se contentera seulement d’une dynamo commandant directement le circuit.

Dans le second, lorsqu’il s’agira de l’éclairage électrique, afin d’éviter de chauffer spécialement la machine à cet effet, on emploiera des accumulateurs chargés le jour parla dynamo et déchargés la nuit dans le circuit.

Pour les transmissions à distance, il y a également deux cas à considérer :

1° La machine motrice a une puissance suffisante.

2° Elle a une puissance insuffisante pour le travail que l’on exige à la réceptrice.

Dans le premier cas, le moteur sera directement accouplé avec une génératrice reliée au circuit. La génératrice sera mise en marche au moment voulu.

Dans le second cas, le travail exigé à la ferme étant intermittent, la génératrice marchant continuellement, enverra le courant à une batterie d’accumulateurs qui seront reliés au moment voulu avec le circuit extérieur.

En résumé) les applications de l’électricité à la ferme, puissance et lumière, ne sont possibles que si l’on dispose déjà d’un moteur que l’on n’a pas besoin d’installer ou de faire marcher spécialement pour le service électrique ; elles sont par conséquent encore plus économiques si l’on dispose d’une puissance hydraulique dont le travail revient à meilleur marché que celui fourni par la machine à vapeur.

Un très bel exemple d’installation électrique agricole se rencontre sur le domaine de Noisiel appartenant à MM. Menier. Une des fermes du domaine, la ferme du Buisson, est reliée à l’usine de Noisiel par des câbles qui apportent l’énergie électrique (produite par la chute d’eau de Noisiel) nécessaire à l’éclairage de la ferme et à la mise en marche des machines : deux installations de transmissions sont en usage courant au Buisson :

1° Une machine à battre d’Albaret, locomobile à grand travail, munie d’un appareil lieur, accouplée directement à une dynamo, d’une puissance de 8 chevaux.

2° Une petite dynamo commande l’atelier de manipulation des aliments et actionne un laveur, un élévateur, un coupe-racines, un hache-paille, un concasseur et un aplatisseur.

Dans combien de cas les agriculteurs ne trouveraient-ils pas avantage soit à louer des petits moulins déjà installés (beaucoup de ces moulins sont aujourd’hui à louer à bas prix, abandonnés qu’ils sont par suite de la crise provenant de la substitution des cylindres aux meules), et dans combien de cas ne pourrait-on pas établir une chute d’eau spécialement affectée au service de la ferme ?

On a eu aussi l’idée d’utiliser les moteurs à vent ; mais le problème, qui devient plus complexe, présente moins de chances de succès : il faut, en effet, un intermédiaire entre le moteur à vent et la dynamo ; cette dernière, pour fonctionner dans de bonnes conditions, exigeant un mouvement uniforme[13]. L’installation par moulin à vent comprendrait, en général :

Un moulin à vent actionnant des pompes élevant l’eau dans un réservoir. L’eau du réservoir s’écoulerait pendant un temps donné sur une roue ou un autre moteur hydraulique auquel serait accouplée la dynamo, qui probablement nécessiterait l’emploi d’accumulateurs.

Il y a là trop de machines intermédiaires pour que l’application soit économique, même avec la puissance gratuite du vent ; ainsi, pour fixer les idées, supposons, dans les meilleures conditions de fonctionnement, que les rendements soient :

Pour la pompe, 70 %.
Pour le moteur hydraulique, 80 %.
Pour la transmission et dynamo (rendement électrique), 90 %.
Pour les accumulateurs, 40 %.

Le rendement électrique final serait :

S’il s’agit d’une transmission de puissance, en fixant le rendement de la réceptrice à 50 %, le rendement final serait de .

C’est-à-dire qu’on ne dépasserait pas au maximum 10 % et qu’au contraire il y aurait beaucoup de chances pour obtenir en pratique un rendement bien plus faible qui n’atteindrait peut-être pas 6 à 7 %. Or, faire une installation si compliquée et par suite si coûteuse pour ne recueillir que 7 % du travail utile fourni par le moteur à vent, n’est pas à conseiller, même, comme certaines personnes pensaient le faire, en établissant les moteurs sur le littoral où le vent souffle d’une façon presque continue.

On peut encore examiner la question sous une autre face. Beaucoup d’usines installées en pleine campagne, notamment les sucreries, ont des moteurs à vapeur qui chôment une grande partie de l’année. Pourquoi, après entente avec les agriculteurs compris dans un rayon de 5 à 6 kilomètres, ces usines ne pourraient-elles pas se transformer en usines centrales d’électricité à l’instar de celles établies dans nos villes ? L’usinier et l’agriculteur y trouveraient certes un profit, l’un en utilisant une partie de son matériel, l’autre en ne payant que l’électricité consommée, alors qu’aujourd’hui les compteurs d’électricité sont rentrés dans la pratique courante.

Si nous généralisons, il n’y a pas que les sucreries qui peuvent se transformer en générateurs d’électricité utilisée dans les exploitations agricoles environnantes ; il y a tous les établissements industriels répartis en si grand nombre dans nos campagnes : les filatures, les minoteries, les usines métallurgiques, les fabriques de produits chimiques, les mines, etc., etc. La solution de ce problème aurait une importance sociale et économique de premier ordre, et peut-être est-il réservé à l’Électricité de provoquer le rapprochement intime de l’Industrie et de l’Agriculture et de nous faire assister à l’union fraternelle des travailleurs concourant chacun dans leur sphère d’action au bien-être de la Société.

TABLE DES MATIÈRES

Pages.

CHAPITRE PREMIER
NOTIONS PRÉLIMINAIRES

Notions préliminaires 
 7
Couplage des récepteurs 
 8
Les unités électriques 
 9
Les unités mécaniques 
 11

CHAPITRE II
PRODUCTION DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

Les machines dynamo-électriques 
 13
Travail des dynamos 
 19
Accessoires des dynamos 
 20
Distribution de l’énergie électrique 
 23
Régulateurs 
 25

CHAPITRE III
LA LIGNE ÉLECTRIQUE

Conducteurs 
 26
Les lignes aériennes 
 29
Isolement d’une ligne 
 33
Frais d’établissement d’une ligne électrique 
 34

CHAPITRE IV
L’ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE

Unités photométriques 
 35
Les systèmes d’éclairage 
 36
L’arc voltaïque 
 36
L’incandescence 
 38
Montage des lampes 
 42

CHAPITRE V
TRANSMISSION DE LA PUISSANCE

Transmission de la puissance 
 45
Prix de revient d’une transmission électrique 
 51

CHAPITRE VI
EMMAGASINEMENT DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

Les accumulateurs 
 53

CHAPITRE VII

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS 
 58
  1. Exposition internationale d’électricité 1881.
  2. Il est bien entendu que nous ne nous occupons ici que d’électricité dynamique.
  3. Le congrès s’est constitué an ministère des affaires étrangères le 16 octobre 1882, sous la présidence de M. Cochery, ministre des postes et télégraphes.
  4. L’unité de force électro-motrice CGS est celle qui pour l’unité de quantité développe l’unité de travail (dite erg), c’est-à-dire le travail de la force d’une dyne (1 gramme à 1 centimètre).
  5. Le conducteur a une unité de résistance CGS lorsqu’une force d’une unité électro-motrice entre ses extrémités (ou plus exactement une différence de potentiel) y fait circuler un courant d’une unité d’intensité.
  6. L’unité d’intensité CGS est celle d’un courant qui, traversant un circuit de 0m, 01 de longueur roulé en arc de 0m01 de rayon, exerce une force de 1 gramme par seconde (force dite dyne) sur un pôle magnétique d’une unité d’intensité placé à son centre.
  7. L’unité de quantité CGS est la quantité d’électricité qui traverse par seconde le circuit précédent.
  8. Un condensateur a une capacité d’une unité lorsque chargé au potentiel d’une unité, il renferme une unité de quantité électrique.
  9. Le cheval-vapeur anglais (horse-power) est égal à 746 watts.
  10. Ce chiffre montre le peu de relation qui existe entre les unités des électriciens et des mécaniciens.
  11. Le Poncelet = 100 kilogrammètres par seconde.
  12. Je rappellerai ici que les électriciens emploient comme unité C. G. S. de travail, l’erg — travail produit par une force de 1 dyne agissant sur un chemin égal à 1 centimètre.
    La dyne est la force qui, agissant sur la masse de 1 gramme pendant une seconde lui imprime une vitesse égale à 1 centimètre par seconde.
    Une force de 1 gramme = 981 dynes ;
    de grammes.
    1 meg-erg = 1.000.000 ergs.
    1 kilogrammètre = 98.100.000 ergs = 98, 1 meg-ergs.
    1 cheval-vapeur =7,360 meg-ergs =7.360.000 ergs.
  13. Plusieurs ingénieurs s’occupent actuellement d’assurer, par un réglage électrique, le mouvement uniforme des moteurs à vent.