L’Alcoran (Traduction de Du Ryer)/68

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Traduction par André Du Ryer.
Antoine de Sommaville (p. 596-598).



LE CHAPITRE DE LA PLUME,
contenant cinquante-deux verſets,
eſcrit à la Meque.

LeBedaoi intitule ce Chapitre de la lettre ن noun, n, & dit que c'eſt à dire Baleine ou grand poiſſon ; Quelques autres Docteurs diſent que ن noun, eſt le nom de nom de l’ancre ou de la table, ſur laquelle les Anges eſcrivent les commandemens de Dieu, les autres aßurent qu’il ſignifie eſcritoire, mais une bonne partie des Docteurs Mahometans intitulent ce Chapitre de la Plume.


AU Nom de Dieu clement & miſericordieux. Je jure par la plume & par tout ce qui eſt eſcrit, que tu n’és pas demoniacle par la grace de ton Seigneur, tu auras une recompenſe infinie, Dieu t’a creé d’une creation haute & tres-illuſtre. Tu cognoiſtras à l’advenir, & les infidelles auſſi cognoiſtront un jour ceux d’entre vous qui ſont ignorant. Certainement ton Seigneur cognoit ceux qui ſont devoycz , & ceux qui ſuivent le droict chemin ; N'obeys pas aux impies, ils ſouhaitent que tu ſois plus indulgent envers eux, & eux plus doux envers toy, N’obey pas à ces menteurs ignominieux, bavars, pecheurs, ſeducteurs & meſchans, pleins de treſors & d’enfans, lors qu’on leur raconte les myſteres de la foy, ils diſent que ce n’eſt que de vieilles fables de l’antiquité, nous mettrons ſur leur nés une marque de honte & d’ignominie ; nous les avons eſprouvez comme les Jardiniers quand ils ont reſolu le ſoir de couper le matin enſuivant des fruicts de leur jardinage pour leur refection, & n’ont pas dit, s’il plaiſt à Dieu ; la nuit lors qu’ils dormoient Dieu a envoyé le feu dans leurs jardinages qui les a bruſlés, le matin ils ſe ſont appellez, & ont dit, venez pour mettre ordre à voſtre jardinage ſi vous en voulez cueillir des fruicts, ils ont crû que les pauvres y vouloient entrer, ils ont accouru (pour les chaſſer,) & ont trouvé leurs fruicts tous noirs & leurs jardinages bruſlez : Alors ils ont dit, nous ſommes devoyez, nous ſommes pecheurs ; un d’entr’eux a dit, qu’il faut loüer Dieu ; alors ils ont dit, loüé ſoit Dieu, nous ſommes de grands pecheurs, ils ſe ſont approchez les uns des autres, & ont fait leur plainte entr’eux ; ils ont dit, le malheur eſt ſur nous, nous eſtions dans une grande erreur à peut-eſtre qu’à l’advenir Dieu nous donnera plus de bien que ne vaut ce que nous avons perdu, il faut ſouhaiter ſa grace, ainſi Dieu chaſtie en terre qui bon luy ſemble, mais les tourmens de l’autre monde ſont beaucoup plus griefs, ceux qui ont ſa crainte devant les yeux demeureront dans des jardins pleins de delices ; Traiteray-je les bons comme les meſchans ? comme le pouvez vous juger ? avez vous un livre ou vous liſiez ce qui vous agrée ? vous avons nous promis quelque contentement au jour du Jugement ? aurez vous ce jour ce que vous vous eſtes promis à vous meſmes ? Demande leur qui ſera caution de leur croyance, leurs Idoles & leurs compagnons ſerons ils leur caution ? qu’ils les faſſent venir s’ils ſont veritables. Souviens-toy du jour que les pechez ſeront découverts, & qu’on ordonnera aux impies d’adorer Dieu ; mais ils ne le pourront pas voir, leurs yeux ſeront troublez de peur, & leur veüe couverte de honte. On leur ordonne dans le monde d’adorer ſa divine Majeſté, mais ils ne le veulent pas faire, je les chaſtierray peu à peu lors qu’ils y penſeront le moins, je differe la punition de leurs crimes parce que ma colere eſt forte ; demande-tu aux hommes quelque recompenſe de tes predications, en ſont-ils chargez de quelque depenſe ? ont ils en leur pouvoir le livre ou eſt eſcrit le futur pour y eſcrire ce qu’ils diſent ? attens le jugement de ton Seigneurs & ne ſois pas comme celuy qui a eſté engloury de la baleine. Il a invoqué ſon Seigneur dans ſon affliction. Si ſon Seigneur ne luy euſt envoyé ſa grace, il ne ſeroit jamais venu ſur la terre : lors qu’il s’eſt repenty de ſon peché ſon Seigneur luy a pardonné, & la mis au nombre des gens de bien. Les infidelles taſchent de r’ébranler par leurs regards, & ce, par envie, ils diſent que tu es un demoniacle lors qu’ils t’entendent lire l’Alcoran ; Il n’a eſté envoyé que pour inſtruire le monde.