L’Encyclopédie/1re édition/APPRÊT

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 556-557).
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APPRÊT des étoffes de soie. Toutes les étoffes légeres de soie sont apprêtées, principalement les satins, qui prennent, par cette façon qu’on leur donne, du lustre & de la consistance.

Pour apprêter un satin, on fait dissoudre de la gomme arabique dans une certaine quantité d’eau ; après quoi on passe l’étoffe enroulée sur une ensuple, au-dessus d’un grand brasier, & à mesure qu’elle passe, on l’enroule sur une autre ensuple éloignée de la premiere de 12 piés environ. L’étoffe est placée sur ces ensuples de maniere que l’endroit est tourné du côté du brasier : c’est entre ces deux ensuples que le brasier est posé ; & à mesure que l’ouvrier roule d’un côté la piece d’étoffe bien tendue, un autre ouvrier passe sur la partie de l’envers de l’étoffe, qui est entre les deux ensuples, l’eau gommée avec des éponges humectées pour cette opération. La chaleur du brasier doit être si violente, que l’eau gommée ne puisse transpirer au travers de l’étoffe, qui en seroit tachée ; de façon qu’il faut que cette eau seche à mesure que la piece en est humectée. Voilà la façon d’apprêter les petits satins.

Les Hollandois apprêtent les petits velours de la même façon, avec cette différence, que l’étoffe est accrochée par la lisiere sur deux traverses de bois, de distance en distance d’un pouce, pour lui conserver sa largeur au moyen de vis & écroues qui l’empêchent de se rétrécir. On ne décroche l’étoffe apprêtée que quand la gomme est seche, ce qui rend l’apprêt plus long à faire que pour une étoffe mince. On suit une pareille méthode pour les étoffes fortes qui n’ont pas la qualité qu’elles exigeroient, ce qui est une espece de fraude. On appelle donneurs d’eau ces apprêteurs.

Apprêt, s. m. en Draperie ; on comprend sous ce mot toutes les opérations qui suivent la foule, telles que le garnissage ou le tirage au chardon, la tonte, la presse, &c. Voyez l’article Draperie.

Apprêt, terme de Chapelier ; ce sont les gommes & les colles fondues dans de l’eau, dont les chapeliers se servent pour gommer les chapeaux & leur donner du corps, afin que les bords se soûtiennent d’eux-mêmes, & que leurs formes conservent toûjours leurs figures. L’apprêt est une des dernieres façons que les ouvriers donnent aux chapeaux, & une des plus difficiles ; car pour que l’apprêt soit bon, il ne doit point du tout paroître en-dehors. V. Chapeau & Chapelier.

Apprêt, chez les Pelletiers. Les peaux qu’on destine à faire des fourrures, & qui sont garnies de leur poil, doivent, avant que d’être employées par le Pelletier, recevoir quelques façons pour les adoucir. Cette préparation consiste à les passer en huile, si ce sont des peaux dont le poil tienne beaucoup : mais si le poil s’enleve aisément, on les prépare à l’alun comme nous l’allons expliquer.

Les principales peaux dont on se sert pour les fourrures, sont les martres de toute espece, les hermines, le castor, le loutre, le tigre, le petit-gris, la fouine, l’ours, le loup de plusieurs sortes, le putois, le chien, le chat, le renard, le lievre, le lapin, l’agneau, & autres semblables.

Maniere de passer en huile les peaux destinées à faire les fourrures. Si-tôt que les peaux sont arrivées chez l’ouvrier, on les coud ensemble de maniere que le poil ne puisse pas se gâter ; ensuite on les enduit d’huile de navette qui est la seule qui soit propre à cet usage, après quoi on les foule aux piés pour y faire pénétrer l’huile & les rendre plus maniables. Si elles ne sont pas suffisamment adoucies, on réitere la même opération, & on y remet de nouvelle huile, jusqu’à ce qu’elles soient arrivées au point de pouvoir être maniées comme une étoffe. Cela fait, on les met sur le chevalet pour y être écharnées ; & lorsqu’elles sont bien nettoyées du côté de la chair, & qu’il n’y reste plus rien, on les découd & on les dégraisse de la maniere suivante. On étale les peaux sur la terre, le côté de la chair en-dessous ; & on les poudre du côté du poil avec du plâtre bien fin & passé au tamis ; ensuite on bat les peaux avec des baguettes pour en faire tomber le plâtre. Il faut recommencer cette opération, jusqu’à ce qu’elles soient totalement dégraissées & en état d’être employées.

Mais comme il se trouve souvent des peaux dont le poil ne tient pas beaucoup, ces peaux perdroient leur poil si on les passoit en huile ; ainsi au lieu d’huile, on les apprête de la maniere suivante.

On prend de l’alun, du sel marin, & de la farine de seigle : on délaye le tout ensemble dans de l’eau, & on en forme une pâte liquide comme de la bouillie, ensuite on en enduit les peaux du côté de la chair ; cette opération resserre la peau & empêche le poil de tomber. Cette façon se réitere jusqu’à ce que les peaux soient tout-à-fait devenues souples & maniables ; après quoi on les porte chez le Pelletier pour y être employées en fourrures.

Apprêt (Peinture d’) ; c’est ainsi qu’on appelle la peinture qui se fait sur le verre avec des couleurs particulieres. On se sert du verre blanc. Les couleurs appliquées sur ce verre, se fondent & s’incorporent. Cette peinture étoit fort d’usage autrefois, principalement pour les grands vitraux d’église, où l’on employoit, dit M. de la Hire, Mém. de l’Académie, tom. IX. pour des couleurs vives & fortes des verres colorés dans le fourneau, sur lesquels on mettoit des ombres pour leur donner le relief ; ce qui ne s’entend guere. Mais voyez à l’article Peinture le détail de la maniere de peindre d’apprêt ou sur le verre.