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L’Encyclopédie/1re édition/ARSENIC

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 713).
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ARSENIC, s. m. (Hist. nat. & chim.) ce mot est dérivé d’ἄῤῥην ou ἄρσην, homme ou plûtôt mâle, & de νικάω, je vaincs, je tue, faisant allusion à sa qualité vénéneuse. Dans l’histoire naturelle c’est une substance minérale, pesante, volatile, & qui ne s’enflamme pas, qui donne une blancheur aux métaux qui sont en fusion ; elle est extrèmement caustique & corrosive aux animaux, de sorte qu’elle est pour eux un poison violent. Voyez Fossile, Corrosif, &c.

On met l’arsenic dans la classe des soufres. Voyez Soufre. Il y a différentes especes d’arsenic, savoir le jaune, le rouge, & le crystallin, ou le blanc.

Il y a de l’arsenic rouge naturel ; il y a aussi de l’arsenic jaune naturel, qu’on appelle orpiment ; l’arsenic jaune peut avoir différentes teintes, comme un jaune d’or, un jaune rougeâtre, un jaune verd, &c.

Le soufre & l’arsenic ont entr’eux beaucoup de sympathie, & le soufre donne de la couleur à l’arsenic, en quelque petite quantité qu’il y soit joint.

Quelques-uns croyent que l’orpiment contient quelque portion d’or, mais en si petite quantité que ce n’est pas la peine de l’en séparer. V. Orpiment & Sandaraque.

On peut tirer du cobalt l’arsenic blanc & jaune. M. Krieg, dans les Transactions philosoph. no 293. nous en a donné la méthode ainsi qu’on la pratique en Hongrie. Le cobalt étant mis en poudre, la partie sablonneuse & légere étant ôtée par le moyen d’un courant d’eau, on met ce qui reste dans le fourneau, dont la flamme passant par-dessus la poudre emporte avec elle la partie arsenicale en forme de fumée, laquelle étant reçûe par une cheminée, & de-là portée dans un canal de brique étroit, s’attache dans sa route aux côtés, & on l’en ratisse sous la forme d’une poudre blanchâtre ou jaunâtre ; de ce qui reste du cobalt, on en fait le bleu d’émail. Voyez Bleu d’émail.

La plus petite quantité d’arsenic crystallin mêlée avec quelque métal, le rend friable & détruit absolument sa malléabilité. C’est pourquoi les raffineurs ne craignent rien tant que l’arsenic dans leurs métaux ; & il n’y auroit rien de si avantageux pour eux, en cas que l’on pût l’obtenir, qu’un menstrue qui absorberoit l’arsenic, ou qui agiroit uniquement sur lui ; car alors leurs métaux seroient aisément purifiés sans perdre aucune de leurs parties, sans s’évaporer. On a trouvé ce moyen-là en France : il consiste à ajoûter un peu de fer auquel s’attache l’arsenic, qui quitte alors les métaux parfaits. C’est à M. Grosse qu’on doit cette découverte.

L’arsenic même en petite quantité, change le cuivre en un argent beau en apparence. Plusieurs personnes ont tâché de perfectionner cette invention, ou de renchérir sur cette idée dans le dessein de faire de l’argent, mais inutilement, parce que l’on ne pouvoit jamais l’amener au point de soûtenir le marteau ou d’être malléable : il ne reste pas sur la coupelle, & il verdit. Il y a eu des personnes pendues pour avoir monnoyé des pieces de ce faux argent, & elles l’ont bien mérité. Le cuivre est plus difficile à blanchir que le fer par l’arsenic.

Les Chimistes nous donnent plusieurs préparations d’arsenic ; elles tendent toutes à émousser ou détruire à force d’ablutions & de sublimations les sels corrosifs dont il abonde, & à transformer l’arsenic en une medecine sûre, ainsi qu’on le fait à l’égard du sublimé ; tels sont le rubis d’arsenic, &c. mais cela n’en vaut pas la peine ; & quelque chose que l’on puisse faire, on ne pourroit jamais en faire usage intérieurement sous aucune forme ; il conserve toûjours sa propriété de poison mortel. Quand la fumée de l’arsenic entre dans les poumons, elle tue subitement ; & plus il est sublimé, dit Boerhaave, plus il devient aigre.

Le beurre & le lait de vache pris en grande quantité sont de bons antidotes contre l’arsenic.

Le régule d’arsenic est la partie la plus fixe & la plus compacte de ce minéral : on le prépare en le mêlant avec des cendres à savon & du savon, laissant fondre le tout que l’on jette dans un mortier ; alors la partie la plus pesante tombe au fond, & c’est le régule d’arsenic, c’est-à-dire l’arsenic, auquel on a donné le principe huileux qui lui manquoit pour être en forme métallique. Voyez Régule.

L’huile caustique d’arsenic est une liqueur butyreuse, semblable au beurre d’antimoine ; c’est une préparation d’arsenic & de sublimé corrosif. Elle sert à ronger les chairs spongieuses, à nettoyer ou exfolier les os cariés, &c. (M)