L’Encyclopédie/1re édition/BAIL

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BAIL, s. m. terme de Droit, est une convention par laquelle on transfere à quelqu’un la joüissance ou l’usage d’un héritage, d’une maison, ou autre sorte de bien, ordinairement pour un tems déterminé, moyennant une rente payable à certains tems de l’année que le bailleur stipule à son profit, pour lui tenir lieu de la joüissance ou de l’usage dont il se dépouille. Il y a aussi des baux par lesquels on promet de faire certains ouvrages pour un certain prix. Voy. Louage, Location.

Le bail des choses qui produisent des fruits est ce qu’on appelle bail à ferme. Voyez Ferme.

Le bail des choses qui ne rapportent point de fruits est ce qu’on appelle bail à loyer. Voyez Loyer.

Chez les Romains les baux ne se faisoient pas pour un tems plus long que cinq années. Parmi nous ils ne passent jamais neuf ans, à moins qu’ils ne soient à vie ou emphytéotiques Voyez Emphytéotique.

Les baux se sont pardevant notaire ou sous seing privé. Ils sont également obligatoires d’une & d’autre maniere : seulement s’ils ne sont faits que sous signature privée, ils n’emportent point hypotheque sur les biens du bailleur ni du preneur. Les Anglois font aussi des baux de vive voix.

Tous ceux qui ont la libre administration de leur bien en peuvent faire des baux ; ceux même qui n’en ont que l’usufruit le peuvent aussi ; tels qu’un mari, une femme doüairiere, un tuteur, un bénéficier ; & dans l’usage commun, ceux qui entrent en joüissance après eux doivent entretenir les baux qu’ils ont faits.

L’obligation de celui qui fait le bail est de faire joüir le fermier ou locataire de la chose donnée à ferme ou à loyer, ou de lui payer des dommages & intérêts qui l’indemnisent de la perte qu’il souffre par l’inexécution du bail.

Mais il peut en demander la résiliation, pour défaut de payement ; si le locataire ou fermier dégrade l’héritage qu’il tient à bail ; si la maison tenue à bail menace ruine, & qu’il y ait nécessité de la rebâtir ; si le propriétaire d’une maison de ville veut occuper sa maison en personne ; & dans tous ces cas le propriétaire ne doit pas des dommages & intérêts au fermier ou locataire.

Celui qui succede au propriétaire n’est engagé à entretenir le bail par lui fait, que quand il lui succede à titre universel ; c’est-à-dire, à titre d’héritier, de donataire ou légataire universel ; mais non pas s’il lui succede à titre singulier, soit lucratif ou onéreux.

Le fermier ou locataire de son côté est obligé à trois choses : 1°. à joüir en bon pere de famille, à ne point faire de dégradations dans les lieux dont il a la joüissance, & même à y faire les réparations locatives ou viageres auxquelles il s’est obligé par son bail : 2°. à payer le prix du bail, si ce n’est que le fermier ait souffert des pertes considérables dans l’exploitage de sa ferme par des cas fortuits ; ce qu’on appelle en Droit vimaires, du Latin vis major, comme grêle, feu du ciel, inondations, guerre, &c. auquel cas l’équité naturelle exige qu’il soit fait une diminution au fermier : 3°. à entretenir le bail, c’est-à-dire, à continuer l’habitation ou l’exploitage jusqu’à l’expiration du bail.

Lorsque le terme du bail est expiré, si le locataire continue à occuper la maison, ou le fermier à exploiter la ferme, quoiqu’il n’y ait point de convention entre les parties, le silence du propriétaire fait présumer un consentement de sa part, & cela forme un contrat entre les parties qu’on appelle tacite réconduction. Voyez Réconduction.

Le bail à rente, suivant la définition que nous avons donnée du mot bail au commencement de cet article, est moins proprement un bail qu’une véritable aliénation, par laquelle on transfere la propriété d’un immeuble à la charge d’une certaine somme ou d’une certaine quantité de fruits que le possesseur doit payer à perpétuité tous les ans.

Le bail à rente differe de l’emphytéose en plusieurs choses, mais singulierement en ce que de sa nature il doit durer à perpétuité, moyennant la prestation de la rente par le tenancier ; au lieu que l’emphytéose finit souvent après un tems déterminé, comme de 99 ans, ou de deux ou trois générations. Voyez Emphytéose.

Bail Emphytéotique, voyez Emphytéose.

Bail a Cheptel, voyez Cheptel.

Bail judiciaire, voyez Judiciaire.

On appelle aussi bail l’expédition même du traité appellé bail, qu’on leve chez le notaire devant lequel il a été passé.

Bail est encore synonyme à ce qu’on appelle autrement baillie, ou garde-noble, ou bourgeoise. Voyez Garde.

Bail, dans les anciennes coûtumes, signifie aussi la tradition d’une chose ou d’une personne à quelqu’un : en ce sens on dit qu’il y a bail quand une fille se marie, parce qu’elle entre en la puissance de son mari ; & quand son mari meurt il y a desbail, parce qu’elle est affranchie par sa mort de la puissance maritale. Voyez Desbail & Puissance maritale. (H)