L’Encyclopédie/1re édition/PURGATIF

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PURGATIF & PURGATION, (Médecine, Thérapeutique.) le mot purgation tiré du latin purgare, purger, purifier, nettoyer, & auquel répond le mot grec κάθαρσις, quoique devant signifier à la rigueur, dans le langage médecinal, une évacuation quelconque de sucs viciés & impurs, a été appliqué par un très-ancien usage à l’évacuation des premieres voies, c’est-à-dire, de l’estomac, des intestins & des organes excrétoires qui se déchargent dans leurs cavités. La purgation prise dans ce sens spécial, a été divisée ensuite en purgation par en-haut, per superiora, sursum, ou vomissement. (Voyez Vomissement artificiel), & en purgation par en-bas, per inferiora, deorsum, qui a retenu plus spécialement le nom de purgation.

La purgation ou l’évacuation intestinale est donc devenue par l’usage la purgation par excellence, & même le remede par excellence ; & cet usage est très-ancien ; car de même que nous disons aujourd’hui dans le langage ordinaire, une médecine, au lieu d’un médicament purgatif, Hippocrate a dit plusieurs fois dans le même sens φάρμακον, médicament.

Les secours par les moyens desquels la purgation est produite, sont connus dans l’art sous le nom de purgatif, & sous celui de cathartique.

On peut avancer que de tous les remedes appellés universels, les purgatifs fournissent le remede le plus universel, soit qu’on déduise cette assertion de l’emploi presque infini de ce remede considéré indépendamment de son utilité réelle, soit qu’on l’appuie sur la considération de ses effets manifestes, considérables, trés-variés, très-étendus.

La vérité de cette observation est établie au premier égard, en ce qu’une des manieres générales de traiter les maladies aiguës qui n’est pas la moins répandue, ne consiste presque en autre chose qu’à donner des purgatifs depuis le commencement de la maladie jusqu’à la fin. 2°. En ce qu’un très-grand nombre de maladies chroniques sont aussi traitées par l’administration fréquente des purgatifs ; & enfin que ce remede fournit le secours le plus usuel du traitement domestique des incommodités ; en sorte que c’est une espece de luxe que d’avoir une formule de médecine ordinaire, ou ce qu’on appelle communément avoir sa médecine.

Le second argument que nous avons proposé en faveur de l’universalité des vertus du purgatif ne sauroit être établi, comme le précédent, sur un simple énoncé ; il mérite bien au contraire d’être discuté avec soin comme un des points principaux & vraiment fondamentaux de l’art. Nous observerons d’abord, pour commencer, par l’objet le moins grave, que les purgations appellées de précaution sont plus souvent superflues qu’utiles, à moins qu’elles ne soient indiquées par une incommodité habituelle grave qu’il s’agisse de prévenir, selon la méthode des anciens, qui plaçoient cette évacuation préservative principalement au printems ; c’est ainsi que Galien fait une regle générale d’affoiblir par des purgations naturelles au commencement du printems, ceux qui se portent bien, mais qui deviendroient infailliblement malades, si on n’usoit avec eux de cette précaution ; & venant ensuite au détail des affections dont on éloigne les accès par cette méthode, il compte la goutte, le rhumatisme, l’épilepsie, la passion mélancolique ou hypocondriaque, le cancer aux mamelles, la lepre commençante, l’asthme, & les fievres tierces d’été. Mais l’usage de se purger dans la vue de prévenir des incommodités ou imaginaires ou de peu de conséquence, faire ce qu’on appelle une boutique d’apothicaire de son corps, est certainement une chose très-pernicieuse ; & le même Galien que nous venons de citer, l’observe expressément.

2°. L’usage des purgatifs contre les incommodités actuelles qui dépendent du vice des digestions, est moins utile & moins commode que celui des émétiques. Voyez l’article Vomitif & Vomissement artificiel.

3°. Les purgatifs sont véritablement & éminemment utiles dans le traitement d’un grand nombre de maladies chroniques présentes ou actuelles, telles que toutes celles contre lesquelles nous avons admis leur usage prophylactique ou préservatif, & de plus contre toutes les affections cutanées opiniâtres & anciennes, parmi lesquelles il faut compter les ophthalmies & toutes les autres maladies lentes des parties extérieures du globe de l’œil & des paupieres ; les hydropisies confirmées, la leucophlegmatie & toutes les maladies à serosâ colluvie, simples, exquises ou non compliqués avec une tension considérable du système général des solides ou de quelque organe en particulier ; les douleurs de tête invétérées ; les obstructions, bouffissures & autres restes des fievres intermittentes, & principalement des fievres quartes, les coliques minérales ou de poitou, & les coliques pituiteuses, & peut-être enfin dans toutes les especes d’éthisies (tabum) commençantes ; car si l’usage de l’eau de la mer réussit dans ces maladies aussi bien que le prétend le D. Russell, qui leur donne le nom commun de tabes glandularis ; si, dis-je, l’eau de la mer réussit contre ces maladies, c’est vraissemblablement à titre de purgatif. Voyez tous les articles particuliers où il est traité de ces diverses maladies.

4°. Quant à l’emploi des purgatifs dans les maladies aiguës, la méthode curative a varié à cet égard presque d’un extrème à l’autre, c’est-à-dire, depuis l’administration la plus circonspecte de ce remede jusqu’à l’emploi le plus immodéré. Hippocrate & ses plus célebres sectateurs, qui dans tous les siecles ont été les vrais maîtres de l’art, ont fidelement observé la loi consignée dans le célebre aphorisme : concocta purganda, & movenda non cruda, neque in principiis nisi turgeant : plurima autem non turgent. Aph. Hipp. 22 sect. I. Voyez Coction & Crudité, Médecine. Une secte assez moderne de médecins au contraire a professé la méthode de purger dans toutes les maladies aiguës au moins de deux jours l’un, alternis diebus ; mais il est sûr, incontestable, personne ne doute, hors du petit coin du monde médical, où on purge saltem alternis, que ce ne soit précisément à cette méthode curative des maladies aiguës que convient entierement la qualification d’ars sine arte. C’est dans cette secte seulement qu’il est possible de trouver de bons médecins, sans lettres, sans talens, sans esprit, & dans le pays où elle est resserrée, qu’on peut voir regner la croyance publique, que les connoissances, le génie, & même une dose très-commune d’esprit est non-seulement inutile, mais même nuisible au médecin : opinion en effet très-conséquente ; car certes il ne faut ni beaucoup de connoissances, ni beaucoup de talent pour purger alternis dans tous les cas, & même il est dangereux qu’avec des connoissances, du talent, & une ame honnête, on ne soit bientôt déserteur de la méthode exclusive des purgations.

Les anciens diviserent les purgatifs d’après leur système des quatre humeurs secondaires ou excrémenticielles, & d’après leur théorie des actions des purgatifs qu’ils déduisoient d’une espece d’analogie fort vaguement déterminée entre leurs diverses especes & quelques-unes de ces humeurs ; les anciens, dis-je, d’après ces notions purement théoriques, étayées de quelques observations plus mal entendues encore, diviserent les purgatifs & phlegmagogues ou evacuans de la pituite, en cholagogues ou évacuans de la bile, en ménalagogues ou évacuans de la mélancholie, & en hydragogues ou évacuans de la sérosité. Les modernes ont rejetté cette division qui n’a rien, ou du-moins qui n’a que très-peu de réel, voyez Cholagogue, pour n’admettre que celle qui distingue les purgatifs par les degrés d’activité, distinction très-légitime & à laquelle peut se rapporter ce que la division des anciens a de réel ; car en appellant bile avec eux une humeur mousseuse, un peu liée ou gluante, & jaunâtre, il est sûr que tous les purgatifs doux & tempérés évacuent communément une pareille humeur, & que tous les purgatifs violens évacuent une sérosité abondante : aussi les modernes ont-ils conservé à ceux-là le titre d’hydragogue, en rejettant tous les autres noms spéciaux de la division ancienne. Quant à la mélancolie, il arrive quelquefois en effet que les purgatifs évacuent une certaine humeur noirâtre, & qui a les autres qualités sensibles, par lesquelles les anciens l’ont désignée. Voyez Humeur Médecine. Mais outre que ce produit des évacuations intestinales est fort rare, il n’est dépendant d’aucune espece de purgatif en particulier ; & quant à la pituite, on ne sait plus la distinguer de la sérosité ; à-moins cependant qu’on ne veuille entendre par-là cette humeur muqueuse ou glaireuse dont l’estomac & les intestins sont naturellement enduits, & que les purgatifs les plus doux peuvent évacuer.

Les purgatifs doux sont connus encore dans l’art sous le nom de purgatifs benins, & sous celui de benis, benedicta, qui est pourtant beaucoup moins usité ; & les plus doux d’entre eux sous celui d’éccoprotiques, c’est-à-dire évacuans seulement les excrémens contenus dans les intestins, sans causer à cet organe la plus légere irritation. Les purgatifs doux, un peu plus actifs, sont appellés moyens, tempérés & minoratifs ; ceux-ci sont censés capables d’agir sur les intestins, d’augmenter leur mouvement péristaltique, & de déterminer une excrétion plus abondante que dans l’état naturel, des sucs fournis par les couloirs intestinaux, par le foie & par le pancréas ; & enfin, les purgatifs les plus énergiques, les plus actifs, sont appellés forts, violens, drastiques, & mocliques, du mot grec qui signifie levier ; expression figurée, qui, comme on voit, désigne une grande force. Ceux-ci sont censés capables de déterminer une fonte d’humeurs, ou d’attirer une humeur séreuse des parties les plus éloignées. Quelques auteurs ont donné le nom de panchymagogue, c’est-à-dire évacuant de tous les sucs ou humeurs, à de bons purgatifs, actifs, efficaces, & principalement à de pareils purgatifs composés, & qu’ils ont cru capables d’évacuer abondamment toutes les humeurs excrémenticielles & abdominales.

l’effet le plus léger, celui des eccoprotiques, si on l’estime à la rigueur ou littéralement, paroît admis fort gratuitement ; car la vertu expultrice ou le mouvement péristaltique des intestins, doit être au moins réveillé, pour qu’une évacuation alvine quelconque soit déterminée ; & ce qu’on connoît certainement de l’économie animale, ne permet point de concevoir ce mouvement sans qu’il soit accompagné de quelque augmentation dans l’excrétion de l’humeur intestinale. Mais si on prend le mot d’eccoprotique dans un sens moins rigoureux, il est sûr que le moindre degré de purgation affecte à peine les intestins, & paroît se borner à délayer & à entraîner les matieres qu’ils contiennent. L’action des purgatifs tempérés & des purgatifs les plus forts, ne differe absolument que par le degré : c’est chez les uns & chez les autres une excrétion excitée plus ou moins efficacement.

Les médicamens purgatifs sont en très-grand nombre ; la meilleure maniere de les co-ordonner entre eux, c’est de les ranger par classes naturelles, c’est-à-dire, dont les divers sujets qui les composent ont entre eux une suffisante analogie réelle ou chimique.

Tous les alimens mal digérés par quelque cause que ce soit, peuvent devenir purgatifs ; & la terminaison spontanée des indigestions légeres qui se fait par une évacuation abdominale est une véritable purgation. Cependant celle-là dépend d’une cause matérielle assez diverse des médicamens proprement dits, pour qu’on ne doive pas la mettre au rang des secours vraiment médicinaux, quoique des médecins, & sur-tout les anciens, ayent mis au rang des ressources diététiques ces indigestions procurées à dessein. On ne doit pas mettre non plus au rang des purgatifs les matieres qui excitent la purgation chez certaines personnes très-délicates, par la seule horreur qu’elles leur causent, soit par l’odorat, soit par la simple vue, soit même au seul souvenir.

Les médicamens purgatifs proprement dits, ceux qui sont d’un usage ordinaire, commun, selon l’art, sont principalement tirés du regne végétal, & sont 1°. les huiles par expression douces & récentes, soit proprement dites, & communément fluides, telles que l’huile d’amandes douces, & l’huile d’olive, ou naturellement concretes, comme le beurre de cacao. 2°. Tous les corps muqueux doux, soit doux exquis, comme miel, sucre, dattes, raisins secs, figues seches, jujubes, sebestes, réglisses, polipodes ; soit doux acidules, comme pruneaux noirs aigrelets, & tamarins, qui paroissent cependant participer un peu d’un principe purgatif caché, qui spécifie certains sujets de cette classe ; soit enfin ces sujets de cette classe, plus particulierement caractérisés par ce principe purgatif caché, tels que la manne & la casse. Voyez Doux, (Chimie, Matiere médicale & Diete.) 3°. Quelques matieres composées d’un principe extractif gommeux, & d’un principe résineux chimiquement distincts, & simplement mélangés ou confondus. Tels que le jalap, la scammonée, le turbith appellé gommeux, l’aloës, la gomme gutte, la racine d’esule, l’agaric.

4°. Certaines résines pures retirées par l’art chimique du jalap, de la scammonée, du turbith, de l’agaric, &c.

5°. De la classe des extractifs âcres ou amers fixes ; la rhubarbe, la coloquinte, le concombre sauvage, ou son extrait, plus connu encore sous le nom d’elaterium, le nerprun, le sureau, l’yeble, l’iris nostras.

6°. De la division chimique des extractifs, peu efficaces, ou du-moins dont la vertu purgative dépend en partie d’un principe volatil, le sené, les fleurs de pêcher, les roses soit pâles, soit musquées, l’ellébore noir, &c.

Du regne animal, 1°. la substance gélatineuse des jeunes animaux, telle qu’elle se trouve dans les décoctions connues dans l’art sous le nom d’eau de poulet & d’eau de veau ; 2°. le petit-lait ; 3°. une drogue fort inusitée, le crotin de souris, ou muscerda.

Du regne minéral. 1°. Plusieurs terres absorbantes, parmi lesquelles la magnésie blanche est regardée comme éminemment purgative. 2°. Quelques sels naturels, soit alkalis, soit neutres ; tels que le natrum, le sel marin, le sel de glauber, le sel d’epshom ou de seidlitz, & les eaux minérales imprégnées de ces différens sels ; enfin le nitre, qu’on peut placer ici, quoique son origine soit très-vraissemblablement toute végétale, & le sel ammoniac naturel. Enfin, plusieurs produits chimiques, tous salins & retirés indistinctement de tous les regnes ; tels sont les tartres solubles, & principalement le sel végétal & le sel de seignette, le sel de glauber factice, les tartres vitriolés, tous les sels lixiviels, soit alkalis, soit neutres, le sel ammoniac factice, le borax, plusieurs sels neutres mercuriaux, & principalement le sublimé doux, la panacée mercurielle, le précipité blanc, le turbith minéral, pour ne pas parler des crystaux de lune, & de quelques autres sels métalliques intraitables, & dont l’usage est abandonné avec raison.

L’administration des purgatifs exige l’attention & les soins du médecin avant qu’on donne le remede, pendant qu’il agit, & après son action.

Avant, outre le jugement exact du cas où il convient, la déterminaison de la dose & de la forme du remede, choses qui doivent être déduites de ce que nous avons dit précédemment, & de ce qui est répandu dans les articles particuliers, reste encore le choix du tems lorsque la marche de la maladie ne le fixe pas précisément, & qu’on peut le déterminer à volonté, comme lorsqu’on les emploie dans des vûes prophylactiques contre de légeres incommodités, & même contre la plûpart des maladies chroniques ; reste encore la préparation du sujet qu’on veut purger. Quant au choix du tems & à sa division la plus générale tirée des saisons, Hippocrate trouvoit que l’hiver étoit le tems le plus convenable ; d’autres anciens excluoient l’hiver & l’été : les modernes purgent dans toutes les saisons, mais ils préferent un jour sec & un peu froid, le vent étant au nord. L’heure la plus ordinaire est celle du matin, & le malade étant à jeun : tous les remedes purgatifs dont l’action est prompte, telle que celle des potions, se donnent dans ces circonstances ; mais on prend aussi le soir en se couchant & quelques heures après le souper, les purpatifs dont l’action est lente, tels que la plupart des pilules, comme les aloétiques, les mercurielles, &c.

La préparation à la purgation est d’une utilité reconnue, & se pratique encore aujourd’hui d’après le dogme d’Hippocrate, qui prescrit de rendre fluxiles, fluxilia, c’est-à-dire relâchés, disposés aux excretions, les corps qu’on veut purger. Il est utile dans cette vûe de prescrire à ceux qui doivent être purgés, un régime humectant & relâchant pendant les trois ou quatre jours qui précedent immédiatement celui où ils doivent être purgés ; de les remplir de tisane, & de leur donner un ou deux lavemens chaque jour.

Pendant l’effet de la médecine, il est non-seulement utile, mais même nécessaire de se conformer aux lois sages qu’ont prescrit les anciens, quoiqu’on doive avouer qu’ils étoient obligés de les observer plus séverement que nous, à cause de la violence des purgatifs qu’ils employoient. Ces lois défendent, 1°. de rien avaler, ni de solide, ni de liquide pendant l’action du purgatif. Et on ne sauroit douter que l’usage généralement établi aujourd’hui, de prendre un bouillon ou quelque légere infusion de certaines plantes, une heure & demie ou deux heures après avoir pris une médecine, ne soit vicieuse & peu réfléchie, & qu’il ne valût mieux prendre cette liqueur, si elle étoit d’ailleurs nécessaire (comme elle peut l’être en effet pour rincer la bouche, l’ésophage & l’orifice supérieur de l’estomac) immédiatement après avoir pris le purgatif. Il est plus essentiel encore, sans doute, de ne point prendre d’aliment solide avant que l’opération du purgatif soit achevée.

Cette regle est encore très-peu observée hors de l’état de fievre aiguë. On n’est pas d’accord sur la veille ou le sommeil pendant l’action d’une médecine ; mais l’on croit plus communément aujourd’hui, qu’il ne faut point dormir après avoir pris un purgatif. Mais ce précepte est trop général, & celui d’Hippocrate est plus raisonnable ; il veut que les sujets vigoureux veillent, & que les sujets foibles ou tous ceux qui ont pris un purgatif très-fort dorment. Il faut observer à-propos du sommeil, qu’il est ordinairement accompagné de deux circonstances qui méritent attention ; savoir, du repos & de la chaleur du lit. Or, s’il est douteux qu’un léger mouvement du corps, qu’une promenade lente dans la chambre aide l’action d’un purgatif ; il est très-clair qu’un léger degré de froid qu’on peut éprouver hors du lit & en se promenant très-lentement, contribue à l’effet du remede vraissemblablement en repercutant jusqu’à un certain point la transpiration, ou pour quelque autre cause : on peut deduire de cette derniere considération la maniere de gouverner les purgés par rapport à l’air. Un air trop chaud, soit qu’il le trouve dans leur chambre, soit qu’ils s’exposent à la chaleur du soleil d’été, diminue infailliblement la purgation ; & un air trop froid l’augmente au contraire, & quelquefois même trop : il est observé qu’il cause quelquefois des tranchées violentes, & même des accidens plus graves. Pour achever de parcourir les choses non naturelles, il est observé aussi que les secousses violentes & soudaines de l’ame, qu’une peur, qu’un accès de colere sont beaucoup plus funestes pendant l’opération d’une médecine, que dans un tems ordinaire : il est sûr encore que l’acte vénérien assurément très-déplacé pendant cette opération, a été suivi plus d’une fois des accidens les plus funestes, & même de la mort, & qu’un exercice trop considérable est aussi très-pernicieux. Mais la foiblesse, l’abattement, la flaccidité qui accompagnent ordinairement l’opération des purgatifs, même chez les sujets les plus vigoureux, met bon ordre à ce qu’on ne tombe pas bien communément dans ces deux derniers excès.

On peut sous un certain point de vûe, placer dans la classe des objets qui occupent le médecin, après l’opération d’un purgatif, le soin d’arrêter son action lorsqu’elle va trop loin, qu’elle est excessive, qu’elle produit la superpurgation. Les remedes généraux contre cet accident, sont les délayans & les adoucissans ; par exemple, la boisson abondante d’eau tiéde, soit pure, soit chargée de quelque mucilage leger, tel que celui de guimauve, de graine de lin, ou bien de quelques-uns des corps doux ci-dessus indiqués ; d’eau de poulet ; de petit-lait ; d’émulsion ; d’huile d’olive ou d’amandes-douces ; & en particulier pour les purgatifs résineux qui sont éminemment sujets à cet accident. L’eau chargée de sucre presqu’à consistance sirupeuse, & les jaunes d’œuf battus, sans addition ; car ces corps sont des moyens d’union entre les humeurs intestinales, aqueuses, & les corps résineux, & une résine âcre, dissoute, ou au moins mouillée par un dissolvant approprié, ne produit plus l’effet qu’elle produisoit sous la forme de molécules, appliquées intérieurement au velouté des intestins. Voyez Sucre, Œuf, & la fin de l’article Emulsion, Scammonée, Jalap.

L’usage assez généralement suivi de prendre un ou plusieurs lavemens après l’opération d’une médecine, ne peut qu’être approuvé : ces lavemens qui sont ordinairement simplement délayans & adoucissans, & qui ne sont composés que d’eau simple & d’une cuillerée d’huile d’amande-douce, servent au moins à rincer les gros intestins, à les baigner, les humecter, & remédient par-là à la sécheresse & à l’augmentation de sensibilité que le purgatif y a nécessairement causé. (b)