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L’Encyclopédie/1re édition/GRAISSE

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GRAISSE, s. f. (Econom. anim. Medecine.) on entend vulgairement par ce terme la substance onctueuse, de consistence fluide ou molle, qui se trouve non-seulement dans les cavités du tissu cellulaire, sous presque toute l’étendue des tégumens de la surface du corps de l’homme & de la plûpart des animaux, mais encore dans les cellules des membranes qui enveloppent les muscles, qui pénetrent dans l’interstice des fibres musculaires, dans les paquets de cellules membraneuses dont sont couverts plusieurs visceres, tels que les reins, le cœur, les intestins, & principalement dans le tissu cellulaire des membranes qui forment le mésentere, l’épiploon, & ses dépendances. Voyez Cellulaire (tissu), Membrane, Épiploon, &c.

Les Medecins distinguent deux sortes de graisse ; l’une est celle dont la substance séparée de la masse des humeurs, sous forme d’huile tenue, perd peu de sa fluidité dans les cavités où elle se ramasse ; elle y conserve toûjours une sorte de mouvement progressif qui la fait passer d’une cellule dans une autre, & ne se fige presque point étant exposée à l’air froid ; ce suc graisseux est appellé par les Grecs στέαρ, & par les Latins pinguitudo ou pinguedo ; au lieu que ceux-là donnent le nom de ἀζούγγια ou ἀζούγγιον, & ceux-ci celui d’adeps, sebum, ou sevum, à cette espece de graisse qui a une consistence presque solide, qui n’est pas susceptible de se liquéfier aisément, soit par la chaleur ou le mouvement de l’animal, soit par l’effet du feu ; elle ne se renouvelle que très-lentement dans les cellules où elle est ramassée, & elle se fige à l’air froid, au point de prendre une sorte de dureté. C’est cette derniere sorte de graisse, qui étant tirée du corps des bœufs, des moutons, des chevres, &c. est distinguée par le nom de suif. Voy. Suif. On se sert cependant du mot adeps pour désigner toute sorte de graisse, & on nomme membrane adipeuse indistinctement toute membrane dont les cellules contiennent ou sont destinées à contenir de la graisse, sous quelque forme qu’elle soit.

On observe que la moëlle, qui ne differe guere de la graisse par sa nature, est aussi de différente espece par rapport à sa consistence : celle qui est dans les cellules osseuses des extrémités des os longs ou dans celles des os plats, est toûjours sous forme fluide, coulante comme de l’huile ; au lieu que dans les grandes cavités des os longs, elle a plus de consistence ; elle y est sous une forme presque solide, comme la graisse de la seconde espece. Voyez Moelle.

Dans quelque partie du corps animal que l’on trouve de la graisse, elle se présente toûjours renfermée dans des cellules membraneuses de figure ovale & un peu applaties, selon la remarque de Malpighi ; les cavités de ces cellules ont toutes de la communication entre elles : les cellules elles-mêmes sont disposées de maniere qu’elles forment des couches, des enveloppes dans certaines parties ; dans d’autres, elles sont entassées & forment comme des pelotons. Dans ces différentes dispositions, elles sont également renfermées dans des membranes extérieures qui les soûtiennent, & terminent l’étendue de leurs aggrégés. Tout ce composé forme les membranes adipeuses, qui sont d’une épaisseur & d’un volume plus ou moins grands selon le nombre & la capacité des cellules, & selon qu’elles sont plus ou moins remplies de la substance onctueuse qui forme la graisse ; elles sont flasques & comme affaissées dans les sujets maigres.

Si on expose à l’action du feu une portion de membrane adipeuse bien pleine de graisse, lorsqu’elle est fondue & au point de bouillir, les cloisons membraneuses qui forment les cellules se rompent & laissent s’écouler un fluide qui paroît huileux, & qui lorsqu’il est encore chaud, est onctueux au tact ; il ne peut point être mêlé avec l’eau, & y surnage ; il est susceptible de s’enflammer & de nourrir la flamme ; en se refroidissant il perd sa fluidité & prend de la consistence à-peu-près comme le beurre, & peut devenir même beaucoup plus ferme selon les animaux d’où il est tiré.

De tout cela on ne peut que conclure que la graisse est évidemment de la nature des huiles grasses ; à quoi M. Cartheuser, dans sa matiere médicale, de unguinoso oleis & pinguibus, ajoûte qu’outre la substance huileuse il s’y trouve encore une substance terreuse acide, qui donne à la graisse froide la consistance qu’elle est susceptible de prendre : ensorte que la solidité plus ou moins grande dépend du plus ou du moins de cette derniere substance qui s’y trouve mêlée. Il donne pour fondement de cette assertion, d’après l’expérience rapportée dans les mém. de l’académie des Sciences de Paris, 1719, ce qui arrive lorsqu’on mêle un sel ou un esprit acide avec de l’huile d’olives ou d’amandes douces, & qu’on les met un peu en digestion ; savoir que ces huiles étant ensuite refroidies, se coagulent, surnagent la surface du mélange, & prennent la consistence & la forme de la graisse & même la solidité du suif. Il observe après cela que les animaux qui vivent de viandes s’engraissent plus difficilement & plus rarement que les animaux qui ne vivent que d’herbes ou de grains, & sur-tout les ruminans qui sont les seuls qui fournissent du suif proprement dit ; ce qu’il pense devoir être attribué à cette différence d’alimens, parce que ceux qui sont tirés du regne végétal sont imprégnés de cet acide coagulant qui ne se trouve point dans les chairs dans toutes les autres productions du regne animal, excepté le lait. De-là vient que l’huile nourriciere qui en est extraite par la digestion, n’étant point susceptible de se figer lorsqu’elle est déposée dans les cellules adipeuses, ne peut point y former de la graisse ferme, solide ; elle est reportée dans la masse des humeurs, en retenant sa fluidité huileuse, & elle y fournit matiere à la confection du sang, de la lymphe gélatineuse, & se détruit ensuite par l’action de la vie, sous une forme qui la dispose à être évacuée avec les différentes humeurs excrémenticielles dont elle est la partie rancide. D’où il résulte, selon l’auteur cité, que les animaux qui mangent peu de végétaux ne peuvent avoir que peu de graisse de consistance solide : mais il faut un acide mêlé avec l’huile des alimens, pour former cette graisse. Pourquoi cet acide ne s’y trouve-t-il pas dans l’analyse ? Il n’y a pas encore de preuves qu’il en existe en nature dans aucune des humeurs animales. Voyez Fermentation, (Economie anim.)

Les parties huileuses qui sont destinées à fournir la matiere de la graisse, sont pour cet effet séparées de la masse du sang, comme la matiere de toutes les autres secrétions : les injections anatomiques ne laissent aucun doute à cet égard ; étant faites dans les arteres qui se distribuent aux membranes adipeuses, les liqueurs injectées passent facilement & constamment de ces arteres dans les cellules dont sont composées les membranes, les remplissent & les parcourent dans toute leur étendue par le moyen des communications qui sont entre elles : la même chose arrive aussi de l’injection faite dans les veines correspondantes. C’est donc dans la partie où l’artere se change en veine, que se fait la séparation des molécules huileuses, & qu’elles entrent dans des conduits particuliers destinés à les porter dans les cellules adipeuses. Ces conduits & leurs orifices sont très-larges à proportion du diametre des vaisseaux sanguins d’où ils partent ; ils sont aussi très-courts. Ainsi entre les différentes parties du sang, qui est un fluide bien hétérogene, celles qui sont le plus legeres, ou qui ont le moins de densité, de gravité spécifique, qui ont le mouvement le plus lent, & qui ont le moins de disposition à conserver la direction de celui qu’elles ont d’abord reçû, doivent, selon les lois de l’Hydraulique, se porter, ou pour mieux dire, être jettées vers les parois des vaisseaux, & pénétrer dans les ouvertures collatérales, lorsqu’il s’en trouve qui sont propres à les recevoir, tandis que les parties les plus denses, les plus mobiles, suivent l’axe du vaisseau, & s’écartent le moins de la direction du mouvement qu’elles ont reçû. Ainsi les molécules huileuses doivent enfiler les conduits adipeux, les canaux secrétoires des sucs graisseux, tandis que les globules du sang continuent leur route dans le milieu des arteres, pour passer dans les veines. Voyez Secrétions.

Ces sucs étant continuellement portés dans les cellules adipeuses, s’y accumulent, les remplissent jusqu’à ce que ces cellules résistent à une trop grande dilatation, & se vuident dans les voisines à proportion que les premieres reçoivent de nouvelle matiere pour être distribuée aux suivantes, & ainsi des unes aux autres, jusqu’à celles qui communiquent à des veines sanguines correspondantes, qui reçoivent la surabondance des sucs graisseux dont se déchargent les cellules, après qu’ils les ont toutes parcourues dans l’intervalle des arteres qui rampent dans l’intérieur des membranes, & les veines qui en partent. Le suintement huileux qui se fait continuellement à-travers les membranes de ces cellules contribue à relâcher les tuniques de ces arteres, à en affoiblir le ressort, rend par-là le mouvement du sang plus lent, tout étant égal, que dans d’autres arteres aussi éloignées du centre du mouvement ; ensorte que cette lenteur favorise beaucoup la séparation des molécules huileuses ; ce qui forme dans les animaux gras une disposition à s’engraisser toûjours davantage, sur-tout lorsqu’à cette disposition particuliere se joint le défaut d’exercice ; par où l’impulsion du sang dans les vaisseaux capillaires, est encore considérablement diminuée, & chaque partie du sang suit alors de plus en plus la tendance à la cohésion, que lui donne sa gravité spécifique, à proportion que la force du torrent s’affoiblit ; tendance qui est une des principales causes qui concourent dans la secrétion de la graisse, comme dans celle de toutes les autres humeurs.

Et comme les sucs huileux en se séparant du sang, ne sont pas absolument dégagés des parties séreuses, puisqu’elles servent de véhicule à toutes les humeurs en général dans leur cours, ils ne pourroient pas prendre la consistance de graisse, s’ils ne se dépouilloient pas de ces parties qui leur deviennent inutiles & leur empêchent de former un tout homogene. La nature pourvoit à cette dépuration vraissemblablement, en faisant dans les cellules adipeuses mêmes une nouvelle secrétion des parties aqueuses par des vaisseaux collatéraux qui partent de ces cellules & reçoivent ces parties pour les porter dans les vaisseaux lymphatiques ; ensorte que les sucs graisseux parviennent à s’épaissir de plus en plus à proportion qu’ils se dépurent davantage, & qu’ils perdent plus de leur mouvement progressif dans les différentes cavités des cellules qu’ils parcourent ; & à mesure que les molécules huileuses se réunissent entre elles en vertu de leur analogie naturelle, sans aucun corps étranger intermédiaire, & acquierent plus de consistence : d’où s’ensuit enfin la formation complette de la substance onctueuse contenue dans ces cellules, qui devient une vraie graisse ; ce qui peut être comparé à ce qui se fait dans certains arbres, dont les sucs abondans principalement en parties aqueuses dans le tronc, se filtrent dans les branches & dans l’écorce, de maniere que ces parties s’en séparent entierement & qu’il en résulte des substances huileuses, inflammables, comme les baumes, les résines. La graisse tirée du corps des animaux n’est jamais dépouillée à ce point-là de son humidité : mais pour peu qu’elle soit exposée à l’action du feu pour en faire évaporer les parties aqueuses qui lui restent, elle devient aisément susceptible de prendre flamme.

Plusieurs physiologistes regardent la graisse ou les sucs huileux, filtrés, & déposés dans les cellules des différentes membranes adipeuses, comme une matiere qui étant reportée de ces cellules par des veines dans la masse des humeurs, est principalement destinée à contribuer à la formation des globules rouges du sang, & par conséquent à la nutrition. Voyez Sanguification, Nutrition. Tel est l’usage général qu’ils attribuent à cette substance ; il n’est pas douteux qu’il ne se fasse une circulation des parties fluides de la graisse, qu’elles ne rentrent dans les vaisseaux sanguins, après avoir parcouru les cellules adipeuses qui sont entre les arteres & les veines correspondantes. Cela est bien prouvé par ce qui arrive à la suite des exercices violens, des grandes maladies, qui peuvent consumer la graisse la plus abondante en très-peu de tems : elle est forcée par les grands mouvemens musculaires, à parcourir ses cellules avec promptitude, & à se remêler dans le sang ; & même Ruysch, (de gland. fabr. ad Boerrh.) rapporte avoir ouvert le corps d’un cheval très-gras, dont les cellules de l’épiploon furent trouvées rompues par l’effet d’une course forcée, au point qu’il s’étoit répandu plusieurs livres de graisse liquéfiée sous forme d’huile dans la capacité du bas-ventre ; ce qui avoit causé subitement la mort de l’animal. Le même auteur, (loco citato) assûre aussi qu’il a eu occasion d’observer des malades dont la fievre avoit diminué en peu de jours le poids du corps de plus de trente livres.

La trop grande chaleur animale & l’agitation extraordinaire des humeurs, rendent la graisse plus fluide, la font rentrer plus promptement de ses cellules dans la masse des humeurs, & empêchent la réparation des sucs adipeux en les détournant de leurs couloirs secrétoires, en ne leur permettant pas d’y entrer à cause de la rapidité avec laquelle ils se présentent à leurs orifices, d’où ils sont comme entraînés par le torrent.

Malpighi prétend que le principal effet pour lequel la graisse est reportée dans la masse du sang, est d’en adoucir l’acrimonie que les circulations répétées lui font contracter, d’en envelopper les sels exaltés par la chaleur, le mouvement, & l’alkalescence qui s’en suit. Mais l’observation paroît contraire à ce sentiment, puisqu’on voit ordinairement que la fievre est plus ardente, & les humeurs plus disposées à rancir, à devenir acres dans les sujets gras, que dans les maigres, & que les animaux qui ont le plus de graisse, & dans lesquels elle est plus ferme, moins disposée à circuler, à être reportée dans le sang, sont d’un caractere plus doux & plus benin. Il est certain que la graisse ne peut pas être broyée par l’action des muscles ou des vaisseaux, échauffée par le mouvement des humeurs au point d’être liquéfiée & remêlée dans la masse des humeurs, sans se corrompre & devenir extrèmement nuisible à l’économie animale. Mais n’est-il pas plus vraissemblable que les parties huileuses que fournit, que rend au sang la graisse par sa circulation naturelle, sans échauffement, sont destinées principalement à la formation de la bile & des autres humeurs, dans la composition desquelles il entre de ces parties ? L’amas de graisse qui se fait dans l’épiploon, dont le sang veineux fourni à la veine-porte est abondamment chargé des parties huileuses qui s’y sont mêlées, ne semble-t-il pas prouver ce qui vient d’être avancé ? Voyez Foie (Physiol.), Epiploon.

Quoi qu’il en soit, les usages de la graisse sur lesquels il n’y a pas de contestation, sont tous relatifs à des effets particuliers, topiques : ainsi celle qui est renfermée dans la membrane adipeuse sous la peau, contribue à défendre le corps des injures de l’air, & sur-tout du froid, en mettant à couvert un grand nombre de vaisseaux sanguins & de nerfs distribués sous les tégumens de toute l’habitude du corps. Elle sert aussi à tenir la peau tendue, égale dans sa surface pour l’arrondissement des formes dans les différentes parties ou il manqueroit sans ce moyen. C’est ainsi que la graisse contribue beaucoup à la beauté du corps, en empêchant que la peau ne se ride, en remplissant les vuides dans les intervalles des muscles, où il y auroit sans elle des enfoncemens défectueux a la vûe, particulierement à l’égard du visage, sous la peau des joües, des tempes, où il se trouve dans l’embonpoint des pelotons de graisse qui soulevent les tegumens & les mettent de niveau avec les parties saillantes, dont les endroits qui seroient creux, se trouvent environnés. La même chose a lieu par rapport aux yeux, dont le globe est aussi enveloppé dans la graisse, excepté dans sa partie antérieure, pour qu’il soit d’un volume proportionné à la cavité de l’orbite, & comme pour mettre à couvert les muscles de ces organes des frottemens contre les parois osseuses qui les contiennent (attendu que toutes les membranes adipeuses sont insensibles par elles-mêmes), & pour faciliter le jeu des instrumens qui servent à les mouvoir. La graisse sert encore par la transudation huileuse qui s’en fait, à entretenir une certaine flexibilité, une mollesse convenable dans la peau, pour favoriser le jeu des vaisseaux & des nerfs de cette partie, & pour faciliter la transpiration cutanée, en conservant aux pores leur perméabilité. Elle est aussi d’une grande utilité aux muscles en général, en leur procurant la souplesse nécessaire à leur action, & en empêchant le frottement des fibres musculaires entr’elles & leur desséchement, qui contribue plus que la foiblesse à empêcher de se mouvoir les personnes qui sont dans le marasme.

La graisse facilite la sortie des excrémens & du fétus, en remplissant les intervalles qui se trouvent entre le rectum, le vagin, & les os du bassin : elle tient lieu de coussinet dans d’autres parties, & empêche qu’elles ne soient exposées à des pressions incommodes, douloureuses, & même à des contusions, comme aux fesses, au pubis, à la plante des piés. Elle n’est jamais abondante dans les parties où il n’y a que des muscles de peu de conséquence, comme au front, autour du crane ; parce que la nature semble n’en avoir placé que dans les parties exposées à l’action, à l’agitation, au frottement ; comme pour y servir de préservatif contre les mauvais effets de ces différens mouvemens. Elle ne paroît manquer que dans les parties où elle seroit nuisible, où elle gêneroit les fonctions, sans être d’ailleurs d’aucune utilité ; comme dans le tissu cellulaire des membranes du cerveau. Il en est de même des parties où les mouvemens sont peu considérables, peu fréquens, par exemple, dans le tissu cellulaire, qui est sous la peau des paupieres, sous celle du prépuce, où elle seroit d’un poids, d’un volume incommode ; dans la continuation de la membrane adipeuse, qui tapisse intérieurement la peau du scrotum. Dans ces différentes parties, les cellules analogues à celle de la membrane adipeuse, sont très petites, d’un tissu plus délié, & d’une structure qui ne permet pas aux arteres d’y déposer les parties huileuses, dont leur sang est chargé ; d’autant plus qu’il y a peu de ces vaisseaux qui pénetrent dans les interstices de ces cellules : il n’y entre presque que des vaisseaux lymphatiques, qui rendent ces parties des tégumens plus susceptibles de bouffissure, de leucophlegmatie ; lorsque la sérosité du sang est portée en trop grande abondance dans ces portions du tissu cellulaire, ce à quoi sont aussi sujettes celles de toutes les autres parties du corps ; lorsque les cellules sont vuides de sucs adipeux, & qu’il n’y est porté au lieu de ces sucs, que la partie aqueuse du sang, qui peut former des infiltrations de proche en proche, dans toute l’étendue de ce tissu, qui peut aussi dans certains cas, à défaut de graisse, se remplir d’air, & même avec de la graisse, être pénétré, distendu ultérieurement par le fluide aérien ; ce qui forme des emphysemes de différente espece. Voyez Emphysème. Le même homme peut augmenter de volume du double par cette derniere cause, & il se peut faire une augmentation de poids aussi considérable par l’hydropisie de tout le tissu cellulaire (voyez Hydropisie), comme par la trop grande réplétion de sucs adipeux qui forme une sorte d’excès d’embonpoint, qui est l’obésité, sans que les solides qui constituent essentiellement la masse du corps animal, acquierent rien de plus dans cet état. Voyez Nutrition. Et pour ce qui regarde les mauvais effets du trop de graisse, les moyens d’y remédier, voyez Corpulence, Obésité. (d)

Graisse, (Diete, Pharmacie, & Mat. med.) la graisse prise intérieurement fatigue l’estomac, comme elle est fastidieuse à la bouche ; les chairs pénétrées ou mêlées de gros morceaux de graisse, comme celles des oiseaux & des quadrupedes que l’on engraisse à dessein pour le service des bonnes tables, sont indigestes & rassasiantes. Les assaisonnemens aromatiques & piquans les corrigent cependant en partie ; l’habitude & l’oisiveté des gens qui en font leur nourriture ordinaire, achevent de les leur rendre à-peu-près indifférentes. Un estomac peu habitué à ce genre d’alimens ne sauroit les supporter, & ils nuiroient plus infailliblement encore à celui d’un paysan vigoureux accoûtumé aux grosses viandes.

On employe quelquefois la graisse intérieurement à titre de remede ; on donne des bouillons gras, par exemple, & du saindoux fondu contre l’action des poisons corrosifs.

On fait entrer les graisses fondues dans les lavemens adoucissans & relâchans ; on les applique extérieurement comme résolutives, émollientes, & adoucissantes.

Les graisses sont la base la plus ordinaire des pomades, des onguens, des linimens ; elles entrent dans quelques emplâtres.

On n’employe pas indifféremment les graisses de tous les animaux dans chacune de ces compositions pharmaceutiques ; on demande au contraire toûjours une certaine graisse particuliere ; & il y a du choix en effet quant à la perfection, à l’élégance, & surtout à la consistence du médicament, quoique ce choix soit assez indifférent par rapport à ses vertus medicinales.

On a cependant distingué les graisses de divers animaux par ces dernieres propriétés, & on a attribué à quelques-unes plusieurs vertus particulieres, à la graisse humaine, par exemple, à la graisse d’ours, des viperes, &c. Voyez les articles particuliers.

La préparation des graisses qu’on veut conserver pour les usages medicinaux se fait ainsi. Prenez d’une graisse quelconque autant que vous voudrez, séparez-la des morceaux de peau, des gros vaisseaux, des tendons, &c. auxquels elle peut tenir ; coupez-la par petits morceaux, battez-la dans un mortier de marbre, lavez-la plusieurs fois à froid avec de l’eau pure, faites-la fondre au bain-marie, passez-la à-travers un linge, & serrez-la dans un vaisseau convenable. (b)

Graisse de Verre, ou Fiel & Sel de Verre, écume prise sur la surface de la matiere dont elle se forme avant que d’être vitrifiée. Voyez Verre.