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L’Encyclopédie/1re édition/H

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 1-4).
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H, substantif féminin, (Gramm.) c’est la huitieme lettre de notre alphabet. Voyez Alphabet.

Il n’est pas unanimement avoüé par tous les Grammairiens que ce caractere soit une lettre, & ceux qui en font une lettre ne sont pas même d’accord entre eux ; les uns prétendant que c’est une consonne, & les autres, qu’elle n’est qu’un signe d’aspiration. Il est certain que le plus essentiel est de convenir de la valeur de ce caractere ; mais il ne sçauroit être indifférent à la Grammaire de ne sçavoir à quelle classe on doit le rapporter. Essayons donc d’approfondir cette question, & cherchons-en la solution dans les idées générales.

Les lettres sont les signes des élémens de la voix, savoir des sons & des articulations. Voy. Lettres. Le son est une simple émission de la voix, dont les différences essentielles dépendent de la forme du passage que la bouche prête à l’air qui en est la matiere, voyez Son ; & les voyelles sont les lettres destinées à la représentation des sons. Voyez Voyelles. L’articulation est une modification des sons produite par le mouvement subit & instantané de quelqu’une des parties mobiles de l’organe de la parole ; & les consonnes sont les lettres destinées à la représentation des articulations. Ceci mérite d’être développé.

Dans une thèse soutenue aux écoles de Médecine le 13 Janvier 1757 (an ut cæteris animantibus, ita & homini, sua vox peculiaris ?), M. Savary prétend que l’interception momentanée du son est ce qui constitue l’essence des consonnes, c’est-à-dire en distinguant le signe de la chose signifiée, l’essence des articulations : sans cette interception, la voix ne seroit qu’une cacophonie, dont les variations mêmes seroient sans agrément.

J’avoue que l’interception du son caractérise en quelque sorte toutes les articulations unanimement reconnues, parce qu’elles sont toutes produites par des mouvemens qui embarrassent en effet l’émission de la voix. Si les parties mobiles de l’organe restoient dans l’état où ce mouvement les met d’abord, ou l’on n’entendroit rien, ou l’on n’entendroit qu’un sifflement causé par l’échappement contraint de l’air hors de la bouche : pour s’en assûrer, on n’a qu’à réunir les levres comme pour articuler un p, ou approcher la levre inférieure des dents supérieures, comme pour prononcer un v, & tâcher de produire le son a, sans changer cette position. Dans le premier cas, on n’entendra rien jusqu’à ce que les levres se séparent ; & dans le second cas, on n’aura qu’un sifflement informe.

Voilà donc deux choses à distinguer dans l’articulation ; le mouvement instantané de quelque partie mobile de l’organe, & l’interception momentanée du son : laquelle des deux est représentée par les consonnes ? ce n’est assûrément ni l’une ni l’autre. Le mouvement en soi n’est point du ressort de l’audition ; & l’interception du son, qui est un véritable silence, n’en est pas davantage. Cependant l’oreille distingue très-sensiblement les choses représentées par les consonnes ; autrement quelle différence trouveroit-elle entre les mots vanité, qualité, qui se réduisent également aux trois sons a-i-é, quand on en supprime les consonnes ?

La vérité est que le mouvement des parties mobiles de l’organe est la cause physique de ce qui fait l’essence de l’articulation ; l’interception du son est l’effet immédiat de cette cause physique à l’égard de certaines parties mobiles : mais cet effet n’est encore qu’un moyen pour amener l’articulation même.

L’air est un fluide qui dans la production de la voix s’échappe par le canal de la bouche ; il lui arrive alors, comme à tous les fluides en pareille circonstance, que sous l’impression de la même force, ses efforts pour s’échapper, & sa vîtesse en s’échappant, croissent en raison des obstacles qu’on lui oppose ; & il est très-naturel que l’oreille distingue les différens degrés de la vîtesse & de l’action d’un fluide qui agit sur elle immédiatement. Ces accroissemens d’action instantanés comme la cause qui les produit, c’est ce qu’on appelle explosion. Ainsi les articulations sont les différens degrés d’explosion que reçoivent les sons par le mouvement subit & instantané de quelqu’une des parties mobiles de l’organe.

Cela posé, il est raisonnable de partager les articulations & les consonnes qui les représentent en autant de classes qu’il y a de parties mobiles qui peuvent procurer l’explosion aux sons par leur mouvement : de-là trois classes générales de consonnes, les labiales, les linguales, & les gutturales, qui représentent les articulations produites par le mouvement ou des levres, ou de la langue, ou de la trachée-artere.

L’aspiration n’est autre chose qu’une articulation gutturale, & la lettre h, qui en est le signe, est une consonne gutturale. Ce n’est point par les causes physiques qu’il faut juger de la nature de l’articulation ; c’est par elle-même : l’oreille en discerne toutes les variations, sans autre secours que sa propre sensibilité ; au lieu qu’il faut les lumieres de la Physique & de l’Anatomie pour en connoître les causes. Que l’aspiration n’occasionne aucune interception du son, c’est une vérité incontestable ; mais elle n’en produit pas moins l’explosion, en quoi consiste l’essence de l’articulation ; la différence n’est que dans la cause. Les autres articulations, sous l’impression de la même force expulsive, procurent aux sons des explosions proportionnées aux obstacles qui embarrassent l’émission de la voix : l’articulation gutturale leur donne une explosion proportionnée à l’augmentation même de la force expulsive.

Aussi l’explosion gutturale produit sur les sons le même effet général que toutes les autres, une distinction qui empêche de les confondre, quoique pareils & consécutifs : par exemple, quand on dit la halle ; le second a est distingué du premier aussi sensiblement par l’aspiration h, que par l’articulation b, quand on dit la balle, ou par l’articulation s, quand on dit la salle. Cet effet euphonique est nettement désigné par le nom d’articulation, qui ne veut dire autre chose que distinction des membres ou des parties de la voix.

La lettre h, qui est le signe de l’explosion gutturale, est donc une véritable consonne, & ses rapports analogiques avec les autres consonnes, sont autant de nouvelles preuves de cette décision.

1°. Le nom épellatif de cette lettre, si je puis parler ainsi, c’est-à-dire le plus commode pour la facilité de l’épellation, emprunte nécessairement le secours de l’e muet, parce que h, comme toute autre consonne, ne peut se faire entendre qu’avec une voyelle ; l’explosion du son ne peut exister sans le son. Ce caractere se prête donc, comme les autres consonnes, au système d’épellation proposé dès 1660 par l’auteur de la Grammaire générale, mis dans tout son jour par M. Dumas, & introduit aujourd’hui dans plusieurs écoles depuis l’invention du bureau typographique.

2°. Dans l’épellation on substitue à cet e muet la voyelle nécessaire, comme quand il s’agit de toute autre consonne : de même qu’avec b on dit, ba, bé, bi, bo, bu, &c. ainsi avec h on dit, ha, hé, hi, ho, hu, &c. comme dans hameau, héros, hibou, hoqueton, hupé, &c.

3°. Il est de l’essence de toute articulation de précéder le son qu’elle modifie, parce que le son une fois échappé n’est plus en la disposition de celui qui parle, pour en recevoir quelque modification. L’articulation gutturale se conforme ici aux autres, parce que l’augmentation de la force expulsive doit précéder l’explosion du son, comme la cause précede l’effet. On peut reconnoître par-là la fausseté d’une remarque que l’on trouve dans la Grammaire françoise de M. l’abbé Regnier (Paris, 1706, in-12, p. 31.), & qui est répétée dans la Prosodie françoise de M. l’abbé d’Olivet, page 36. Ces deux auteurs disent que l’h est aspirée à la fin des trois interjections ah, eh, oh. A la vérité l’usage de notre orthographe place ce caractere à la fin de ces mots ; mais la prononciation renverse l’ordre, & nous disons, ha, hé, ho. Il est impossible que l’organe de la parole fasse entendre la voyelle avant l’aspiration.

4°. Les deux lettres f & h ont été employées l’une pour l’autre ; ce qui suppose qu’elles doivent être de même genre. Les Latins ont dit fircum pour hircum, fostem pour hostem, en employant f pour h ; & au contraire ils ont dit heminas pour feminas, en employant h pour f. Les Espagnols ont fait passer ainsi dans leur langue quantité de mots latins, en changeant f en h : par exemple, ils disent, hablar, (parler), de fabulari ; hazer, (faire), de facere ; herir, (blesser), de ferire ; hado, (destin), de fatum ; higo, (figue), de ficus ; hogar, (foyer), de focus, &c.

Les Latins ont aussi employé v ou s pour h, en adoptant des mots grecs : veneti vient de ἑνετοὶ, Vesta de ἡστία, vestis de ἑσθής, ver de ἧρ, &c. & de même super vient de ὑπέρ, septem de ἡπτά, &c.

L’auteur des grammaires de Port-Royal fait entendre dans sa Méthode espagnole, part. I. chap. iij. que les effets presque semblables de l’aspiration h & du sifflement f ou v ou s, sont le fondement de cette commutabilité ; & il insinue dans la Méthode latine, que ces permutations peuvent venir de l’ancienne figure de l’esprit rude des Grecs, qui étoit assez semblable à f, parce que, selon le témoignage de S. Isidore, on divisa perpendiculairement en deux parties égales la lettre H, & l’on prit la premiere moitié I- pour signe de l’esprit rude, & l’autre moitié -I pour symbole de l’esprit doux. Je laisse au lecteur à juger du poids de ces opinions, & je me réduis à conclure tout de nouveau que toutes ces analogies de la lettre h avec les autres consonnes, lui en assûrent incontestablement la qualité & le nom.

Ceux qui ne veulent pas en convenir soûtiennent, dit M. du Marsais, que ce signe ne marquant aucun son particulier analogue au son des autres consonnes, il ne doit être considéré que comme un signe d’aspiration. Voyez Consonne. Je ne ferai point remarquer ici que le mot son y est employé abusivement, ou du moins dans un autre sens que celui que je lui ai assigné dès le commencement, & je vais au contraire l’employer de la même maniere, afin de mieux assortir ma réponse à l’objection : je dis donc qu’elle ne prouve rien, parce qu’elle prouveroit trop. On pourroit appliquer ce raisonnement à telle classe de consonne que l’on voudroit, parce qu’en général les consonnes d’une classe ne marquent aucun son particulier analogue au son des consonnes d’une autre classe : ainsi l’on pourroit dire, par exemple, que nos cinq lettres labiales b, p, v, f, m, ne marquant aucuns sons particuliers analogues aux sons des autres consonnes, elles ne doivent être considérées que comme les signes de certains mouvemens des levres. J’ajoûte que ce raisonnement porte sur un principe faux, & qu’en effet la lettre h désigne un objet de l’audition très-analogue à celui des autres consonnes, je veux dire une explosion réelle des sons. Si l’on a cherché l’analogie des consonnes ou des articulations dans quelque autre chose, c’est une pure méprise.

Mais, dira-t-on, les Grecs ne l’ont jamais regardée comme telle ; c’est pour cela qu’ils ne l’ont point placée dans leur alphabet, & que dans l’écriture ordinaire ils ne la marquent que comme les accens au-dessus des lettres : & si dans la suite ce caractere a passé dans l’alphabet latin, & de-là dans ceux des langues modernes, cela n’est arrivé que par l’indolence des copistes qui ont suivi le mouvement des doigts & écrit de suite ce signe avec les autres lettres du mot, plûtôt que d’interrompre ce mouvement pour marquer l’aspiration au-dessus de la lettre. C’est encore M. du Marsais (ibid.) qui prête ici son organe à ceux qui ne veulent pas même reconnoître h pour une lettre ; mais leurs raisons demeurent toujours sans force sous la main même qui étoit la plus propre à leur en donner.

Que nous importe en effet que les Grecs ayent regardé ou non ce caractere comme une lettre, & que dans l’écriture ordinaire ils ne l’ayent pas employé comme les autres lettres ? n’avons-nous pas à opposer à l’usage des Grecs celui de toutes les Nations de l’Europe, qui se servent aujourd’hui de l’alphabet latin, qui y placent ce caractere, & qui l’employent dans les mots comme toutes les autres lettres ? Pourquoi l’autorité des modernes le céderoit-elle sur ce point à celle des anciens, ou pourquoi ne l’emporteroit-elle pas, du-moins par la pluralité des suffrages ?

C’est, dit-on, que l’usage moderne ne doit son origine qu’à la négligence de quelques copistes malhabiles, & que celui des Grecs paroît venir d’une institution réfléchie. Cet usage qu’on appelle moderne est pourtant celui de la langue hébraique, dont le ה, n’est rien autre chose que notre h ; & cet usage paroît tenir de plus près à la premiere institution des lettres, & au seul tems où, selon la judicieuse remarque de M. Duclos (Remarq. sur le v. chap. de la I. part. de la Grammaire générale.), l’orthographe ait été parfaite.

Les Grecs eux-mêmes employerent au commencement le caractere Η, qu’ils nomment aujourd’hui ἦτα, à la place de l’esprit rude qu’ils introduisirent plus tard ; d’anciens grammairiens nous apprennent qu’ils écrivoient ΗΟΔΟΙ pour ὁδῷ, ΗΕΚΑΤΟΝ pour ἑκατὸν, & qu’avant l’institution des consonnes aspirées, ils écrivoient simplement la ténue & Η ensuite, ΤΗΕΟΣ pour ΘΕΟΣ. Nous avons fidélement copié cet ancien usage des Grecs dans l’orthographe des mots que nous avons empruntés d’eux, comme dans rhétorique, théologie ; & eux-mêmes n’étoient que les imitateurs des Phéniciens à qui ils devoient la connoissance des lettres, comme l’indique encore le nom grec ἦτα, assez analogue au nom ou heth des Phéniciens & des Hébreux.

Ceux donc pour qui l’autorité des Grecs est une raison déterminante, doivent trouver dans cette pratique un témoignage d’autant plus grave en faveur de l’opinion que je défens ici, que c’est le plus ancien usage, &, à tout prendre, le plus universel, puisqu’il n’y a guere que l’usage postérieur des Grecs qui y fasse exception.

Au surplus, il n’est pas tout-à-fait vrai qu’ils n’ayent employé que comme les accens le caractere qu’ils ont substitué à h. Ils n’ont jamais placé les accens que sur des voyelles, parce qu’il n’y a en effet que les sons qui soient susceptibles de l’espece de modulation qu’indiquent les accens, & que cette sorte de modification est très-différente de l’explosion désignée par les consonnes. Mais ce que la grammaire greque nomme esprit se trouve quelquefois sur les voyelles & quelquefois sur des consonnes. Voyez Esprit.

Dans le premier cas, il en est de l’esprit sur la voyelle, comme de la consonne qui la précede ; & l’on voit en effet que l’esprit se transforme en une consonne, ou la consonne en un esprit, dans le passage d’une langue à une autre ; le ἧρ grec devient ver en latin ; le fabulari latin devient hablar en espagnol. On n’a pas d’exemple d’accens transformés en consonnes, ni de consonnes métamorphosées en accens.

Dans le second cas, il est encore bien plus évident que ce qu’indique l’esprit est de même nature que ce dont la consonne est le signe. L’esprit & la consonne ne sont associés que parce que chacun de ces caracteres représente une articulation, & l’union des deux signes est alors le symbole de l’union des deux causes d’explosion sur le même son. Ainsi le son ε de la premiere syllabe du mot grec ῥέω est articulé comme le même son e dans la premiere syllabe du mot latin creo : ce son dans les deux langues est précédé d’une double articulation ; ou, si l’on veut, l’explosion de ce son y a deux causes.

Non-seulement les Grecs ont placé l’esprit rude sur des consonnes, ils ont encore introduit dans leur alphabet des caracteres représentatifs de l’union de cet esprit avec une consonne, de même qu’ils en ont admis d’autres qui représentent l’union de deux consonnes : ils donnent aux caracteres de la premiere espece le nom de consonnes aspirées, φ, χ, θ, & à ceux de la seconde le nom de consonnes doubles, ψ, ξ, ζ. Comme les premieres sont nommées aspirées, parce que l’aspiration leur est commune & semble modifier la premiere des deux articulations, on pouvoit donner aux dernieres la dénomination de sifflantes, parce que le sifflement leur est commun & y modifie aussi la premiere articulation : mais les unes & les autres sont également doubles & se décomposent effectivement de la même maniere. De même que ψ vaut πσ, que ξ vaut κσ, & que ζ vaut δσ ; ainsi φ vaut ΠΗ, χ vaut ΚΗ, & θ vaut ΤΗ.

Il paroît donc qu’attribuer l’introduction de la lettre h dans l’alphabet à la prétendue indolence des copistes, c’est une conjecture hasardée en faveur d’une opinion à laquelle on tient par habitude, ou contre un sentiment dont on n’avoit pas approfondi les preuves, mais dont le fondement se trouve chez les Grecs mêmes à qui l’on prête assez légerement des vûes tout opposées.

Quoi qu’il en soit, la lettre h a dans notre orthographe différens usages qu’il est essentiel d’observer.

I. Lorsqu’elle est seule avant une voyelle dans la même syllabe, elle est aspirée ou muette.

1°. Si elle est aspirée, elle donne au son de la voyelle suivante cette explosion marquée qui vient de l’augmentation de la force expulsive, & alors elle a les mêmes effets que les autres consonnes. Si elle commence le mot, elle empêche l’élision de la voyelle finale du mot précédent, ou elle en rend muette la consonne finale. Ainsi au lieu de dire avec élision funest’ hasard en quatre syllabes, comme funest’ ardeur, on dit funest-e-hasard en cinq syllabes, comme funest-e combat ; au contraire, au lieu de dire au pluriel funeste-s hasards comme funeste-s ardeurs, on prononce sans s funest’ hasards, comme funeste’ combats.

2°. Si la lettre h est muette, elle n’indique aucune explosion pour le son de la voyelle suivante, qui reste dans l’état naturel de simple émission de la voix ; dans ce cas, h n’a pas plus d’influence sur la prononciation que si elle n’étoit point écrite : ce n’est alors qu’une lettre purement étymologique, que l’on conserve comme une trace du mot radical où elle se trouvoit, plûtôt que comme le signe d’un élément réel du mot où elle est employée ; & si elle commence le mot, la lettre finale du mot précédent, soit voyelle, soit consonne, est réputée suivie immédiatement d’une voyelle. Ainsi au lieu de dire sans élision titr-e honorable, comme titr-e favorable, on dit titr’ honorable avec élision, comme titr’ onéreux : au contraire, au lieu de dire au pluriel titre’ honorables, comme titre’ favorables, on dit, en prononçant s, titre-s honorables, comme titre-s onéreux.

Notre distinction de l’h aspirée & de l’h muette répond à celle de l’esprit rude & de l’esprit doux des Grecs ; mais notre maniere est plus gauche que celle des Grecs, puisque leurs deux esprits avoient des signes différens, & que nos deux h sont indiscernables par la figure.

Il semble qu’il auroit été plus raisonnable de supprimer de notre orthographe tout caractere muet ; & celle des Italiens doit par-là même arriver plûtôt que la nôtre à son point de perfection, parce qu’ils ont la liberté de supprimer les h muettes ; nomo, homme ; uomini, hommes ; avere, avoir, &c.

Il seroit du-moins à souhaiter que l’on eût quelques regles générales pour distinguer les mots où l’on aspire h, de ceux où elle est muette : mais celles que quelques-uns de nos grammairiens ont imaginées sont trop incertaines, fondées sur des notions trop éloignées des connoissances vulgaires, & sujettes à trop d’exceptions : il est plus court & plus sûr de s’en rapporter à une liste exacte des mots où l’on aspire. C’est le parti qu’a pris M. l’abbé d’Olivet, dans son excellent Traité de la Prosodie françoise : le lecteur ne sauroit mieux faire que de consulter cet ouvrage, qui d’ailleurs ne peut être trop lû par ceux qui donnent quelque soin à l’étude de la langue françoise.

II. Lorsque la lettre h est précédée d’une consonne dans la même syllabe, elle est ou purement étymologique, ou purement auxiliaire, ou étymologique & auxiliaire tout à-la-fois. Elle est-étymologique, si elle entre dans le mot écrit par imitation du mot radical d’où il est dérivé ; elle est auxiliaire, si elle sert à changer la prononciation naturelle de la consonne précédente.

Les consonnes après lesquelles nous l’employons en françois sont c, l, p, r, t.

1°. Après la consonne c, la lettre h est purement auxiliaire, lorsqu’avec cette consonne elle devient le type de l’articulation forte dont nous représentons la foible par j, & qu’elle n’indique aucune aspiration dans le mot radical : telle est la valeur de h dans les mots chapeau, cheval chameau, chose, chûte, &c. L’orthographe allemande exprime cette articulation par sch, & l’orthographe angloise par sh.

Après c la lettre h est purement étymologique dans plusieurs mots qui nous viennent du grec ou de quelque langue orientale ancienne, parce qu’elle ne sert alors qu’à indiquer que les mots radicaux avoient un k aspiré, & que dans le mot dérivé elle laisse au c la prononciation naturelle du k, comme dans les mots, Achaïe, Chersonèse, Chiromancie, Chaldée, Nabuchodonosor, Achab, que l’on prononce comme s’il y avoit Akaie, Kersonèse, Kiromancie, Kaldée, Nabukodonosor, Akab.

Plusieurs mots de cette classe étant devenus plus communs que les autres parmi le peuple, se sont insensiblement éloignés de leur prononciation originelle, pour prendre celle du ch françois. Les fautes que le peuple commet d’abord par ignorance deviennent enfin usage à force de répétitions, & font loi, même pour les savans. On prononce donc aujourd’hui à la françoise, archevêque, archiépiscopal ; Achéron prédominera enfin, quoique l’opéra paroisse encore tenir pour Akéron. Dans ces mots la lettre h est auxiliaire & étymologique tout à-la-fois.

Dans d’autres mots de même origine, où elle n’étoit qu’étymologique, elle en a été supprimée totalement ; ce qui assûre la durée de la prononciation originelle & de l’orthographe analogique : tels sont les mots caractere, colere, colique, qui s’écrivoient autrefois charactere, cholere, cholique. Puisse l’usage amener insensiblement la suppression de tant d’autres lettres qui ne servent qu’à défigurer notre orthographe ou à l’embarrasser !

2°. Après la consonne l la lettre h est purement auxiliaire dans quelques noms propres, où elle donne à l la prononciation mouillée ; comme dans Milhaud (nom de ville), où la lettre l se prononce comme dans billot.

3°. H est tout à-la-fois auxiliaire & étymologique dans ph ; elle y est étymologique, puisqu’elle indique que le mot vient de l’hébreu ou du grec, & qu’il y a à la racine un p avec aspiration, c’est-à-dire un phé פ, ou un phi φ : mais cette lettre est en même tems auxiliaire, puisqu’elle indique un changement dans la prononciation originelle du p, & que ph est pour nous un autre symbole de l’articulation déjà désignée par s. Ainsi nous prononçons, Joseph, philosophe, comme s’il y avoit Josef, filosofe.

Les Italiens employent tout simplement f au lieu de ph ; en cela ils sont encore plus sages que nous, & n’en sont pas moins bons étymologistes.

4°. Après les consonnes r & t, la lettre h est purement étymologique ; elle n’a aucune influence sur la prononciation de la consonne précédente, & elle indique seulement que le mot est tiré d’un mot grec ou hébreu, où cette consonne étoit accompagnée de l’esprit rude, de l’aspiration, comme dans les mots rhapsodie, rhétorique, théologie, Thomas. On a retranché cette h étymologigue de quelques mots, & l’on a bien fait : ainsi l’on ecrit, trésor, trône, sans h ; & l’orthographe y a gagné un degré de simplification.

Qu’il me soit permis de terminer cet article par une conjecture sur l’origine du nom ache que l’on donne à la lettre h, au lieu de l’appeller simplement he en aspirant l’e muet, comme on devroit appeller be, pe, de, me, &c. les consonnes b, p, d, m, &c.

On distingue dans l’alphabet hébreu quatre lettres gutturales, א, ה ,ח ,ע, aleph, hé, kheth, aïn, & on les nomme ahécha (Grammaire hébraïque par M. l’abbé Ladvocat, page 6.). Ce mot factice est évidemment résulté de la somme des quatre gutturales, dont la premiere est a, la seconde , la troisiéme kh ou ch, & la quatriéme a ou ha. Or ch, que nous prononçons quelquefois comme dans Chalcédoine, nous le prononçons aussi quelquefois comme dans chanoine ; & en le prononçant ainsi dans le mot factice des gutturales hébraïques, on peut avoir dit de notre h que c’étoit une lettre gutturale, une lettre ahécha, par contraction une acha, & avec une terminaison françoise, une ache. Combien d’étymologies reçûes qui ne sont pas fondées sur autant de vraissemblance ! (B. E. R. M.)

* h, (Ecriture.) Il y a dans l’Ecriture trois sortes d’h, l’italienne, la coulée, & la ronde : l’italienne se forme de la partie du milieu de l’f, de la premiere partie de l’x pour sa tête, avec la premiere & la septieme partie de l’o : la coulée a les mêmes racines, si l’on en excepte sa tête, qui se tire aussi des sixieme, septieme, huitieme, & premiere parties de l’o : la ronde est un assemblage des huitieme, premiere & seconde parties de l’o ; elle prend son milieu de l’f, & la partie inférieure de l’j consonne rond ; pour son extrémité supérieure, c’est la deuxieme partie de la courbe supérieure de la seconde partie de l’o. Ces trois h se forment toutes du mouvement mixte des doigts & du poignet. Voyez nos Planches d’Ecriture.