L’Encyclopédie/1re édition/QUALITÉ, TALENT

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QUALITÉ, TALENT, (Synon.) les qualités forment le caractere de la personne ; les talens en font l’ornement. Les premieres rendent bon ou mauvais, & influent fortement sur l’habitude des mœurs. Les seconds rendent utile ou amusant, & ont grande part au cas qu’on fait des gens.

On peut se servir du mot de qualité en bien & en mal ; mais on ne prend qu’en bonne part celui de talent.

L’homme est un mêlange de bonnes & de mauvaises qualités, quelquefois bisarre, jusqu’à rassembler en lui les extrèmes ; il y a des gens à talent sujets à se faire valoir, & dont il faut souffrir pour en jouir : il vaut encore mieux essuyer le caprice du renchéri, que la fatigue de l’ennuyeux.

Les qualités du cœur sont les plus essentielles ; celles de l’esprit sont les plus brillantes. Les talens qui servent aux besoins sont les plus nécessaires, ceux qui servent aux plaisirs sont les mieux récompensés.

On se fait aimer ou haïr par ses qualités ; on se fait rechercher par ses talens.

Des qualités excellentes jointes à de rares talens, font le parfait mérite. Girard. (D. J.)

Qualité, (Métaphysiq.) ce mot exprime toute détermination intrinséque de l’être, qui peut être comprise par elle-même, & sans recourir à la voie de comparaison ; c’est ce qui distingue les qualités de la quantité. La quantité existe dans le sujet, mais elle ne sauroit être exprimée par la seule description ; pour rendre sa notion communicable, il faut chercher quelque quantité homogène déterminée, que vous prenez pour une unité & sur laquelle vous mesurez la premiere ; c’est un grand homme, dites-vous. Jusques-là la grandeur n’est qu’une qualité ; mais en voulez-vous déterminer la quantité, vous ne le ferez qu’en disant, il a tant de piés & de pouces. Au lieu que si vous parlez d’une étoffe rouge, d’une pierre chaude, &c. la simple dénomination de ces qualités en excite l’idée.

Toute détermination intrinséque de l’être, est qualité ou quantité, & par conséquent tout ce qui n’est pas quantité est qualité ; prenez une boule de bois. Qu’y a-t-il à observer dans ce sujet ? Des quantités ; savoir, la grandeur de la boule, & de son diametre, la multitude déterminable de ses parties, & la quantité de son poids. Des qualités ; savoir, sa figure, l’espece de sa matiere, sa pesanteur, sa couleur, &c. voilà tout ce que ce sujet, & quelqu’autre que ce soit peuvent fournir.

Les déterminations essentielles, les attributs, les possibilités & les modes mêmes, en tant qu’on en sépare l’idée de quantité, sont les qualités de l’être ; il y en a de primitives, qui n’en reconnoissent point d’autres où elles aient leur raison ; il y en a de dérivatives, dont la raison suffisante, tant d’actualité, que de possibilité se trouve dans d’autres antérieures.

Les qualités dérivatives sont, ou nécessaires, ou contingentes. Les premieres ont la raison suffisante de leur actualité dans les primitives : les autres n’y ont qu’une raison prochaine, ou même éloignée de leur possibilité. Ainsi les qualités dérivatives nécessaires sont la même chose que les attributs ; & les qualités dérivatives contingentes coïncident avec les modes.

Les qualités servent à distinguer les choses ; celles qui sont constantes, comme les qualités primitives, & les dérivatives nécessaires distinguent les objets en tout tems ; mais les contingentes ne peuvent servir à cet usage que dans un tems donné. Les choses semblables ont les mêmes qualités, & celles qui ont les mêmes qualités sont semblables.

La doctrine des qualités a fort occupé les scholastiques qui l’ont embarrassée de leurs subtilités, & qui aux qualités réelles avoient joint une foule de qualités occultes, qu’ils employoient pour l’explication des phénomenes, & que la saine philosophie n’a peut-être pas encore entierement extirpées.

Aristote s’en est tenu à la notion confuse du vulgaire sur ce sujet, en définissant la qualité, ce que nous répondons à la question, qu’elle est une telle chose ? Quelques scholastiques ont fait leurs efforts pour rendre cette notion plus distincte, en indiquant les marques qui dénotent les qualités dans les sujets ; mais leur esclavage n’a pas permis qu’ils fissent de grands progrès dans cette analyse. Cependant cette notion confuse adoptée par l’école, n’est point en contradiction avec la notion distincte que notre définition en donne ; & toutes les qualités que nous comprenons sous cette définition, peuvent servir de réponse à la question, quel est ce sujet ? Tout ce qu’il y a, c’est que la voie vulgaire ne sert qu’à distinguer confusément les objets dans la pratique ; au lieu que la route philosophique en enseigne les distinctions à priori.

Qualité, en Physique est proprement une force ou action qui part d’un ou de plusieurs points, & delà se répand dans un certain espace.

Quelque ignorans que nous soyons sur la nature des qualités, & sur la maniere dont elles operent, nous connoissons cependant les lois qui reglent leur plus ou moins d’intensité. Le docteur Keill démontre que toute qualité qui se propage en rond, c’est-à-dire du centre à la circonférence, comme la lumiere, la chaleur, le froid, l’odeur, &c augmente ou diminue d’efficacité en raison doublée des distances du centre de sa radiation, c’est-à-dire du point d’où elle part.

Soit, par exemple (Pl. géométr. fig. 80.), la lettre A, le centre d’où quelque qualité se propage aux environs, selon la direction des lignes Ae, Af, &c. l’efficacité de cette qualité, soit chaleur, soit froid, soit odeur, &c. sera à égale distance du point A, comme l’épaisseur ou la densité des rayons Ab, Ac, Ad. Mais les rayons bornés à la circonférence interne, ou la surface sphérique bcdH venant à s’étendre jusqu’à la surface sphérique efgK ; ils sont à cette derniere surface beaucoup moins pressés les uns contre les autres ; & cela en raison de l’étendue de cette surface ; c’est-à-dire que si la grande surface est double de la petite, les rayons seront une fois moins pressés. Ainsi les surfaces sphériques étant comme les quarrés de leurs rayons, l’efficacité de la qualité à la surface interne, sera à l’efficacité de cette même qualité à la surface externe, comme le quarré de Ae est au quarré de Ab.

Il faut cependant remarquer (& cette observation est très-importante) que la proposition précédente n’a lieu que pour les qualités qui se propagent par émission de particules, & non par pression dans un fluide. Pour éclaircir ceci, soit par exemple A un point lumineux qui envoie des rayons suivant Ae, Af, Ag, &c. lesquels rayons soient composés de particules émanées du corpuscule A. Il est certain que l’intensité de la lumiere de ce corps sera par la proposition précédente en raison inverse du quarré de la distance. Mais si la lumiere du corps A ne se propageoit que par pression, de sorte que Ae, As, &c. marquassent seulement les directions suivant lesquelles le point A presse le fluide, il est constant par les lois de l’hydrostatique & par la nature des fluides, que la pression sur chaque portion de la surface ek est égale à la pression sur chaque portion égale de la surface bH ; de sorte que la lumiere devroit ne point diminuer à mesure qu’on s’en éloigne, si elle se propageoit par pression. Ce qui peut fournir un nouvel argument en faveur du système de l’émission des corpuscules lumineux. Voyez Lumiere & Emission.

Au reste pour prouver que l’action d’une qualité est en raison inverse du quarré de la distance, il faut supposer que cette qualité se propage par des corpuscules qui partent d’un centre ; autrement la prétendue démonstration est illusoire. C’est donc une absurdité que de vouloir démontrer de cette maniere la loi de l’attraction. Il faut uniquement la démontrer par les phénomenes ; surquoi voyez mes élémens de Philosophie, pag. 237 & 238. (O)

M. Newton avance comme une regle infaillible en Physique, que les qualités des corps qui ne sont point susceptibles d’augmentation ou de diminution d’intensité, & qui se trouvent dans tous les corps où on en a fait l’expérience, doivent être censées des qualités générales de tous les corps. Voyez Physique.

Qualités cosmiques, (Philosophie.) M. Boyle entend par ce mot les qualités qui dépendent de l’action des corps qui composent le système de l’univers.

Cet illustre philosophe prétend 1°. que ces qualités dépendent en partie de l’influence des agens extérieurs, autant que des affections primitives de la matiere ; ensorte qu’il y a plusieurs corps, qui en certains cas n’agissent point, à moins que d’autres n’agissent sur eux ; & quelques-uns agissent seuls ou principalement, selon que ces agens universels & inconnus agissent sur eux. 2°. Qu’il y a des corps subtils répandus dans l’univers, prêts à s’insinuer dans les pores de tout corps disposé à recevoir leurs impressions, ou qui agissent sur lui de quelque autre maniere, surtout si d’autres causes inconnues, & les lois établies dans l’univers, concourent avec eux. 3°. Qu’un corps par le changement méchanique de sa contexture, peut acquérir ou perdre la disposition de recevoir l’impression de ces agens inconnus, comme aussi de diversifier leurs opérations par la diversité de sa contexture.

Boyle propose quelques conjectures sur ce sujet : par exemple, 1°. qu’outre ces corpuscules nombreux & uniformes dont l’éther est composé, selon quelques philosophes modernes, il y a peut-être d’autres especes de corpuscules propres à produire de grands effets, lorsqu’ils trouvent des corps sur lesquels ils puissent agir. 2°. Il rapporte que plusieurs personnes ont cru remarquer des écoulemens de parties pestilentielles dans l’air avant qu’elles agissent comme telles sur les corps. 3°. Il soupçonne que des changemens considérables quoique lents, dans les parties intérieures de la terre, peuvent produire des variations dans la boussole. 4°. Il suppose que le flux & le reflux de la mer, & d’autres phénomenes semblables, sont produits par quelque loi générale de la nature ; ou que le tourbillon planétaire du soleil & de la lune n’y a pas peu de part. 5°. Que toutes les maladies épidémiques doivent peut-être leur origine à l’influence de ces globes qui roulent autour de nous, & à celle des écoulemens terrestres de notre globe. 6°. Il doute que ce qu’on regarde comme les lois générales des phénomenes, & qui supposent une constitution constamment uniforme, & un cours réglé dans les choses ; il doute, dis-je, que ces lois soient aussi uniformes qu’on le croit. 7°. Il conjecture d’un autre côté que ce que nous regardons souvent comme des irrégularités hors du cours établi de la nature, se trouveroient peut-être, si on observoit exactement, des phénomenes réglés qui ont leur retour après de grands intervalles. Mais parce que les hommes n’ont ni assez d’habileté ni assez de curiosité pour les observer, & qu’ils ne vivent pas assez longtems pour faire un assez grand nombre d’observations sur ces phénomenes rares, ils en concluent trop promptement que ce sont des irrégularités, qui ne doivent leur origine à aucune cause fixe & durable. Tout cela paroît fort censé. (D. J.)

Qualité, (Jurisprud.) est un titre personnel qui rend habile à exercer quelque droit.

Pour intenter une action, il faut avoir qualité, c’est-à-dire avoir droit de le faire.

On prend qualité dans une succession en se portant héritier ou légataire, ou donataire ou douairier.

Il y a des qualités qui sont incompatibles entre elles, comme celles d’héritier & de légataire dans la coutume de Paris. Voyez Héritier.

Qualités d’une sentence ou d’un arrêt, sont les noms des parties plaidantes avec leurs demandes & défenses que l’on énonce avant le vû & le dispositif du jugement.

Le procureur qui veut lever un jugement d’audience, fait signifier à son confrere des qualités ; si celui auquel il les signifie y trouve quelque chose à réformer, il peut former opposition aux qualités, & alors on plaide sur cet incident avant que le greffier expédie le jugement. Voyez Arrêt, Sentence, Greffier, Dispositif. (A)

Qualité, en terme de Commerce ; se dit de la nature bonne ou mauvaise d’une marchandise, ou de la perfection ou du défaut d’une étoffe. Ce vin, cette étoffe, ce drap sont d’une excellente qualité, ou ne sont pas d’une bonne qualité. Dict. de commerce.

Qualité, signifie encore ce qui distingue une chose d’avec une autre, parce qu’elles ne sont pas de même nature, ou qu’elles ont quelque apprêt qui les différencie ; comme l’or, l’argent, ou les autres métaux en lingots ne sont pas réputés de même qualité, ni entre eux, ni avec les mêmes métaux ouvrés. Id. ibid.