L’Encyclopédie/1re édition/SARCOCELE

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SARCOCELE, s. m. terme de Chirurgie, tumeur contre nature du testicule, accompagnée de rénitence, sans douleur, du moins dans son commencement, & qui croît peu-à-peu ; c’est ordinairement le corps même du testicule, augmenté de volume par l’accroissement de sa substance & l’engorgement de ses vaisseaux ; ce mot vient du grec σὰρξ, caro, chair, & κήλη, hernie. Les anciens, par rapport au siege de cette tumeur, & sa ressemblance avec celles qui sont formées par déplacement de parties, l’ont appellé sarcocele, & l’ont compris sous le genre des hernies fausses ou humorales.

Les causes externes du sarcocele, sont les coups, les chutes, les contusions, les froissemens, les fortes compressions ; les causes internes viennent de l’épaississement de la lymphe nourriciere, de la rétention de la matiere prolifique, ou des virus vénériens, cancéreux ou scrophuleux ; l’effet de ces différentes causes peut être très-prompt, & former une maladie aiguë inflammatoire, qu’on combat par le régime sévere, par l’usage des délayans, des saignées repetées, & par l’application des cataplasmes anodins & résolutifs ; mais on ne donne proprement le nom de sarcocele, qu’à l’engorgement invéteré & permanent du testicule ; l’usage inconsideré des résolutifs trop actifs, peut causer l’induration du sarcocele, qui devient d’abord skirrheux, & qui peut ensuite dégénérer en cancer.

Il faut bien exactement distinguer le sarcocele des autres especes de tumeurs des testicules, avec lesquelles on pourroit le confondre. On le distinguera facilement de la hernie intestinale ou épiploïque, puisque dans le sarcocele le pli de l’aine est libre, à moins qu’il n’y ait complication de deux maladies ; ce qu’on reconnoîtra par les signes particuliers qui les caractérisent. Voyez Hernie.

Forestus rapporte l’exemple d’un homme qui avoit une tumeur dure du testicule, comme un skirrhe, qui distendoit le scrotum ; elle fit des progrès pendant cinq ans, tout le monde jugeoit que c’étoit un sarcocele, la tumeur devint molle par l’application des émolliens & des maturatifs ; elle se rompit enfin, & l’évacuation d’une grande quantité d’eau, procura l’affaissement du scrotum & du testicule, & le malade guérit radicalement. C’étoit donc une hydrocele, qu’on avoit méconnue, & à laquelle on auroit pu porter remede bien plutôt, sans cette erreur dans le diagnostic. Le chirurgien trouve sans cesse à faire usage de son jugement dans l’exercice de son art, & celui qui ne mérite des éloges que par l’habileté de la main, ne posséde pas la meilleure part.

Toute la substance du testicule n’est pas toujours comprise dans la tumeur ; le sarcocele ne paroît quelquefois que comme une excroissance charnue, qui s’éleve sur le corps même du testicule : c’est au tact à bien faire connoître l’état précis des choses.

Le prognostic du sarcocele est différent, suivant les causes qui l’ont produit, suivant son volume & les progrès plus ou moins rapides qu’il a faits, & suivant les dispositions qu’il a à ne pas changer de caractere, ou à suppurer s’il devient phlegmoneux, ou à dégénérer en cancer, s’il est d’une espece skirrheuse.

On espere ordinairement très-peu des médicamens, pour la guérison de ce mal. Les remedes généraux, qui sont les saignées, les purgatifs, & les bains, préparent au bon effet des fondans apéritifs, & des emplâtres discussifs & résolutifs, tels que ceux de savon, de ciguë, &c. Rulandus recommande comme un très-bon remede, le baume de soufre, dont on oint la tumeur matin & soir. D’autres estiment beaucoup un emplâtre fait avec la gomme ammoniaque, le bdellium, le sagapenum, dissout dans le vinaigre, avec l’addition de quelques graisses & huiles émollientes & résolutives : les frictions mercurielles locales, & l’emplâtre de vigo, sont convenables contre le sarcocele vénérien ; elles peuvent aussi avoir un bon effet s’il est scrophuleux. Voyez Ecrouelles.

Fabrice d’Aquapendente dit, d’après Mathiole, que la poudre de racine d’arrête-bœuf, (ononis) prise intérieurement pendant quelques mois, a la vertu de guérir le sarcocele. Scultet assure s’en être servi plusieurs fois avec succès ; si malgré ces remedes la tumeur fait des progrès, il faut absolument en venir à l’opération, qui doit être pratiquée différemment, suivant les différens cas.

Si la tumeur est skirreuse, & que les douleurs commencent à s’y manifester, c’est un signe qu’elle dégénere en cancer : le caractere spécial de la douleur servira à en juger avec assurance, elle sera lancinante. Voyez Cancer. Dans ce cas il ne faut pas différer l’extirpation du testicule. V. Castration. C’est même le parti le plus assuré pour la guérison des sarcoceles invéterés, & sur-tout lorsqu’ils sont d’un volume considérable. Munnicks a vu emporter un testicule qui pesoit plus de vingt onces, le malade a guéri. Fabrice d’Aquapendente a fait la même opération pour un testicule carcinomateux, gros comme son chapeau ; le malade fut guéri au bout de vingt jours ; il a amputé un autre testicule tuméfié, qui paroissoit fort sain au-dehors, mais qui étoit tout pourri au-dedans : le motif qui l’a porté à opérer dans ce cas, étoit la résistance de cette tumeur invéterée à l’action des remedes.

Il n’est pas toujours nécessaire d’en venir à l’opération. Les auteurs proposent deux autres méthodes d’opérer, qui ont pour objet la conservation du testicule ; dans le cas où cette partie n’est pas tuméfiée dans toute sa substance, & que le sarcocele est une tumeur particuliere qui s’éleve sur la surface, quelques auteurs conseillent de faire une incision à la peau du scrotum, tout le long de la tumeur, afin de l’extirper sans toucher au testicule ; on fera suppurer la base qui y étoit adhérente, par le moyen des onguens digestifs ; d’autres prescrivent l’application d’une trainée de pierre à cautère, pour parvenir au même but ; après la chute de l’escarre, ils poursuivent l’éradication totale de la tumeur, par des remedes cathérétiques : c’est un procedé qui peut avoir du succès en quelques cas ; mais il est bien douloureux & sujet à l’inconvénient de faire suppurer complettement, ou de faire tomber en pourriture gangreneuse la partie qu’on se propose de conserver ; l’incision paroît préférable : on a varié sur la maniere de la faire : tout le monde n’approuve pas l’incision qui découvre la tumeur dans toute sa longueur. Munnicks, & quelques autres praticiens étrangers, recommandent une très-petite ouverture à la partie supérieure du scrotum, dans laquelle on introduira, au moyen d’une tente, des remedes suppuratifs, pour mettre la masse charnue en suppuration ; à chaque pansement, on aura soin, disent-ils, de nétoyer la playe sans en exprimer tout le pus, afin qu’il serve à consumer la tumeur. Voilà la raison du choix de la partie supérieure de la tumeur pour le lieu de l’incision ; mais je trouve que cette maniere de procéder à la guérison du sarcocele, est tronquée, & copiée de Fabrice d’Aquapendente, qui la propose pour la cure de l’hydro-sarcocele : voici comme il décrit ce moyen de curation. On fera une ouverture médiocre au scrotum, en sa partie, non pas trop déclive ou tout-à-fait inférieure, mais à la partie moyenne ; par cette petite incision, on donnera issue à l’eau renfermée dans la tumeur, on y introduit ensuite une tente fort longue, enduite d’un bon onguent suppuratif, tel que le mélange de térébenthine avec de l’encens, le jaune d’œuf & le beurre ; on applique par-dessus un emplâtre émollient & suppuratif, comme diachylon gommé avec l’axonge ; on observera, continue notre savant praticien, que quoiqu’on ait des signes que le scrotum est plein de pus, il ne faut pourtant pas le laisser sortir, mais le retenir exprès, avec grand soin, pour qu’il serve peu-à-peu à la putréfaction de la tumeur ; il faut toujours perséverer dans l’usage des remedes maturatifs, jusqu’à ce que la suppuration ait consommé entierement le mal, ce qui ne s’obtient qu’à la longue : cette méthode, dit l’auteur, est très-assurée & réussit toujours bien pour détruire les hernies charnues, quel qu’en soit le volume. On peut s’en rapporter à la décision d’un aussi grand maître : ce moyen est préférable à la castration, dans tous les cas où elle ne sera pas indispensable.

J’ai vu des accidens mortels de l’ouverture prématurée des sarcoceles suppurés, & ce n’est pas sans raison que Fabrice dit expressément qu’il ne faut pas changer de remedes, mais de s’en tenir aux seuls maturatifs pendant que la suppuration se fait. On voit combien la description de cette méthode avoit été alterée désavantageusement par les copistes qui l’ont fait passer dans leurs ouvrages ; ce qui prouve la nécessité de remonter aux sources, & l’utilité du travail par lequel on cherche à apprécier chaque chose, & à la mettre à sa juste valeur.

Dionis rapporte, dans son traité d’opérations, qu’un malabare des Indes avoit un sarcocele inégal, dur comme une pierre, d’un pié trois pouces & six lignes de longueur, & d’un pié trois pouces de largeur sur le devant ; cette tumeur pesoit environ soixante livres ; la relation en a été envoyée de Pontichery en 1710, par le P. Mazeret, jesuite. (Y)