L’Encyclopédie/1re édition/SUPRÉMATIE
SUPRÉMATIE, (Gouvernement politique.) l’Eglise reçue dans l’état sous Constantin, y avoit apporté son culte, qu’elle ne tenoit que de Dieu seul, mais qu’elle ne pouvoit exercer publiquement que par la permission de l’empereur ; c’étoit lui qui assembloit les conciles ; & quand la religion fut encore plus répandue, les souverains, chacun dans leurs états, exercerent dans les choses ecclésiastiques la même autorité que l’empereur. Ainsi le concile d’Orléans fut convoqué par l’autorité de Clovis ; Carloman & Pepin son frere, n’étant que maires du palais, en convoquerent aussi.
L’assemblée des conciles généraux intéressoit trop l’autorité des princes séculiers, pour qu’il n’y eût point entre eux par la suite des tems, de jalousie au sujet de la convocation. Il falloit, pour les accorder, un lien commun formé par la religion, qui tînt à tous, & qui ne dépendît de personne ; c’est ce qui rendit enfin les papes, en qualité de peres communs des fideles, maîtres de cette convocation, mais avec le concours juste & nécessaire des souverains. Les légats étendirent beaucoup depuis les droits du saint siége à cet égard ; Charles-le-Chauve autorisa leurs entreprises ; & on les vit souvent assembler des conciles nationaux dans les royaumes où ils furent envoyés, sans en consulter les souverains. Henault. (D. J.)
Suppématie, dans la politique angloise, signifie la supériorité ou la souveraineté du roi sur l’église, aussi bien que sur l’état d’Angleterre, dont il est établi le chef. Voyez Roi.
La suprématie du roi fut établie, ou comme d’autres parlent, recouvrée par le roi Henri VIII. en 1534, après avoir rompu avec le pape. Depuis ce tems-là, elle a été confirmée par divers canons, aussi-bien que par les statuts synodaux de l’église anglicane ; ce qui a donné lieu au formulaire d’un serment que l’on exige de tous ceux qui entrent dans les charges & emplois de l’église & de l’état, de ceux qui aspirent aux ordres sacrés, des membres de la chambre haute & de la chambre basse du parlement, &c. Voyez Serment.
Le droit de suprématie consiste principalement dans ces articles.
1°. Que l’archevêque de chaque province ne peut convoquer les évêques & le clergé, ni dresser des canons sans le consentement exprès du roi, comme il paroît par le statut de la vingt-cinquieme année du regne d’Henri VIII. c. xix. au lieu qu’auparavant les assemblées ecclésiastiques étoient convoquées, & que l’on y faisoit des lois pour le gouvernement de l’Eglise, sans aucune intervention de l’autorité royale. Voyez Convocation.
2°. Aujourd’hui on peut appeller de l’archevêque à la chancellerie du roi ; en conséquence de cet appel, on expédie une commission sous le grand sceau adressée à certaines personnes, qui pour la moitié sont ordinairement des juges séculiers, & pour l’autre moitié des juges ecclésiastiques ; ce que l’on appelle la cour des délégués, où se décident définitivement toutes les causes ecclésiastiques ; quoique dans certains cas on permette de revenir de la sentence de cette cour par forme de révision. Avant ce statut d’Henri VIII. on ne pouvoit appeller de l’archevêque qu’au pape seul. Voyez Delegué, Appel, &c.
3°. Le roi peut accorder des commissions à l’effet de visiter les lieux exempts de la jurisdiction des évêques ou des archevêques ; & de-là les appels ressortissent à la chancellerie du roi : au lieu qu’avant le statut d’Henri VIII. il n’y avoit que le pape qui pût ordonner ces visites, & recevoir les appels interjettés de ces cours.
4°. Les personnes revêtues des ordres sacrés ne sont pas plus exemptes de l’autorité des lois temporelles, que les personnes séculieres. Voyez Exemption, Immunité, &c.
5°. Les évêques & le clergé ne prêtent aucun serment, & ne doivent aucune obéissance au pape ; mais ils sont obligés de prêter au roi le serment de fidélité & de suprématie.