L’Encyclopédie/1re édition/SUTURE

La bibliothèque libre.
◄  SUTRIUM
SUVAROCAPO  ►

SUTURE, s. f. en Anatomie, est une connexion ou d’articulation particuliere de certains os dans le corps animal ; ainsi nommée parce qu’elle ressemble à une couture. Voyez Articulation.

Il y a deux sortes de sutures, l’une appellée vraie, lorsque les os sont dentelés comme une scie, & reçus mutuellement les uns dans les autres.

L’autre appellée fausse ou écailleuse, lorsque les os avancent l’un sur l’autre comme les écailles de poisson. Voyez Écailleuse.

Les os du crâne sont ordinairement joints ensemble par trois sutures vraies ; savoir la coronale, qui va d’une tempe à l’autre. Voyez nos Planches Anat. & l’article Coronal. La sagittale qui unit les os pariétaux. Voyez l’article Sagittale. Et la lambdoïde, ainsi nommée parce qu’elle ressemble au lambda grec Λ. Voyez Lambdoïde.

Outre ces trois sutures il y en a une quatrieme, qui est fausse ou écailleuse, & que l’on suppose faussement n’être pas dentelée. Elle joint les os des tempes à l’os sphénoïde, à l’occipital, &c. & on l’appelle aussi suture temporale. Voyez nos Pl. Anat. & Écailleuse.

Les Naturalistes disent qu’en Perse on trouve souvent des gens qui ont le crâne composé d’un seul os, sans aucune suture, & sans qu’on voye résulter de-là aucun inconvénient. M. Fléchier, dans sa Vie du cardinal Ximenès, rapporte aussi la même chose de ce cardinal. Il semble néanmoins que ce défaut de sutures devroit avoir de fâcheuses suites, comme de rendre la transpiration sort imparfaite, & de causer par-là des pesanteurs de têtes & des vertiges. Voyez Crane.

La suture sphénoïdale, est une suture ainsi appellée parce qu’elle environne l’os sphénoïde qu’elle sépare du coronal, de l’os des tempes & de l’occipital. Voyez Suture, Crane, Sphénoïde, &c.

Suture du crane, (Physiolog.) on nomme suture du crâne, l’articulation ou la jonction de ses os ensemble. Selon le système des anciens, toutes les sutures du crâne se divisent en sutures vraies ou dentelées, & en sutures fausses ou écailleuses ; nous allons parler physiologiquement des unes & des autres en général.

Vésale, & après lui des Anatomistes de grande réputation, comme Fallope, Spigel, &c. prétendent qu’en examinant la calotte du crâne humain, on ne remarque sur sa face concave, à l’endroit des sutures, que des lignes plus ou moins régulieres, au lieu qu’à sa face convexe les dentelures, comme tout le monde sait, y sont très-sensibles. On peut encore exposer cette remarque d’une autre façon, en disant que les dents qui unissent les os coronal, pariétaux & occipital entre eux, ne se trouvent qu’à la table interne & au diploé, & qu’il n’y a point de dentelure à la table interne de ces os.

M. Hunauld prévenu en faveur d’une observation qui vient de si bonne part, & qu’il avoit lui-même vérifiée plusieurs fois, fut fort étonné d’y trouver par la suite des exceptions. Il voulut s’assurer en examinant quantité de crânes, si ces exceptions n’étoient point un jeu de la nature ; & voici ce qu’il a découvert.

Les crânes qu’on étudie le plus, & dont on sépare les os pour la démonstration, sont assez souvent des crânes de sujets morts après avoir passé l’âge de la jeunesse. On ne trouve point pour l’ordinaire de dents à la table interne de ces crânes ; & plus les sujets sont avancés en âge, & plus l’union des os en-dedans de la calotte du crâne, paroît en forme de lignes ; ces lignes même s’effacent entierement dans la vieillesse. Au contraire dans le bas âge, il y a des dents à la table interne de la calotte du crâne, & les sutures paroissent à sa surface concave. Ces dents & ces sutures y sont d’autant plus apparentes que les sujets sont plus jeunes. Voilà une variété bien certaine, bien constante, & qui fait porter à faux l’observation de Vésale, & d’autres célebres anatomistes. C’est de cette variété dont M. Hunauld a tâché de développer les causes ; & c’est ce qu’il a fait avec beaucoup d’esprit.

Une voûte, dit-il, a plus d’étendue à sa surface convexe qu’à sa surface concave, & plus une voûte est épaisse, & plus sa surface interne est petite par rapport à l’externe. Cette différence d’étendue fait que les pieces qui composent une voûte doivent être taillées obliquement, pour être appliquées les unes à côté des autres. Si l’on suppose que les pieces d’une voûte fassent également effort pour s’augmenter suivant toutes leurs dimensions, la pression de ces pieces les unes contre les autres sera plus forte vers la surface concave, que vers la surface convexe. Ces idées simples appliquées à ce qui se passe dans l’augmentation du crâne, semblent fournir la raison de l’effacement des sutures internes du crâne à un certain âge.

Dans l’enfance, le coronal, les pariétaux, & l’occipital, commencent peu-à-peu à s’ajuster ensemble par le moyen des dents, & des échancrures qui se trouvent à leurs bords. Ces os sont alors très-minces, & les dents qui se trouvent gravées dans toute leur épaisseur, sont aussi longues à la table interne qu’à l’externe ; ainsi les sutures coronale, sagitale, & lambdoïde, paroissent à la surface convexe de la calote du crâne, de même qu’à la surface convexe ; mais ensuite les choses changent : les os du crâne se pressent mutuellement les uns & les autres, à mesure que leur étendue augmente : comme en même-tems leur épaisseur devient plus considérable, il faut nécessairement que les dents aient moins de longueur à la table interne qu’à l’externe, & il faut que la pointe de ces mêmes dents soit taillée obliquement, car la calote du crâne ainsi qu’une voûte, a moins d’étendue à sa surface concave, qu’à sa surface convexe ; ainsi les bords des os qui la composent, pour pouvoir s’appliquer à côté les uns des autres, doivent être taillés obliquement.

A mesure que l’épaisseur du crâne augmente, les dents deviennent de plus en plus moins longues à la table interne qu’à l’externe ; cette inégalité de longueur fait que les échancrures, qui ne sont que les interstices des dents, ont aussi moins d’étendue à la surface concave du crâne, qu’à la surface convexe ; par conséquent si l’on regarde le dedans de la calote du crâne, quand il commence à acquérir une certaine épaisseur, les sutures y doivent paroître moins considérables qu’à sa surface externe.

Voilà donc déja les dents moins longues, & les échancrures moins profondes à la table interne qu’à l’externe ; mais il faut encore quelque chose de plus, car avec l’âge les échancrures se remplissent entierement à la table interne, & les dents y disparoissent entierement.

Lorsque les os de la calote du crâne commencent à se presser réciproquement, par l’augmentation de leur étendue, la partie de la pointe des dents, qui appartient à la table interne, pressée contre les échancrures de l’os opposé, trouve moins de résistance vers la substance spongieuse du diploë, que contre la table interne des échancrures où ces dents sont engagées ; cette partie de la pointe des dents qui appartient à la table interne, se dirigera donc vers le diploë : le peu d’épaisseur de la table interne rend cette détermination facile ; la table interne de la dent, en se portant ainsi vers le diploë, forme un talus, & perd le niveau du dedans du crâne ; mais la table interne du fond de l’échancrure, en profite bientôt, en s’avançant sur le talus de la dent opposée, & elle s’y avance d’autant plus, que les os faisant plus d’effort les uns contre les autres vers leur surface concave qu’ailleurs, y sont plus disposés à s’étendre vers les endroits où il se trouve une diminution de résistance.

Voilà donc en même tems deux nouvelles causes qui contribuent à effacer les sutures du dedans de la calote du crâne. 1°. Toute la pointe des dents qui se releve vers le diploë, cesse de paroître en dedans du crâne. 2°. La table interne qui s’avance du fond de chaque échancrure, diminue la longueur des dents du côté de leur racine, ainsi par ce double moyen, peu-à-peu & avec le tems, les dents se trouvent effacées au-dedans du crâne, il n’y paroit plus de figure, & l’union des os ne se fait appercevoir que par des lignes.

Les dents qui composent les sutures, ne sont pas toutes de la même longueur : les petites dents qui ne sont séparées que par de petites échancrures, disparoissent les premieres ; plusieurs dents d’une longueur inégale, placées à côté les unes des autres, se confondent, & n’en font plus qu’une d’une largeur considérable, lorsque les interstices qui les séparent, sont remplis. Il se trouve encore des dents beaucoup plus longues que les autres : celles-ci disparoissent plus tard, ou ne disparoissent même jamais entierement. Toutes ces inégalités donnent à l’union des os en dedans du crâne, la figure de lignes irrégulieres.

Lors donc qu’il ne paroît point de dents à la surface concave du crâne, cela ne se fait pas, pour empêcher, comme on le dit ordinairement, que la dure-mere ne soit blessée dans les cas de fracture, ou d’enfoncement à l’endroit des sutures ; mais c’est par une suite nécessaire de la conformation des os du crâne, & de sa figure.

C’en est assez pour ce qui concerne les sutures vraies ou dentelées : la différence qui se trouve entre elles, & les sutures fausses ou écailleuses, montre que leurs usages doivent être différens. Dans l’une, les os s’unissent par le moyen des avances & des enfoncemens qui sont à leurs bords : dans l’autre le bord d’un os est appliqué sur le bord d’un autre os, & pour s’ajuster ainsi, ils sont tous les deux taillés en bizeau. Presque tous les anatomistes ont ou proposé des raisons de cette différence, ou ont adopté quelques-unes des raisons qu’on avoit proposées avant eux ; cependant en les examinant toutes, il paroît qu’on n’en a point encore trouvé de suffisantes, à l’exception de celle que propose M. Hunauld, dans les mêmes mémoires de l’acad. des Sciences, an. 1730. (D. J.)

Suture, terme de Chirurgie, couture que l’on fait aux plaies, pour en tenir les levres approchées, afin que le suc nourricier puisse les réunir. Voyez Plaies.

Les sutures ne sont pas le seul moyen que la chirurgie emploie pour maintenir les bords d’une plaie dans le contact mutuel qui est nécessaire pour leur consolidation. Voyez Réunion. on a beaucoup abusé en chirurgie de l’opération de la suture, comme M. Pibrac l’a démontré dans une excellente dissertation, insérée au troisieme tome des mémoires de l’académie royale de Chirurgie.

Les scholastiques distinguent plusieurs especes de sutures, qui se réduisent à l’entrecoupée dont nous allons parler dans cet article ; à l’enchevillée qui convient aux plaies pénétrantes du bas ventre, voyez Gastroraphie ; à l’entortillée qui sert aux plaies des levres, voyez Bec de lievre ; & à la suture du pelletier, dont on prescrit l’usage pour les plaies des intestins : Voyez Plaies des intestins. Les trois premieres ont été appellées sutures incarnatives, & elles se font à points séparés ; la derniere se nomme restrinctive, parce qu’elle s’oppose à l’issue des matieres contenues dans le canal intestinal ; cette suture se fait à points continus, en surjettant le fil, comme les pelletiers font en cousant les peaux.

Quoique la réunion soit l’indication générale que donne la cure des plaies, il y a des cas où il ne faut point mettre en usage les moyens de la procurer. Telles sont 1°. les plaies soupçonnées d’être venimeuses, parce qu’il est à propos de donner issue au venin, & de faire pénétrer les remedes dans l’intérieur des parties où il s’est insinué. 2°. Les plaies accompagnées de grandes inflammations, ne permettent pas l’usage des sutures, parce que les points d’aiguilles augmenteroient les accidens ; mais on peut se servir des autres moyens unissans, s’ils peuvent avoir lieu. 3°. Les plaies contuses devant nécessairement suppurer, ne peuvent point être réunies, non plus que celles où il y a une déperdition de substance, qui empêche l’approximation des bords de la plaie. 4°. on ne réunit point les plaies qui pénétrent dans l’intérieur de la poitrine. Voyez Plaies de poitrine. 5°. Les plaies où il y a des gros vaisseaux ouverts, n’indiquent point la réunion : car il faut faire des ligatures, & comprimer l’orifice des vaisseaux ouverts ; ces cas, loin de permettre la réunion, exigent au-contraire fort souvent qu’on fasse des incisions pour découvrir le vaisseau blessé. Voyez Anevrisme faux.

Dionis, après plusieurs auteurs plus anciens, a cru que l’on ne devoit point réunir les plaies où les os sont découverts, à cause des exfoliations qu’il en faut attendre. Ce précepte ne doit pas être pris à la rigueur : on ne doit le suivre que quand les os découverts sont alterés : car s’ils sont simplement découverts, ou même divisés par un instrument tranchant, en approchant les parties nouvellement divisées, on les préservera de l’impression de l’air qui est nuisible aux os découverts ; & les sucs nourriciers des parties divisées & rapprochées, fournira le baume le plus convenable pour leur réunion. On pourroit appuyer la pratique de réunir les plaies avec division des parties osseuses, sur un grand nombre de faits ; nous avons entre autres une observation communiquée à l’académie royale de Chirurgie, par feu M. de la Peyronie, son président, qui est très-concluante sur ce point de l’art. Un homme reçut obliquement un coup d’instrument tranchant sur la partie extérieure & moyenne du bras ; l’os en fut coupé net avec les muscles & les tégumens qui le couvroient, ensorte que ce bras ne tenoit qu’à une bande de peau de la largeur d’un pouce, sous laquelle étoit le cordon des vaisseaux. M. de la Peyronie tenta la réunion, bien persuadé qu’il seroit toujours assez à tems d’oter le membre, si le cas le requéroit : il mit les deux extrémités de l’os divisé en leur situation naturelle, fit plusieurs points de suture pour la réunion des parties molles, & appliqua un bandage capable de contenir la fracture ; ce bandage étoit fenétré vis-à-vis la plaie, pour la facilité des pansemens : on employa pour topique l’eau-de-vie, animée d’un peu de sel ammoniac, dont on fomenta aussi l’avant-bras & la main qui étoit froide, livide & sans sentiment : on parvint à rappeller la chaleur naturelle : on pansa la plaie ; le huitieme jour, l’appareil en fut levé par la fenêtre du bandage ; le quatorzieme jour, pour le second appareil, & la plaie parut disposée à la réunion. Le dix-huitiéme la cicatrice se trouva avancée, la partie presque dans son état naturel, & le battement du pouls sensible : alors M. de la Peyronie substitua un bandage roulé au fénétré : on eut soin de lever l’appareil de dix en dix jours ; après cinquante jours on l’ôta entierement, & au bout de deux mois de la blessure, le malade fut entierement guéri, à un peu d’engourdissement près dans la partie. On doit conclure de cette observation, qu’on doit tenter la réunion quelque grande que soit la plaie, & qu’il n’y a point d’inconvénient à l’essayer, pour peu que la conservation d’un membre soit vraissemblable ; la nature ne demandant souvent qu’à être aidée, pour faire des prodiges.

Pour faire la suture entrecoupée, il faut avoir préparé l’appareil convenable ; il consiste en aiguilles, fils, plumaceaux, compresses & bandes ; les aiguilles doivent être plus ou moins grandés, selon la profondeur de la plaie. Voyez Aiguille. Les fils doivent par la réunion de plusieurs fils cirés, former un cordonnet plat : ce cordonnet sera proportionné à l’aiguille, comme l’aiguille à la plaie ; il sera plus fort pour une plaie profonde que pour une superficielle.

Tout étant disposé, on lavera la plaie pour la débarrasser des ordures & autres corps étrangers qui peuvent y être, & en ôter les caillots de sang qui s’opposeroient à la réunion ; le chirurgien doit alors considérer exactement la grandeur & la profondeur de la plaie : par l’étendue de la plaie, il décidera du nombre de points de suture qu’il faudra pour la réunir ; il seroit aussi mal-à-propos de les multiplier sans nécessité, que de n’en pas faire autant qu’il convient ; dans les plaies qui n’ont qu’une direction, si un point suffit, il se fait ordinairement au milieu : s’il en faut deux, on les fait à égale distance entre eux, qu’il y en aura de chaque point à l’angle de la plaie dont il est le plus proche ; Pl. XXX. fig. 9. s’il faut trois points, on commencera par celui du milieu, & les deux autres seront placés entre le premier & l’angle de la plaie, à droite & à gauche ; ainsi du reste. Voy. Pl. XXXI. fig. 1. J’ai dit qu’ordinairement un seul point de suture se plaçoit au milieu de la plaie : car si la plaie étoit plus profonde vers un de ses angles, ce seroit dans cet endroit qu’il conviendroit de faire la suture.

Lorsque les plaies ont plusieurs directions, & qu’il y a un ou plusieurs lambeaux, on doit commencer la suture par les angles des lambeaux, sans quoi on risqueroit de ne pas pouvoir réunir la plaie dans toutes ses parties. Pl. XXX. fig. 10 & 11.

La profondeur de la plaie servira à déterminer à quelle distance de ses levres chaque point doit être fait ; le fil doit décrire une ligne courbe dans l’épaisseur des parties, & il faut que le milieu de cette courbe passe à une ligne du fond de la plaie ; pour y réussir, il faut que l’éguille entre d’un côté, à une distance égale à la profondeur de la plaie, & qu’elle sorte de l’autre côté à pareille distance ; si l’on prenoit moins de parties, le milieu du fil n’iroit point jusqu’au fond de la plaie : on parvient à en réunir la superficie ; mais les bouches des vaisseaux qui ne sont point affrontés dans le fond, laissent échapper du sang & de la lymphe ; il s’y forme une suppuration à laquelle il faut donner issue par une incision, lorsque la cicatrice est bien formée dans toute l’étendue de la superficie de la plaie ; si l’aiguille pénetre à trop de distance, on risque d’embrasser les parties au-delà du fond de la plaie, ce qui en causant une douleur inutile, ne seroit pas sans danger.

Pour pratiquer la suture, toutes ces mesures prises, on rapproche les levres de la plaie : on les fait tenir dans cette situation par un aide : on prend l’aiguille avec la main droite ; le doigt index & celui du milieu seront sur la convexité de l’aiguille, & le pouce dans la concavité ; la pointe sera tournée du côté de la poitrine de l’opérateur, & le cordonnet dont elle sera enfilée, sera jetté extérieurement sur la main. Le chirurgien appuiera légerement le petit doigt & l’annulaire de sa main droite sur la partie blessée, & portera la pointe de l’aiguille sur la peau, à la distance convenable ; le pouce & le doigt indicateur de la main gauche, appuieront par leurs extrémités sur le côté opposé à l’endroit où l’on doit faire entrer la pointe de l’aiguille, & par ce moyen on percera tout-à-la-fois les deux levres de la plaie ; lorsque la pointe de l’aiguille est suffisamment sortie entre les deux doigts de la main gauche, qui par leur compression en favorisoient le passage, on tire l’aiguille par sa pointe avec ces deux doigts de la main gauche, en observant qu’en même-tems qu’ils saisissent la pointe de l’aiguille pour la tirer, on porte deux doigts de la main droite pour soutenir latéralement les parties que l’aiguille traverse : on continue de faire les autres points sans couper les fils que l’on tient fort lâches pour qu’ils forment des anses assez grandes pour faire les nœuds : quand on a fait autant de points que l’étendue de la plaie l’a réquise, on coupe les anses par le milieu, & on fait les nœuds à la partie supérieure, ou à la moins déclive de la plaie, afin qu’ils ne s’imbibent ni de sang ni de pus ; le nœud que l’on fait doit d’abord être simple, & être assujetti par un demi-nœud en rosette, afin de pouvoir être desserré ou resserré au besoin : dans cette vue M. le Dran conseille de graisser la superficie du nœud avec quelque huile ou pommade, & de mettre par-dessus une petite compresse aussi graissée. Ces préceptes généraux souffrent quelques exceptions.

1°. Lorsque les plaies sont profondes, on ne prend point les deux levres d’un seul coup d’aiguille : on pénetre du dehors au-dedans, à un des côtés de la plaie, & après avoir retiré entierement l’aiguille, on acheve le point en perçant l’autre levre du dedans au-dehors.

2°. Dans les plaies à lambeaux le nœud ne doit pas toujours se faire à la partie supérieure, ou à la partie la moins déclive de la plaie, car si le lambeau est fait de bas en haut, la réunion exige que le nœud se fasse en-bas ; & on doit déroger à toute regle qui est contraire à la fin qu’on se propose.

L’appareil consiste à mettre sur la plaie un plumaceau trempé dans quelque baume vulnéraire, qui ne soit point trop dessicatif, de crainte qu’il ne s’oppose à la transudation purulente qui se fait toujours du plus ou du moins dans toutes les plaies : on pose une ou deux compresses mollettes sur la plaie ; on entoure le membre avec une autre, & on maintient le tout par quelques tours de bande.

On prévient, ou on calme l’inflammation par la saignée & le régime ; on fomente la plaie avec l’eau & l’eau-de-vie tiede, & on ne leve l’appareil qu’au bout de trois ou quatre jours, à moins qu’il n’y ait des accidens. S’il survient inflammation, on relâchera les points, jusqu’à ce qu’elle soit calmée ; pour les resserrer ensuite : quand la réunion est faite, on ôte les fils en les coupant à la partie opposée au nœud : on les retire doucement & facilement : comme la cicatrice est nouvelle, il est bon de tenir quelques jours la partie en repos, & même d’appliquer quelques languettes d’emplâtres agglutinatifs pour la soutenir. Les plaies faites par les aiguilles, se guérissent aisément, il suffit d’y couler un peu d’eau vulnéraire ou d’eau-de-vie. (Y)