L’Encyclopédie/1re édition/TRACHÉE

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Trachée artere, aspera arteria, en terme d’Anatomie ; c’est le canal du vent ou de l’air, appellé vulgairement le siflet ; Gallien lui a donné le nom de trachée, τραχεῖα, parce que ce canal est inégal : c’est pourquoi les Latins l’ont appellé aussi aspera.

La trachée artere est un canal, situé dans la partie moyenne & antérieure du cou, devant l’ésophage. On appelle larynx son extrémité supérieure, d’où elle descend jusqu’à la quatrieme vertebre du dos, où en se divisant, elle entre dans les poumons, voyez nos Planches d’Anat. leur explication, & les articles Ésophage, Larynx, Vertebre, &c.

Elle est formée de cerceaux cartilagineux rangés à distances égales & fort proches les uns des autres, qui deviennent plus petits à mesure qu’ils s’approchent des poumons. Ceux des bronches se serrent de si près l’un l’autre, que dans l’expiration, le second cartilage annulaire entre dans le premier, le troisieme dans le second, & les suivans entrent toujours dans ceux qui les précédent. Voyez Respiration, &c.

Depuis le larynx jusqu’aux poumons, ces cartilages ne forment point des anneaux parfaits ; ils sont plats d’un côté, & ne finissent point le cercle entier ; mais ils ressemblent à l’ancien sigma grec, d’où ils ont pris le nom de sigmoïdes. Leur partie postérieure qui est contiguë à l’œsophage est membraneuse, afin qu’ils puissent mieux se contracter & se dilater, & par-là donner un passage commode aux alimens, lorsqu’ils descendent par le gosier. Voyez Déglutition.

Les cartilages des ramifications de la trachée artere qu’on appelle bronches, forment des anneaux complets ; cependant leurs bronches capillaires n’ont point de cartilages ; mais en leur place ils ont de petits ligamens circulaires, qui sont un peu éloignés les uns des autres. L’usage de ces cartilages est de tenir le passage ouvert à l’air ; mais dans les bronches capillaires, ils gêneroient l’action des vaisseaux. Voyez Bronches.

Ces cartilages sont attachés ensemble par deux membranes, une extérieure, l’autre intérieure ; l’extérieure est composée de fibres circulaires, & recouvre extérieurement toute la trachée ; l’intérieure est d’un sentiment très-exquis, & tapisse ou couvre les cartilages en-dedans : elle est composée de trois membranes distinctes : la premiere est tissue de deux rangs de fibres ; celles du premier rang sont longitudinales ; pour raccourcir ou contracter la trachée, elles font approcher & entrer les cartilages les uns dans les autres ; l’autre rang de fibres circulaires sert à contracter les cartilages.

Quand ces deux rangs ou ces deux ordres de fibres agissent, elles aident conjointement avec la membrane extérieure à tousser & à changer le ton de la voix, dans le tems de l’expiration. Voyez Expiration, Voix, &c.

La seconde membrane est entierement glanduleuse, & les vaisseaux excrétoires de ces glandes s’ouvrant dans la cavité ou l’intérieur de la trachée, y distillent une liqueur qui l’humecte & qui la défend contre l’acrimonie de l’air. La derniere est un réseau de veines, de nerfs & d’arteres ; les veines sont des branches de la veine-cave, les nerfs sont des ramifications de la paire recurrente, & les arteres sont des branches des carotides externes.

On regardoit communément comme mortelles les sections transversales de la trachée artere, néanmoins on trouve plusieurs exemples du contraire dans les pratiques modernes. Dans certains cas dangereux d’esquinancie, &c. on est même obligé d’ouvrir la tracnée par la section ; on appelle cette opération la bronchotomie ou laryngotomie. Voyez Bronchotomie.

Dans les Transactions philosophiques, il y a une lettre de M. Jean Keen, qui recommande le plus fréquent usage de la bronchotomie, c’est-à-dire d’ouvrir le canal de l’air ou la trachée-artere dans les occasions pressantes ; ce dont il fait sentir l’importance à l’occasion d’un cas remarquable d’une personne qui eut le canal de l’air ou la trachée-artere coupée totalement de part à autre au-dessous de la pomme d’Adam, & qui fut guérie par le moyen de la suture, & y appliquant les médicamens convenables.

Trachée-artere des oiseaux, (Anat. comparée.) la trachée-artere des oiseaux est remarquable par sa bifurcation, & par la diversité de la structure des muscles de cette partie, qui est toute différente tant dans les volatiles, que dans les quadrupedes ; mais comme ce détail seroit trop long, je renvoie le lecteur aux remarques de Sténon sur Blasius ; mais je vais citer pour exemple la structure admirable de la trachée-artere du cygne.

Elle s’étend en bas avec l’œsophage, traversant la longueur du col, jusqu’à ce qu’étant parvenu au sternum, elle se courbe & s’insinue dans la gaîne du sternum, où elle est comme retirée dans un lieu sûr, & renfermée dans une espece de boîte ; elle se recourbe en-haut, & sort du sternum par l’endroit le plus étroit ; ensuite après avoir monté jusqu’au milieu des clavicules qui lui servent comme d’appui, elle se détourne vers la poitrine. Cette construction sert également à la respiration & à la voix : car comme le cygne cherche sa nourriture au fond des eaux dormantes, il lui falloit un col très-long, de peur que demeurant long-tems la tête sous l’eau, il ne courût risque de se suffoquer. En effet, lorsqu’il a pendant un quart-d’heure la tête & le col submergés, & les piés élevés vers le ciel, cette partie de la trachée-artere qui est renfermée dans la gaine du sternum lui sert de reservoir, d’où il tire son haleine.

Dans chaque oiseau, on trouve une disposition différente de la trachée-artere proportionnée à la diversité de leur voix. Dans le pigeon qui a la voix basse & douce, elle est en partie cartilagineuse, en partie membraneuse ; dans la chouette dont la voix est haute & claire, elle est plus cartilagineuse : mais dans le geai, elle est composée d’os durs, au lieu de cartilages : il en est de même dans la linotte, & c’est à cause de cela que ces deux oiseaux ont la voix plus haute & plus forte, &c.

On découvre une vûe & un dessein encore particulier dans l’arrangement des anneaux cartilagineux, qui composent la trachée-artere ; en ce que ces anneaux sont membraneux tout le long de l’endroit où ils sont couchés sur l’œsophage, pour ne pas presser & retrécir le passage des alimens : au lieu que plus loin dans les bronches, ils forment des anneaux complets, quelques-uns ronds, d’autres triangulaires, &c. Une autre particularité qu’on doit remarquer, c’est que dans les bronches, le bord supérieur de chaque anneau de dessous entre dans la partie inférieure de l’anneau de dessus ; il n’en est pas de même dans la trachée artere, où les anneaux cartilagineux demeurent toujours également distans les uns des autres ; cette différence dans la méchanique d’une seule & même partie, fournit un usage admirable aux poumons & aux bronches, pour se contracter & se raccourcir dans l’expiration, & pour se dilater & s’étendre dans l’inspiration. (D. J.)

Trachée-artere, plaies de la, (Chirurg.) il importe de savoir que les plaies de la trachée-artere ne sont pas toujours mortelles, & que ses parties cartilagineuses se peuvent reprendre comme les charnues. J’en ai vu à la Haye l’exemple dans un homme de mérite, qui par excès de mélancholie, s’étoit coupé la gorge sans ménagement avec un rasoir. Le chirurgien le rétablit en peu de tems. Fabricius rapporte un cas semblable ; Dionis déclare avoir guéri un homme qui reçut un coup de pistolet étant à une chasse de sanglier ; la balle entroit par le côté droit du cou, & sortoit par le gauche, en lui perçant la trachée-artere. Garengeot en cite aussi des exemples.

On trouve encore plus anciennement dans un petit traité intitulé, question chirurgicale, sur l’opération de la bronchotomie, composé par Habicot, chirurgien de Paris, d’autres exemples de personnes qui ont été complétement guéries de blessures faites à la trachée-artere. Deux de ces personnes y avoient été blessées par un instrument tranchant, & un autre l’avoit été par un coup d’arquebuse. Il étoit survenu à la gorge de ces trois blessés un gonflement & une inflammation si considérable, qu’on avoit lieu de craindre la suffocation. Habicot mit une petite canule de plomb dans la plaie de la trachée-artere de deux de ces blessés, afin que l’air pût sortir en entier librement de leur poumon ; il fit une ouverture à la trachée-artere du troisieme pour le même sujet. Quand les accidens cesserent, il ôta la canule, & les plaies guérirent parfaitement.

Un jeune homme de quatorze ans qui avoit voulu avaler plusieurs pieces d’argent enveloppées dans un linge pour les dérober à la recherche des voleurs, avoit pensé étouffer, parce que le paquet s’étoit engagé dans le pharynx, de maniere qu’on n’avoit pu le retirer ni le faire descendre dans l’estomac ; son cou & sa face étoient tellement enflés, qu’il en étoit méconnoissable. Habicot lui fit l’opération de la bronchotomie, après laquelle le gonflement se dissipa ; il fit descendre avec une sonde de plomb le paquet d’argent dans l’estomac. Le jeune homme guérit de l’opération, & rendit par l’anus son argent à diverses reprises.

Lorsque la plaie des tégumens n’est point vis-à-vis de celle de la trachée-artere, l’air trouvant un obstacle à la sortie, peut s’insinuer dans le tissu cellulaire de la peau, ce qui produit un emphyseme. M. Arnaud, chirurgien de Paris, vit un jeune homme blessé depuis trois ou quatre jours à la trachée-artere d’un coup de pistolet, blessure qui avoit produit un emphyseme universel. Cet habile praticien dilata sur-le-champ la plaie des tégumens, & découvrit celle de la trachée-artere, pour mettre ces deux plaies vis-à-vis l’une de l’autre. Il appliqua sur l’ouverture de la trachée-artere un morceau de papier mouillé, & pansa la plaie à l’ordinaire. Le malade désenfla peu-à-peu, & guérit.

Il est cependant bon de remarquer qu’une blessure à la gorge est mortelle, lorsque les carotides & les jugulaires internes sont ouvertes. Ainsi une personne qui auroit reçu, ou qui se seroit fait avec un instrument tranchant porté en-travers, une blessure qui pénétreroit jusque à l’ésophage mourroit infailliblement en peu de tems, car l’œsophage ne pourroit être ouvert de cette maniere, sans que les carotides & les jugulaires internes ne le fussent aussi.

Mais quoiqu’il y ait quelquefois des plaies à la gorge, par lesquelles les alimens sortent, il ne faut pas toujours croire pour cela que la trachée artere & l’ésophage soient ouverts. Les alimens qui sortent par les plaies ne sont point entrés dans l’ésophage, car s’ils en venoient, il faudroit qu’ils passassent par l’ouverture de la trachée-artere, ce qui ne pourroit se faire sans qu’il en tombât dans ce canal qui est toujours ouvert ; & par conséquent sans que le blessé n’en fût suffoqué. Ces sortes de plaies par où les alimens s’échappent, pénetrent jusqu’au fond du gosier entre l’épiglotte & la racine de la langue ; quelques points de suture entrecoupés, la situation de la tête, & un régime de vie convenable paroissent les seuls moyens qu’on puisse employer pour guérir ces sortes de plaies. (D. J.)

Trachée, (Botan.) vaisseau aérien des plantes. La découverte des trachées est une des plus belles qu’on ait fait en botanique dans le siecle dernier. Nous en sommes redevables aux recherches de Malpighi. Ce savant homme qui a si bien étudié la nature, appelle trachées ou poumons des plantes, certains vaisseaux formés par les différens contours d’une lame fort mince, plate, un peu large, qui se roule sur elle-même en ligne spirale, compose un tuyau assez long, droit dans certaines plantes, bossu dans quelques autres, étranglé & comme divisé en sa longueur en plusieurs cellules.

Quand on déchire ces vaisseaux, on s’apperçoit qu’ils ont une espece de mouvement péristaltique. Ce mouvement est peut-être un effet de leur ressort ; car ces lames qui ont été alongées, & qui ressemblent à des tirebourres, revenant à leur premiere situation, secouent l’air qui se trouve entre les pas de leurs contours ; cet air par son ressort les secoue pareillement à son tour, de sorte qu’elles vont & viennent pendant quelque tems jusqu’à ce qu’elles ayent repris leur premiere situation, ou qu’elles ayent cédé à l’air ; dès qu’on les alonge un peu trop, elles perdent leur ressort, & se flétrissent : ces lames sont composées de plusieurs pieces posées par écailles.

Pour découvrir facilement les trachées, on n’a qu’à choisir dans le printems & dans l’été des jets de rosiers de viburnum, de tilleul, de tendrons de vignes, d’arbustes, ou de telles autres plantes qu’on voudra ; on les trouvera tous remplis de trachées, pourvu qu’ils soient assez tendres pour être cassés net ; car s’ils se tordent, on ne pourra pas découvrir les trachées. On les apperçoit très-bien en coupant transversalement la racine d’un melon. Voyez à ce sujet les remarques de M. Bedfinger dans les commentaires de Pétersbourg, tome IV. p. 184 & suiv. Ces vaisseaux aériens serviroient-ils à faciliter le mouvement de la seve & à la rendre plus fluide ? (D. J.)