L’Encyclopédie/1re édition/VÊTEMENS

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VÊTEMENS, s. m. (Gram.) on comprend sous cette dénomination tout ce qui sert à couvrir le corps, à l’orner, ou le défendre des injures de l’air. La culotte, le chapeau, les bas, l’habit, la veste, sont autant de parties du vêtement.

Vêtement des Hébreux, (Critique sacrée.) les anciens prophetes de ce peuple étoient couverts de peaux de chevre & de brebis. Les peaux d’animaux ont fait les premiers habits des hommes ; Hésiode conseille qu’à l’approche de la saison du froid, on couse ensemble des peaux de bouc avec des nerfs de bœuf pour se garantir de la pluie. Les Grecs ont nommé ce vêtement διφθέρα, & Théocrite βαιτα ; les Latins l’ont appellé peau de berger, pastoritia pellis. Tel étoit le vêtement d’Elie, d’Elisée, & d’Ezéchiel ; les premiers solitaires en firent usage.

Les particuliers chez les Hébreux portoient une tunique de lin, qui couvroit immédiatement la chair, & par-dessus une grande piece d’étoffe en forme de manteau ; & ces deux habits faisoient ce que l’Ecriture appelle mutatorias vestes. C’étoient ceux que Nahaman portoit en présent au prophete Élisée : de plus les Hebreux pour se distinguer des autres peuples, attachoient aux quatre coins de leur manteau, des houpes de couleur d’hyacinthe, & une bordure au-bas ; Moïse lui-même en fit une loi, nomb. xv. 38. On voit par l’évangile que Jesus-Christ portoit de ces sortes de franges : « Si je touche seulement la frange, κρασσιδον, de votre habit, dit l’hémorroïsse », Matth. xiv. 36.

Quand les Hébreux se furent répandus, ils prirent les habillemens en usage dans les pays où ils demeuroient ; les riches préféroient, ainsi que les autres peuples, les habits blancs à tout autre. L’auteur de l’Ecclésiaste, ix. 18. dit que ceux qui veulent vivre agréablement, doivent toujours avoir des habits blancs. Le blanc, dit Philon, convient à l’honnêteté ; le mêlange des couleurs est de mise pour les vêtemens militaires ; mais à l’égard des hommes pacifiques & lumineux, le blanc seul leur est propre : de-là vient que les anges sont représentés vêtus de blanc, Matth. xxviij. 2. Actes j. 10. les saints dans la gloire sont vêtus de même. Aussi les premiers chrétiens preférerent cette couleur à toute autre ; mais ils ne s’en tinrent pas-là en fait d’habits. (D. J.)

Vêtement de Babylone, (Critique sacrée.) Achan fils de Carmi, de la tribu de Juda, s’étant trouvé à la prise de Jéricho, cacha quelques portions du butin, & confessa lui-même qu’il avoit détourné entre autres choses, un riche vêtement de Babylone, Josué, c. vij. 14. Il y a dans l’hébreu un vêtement de scinhar ; Aquila dit στολὴν βαϐυλωνικὴν, un habillement long de Babylone, Symmaque, ἐνδύνα Σεννὰρ, vêtement de sennar, les Septante, ψίλην ποικίλην, un vêtement bigarré, ou de diverses couleurs. Babylone étoit située dans la plaine de Scinhar, ainsi que portent nos versions, Gen. xj. 2. Nous trouvons ζεναὰρ τῆς βαϐυλωνίας, dans Hystiée de Milet ; Singara, dans Ptolomée & dans Pline, & Singarana, dans Sextus Rufus.

Les vêtemens de Babylone étoient célebres parmi les anciens : l’Ecriture distingue quelquefois ceux qu’elle nomme adoret, par l’épitethe de velus ; ce qui pourroit faire croire qu’ils ressembloient aux tapis de Turquie, dont la fabrique est fort ancienne, & vient originairement d’orient. Moïse compare Esaü à un adoret, ou vêtement de poil, Gen. xxv. 26. & Lacharie, xiij. 4. dit, que les prophetes à venir, ne seront plus vêtus d’une manteline velue pour tromper.

Il paroît par d’autres passages, que cette espece d’habillement étoit quelquefois magnifique ; & que les princes en portoient. C’est ainsi que le roi de Ninive se dépouilla de sa robe ou de son adoret, & se couvrit d’un sac, à la prédication de Jonas. Jonas, iij. 6. Josephe dit, que le vêtement qu’Achan déroba étoit un habillement royal, tout tissu d’or, l. V. c. j.

Les anciens conviennent tous, que ces habillemens babyloniens étoient de diverses couleurs ; mais quelques écrivains croient qu’on les fabriquoit ainsi de différentes couleurs ; d’autres qu’on les brodoit ; d’autres enfin, qu’ils étoient peints : Silius Italicus est du sentiment des premiers :

Vestis spirantes referens sub tegmine vultus,
Quæ radio cœlat Babylon. L. XIV.

Martial favorise la pensée de ceux qui sont pour la broderie :

Non ego prætulerim Babylonica picta superbè
Texta, Semiramia quæ variantur acu.

L. VIII. Epigr. 28.

Pline semble être de la derniere opinion : Colores diversos picturæ intexere Babylon maximè celebravit, & nomen imposuit, l. VIII. c. xlviij. & Apulée, Florid. l. I. s’exprime de la même maniere. La vulgate nomme ce vêtement pallium, coccineum, un manteau, ou une robe d’écarlate ; ce qui ne paroît guere conforme aux termes de l’original. (Le chevalier de Jaucourt.)

Vêtement des Chrétiens, (Hist. ecclés.) dès que le Christianisme eût fait des progrès chez les gens du monde, les conseils des apôtres ne furent plus écoutés sur la parure. Jesus-Christ, selon S. Luc, vij. v. 25. disoit noblement à ses disciples : « Ceux qu’on voit vêtus d’habits riches, sont dans les palais terrestres, où regnent les fausses idées du beau & de la gloire, la flatterie, & l’encens ». L’expression μαλακοῖς, dont se sert S. Matthieu, xj. 8. désigne tout ce qui sent la délicatesse en matiere de meubles, d’habits, & de lits plus mollets que le sommeil ; mais vainement S. Pierre, I. Ep. iij. 3. & S. Paul, I. Tim. j. 9. condamnerent l’attachement à la parure dans les femmes ; elles ne purent quitter cet usage, & firent succéder les ajustemens somptueux aux simples habits blancs qu’elles trouvoient trop modestes. Les peres de l’Église fulminerent contre ces excès, & la plûpart employerent pour les censurer des termes & des idées outrées. Quelques-uns néanmoins se contenterent de représenter qu’il vaudroit mieux laisser ces habits chargés de fleurs semblables à un parterre, à ceux qui se sont initiés aux mysteres de Bacchus ; & qu’il falloit abandonner les broderies d’or & d’argent aux acteurs de théatre ; mais S. Clément d’Alexandrie, est celui de tous qui a parlé avec le plus de bon sens contre le luxe des vêtemens. Il ne condamne que les déreglemens en ce genre, & ne voit point de nécessité à un chrétien, de retrancher tout à-fait la coutume d’avoir dans l’occasion un habit riche. Il est permis, dit-il, à la femme de porter un plus bel habit que celui des hommes ; mais il ne faut pas qu’il blesse la pudeur, ni qu’il sente la mollesse. Poedag. l. III. p. 245.

Les payens, & même leurs poëtes comiques, n’avoient pas été plus heureux que les peres, à tenter d’arracher du cœur des femmes, le goût de la parure. On peut voir dans Aristophane, une description de l’appareil de leurs ajustemens avec les noms bisarres qu’on leur donnoit, & qui peuvent exercer long-tems les littérateurs les plus consommés dans la langue grecque : tout cela n’a servi de rien ; c’est une entreprise à abandonner. Voyez Coeffure, Hennin, Habits, Souliers, Sandales, Jarretieres, Periscalés, &c. (D. J.)