L’Heptaméron des nouvelles/Notice des manuscrits

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III

NOTICE DES MANUSCRITS
DE
L’HEPTAMÉRON DE LA REINE DE NAVARRE


I


No 1511, ancien 7572. Béthune. Bibliothèque Nationale ; 1 vol.in-fol. relié en maroquin rouge, aux armes.

Ce beau manuscrit, sur papier réglé[1], contient le texte presque complet de l’Heptaméron ; un dernier feuillet seul manque. Il y a une transposition page 576, mais on retrouve la suite après la page 704. Le texte est bon, l’orthographe uniforme. La division par Nouvelles & par Journées est de la même écriture que celle du manuscrit.

Une main du XVIe siècle a écrit au haut du premier feuillet : Comptes de la Reyne de Navarre. Ire Jour.


II


No 1512, ancien 75721. Colbert. Biblioth. Nationale ; 1 vol. petit in-fol., anc. reliure en veau, à compart., doré sur les plats & au dos, doré sur tr. ; 350 feuillets.

Ce manuscrit, d’une écriture courante du milieu du XVIe siècle, contient le texte bien complet de l’Heptaméron. La division par Journées est de la même main que le texte. Les Nouvelles ont été numérotées par une main du XVIIIe siècle. Le texte est correct, l’orthographe uniforme. Au verso du dernier feuillet on lit, d’une écriture du XVIe siècle, la signature suivante : Doulcet.

C’est le texte de ce manuscrit que nous reproduisons.


III


No 1513, ancien 75722. Bigot. Biblioth. Nationale ; 1 vol. petit in-fol., demi-reliure moderne, dos de maroquin rouge, au chiffre de Louis-Philippe.

Le texte de ce manuscrit est correct, mais incomplet ; il ne commence qu’à la troisième Nouvelle de la troisième Journée : « … à cette fin, mes Dames, que l’ypochrisie de ceulx qui s’estiment Religieux, &c. » Au recto du dernier feuillet, coté 103, au bas, on lit :

Fin de ces présens Comptes en nombre 28 de la très illustre Reyne de Navarre, Duchesse d’Alençon & de Berry, Contesse d’Armaignac, seur unicque du très chrestien Roy de France François, premier de ce nom.


IV


No 1514, ancien 75723. De Mesmes. Biblioth. Nationale, 1 vol. grand in-4o, relié en veau ancien.

Texte incomplet ; ne contient que les trois premières Journées & quatre Nouvelles de la quatrième. On n’y trouve aucune indication du nombre des Journées ou des contes. Ce fragment est l’un de ceux qu’Adrien de Thou a consultés pour écrire le beau manuscrit (voyez n° x) dont nous parlerons plus loin ; car, dans la IIIe Nouvelle de la Ire Journée, il a ajouté de sa main à la marge :

Io porto corna, che ciascun le vede ;
Ma tal le porta c’baver non le crede.


V


No 1515, ancien 75723.3. Colbert. Biblioth. Nationale ; 1 vol. petit in-fol., reliure en veau fauve, dorures à compartiments dans le genre de Grolier. Sur le premier feuillet de garde on lit, d’une écriture du XVIe siècle : « Adam Fumée. — Il aviendra. » Au verso du recto de la reliure : « Ce présent livre appartient à Daniel Leclerc, maistre… 1606. »

Le texte de l’Heptaméron est complet ; les Nouvelles sont indiquées par une main ancienne, mais différente de celle du corps du manuscrit. Des corrections nombreuses & des additions ont été faites, soit à la marge, soit entre les lignes ; elles sont de la même écriture que celle du Ms. 75762.


VI


Nos 1516 à 1519, anciens 7573, 7574, 7575, 7576. Béthune. Biblioth. Nationale ; 4 vol. in-4o, maroquin rouge. Aux armes de Béthune.

Ce manuscrit, d’une belle écriture du milieu du XVIe siècle, a été divisé en quatre tomes par le relieur de la Maison de Béthune. Le prologue manque. Au verso du feuillet premier on lit, d’une écriture du XVIIIe siècle : Histoire des Amans fortunez & infortunez de la Reyne de Navarre, Duchesse de Berry & d’Alençon, qui estoit Marguerite d’Orléans, sœur unique de François Ier.

Cette note est répétée en tête de chacun des volumes, qui ne sont pas tomes. Il ne manque à ce manuscrit que le dernier feuillet de la Nouvelle soixante & onze.


VII


No 1520, ancien 75762. Baluze. Biblioth. Nationale ; 1 vol. in-fol., veau fauve, dos de maroquin rouge, aux fleurs de lis, au chiffre de Louis XVIII.

Ce manuscrit, sur papier fort, réglé, est d’une belle écriture italique de la fin du XVIe siècle. Les indications du nombre des Nouvelles & des Journées sont de la même écriture que celle du manuscrit. Le texte est complet & d’une orthographe uniforme ; malheureusement cette orthographe est rajeunie & remplie des innovations que les réformateurs du langage ont proposé d’introduire au XVIe siècle. Malgré tout, les variantes dont les marges de ce manuscrit sont chargées, & que le copiste a recueillies avec assez de discernement, donnent beaucoup de prix à cette leçon. Elle nous a servi pour éclaircir plusieurs passages du texte & nous l’avons consultée souvent avec fruit.


VIII


N° 1523, ancien 75764. De La Marre. Biblioth. Nationale ; 1 vol. in-fol., reliure moderne en veau.

Ce texte, assez correct, est incomplet. Les premiers feuillets manquent & le texte commence à ces mots du Prologue : « … femmes, qui estoient venues longtemps après, leur avoient conté que l’ours avoit tué tous les serviteurs. »

Le passage curieux relatif à l’admiration de la Reyne de Navarre pour Boccace (Voir le Prologue général, presque à la fin) a été supprimé. Les divisions par Journées & par Nouvelles sont de la même main que le texte. Ce texte s’arrête au commencement de la sixième Nouvelle de la quatrième Journée.


IX


N° 1522, ancien 75763. De La Marre. Biblioth. Nationale ; 1 vol. in-fol. parvo, reliure ancienne en parchemin.

Au recto du folio i on lit, d’une main du XVIIe siècle : L’Heptaméron ou Histoire des Amants fortunés, des Nouvelles de la Royne de Navarre, Marguerite de Valois. — Un poëme en trois livres, intitulé les Prisons, par la même Reyne.

Au verso de ce feuillet, d’une écriture du XVIe siècle : Pour ma seur Marie Philander.

Le texte de l’Heptaméron n’est pas en entier dans ce manuscrit ; il n’y a que quatre Journées & quelques Contes des Journées suivantes.

Au folio 259 recto commence un poème, intitulé : Les Prisons :

Je vous confesse, amye tant aymée,
Que j’ay longtemps quasi desestimée
La grand doulceur d’heureuse liberté
Pour la prison où par vous j’ay esté…

Ce poème, divisé en trois chants, contient environ deux mille cinq cents vers. Les deux premiers chants sont tout d’allégorie ; le troisième chant, plus long que les deux autres réunis, devient historique vers la fin & renferme des détails assez curieux.

Sur le dernier feuillet on lit cette épitaphe, datée de l’an 1549 ; elle ne se trouve pas dans le recueil intitulé Tombeau de Marguerite de Valois, Royne de Navarre :

Cy gist un corps par lequel Dieu faisoit
Ses haulx secrets aux siens voir & comprendre,
Cy gist ung corps lequel si bien disoit
Que les mondains ne le povoient entendre ;
Voicy le corps auquel Dieu fist descendre
Ung vif esprit, une ame à luy ravie,
Qui nous faisoit le Verbe saint entendre
Autant ou mieulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

De ce sainct corps, qui n’est rien sinon terre,
L’esprit jadis desiroit ces haulx cieulx
Par quoy, après avoir fait forte guerre,
Le corps est mort deux foys en ces bas lieux ;
Mort est de mort humaine pour son myeulx,
Puys en Adam, pour en Christ avoir vie,
Car il sçavoit le Verbe précieux
Autant ou myeulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

Aussi pour vray, lors que l’esprit partit
Hors de ce corps qui fut tant charitable,
Le Ciel sacré en deux se départit,
Par quoy l’on veid une chose admirable,
Car Dieu, ainsy que ung feu espoventable,
Dessus le dos[2] eut de descendre envie
Pour celle avoir, qui luy fut agréable
Autant ou mieulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

Quiconques sois donques qui trouveras
En ce tumbeau ceste lettre petite,
A ung chascun ainsy dire pourras :
« Voicy les oz de saincte Marguerite ;
Voicy les os de celle qui habite
Avecques Dieu ; c’est la Royne accomplye,
Qui aux humains a sa parole ditte
Autant ou mieulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

Voici une analyse rapide du poème des Prisons. Dans le premier chant, de trois cents vers environ, l’auteur fait l’éloge de la prison d’Amour où il voudrait bien rester, mais dont il est mis dehors par le Temps. Au commencement du deuxième chant, l’auteur, sorti de la prison d’Amour, ne tarde pas à entrer dans celle de l’Ambition ; il visite les belles églises, les temples somptueux, les palais & la Cour. Il étudie toutes sortes de bons livres pour acquérir les dignités de Cardinal, de Pape, d’Ambassadeur. Mais un vieillard qu’il rencontre lui tient un long discours & le dissuade de se laisser emprisonner par l’Ambition. Ayant demandé au vieillard son nom, celui-ci répond :

Amy, j’ai nom De Science amateur (folio 385).

D’après ce conseil, l’auteur a étudié les ouvrages des hommes de génie, ceux de Dante particulièrement, ce qui lui a rendu sa tranquillité.

Au commencement du troisième chant, il dit qu’il s’est construit une forteresse avec les bons livres que le vieillard a mis entre ses mains & qui renferment la sagesse de l’Antiquité. Au-dessus de tous les autres livres est placée la Sainte Écriture qui, plus forte que la science des païens, renverse tout l’édifice qu’il avait élevé avec ces livres. Suit un éloge, mystique & très long, de la Bible. La pratique des vertus qu’elle enseigne délivre l’âme & le corps de toutes les prisons où les passions le retiennent. L’auteur termine par le récit de plusieurs morts remarquables dont il a été le témoin : 1o celle de Marguerite, Duchesse d’Alençon (folio 325) ; 2o celle de Charles, Duc d’Alençon, premier mari de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier (folio 325) ; 3o celle de Louise de Savoye (folio 329 verso) ; 4o celle de François Ier (folio 333 recto).

Voici en quels termes sont racontés les derniers moments de Charles, duc d’Alençon, & de Louise de Savoye :


Je vous diray ce qu’ay veu par exprès
De son bon filz, lequel mourut après,
Charles dernier, Duc aussi d’Alençon,
Dont je pourroys faire longue leçon
Si tous les faicts par escript vouloys mettre
Et son trespas dire sans rien obmettre ;
Car tant y a de choses qui m’incitent
A les escripre & qui tant le merittent
Que j’en lerray le plus, prenant le meins,
Car ennuyer par la longueur je crains.

Venons au jour de sa mort. Je vous dy
Que le matin du grand & sainct mardy,
Cinq jours après qu’il print ung plurèsis,

Ne pensant point mourir, estant assis
Dedans son lict, & sa femme lisant
Propos de Dieu & par jeu luy disant :
« Promis m’avez, Monsieur, de recevoir[3],
Mais vous n’avez pas fait vostre devoir ;
Or, puys qu’avec au dymanche failly,
Que ce mardy soit de vous assailly »,
Ce qu’il voulut, & du lict se leva,
Et à genoulx devant l’autel s’en va
Se confesser & recevoir sans craincte
Par ferme foy & charité non faincte.
Ce faict, au lict de rechef retourna,
Puys se leva & à table disna,
Parlant à tous ainsy que ung homme sain,
Mais il avoit la mort dedans le sain.
Après se mist en ung lict, & sa femme
Il appella pour consoler son ame,
La priant lire & de son Dieu parler,
Sans le laisser ny loing de luy aller :
« Car je sens bien », dist il, « ma dernière heure,
Qui ne fera de m’approcher demeure » ;
Ainsy sa mort joyeusement jugea.
Puys demanda quelque chose & mangea,
Et se voulut lever & promener,
Puys au grand lict pour la fin retourner,
Et qui l’eust vu marcher si fermement
Ne l’eust jugé mourir si promptement.
Estant au lict, il fist sa femme lire
La Passion ; lors commança à dire
Sus chaque article & chacun poinct notable,
Chose qui fut à tous esmerveillable,
Car, luy n’ayant jamais leu ny apris,
Lequel l’on n’eust pour (un) orateur pris,
Parla si bien que cinq Docteurs présens
Furent long temps pour l’escouter taisans,
Car Il disoit : « Ô mon Dieu, je sçay bien
Que j’ay péché, & que je ne vaulx rien,
Et que ung seul bien ne sçauroys présenter
Qui ta justice en rien sçeust contanter ».
Puys, confessant ses maulx par le menu,
Dist : « Je suys plus que nul à Dieu tenu
Qui m’a tant fait de biens en ma jeunesse
Et empeschè les ennuys de vieillesse.
Trente six ans, sans grande maladie,

Vivre m’a fait, & fault que je le dye,
En guerre & paix conservant mon honneur,
Servant, aimant mon souverain Seigneur. »
Lors, regardant Madame la Régente,
Luy dist : « Madame, à vous je me lamente,
Vous suppliant ne (pas) celler au Roy :
C’est que, depuys le piteux désarroy
De sa prison, j’ay eu tel desconfort
Et tel ennuy qu’il m’a donné la mort,
Laquelle, autant que vivant je l’ay craincte,
Belle la treuve & la prans sans contraincte ;
Car, quand au Monde, onques le cueur n’y euz
Ny amusé à ses biens je ne fuz,
Et, n’ayant peu prisonnier ny mort estre,
Servant mon Roy, père, frère & bon maistre,
Plus rien çà bas de partir ne m’engarde
Pour voiler hault où l’arriver me tarde. »
Baisant sa main, luy dist : « Je ne demande
Que vostre grace & je me recommande
Celle qu’avec conjoincte en mariage,
Quinze ans y a, aveques moy. Tant saige
Et vertueuse envers moi l’ay trouvée
Qu’elle peult bien de moy estre approuvée. »
Mais, regardant sa femme de ce pas
Derrière luy, dist : « Ne me laissez pas »,
Qui, nonobstant maternelle deffense,
Ne voulut pas au mary faire offense,
Mais, l’embrassant & s’approchant de luy,
Luy monstroit Dieu, son secours & appuy.
Lors, regardant entre les Chevaliers,
Il appella Monsieur de Chandeniers,
Disant : « Je crains de faire fondre en pleurs
Mes Officiers & povres serviteurs
En leur disant l’adieu qui leur desplaist.
Vous leur direz, compère, s’il vous plaist,
Les priant tous de se réconforter.
Ma femme aussi ne sçauroit supporter
Après ma mort parler à eux ensemble,
Dont myeulx que nul le ferez, ce me semble. »
A Maistre Jehan Gœurot, son médecin,
Qui arriva ce jour, il dist : « Ma fin
Est aujourd’huy ; il fault que je deffine
En vous priant de donner médecine
En conservant celle qui m’a servi
Et mon vouloir jusqu’à la mort suyvi. »
Et, se tournant vers elle, luy donna
Son Médecin, & puys luy ordonna
Ce qu’il vouloit de son enterrement

Et serviteurs, sans autre testament,
Car il sçavoit que son vouloir feroit
Mort comme vif & luy obèyroit.

Puys l’unction l’Evesque de Lisieux[4]
Luy apporta, luy disant tout le mieulx
Que faire peut, à quoy il respondit :
« Ô mon Evesque, où est ce grand credit
Qu’avoit l’Église en donnant garison
Par unction & devotte oraison ?
Plus ne voyons l’Église primitive
Prier par foy & charité naïfve.
— Monsieur, » dist-il, « ce sacrement vous vaille
Pour vous donner victoire en la bataille
Que l’Ennemy mainctenant vous appreste. »
Il respondit : « Jésus luy a la teste
Si bien rompue & deffaicte & brisée
Que sa force est de moy trop desprisée. »
Et, regardant dedans ung grant tableau
D’un crucifix, il dist : « L’homme nouveau,
En ceste croix pendu, me renouvelle
En m’asseurant de la bonne nouvelle,
C’est que le Filz a Dieu mys en ce monde
Pour effacer nostre péché immunde. »
Et, tout remply d’une ferveur bénigne,
Joignant les mains, crya : « Bonté Divine,
Dedans ce corps en la croix attaché
Je voy vaincu & couvert mon péché ;
Ô, moy pécheur, meschant, infâme & lasche,
Dans ce costé par vive foy me cache.
J’ay méritté, Seigneur, d’estre battu,
Mais en ce corps dont je suys revestu
Il n’y a lieu où vous n’ayez frappé
Et, en luy mort, suys par vous eschappé.
Vous me devez mètre à damnation,
Je le sçay bien, c’est ma confusion,
Mais vostre Filz est pour moy condamné,
Jouant pour moy le roolle du damné.
Vous m’arguez de n’avoir obéys
Voz mandemens, mais les avoir hays ;
Je le confesse & en ay congnoissance,
Mais regardez la grande obéyssance
De vostre Enfant, qui a tout accomply
Vostre vouloir & lequel m’a remply

D’un seur espoir que ses œuvres sont miennes,
Et, qui plus est, il fait les myennes siennes,
Et mes péchez par luy sont satisfaictz
En me donnant part à tous ses bienfaictz.
Ô mon bon Dieu, je le croy fermement ;
Par quoy vous prie & requiers humblement
N’attendre pas que le soleil se couche
Pour me tirer de ma mortelle cousche.
Mais, aujourd’huy par ce soleil luysant,
Comme au larron[5], ce Paradis plaisant
Me faictes veoir, Seigneur, c’est vostre face,
Afin que là ma louange parface.
Puysque le Filz d’un amoureux couraige
N’a crainct pour moy passer ce dur passaige,
Passer m’y veulx sans craindre nul alarme,
Car ce n’est pas raison que le Gendarme,
Passant canon, lance, espée ou meschef,
D’un cueur joyeulx ne suyve son bon chef.
Je m’y en voys ; mon Dieu, avansez vous,
Car ce mourir plus que vivre m’est doulx. »
Puys dist : « Je sens mes membres & mon corps,
Mes sens douloir l’un après l’autre mortz.
Chacun disoit la mort de douleur plaine,
Et je me meurs, & n’ay ny mal, ny peyne.
Ô mon Seigneur, je voy la raison forte,
Car ma douleur vostre Filz en croix porte ;
Il a pour moy beu cest amer bruvaige,
Ne me laissant en corps, ny en couraige,
Mal ny ennuy, sinon l’ardant desir
D’estre avec luy en l’éternel plaisir. »
Après, l’oyant lire, ung peu se taisa,
Puis, embrassant sa femme, il la baisa,
Disant : « Adieu pour ung bien peu de temps,
Lequel passé nous nous verrons contans. »
En se tournant, les yeulx au ciel leva
Et à son Dieu sa voix foible esleva,
Disant : « À vous sans douleur je m’en voys. »
Son
In manus dist, puys en doulce voix
Comme amoureux de son Dieu, dist : « Jesus, »
Lequel finy, l’ame volla là sus.
Mais, en faisant du corps au Ciel passaige,
Le clair soleil sur ce pasle visaige
Ung beau rayon fist si très fort reluyre
Qu’i sembloit estre un cheriot pour conduyre
L’espouse au Ciel, l’âme à son Créateur.

. . . . . . . . . . . . . .

MORT DE LOUISE DE SAVOIE.

…Mais s’il vous plaist, amye, d’une femme,
Qui de son temps par sus toutes eut fame,
Je vous diray commant elle mourut
Et comme Foy mourant la secourut[6].
Ung vilaige est que l’on [sur]nomme Grès,
Près de Paris[7], lieu remply de regretz,
Car là mourut Loyse de Savoye,
Qui de vertu avoit suyvi la voye,
Mère du Roy Françoys, qui avoit d’eage
Cinquante cinq ans l’an de son voyaige,
Voyant la fin peu à peu aprocher
Loing de son filz qu’elle tenoit tant cher,
Lequel, fuyant la peste, fut contrainct
De s’esloigner, dont il eut regret mainct.
Pas ne pensoit si tost perdre sa mère,
Dont il porta douleur trop plus que amaire,
Elle ayant fait de sa vie le cours
En longs ennuys & en plaisirs bien cours,
Ce que chacun peult clairement sçavoir,
En tous estatz ayant fait son devoir,
Avec honneur & conscience pure,
Autant ou plus que fist onq créature.
Unze ans avoit quand mary elle prist,
Saige & prudent, duquel beaucoup aprist.
Aveques luy huict ans elle demoura,
Mais ce bon temps guères ne luy dura.
Fille & filz eut à elle obéyssans
Rempliz d’esprit, de vertuz & bon sens.
Veufve elle fut en l’eage dix neuf
Et, sans vouloir reprendre mary neuf
Bien qu’elle fust de grans Roys demandée,
Viduité eut tant recommandée
Que en la gardant vesquit si chastement
Que en son parler, regard & vestement,
De chasteté à tous l’exemple estoit ;
Et dans son œil très beau elle portoit
Avec doulceur si grande magesté
Qu’elle incittoit chacun à chasteté.

De sa bonté, las ! assez esprouvèrent
Ses serviteurs meschans qui controuvèrent
Mille moyens pour nuyre à leur maistresse,
Et luy oster en si grande jeunesse
De ses enfans l’administration.
Mais, nonobstant la démonstration
De leurs cueurs plains de mensonge & malice,
Par sa doulceur elle couvrit leur vice.
Aux faulx tesmoings leurs faultes pardonna ;
Sans rien oster leurs gaiges leur donna,
Disant : « Dieu seul par ces hommes me tante ;
Ses verges sont, par quoy je m’en contante. »
Ce tout voyoit qui tout seul l’affligeoit ;
Les homes rien que verges ne jugeoit,
Car de la main de Dieu le coup venoit,
Lequel voyant aux verges pardonnoit.
Sa grand prudence & son bon jugement
Fut bien congneu quand le gouvernement
De ce Royaulme elle seulle soustint,
Dont très grand bien au Roy son filz advint :
Car, quand il fut de prison retourné,
Trouva le tout très bien ordonné,
La pays par tout, soit privé ou estrange,
Qu’il en donna à sa mère louange
Et elle à Dieu, sachant que en foible main
Il avoit fait un acte souverain.
Voyant son filz & ses filz[8] revenuz,
De la prison où tant furent tenuz,
Ce qu’elle avoit porté passiemment
En son esprit, mais la peyne & tourment
Qu’elle endura rendit son corps deffaict
Alors qu’elle eut son désir satisfaict,
Et ne fist plus que se diminuer
Et au salut de l’ame estudier,
Tant que souvent, seulle en son lict estant,
Ce que a ouy qui l’aloit escoutant,
Parloit à Dieu comme espouse à espoux,
Disant : « Seigneur, las, pourquoy tardez vous ?
J’ay fait çà bas tout ce que j’ay peu faire ;
Je ne suys plus au Monde necessaire.
Plaise vous donc pour vostre m’advouer
En me tirant à vous pour vous louer ».
Puys ses bienfaicts alloit ramentevant,
L’en merciant, mais c’estoit si souvent

Que son rideau n’estoit plus tost tyré
Que son esprit ne fust hault retyré.
Dedans son lict quatre heures s’enfermoit
Pour diviser à celluy qu’elle aymoit ;
Et povoit on, en oyant ses souspirs,
Juger que à Dieu avoit mys ses désirs.

Le dernier jour venu, ceste Princesse
Fist préparer devant elle la messe,
Et fist sa fille à la fin recevoir,
Ce qu’elle eust fait se elle eust eu le povoir.
Elle appella son Père confesseur.
En luy disant : « Mon Père, il est tout seur
Que Dieu m’a fait l’honneur de m’appeller
Et de bon cueur je veulx à luy aller,
Car, s’il m’avoit donné la carte blanche
Pour me passer ceste mortelle planche,
Je n’eusse osé demander tant de biens
Qu’il m’a donnez, que tous de luy je tiens.
Et de ses dons & biens j’ay mal usé,
Mais mon péché ne [me ?] peult estre excusé,
Car de sa grâce & loy il m’a fait part
Et, longuement avant ce mien départ,
Son Fils m’a fait recevoir pour saulveur,
Par qui j’ay eu de luy toute faveur,
Tant qu’en luy seul de mon salut m’asseure,
Et que péché, faisant en moy demeure
Et qui m’avoit damnation aquise,
Est tout estainct par sa bonté exquise ;
Il est mon Dieu & ma salvation. »

Puys elle fist tout bas confession
Dévotement, ayant aux yeulx les larmes ;
Après luy dist telz ou semblables termes :
« Mon mal est tel que ne puys nullement
Recevoir Dieu sacramentellement ;
Mais allez moy une hostie querir
En la parroisse, affin qu’avant mourir,
En la voyant, puysse ramentevoir
Que Dieu se fait à l’homme recevoir. »
Ce que l’on fist &, quand l’hostie vid,
S’escriant dist : « Jésus, filz de David,
Qui sur la croix pour moy fuz estendu
Et par amour, cueur & costé fendu,
Je vous adore, ô mon Dieu & mon Roy,
Père & amy tel je vous tiens & croy,
Vous requérant de mes péchés pardon

En la vertu de ce très riche don,
De vostre amour que vous m’avez donnée,
Laquelle amour ne m’a habandonnée ;
Là j’ay tousjours eu fiance parfaicte.
Or, mainctenant qu’aproche la deffaicte
De la prison de ce vieil corps charnel,
Las, plaise vous, ô mon père éternel,
Entre voz braz l’ame & l’esprit reprendre
Que de bon cueur entre voz mains vois rendre.
Je sçay, Seigneur, que celluy qui a creu
Entièrement par foy vous a reçeu.
Je vous croy myen, vous le m’avez promis ;
Donc vous reçoy, ô l’amy des amys,
En mon esprit, qui par foy vous embrasse ;
Ô le pain vif, duquel la doulceur passe
Toute doulceur, en foy je vous reçoy.
Par ceste foy ainsy recevez moy ;
Je ne suys pas de recevoir déçeue
Le vray amy duquel je suis reçeue ;
Je vous reçoy spirituellement,
Ne vous povant recevoir autrement,
Croyant si bien ceste réception
Que seure suys de ma salvation. »
L’hostie fut lors de là transportée ;
Elle, du tout en Dieu reconfortée,
Print l’unction que très bien entendit
Et aux endroictz qu’il failloit respondit,
Puys, se monstrant de Dieu espouse & fille,
Va commander de dire l’Evangile,
Et, commençant au sermon fructueux
D’après la Cène, que d’un cueur vertueux
Elle escoutoit &, tant que l’on lisoit,
Sans sentir mal ung seul mot ne disoit.
Mais, quand ung peu l’on cessait la lecture,
Se pleignoit fort, car sa povre nature
Eut grand tourment de pierre & de gravelle,
Et, qui pis fut, elle eut une nouvelle
Forte à porter, c’est que au terme prefix
N’estoit possible avoir le Roy son filz.

Lors fist ung cry quand elle ouyt cela,
Et en pleurant amèrement parla :
« Ô mon enfant, ne te verray je poinct ?
Me fauldras tu, mon filz, au dernier poinct ?
Faut il partir de ce terrestre lieu
Sans te baiser pour le dernier adieu ? »
Puys dist, levant au ciel ses pleurans yeulx :
« Vous l’avez fait, mon Seigneur, pour le myeulx,

Car luy ne moy ne l’eussions sçeu porter
Encores moins l’un l’autre conforter ;
Trop grande estoit l’amour d’entre nous deux
Où plus ne fault penser, & je le veulx ;
Mais, Seigneur Dieu, soyez luy favorable
Et à ses grans affaires secourable.
Il portera tant & tant d’ennuys
De ceste mort, par quoy, tant que je puys,
Je vous requiers, par vostre Passion,
De luy donner la bénédiction
À luy, aux siens & à toute sa race,
Et le tenir en vostre bonne grace. »
Et puys la croix, de triumphe banière,
Entre ses mains luy mist La Bourdaisière,
Qu’elle baisa, en disant doulcement :
« Ainsy fut mys pour moy le vray amant. »
Après, prenant sa fille par la main,
Dist : « Marguerite, encore est mon cueur plain
De ceste amour portée à vous si forte
Et à mon filz, ce que encores je porte,
Et dans mon cueur le sens si véhément
Que, pour n’avoir en mon entendement
Rien que Dieu seul, que seul doy desirer,
Je vous requiers de ung peu vous retirer
D’auprès de moy ; car, quand je vous regarde
D’avoir plaisir en mon cueur je n’ay garde.
Las, forte amour parler à vous m’empesche,
Mais ung seul mot pour la fin je vous presche,
C’est que en mon cueur je sens la foy si ferme,
Le don de Dieu par lequel il m’afferme
De mon salut, dont le plaisir je gouste ;
N’en faictes plus, m’amye, nul doubte. »
À ces propoz sa fille fort pleura,
Et de ses yeulx soudain se retira ;
Et non pas loing, car jusques au dernier
Ne la laissa & le bon Cordelier
Mist entre deux, regardant à loisir
Sa bonne mère en lict mortel gésir,
Qui escoutoit la lecture divine,
Les yeulx en hault, sans parolle ne myne,
Comme personne en extase ravie.

Mais ung des siens, qui bien l’avait servie,
Fut bien long temps à la persuader
De quelque chose enfin leur commander,
En la priant, avant que s’en aller,
Vouloir les siens d’un seul mot consoller.
Elle luy dist : « Cessez vos vains propoz ;

Mainctenant est mon esprit en repoz ;
Plus n’est çà bas ; vous me rompez la teste. »
Sa fille alors, qui du secours fut preste,
Dist : « Laissez la ; elle attend la promesse
De la divine & admirable haultesse ;
Tous serviteurs, enfans, honneurs & biens
N’estime plus sinon ordure & fiens ;
Tous les mortelz pour l’Immortel oublye,
Voyant son Dieu, qui l’a tant anoblie
Qu’i la reçoit pour espouse & pour femme. »
Dont respondit à sa fille la Dame :
« C’est très bien dit, m’amye, il est ainsy, »
Et, sans bouger ses yeulx d’en hault aussi,
Sans plus parler la croix elle baisoit,
Et d’ouyr clair tousjours signe faisoit.
Et tost après jeta un regard doulx
Devers le ciel là où son tout en tous,
En soubzriant, sembloit veoir clairement
Et sur ce poinct fist son trespassement
Si doulcement que sa fille sans plus
S’en apperçeut, car trestout le surplus
Se débattoit si elle estoit morte ou non.

Ainsy passa, digne d’heureux renom,
Celle qui eut & vivant & mourante,
Foy en Dieu seul, amour & vraye attente…

D’après les citations qui précèdent, il est facile de s’apercevoir que Marguerite d’Angoulême n’est pas auteur du poème des Prisons. On peut en attribuer la composition à quelque serviteur de la Maison d’Alençon, peut-être à Guillaume Philander, savant du XVIe siècle, auquel ce manuscrit a appartenu & qui le transmit à sa sœur, ainsi que le prouve une note que nous avons reproduite plus haut. Guillaume Philander ou mieux Filandrier, né en 1505 à Châtillon-sur-Seine, se fit un nom recommandable par ses connaissances dans les littératures grecque & latine, & par ses travaux sur Quintilien & Vitruve. Sa réputation lui valut les bonnes grâces de Georges d’Armagnac, Évêque de Rodez, qui l’attira près de lui & devint son Mécène. En 1532, Marguerite d’Angoulême & son mari le Roi de Navarre étant venus prendre possession du comté de Rodez, Georges d’Armagnac en profita pour présenter à la Reine son protégé Philander, qui avait été chargé de composer une inscription commémorative. Marguerite lui fit un accueil très gracieux, & l’engagea à publier le plus tôt possible ses recherches sur Quintilien. Dans un voyage en Italie, Filandrier étudia l’architecture sous Sébastien Serlio & le Bramante. De retour à Rodez, il contribua à l’embellissement de cette ville par l’érection de plusieurs monuments. En 1554, il entra dans les ordres, devint Chanoine & Archidiacre de la Cathédrale, & mourut le 18 février 1565, dans un des fréquents voyages qu’il faisait à Toulouse, auprès de son ancien protecteur Georges d’Armagnac, qui était Archevêque de cette ville. Peut-être eut-il l’occasion de voir plusieurs fois la Reine de Navarre ; en tout cas il recueillait avec soin les ouvrages de cette Princesse, comme le prouve ce manuscrit de l’Heptaméron qu’il se procura & qu’il transmit à sa sœur, sans doute au moment de son entrée dans les ordres.

En 1557, Philander avait acquis dans toute la France une grande réputation. Voici quatre vers qui lui étaient adressés :

A M. PHILANDER.


Quand Vitruve retourneroit,
S’il faloit croire à Pythagore,
En ton corps il retrouveroit
Que son âme revit encore.

Odes, Énigmes & Épigrammes adressez pour étreines au Roy, à la Reyne, à Madame Marguerite & autres Princes & Princesses de France, par Charles Fontaine, Parisien. — À Lyon, 1557, in-8o, p. 84.

On peut consulter, sur la vie de Philander, un opuscule assez rare qui a pour titre : Philiberti de la Mare, senatoris Divionensis, de Vita, Moribus & Scriptis Guillelmi Philandri, civis Romani, Epistola ; 1667, in-8o.


X


No 1524, ancien 75765.5. Colbert. Biblioth. Nationale ; i vol. in-fol., ancienne reliure.

Cette reliure est très-remarquable. Sur les plats en maroquin citron sont rapportés dans le milieu & aux coins des ornements en maroquin rouge ; au centre du milieu est peinte sur fond d’azur une devise qui représente un tronc, autour duquel serpente une vigne avec ses fruits. On lit de chaque côté, en lettres d’or, ces mots : Sin e doppo la morte (Jusques & après la mort). Sur le premier feuillet du volume, écrit avec le plus grand soin sur un papier réglé très-fort, on lit :

Le Décameron de très haute & très illustre princesse Madame Marguerite de France, sœur unique du Roy Françoys Premier, Royne de Navarre, Duchesse d’Alençon & de Berry.

SIN E DOPPO LA MORTE.

Au verso de ce titre on lit la Préface suivante, adressée au Lecteur :

« D’autant, lecteur, qu’il avient souvent que mesmes les meilleurs esprits sont détournez de la lecture des plus sérieuses & nécessaires choses pour en ettre l’écriture ou impression, tant belle & bien pinte soit-elle, mal orthographée, qui procéde ordinairement d’une nonchalance trop inepte ou d’une extrême ignorance, à fin que pour cette occasion ne vous dégoûtez ou retirez du tout de la lecture de ces Nouvelles, de prime entrée vous ai bien voulu avertir que sciemment & de propos délibéré n’ai suyvi l’orthographe vulgaire, ne me pouvant persüader qu’un usage commun se doive recevoir pour loy immuable quand oculairement on le void contraire à la vérité, souz protection de laquelle me suis volontiers soumis à l’opinïon de quelques gens de bon jugement qui maintïénent le naïf de notre langue françoyse ne se pouvoir mieus exprimer que par écriture conforme à la prononcïatïon. En quoy tant s’en faut qu’on les doive taxer d’une trop grande curïosité, sote ostentatïon de savoir, ou vainne gloire de vouloir paroitre plus sages que noz pères : qu’il me semble que nous leurs sommes merveilleusement obligez, véù qu’ilz ont par leur labeur & diligence éclaircy ce qui étoit par l’injure de quelques siècles barbares & incultz, non par l’ygnorance, de nos majeurs, tellement obscurcy que les plus clairvoyans n’y connoisçoyent non plus qu’un aveugle en couleurs, au très grand deshonneur & irrévérence de l’Antiquité, de laquelle cette orthographe (que quelques uns tiènent pour nouvelle & non recevable) a été répétée, comme il appert assez par la conférence des modernes avec les plus ancïens écritz, qui ne diffèrent en rien, ou bien peu, quant à l’orthographe. Quant au reste, je ne sache homme si éloingné de bon sens qui ne confesse le langage françoys, du quel nous usons à present, trop plus riche qu’il n’étoit ancïennement, tant pour la liberté que le tems nous à donnée de pouvoir user des phrases & locutions Grecques, Latines, Italyanes & Espagnoles, comme si elles nous étoyent naturelles, que pour la collocation & marque de pointz, discrétion des accentz sur certaines dictions, qui leur fait prendre diverse signification & prononciation, qu’usage & différence des figures appelées synalèphe & apostrophe : choses qui par cy devant n’ont été si diligement observées, ne si étroitement gardées qu’aujourd’huy pour l’importance, car elles illustrent for les écritz & apportent bien grand’lumière à l’intelligence de notre langue, principalement aus étrangers, qui tireront plus de profit d’une page bien punctuée, accentüée & écrite selon la naïve prononciatïon que d’un volume entïer écrit ou imprimé sans autre discrétion que celle qui tombe au cerveau mouvant du vulgaire ignorant, & ennemy de toute raison. Outre ce, donnent à connoitre que celuy des mains duquel sera sortye telle écriture n’est du tout ignorant, que je n’estime peu, pour éttre la plus par des hommes si curïeus, non obstant ce mal avisez, qu’ilz consument toute leur vie à apprendre les langues étrangéres & ce pendant contenne leur naturelle, à tout le moins en sont si négligens que bien souvent un étranger médiocrement versé en notre langue mètra le doigt sur les fautes q’ilz auront faites à l’écriture. Voyla qui m’a détourné de la commune pour marcher souz la faveur de vérité & du tems, qui par sa révolutïon découvre à un aage ce qui a été caché à l’autre.

« Au surplus, pour faire conformer ces Nouvelles de la Royne de Navarre, sœur unique du Roy Françoys premier à celles de Jan Boccace, j’ai mis à chacune son sommaire ou argument, tirant le premier du proëme, le second de la fin du discours de la première Nouvelle, & ainsi subséquemment des autres, sans toutesfois rien omettre de ce qui y étoit, mais plus tôt ajoutant au commencement & à la conclusion des Nouvelles, pour leur donner telle grace que, si elles se lisent tumultüérement, le commencement ne semble ajouté ny la fin tronquée, sy tout d’une tire, on les trouve si cousües & lyées ensemble que la fin de la précédente donne demye intelligence à la subséquente.

« Et pour ce qu’en les transcrivant sur exemplaires fort incorrectz j’ay trouvé plusieurs omissions, inversions de sens, interpositions de motz pour autres & diversitez de lectures, j’ai rabillé le tout au moins mal qu’il m’a été possible. Dont vous vous pourrez avisé, quand en lisant vous trouverez certaines petites marques qu’expressément j’ay apposées où elles faisoyent besoin, pour vous relever de penne. Comme un petit croiscent, ou demy cercle, sur la teste renversée d’un y grec, qui donnera à entendre qu’il y a omission de motz ou de sens ; l’obelisque couché, inversion de sens ; les notes de chiffre 1, 2, 3, 4, &c., interposition & dislocation de motz ; quatre petitz pointz en figure d’étoile, diversité de lectures, desquelles j’ay retenu celle qui m’a semblé la meilleure & mis les autres à la table, où pourrez avoir recours pour y assoir votre jugement & choisir en telle diversité ce qui vous viendra mieux à goût.

« À Paris, ce viiie août 1553.

« Adrian de Thou. »


Cette préface est suivie d’une table, écrite sur deux colonnes, de toutes les variantes recueillies dans les manuscrits que de Thou avait pu se procurer ; nous avons reproduit plusieurs de ces variantes. Vient ensuite la table de toutes les Nouvelles comprises dans l’Heptaméron ; nous avons placé en tête de chaque Nouvelle ces petites analyses, qui en résument parfaitement le sujet.

Le rédacteur de ce curieux & beau manuscrit, Adrian de Thou, seigneur d’Hierville, Chanoine de Notre-Dame de Paris, était le quatrième fils d’Augustin de Thou, Seigneur de Bonnœil, président à mortier au Parlement de Paris, frère de Christophe de Thou, Premier Président, & l’oncle de Jacques-Auguste l’historien. Il était Conseiller clerc au Parlement de Paris, quand il obtint du Roi une des treize charges de Maître des requêtes créées par l’édit du mois d’octobre 1567. Il fut reçu le 21 novembre suivant ; il mourut le 25 ocobre 1570. Voyez Blanchard, Éloges des Premiers Présidens au Mortier & des Conseillers au Parlement de Paris. 1645, in-fol.


XI


No 1525, ancien 75765.5.a. Colbert. Biblioth. Nationale ; i vol. petit in-fol., rel. en veau. Texte incomplet ; d’une assez mauvaise écriture.

Ce manuscrit contient : 1o le Prologue & les deux premières Journées ; 2o sept Nouvelles détachées, qui ne sont pas copiées dans l’ordre convenable & dont le texte est incomplet ; 3o un poème composé par la Reine Marguerite & qui, dans ce manuscrit, a le titre suivant : Le Miroir de Jésu Crist crucifié :

Cy est la vraye cognoissance
Du péché & de l’ignocence,
Et qui se peult mirer & veoir
En Christ en aura le sçavoir,
Car sans luy n’avons qu’ignorance.

Ce poème commence ainsi :

Seigneur Jésu, que je dois advouer
Pour mon exemple & très cher myrouer,
En toy me puys mirer, cognoistre & veoir,
Car de me voir hors de toy n’ay pouvoir…

À la fin du poème se lisent les vers suivants :

HUICTAIN D’ELLE MESME.

Je cherche aultant la croix & la desire
Comme autreffoys je l’ay vollu fouyr ;
Je cherche aultant par tourment en jouyr
Comme outrefoys j’ay craint son dur martire,
Car ceste croix mon ame à Dieu atire
[Par la vertu de son divin pouvoir]
Dont tous les biens qu’au monde puis avoir
Quicter je veulx ; la croix me doibt souffire.

Ce poème du Miroir de Jésus-Christ n’est qu’une longue paraphrase de la Passion de Notre-Seigneur. C’est le dernier ouvrage de Marguerite, qui n’a pas eu le temps de le revoir. C’est ce que nous apprend Frère Olivier, Docteur en théologie, qui, en 1556, a publié ce poëme sous le titre suivant : l’Art et usage du souverain Mirouer du Chrestien, composé par excellente Princesse Madame Marguerite de France, Reyne de Navarre. Paris, Guillaume Le Noir, 1556, petit in-8o de trente-deux feuillets, auquel est jointe une seconde partie avec un titre séparé : le Mirouer du Chrestien et moyen de cognoistre Dieu et soi mesme, composé par F. Pierre Olivier, Docteur théologien. Paris, Guillaume Le Noir, 1556, petit in-8o de 64 feuillets, en prose.

Dans une double dédicace à Marguerite de France, fille de François Ier, nièce de la Reine de Navarre, Frère Olivier s’exprime ainsi :

« …La très illustre & excellente Princesse Madame Marguerite de France, en son vivant Royne de Navarre, vostre très-honorée tante, s’est estudiée des dons & graces qu’elle avoit reçeu, autant ou plus que dame ou femme de son temps augmenter & accroistre incessamment jusqu’au dernier souspir de sa mort…

« Pour nous en monstrer l’art, pratique & usage (du Miroir de Jésus-Christ crucifié) nous dressoit & composoit ce présent œuvre & saict poëme… Mais à peine en estoient tirées les dernières lignes que son jour & heure dernière est survenue, en laquelle le Sainct Esperit luy a commandé se reposer de ses travaux & labeurs… qui a esté la cause que le dict œuvre est demouré imperfaict, incorrect & impoli, voire en danger d’estre esgaré, perdu ou caché, ensevely & sans fruict. Mais le Seigneur Dieu, qui nous a laissé & ordonné les livres & Escritures sainctes pour nostre spirituelle consolation, pour nostre salut & à sa gloire, a tellement provéu qu’il a permis qu’icelluy me fût communiqué par les mains royalles de la dicte Princesse peu de jours avant sa mort, lequel j’ay gardé non moins songnieusement & curieusement que jadis ce grand Seigneur Alexandre, Macédonien, gardoit les Iliades de son Homère. »

Voici en quels termes Frère Olivier s’explique au sujet des corrections & changements qu’il a faits au poëme de la Reine de Navarre :

« Et pour ce, Madame, qu’iceluy petit livre m’a semblé, entre tous les autres livres & œuvres de la dicte Princesse, plus précieux, dévot, chrestien & digne d’estre dict comme la Marguerite des Marguerites, digne aussi d’être prisée & gardée plus que toute autre fleur ne pierre précieuse, & nullement exposée aux nonchalans des choses utiles à nostre salut, mais présentée, livrée entre les mains de telles très illustres, très nobles, fidèles & chrestiennes Princesses & dames que vous, Madame, je n’ay voulu iceluy négliger, moins laisser imperfect & le vous celer. Et loue Dieu l’avoir gardé & depuis corrigé, mis au nect, parachevé & poli le mieux qu’il m’a esté possible…

« J’ay aussi iceluy divisé & ordonné par petits nombres à ce requis avec l’argument & sommaire des choses contenues en iceux, & luy ay préposé le tiltre convenable à la doctrine & matière subjecte, assavoir l’Art & usage du souverain Mirouer du Chrestien & de soy bien mirer, &c. »

Frère Olivier a fait, au poëme de Marguerite, des changements assez nombreux ; il en a retouché le style, comme on peut s’en convaincre en comparant l’édition qu’il a donnée aux manuscrits ; nous disons aux manuscrits parce que, outre celui que nous indiquons précédemment, nous en avons encore vu un qui faisait partie de la bibliothèque de M. Monmerqué, & vient d’être vendu aux enchères publiques[9].


XII


No 2155, ancien 7981. Mazarin. Biblioth. nationale. i vol. petit in-4o, sur papier. Rel. en maroq. rouge. Les écussons sur les plats & sur le dos ont été coupés & arrachés[10]. Bonne écriture de la fin du XVIe siècle.

Texte complet & correct. Une partie du Prologue a été placée par mégarde à la fin de la première Nouvelle. Les divisions par Journées & par Nouvelles sont de la même main que celle du corps du manuscrit.

Au recto du dernier feuillet, on lit l’épitaphe suivante :


Cy gist le corps qui son siècle estonna,
Non par haultesse ou grandeur de sa race,
Non par les raiz de sa royalle face,
Mais par l’esprit que le ciel luy donna,
Où ses beaulx dons tant il abandonna
Qu’il délaissa pour miracle en ce monde
La marguerite à nulle aultre seconde,
Et, si aulcune est digne de son rang,
L’honneur encor dessus elle en abonde,
Ne pouvant estre aultre que de son sang.


Passans, voyez une estrange adventure
D’un corps royal qui dort en ce lieu cy,
Qui, sans changer face, forme ou figure,
Comme il fut vif mort il demeure aussi.
T’esbahis tu ? Or il est tout ainsi,
Car son esprit, estant en ces bas lieulx,
Par foy ravy & conduict dans les Cyeulx
Où il alloit le vray amour suyvant,
Eust de ce corps si peu de soing & cure
Qu’il le laissa, mesmes dès son vivant,
Ung vray tombeau & vifve sépulture.

Ne pleurez pas sur ceste sépulture,
Amys, passans, nostre fragilité ;
Plustost louez de Dieu la grant bonté,
Qui tant orna de graces sa facture
Oultre les loix de son sexe & Nature
Que ses vertus, sur toutes admirables,
Sa saincte vie & escriptz comparables
Aux plus parfaictz de toute antiquité,
Qui feront foy à la postérité ;
Car son temps mesme, esblouy de la gloire,
Est tout surprins de si grande clarté
Qu’en le croyant à peine le peult croyre.


XIII


Bibliothèque de la ville d’Orléans. No 382. l’Heptaméron des Nouvelles de Marguerite de Valois, Reyne de Navarre. In-fol. 440 pages.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Le manuscrit de cet ouvrage que nous annonçons est du XVIIe siècle. Les trois premières pages du Prologue manquent ; l’écriture n’est pas facile à lire. Il appartenoit à la Bibliothèque publique. » (Septier, Manuscrits de la Bibliothèque d’Orléans, ou Notices sur leur ancienneté, &c. Orléans, 1820, in-8o, p. 201.)

Nous devons à l’obligeance de M. Monmerqué, membre de l’Institut, communication d’un exemplaire de l’Heptaméron de 1560, in-4o, sur les marges duquel il a écrit de sa main toutes les variantes que présente le manuscrit d’Orléans. M. Monmerqué, qui a eu ce manuscrit entre les mains pendant quelque temps, nous assure qu’il est bien du XVIe siècle, & non du XVIIe, comme l’a prétendu Septier. Les variantes recueillies par M. Monmerqué sont à peu près les mêmes que celles des manuscrits de la Bibliothèque nationale.

Du reste, le manuscrit d’Orléans, outre les trois feuillets signalés manquant au Prologue, a plusieurs autres lacunes dans le courant du texte.


XIV


« Manuscrit des Contes de Marguerite de Valois, Reyne de Navarre, orné de lettres grises, peintes en or & en couleurs. In-fol. maroq. rouge à compartiments. Ce manuscrit, qui est du temps, finit au conte LXIX. » (Catalogue des livres de feu Mme la comtesse de Verrue, &c. Paris, G. Martin, 1737, in-8o, p. 13.)

Dans le catalogue publié en 1779, sous le nom de Filheul, par le libraire Chardin, on trouve, p. 280, no 1574 : « Les Nouvelles de Marguerite de Valois. Manuscrit précieux que l’on croit l’original. Toutes les Nouvelles sont rassemblées dans un gros volume in-folio, écriture du temps ; reliure antique à compartiments, très-rare, » & page XXI du même catalogue, aux éclaircissements : « Nouvelles de la Reine de Navarre. Manuscrit précieux & original des Contes de la célèbre Marguerite de Valois, de la plus belle conservation, contenant les soixante-douze Nouvelles. » (Catalogue des livres rares & singuliers du cabinet de M. Filheul, &c. Paris, 1779, in-8o.)


XV


Dans le catalogue des livres de la Bibliothèque de l’abbé Rive, publié à Marseille en 1793, in-8o, on lit :

No 1144 : « Les Nouvelles de la Royne de Navarre. Manuscrit in-folio sur papier vélin, m. bl., d. s. tr. & s. pt., papier lavé, réglé. Ce manuscrit précieux était à la bibliothèque de Samuel Bernard (voy. son catalogue, no 1493, p. 143, édition de Paris, chez Barrois, 1734). Il passa de là chez Randon de Boisset, & l’abbé Rive l’acheta à la vente de sa bibliothèque, en 1777. Cet abbé, ayant examiné avec attention le manuscrit que nous citons & reconnaissant qu’il est du temps de l’auteur, ne douta pas que ce ne fût l’autographe ; il fut confirmé dans cette opinion par les armes de France qu’on a mises sur sa couverture. Au reste, ce qui rend cet ouvrage très-précieux, c’est que son style & les Nouvelles ont été changés dans les différentes éditions qui en ont été faites. »

Ainsi que l’a fait remarquer M. Hubaud dans sa curieuse disser- tation sur l’Heptaméron de la Reine de Navarre, ces observations sont aussi fautives que mal rédigées : 1o Le manuscrit du XVIe siècle ne peut pas être sur papier vélin, puisque la fabrication de ce papier n’a commencé qu’à la fin du XVIIIe siècle. 2o Ce n’est pas dans le catalogue Randon de Boisset que se trouve indiqué le manuscrit des Nouvelles ayant appartenu à Samuel Bernard, mais dans un autre catalogue, publié en 1776, in-12, sous le titre suivant : « Catalogue de manuscrits intéressants qui seront vendus au plus offrant & dernier enchérisseur, le lundi 10 juin & jours suivants de relevée, quai des Augustins, au coin de la rue Gît-le-Cœur, en la maison de M. Gueret, notaire. Paris, Debure fils jeune, 1776, in-12. — No 213 : les Nouvelles de la Reine de Navarre. 1 vol. infol., maroq. bleu, fil. doré. » Enfin l’abbé Rive lui-même ne croyait pas du tout posséder l’original de l’Heptaméron, car dans un catalogue manuscrit qu’il avait dressé de sa bibliothèque, il avait mis la note suivante au sujet de ce volume : « Les Contes y sont bien entiers & sans castration ; très-belle copie d’un manuscrit représentant fidèlement l’original. » (Voyez p. 29 d’une Dissertation sur le Recueil des Contes & Nouvelles de la Reine de Navarre, autrement dit l’Heptaméron, par M. L. J. Hubaud. Marseille, 1850, in-8o.)


XVI


Ms. 929. Fonds de la Reyne Christine (Bibliothèque du Vatican). In-fol. relié en veau brun, 95 feuillets, papier. XVIe siècle (fin).


Folio 1. Nouvelles de la Reyne de Navarre.

Préambule : « Le premier jour de septembre, que les baings des montz Pyrenées commencent d’entrer en leur vertu, se trouvèrent à ceulx de Cauderet plusieurs personnes, tant de France que d’Espaigne, les ungs pour boire de l’eaue, les aultres pour s’y baigner… »

Folio 8, verso. Rubrique. Symontault commence à raconter la Ire Nouvelle :

« En la ville d’Alençon, du vivant du Duc Charles, dernier Duc, y avoit ung Procureur… »

Folio 14, recto. Madame Oysille commence à raconter la IIe Nouvelle :

« En la ville d’Amboise y avoit un Mulletier qui servoit la Royne de Navarre… »

Folio 17, recto. Saffredent commence à raconter la iiie Nouvelle :

« En la ville de Naples, du temps du Roy Alphonse, il y avoit ung Gentilhomme tant honneste… »

Folio 21, verso. Ennasuite commence à raconter la ive Nouvelle :

« Il y eust au pays de Flandres une Dame de si bonne Maison qu’il n’en estoit point de meilleure… »

Folio 27. Geburon commence à raconter la ve Nouvelle :

« Au port de Coulon, près de Niort… »

Folio 29, verso. Nomerfide commence à raconter la vie Nouvelle :

« Il y avoit un vieil Varlet de chambre de Charles, dernier Duc d’Alençon… »

Folio 31, verso. Hircan commence à raconter la viie Nouvelle :

« En la ville de Paris y avoit un Marchans amoureux d’une fille, sa voisine… »

Folio 33, recto. Longarine commence à raconter la viiie Nouvelle :

« En la Conté d’Allèz y avoit ung homme nommé Bornets… »

Folio 38, recto. Dagoucin commence à raconter la ixe Nouvelle :

« Entre Daulphiné & Provence y avoit ung Gentilhomme beaucoup plus riche de vertu… »

Folio 42, verso. Parlamante commence à raconter la xe Nouvelle :

« En la Conté Darande en Arragon… »

(Histoire de Floride & d’Amador.)

Folio 69, verso. Nouvelle sans rubrique, qui commence ainsi :

« (En la) Maison de Madame de La Trimouille y avoit une Dame, nommée Roubex, laquelle un jour que sa maîtresse… »

Folio 71, recto :

« Dix ans en çà en la ville de Fleurence y avoit ung Duc de la Maison de Médicis… »

Folio 77, verso :

« (……) de Madame la Régente, mère du Roy François premier, y avoit une Dame fort dévote, mariée à ung Gentilhomme de pareille volonté… »

Folio 87, verso :

« (……) Duché de Millan, du temps que le Grand Maistre de Chaumont en estoit Gouverneur… »

Folio 93, verso :

« (……) du Roy François premier y avoit ung Gentilhomme, duquel je congnois si bien le nom… »

Le folio 95 & dernier du manuscrit ne se termine pas avec cette Nouvelle ; les derniers mots sont :

« Vous ne pouvez estre amy parfait, & d’un imparfait je ne veulx point faire ung ami… » Au bas de la page, comme renvoi au folio suivant (qui manque), on lit : aymé parfaitement.

Comme on le voit par la notice qui précède, le manuscrit du Vatican ne contient qu’un fragment de l’Heptaméron, puisque le texte se termine au commencement de la Nouvelle xv. Les rubriques, qui sont particulières à ce manuscrit, ne se trouvent qu’en tête des Nouvelles qui composent la première Journée.

Nous devons communication de la notice précédente à l’obligeance de MM. François Guessard & Léon de Bastard, chargés en 1849 d’une mission littéraire dans les différentes bibliothèques d’Italie.

  1. On remarquera que pas un manuscrit de l’Heptamèron n’est sur vélin ni sur parchemin. Cela est tout simple. L’ouvrage n’ayant pas été terminé, son royal auteur n’a pas eu à le faire transcrire définitivement & avec luxe pour en conserver elle-même & en offrir autour d’elle de beaux exemplaires soigneusement écrits & miniaturés. Les manuscrits qui en existent sont tous postérieurs à sa mort & sont des copies de curiosité littéraire. — M.
  2. Singulière leçon ; ne faudrait-il pas lire « Dessus Odos », le château où est morte Marguerite ? — M.
  3. De communier, de recevoir la communion. On retrouve la même expression six vers plus loin, & p. 162, vers 13, 17 & 21.
  4. Jean IV le Veneur, Cardinal de Tillières, évêque de Lisieux de 1505 à 1539 — M.
  5. C’est-à-dire le bon larron. — M.
  6. Ce sont les rimes mêmes de Corneille dans Horace :
    Que vouliez-vous qu’il fit contre trois ? — Qu’il mourût,
    Ou qu’un beau désespoir alors le secourût. — M.
  7. Gretz, canton de Tournon (Seine-et-Marne), sur la rive gauche du Loing, à trois lieues sud de Fontainebleau, sur la route de Nemours. — M.
  8. C’est-à-dire les fils de son fils.
  9. Voici le titre de ce manuscrit : Mirouer au Chrestien sur la personne de Jesus Christ crucifié, contenant au vray l’Art & usage de soy bien mirer, composé par excellente Princesse Madame Marguerite de France, Royne de Navarre. 1 vol. in-4o, sur papier réglé, relié en vélin blanc ; à la fin : trois sonnetz & un épigramme de J. de Morel, Embrunois, sur le tombeau de la dicte Roine de Navarre. (No 2814 du Catalogue de livres, imprimés & manuscrits, faisant partie de la bibliothèque de M. Monmerqué, &c. Paris, Potier, 1851, in-8o.) — L.
  10. Probablement sous la Fronde, à la vente de la bibliothèque de Mazarin. — M.