La Cité de Dieu (Augustin)/Livre II/Chapitre XV

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 34-35).
CHAPITRE XV.
LES ROMAINS SE SONT DONNÉ CERTAINS DIEUX, NON PAR RAISON, MAIS PAR VANITÉ.

Mais n’est-il pas évident que c’est la vanité plutôt que la raison qui les a guidés dans le choix de leurs fausses divinités ? Ce grand Platon, dont ils font un demi-dieu, qui a consacré de si importants ouvrages à combattre les maux les plus funestes, ceux de l’âme qui corrompent les mœurs, Platon n’a pas été jugé digne d’une simple chapelle ; mais pour leur Romulus, ils n’ont pas manqué de le mieux traiter que les dieux, bien que leur doctrine secrète le place au simple rang de demi-dieu. Ils sont allés jusqu’à lui donner un flamine, c’est-à-dire un de ces prêtres tellement considérés chez les Romains, comme le marquait le signe particulier de leur coiffure[1], que trois divinités seulement en avaient le privilége, savoir : Jupiter, Mars et Romulus ou Quirinus, car ce fut le nom que donnèrent à Romulus ses concitoyens quand ils lui ouvrirent en quelque façon la porte du ciel. Ainsi, ce fondateur de Rome a été préféré à Neptune et à Pluton, frères de Jupiter, et même à Saturne, père de ces trois dieux ; on lui a décerné le même honneur qu’à Jupiter ; et si cet honneur a été étendu à Mars, c’est probablement parce qu’il était père de Romulus.

  1. Ce signe était l’apex, baguette environnée de laine que les flamines portaient à l’extrémité de leur bonnet. Voyez Servius, ad Æneid., lib. ii, v. 683, et lib. viii, v. 654. — Valère Maxime raconte (lib. i, cap. 1, § 4), que le flamine Sulpicius perdit sa dignité pour avoir laissé l’apex tomber de sa tête pendant le sacrifice.