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La Famille Elliot/14

La bibliothèque libre.
Traduction par Isabelle de Montolieu.
Arthus Bertrand (2p. 18-33).

CHAPITRE XIV.


Quoique Charles et Maria eussent prolongé leur séjour à Lyme au delà de ce qu’Alice l’avait pensé, et qu’elle fût peinée de ce que sa sœur abandonnait aussi long-temps ses enfans, elle fut surprise, connaissant aussi bien Maria, d’apprendre son retour à Uppercross avant celui de M. et madame Musgrove. Ce que madame Charles supportait le moins après la contradiction, c’étaient la solitude et l’ennui ; aussi la vit-on arriver à Kellinch-Lodge deux jours après : elle avait laissé Louisa hors de danger ; elle commençait à se lever quelques heures chaque jour ; sa tête était excessivement faible, quoique ses idées fussent assez nettes ; mais ses nerfs étaient devenus si délicats, si susceptibles, que la moindre chose lui donnait une émotion extrême, ou bien excitait sa sensibilité : en sorte que, quoiqu’elle fût en convalescence, il était encore impossible de décider quand elle pourrait supporter le voyage et revenir à la maison. Les fêtes et les vacances de Noël approchaient ; M. et madame Musgrove étaient obligés de se rendre à Upercross pour recevoir leurs enfans cadets qui venaient passer ce temps avec leurs parens ; ils n’espéraient pas pouvoir ramener Louisa avec eux. Ils avaient pris tous ensemble un logement près de celui des Harville, et la bonne maman Musgrove s’était chargée des enfans de l’aimable garde-malade de sa fille. Louisa, accoutumée à sa douceur, à ses tendres soins, ne pouvait s’en passer. Tous les jours les Musgrove étaient retenus à dîner chez les Harville ; mais M. Musgrove avait soin de faire venir de chez lui des provisions de fruits, de légumes, de gibier, de tout ce que sa terre produisait : la liaison entre les deux familles était devenue très-intime. Mesdames Musgrove et Harville se convenaient à merveille ; M. Musgrove reprenait une nouvelle vie en causant avec le capitaine Harville, rapproché de son âge par ses infirmités ; Charles s’attachait au capitaine Bentick ; les enfans, du même âge que les cadets Musgrove, se lieraient aussi par la suite : les bonnes mères allaient plus loin, elles arrangeaient dans leurs têtes et dans les cœurs des inclinations, des mariages futurs ; et certes, ils prouvaient la vérité de cet adage, qu’à quelque chose malheur est bon.

Maria seule n’aimait personne qu’elle, et ne plaisait guère par elle-même ; mais comme elle faisait partie de la famille Musgrove, elle eut sa bonne part des politesses et des attentions des bons Harville ; elle n’avait qu’à s’en louer. Mais, suivant sa coutume, elle avait encore mille sujets de plaintes : George Hayter était venu à Lyme plus souvent qu’elle n’aurait voulu ; elle n’aimait pas dîner chez les Harville, qui n’avaient point de laquais ; on était servi à table par une femme de chambre, ce qui lui était insupportable et lui ôtait absolument l’appétit : ce qui l’avait le plus vexée, c’est qu’on donnait en toute occasion la prééminence à madame Musgrove la mère, qu’on la plaçait au-dessus d’elle à table, oubliant tout-à-fait qu’elle était fille de sir Walter Elliot ; cependant le capitaine Harville lui avait dit une fois qu’elle avait l’air si jeune, qu’elle était si fraîche, qu’il ne pouvait la croire mariée, ce qui l’avait un peu consolée. Elle aimait d’ailleurs passionnément le mouvement et le séjour de Lyme ; elle passait la matinée à courir les rues et les magasins ; il y en avait un de modes où l’on faisait assez bien les chapeaux, témoin celui qu’elle portait, et un libraire qui avait les plus jolis romans du monde. On l’avait menée à Charmouth ; elle s’était baignée ; elle avait été à l’église, où tout le monde l’avait regardée ; enfin elle avait passé là un temps très-agréable, et trouvait, sans oser le dire, que sa belle-sœur avait eu bien de l’esprit de se casser la tête à Lyme.

Tout cela fut raconté par Maria à sa sœur et à lady Russel avec beaucoup de volubilité, et le nom du capitaine Wentworth fut répété plus d’une fois. Pour éviter de s’étendre sur ce chapitre, qu’elle aimait et redoutait à-la-fois, Alice parla de l’intéressant capitaine Bentick, et demanda de ses nouvelles ; Maria souleva les épaules, un nuage se répandit sur son visage. « Le capitaine est très-bien, dit-elle, mais très-ridicule avec ses caprices ; on ne sait quelquefois ce qu’il veut ; nous l’avons invité à venir passer avec nous quelques jours au cottage ; il nous aurait sauvé l’ennui de la solitude, c’était au moins quelqu’un à qui parler : Charles voulait le mener à la chasse ; il avait accepté et paraissait content ; je croyais que tout était arrangé, quand tout-à-coup, la veille de notre départ, il nous fit de très-maussades excuses, et voulut rester à Lyme. « Je ne chasse jamais, dit-il, et je gênerais Charles. » Avez-vous entendu rien d’aussi ridicule ? Comme si je chassais, moi ! Nous aurions laissé Charles courir les bois, et le capitaine m’aurait tenu compagnie ; il n’aurait pas été bien malheureux, je crois ? Mais non, il a voulu rester, et il a bien fait ; je ne connais rien d’ennuyeux comme la société d’un homme mélancolique, dont le cœur est brisé par l’amour et le chagrin. »

Charles se mit à rire.

« Maria, dit-il, vous savez très-bien que si M. Bentick a le cœur brisé d’amour, il ne l’est plus de chagrin : c’est votre ouvrage, Alice ; vous l’avez guéri de sa douleur, mais non de l’amour. Lorsqu’il accepta notre invitation, il croyait que vous viviez avec nous, et qu’il vous retrouverait au cottage ; mais quand il sut que vous étiez chez lady Russel, à trois milles d’Upercross, il ne s’est plus soucié de venir. Cela est un fait, sur mon honneur ; Maria le sait aussi bien que moi. »

Lady Russel se hâta de regarder sa jeune amie ; elle souriait, mais n’avait point rougi. Maria ne voulut convenir de rien, et parut assez piquée qu’on vînt chez elle pour Alice ; celle-ci tourna la chose en plaisanterie, dit qu’elle était très-flattée de sa conquête, et continua ses questions sur son triste adorateur Bentick.

« Oh ! je vous assure qu’il est beaucoup moins triste, dit Charles ; il parle souvent de vous, et avec plaisir, cela se voit ; n’est-ce pas, Maria, qu’il est très-animé quand il parle de votre sœur ?

— Je ne sais ce que vous voulez dire, répondit-elle avec humeur ; je déclare que je ne l’ai pas entendu nommer Alice deux fois. Je suis fâchée de contredire Charles ; mais le capitaine s’entretient peu de ma sœur.

— Avec vous, peut-être, dit Charles ; mais je sais qu’il s’en occupe extrêmement. Il a lu quantité de livres sur votre recommandation, Alice, et il est très-impatient d’en parler avec vous. Je ne me rappelle pas ce qu’il m’a récité plusieurs fois, mais c’était très-beau. Je lui ai entendu dire à Henriette : « C’est un ouvrage excellent ; je remercie beaucoup miss Elliot de me l’avoir indiqué ; elle a un goût parfait, un jugement si exquis, si éclairé, si rare chez une jeune femme qui pourrait avoir d’autres prétentions ! Elle réunit tout, modestie, douceur, élégance, esprit, beauté. » Voilà, Maria, ce que j’ai entendu de mes deux oreilles. Il ne tarissait pas sur les éloges de miss Elliot. » Alors Alice rougit un peu, et rencontra les regards de lady Russel attachés sur elle.

« Il faut que je voie ce M. Bentick avant de me prononcer, » lui dit lady Russel en souriant.

« Je vous promets que vous le verrez bientôt, dit Charles ; quoiqu’il n’ait pas voulu venir avec nous vous faire, milady, une visite de cérémonie, je parierais qu’il ne tardera pas à chercher l’occasion de rencontrer Alice, soit à Upercross, soit chez l’amiral Croft. Il m’a demandé si l’église de Kellinch était digne d’être vue, et si nos environs étaient romantiques. Il a du goût pour tout ce qui est… Comment, dit-il, Maria ? Ah ! je me le rappelle, pour tout ce qui est pittoresque. Je l’ai assuré que nos jardins, nos parcs, et nous-mêmes l’étions extrêmement : je ne doute pas, d’après cela, qu’il ne soit bientôt ici. Recevez-le bien, lady Russel ; sur ma parole, il est très-intéressant : Alice peut vous le dire, il lui plaisait beaucoup.

— Toutes les connaissances d’Alice seront bienvenues chez moi : » telle fut la réponse de lady Russel.

« Ah ! quant à cela, s’écria Maria, vous ne nierez pas, je pense, qu’il ne soit beaucoup plus ma connaissance que celle d’Alice, puisque nous venons de passer quinze jours ensemble ?

— C’est une raison de plus pour qu’il soit bien accueilli, madame, dit poliment lady Russel. Votre ami, celui de M. Charles Musgrove…

— Il n’est point du tout mon ami, interrompit-elle avec aigreur, et je déclare que je n’ai vu en ma vie un jeune homme plus ennuyeux ; vous ne le trouverez pas du tout aimable, je vous assure. Il se promenait quelquefois avec moi d’un bout du cobb à l’autre, sans avoir un mot à me dire : les bras croisés, il regardait la mer en soupirant. Ce n’est pas là un homme bien élevé : ah ! je suis bien sûre qu’il vous déplaira comme à moi.

— Nous pensons bien différemment, Maria, dit Alice ; je crois, au contraire, qu’il sera tout-à-fait du goût de lady Russel ; il a de l’esprit, de l’instruction, point d’affectation, de pédanterie ; il parle peu, mais ce qu’il dit est toujours bien ; et je n’ai rien vu dans ses manières qui dénotât la mauvaise éducation, au contraire.

— Je pense ainsi, dit Charles ; c’est précisément de ces gens que lady Russel préfère. Ce n’est pas un écervelé comme Wentworth et moi, qui ne pensons qu’à courir ; donnez-lui un livre, et il lira tout le jour.

— Ah ! oui, c’est bien cela, reprit Maria ; il aura le nez collé sur chaque page sans écouter ce qu’on lui dit, sans relever vos ciseaux ou vos gants s’ils tombent, sans avoir jamais un mot galant à vous adresser. Comment peut-on penser que lady Russel aimera un tel homme ? elle toujours si polie, et qui parle si bien ! »

Lady Russel sourit. « Vous voulez gagner votre juge, Maria, lui dit-elle. Vraiment, je suis curieuse de voir une personne sur laquelle les opinions sont si différentes : je désire fort qu’on l’engage à venir chez moi ; quand je l’aurai vu, je vous promets de vous dire ce que j’en pense ; jusqu’alors, brisons là-dessus ; je ne veux pas être influencée.

— Vous ne l’aimerez pas, j’en réponds. Notre cousin Elliot est, j’en suis sûre, beaucoup plus aimable ; il a de si jolis chevaux ! tout-à-fait la tenue d’un homme comme il faut. Si nous lui avions seulement parlé ! » Maria conta alors avec beaucoup de feu leur rencontre à Lyme avec M. Elliot, qu’elle trouvait très-singulière.

« Pour celui-là, dit lady Russel, je décide, sans l’avoir vu, qu’il m’est insupportable, et que je n’ai nulle envie de le connaître. Son refus de rendre ses devoirs au chef de la famille, son mariage sans le consulter, tous ses procédés avec sir Walter, ont fait sur moi une impression très-défavorable. »

Maria n’était pas heureuse dans ses jugemens ; la décision de lady Russel l’arrêta au milieu de ses éloges sur M. Elliot : elle se rejeta alors sur ceux du capitaine Wentworth, auquel la fière lady et la trop sensible Alice n’ajoutèrent rien ; mais, sans faire de questions, la dernière apprit ce qu’elle voulait savoir. À mesure que Louisa se remettait, il reprenait sa gaîté et sa vivacité ; elle était le thermomètre de son humeur, et certainement il l’aimait avec passion. Elle avait cru qu’il deviendrait fou de désespoir la première semaine ; depuis qu’on répondait de sa vie, c’était un autre homme. Il ne l’avait pas vue encore ; il craignait si fort pour elle l’émotion de cette entrevue, qu’il ne pressait point pour qu’elle eût lieu ; au contraire, il parlait de s’absenter pour huit ou dix jours, jusqu’à ce que la tête de la malade fût assez forte pour revoir sans danger l’homme dont l’imprudence a failli lui coûter la vie. Sa présence pouvait, dit—il, produire une révolution fâcheuse sur quelqu’un d’aussi faible, et leur rappeler trop à tous deux cet affreux moment auquel il n’osait penser. Il se disposait à aller passer une semaine à Plymouth, et pressait le capitaine Bentick de s’y rendre avec lui.

« Mais il l’a aussi refusé, dit Charles, et je parierais que c’est pour être libre de venir ici. »

De ce moment, Alice et lady Russel pensèrent souvent à l’arrivée du capitaine Bentick, et en parlèrent quelquefois. Alice ne croyait point avoir fait sa conquête, et n’y pensait même pas ; mais ce jeune homme l’intéressait sous d’autres rapports. Malheureux aussi dans son premier amour, elle le plaignait du fond de l’âme ; elle aurait voulu, non pas le consoler, mais lui faire un peu de bien en calmant son imagination par de bonnes lectures. Lady Russel était impatiente de juger si c’était un parti digne de sa favorite. Elle n’entendait pas sonner la cloche d’entrée sans croire qu’on allait l’annoncer. Alice ne revenait pas de ses promenades solitaires dans le parc de son père ou dans le village, où elle portait quelques aumônes, sans croire qu’elle le retrouverait. Mais il ne parut pas, et après une semaine d’attente, lady Russel décida que Maria avait raison, que le capitaine Bentick était un jeune homme mal élevé et tout-à-fait indigne de l’intérêt qu’elle commençait à prendre pour lui.

Les vieux Musgrove revinrent chez eux pour y recevoir leurs heureux enfans qui étaient en vacances ; ils amenaient avec eux tous ceux des Harville pour augmenter le tapage à Upercross et l’éloigner de Lyme. Louisa ne pouvait pas encore sortir de sa chambre, et Henriette était restée avec elle.

Lady Russel et Alice firent leur visite à madame Musgrove. Alice trouva un parfait contraste avec la solitude où elle avait laissé le salon d’Upercross ; il était même plus bruyant, plus animé que lorsqu’elle y jouait tristement des contre-danses sur le piano, pour faire danser les miss Musgrove, les miss Hayter, Wentworth, George, Charles et toute la bande joyeuse ; et à présent une autre réunion plus jeune et plus franchement gaie le remplit. Maman Musgrove, entourée de cinq filles ou fils des Harville, avait assez de peine à les défendre de la tyrannie et des coups des deux petits garçons du cottage invités pour les amuser, et dont les manières se ressentaient de l’absence de tante Alice. D’un côté, autour d’une table, les cadettes Musgrove et les aînées Harville découpaient en figures bizarres du papier doré, causaient, riaient toutes ensemble. De l’autre, une grande table, succombant sous le poids des gâteaux et des viandes de toute espèce, était entourée d’une demi-douzaine de jeunes garçons de dix à douze ans, moitié Harville, moitié Musgrove, sautant, criant, se battant à qui viderait le plus tôt les plats et ferait le plus de vacarme. Un feu de charbon de terre pétillait dans la grille de la grande cheminée, et augmentait le bruit général. Charles et Maria étaient là aussi, le premier excitant les enfans, la seconde grondant d’une voix aigre ; M. Musgrove faisant les honneurs du salon à lady Russel, en lui parlant comme s’il eût été au milieu de ses bois, et ayant peine à se faire entendre. C’était un beau tableau d’une famille anglaise aux fêtes de Noël.

Lady Russel, la main sur le front, fit signe à Alice que sa tête en sautait ; Alice elle-même, quoiqu’elle aimât les enfans, les trouvait un peu trop nombreux et bruyans. Maman Musgrove la fit asseoir près d’elle pour la remercier plus cordialement de ses attentions pour eux tous pendant le terrible accident de sa fille ; elle récapitula minutieusement tout ce qu’elle avait souffert elle-même : « Mais il n’en est plus question, dit-elle en jetant un doux regard autour d’elle ; après une vive inquiétude, rien ne soulage comme la tranquillité et le plaisir d’être chez soi au coin du feu. — Louisa, lui dit-elle, est mieux de jour en jour ; elle espérait qu’elle pourrait revenir jouir de ces innocens plaisirs, avant que ses frères et ses sœurs retournassent à leur école (Alice en trembla pour la pauvre convalescente, dont la tête devait être si faible). — Les Harville et M. Bentick me ramèneront mes filles, continua la bonne mère. Notre cher capitaine Wentworth, est allé voir son frère dans le Shropshire ; mais il reviendra bientôt, et sera, je l’espère, souvent ici, ainsi que vous, chère miss Elliot : il pourra vous amener, puisque vous êtes à Kellinch. Alice la remercia, et lui dit qu’elle ne quitterait pas lady Russel. — Elle nous fera honneur et plaisir de vous accompagner, dit madame Musgrove. » Lady Russel remercia par un salut ; et faisant un signe à Alice, elles partirent : « Que le ciel m’en préserve ! dit-elle en s’asseyant dans la voiture : j’ai la tête plus abîmée, j’en suis sûre, que miss Louisa. »

Chaque personne a son goût particulier pour le bruit, comme pour toute autre chose ; tel qui ne supporte pas les cris et le tapage de l’enfance ne se plaint point de celui que fait dans un théâtre un parterre tumultueux, ou du brouhaha d’une assemblée. Lady Russel, malade d’avoir passé une heure dans le salon de madame Musgrove, ne se plaignit point lorsque, quelque temps après, elle traversa la longue rue de Bath, du roulement sur le pavé d’une foule d’équipages, des cris de ville, des coups de marteau qu’on donnait à chaque porte ; le vacarme de son quartier d’hiver lui paraissait charmant ; et, comme madame Musgrove, elle aurait dit volontiers qu’après un long séjour à la campagne rien ne fait plus de bien qu’un peu de mouvement et de bruit.

Alice ne partageait pas ce sentiment ; elle persistait en silence dans son dégoût pour le séjour de Bath. Ces rues humides, ces grands et sombres bâtimens, dont pas un ne renfermait un ami, pas même une connaissance, attristaient son cœur en traversant la ville, où personne ne serait bien aise de la voir arriver, où pas un sourire de bienveillance ne l’accueillerait. Il y avait cependant à Bath un être qui n’était pas sans intérêt pour elle ; la dernière lettre d’Elisabeth lui avait appris que leur cousin Elliot y était arrivé, et paraissait mettre autant de soin à les rechercher qu’il en avait mis à s’éloigner d’eux. Cette nouvelle les étonna : lady Russel en fut très-occupée, et parla souvent de M. Elliot, regrettant ce qu’elle avait dit de lui à Maria, et paraissant très-curieuse de le connaître. « Si réellement, disait-elle, il sent ses torts et cherche à les réparer, il faut les oublier, et rattacher au tronc de la famille cette branche isolée. » Dans cette occasion, elle pensait plus à Elisabeth qu’à Alice, uniquement parce qu’elle était l’aînée, et qu’il était dans la règle qu’elle se mariât la première.

Alice sentait aussi qu’elle reverrait M. Elliot avec plaisir, et c’était plus qu’elle ne pouvait dire de qui que ce fût à Bath.

Elles arrivèrent à Camben-Place : Alice descendit chez son père, et lady Russel poursuivit sa route pour se rendre à Rivers-Street, lieu de son domicile.