La Femme en blanc/III/Walter Hartright/07

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Traduction par Paul-Émile Daurand-Forgues.
J. Hétzel (1 et 2p. 197-214).
Troisième époque — Walter Hartright


VII


Jusque-là, les informations que m’avait fournies mistress Clements, — bien qu’elles établissent des faits tout nouveaux pour moi, — n’avaient cependant qu’une valeur préliminaire.

Il était clair que l’enchaînement des déceptions qui d’abord avaient ramené Anne Catherick à Londres, pour la séparer ensuite de mistress Clements, était l’œuvre unique du comte Fosco et de la comtesse ; et la question de savoir si, dans la conduite du mari ou de la femme, il y avait de quoi faire peser sur l’un ou sur l’autre une responsabilité légale quelconque, pouvait devenir ultérieurement un grave sujet d’examen. Mais le but que je me proposais maintenant portait mes efforts dans une autre direction. L’objet immédiat de ma visite à mistress Clements était de frayer au moins quelques voies à la découverte du secret de sir Percival ; et jusqu’à présent, elle n’avait encore rien dit qui me fît faire sur cette route le moindre pas en avant. Je comprenais qu’il fallait essayer de faire appel à ses souvenirs d’un autre temps, et occuper sa mémoire de personnes, d’événements autres que ceux dont nous venions de parler. J’avais indirectement cet objet en vue lorsque je renouai l’entretien un moment interrompu.

— Je voudrais, lui dis-je, pouvoir vous être de quelque secours dans ces tristes circonstances. Malheureusement, je n’ai à votre service qu’une vive sympathie. Anne Catherick eût-elle été votre propre enfant, mistress Clements, vous n’auriez pu la traiter avec une bonté plus réelle ; vous n’auriez pu faire pour elle de sacrifices plus méritants.

— Il n’y pas grand mérite à cela, monsieur, me dit mistress Clements en toute simplicité. La pauvre créature était bien, pour moi, comme mon propre enfant. Toute petite, monsieur, je l’ai soignée ; sa croissance était mon ouvrage ; et j’avais eu du mal, je vous l’assure, à en faire quelque chose. Je n’aurais pas tant à cœur de l’avoir perdue, si je ne lui avais fait les premières robes qu’elle ait portées après ses langes, et si je ne lui avais pas appris à marcher. Je disais toujours que Dieu me l’avait envoyée pour me consoler de n’avoir à moi ni marmot ni marmotte. Et maintenant qu’elle est perdue, le souvenir du vieux temps me revenant sans cesse en tête, je ne puis, toute vieille que vous me voyez, m’empêcher de pleurer après elle ; — c’est comme cela, monsieur, c’est comme cela !…

J’attendis un instant que mistress Clements se fût calmée. Mais ce rayon de lumière, vainement espéré depuis longtemps, m’arriverait-il, — indécis encore et de loin, — dans ces souvenirs que la brave femme avait conservés des premières années d’Anne Catherick ?

— Connaissiez-vous mistress Catherick avant la naissance de sa fille ? lui demandai-je.

— Pas depuis bien longtemps, monsieur, quatre ou cinq mois tout au plus. Nous nous voyions souvent à cette époque, mais sans jamais avoir eu beaucoup d’amitié l’une pour l’autre…

Sa voix, tandis qu’elle me répondait ainsi, avait repris plus de fermeté. Si pénibles que pussent être beaucoup de ses souvenirs, je remarquai qu’à son insu c’était pour elle un véritable soulagement, après avoir si longuement ressassé les poignantes tristesses du temps présent, de se reporter aux chagrins à demi-effacés dont un passé déjà loin lui avait légué l’incertain souvenir.

— Vous et mistress Catherick, vous étiez voisines ? lui demandai-je, prêtant secours à sa mémoire, et du ton le plus encourageant que je sus prendre.

— Oui, monsieur ; — c’est-à-dire au Vieux-Welmingham.

— Au Vieux-Welmingham ? Il y a donc deux endroits de ce nom, dans le Hampshire ?

— C’était du moins ainsi à cette époque, monsieur, et je vous parle d’il y a vingt-trois ans tout au moins. On a bâti une nouvelle ville, à deux mille plus près de la rivière ; et le Vieux-Welmingham, qui était toujours resté un village ou peu s’en faut, a fini par être abandonné. La ville neuve est l’endroit qu’on désigne aujourd’hui sous le nom de Welmingham ; mais l’ancienne église paroissiale est encore, après tout, l’église paroissiale. Elle est debout, toute seule, au milieu des terrains où l’on a rasé les maisons, et de quelques ruines çà et là dispersées. J’ai assez vécu pour assister à de tristes changements. De mon temps, c’était un joli endroit, un agréable séjour.

— L’habitiez-vous avant votre mariage, mistress Clements ?

— Non, monsieur… je suis née dans le Norforlk. Mon mari non plus n’était pas de là. Ainsi que je vous l’ai dit, il était de Grimsby, où il avait fait son apprentissage. Mais, ayant des amis dans le Sud, et entendant parler d’une bonne occasion, il ouvrit à Southampton son premier établissement de commerce. Les affaires allaient petitement, mais il fit assez d’économies pour avoir de quoi vivre, simple en ses goûts comme il l’était, et il s’établit au Vieux-Welmingham. Quand il m’eut épousée, j’y allai résider avec lui. Nous n’étions jeunes ni l’un ni l’autre, et nous vécûmes très-heureux ensemble ; — plus heureux que M. Catherick ne vivait avec sa femme, lorsque, un ou deux ans plus tard, il fut venu, lui aussi, s’établir aux Vieux-Welmingham.

— Votre mari les connaissait-il auparavant ?

— Il connaissait Catherick, monsieur, mais pas sa femme. Elle nous était étrangère à tous les deux. Certain gentleman de haut parage s’intéressait à Catherick, et lui avait obtenu la position de clerc de paroisse à l’église de Welmingham ; ce fut le motif pour lequel il vint s’établir dans notre voisinage. Il amenait avec lui sa femme qu’il avait tout récemment épousée ; et nous apprîmes, avec le temps, qu’elle avait été femme de chambre dans une famille résidant à Varneck-Hall, près Southampton. Catherick avait eu de la peine à obtenir qu’elle l’épousât, attendu que c’était une femme à prétentions un peu hautes. Il l’avait demandée, et demandée vainement à plusieurs reprises, si bien que, finalement, il y avait renoncé, la voyant si mal disposée. Une fois qu’il ne songea plus à elle, la voilà qui change d’avis et sans rime ni raison, de son propre mouvement, renoue l’affaire. Mon pauvre mari disait toujours que c’eût été une bonne occasion de lui apprendre à se connaître. Mais Catherick en était trop affolé pour songer à rien de pareil. Jamais il ne la contrariait en rien, soit avant leur mariage, soit après. C’était un homme très-vif en ses sentiments, qui se laissait emporter par eux, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et il aurait gâté une meilleure femme que mistress Catherick, si une meilleure lui fût échue en partage. Je n’aime à dire du mal de personne, monsieur ; — mais c’était une femme sans cœur, et d’une obstination vraiment terrible en toutes ses volontés ; folle de beaux habits, tenant à être admirée, et ne se donnant pas même la peine d’avoir pour Catherick, si bon qu’il se montrât envers elle, les plus simples dehors du respect convenable. Mon mari disait, quand ils vinrent s’établir auprès de nous, que cet état de choses devait, à son avis, tourner mal, et ses paroles se sont vérifiées. Ils n’étaient pas dans notre voisinage depuis plus de quatre mois, lorsqu’un terrible scandale vint rompre misérablement leur union, et disperser leur ménage. Tous deux étaient fautifs… Je crains, du moins, qu’il n’y ait eu faute de l’un et de l’autre.

— Vous voulez dire, sans doute, de la femme et du mari ?

— Oh ! non, monsieur ; je ne parle pas de Catherick… il ne méritait que la pitié. C’est sa femme que je veux dire ; sa femme, et la personne qui…

— La personne qui fut l’occasion du scandale ?

— Précisément, monsieur. Un gentleman de naissance et d’éducation, qui aurait dû nous donner de meilleurs exemples. Vous le connaissez, monsieur ; et ma pauvre chère Anne le connaissait aussi, trop pour son malheur.

— Sir Percival Glyde ?

— Oui. Sir Percival Glyde…

Mon cœur battait la charge. Je me figurais avoir mis la main sur le fil conducteur. Que je savais peu, à ce moment, par quels détours inextricables j’avais à passer encore avant de sortir du labyrinthe ?

— Est-ce que sir Percival habitait à cette époque vos environs ? demandai-je.

— Non, monsieur ; il nous arriva tout à coup, étranger à la communauté. Son père était mort, peu de temps auparavant, hors d’Angleterre. Je me rappelle que le fils était encore en deuil. Il descendit à la petite auberge sur la rivière (ils l’ont démolie depuis lors), un endroit où les gentlemen venaient volontiers s’installer pour la pêche. On ne prit pas beaucoup garde à lui dans les premiers temps de son arrivée ; c’était une chose commune que de voir venir, de tous les comtés d’Angleterre, des touristes pêcheurs attirés par notre rivière.

— Son apparition dans le village fut-elle antérieure à la naissance d’Anne Catherick ?

— Oui, monsieur : Anne vint au monde au mois de juin 1827 ; et je crois qu’il arriva, lui, vers la fin d’avril ou le commencement de mai.

— Et parmi vous il n’était connu de personne ? pas plus de mistress Catherick que de vos autres voisins ?

— Nous le crûmes ainsi tout d’abord, monsieur. Mais, quand le scandale éclata, personne ne voulut admettre qu’ils ne se connaissaient point. Je me rappelle la chose comme si c’était hier. Catherick, une nuit, vint dans notre jardin, et nous réveilla en jetant aux carreaux une poignée du sable des allées. Je l’entendis prier mon mari, pour l’amour de Dieu, de descendre lui parler. Ils restèrent longtemps à causer sous le porche. Quand mon mari remonta, il était tout tremblant. Assis à côté du lit : — Lizzie ! me fait-il, je vous ai toujours dit que cette femme ne valait rien ; je vous ai toujours dit qu’elle finirait mal ; … et je crains bien, au fond, que ce ne soit déjà fait. Catherick a trouvé, cachés dans les tiroirs de sa femme, un tas de mouchoirs garnis de dentelles, deux belles bagues, et une montre d’or toute neuve avec sa chaîne, — objets qu’une dame du monde devrait seule posséder, et dont sa femme ne veut pas lui faire connaître la provenance. — Les aurait-elle volés ? m’écriai-je. — Non, dit-il ; un vol, ce serait déjà bien mal. Mais c’est encore pire que cela ; elle n’aurait pas eu, par ici, la chance de dérober des objets pareils ; et quand bien même cette chance lui eût été offerte, elle n’était pas femme à en profiter. Ce sont des cadeaux, Lizzie… ses initiales sont gravées à l’intérieur de la montre ; … et Catherick l’a vue causer secrètement, et se conduire comme ne doit pas le faire une femme mariée, avec ce gentleman en deuil, sir Percival Glyde. N’en dites rien à personne… Pour cette nuit, j’ai apaisé Catherick. Je lui ai conseillé de retenir sa langue, d’ouvrir les yeux et les oreilles, et d’attendre un ou deux jours pour avoir une certitude complète : — Je crois, dis-je à mon mari, que tous les deux vous avez tort. Il n’est pas naturel que, bien à son aise et respectée comme elle l’est ici, mistress Catherick ait la tête tournée par un étranger de passage, tel que ce sir Percival Glyde. — Oui ; mais est-il un étranger pour elle ? me répondit-il. Vous oubliez comment la femme de Catherick en est venue à l’épouser. C’est après lui avoir dit non mainte et mainte fois, quand il la sollicitait, que, d’elle-même, tout à coup, elle a démenti son refus. Ce n’est pas d’aujourd’hui, Lizzie, qu’on a vu de mauvaises femmes employer à sauver leur réputation, et à couvrir une faute, l’aveuglement d’un honnête homme qui les aime ; et je crains bien que cette mistress Catherick ne soit aussi vicieuse que la pire d’entre elles. Nous verrons, du reste, continua mon mari, et je crois que ce ne sera pas long. Deux jours après, en effet, nous avions vu…

Mistress Clements suspendit un moment son récit. Dès ce moment-là même, je commençai à douter que j’eusse réellement trouvé, après tout, le fil conducteur qui devait me guider vers le mystère caché au centre du labyrinthe. Cette chronique vulgaire, malheureusement trop vulgaire, d’un homme perfide et d’une femme fragile, pouvait-elle me fournir la clef d’un secret qui pesait, terreur permanente, sur toute l’existence de sir Percival Glyde ?

— Donc, monsieur, continua mistress Clements, Catherick suivit les conseils de mon mari, et attendit ce qui allait advenir. Ainsi que je vous l’ai déjà dit, son attente ne fut pas longue. Dès le second jour, il trouva sa femme et sir Percival qui causaient ensemble, à voix basse, le plus familièrement du monde, tout contre la sacristie de l’église. Je suppose que le voisinage de la sacristie leur avait paru le dernier endroit où on dût s’aviser de les venir épier ; — quoi qu’il en soit, c’est là qu’ils étaient. Sir Percival, surpris en apparence et troublé, se défendit si mal des imputations et des reproches à lui adressés, que le pauvre Catherick (je vous ai dit la vivacité de son caractère) perdit en quelque sorte la tête en face de son infortune ; il se rua sur sir Percival. Mais il n’était pas (je suis fâchée de le dire) de force à lutter contre l’homme qui lui avait fait tort ; il fut battu de la manière la plus cruelle, avant que les voisins, accourus au bruit, eussent eu le temps de les séparer. Tout ceci se passa aux approches de la soirée et avant la tombée de la nuit. Quand mon mari se rendit chez Catherick, celui-ci était déjà parti, sans que personne sût pour où. Pas une âme dans le village ne l’a jamais revu depuis. Il ne connaissait que trop bien, cette fois, l’ignoble motif qui avait décidé sa femme à l’épouser ; et il ressentait trop vivement sa disgrâce, — surtout après ce qui lui était arrivé avec sir Percival, — pour reparaître dans les lieux qui en avaient été témoins. Le pasteur de la paroisse fit mettre dans les journaux un avis par lequel il le priait de revenir, l’assurant qu’il ne perdrait ni sa place, ni l’estime de ses connaissances. Mais Catherick avait trop de fierté, disaient quelques-uns, — trop de chagrin, à ce que je crois, monsieur, — pour affronter les regards de ses voisins, et laisser s’user à la longue le souvenir de sa honte. Mon mari eut de ses nouvelles au moment où le malheureux quitta l’Angleterre ; il en eut encore, pour la seconde fois, lorsque Catherick fut établi en Amérique, où il paraissait prospérer. Pour autant que je sache, il y vit encore ; mais personne de ses anciens compatriotes, — et, moins que tout autre, sa mauvaise femme, — ne doit probablement le revoir jamais.

— Qu’advint-il de sir Percival ? demandai-je. Est-ce qu’il demeura dans le pays ?

— Ah ! mais, non, monsieur ; il y faisait un peu trop chaud pour lui. On l’entendit, le soir même du jour où le scandale avait eu lieu, s’en expliquer très-vivement avec mistress Catherick ; et, le lendemain matin, il nous faussa compagnie.

— Et mistress Catherick, que devint-elle ? À coup sûr, elle ne demeura pas dans le village, parmi les gens qui l’avaient vue se perdre de réputation ?

— Si vraiment, monsieur ; elle était assez endurcie, elle avait le cœur assez cuirassé pour mettre hardiment au défi l’opinion de tous ses voisins. Elle déclara publiquement à tous, depuis le pasteur jusqu’au dernier des paroissiens, qu’elle était la victime d’une affreuse méprise, et que toutes les mauvaises langues de l’endroit ne l’en chasseraient pas comme si elle avait quelque chose à se reprocher. Elle a vécu au Vieux-Welmingham tout le temps que j’y suis restée moi-même ; et après mon départ, quand on se mit à bâtir la ville neuve, quand les honnêtes gens de l’endroit commencèrent à s’y transporter, elle alla s’y installer, elle aussi, comme bien résolue à rester des leurs et à les scandaliser jusqu’au bout. Elle y est encore, et y demeurera, malgré la réprobation des meilleurs d’entre eux, jusqu’au dernier jour de sa vie.

— Mais, pendant tout ce temps-là, demandai-je, quelles ont été ses ressources ? Son mari pouvait-il et voulait-il lui venir en aide ?

— Il le pouvait et le voulait, monsieur, répondit mistress Clements. Dans la seconde lettre qu’il écrivit à mon brave homme de mari, il disait qu’elle avait porté son nom, qu’elle habitait encore sous le toit qui les avait abrités tous deux, et que, toute pervertie qu’elle fût, elle ne devait pas mourir de faim comme une mendiante des rues. Il était en position de lui accorder une petite annuité, qu’il l’avisait de faire toucher à Londres, tous les trois mois, chez un banquier dont il lui donnait le nom.

— Accepta-t-elle cette pension ?

— Pas le premier « farthing », monsieur. Elle dit qu’elle n’entendait plus devoir à Catherick ni un morceau de pain ni une goutte d’eau, dût-elle vivre cent ans. Et toujours, depuis lors, elle a tenu parole. Quand mon pauvre cher mari vint à décéder, me laissant tout ce qu’il possédait, la lettre de Catherick me fut remise avec le reste, et je demandai à sa femme, si jamais elle tombait dans le besoin, de me le faire savoir : — Toute l’Angleterre saura que je manque de pain, me répondit-elle, avant que je le dise à Catherick ou à n’importe lequel de ses amis… Prenez pour vous cette réponse, et si jamais il écrivait de nouveau, elle pourra aussi lui servir, à « lui ! »

— Supposez-vous qu’elle eût de l’argent à elle ?

— En tout cas, monsieur, c’était bien peu de chose. On a dit, et avec raison, j’en ai bien peur, que ses moyens d’existence lui venaient de sir Percival Glyde.

Après cette dernière réponse, j’arrêtai un instant l’interrogatoire pour passer en revue ce que je venais d’apprendre. Si j’acceptais le récit dans toutes ses parties et sans aucune réserve, jusqu’au point où il en était arrivé, il était bien évident, à présent, qu’aucune révélation ne m’avait été faite dont je pusse tirer parti, directement ou indirectement, pour arriver à la possession du secret, et que ma nouvelle tentative me laissait encore face à face avec l’échec le plus palpable et le plus décourageant.

Mais il y avait dans ce récit un point mal éclairci qui me faisait hésiter à l’accepter sans quelques réserves, et qui me suggérait l’idée d’un « dessous de cartes » quelconque.

Je ne pouvais pas m’expliquer, si elle était coupable, la persistance qu’avait mise cette femme du clerc de paroisse à passer tout le reste de sa vie sur le théâtre même de son déshonneur. Le propos même qu’on lui attribuait, à savoir qu’elle aurait adopté cette marche étrange comme une preuve irréfragable et pratique de son innocence, ne suffisait pas à me convaincre. D’après ma manière de voir, il me semblait plus naturel et plus probable de présumer qu’elle n’avait pas eu, en cette matière, le choix libre dont elle se targuait. Dans cette hypothèse, à qui devait-on le plus probablement attribuer cette influence dominante qui l’aurait retenue à Welmingham ? Sans nul doute, à cette personne dont les secours réguliers lui fournissaient ses seuls moyens d’existence. Elle avait refusé l’assistance de son mari ; elle n’avait pas de quoi vivre ; honnie, dégradée, on ne lui connaissait pas d’amis : de quelle source pouvait-elle tirer les secours indispensables, si ce n’est de celle qu’indiquait la voix publique, — la caisse de sir Percival Glyde ?

Raisonnant d’après ces données, et ne perdant pas de vue le seul fait avéré qui pût me servir de guide, à savoir que mistress Catherick était en possession du secret, j’arrivais facilement à comprendre l’intérêt que sir Percival pouvait avoir à la retenir à Welmingham, la réputation qu’elle s’y était faite devant à coup sûr l’éloigner de toute communication avec ses voisines, et dès lors lui ôter toute occasion de laisser échapper le moindre de ces propos inconsidérés que les femmes se permettent fréquemment dans les effusions bavardes de leur intimité. Mais quel était donc le mystère qu’on cherchait à cacher ? Non pas, certainement, le rôle infamant que sir Percival avait joué dans la disgrâce de mistress Catherick, — puisque précisément tout le voisinage en était instruit : ni le soupçon qu’il pût être le père d’Anne Catherick, — puisque Welmingham était l’endroit où ce soupçon pouvait le moins être écarté. Si donc j’acceptais, aussi facilement et aussi absolument que d’autres l’avaient fait avant moi cette culpabilité apparente ; si je tirais de là les mêmes conclusions superficielles auxquelles M. Catherick et tous ses voisins avaient cru devoir s’en tenir, que devenait, dans tout ce que j’avais entendu, cette suggestion d’un périlleux secret gardé entre sir Percival et mistress Catherick, et resté caché depuis cette lointaine époque jusqu’au moment actuel ?

Et pourtant, c’était bien dans ces entrevues dérobées, dans ces conférences à voix basse entre la femme du clerc de paroisse et le « gentleman en deuil » qu’existait, sans aucun doute, le fil conducteur à l’aide duquel on aurait pu tout découvrir.

Ne se pouvait-il pas que, dans cette circonstance, de trompeurs dehors attirassent l’esprit dans une direction, tandis que la vérité, préservée de tout soupçon, serait précisément dans la direction opposée ? Mistress Catherick, en affirmant qu’elle était la victime d’une affreuse erreur, n’avait-elle pu dire vrai ? En admettant même qu’elle eût menti, la déduction à l’aide de laquelle on faisait de sir Percival le complice de sa faute, ne pouvait-elle pas être le résultat de quelque erreur difficile à concevoir ? Et si, par hasard, sir Percival avait fomenté tout exprès l’idée qu’il était coupable en ceci pour détourner de lui quelque autre soupçon mieux fondé ?… C’est là, — si je pouvais l’y découvrir ; — c’est là qu’était l’accès du secret, profondément enfoui sous les insignifiants détails de la chronique de village qui venait de m’être contée.

Les premières questions que je fis ensuite eurent pour objet unique de savoir si M. Catherick était arrivé, oui ou non, à se convaincre de la mauvaise conduite de sa femme. Les réponses que je reçus de mistress Clements ne me laissèrent pas le moindre doute sur ce point. Mistress Catherick, avant son mariage, avait mis en péril sa réputation ; des témoignages certains l’affirmaient, sans cependant qu’on sût à qui elle l’avait sacrifiée ; et son mariage si imprévu avait bien eu lieu pour mettre son honneur à couvert.

Par des calculs de temps et de lieu qu’il est inutile de faire connaître en détail, on en était arrivé à établir très-positivement, que la fille à qui elle avait donné le nom de son mari n’avait aucun droit de le porter.

L’objet dont je m’enquis ensuite, — à savoir s’il était également certain qu’Anne fût la fille de sir Percival, — était bien autrement difficile à éclaircir. Je n’avais pas à ma disposition, pour calculer les probabilités qui militaient pour ou contre cette hypothèse, de meilleurs moyens que les déductions à tirer de la ressemblance personnelle entre ces deux individus, qu’on pouvait croire rapprochés par un lien si étroit.

— Je suppose, dis-je, que vous avez vu fréquemment sir Percival, quand il habitait votre village ?

— Oh ! oui, monsieur… très-souvent, répondit mistress Clements.

— Avez-vous jamais remarqué qu’il y eût entre Anne et lui quelques traits de ressemblance ?

— Pas le moindre, monsieur.

— Probablement, alors, elle ressemblait à sa mère ?

— À sa mère non plus, monsieur. Mistress Catherick était brune et avait la figure pleine…

Ni à sa mère, ni au père qu’on lui attribuait. Je savais bien qu’on ne peut implicitement se fier aux inductions tirées de la ressemblance personnelle : mais, d’autre part, il ne faut pas pour cela les écarter d’une manière trop absolue. Pourrais-je donner quelque force aux faits déjà établis, en découvrant quelques autres circonstances plus décisives qui se rattacheraient à la vie qu’avaient menée mistress Catherick et sir Percival avant que ni l’un ni l’autre se fût montré au Vieux-Welmingham ? Quand je posai de nouvelles questions, j’avais en vue cet autre moyen d’arriver au vrai.

— Lorsque sir Percival arriva pour la première fois de vos côtés, dis-je, avez-vous su d’où il venait en dernier lieu ?

— Non, monsieur. Les uns parlaient de Blackwater-Park ; les autres, de l’Écosse ;… mais personne n’en savait rien.

— Et mistress Catherick… était-elle en service à Varneck-Hall immédiatement avant son mariage ?

— Oui, monsieur.

— Y avait-il longtemps qu’elle occupait cette place ?

— Trois ou quatre ans, monsieur. Je ne sais pas bien au juste si c’est l’un ou l’autre.

— Avez-vous jamais entendu nommer le personnage à qui Varneck-Hall appartenait à cette époque ?

— Oui, monsieur. Il s’appelait le major Donthorne.

— M. Cathorick, ou quelque autre parmi vos connaissances, aurait-il jamais ouï dire que sir Percival fût lié avec le major Donthorne ? Quelqu’un aurait-il jamais rencontré sir Percival aux environs de Varneck-Hall ?

— Je ne me rappelle pas, monsieur, que cela soit jamais arrivé à Catherick ni à aucune autre de mes connaissances…

Je notai le nom et l’adresse du major Donthorne pour le cas où il serait encore vivant, et où il pourrait être utile, un jour ou l’autre, de s’adresser à lui. En attendant, mes impressions personnelles étaient pour le moment tout à fait contraires à l’idée que sir Percival dût être supposé le père d’Anne Catherick ; tout à fait favorables, en revanche, à cette conclusion que le mystère de ces furtives entrevues avec mistress Catherick était absolument étranger à la honte dont cette femme avait souillé la bonne réputation de son mari. Je ne voyais aucune enquête ultérieure qui pût me mettre à même le confirmer cette impression ; — je n’avais plus qu’à encourager mistress Clements à s’étendre encore sur les premiers temps de l’existence d’Anne Catherick, et il fallait guetter toute suggestion que le hasard pourrait me fournir, une fois entré dans cette voie.

— Vous ne m’avez pas dit encore, repris-je, comment il se fit que la pauvre enfant, venue au monde sous de si fâcheux auspices, se trouvât, mistress Clements, confiée à vos soins.

— Personne autre n’était là, monsieur, répondit mistress Clements, pour prendre en pitié cette petite créature si débile. La méchante mère sembla l’avoir en haine — comme si c’était la faute de la pauvre petite ! — dès le jour de sa naissance. Cela me fit de la peine pour l’enfant et j’offris de l’élever avec autant de soins que si elle était à moi.

— Est-ce qu’à partir de cette époque, Anne vous demeura exclusivement confiée ?

— Pas tout à fait, monsieur ; mistress Catherick avait là-dessus ses imaginations, ses fantaisies, et de temps en temps elle réclamait ses droits sur l’enfant, comme pour me punir d’avoir voulu l’élever. Mais ces accès ne duraient jamais longtemps. La pauvre petite Anne me revenait invariablement, et toujours avec joie, — bien qu’elle n’eût chez moi qu’une vie assez terne, manquant de compagnons de jeu pour l’égayer, comme en ont les autres enfants. Notre plus longue séparation fut à l’époque où sa mère la conduisit à Limmeridge. Justement alors je perdis mon mari, et dans le chagrin où j’étais, je sentais qu’il était préférable de ne point garder Anne auprès de moi. Elle avait alors entre dix à onze ans ; apprenant mal ses leçons, la pauvre Anne, et bien moins gaie que d’autres enfants, — mais aussi jolie petite fille qu’on en pût voir. J’attendis chez moi que sa mère l’eût ramenée ; et je lui offris alors, partant pour Londres, de prendre l’enfant avec moi ; — le fait est, monsieur, que je n’avais plus le courage d’habiter le Vieux-Welmingham après la mort de mon mari, tant cet endroit était changé à mes yeux et me semblait triste.

— Mistress Catherick accepta-t-elle votre proposition ?

— Non, monsieur. Elle revenait du Nord plus dure, plus nourrie de fiel que jamais. Il se disait qu’elle avait été contrainte de demander à sir Percival une permission de voyage, premier ennui pour une personne comme elle ; puis elle était allée, à Limmeridge, assister sa sœur mourante, lorsque le bruit avait couru que cette pauvre femme possédait quelques économies ; et, au fait, elle laissait à peine de quoi l’enterrer. Ces choses avaient dû, fort probablement, aigrir mistress Catherick ; mais, quoi qu’il en fût, elle ne voulut pas entendre parler de me laisser emmener l’enfant. On eût dit qu’elle prenait plaisir à nous chagriner toutes deux en nous séparant. Je ne pus donc que donner mon adresse à la petite Annette, et lui dire en secret que, si jamais elle était dans l’embarras, elle n’avait qu’à venir me trouver. Mais des années s’écoulèrent avant qu’elle eût la liberté d’agir ainsi. Je ne la revis plus, la pauvre chère Anne, que la nuit où elle s’échappa de la maison de fous.

— Vous savez sans doute, mistress Clements, pourquoi sir Percival Glyde l’y avait fait enfermer.

— Je n’en sais, monsieur, que ce qu’Anne elle-même m’en a dit. La pauvre enfant, là-dessus, divaguait et déraisonnait à faire peine. Elle disait que sa mère, ayant à garder je ne sais quel secret de sir Percival, le lui avait laissé connaître un jour, longtemps après mon départ du Hampshire, et que sir Percival, découvrant qu’elle était au fait de ce mystère, l’avait aussitôt fait emprisonner. Mais quand je lui demandai de quoi il s’agissait, jamais elle ne put me le dire. Tout ce que je tiens d’elle, c’est que sa mère, si elle le voulait, pourrait ruiner sir Percival et le détruire de fond en comble. Mistress Catherick avait fort bien pu dire cela, et ne pas en dire plus long. Je suis à peu près certaine qu’Anne m’aurait mise au courant de toute la vérité, si, comme elle le prétendait, — et comme elle se le figurait bien certainement, la pauvre âme ! — elle l’avait réellement connue…

La même idée s’était déjà offerte plus d’une fois à mon esprit ; j’avais dit à Marian, on l’a vu, que je ne savais si Laura était, au vrai, sur le point de faire quelque découverte importante, le jour où le comte Fosco était venu les déranger, elle et Anne Catherick, dans le petit embarcadère au bord du lac ; — l’infirmité mentale de cette dernière rendant tout à fait naturel qu’elle se figurât posséder absolument le secret, sans autre raison qu’un soupçon vague, puisé dans quelque insinuation imprudemment hasardée devant elle par sa mère. En ce cas, la méfiance que sir Percival puisait dans le sentiment de son crime avait dû lui inspirer l’idée parfaitement fausse qu’Anne Catherick avait tout su de sa mère ; absolument de même que, dans la suite, il avait conçu le soupçon, tout aussi erroné, que sa femme savait tout de la bouche d’Anne Catherick.

Le temps s’écoulait ; la matinée allait finir. Je ne voyais aucune certitude, en restant plus longtemps, d’apprendre par mistress Clements quelque chose de plus qui pût servir à mes projets. J’avais déjà éclairci ces détails de lieux et de famille, se rapportant à mistress Catherick, qui faisaient l’objet de mes recherches ; et j’étais arrivé à certaines conclusions, tout à fait nouvelles pour moi, qui pouvaient m’aider considérablement à diriger mes démarches ultérieures. Je me levai pour prendre congé ; mais auparavant je crus devoir rendre grâce à mistress Clements de la bonne volonté tout amicale qu’elle avait mise à me fournir des renseignements.

— Je crains bien de vous avoir paru fort indiscret, lui dis-je. Je vous ai posé bien des questions auxquelles beaucoup de gens, à votre place, ne se seraient pas souciés de répondre.

— Tout ce que je puis savoir, répondit mistress Clements, je le mets de grand cœur à votre disposition… S’arrêtant à ces mots, elle me regarda fixement… Mais j’aurais bien voulu, monsieur, continua la pauvre femme, que vous pussiez m’en dire un peu plus long sur le compte de mon Annette. Il m’a semblé lire sur votre visage, quand vous êtes entré, que vous le pourriez si vous le vouliez. Vous ne sauriez croire à quel point il m’est pénible de ne pas savoir encore, à l’heure qu’il est, si elle vit ou non. Je supporterais mieux une certitude quelconque. Vous disiez que nous ne devions pas nous attendre à la revoir vivante. Est-ce que vous sauriez, monsieur… est-ce que vous sauriez, pour sûr et certain… qu’il a plu à Dieu de nous la reprendre ?…

Un appel si touchant me trouva sans défense ; y résister eût été de ma part une bassesse, une cruauté indicibles.

— Je crains bien, lui répondis-je doucement, qu’il n’y ait pas à en douter ; je suis convaincu, pour ma part, qu’elle en a fini avec les chagrins de ce monde…

La pauvre femme se laissa tomber dans son fauteuil et me dérobant son visage : — Oh ! monsieur, dit-elle, comment le savez-vous ? qui peut vous l’avoir appris ?

— Personne, mistress Clements. Mais j’ai des raisons pour me sentir assuré de ce que je vous dis là ; des raisons que je vous communiquerai, je vous le promets, aussitôt que je le pourrai sans danger. Je suis certain qu’à ses derniers moments, elle n’a pas manqué de soins ; je suis certain que la maladie de cœur dont elle avait tant souffert a été la véritable cause de sa mort. De tout cela, bientôt, vous serez aussi assurée que moi-même ; … vous saurez, avant longtemps, qu’elle a sa sépulture dans un paisible cimetière de campagne, endroit riant et calme que vous-même auriez choisi pour elle.

— Morte ! dit mistress Clements, morte si jeune, et je lui survis ! C’est moi qui lui ai fait ses premières robes ; c’est moi qui lui ai appris à marcher. La première fois qu’elle a dit : Maman ! c’est à moi qu’elle l’a dit. Maintenant, elle est partie, et je reste !… Ne disiez-vous pas, monsieur, reprit la pauvre femme, écartant le mouchoir qui voilait sa face, et pour la première fois, levant les yeux sur moi, ne disiez-vous pas qu’elle a été enterrée convenablement ? A-t-on donné autant de soins à ses funérailles… le pensez-vous, du moins… que si elle avait été ma propre fille ?

Je la rassurai pleinement là-dessus. Ma réponse sembla lui causer un inexplicable mouvement d’orgueil, et lui fournir un motif de consolations qu’elle aurait en vain demandé à des considérations d’un ordre supérieur. — Cela m’aurait saigné le cœur, disait-elle naïvement, si ma pauvre Anne n’avait pas été enterrée comme il faut… Mais d’où le savez-vous, monsieur ? qui vous l’a dit ?…

Je la suppliai d’attendre le moment où je pourrais m’expliquer sans réserve vis-à-vis d’elle : — Vous êtes certaine de me revoir, lui dis-je, car j’ai un service à vous demander lorsque vous serez un peu plus calme ; peut-être ne tarderai-je pas plus d’un ou deux jours.

— N’ajournez pas votre demande à cause de moi, monsieur, dit mistress Cléments ; si je puis vous être utile, ne faites pas attention à mes pleurs ! Dites-moi tout de suite, je vous prie, ce que vous pensez avoir à me demander.

— Je voulais seulement, repris-je, vous adresser une seule question. Je voulais seulement savoir de vous l’adresse de mistress Catherick, à Welmingham.

Ma requête effaroucha tellement mistress Clements que, pour le moment, la triste nouvelle que je venais de lui donner sembla elle-même s’effacer de son esprit. Ses pleurs s’arrêtèrent soudainement, et, toujours assise devant moi, elle me regardait avec une véritable stupéfaction.

— Pour l’amour de Dieu, monsieur, dit-elle, que voulez-vous de mistress Catherick ?

— Le voici, mistress Clements, lui répondis-je ; je veux savoir le secret des entrevues particulières qu’elle avait jadis avec sir Percival Glyde. Dans ce que vous m’avez dit du passé de cette femme et des anciennes relations que cet homme a eues avec elle, il y a quelque chose de plus que vous ou aucun de vos voisins n’y avez jamais soupçonné. Entre eux deux, il y a un secret que personne ne connaît encore ; … et je vais trouver mistress Catherick avec la ferme résolution de le découvrir.

— Pensez-y à deux fois, monsieur ! dit mistress Clements qui, dans son émotion, se leva tout à coup et posa sa main sur mon bras. C’est là une femme à craindre ;… vous ne la connaissez pas comme je la connais. Pensez-y à deux fois !

— Votre conseil, mistress Clements, vous est dicté, j’en suis sûr, par un sentiment de bienveillance ; mais, quoi qu’il en puisse arriver, je suis résolu à voir cette femme…

Mistress Clements consulta ma physionomie avec inquiétude.

— Je vois bien que vous êtes décidé, dit-elle ensuite ; eh bien, monsieur, je vais vous donner l’adresse…

Je l’écrivis sous sa dictée dans mon agenda, et pris ensuite sa main pour lui dire adieu.

— Vous entendrez bientôt parler de moi, repris-je ; vous saurez tout ce que j’ai promis de vous révéler…

Mistress Clements poussa un soupir et secoua la tête d’un air de doute :

— L’avis d’une vieille femme peut quelquefois être bon à prendre, disait-elle. Pensez-y à deux fois avant de partir pour Welmingham…