La Réaction païenne/Partie III/Chapitre III

La bibliothèque libre.

CHAPITRE III

AUTOUR DE LA PERSÉCUTION DE DIOCLÉTIEN

I. La persécution de Dioclétien. — II. La collaboration des polémistes païens à la guerre religieuse. Les deux pamphlets analysés par Lactance ; celui d’un philosophe anonyme et le Discours ami de la vérité, de Hiérocles. — III. Rôle attribué par Hiéroclès à Apollonius de Tyane. — IV. Exaltation progressive de la figure d’Apollonius. Les comparaisons entre le Christ et les sages du paganisme n’ont pas toujours été dictées par une intention dénigrante : la lettre de Mara Bar Sérapion à son fils. — V. Dès le troisième siècle, cependant, Apollonius est exploité contre Jésus par les néo-platoniciens. — VI. La partie positive de l’œuvre de Hiéroclès. — VII. Les dispositions de la société païenne en ce début du ive siècle. Les piétistes. Les fanatiques. — VIII. Le sacerdoce païen. Les « oracles », animateurs de la persécution. — IX. Les initiatives populaires : l’inscription d’Arykanda. — X. Comment Maximin Daia avivait le zèle des masses contre le christianisme. — XI. Ses Actes de Pilate. — XII. Sa réforme des cultes païens. — XIII. Les rites chrétiens parodiés au théâtre : la passion de saint Genès.

I

On sait dans quelle atmosphère embuée de sang se déroulèrent les premières années du ive siècle. Par ses réformes profondes, opérées dans l’organisation de l’Empire et dans toutes les parties de l’administration, Dioclétien avait rendu de grands services au monde romain. Pendant plus de dix-huit ans, il ne manifesta aucune hostilité particulière à l’égard du christianisme. Mais il était, au fond, tout pénétré de l’idéal des vieilles mœurs romaines, et plein de respect pour le passé. Il estima, à un moment donné, qu’il y avait trop de chrétiens dans son palais et dans son armée. Certaines épurations préparèrent le terrible édit qui fut affiché à Nicomédie le 24 février 303. Les églises seraient saisies et démolies, les livres saints brûlés, tout dignitaire chrétien, militaire ou civil serait dépouillé de ses charges. Cet édit fut bientôt complété par une série de mesures encore plus menaçantes. La profession de christianisme était interdite, et tous les fidèles obligés de faire acte public d’adhésion aux cultes officiels. Les pénalités du refus étaient l’emprisonnement, pour commencer ; puis, en cas d’obstination, la torture, la relégation, la mort, ordinairement par le feu, — et cela sans aucune considération du rang social. Des policiers, armés de listes nominatives, fouillaient les maisons, traînaient les occupants au temple, y compris les femmes et les enfants. Jamais encore on n’avait vu un tel déchaînement de violences morales et d’atrocités.

Nous n’avons pas à raconter les phases de cette véritable guerre de religion, mais seulement à étudier l’action intellectuelle qui, du côté païen, y coopéra, dans l’illusoire espérance d’en finir une bonne fois avec l’Église.

II

C’est J. Bidez qui a remarqué qu’il fallut attendre Dioclétien pour voir une collaboration s’établir entre les législateurs et les polémistes, — et que « trois quarts de siècle devront passer encore avant qu’un empereur se donne pour le défenseur de la philosophie, en invitant ceux qui la professent à venir le conseiller dans ses entreprises[1] ».

Lactance nous est témoin qu’à l’époque même ou s’allumait la persécution, deux ouvrages parurent où le christianisme était vigoureusement attaqué[2]. Les renseignements qu’il fournit à ce propos sont si importants qu’il convient de les donner ici au complet. Il n’y manque que les noms des deux auteurs. Mais Lactance s’est attardé à décrire les traits peu engageants de leur physionomie morale, et il résume la substance de leurs pamphlets.

J’enseignais la rhétorique en Bithynie, où j’avais été appelé (raconte Lactance[3]), quand le Temple de Dieu (= l’église de Nicomédie) y fut détruit (par la persécution[4]).

Juste à ce moment se levèrent deux hommes qui osèrent insulter la vérité, gisante et humiliée, avec autant d’arrogance que peu d’à-propos.

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie. Mais c’était un vicieux, ce professeur de continence ; et il ne brûlait pas moins de cupidité que de luxure ! Dans son école, il louait la vertu, il vantait l’économie et la pauvreté ; mais il menait une vie à ce point somptueuse qu’il mangeait moins bien au palais que chez lui. Seulement ses longs cheveux, son pallium, et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-là !) lui servaient à masquer ses débordements. Afin d’accroître sa fortune, il employait d’étonnantes intrigues pour se couler dans l’amitié des juges, qu’il se conciliait grâce à l’autorité que lui valait son titre usurpé : alors, non seulement il vendait leurs sentences, mais encore, grâce à son crédit, il empêchait ses voisins, chassés par lui de leurs maisons et de leurs champs, de réclamer ce qui leur appartenait. Ses mœurs condamnaient ses principes ; ses principes condamnaient ses mœurs. Il était ainsi à l’égard de soi-même un censeur sévère et le plus rigoureux des accusateurs.

Or dans le temps même où le peuple des justes subissait d’effroyables sévices, ce personnage vomit trois livres contre la religion et contre le nom chrétien.

Voici, d’après Lactance, quel en était l’esprit :

Il déclarait dès le début que le devoir d’un philosophe était de tendre la main aux égarés et de les ramener dans le bon chemin, c’est-à-dire au culte des dieux, dont la majestueuse volonté gouverne l’univers. Il ne fallait pas permettre, ajoutait-il, de laisser leur inexpérience pâtir de certaines perfidies, ni que des gens sans scrupule exploitent leur simplicité et en vivent. Il avait donc entrepris une tâche vraiment digne d’un philosophe, celle de présenter la lumière de la sagesse à ceux qui ne savent point voir, pour les aider à revenir au bon sens en même temps qu’au culte des dieux, et à renoncer à leur obstination entêtée : ainsi éviteraient-ils les tourments, et d’atroces déchirements de leur chair, meurtrie sans nul profit.

Pour qu’on vît bien le dessein qui l’avait conduit à élaborer cet ouvrage, il se répandait en compliments à l’égard des princes « dont, déclarait-il, la piété et la prévoyance avaient éclaté surtout dans la défense du culte des dieux ; et qui avaient pris enfin, dans les affaires humaines, les mesures voulues, en vue de réprimer une superstition impie, digne de vieilles femmes. Ainsi les hommes, sans exception, vaqueraient aux cultes légaux et sentiraient les effets de la bienveillance divine. »

Mais dès qu’il voulut ébranler les bases de la religion contre laquelle il pérorait, il apparut inepte, sot, ridicule. Lui qui se donnait pour si soucieux de l’intérêt d’autrui, non seulement il ignorait la doctrine à laquelle il s’en prenait, mais il ne savait même pas ce qu’il disait… Un blâme que tout le monde lui adressait, c’était d’avoir entrepris ce travail juste au moment où une abominable cruauté déchaînait ses fureurs. Oh ! ce philosophe adulateur, esclave des contingences ! À dire vrai, le mépris qu’il encourut fut à la mesure de sa sottise : il n’obtint pas le crédit qu’il espérait, et au lieu de la gloire à laquelle il prétendait il n’emporta que critiques et reproches.

Quel était ce doucereux sophiste, ce Tartufe onctueux et insinuant ? Nous n’avons aucun moyen de l’identifier. Lactance ne semble pas croire, d’ailleurs, que son élucubration ait beaucoup nui aux siens.

Il en va différemment de l’autre libelle. Celui-là, il le prend fort au sérieux, et il en souligne la documentation précise et redoutable. Nul doute qu’on ne doive reconnaître, dans le judex qui l’avait composé, ce Sossianus Hiéroclès qui est mentionné dans une inscription de Palmyre[5]. Nous pouvons le suivre dans quelques étapes de sa carrière. Il avait été d’abord vicarius (sans doute d’un des préfets du prétoire[6]), puis praeses, gouverneur de la province à laquelle Palmyre était rattachée[7], d’où il passa avec le même titre en Bithynie[8]. Lactance le considérait comme un des conseillers qui avaient le plus fortement agi sur Dioclétien pour le décider à une nouvelle persécution[9]. Hiéroclès devint peu après gouverneur de la Basse Égypte, et il s’y comporta d’une façon abominable, insultant les chrétiens qui lui étaient déférés, et livrant « les vierges saintes » à des tenanciers de maisons publiques. L’indignation causée par ses procédés fut telle qu’un chrétien du nom d’Ædesios le souffleta publiquement, le jeta par terre, le foula aux pieds en lui enjoignant d’y mettre fin : l’audacieux fut torturé et précipité dans la mer[10].

Il paraît probable que Hiéroclès rédigea son ouvrage, peu après le moment où l’édit de persécution fut lancé[11].

On se rappelle que Chateaubriand a utilisé ce personnage dans ses Martyrs. Il a puisé chez Lactance les éléments du portrait terrible que trace Eudore, et cela non seulement dans le passage relatif à Hiéroclès lui-même, mais aussi dans celui du sophiste innommé. Seulement, il en a modernisé les traits en prêtant à son Hiéroclès le jargon du « philosophisme », genre xviiie siècle.

Voici le texte de Lactance sur Hiéroclès[12].

L’autre traita le même sujet d’une façon plus corrosive. Il appartenait alors à la catégorie des juges[13] et fut, au premier chef, responsable de la persécution. Non content de ce crime, il poursuivit de ses écrits ceux qu’il avait déjà cruellement frappés. Il composa deux opuscules qu’il intitula non pas « Contre les Chrétiens » (il ne voulait pas avoir l’air de les pourchasser, comme un ennemi) mais « Aux Chrétiens », prenant aussi le rôle d’un conseiller humain et bienveillant.

Il se donnait du mal pour démontrer que la Sainte Écriture n’est que mensonges et contradictions. Il soulignait les apparentes disconvenances de certains passages, et cela avec une telle insistance et en fouillant si avant, qu’on peut se demander s’il n’avait pas fait jadis partie de notre secte.

Si la supposition est exacte, quel Démosthène pourrait exonérer d’impiété un traître à la religion naguère embrassée avec ardeur, à la foi dont il avait revêtu le nom, au sacrement qu’il avait reçu ? Mais peut-être le hasard seul avait-il fait tomber entre ses mains nos saints Livres. Alors quelle témérité d’oser dissoudre ainsi ce que personnc ne lui avait expliqué ? Le fait est qu’ou bien il n’en avait rien appris, ou bien il n’y a rien compris. Des contradictions, nos saintes Lettres sont aussi éloignées d’en offrir, qu’il était éloigné lui-même de la foi et de la vérité.

C’est surtout saint Paul et saint Pierre qu’il déchirait, ainsi que les autres apôtres, qu’il traitait de semeurs de mensonges, et présentait comme des gens grossiers et ignorants, dont plusieurs gagnaient leur vie en exerçant le métier de pécheurs. On aurait dit qu’il lui déplaisait que cette religion ne fût pas sortie de l’imagination d’un Aristophane ou d’un Aristarque !

C’est justement leur manque de culture qui écarte des apôtres tout soupçon d’avoir voulu feindre, et d’avoir été capables de le faire. Le moyen qu’un ignorant combine une doctrine cohérente, alors que les plus doctes philosophes, Platon, Aristophane, Épicure, Zénon, ont avancé des idées contradictoires et qui ne cadrent pas ensemble ? Le propre du monsonge est de se démentir soi-même…

Cet auteur affirmait que le Christ lui-même, chassé par les Juifs, avait groupé neuf cents hommes et exercé le brigandage. Qui oserait s’inscrire en faux contre une si haute autorité ?… Il essayait d’affaiblir l’importance des miracles du Christ sans toutefois les nier, et voulait démontrer qu’Apollonius (de Tyane) en avait fait de pareils et même de plus grands. Je m’étonne qu’il ait passé sous silence Apulée, dont on cite communément tant de prodiges ! Mais pourquoi donc, ô tête folle, personne n’adore-t-il Apollonius comme un Dieu — sauf toi peut-être, bien digne d’un tel dieu, avec lequel tu seras éternellement puni par le Dieu véritable. Si le Christ était un magicien, parce qu’il a accompli des prodiges, Apollonius s’est montré plus habile encore, puisque, à t’en croire, au moment où Domitien se disposait à le punir, il disparut soudain de son tribunal, — tandis que le Christ, lui, se laissa prendre et attacher à la croix !

Ce polémiste a peut-être voulu incriminer l’orgueil du Christ pour s’être donné comme un dieu, afin de faire ressortir la modestie d’Apollonius qui, plus grand thaumaturge, n’a nullement réclamé sa déification. Ce serait sottise de croire qu’Apollonius n’ait pas voulu d’un titre qu’il aurait souhaité sans nul doute, s’il avait pu l’obtenir. On ne refuse pas l’immortalité, surtout quand comme lui « on est adoré, nous dis-tu, par certains, comme un dieu, et que l’on se voit élever une statue, sous le nom d’Hercule Alexicacus, par les habitants d’Éphèse, chez qui elle est encore honorée ». Apollonius n’a pu être cru dieu après sa mort, parce qu’il était constant qu’il n’avait été qu’un homme et un magicien… « Je n’admets pas, déclare notre auteur, que, si Apollonius ne passe pas pour dieu, c’est qu’il ne l’a pas voulu ; non, mais c’est pour mieux faire éclater notre supériorité de sagesse sur vous. Nous ne nous sommes pas empressés de le croire dieu, malgré les miracles qu’il a accomplis ; vous autres, pour quelques menus prodiges, vous avez cru tel votre Jésus. »

Il n’est pas surprenant qu’éloigné comme tu es de la sagesse divine, tu n’aies rien compris à ce que tu as lu, puisque les Juifs qui, dès l’origine, lisaient les prophètes et à qui Dieu avait accordé sa mystérieuse alliance, n’ont rien compris à ce qu’ils lisaient. Apprends donc, si tu as une lueur d’intelligence, que si nous croyons Jésus, Dieu, ce n’est pas parce qu’il a fait des miracles, mais parce que nous avons vu se réaliser en lui ce que nous annonçaient les vaticinations des prophètes…

Cet homme voulut sans doute faire comme le loup qui se cache sous une peau de brebis : il osa intituler son livre abominable, où respire la haine de Dieu, Φιλαληθεῖς[14]. C’était une façon de faire choir le lecteur dans ses filets. Inconscience plutôt que méchanceté ? Soit ! Mais quelle vérité nous as-tu apportée, — sauf la trahison finale que tu as ménagée aux dieux après t’être constitué leur défenseur ? Car tu entames les louanges du Dieu suprême, tu le proclames roi, très grand créateur de l’univers, Source du Bien, père de toutes choses, qui a formé et qui conserve les vivants ! Tu as enlevé à ton Jupiter son royaume, tu l’as évincé du pouvoir suprême et relégué au rang des subordonnés. Ta propre conclusion apporte donc la preuve de ta sottise, de ta folie, de ton erreur. Tu affirmes l’existence des dieux et tu les subordonnes, tu les assujettis à ce Dieu dont tu essaies de renverser le culte !

III

Ce qui est contenu dans le Philalèthès — en dehors du paradoxe par lequel il se vante de mettre sur le même pied notre Maître et Sauveur et le philosophe de Tyane — n’appartient pas en propre à cet ouvrage, mais est tiré effrontément d’autres écrits, non seulement pour le fond, mais encore mot pour mot et, pour ainsi dire, syllabe par syllabe.

C’est en ces termes que s’exprime Eusèbe de Césarée au seuil de la réfutation qu’il donna, vers 311-313, de l’écrit de Hiéroclès[15]. Il ne cite que Celse, comme source de cet ouvrage. Mais s’il eût mieux connu alors le pamphlet de Porphyre, qu’il devait un jour réfuter[16], il ne se serait pas mépris sur l’évidente parenté entre Porphyre et Hiéroclès. Lactance, qui ignorait pareillement Porphyre, ne s’est pas aperçu non plus des emprunts de Hiéroclès, et c’est une des raisons qui lui ont fait surestimer l’importance de son livre.

J’ai souligné dans le long morceau de Lactance les passages où cette affinité se découvre le plus sûrement. Contradictions de l’Écriture sainte ; critiques très vives exercées contre saint Pierre et saint Paul ; comparaison instituée entre Jésus et Apollonius de Tyane, tous ces traits, nous les avons déjà rencontrés chez Porphyre. Sans doute Hiéroclès avait-il développé avec une complaisance spéciale le parallèle du Christ et d’Apollonius, puisqu’Eusèbe l’entreprend longuement sur ce point particulier. Il dut contribuer pour sa part à transformer le héros de Philostrate en cette sorte de saint thaumaturge dont les païens se prévaudront avec orgueil tout au long du ive siècle. Quant à l’absurde donnée sur le Christ qui se serait fait brigand à la tête d’une troupe de neuf cents hommes, nous ne savons où il l’avait trouvée : pas chez Porphyre, je crois, car le sens critique était trop aiguisé chez celui-ci pour qu’il ait accueilli cette insanité.

IV

Arrêtons-nous un instant sur cette « sublimation » progressive du héros de Philostrate.

Nous avons observé qu’en écrivant au début du iiie siècle sa fameuse Vie d’Apollonius de Tyane, Philostrate y avait inséré un certain nombre d’épisodes apparentés aux récits du Nouveau Testament. On a souvent conclu de là qu’une intention de polémique lui avait suggéré l’idée de cette biographie, et qu’il avait essayé de composer une figure assez prestigieuse pour pouvoir être comparée, et préférée même, à celle de Jésus. Une telle intention a certainement traversé son esprit. Qu’elle fournisse la clé de l’œuvre tout entière, c’est un point qui reste douteux.

En tous cas, le succès de l’ouvrage favorisa très vite l’exaltation de son Saint, devenu grâce à l’image plus ou moins fantaisiste que Philostrate avait tracée de lui, la plus haute, la plus imposante figure du paganisme.

Apollonius avait fait des miracles ; il avait endoctriné ceux qui l’écoutaient ; il s’était montré profondément respectueux des cultes traditionnels, dont il avait expliqué à leurs dévots le véritable esprit. Il était tentant pour des polémistes, décidés à ne garder aucun ménagement, de dire aux chrétiens : « Ce Jésus que vous présentez comme supérieur à toute humanité, encore qu’ayant revêtu l’humanité, n’est pas aussi exceptionnel que vous le supposez : nous pouvons vous en offrir un autre exemplaire qui ne lui cède en rien, et à qui sa haute culture philosophique assure même une supériorité manifeste. Vous croyez que le Fils de Dieu est descendu sur la terre ; vous le reconnaissez tel à un certain nombre de signes. Nous allons vous montrer que la plupart de ces signes ont reparu dans la personne, dans la vie de notre Apollonius, lui aussi thaumaturge bienfaisant, porteur de la bonne parole. Et voilà qui transporte sur le plan humain une histoire que vous placez imprudemment sur le plan surnaturel. »

Il ne faut pas croire (pour le dire en passant) que ç’ait été toujours dans une intention désobligeante que Jésus fut rapproché de certains sages du paganisme. William Cureton a publié en 1855, dans son Spicilegium Syriacum, d’après un manuscrit du British Museum[17], une lettre en syriaque d’un certain Mara Bar Serapion à son fils Serapion[18]. Mara Bar Serapion a vu détruire sa ville de Samosate ; il est tenu en prison par les Romains. Heureux, au milieu de sa misère, d’apprendre l’excellente conduite de son fils, il lui adresse quelques avis sur le peu de prix des honneurs et de l’argent, dès là qu’on les compare à la sagesse. Les Athéniens n’ont rien gagné, observe-t-il, à condamner Socrate ; ni les Samiens à brûler Pythagore ; ni les Juifs à mettre à mort leur sage roi, puisque, peu après, ils ont vu leur patrie détruite et qu’ils ont été dispersés à travers les nations. Socrate n’est pas mort (vraiment), grâce à Platon ; ni Pythagore, à cause de la statue qui lui a été élevée (sur l’ordre de l’oracle de Delphes) ; ni le sage roi, en raison des lois qu’il avait promulguées (et qui lui survivent).

Rien, dans cette lettre, ne décèle un chrétien, Mara Bar Serapion n’est qu’un brave païen, nourri de lieux communs de philosophie populaire. Et il ne pense assurément qu’à honorer ce « sage roi » — le Christ — en le haussant sur la même ligne que Pythagore et Socrate.

D’autres y mettaient plus de malice, comme nous l’allons voir.

V

Dès la seconde moitié du iiie siècle, cette exploitation du roman de Philostrate avait été mise en train. Albert Réville s’étonnait que « l’école philosophique d’Alexandrie, représentée par Porphyre et Jamblique, ne paraisse pas en faire plus de cas[19] ». En réalité, Porphyre n’avait nullement négligé de s’en servir ; les fragments groupés par Harnack nous permettent de nous en rendre compte. Au témoignage de saint Jérôme[20], il s’en était prévalu pour essayer d’annuler la preuve tirée des miracles apostoliques : « Ces pauvres rustres d’apôtres, écrivait-il, ont fait des miracles. Est-ce donc chose si importante que de faire des miracles ? Les Mages d’Égypte en ont opéré contre Moïse. Apollonius en a fait. Apulée en a fait. Ils en ont fait des quantités. » — Ailleurs[21] il opposait aux humiliations du Christ se laissant frapper, cracher au visage, couronner d’épines, l’attitude hardie et avisée d’Apollonius qui, après avoir résisté en face à Domitien, disparut soudain de la cour impériale et, peu d’heures après, se montra à Dicaearchia. — Pour lui, Apollonius était le seul que pussent citer les chrétiens pour justifier la prédiction du Sauveur, quand il avait annoncé (Matth., xxiv, 4-5) que beaucoup viendraient en son nom, disant « je suis le Christ[22] ».

Quoi qu’en ait pensé Albert Réville, c’est bien au sein de l’école néo-platonicienne que le sage de Tyane fut systématiquement opposé à Jésus. Et nous avons constaté que ce parallèle fut largement utilisé par Hiéroclès, au début du ive siècle.

VI

La partie positive de l’œuvre de Hiéroclès, c’est Lactance qui nous la signale, sur le mode ironique, dans les dernières lignes de sa notice. Hiéroclès avait essayé de concilier le polythéisme traditionnel avec le monothéisme philosophique ; et il célébrait par une litanie d’expressions honorifiques l’unicité du Dieu suprême, créateur et conservateur de toutes choses.

Depuis longtemps ce genre d’interprétation trouvait faveur parmi les esprits cultivés. Rappelons-nous ce qu’écrivait déjà, à l’époque des Antonins, l’éclectique platonicien Maxime de Tyr[23] :

Parmi tant de contradictions qui mettent les hommes aux prises, on peut constater sur la terre entière cette loi, cette conception rationnelle, reconnue par tous : il n’y a qu’un Dieu, roi et père de tous, et il y a beaucoup de dieux, enfants de Dieu, et participant à son pouvoir. Voilà ce que dit le Grec, voilà ce que dit le barbare, et celui qui habite au centre des continents, et le riverain des mers, et le sage, et l’ignorant !

N’était-il pas question aussi, chez Apulée, d’un summus atque exsuperantissimus divum[24], qui gouverne de très haut l’univers[25], au-dessus des multiples divinités ?

Cette conception (qui remonte, en dernière analyse, au Timée de Platon) avait eu une remarquable fortune au iiie siècle. « L’ancien paganisme, remarque Eug. de Faye, devient un monothéisme qui souffre que le Dieu qu’il proclame soit entouré d’assesseurs, sans doute divins, mais entièrement subalternes[26]. » Le néo-platonisme contribua à l’installer dans les esprits. Hiéroclès avait dû se l’approprier d’autant plus volontiers qu’elle tendait à donner une allure raisonnable au polythéisme et lui permettait d’esquiver les coups très rudes qui lui étaient portés.

À tout prendre, ce que Lactance dit du Philalètès ne permet guère d’y supposer la moindre originalité, soit dans les arguments mis en œuvre, soit dans les considérations philosophiques auxquelles s’était élevé Hiéroclès[27].

VII

Certains indices révèlent durant la période si troublée qui précéda immédiatement l’Édit de Milan une reviviscence très sensible du piétisme païen, qui se mit à travailler dans le même sens que le déisme philosophique, avec la collaboration du sacerdoce, en passe d’être dépossédé de son influence.

Les lecteurs que n’effraie point la prodigieuse verbosité de l’ancien rhéteur Arnobe, lequel s’improvisa apologiste sur le tard, y découvrent au livre III de son Adversus Nationes une curieuse page sur la mentalité de certains païens. Las des sarcasmes des chrétiens contre la mythologie, ils en étaient venus à souhaiter la disparition, par autorité de justice, de certaines œuvres de Cicéron, comme le De Natura Deorum, le De Divinatione, où la polémique chrétienne trouvait de quoi s’approvisionner.

Arnobe feint de se déclarer tout prêt à honorer les dieux, pour lesquels les païens requièrent son respect, mais à condition que ceux-ci consentent à l’éclairer sur la vraie nature de Janus, de Junon, de Vénus, etc.

Peut-être auriez-vous pu nous provoquer à adorer ces divinités, si vous-mêmes — oui, vous, les premiers — vous ne vous formiez à leur propos des idées si honteuses qu’elles souillent leur honneur et les frustrent des attributs qu’on leur prête. Il nous est impossible de croire que leur nature — cette nature immortelle et suréminente — soit divisée en sexes ; qu’il y ait parmi eux les mâles d’un côté, les femelles de l’autre. C’est là une objection que, dans les lettres latines aussi bien que dans les lettres grecques, des hommes de cœur ont, il y a beau temps déjà, parfaitement exposée : au premier plan, Tullius (Cicéron), le plus éloquent des Romains, sans crainte de s’attirer le reproche d’impiété, a montré avec une probe et entière franchise, avec une loyauté supérieure, ce qu’il pensait de cette conception… Mais à quoi bon lui emprunter ici les séductions de sa parole, la splendeur de son style ? Ne sais-je pas qu’il y en a (parmi vous) un bon nombre qui se détournent des livres qu’il a écrits sur ces questions, qui les fuient, et refusent toute audience à une lecture qui bat en brèche leurs préjugés ? N’y en a-t-il pas d’autres dont je perçois les murmures indignés, et qui déclarent que le Sénat devrait porter un décret d’anéantissement contre ces ouvrages, où la religion chrétienne trouve confirmation et qui annulent l’autorité des anciennes traditions ? Mais supprimer les écrits, vouloir faire disparaître des textes déjà livrés au public, ce n’est pas là défendre les dieux, c’est redouter le témoignage de la vérité[28] !

Certes, il ne faudrait pas se représenter sur le modèle de ces intransigeants toute la société païenne de ce temps. Au début de son ouvrage dirigé contre le manichéisme, Alexandre de Lycopolis (en Thébaïde), que Photius traite d’évêque, mais qui n’était selon toutes les vraisemblances qu’un philosophe néo-platonicien[29], oppose aux subtilités de la secte qu’il va combattre la « simplicité » de la philosophie des chrétiens. « Son principal objet, écrivit-il, est de régler les mœurs des hommes, après leur avoir inculqué la doctrine d’un Dieu, seule cause efficiente de l’univers. Elle défend les questions obscures, les arguments pointilleux sur la raison des choses, etc. »

Une telle bienveillance n’était pas courante, cela va de soi. Lactance, qui connaît bien ses contemporains, les divise en plusieurs catégories[30] : « les ignorants, les sots qui tiennent la fausse religion pour la véritable, parce qu’ils ne savent rien de celle-ci et ne comprennent rien à celle-là » ; puis encore « les gens cultivés qui ignorent, eux aussi, la vraie religion, — ou qui persévèrent dans celle dont ils savent la fausseté pour ne pas se donner l’air d’avoir les mains vides (ut aliquid tenere videantur) — ou qui ne pratiquent absolument aucun culte, par peur de se tromper, comme si la pire erreur n’était pas de vivre comme les bêtes, quand on a figure d’homme ». Mais il n’a pas rencontré, parmi eux, seulement des sceptiques et des jouisseurs ; il a vu aussi des fanatiques, d’une crédulité naïve, vite exaspérée[31], et dont il prévoit que la seule lecture de ses Institutions les jettera hors d’eux, leur donnera l’impression d’une souillure personnelle.

La mentalité de ces dévots est donc pareille à celle que signale Arnobe, ancien maître de Lactance.

Pour que certains esprits aient accepté, à l’égard des écrits cicéroniens, l’idée d’une mesure inquisitoriale aussi peu conforme au large éclectisme qui était de tradition à Rome, dans l’ordre religieux, il faut que l’inquiétude ait singulièrement grandi dans les milieux cultivés païens, du fait des progrès de la foi nouvelle. Le puissant effort antichrétien du début du ive siècle se comprendrait mal, si l’on ne tenait compte de ces graves préoccupations, qui engendrèrent les mesures décisives, ou crues telles, auxquelles l’État romain finit par se décider, après quelques atermoiements.

VIII

Les dispositions malveillantes des autorités rencontraient une complicité sournoise du côté du sacerdoce païen, que le christianisme menaçait dans son crédit séculaire, dans ses privilèges, dans son existence même.

Lactance raconte dans le De Mortibus Persecutorum[32] que malgré les excitations de Galère, Dioclétien hésitait à faire couler le sang des chrétiens. Ses conseillers eux-mêmes, qui le sentaient perplexe, étaient partagés. Alors il résolut de consulter les dieux et envoya un aruspice interroger l’Apollon de Milet. Celui-ci, affirme Lactance, répondit ut divinæ religionis inimicus ; et l’empereur ne pouvant résister tout à la fois à Galère, à ceux de ses amis qui étaient hostiles aux chrétiens, et à Apollon lui-même, prit le parti de sévir, sans toutefois se prêter d’abord aux cruelles méthodes que Galère lui suggérait et sut plus tard obtenir de lui.

Or, sur cette consultation de l’Apollon Milésien — autrement dit, de l’oracle du Didymeion — nous trouvons de curieux renseignements dans la Vie de Constantin, par Eusèbe de Césarée.

Au second livre de cet opuscule, Eusèbe a traduit du latin en grec une Lettre de Constantin à toutes les provinces sur l’erreur du polythéisme. Au début de son homélie, Constantin, après avoir loué son père, s’exprime en termes sévères sur l’aveuglement, la dureté d’âme de Dioclétien et de Maximin, qui ont allumé les flammes de la guerre civile. Et il rapporte, à ce propos, comment ce fut un oracle d’Apollon qui décida Dioclétien à déclencher la persécution. Il ne paraît guère douteux qu’il fasse allusion à la consultation mentionnée par Lactance[33].

Voici en quels termes (assez gauches) Constantin s’exprime :

On raconte qu’à cette époque Apollon aurait, du fond d’un antre, d’un réduit ténébreux (et non pas du haut du ciel), rendu un oracle, d’après lequel « c’étaient les justes qui se trouvaient sur la terre qui l’empêchaient d’annoncer la vérité, et qui faisaient mentir les oracles des trépieds ». C’est de ce mal répandu parmi les hommes que se plaignait sa prêtresse, en proie au délire, avec sa chevelure farouchement éparse.

C’est toi, à Dieu très grand, c’est toi dont j’invoque ici le témoignage. Alors que j’étais tout jeune encore, j’ai entendu celui des empereurs romains qui occupait le premier rang — l’infortuné, oui vraiment, l’infortuné, puisque son âme était dupée par l’erreur — s’informer anxieusement auprès de ses satellites de l’identité de ces « justes », « qui se trouvaient sur la terre ». — « Ce sont sûrement les chrétiens ! » lui répondit un des sacrificateurs de son entourage.

Il absorba cette réponse, comme si c’eût été du miel, et il tira l’épée, inventée pour le châtiment des coupables, contre la sainteté irréprochable…

Le mutisme subit dont gémissait la prêtresse d’Apollon dut faire sur Dioclétien une impression d’autant plus vive qu’un fait analogue s’était passé devant lui quelque temps auparavant[34]. Il était en train de consulter les entrailles des victimes, pour y lire l’avenir dont (nous dit Lactance) il était fort préoccupé, quand les aruspices lui notifièrent avec une vive émotion qu’ils ne discernaient plus les indices ordinaires, et que l’extispictum ne donnait rien. Leur chef, un certain Tagis, imputa cette paralysie inaccoutumée à la présence « d’hommes profanes ». En effet, explique Lactance, des chrétiens de la maison impériale, s’étant trouvés présents à la cérémonie, avaient fait leur signe de croix, et du même coup mis en fuite les démons qui coopéraient à ces rites idolätriques. Dioclétien, furieux de sa déconvenue, prescrivit à tout le personnel du palais de sacrifier, sous peine du fouet. Même ordonnance fut portée à l’égard de l’armée, et les soldats qui s’y dérobèrent s’exposèrent à en être chassés.

M. Henri Grégoire a mis en valeur, dans les Mélanges Holleaux[35], une inscription grecque, dont l’interprétation est assez délicate et où il lit un nouveau témoignage « des folles espérances et du fanatisme d’un parti qui se croyait vainqueur à la veille de la plus complète des catastrophes ». C’est, observe-t-il, « un de ces tituli commémoratifs qui énumèrent plus ou moins longuement les mérites des prophètes d’Apollon Didyméen ». Fort mutilée, cette inscription appelle de nombreux compléments, peut-être audacieux ou même téméraires. Ce qui semble s’en dégager, c’est qu’un aruspice, ayant interrogé en vain la prêtresse, songe à s’en retourner, quand le prophète[36] le reçoit sur l’escalier qui conduit à l’adyton (c’est-à-dire au sanctuaire où le dieu était censé parler) ; et là, sous l’inspiration directe du dieu, dénonce l’obstacle qui a réduit la prêtresse au silence, à savoir l’influence paralysante des chrétiens, toujours croissant en nombre ; finalement il obtient du dieu que cet obstacle soit levé et que la vaticination s’accomplisse comme d’habitude.

H. Grégoire note que « les sanctuaires prophétiques avaient couramment de ces silences à l’usage des empereurs païens dont il s’agissait de réchauffer le zèle persécuteur » ; et que plus tard, sous Julien « un pareil defectus oraculi se produisit à Daphné. Apollon, gêné par le voisinage du martyr Babylas, se tut[37] ».

Plus tard, en 311, c’est un haut fonctionnaire de l’administration des finances, le curateur (ou « logiste ») Théotecne, qui, à Antioche, organisait des pétitions massives contre les chrétiens, et eut l’idée de faire parler les dieux dans un sens hostile à ceux-ci.

En dernier lieu (raconte Eusèbe[38]), il érige une idole de Zeus Philios avec des rites de magie et de sorcellerie, et il imagine pour elle des cérémonies impures, des initiations de mauvais augure, et d’abominables purifications ; il étalait jusqu’auprès de l’empereur son prestige par des oracles qui l’accréditaient. Enfin cet homme, pour flatter le maître dans ce qui lui fait plaisir, excite le démon contre les chrétiens et dit que le dieu ordonne qu’ils soient chassés hors des limites de la ville et du territoire qui l’entoure, comme étant ses ennemis.

La mise en action du surnaturel païen fut donc, en ce début du ive siècle, un des moyens qui, en Orient, furent systématiquement employés pour galvaniser la mollesse des foules, favoriser les paniques religieuses et fomenter la persécution.

Dans sa lettre aux habitants de Tyr[39], Maximin Daia utilisait de son mieux cet expédient :

C’est à juste titre, déclarait-il, que votre cité peut être appelée le siège et la demeure des dieux immortels, et nombre de prodiges significatifs attestent que si elle est florissante, c’est que les dieux célestes sont venus l’habiter.

« On découvre ici, a remarqué fort justement Mgr Batiffol[40], une esquisse d’apologétique païenne, qui, après avoir traité le christianisme de songe-creux, fait appel à l’argument des prodiges pour justifier la foi aux dieux descendus du ciel et élisant domicile au milieu des hommes pieux. »

Après la victoire du christianisme, théurges et hiérophantes expieront leurs fraudes, dont parfois la torture leur arrachera l’aveu.

Licinius punit cruellement, en 314, ceux d’entre eux qui avaient prêté appui à Maximin. Eusèbe rappelle ce fait dans sa Préparation Évangélique[41].

Encore récemment, de notre temps, des hiérophantes, théologiens, prophètes, gens célèbres dans leur théosophie, ont proclamé au milieu des tourments devant les tribunaux romains que c’était par des supercheries qu’ils avaient entretenu l’erreur populaire. Ils ont avoué que tout cet appareil n’était que jonglerie habilement imaginée ; ils en ont dévoilé de leur propre bouche le système, les méthodes, et leurs déclarations ont été relatées dans les procès-verbaux officiels, avant qu’ils aient subi la peine due à une si funeste tromperie… (Parmi eux) certains étaient des magistrats d’Antioche qui s’étaient signalés dans la dernière persécution par les violences auxquelles ils s’étaient livrés contre nous.

IX

En certains cas ce fut le peuple même qui parut provoquer, par des démarches collectives, les rigueurs des autorités. Nous possédons depuis une quarantaine d’années un document précieux qui témoigne de cet état d’esprit, en partie artificiel : c’est la fameuse inscription trouvée par Hula en Lycie, au bourg d’Arûf, sur l’emplacement de l’ancienne Arykanda[42].

Cette inscription est bilingue : six lignes de latin, très mutilées, qui constituent la fin d’une réponse impériale à la supplique, rédigée en grec, qui la suit. Le rescrit a été placé en tête, par respect ; logiquement et chronologiquement, il aurait dû être gravé au-dessous de la supplique.

Voici une traduction de celle-ci :

Aux sauveurs de tout le genre humain, aux augustes Césars, Galerius Valerius Maximinus [Flavius Valerius Constantinus], Valerius Licinianus Licinius, supplique et prière adressée par le peuple des Lyciens et des Pamphyliens.

Les dieux qui sont de même race que vous, ô très divins empereurs, ayant toujours comblé de leurs faveurs, où se marque leur amour pour l’humanité, ceux qui ont la religion à cœur et qui les prient pour la santé de nos maîtres invincibles, nous avons cru bon de nous tourner vers votre immortelle majesté, et de lui demander que les chrétiens, depuis longtemps rebelles et qui restent assujettis à cette folie[43], soient enfin réprimés et ne transgressent plus par leurs funestes nouveautés le respect que l’on doit aux dieux. Ce résultat serait atteint si, par un divin, un éternel décret de vous, on interdisait et on empêchait les pratiques odieuses de ces athées et qu’on les forçât tous à rendre un culte aux dieux, vos congénères, à les invoquer pour votre éternelle et incorruptible majesté, ce qui — cela est évident — profiterait grandement au bien de tous vos sujets.

Nous connaissons d’une façon précise les circonstances qui ont donné prétexte à cette pétition. Galère avait porté, à son lit de mort, un édit de tolérance en faveur des chrétiens ; il leur avait assuré la liberté de leur culte, à condition qu’ils n’entreprissent rien contre l’ordre public et qu’ils priassent pour le salut de l’Empereur et de l’État. Après la mort de Galère, Maximin Daia résolut de faire prévaloir en Orient une politique toute contraire. Pour en amorcer les rigueurs, il provoqua, par l’intermédiaire des autorités locales, un mouvement de pétition dans diverses villes d’Asie et de Syrie ; ou les magistrats municipaux en prirent l’initiative, se doutant bien qu’il leur en saurait gré[44]. L’inscription d’Arykanda nous fournit un intéressant spécimen de ce genre de referendum. Le rescrit de l’empereur est écourté ; mais nous sommes assurés de nous former une idée exacte de son contenu d’après un rescrit analogue adressé aux habitants de Tyr, et qu’Eusèbe a pris la peine de traduire en grec[45].

Sous des formes onctueuses et patelines, avec toutes sortes de circonlocutions verbeuses, Maximin s’y félicitait que la « pensée humaine » fût en train de se revigorer, après avoir subi l’assaut déprimant « d’hommes moins impies encore que malheureux », et qu’un renouveau si sensible de piété se manifestât à l’égard des dieux, sans la providence desquels les pires fléaux s’appesantiraient sur l’univers. Il invitait la cité à chasser de son sein ceux qui persévéreraient dans leur « maladie » ; et pour la remercier de sa manifestation « spontanée » il lui laissait le choix de la faveur qu’il promettait de lui accorder.

X

Maximin ne se mettait d’ailleurs pas en grands frais d’imagination pour préparer l’opinion aux mesures persécutrices qu’il méditait. Il se contentait de raviver les anciens griefs, les vieilles accusations déjà à demi oubliées, dont il pensait, non sans raison, que la virulence n’était pas tout à fait éteinte. Par exemple, dans sa lettre aux habitants de Tyr, il laissait entendre que les chrétiens, en provoquant la colère des Dieux, devaient être tenus pour directement responsables des calamités dont l’Orient avait plus d’une fois pâti (mauvaises récoltes, guerres, sécheresses, tempêtes, séismes, et pis encore[46]). Plus d’un siècle auparavant, Tertullien notait déjà : « Le Tibre a-t-il débordé dans la ville, le Nil n’a-t-il pas débordé dans les campagnes, le ciel est-il resté clos, la terre a-t-elle tremblé, la famine ou la peste ont-elles éclaté, c’est aussitôt une clameur : « Les chrétiens au lion[47] ! » Mais ce qui rend probable que cette imputation circulait de nouveau partout, c’est que le rhéteur Arnobe, qui écrivait en Afrique dans les premières années du ive siècle, en a fait le point de départ de son Adversus Nationes. Et il ne manque pas de signaler que ces ineptes calomnies sont répandues et exploitées par les aruspices, les devins (coniectores), les diseurs de bonne aventure (harioli), les oracles (vates), les pseudo-inspirés (fanatici), qui voient diminuer le nombre de leurs clients et redoutent la fin des profits qu’ils tiraient de ceux-ci[48]. Ou bien, Maximin faisait publier partout un rapport émanant d’un dux, c’est-à-dire d’un chef militaire, de la province de Phénicie[49], lequel dénonçait les turpitudes dont les chrétiens se rendaient coupables, spécialement dans les églises. Or le dux tenait ses renseignements de prostituées ramassées dans les rues de Damas, à qui il avait extorqué des déclarations écrites, sous menace de la torture[50]. Certaines données d’Origène font voir que ces calomnies, désavouées par la plupart des adversaires du christianisme, se colportaient encore sous le manteau, vers le milieu du iiie siècle[51]. Il n’était point maladroit de leur donner un regain de popularité, en les étayant d’enquêtes plus ou moins truquées.

XI

Maximin ne s’en tint pas là. Au témoignage d’Eusèbe[52], il fit fabriquer des Actes de Pilate, « remplis de toutes sortes de blasphèmes contre le Christ ». Les fonctionnaires se chargèrent de donner à cette pièce une large diffusion. « Selon la volonté du souverain, rapporte Eusèbe, ils les envoient à tout le pays de sa juridiction, et, par des affiches, ils recommandent qu’en tous lieux, dans les campagnes comme dans les villes, on les porte à la connaissance de tous ; que les maîtres d’école prennent soin de les remettre aux enfants, en substitution des ordinaires matières scolaires, et qu’ils les leur fassent apprendre par cœur. »

On remarquera qu’un travail d’imagination s’était fait de bonne heure autour de la personne de Pilate. En dépit des atermoiements, des molles hésitations et des échappatoires du procurateur, le récit des Évangiles le montrait fort peu convaincu de la culpabilité de Jésus, en faveur de qui sa femme même, tourmentée par un songe, était intervenue.

On supposa que Pilate avait dû libérer sa conscience, soit dans un procès-verbal judiciaire relatif au procès, soit dans un rapport à l’empereur. Il paraît probable que, dès le second siècle, des pièces de ce genre, forgées par quelque main trop zélée, coururent dans les milieux chrétiens[53]. — Maximin, lui, utilisa le nom de Pilate dans un dessein tout contraire : sans doute montrait-il le représentant de l’autorité romaine, lequel avait été parfaitement au courant de la procédure, dénonçant les impostures de sa victime. Lucien d’Antioche (un des précurseurs de l’arianisme, qui subit courageusement le martyre, le 13 janvier 313) fait allusion dans un Discours apologétique[54] à ces Actes de Pilate, dont l’esprit et l’intention étaient si différents de l’ancienne rédaction chrétienne. « Les enfants, dit encore Eusèbe[55], avaient continuellement à la bouche, dans les écoles, les noms de Jésus et de Pilate, et les Actes fabriqués par outrage. »

XII

À côté de ces diverses combinaisons de politique pratique, Maximin Daia tenta d’introduire dans les cultes païens une centralisation mieux aménagée et de leur assurer le profit d’un personnel de choix. En même temps, il rénovait et multipliait les centres cultuels :

Maximin ordonnait d’élever des temples dans toutes les villes et de rebâtir avec diligence les sanctuaires que la vétusté avait détruits. Il établissait des prêtres d’idoles en tout lieu, dans toutes les villes ; il plaçait au-dessus d’eux dans chaque province un grand prêtre choisi parmi ceux qui s’étaient le plus brillamment distingués dans les services publics, et il lui attribuait une escorte militaire et une garde du corps[56].

Eusèbe revient encore, plus loin[57], sur le soin avec lequel Maximin choisissait parmi l’élite des magistrats municipaux les ἀρχιερεῖς qu’il chargeait de surveiller tout le corps sacerdotal ; et il constate que ceux-ci « montraient un grand zèle dans l’exercice des cérémonies qu’ils accomplissaient ». Ils furent les plus ardents animateurs de la lutte antichrétienne.

Pour combattre le christianisme, Maximin n’avait cru pouvoir mieux faire que d’imiter l’organisation catholique, telle qu’elle s’était progressivement développée (surtout en Orient), avec ses évêques de ville et même de campagne, et ses provinces ecclésiastiques dirigées par un métropolitain (lequel était, en général, l’évêque de la ville principale de la province). « Ce fut là, remarque Adolf von Harnack non sans quelque ironie, le plus grand, en tout cas le plus manifeste triomphe de l’Église avant Constantin[58] ! »

XIII

Il manquerait un dernier trait à ce tableau de l’esprit public, ainsi travaillé par d’habiles meneurs, si nous ne rappelions qu’il est, non seulement possible, mais très vraisemblable que, pour complaire aux sentiments d’une partie du public, les auteurs de « mimes » — il n’y avait plus guère que le mime, à cette époque, qui, dans la décadence profonde du théâtre, eût gardé une réelle vitalité — portèrent parfois sur la scène des épisodes comiques, des « sketches » bouffons, dont les rites chrétiens faisaient les frais.

À ce point de vue, la « passion » de saint Genès, dont notre Rotrou s’est si heureusement inspiré dans sa tragédie de Saint Genest, jouée en 1646, renferme certaines données dont il est licite de tirer parti, même si l’ensemble du morceau n’inspire qu’une confiance des plus médiocres[59].

Genès y est présenté comme étant à Rome le directeur d’un théâtre de mimes[60]. Il lui prend fantaisie de parodier un jour devant l’empereur Domitien les mystérieuses pratiques chrétiennes (ludum exhibere de mysteriis christianae observantiae).

Quand l’empereur et le peuple furent arrivés au théâtre, l’acteur apparut au milieu de la scène, couché, malade, demandant le baptême : « Hélas, faisait-il, mes bons amis, je me sens lourd ! Je voudrais devenir plus léger… » — Les comparses répondaient : « Comment faire ? Nous ne sommes pas charpentiers ! Faut-il te raboter[61] ? » — Genès reprit : « Imbécile ! je veux mourir chrétien. — Et pourquoi ? — Afin de fuir aujourd’hui dans le sein de Dieu. »

On appelle le prêtre et l’exorciste. Les deux acteurs s’assoient près du lit du prétendu malade : « Cher enfant, pourquoi nous as-tu appelés ? » — « Parce que je désire recevoir la grâce du Christ, et, régénéré par elle, être délivré des ruines causées par mes iniquités. » Le comédien revêt la robe blanche des néophytes, et la cérémonie du baptême s’accomplit. — Mais un travail secret, depuis longtemps déjà, sans doute, commencé dans son cœur, vient de trouver son point d’aboutissement. Quand, pour achever la fiction, des soldats l’entraînent devant l’empereur, Genès proclame réellement sienne la foi dont il se jouait. L’empereur le fait fouetter, torturer, mettre à mort.

Dans son ensemble, cette passion ne jouit, devant la critique, que d’une autorité médiocre. On fait remarquer que nous en connaissons au moins trois répliques : un certain Celasinus se serait converti dans des conditions toutes pareilles, à Héliopolis, en Syrie, au début du ive siècle[62] ; un nommé Ardalion aurait fait de même, alors qu’il contrefaisait le martyre sur la scène ; le cas d’un Porphyre, sous Julien ou sous Dioclétien, se rapproche tout à fait de celui de Genès[63].

Il est probable que ce thème émouvant aura été assez largement exploité, à l’usage des fidèles. Et il est difficile de dire si c’est la passion de Genès, ou une autre, qui en a été le prototype. Mais rien n’interdit d’admettre que le mime, avide d’actualité, ait caricaturé, pour faire rire, les formes extérieures de la liturgie chrétienne. Nous avons même un témoignage non équivoque du regain de ces bouffonneries à l’époque de l’empereur Julien. Saint Grégoire de Nazianze remarque, dans son Apologie écrite peu après 362, que les païens pourchassent en tout lieu les chrétiens de leurs méchants propos :

On nous fait comparaître maintenant sur la scène — je le dis presque avec des larmes —, et on se moque de nous d’une façon indigne. Point de spectacle qui plaise mieux que le chrétien bafoué sur le théâtre (ὡς χριστιανὸς κωμῳδούμενος[64]).

Ce qui se passait en plein ive siècle a pu fort bien se passer aussi sous Dioclétien, à l’époque où est placé le martyre de saint Genès. Retenons donc, comme valable, tout au moins la donnée émouvante qui en constitue le point de départ.


  1. Vie de Porphyre, p. 68.
  2. En connaissait-il d’autres encore ? Il écrit (Div. Inst., V, iv, 2) : « Je ne doute pas qu’en bien des endroits beaucoup d’autres n’aient dressé, soit en grec, soit même en latin, le monument de leur injustice. » Mais la donnée est trop vague pour qu’on puisse l’exploiter. — Le maître de Lactance, Arnobe, réfute ceux qui appellent le Christ « hominem natum et crucis supplicio interemptum » (« … patibulo adfixus interiit », i, 40) ; et un magicien formé aux sortilèges égyptiens (i, 43). Mais il ne s’agit, semble-t-il, que de griefs oraux.
  3. Div. Inst., V, 2 (Brandt, dans le Corp. Script. eccl. lat., XIX, 1, p. 403).
  4. Le 23 février 303.
  5. Corp. Inscr. lat., II, 133 = III, 1661. Cette inscription dut être gravée entre le 1er  mars 293 et le 1er  mai 305. Elle commémore la construction d’un camp, à laquelle a présidé Sossianus Hiéroclès, vir perfectissimus, praeses provinciae.
  6. Lactance, De Mort. Persec., xvi, 4 (Corp. Script. eccl. lat., XXVII, p. 189, ligne 19).
  7. L’Arabia Libanensis, selon Mommsen.
  8. De Mortibus Persec., xvi, 4 (Brandt, p. 189).
  9. Voir le début du morceau traduit plus loin, et le De Mort. Persec., xvi, 4.
  10. Ces faits sont racontés par Eusèbe, dans le « récension longue » des Martyrs de Palestine, v, 3 (trad. Grapin, III, p. 209).
  11. Harnack, Chronol. II, p. 117 pense à tort que Hiéroclès écrivit avant la persécution. Lactance dit en propres termes « … etiam scriptis eos quos adfixeret insecutus est ».
  12. Div. Inst., V, ii, 123 (Brandt, p. 405, lignes 22 et s.).
  13. Iudex, à cette époque, équivaut au mot « gouverneur ». Voir Daremberg-Saglio, III, i, 632.
  14. Amis de la vérité. Ce pluriel s’accorde avec le substantif libros. Le titre authentique devait être Λόγος Φιλαλήθης, Discours ami de la vérité. Celse avait intitulé plus hardiment son livre « Discours véridique ».
  15. Contra Hieroclen, 1 (Patrol. gr., xxii, 796).
  16. Harnack (Chronol., II, 119) a eu tort de contredire sur ce point Valois, l’éditeur d’Eusèbe au xvie siècle : l’erreur d’Eusèbe prouve qu’il n’avait pas lié de bonne heure connaissance avec l’écrit anti-chrétien de Porphyre, comme le prétend Harnack. Il n’a pas connu non plus le florilège tiré de Porphyre qu’un excerpteur inconnu forma au début du ive siècle (voy. p. 247).
  17. No 987 (Add. 14658, viie s.).
  18. p. x et 73. — La lettre fait allusion à la destruction de Jérusalem, mais ne peut malheureusement être datée avec précision. Elle est, sans doute, du second ou du troisième siècle.
  19. Revue des Deux-Mondes, t. LIX (1865), p. 638.
  20. Tract. de psalmo LXXXI (Anecdota Maredsolana, III, 2, p. 80) : texte no 4 dans le recueil de Harnack.
  21. Mac. Magnès, Apocrit. III, 1 ; texte no 63.
  22. Ibid. iv, 5 : texte no 60.
  23. Diss. xvii, 5.
  24. De Mundo, 27 (éd. P. Thomas, p. 163, l. 11).
  25. Ibid., 25 (Thomas, p. 160, l. 20).
  26. Origène, sa vie, son œuvre, sa pensée, III, 85.
  27. Pour la question de savoir si Hiéroclès aurait servi de source à Macarius Magnès, voir p. 246.
  28. Adv. Nationes, III, 6 (Reifferscheid, Corp. Script. Eccl. lat., t. IV, p. 115, l. 21 et s.).
  29. C’est l’avis de Tillemont ; c’est aussi l’avis du dernier éditeur d’Alexandre, A. Brinkmann (Leipzig, 1895) ; l’opuscule a été recueilli dans la Patrol. grecque, t. 18, col. 411-448.
  30. Div. Inst., II, iii, 22 (Brandt, I, 107).
  31. Ibid., V, i, 1 (inepte religiosis… nimia superstitione impatientes…).
  32. xi (Corp. Script. eccl. lat., XXVII, p. 185).
  33. C’est l’avis de Mgr Duchesne, Hist. anc. de l’Église, t. II, p. 12, n. 1.
  34. Lactance, De Mortibus Persec., X (Corp. Script. Eccl. lat., xxvii, 184).
  35. Paris, 1913, p. 81 et s. — Cette inscription figure dans les Addenda du tome Ier du CIG no 2883d.
  36. Autrement dit, le prêtre : cf. Klio 18 (1923), p. 218.
  37. Le fait est raconté par Sozomène, Hist. Eccl., V, 10.
  38. Hist. Eccl., IX, iii (trad. Grapin, III, p. 13).
  39. Eusèbe, Hist. Eccl., IX, vii, 5.
  40. La Paix Constantinienne, p. 208.
  41. Eusèbe, Prép. Évang., IV, ii, 10-11 (Patrol. gr., 21, 237).
  42. Découverte en 1892, cette inscription a été publiée par Mommsen, d’abord dans les Archaeol.-epigr. Mittheil. aus Œsterr.-Ungar., t. XVI (1893), p. 93 et s., puis dans le Corpus des Inscr. lat., t. III, p. 2056, no 12132 ; p. 2226, no 13625b. Elle est gravée sur un marbre fort endommagé de 12 cm. d’épaisseur, sur 50 cm. de hauteur et 55 cm. de largeur.
  43. Proprement, cette « maladie ».
  44. Cf. Eusèbe, Hist. Eccl., ix, 6 et 7 ; Lactance, De Mortibus Persec., 36.
  45. Ibid., IX, 7, 3 et s. — Voir aussi le rescrit de Maximin à Sabinus, IX, 9², spécialement le § 6.
  46. Eusèbe, Hist. Eccl., IX, vii, 8-9.
  47. Apol., xl, 2.
  48. Adv. Nat., I, 24 (Reifferscheid, p. 16).
  49. La Phœnicia ad Libanum ; il y avait aussi la Phœnicia maritima.
  50. Eusèbe, Hist. Eccl., IX, vii, 2.
  51. Origène, Contra Celsum, vi, 40.
  52. Hist. Eccl., IX, v, 1.
  53. Saint Justin, dans sa Ire Apologie, rédigée vers 150, renvoie par deux fois ses lecteurs, à propos du récit de la Passion, aux Actes de Pilate (I, 35 et 48). Tertullien écrit, en 197, dans son Apologeticus (xxi, 24), après avoir résumé ce même récit : « Pilate, qui était lui-même déjà chrétien dans son cœur, fit connaître tous ces faits relatifs au Christ, à Tibère, alors César. » Et prévoyant une objection sur le peu d’effet d’un pareil témoignage, il ajoute : « Les Césars même auraient cru au Christ, si les Césars n’étaient pas nécessaires au siècle, ou si les Césars avaient pu être chrétiens en même temps que Césars. » Nous possédons dans les Actes apocryphes de Pierre et de Paul une lettre de Pilate à Claude. Elle est très favorable à Jésus, très hostile aux Juifs.
  54. Routh, Reliquiae Sacrae, 2e  éd., t. IV, p. 6, ligne 22.
  55. IX, vii, 1.
  56. Eusèbe, Hist. Eccl., VIII, xiv, 9.
  57. IX, iv, 2.
  58. Mission und Aubsr., 3e  éd., I, p. 467.
  59. Texte dans Ruinart, Acta Martyram Sincera, éd. de Ratisbonne, 1859, p. 312 et s. Traduction française de Dom Leclercq, les Martyrs, t. II, p. 29 et s. et de P. Monceaux, La Vraie Légende dorée, Paris, 1928, p. 295 et s. Tillemont place les faits en 285-286 ; Baronius, en 303.
  60. Mimithemelae. Le mot ne figure pas dans le dictionnaire de Georges. Il est évidemment formé d’après le grec θυμέλη.
  61. Allusion probable au métier exercé par Jésus. Voy. p. 201.
  62. Jean Malalas, Chronog., XII, Corpus de Bonn, p. 314. Malalas dit « Héliopolis en Phénicie ».
  63. Anal. Bolland., 1910, 258.
  64. Apol., Or. ii, 84. Comp. Théodoret, Graec. Aff. Cur. ix (Patrol. gr. 83, 1032-3).