La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle/Pièces justificatives/07

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VII.

Difficulté au sujet de la torture à Infliger au « sommeur » B…,
à Luxembourg, en 1761.


Monseigneur,

La découverte du complice de l’incendiaire B… et son arrivée en cette ville, le 23 janvier, ont mis le conseiller procureur général à même de travailler à leur procès avec toute l’accélération que Votre Excellence veut qu’il y soit aporté ; et, pour prevenir de notre coté les difficultés qui pourroient en arretter la decision, nous prenons la liberté de lui exposer d’avance l’embarras ou nous pourrons nous trouver dans quelques jours, au cas que la confrontation de ces deux accusés ne force pas le complice a avouer son crime qu’il a constament nié jusqu’à présent, puisqu’il ne restera plus d’autre moien pour y parvenir que la question. Sur quoi nous croions devoir observer à Votre Excellence que celle qui est en usage dans les tribunaux civils de cette province, est sujette à bien des inconveniens, parceque l’ordinaire est si douce qu’elle fait impression sur peu de criminels, et l’extraordinaire les jette au contraire d’abord dans des douleurs si fortes et si vives, que le premier moment étant passé, ils perdent tout sentiment et deviennent par conséquent insensibles aux exhortations et questions qu’on leur fait, pour en arracher la vérité.

La nature du crime dont cet homme est accusé, et les suites qui pourraient en résulter encore, si malgré toutes les apparences il parvenait à en éviter la peine, par son opiniatreté à le nier, pourroit nous faire pancher, le cas échéant, à lui faire donner plutôt celle qui est d’usage chez les militaires ; et il semble que cela souffrirait d’autant moins difficulté qu’il est militaire, et que le commandant de son corps assiste à tous les jugements que nous portons dans cette affaire, ainsi qu’il a plu à Votre Excellence de l’ordonner en nous attribuant la connoissance, outre que nos ordonnances mêmes ne nous astreignent pas à un genre de question plus tôt qu’à un autre, n’y aiant que l’usage qui en ait décidé jusqu’ici, et duquel nous croions cependant ne devoir pas nous écarter au cas particulier, à moins que Votre Excellence ne trouve bon de nous y autoriser.

Nous sommes, avec un très profond respect, etc.
Luxembourg, le 12 février 1761.
Réponse de Sa Majesté.
L’Impératrice Reine,

Chers et feaux : Aiant vu votre représentation du 12 de ce mois, au sujet de l’embaras dans lequel vous pourriez vous trouver, si le complice de l’incendiaire B… continuoit de denier son crime, Nous vous faisons la présente à la délibération de Notre Ministre plénipotentiaire pour le gouvernement général des Pais-Bas, pour vous dire que, le cas échéant, il vous sera libre de faire donner à ce complice la question qui est en usage parmi les militaires.

À tout, chers et feaux, Dieu vous ait en sa sainte garde. De Bruxelles, le 19 février 1761, pphé Ne vi et plus bas étoit par ordre de S. M. signé Maria.

[Arch. Grand-Ducales de Luxembourg.]