La pomme de terre, considérations sur les propriétés médicamenteuses, nutritives et chimiques de cette plante/16

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CHAPITRE XVI.
PROCÉDÉS DE MANIPULATION POUR LA SACCHAR1FICATION DE LA FÉCULE DE POMMES DE TERRE PAR LE GLUTEN.
PREMIÈRE SECTION.
De l’Appareil et des Substances à employer.

L’appareil pour la fabrication du sirop de fécule par le gluten se compose ;

1.° D’une chaudière en cuivre, dont la grandeur est proportionnée au travail, et la hauteur égale au diamètre. Elle est fermée par un couvercle métallique ou en bois, et porte à sa partie inférieure un robinet de vidange, d’une ouverture d’environ six centimètres.

2.° D’une cuve en bois sapin blanc, de grandeur convenable, et dont le diamètre est inférieur de six centimètres à la hauteur. Cette cuve est ordinairement placée tout auprès de la chaudière, qui est elle-même disposée à une élévation telle, que son robinet de vidange, s’avançant horizontalement par-dessus les bords de la cuve, peut facilement y introduire l’eau bouillante au moment de l’opération ;

3.° D’un bac à chaux, en bois de chêne, à la profondeur de deux fois son diamètre ;

4.° D’une chaudière à concentrer, de trente-six centimètres de profondeur sur environ cent cinquante de diamètre, établie sur un bain de sable, dans un fourneau avec une cheminée tournante, pour la circulation de la flamme sous toute l’étendue de son fond. (Voy. pl. VI) ;

5.° D’une bassine à main, pour le traitement du sirop au charbon animal, et semblable à celle du premier procédé ;

6.° D’un ou de plusieurs blanchets pour mettre les écumes à égoutter ;

7.° Enfin de chausses pour filtrer le sirop, et de vases pour le recevoir clarifié.

Les substances à employer sont : le malt, le charbon animal et l’eau de chaux. Cette dernière substance, acre et alcaline, a beaucoup d’affinité avec les matières grasses et muqueuses ; c’est pour cette raison qu’on en fait usage pour dégraisser les sucs dépurés des plantes, lorsqu’on veut en retirer les sels essentiels ; c’est aussi dans cette vue que, pour enlever aux sirops ce qu’ils ont de plus visqueux ou muqueux, on en fait un usage très-utile et même nécessaire.

Les propriétés de l’eau de chaux sont donc de rendre le sirop clarifié moins huileux et moins filant. Voici comment on la fait :

On met dans un baquet en bois de chêne une partie de chaux vive et trois parties d’eau, et l’on remue bien le tout ensemble pour en former un hydrolé. Cette opération se fait ordinairement le soir, pour que l’eau ait le temps de s’éclaircir pendant la nuit : car elle doit être reposée et bien claire lorsqu’on la met dans la chaudière ; autrement l’opération courrait grand risque de manquer, ou ne s’effectuerait que très-imparfaitement. Il faut avoir soin de jeter la chaux qui se ramasse au fond du baquet, toutes les fois que l’on fait.une nouvelle opération.

DEUXIÈME SECTION.
Fabrication du Sirop.

Tout étant ainsi préalablement disposé, l’on opère de la manière suivante, où je suppose l’emploi de cent kilogrammes de fécule.

On commence par mettre neuf cents kilogrammes d’eau pure et bien claire dans la chaudière, sous laquelle on allume un feu actif pour exciter l’ébullition le plus promptement possible. On jette dans la cuve deux cents kilogrammes d’eau froide, dans laquelle on délaie les cent kilogrammes de fécule, qu’on a soin de tenir en suspension en agitant constamment le mélange avec une longue spatule ou un balai. L’eau de la chaudière étant en ébullition, on ouvre le robinet de vidange pour l’introduire graduellement dans la cuve, sans cesser de mouver et d’agiter le liquide qui se convertit aussitôt en une gelée bien homogène, bien compacte, dont la température est de cinquante à cinquante-cinq degrés. Dans cet état, on y ajoute de vingt à vingt-cinq kilogrammes d’orge germée et réduite en farine grossière, et l’on remue bien la masse pendant quelques minutes pour établir un contact parfait entre le malt et la fécule ; autrement les grumeaux d’empois échappés à ce contact viendraient surnager à la surface du liquide et ne se dissoudraient que lentement, l’action dissolvante de l’orge ne s’exerçant alors sur les grumeaux que de couche en couche. On abandonne ensuite la masse à elle-même dans une étuve chauffée de quarante-cinq à cinquante degrés environ. Au bout de quelques instans, cette masse, qui d’abord est très-compacte et très-épaisse, se trouve complètement liquéfiée, et, après un nouveau repos de deux heures, le liquide a acquis un goût de mucoso-sucré très-prononcé. Il marque alors de cinq à six degrés à l’aréomètre. Il doit être clair ; et si sa transparence est obstruée par quelques parties floconneuses, cela dépend du manque d’eau suffisante : alors on n’obtient point de l’opération le résultat qu’on a lieu d’en attendre, à cause de la non-saccharification de ces matières. Le même désagrément peut encore avoir lieu, si l’on n’emploie point toute la quantité d’orge désignée, ou si l’on néglige de bien mettre toutes ses parties en contact avec celles de la fécule.

La substance sucrée, ainsi obtenue, ayant été filtrée à la chausse ou au travers de la courte paille de froment, est aussitôt jetée dans la chaudière, pour y être traitée à l’eau de chaux.

La dose qu’il est nécessaire d’employer varie de trois à quatre grammes par litre de substance sucrée. On introduit en conséquence cette quantité dans le liquide, faisant en sorte d’être plus tek en défaut qu’en excès. On entretient un feu modéré sous la chaudière y et lorsqu’on s’aperçoit qu’elle est près d’arriver à l’ébullition, on se tient tout auprès, ayant à côté de soi un seau rempli de substance sucrée froide et un vase en fer blanc, de la contenance d’environ un litre. Aussitôt qu’on aperçoit que le bouillon perce l’écume sur un point de la surface, on verse, du plus haut qu’il est possible, un litre de substance précisément à cet endroit ; le bouillon s’apaise aussitôt, et l’on attend qu’il se manifeste de nouveau, pour recommencer la même opération. A chaque fois, avant de verser la substance froide, on prend dans une cuillère en fer-blanc un peu de liquide, dans l’endroit même où perce le houillon, et aussitôt qu’en l’examinant on voit qu’il est parfaitement transparent, d’une belle couleur, un peu rousselette, et qu’il se forme un précipité floconneux au fond de la cuillère, l’opération est terminée et l’on éteint le feu. L’on doit avoir soin de continuer de la même manière à apaiser le bouillon chaque fois qu’il se manifeste, et sans jamais permettre que la substance sucrée, en perçant les écumes, se répande à leur surface. Après une demi-heure de repos, on enlève les écumes et on décante le liquide très limpide.

En opérant ainsi, on est toujours sûrement maître de l’opération ; car dans le cas où l’on n’aurait pas employé une assez forte dose d’eau de chaux, il est encore temps d’en ajouter lorsqu’on s’aperçoit qu’elle est en défaut ; et pour cela, on la mêle avec la substance froide que l’on verse dans la chaudière pour apaiser le bouillon.

L’opération étant terminée, on soutire le liquide pour le mettre dans la chaudière à évaporation, où il est concentré jusqu’à la consistance de trente-deux degrés. Le sirop traité, du reste, sous tous les rapports comme celui du premier procédé, à partir du moment où il est transporté dans la bassine à main pour le traitement au charbon animal, est fort beau, d’un bon goût et d’une saveur analogue à celle du sirop de gomme qui se vend dans les pharmacies. A raison du sucré que fournit à son tour la fécule contenue dans le grain d’orge, on obtient par ce procédé une quantité de sirop convenablement cuit, égale au poids total de la fécule employée.