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La pomme de terre, considérations sur les propriétés médicamenteuses, nutritives et chimiques de cette plante/21

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CHAPITRE XXI.
Préparation De Quelques Liqueurs De Table,
AU MOYEN DU SIROP ET DE L’EAU-DE-VIE DE POMMES DE TERRE.
PREMIÈRE SECTION.
Ratafias.

Puisque la pomme de terre nous fournit le sirop et l’eau-de~vie, qui sont les deux principaux élémens des liqueurs de table, je crois qu’il est de mon devoir d’indiquer ici la manière de préparer quelques-unes de celles que l’on peut considérer comme les plus utiles à la classe qui nous intéresse, et dont la fabrication peu difficultueuse n’exige presque pas de frais de la part des habitans de la campagne. En conséquence, sans m’arrêter à ce qui concerne celles que l’on distille, qui appartiennent exclusivement et de droit à Fart du liquoriste-distillateur, et auxquelles on donne les noms pompeux de fines, surfines, etc. je me contenterai d’entretenir mes lecteurs des modestes ratafias de fruits, que l’on peut ajuste titre nommer liqueurs économiques, et dont les plus précieux avantages sont de pouvoir se préparer dans le moindre ménage, d’être à la portée de toutes les fortunes, et ainsi de parfumer indistinctement le palais du pauvre tout aussi bien que celui du riche qui vit dans le sein de l’opulence.

Il n’est rien de plus facile que la préparation de ces ratafias, rien d’aussi récréatif et qui occupe plus agréablement les loisirs d’une bonne ménagère de campagne, dont les soins les plus doux sont de veiller aux approvisionnemens de son ménage, et de procurer quelques jouissances à ceux qui sont l’objet de toute sa sollicitude, et qu’elle voit avec peine soumis à des privations sans nombre, au milieu de leurs longs et pénibles travaux. Sans cesse occupée des moyens qui pourraient la conduire heureusement à ce but, elle fait de nombreuses recherches pour multiplier ses recettes, et torture, pour ainsi dire, son esprit pour perfectionner celles qui sont en sa possession. Mais qu’elle se souvienne bien que ses vœux ne pourront être remplis qu’autant qu’elle opérera avec méthode ; et pour cela il faut qu’elle fasse, avant tout, le choix de ses matières premières, que le goût la dirige dans les doses plutôt que les écrits, et surtout qu’elle observe exactement tout ce qui concerne l’infusion et la macération.

L’on entend par infusion l’action plus ou moins prolongée d’un liquide quelconque sur certaines substances dont on veut extraire les principes, avec ou sans le secours de la chaleur.

Si l’on opère avec des feuilles ou des fleurs sèches, on les arrose d’abord avec un peu d’eau bouillante, et après leur avoir donné le temps nécessaire pour se développer et se ramollir, on y verse le restant de la dose préparée : de cette manière on conserve aux infusions toute la saveur et le parfum qui leur est convenable, et qu’elles perdent en partie lorsqu’elles sont faites en une seule fois.

La macération ne diffère de l’infusion qu’en ce qu’elle se pratique à froid. Cette opération, à laquelle on soumet les substances qui ne peuvent supporter la chaleur et dont les principes se dissolvent facilement, ne dure ordinairement pas moins d’un jour, et se prolonge quelquefois plusieurs semaines, et même des mois entiers. Elle doit, aussi bien que la précédente, se faire dans des vases inattaquables par les matières mises e& contact, et qui ferment assez hermétiquement pour rendre impossible la volatilisation des principes les plus vaporisables.

Pour, que les ingrédiens que l’on destine à la composition des liqueurs dont il s’agit fournissent également à l’infusion, il faut d’abord mettre infuser les plus durs, et lorsqu’on juge qu’ils sont suffisamment ramollis, on y ajoute successivement les autres, selon leur degré de solidité.

On doit toujours subordonner la durée de l’infusion ou de la macération à la consistance des substances employées, à la nature et à la solubilité des principes que l’on veut extraire. S’il s’agit, par exemple, du principe odorant, le plus soluble de tout, surtout dans l’esprit-devin, et que son extraction soit le but spécial du manipulateur, il convient, pour avoir des produits plus suaves, d’augmenter la dose et d’abréger l’opération : car il est constant qu’une infusion, soit à chaud, soit à froid, donne toujours des liqueurs acres et épaisses lorsqu’elle est trop prolongée ; il est d’ailleurs démontré que celles qui sont faites avec promptitude sont les meilleures, et ce principe doit spécialement être appliqué à presque tous les ratafias.

Une erreur commune à beaucoup de personnes, et qu’il est important d’éviter, c’est l’introduction du sirop dans les infusions en même temps que les divers ingrédiens qui les composent ; parce que l’eau-de-vie s’en emparant de suite, ne conserve plus assez de fluidité pour pénétrer les autres substances, ni la force suffisante pour en dissoudre les principes.

Les ratafias, dont le mérite principal consiste dans le parfum, doivent être constamment tenus le plus fraîchement possible ; et, dans le cas contraire, ce n’est qu’au bout de deux ou trois mois qu’il convient de les porter à la cave, où ils peuvent être conservés long-temps, pourvu que l’on ait soin de ne pas les laisser en vidange.

Quoique toutes les substances propres à la préparation des liqueurs puissent également être employées à celle des ratafias, les fruits sont ordinairement préférés pour ce dernier usage, et c’est toujours sur ceux qui ont été cueillis au moment de leur parfaite maturité, sur les plus beaux, les meilleurs, les plus riches en suc et en parfum que doit tomber le choix du manipulateur, qui d’ailleurs doit avoir grand soin d’en enlever les parties véreuses et pourries, sans néanmoins les dépouiller de la pelure.

Ratafia de Cerises.

L’on prend une suffisante quantité de cerises de Montmorency, ou de celles que l’on nomme Anglaises, avec quelques merises ou’ cerises noires ; on les sépare de leurs queues et noyaux, et après les avoir écrasées et soumises à la presse, on en expose le suc aux rayons du soleil, pour le laisser ainsi macérer pendant vingt-quatre heures. On met alors dans une cruche, ou dans une grande bouteille, six litres de ce suc et autant d’eau-de-vie de pommes de terre, en y ajoutant, pour aromate, quelques grains de vanille triturés avec un peu de sucre, ou bien encore des feuilles de cacis, des framboises, ou enfin un certain nombre de noyaux de pêches ; l’on y introduit en même temps les noyaux des cerises employées (et il est fort important de ne pas l’oublier), avec deux kilogrammes de sirop de fécule convenablement cuit, et l’on fait digérer au soleil pendant un mois.

Si l’on ajoutait aux cerises un cinquième ou un sixième de framboises, on donnerait à ce ratafia un parfum des plus agréables.

Ratafia de Grenoble.

L’on emploie pour cette liqueur des cerises noires sauvages, bien mûres ; on en sépare les noyaux, et après en avoir exprimé le suc, comme il est dit pour le ratafia précédent, on ajoute, sur six litres de ce suc, sept à huit litres d’eau-de-vie dix-neuf degrés, douze grammes de maïs, les zestes de six citrons, les noyaux, deux ou trois poignées de feuilles de cerisier, vers la fin de la macération, et vingt-cinq centilitres de sirop de fécule par litre de mélange. On fait ensuite digérer le tout à la chaleur du soleil pendant six semaines, et l’on filtre le liquide.

Autre Moyen.

L’on écrase les merises sur un tamis de crin, jusqu’à ce qu’il n’y reste plus que les noyaux ; la pulpe est mise sur le feu, dans une bassine où on lui fait jeter quelques bouillons ; après quoi le suc est passé au travers d’un blanchet, et le marc soumis à l’action d’une presse. On ajoute ensuite, pour chaque litre de ce suc, à raison de cinquante centilitres de sirop de fécule ; et pour dix litres de ce mélange, quinze litres d’eau-de-vie, huit grammes de cannelle, quatre grammes de girofle, quatre poignées de feuilles fraîches de cerisier, et les noyaux entiers des cerises. Le tout est mis dans une cruche ou un petit tonneau que l’on expose à une température de quinze à vingt degrés, au moins pendant un mois. On soutire alors le ratafia et on le met én bouteilles, après toutefois l’avoir bien clarifié par le filtre, et même collé, s’il a été nécessaire.

C’est de cette liqueur que M. Teysser, de Grenoble, tient sa fortune et sa réputation. Elle occupe, sans contredit, le premier rang parmi les ratafias ; mais il faut qu’elle soit gardée plusieurs années pour être parfaite.

Ratafia de Fruits rouges.

On prépare ce ratafia comme celui de cerises, en prenant douze kilogrammes de ce fruit dans la plus belle et meilleure qualité, quatre kilogrammes de groseilles, autant de fraises et de framboises, dont on extrait le suc que l’on met dans un baril ou une grande cruche, avec les trois quarts en poids d’eau-de-vie, quarante centilitres de sirop de fécule par litre de mélange, un peu de vanille triturée avec du sucre et les noyaux des cerises. On fait digérer, pendant un mois, à la chaleur du soleil ; on filtre alors et l’on met en bouteilles.

Ratafia de Fruits à noyaux.

On prend, au moment de leur parfaite maturité, une certaine quantité d’abricots, de pêches fines, de brugnons ou autres fruits à noyaux ; on en extrait le suc, que l’on ne dépure point et dans lequel on ajoute j pour chaque litre, cent quarante centilitres d’eau-de-vie à 19 degrés, trente centilitres de sirop de fécule, deux clous de girofle et les noyaux du fruit. On expose le tout au soleil, dans un vase bien bouché, pendant un mois, et l’on filtre la liqueur après cette époque.

Ratafia de Genièvre.

On prend sept cent cinquante grammes de baies de genièvre fraîches, bien mûres et bien saines, que l’on fait macérer pendant quarante-huit heures dans trois litres d’eau-de-vie. On retire ensuite cette eau-de-vie, et l’on verse sur les baies trois litres de sirop de fécule, à vingt-six degrés et presque bouillant. Le vase est tenu dans un lieu chaud, pendant douze heures ; on passe alors sans expression, et après avoir ajouté aux deux liqueurs réunies huit grammes de cannelle, quatre grammes de girofle et autant de macis, le tout réduit en poudre grossière, on laisse ainsi le mélange pendant quinze jours, pour être, à cette époque, passé et soumis au filtre.

Ratafia de Cacis.

Pour préparer cette liqueur, on fait macérer au soleil, pendant huit jours, dans quatre litres d’eau-de-vie, quinze cents grammes de cacis égrappés bien mûrs, et trois ou quatre poignées de feuilles de la plante ; on jette ensuite le contenu du vase sur un tamis de crin, où l’ayant laissé égoutter pendant douze heures, on mêle à la colature un litre cinq décilitres de sirop de fécule, huit grammes de cannelle, quatre grammes de macis et pareille quantité de girofle, le tout réduit en poudre, et l’on filtre, après un mois de digestion au soleil.

Ratafia de Groseilles.

On fait digérer au soleil, pendant quinze jours, six kilogrammes de groseilles égrappées et bien écrasées, dans six litres d’eau-de-vie, et après avoir passé, en exprimant fortement le marc, on ajoute un litre cinquante centilitres de sirop de fécule, quelques grains de vanille triturés avec un peu de sucre, ou bien encore quelques noyaux de pêches, des feuilles de cacis, ou enfin la framboise On laisse de nouveau digérer pendant un mois, et l’on soumet la liqueur au filtre.

Franc-Pineau.

Cette liqueur que l’on fait avec un raisin noir, à petits grains, peu serrés et extrêmement sucrés, que l’on nomme Franc-Pineau, se prépare absolument comme la précédente, en employant pour aromate trente-deux grammes de cannelle et huit de girofle.

Muscat.

On cueille, par un temps chaud, trois kilogrammes de muscats très-mûrs et en belle qualité, que l’on fait macérer au soleil pendant huit jours, dans deux litres d’esprit-de-vin, après toutefois les avoir égrappés et bien écrasés. On passe alors, en exprimant le marc, et ayant ajouté à la liqueur un litre trente centilitres de sirop de fécule, avec un peu de macis, on laisse digérer pendant un mois, et l’on filtre.

Ratafia de Fraises ou de Framboises.

L’on prend à volonté une quantité quelconque de fraises ou de framboises en parfaite maturité, que l’on écrase avec soin, les ayant auparavant mondées de leurs queues, et dont on exprimé le suc, après un repos de vingt-quatre heures à la cave ; six litres de ce suc sont ensuite mis dans une cruche, avec autant d’eau-de-vie, douze grammes d’iris de Florence, deux litres de sirop de fécule ; et du reste, le ratafia se termine comme celui de cerises simples.

Ratafia de Mûres.

La préparation du ratafia de mûres ne diffère en rien de celle du précédent, et se pratique absolument de même.

Ratafia de Coings.

Les coings à employer pour cette liqueur doivent être bien mûrs, bien sains, bien charnus, et d’un beau jaune. On en prend un nombre convenable que l’on frotte avec un linge rude j afin d’en enlever tout le duvet, et après en avoir ôté le cœur, on les râpe le plus fin possible, sans les peler, et l’on porte à la cave la pulpe qui résulte de ce râpagè, pour, au bout de vingt-quatre heures, être soumise à l’action d’une presse.

On met alors dans une cruche douze litres de suc exprimé, autant d’eau -de- vie, vingt-quatre grammes de girofle, même poids de macis, et huit litres de sirop de fécule. La cruche est exposée pendant un mois au soleil, après quoi l’on ajoute seize grammes de vanille triturée avec du sucre, un peu de caramel pour la couleur, si on ne la trouve pas assez prononcée, et le ratafia est passé au filtre.

Ratafia de Poires Rousselet.

Ce ratafia se prépare absolument comme celui de coings ; il n’est pas moins agréable, et possède l’avantage de pouvoir être bu beaucoup plus tôt.

Ratafia de Noyaux.

On met des-noyaux entiers de pêches ou d’abricots, ou les uns et les autres mélangés, dans une cruche jusqu’à moitié de sa hauteur ; on achève de la remplir d’eau-de-vie, et après avoir fait digérer le tout pendant deux mois à une température égale à celle de la chaleur du soleil, on casse à-peu-près le quart des noyaux que l’on remet dans la cruche, avec leurs coquilles, pour macérer encore, ainsi qu’il vient d’être dit, pendant quinze jours. La liqueur est alors soutirée ; on y ajoute partie égale de sirop de fécule, et l’on soumet de nouveau le mélange à une digestion froide de trois semaines avant de le filtrer.

Brou de Noix.

On enlève l’écorce entière d’environ deux cents belles noix, mûres et fraîches, en la faisant tomber à mesure dans un vase contenant huit litres d’eau-de-vie ; on y ajoute les zestes de quatre citrons, huit grammes de macis, autant de cannelle et pareille quantité de girofle, et l’on fait macérer le tout à la chaleur du soleil pendant quinze jours. Le mélange est alors passé avec expression, mais non filtré ; on ajoute à la colature trois litres de sirop de fécule, et après une nouvelle digestion d’un mois, à la même température, on filtre la liqueur à la chausse.

Ratafia de Noix vertes.

On prend trois cents noix quelques jours avant leur maturité, et après les avoir écrasées dans un mortier, on les fait digérer au soleil avec huit litres d’eau-de-vie, trente-deux grammes de cannelle en poudre, même quantité d’anis et seize grammes de girofle ; au bout de quinze jours, on passe en exprimant légèrement le marc, et l’on ajoute à la colature cinq litres de sirop de fécule : du reste, ce ratafia se termine comme le précédent.

DEUXIÈME SECTION.

Des Fruits à l’eau-de-vie.


Les préparations des fruits à l’eau-de-vie, que l’on peut considérer comme des variétés des ratafias, présentent le plus grand, intérêt à celui qui ne dédaigne pas de descendre dans les détails de l’économie domestique. Il peut, en effet, y puiser à peu de frais des ressources précieuses pour suppléer en hiver aux fruits que la saison refuse, et remplacer même, au besoin, les diverses liqueurs de table que parfois la modicité de sa fortune ne lui permettrait pas de se procurer.

Tous les fruits doués d’une certaine fermeté sont propres à être confits à l’eau-de-vie ; l’on choisit néanmoins de préférence ceux à noyaux, le coing, certaines poires, des noix nouvelles, plusieurs espèces de raisins, etc. et les meilleurs dans chaque qualité sont toujours les plus parfumés et ceux qui ont le plus de saveur : du reste, tous les fruits dans lesquels on découvre quelques défauts, ou qui sont frappés d’une défectuosité quelconque, doivent être rejetés comme impropres à cet usage.

Avant que d’être mis dans l’eau-de-vie, ils doivent généralement recevoir trois préparations, qui toutes sont comprises sous le nom de blanchiment. La première consiste à les bien nettoyer ; la seconde, à les soumettre pendant quelques instans à la chaleur de l’eau bouillante ; et enfin la troisième, à les jeter, au sortir de là, dans un bain d’eau la plus froide possible.

Aussitôt qu’on a cueilli les fruits, et avant qu’ils se fanent ou se ramollissent, on les essuie avec un linge pour en ôter la poussière, et, s’ils sont couverts de duvet, celui-ci est enlevé à l’aide d’une brosse dont on les frotte, avec l’attention de ne point les endommager. On les pique à mesure jusqu’au cœur, et on les jette aussitôt dans de l’eau très-froide, d’où ils sont ensuite retirés pour être mis ensemble dans une bassine d’eau bouillante, d’une assez grande dimension pour qu’ils puissent tous également tremper, et être en même temps soumis à-peu-près au même degré de chaleur » On les laisse frémir jusqu’à ce qu’ils tombent d’eux-mêmes au fond de l’eau ; on couvre alors la bassine, et l’on étouffe le feu peu à peu, sans cependant laisser refroidir entièrement.

Au bout de quelques heures, on le ranime graduellement jusqu’à ce que les fruits remontent sur le liquide ; les premiers qui se présentent, étant plus cuits, sont d’abord enlevés doucement avec l’écumoire, pour être immédiatement jetés dans l’eau froide, puis ceux qui paraissent après, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous soient venus successivement se présenter d’eux-mêmes.

Les fruits jetés dans l’eau bouillante pâlissent aussitôt, mais ils reprennent leur couleur naturelle au second coup de feu, et par leur immersion dans l’eau froide. Quant à la fermeté qu’ils conservent, ils la tiennent en partie de la promptitude à exécuter tous les temps qui composent le blanchiment, et du saisissement subit qu’on leur fait éprouver dans les divers changemens de température où on les fait passer pendant le cours de cette opération.

Lorsqu’ils sont entièrement refroidis, on les place avec soin sur des tamis ou entre des linges trèspropres pour les faire égoutter, pendant que l’on s’occupe d’ailleurs à préparer ce qu’il faut pour les confire, et à disposer les bocaux destinés à les recevoir.

Ces bocaux sont ordinairement en verre, et faits de manière à pouvoir être fermés hermétiquement ; on y introduit les fruits que. l’on y range le mieux possible, et après les avoir exactement remplis d’un mélange de deux parties d’eau-de-vie contre une de sirop de fécule, que l’on a auparavant filtré, on les bouche soigneusement et on les place dans un lieu plutôt froid que chaud, pour laisser ainsi faire les fruits pendant deux mois et même plus, selon leur grosseur.

S’ils sont bien préparés, ils peuvent se garder au moins deux ans en bon état ; mais si leur eau de végétation n’était pas suffisamment saturée par le sirop et l’eau-de-vie, ils entreraient promptement en fermentation et ne se conserveraient pas. Il est donc essentiel de ne point perdre de vue cette dernière circonstance, d’où résulterait infailliblement l’agent destructeur qu’ils ont le plus à craindre.

Il est à observer que l’arôme des fruits réside spécialement dans l’enveloppe : il convient de ne pas les peler, à moins que leur peau ne soit dure et coriace.

Pêches à l’eau-de-vie.

L’on prend de belles pêches, cueillies lorsqu’elles sont sur le point d’être parfaitement mûres ; on en ôte le duvet à l’aide d’un linge, et les ayant piquées jusqu’au noyau dans plusieurs endroits, on les jette à mesure dans l’eau froide. Alors a lieu le blanchiment, comme il a été dit, au moyen des deux coups de feu et du refroidissement subit ; les fruits sont mis à égoutter, et ensuite rangés dans les bocaux, qui sont aussitôt remplis du mélange prescrit de sirop de fécule et d’eau-de-vie, pour être immédiatement couverts avec un bouchon de liège coiffé de parchemin.

Abricots et Prunes.

On choisit de préférence l’abricot de plein vent et la reine-claude blanche ou violette, et l’on traite ces fruits absolument de la même manière que les pêches, en usant toutefois d’un peu plus de précaution dans le blanchiment des prunes, à cause de leur grande délicatesse.

Cerises.

Les cerises les plus grosses et les meilleures polir Je goût, sont celles qu’il convient de mettre à l’eau-de-vie. Elles doivent, comme tout autre fruit destiné à cet usage, être cueillies lorsqu’elles sont sur le point d’acquérir leur parfaite maturité. On coupe alors la moitié de leur queue ; on fait un trou d’épingle au côté opposé, ayant soin de les jeter à mesure dans l’eau froide ; et après les avoir bien égouttées, on les range de suite dans les bocaux, que l’on achève de remplir avec le mélange de sirop de fécule et d’eau-de-vie, dans les proportions indiquées, en y ajoutant un peu de cannelle, du macis et quelques clous de girofle, le tout enfermé dans un petit linge bien propre. On bouche soigneusement le bocal, et l’-ayant exposé au soleil pendant un mois ou six semaines, on en retire les aromates ; on agite le vase pour que toute la masse se trouve également parfumée, et l’on a soin de boucher exactement chaque fois que l’on prend des cerises.

Mirabelles.

Il faut qu’elles soient grosses et sans taches ; on les troue avec une épingle à l’endroit de la queue, on fait un trou pareil au côté opposé, et l’on agit du reste comme pour la cerise.

Raisins.

On prend de beaux raisins muscats, convenablement mûrs, dont on détache les plus gros grains, à chacun desquels on donne deux ou trois coups d’épingle pour percer la peau, et que l’on jette aussitôt dans un vase d’eau fraîche afin de les laver. Cela fait, on les égoutte avec soin, et après les avoir essuyés doucement à l’aide d’un linge fin, on les met dans des bocaux que l’on achève de remplir avec le mélange indiqué de sirop de fécule et d’eau-de-vie.

Poires de Rousselet.

Les poires de rousselet, quoique petites, sont préférées à toutes autres, à cause de leur parfum. Lorsqu’il s’agit de les confire à l’eau-de-vie, on commence par en enlever très-proprement l’enveloppe, ayant soin de ne point endommager les queues, dont on coupe seulement l’extrémité ; on les jette à mesure dans de l’eau alunée pour les empêcher de noircir, et après les y avoir laissées tremper une demi-heure, on s’occupe du blanchiment, qui doit avoir lieu en Un seul coup de feu : c’est lorsqu’elles fléchissent sous le doigt, qu’il convient de les retirer de la bassine pour les soumettre à une nouvelle immersion dans une eau froide où l’on a exprimé le suc de quelques citrons, et que l’on change une ou deux fois, si elle vient à s’échauffer. D’autre part, on jette sur les pelures une certaine quantité de sirop de fécule bouillant, auquel on ajoute, après le refroidissement, deux parties d’eau-de-vie ; on filtre ce mélange à la chausse, et on le verse par-dessus les fruits dans les bocaux, que l’on a soin de bien remplir, de boucher exactement au liège et au parchemin, pour les exposer ainsi au soleil pendant six semaines ou deux mois.

Coings.

Le coing doit être, par exception aux autres fruits, cueilli au moment de sa parfaite maturité. On le dépouille de son duvet à l’aide d’une brosse, et après en avoir enlevé la peau, que l’on a fait tomber à mesure dans de l’eau-de-vie, on le coupe en quatre parties pour en ôter le cœur, et on le fait tremper dans de l’eau alunée comme la poire. Au sortir de là, on le porte dans une bassine avec une quantité suffisante de sirop de fécule, pour y être cuit à petit feu, jusqu’à ce que les quartiers fléchissent. On retire alors ceux-ci les uns après les autres, on les place dans des vases quelconques, et l’on verse par-dessus le sirop bouillant, après l’avoir recuit et bien clarifié. Au bout de vingt-quatre heures, les fruits sont rangés dans les bocaux, que l’on achève de remplir avec un mélange de sirop refroidi et de deux parties de l’eau-de-vie dans laquelle ont infusé les pelures, pour être aussitôt après bouchés avec tous les soins possible, et placés dans un lieu propre à favoriser la conservation des confitures, par son état de fraîcheur exempte d’humidité.

Noix vertes.

Les noix à employer doivent être de la plus belle espèce, et cueillies lorsque la coquille n’est pas entièrement formée. c’est-à-dire quand elles sont encore susceptibles d’être facilement traversées par une épingle. On les pêle délicatement, jusqu’à ce que la membrane blanche qui doit former la partie ligneuse soit entièrement découverte ; on les pique à mesure, et l’on se hâte de les jeter dans un bain d’eau alunée pour les empêcher de noircir, ce qu’elles feraient très-promptement. Après quelques instans d’immersion dans cette eau, que l’on a soin de changer aussitôt qu’elle commence à prendre de la couleur, les fruits sont soumis pendant quelques minutes à une légère ébullition, dans une bassine qui contient encore de l’eau et quelques poignées de cendre enfermées dans un linge. On amortit ensuite le feu, afin de prolonger l’infusion, sans toutefois donner aux noix le temps de cuire, et l’on jette celles-ci dans une nouvelle eau alunée que l’on change trois ou quatre fois, de quart-d’heure en quart-d’heure, en ayant soin de bien les laver. Au sortir de là, on les met dans un chaudron avec du sirop de fécule à vingt-cinq degrés, dans lequel on leur fait éprouver une cuisson telle qu’en piquant un de ces fruits avec une épingle, il s’en détache seul et retombe de suite par l’effet de son propre poids. On les place alors à égoutter sur des tamis pendant vingt-quatre heures, et après avoir convenablement recuit le sirop et l’avoir ensuite coupé de deux parties d’eau-de-vie, on jette ce mélange, bien clarifié, sur les noix rangées dans les bocaux que l’on bouche selon la méthode ordinaire.