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La pomme de terre, considérations sur les propriétés médicamenteuses, nutritives et chimiques de cette plante/22

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CHAPITRE XXII.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

L’homme qui se borne à récolter des mains de la nature, dit un savant, n’est point agriculteur.

Il doit donc, en outre, connaître non-seulement l’art de faire produire les champs, mais encore celui de faire produire les productions ; connaissance qu’il est d’autant plus facile d’acquérir qu’elle est basée uniquement sur l’intelligence de celui qui désire en faire son étude, puisqu’elle ne consiste qu’à soumettre les terres à des alternats convenables, et les récoltes à l’industrie manufacturière.

11 en est en effet de la terre comme des corps animés ; elle possède une espèce de chyle, qui est un amas confus de toutes les substances propres au développement et à la végétation du nombre infini de plantes qui naissent de son sein ; mais avec cette différence, que les substances qui émanent du chyle animal agissent sans cesse et simultanément, tandis que l’action de celles qui sont produites par le chyle de la terre est toujours alternative et constamment subordonnée à la volonté du cultivateur : c’est donc dans ce chaos de propriétés végétatives que l’homme intelligent doit chercher à distinguer et à connaître la plus abondante, afin de diriger son action sur l’espèce de végétal qu’elle est naturellement destinée à développer, nourrir et fortifier. La pomme de terre convient, par exemple, presque toujours avant et après les céréales ; ainsi, au lieu de laisser les terres en jachère pour faciliter le développement des sucs propres à la production du grain, on leur confiera ce précieux légume, dont les sucs nutritifs sont tout préparés et peuvent agir sans nuire à l’élaboration de ceux qui appartiennent aux récoltes subséquentes. Cette propriété végétative s’épuisera pour féconder la terre ; les autres prendront une vigueur suffisante pour la remplacer, tandis qu’elle-même fera provision de nouvelles forces ; et de cette manière, on récoltera tous les ans aussi abondamment que si l’on ensemençait chaque année dans des terres neuves, parce que les alternats en seront bien compris et savamment combinés. Ainsi, dans cet amas confus de facultés productives, il en est de toutes prêtes et qui réclament leur mise en action, d’autres qui n’ont point encore assez de forces, mais qui travaillent chaque jour à en acquérir davantage ; d’autres enfin qui paraissent être destinées à demeurer éternellement dans leur état actuel, sans jamais pouvoir être susceptibles de vigueur et d’accroissement ; d’où l’on peut conclure : que les premières doivent d’abord être mises en activité, ensuite les secondes, mais que ce serait en vain que l’on chercherait à obtenir des récoltes de celles qui restent sans cesse dans un état de stagnation. Il y aurait pourtant possibilité de les tirer de cette léthargie en leur donnant l’extension convenable, au moyen des engrais abondans, destléfoncemens, des épierremens, etc. etc. ; mais pour cela il y aurait des frais à faire, qu’il faudrait d’abord bien calculer et comparer avec les produits que l’on espérerait obtenir, afin de ne point se trouver, plus tard, la dupe d’un espoir hasardé et victime d’un malheureux déficit.

Il est donc constant, d’après ce que nous venons de dire, que l’agriculteur peut doubler et même quelquefois tripler ses récoltes par des alternats bien compris ; il peut encore doubler et tripler ces mêmes récoltes, en les soumettant à l’industrie manufacturière.

En effet, sans nous écarter de l’objet qui nous occupe, que deviennent les pommes de terre après l’arrachage ? quel est le parti qu’on en retire, et quel parti serait-il possible d’en retirer ? Recelées dans des caves ou des celliers, on les y abandonne une grande partie de l’année, ne les visitant que pour en extraire les quantités nécessaires à la nourriture des hommes et à celle des bestiaux, et, du reste, sans même prendre soin de les dépouiller des germes que la végétation du printemps leur fait produire, et qui ne contribuent pas peu à les presque annihiler, les laissant la plupart du temps se pourrir dans des lieux souvent humides, pour la seule et unique raison de ne savoir qu’en faire. Ne seraitil pas facile de convertir cette perte en bénéfices réels, en extrayant la fécule dans le temps propice, pour la livrer ensuite au commerce, ou en soumettant les tubercules à la distillation alcoolique, pour faire, du parenchyme résultant des râpages, un excellent pain, et pour nourrir le bétail des résidus inséparables de ces deux genres de fabrication ? Oui, sans doute, et c’est ce que je vais tacher de démontrer, en me confinant toutefois dans le département du Rhône et les circonvoisins, parce qu’habitant Lyon, qui en est le point central, je croîs avoir une connaissance plus particulière de leurs produits agricoles ainsi que de la valeur commerciale de ceux-ci, lorsque les cultivateurs sont assez à proximité de la ville pour pouvoir les vendre en nature.

Quant à la valeur des produits de la pomme de terre, qui seule doit fixer notre attention, il est de fait qu’elle sera toujours subordonnée au prix de ce tubercule ; et ainsi le bénéfice qui pourra résulter des différentes mutations qu’on lui fera subir, sera approximativement partout le même.

Si nous établissons pour principe le prix des pommes de terre, année commune, dans ces départemens, à deux francs les cent kilogrammes, et celui de la fécule vendue en gros à Lyon, à trente-quatre francs également les cent kilogrammes, terme moyen ; que d’ailleurs nous soyons bien convaincus que huit cents kilogrammes de pommes de terre donnent ordinairement cent kilogrammes de fécule propre à être livrée au commerce, nous conclurons de suite : que le bénéfice résultant de l’extraction de cette quantité de fécule, que deux ouvriers peuvent aisément fabriquer dans un jour, sera de dix-huit francs ; bénéfice qui, à cause du combustible, pourra tout au plus être réduit à dix-sept francs, et sans aucune autre réduction ; car nous devons tenir la main-d’œuvre comme nulle dans une ferme, parce que ce travail peut y être confié aux soins des domestiques, dans une saison où bien souvent les injures du temps ne permettent point à ceux-ci de se livrer aux travaux agricoles des champs.

Mais ce n’est pas là le seul lucre que présentent huit cents kilogrammes de pommes de terre au cultivateur ; il peut encore, en soumettant le parenchyme à la panification, soit dans son état de fraîcheur, soit dans celui d’une dessication parfaite, seul ou réuni à la fécule, en espérer un très-bon pain et à un prix infiniment modique.

La pomme de terre, contenant assez généralement trois quarts d’eau de cristallisation, huit cents kilogrammes de ces racines doivent fournir cent kilogrammes de fécule, cent kilogrammes de parenchyme desséché, et deux cents kilogrammes de farine de parenchyme et fécule réunis. Si on livre la fécule au commerce, le parenchyme donnera cent soixante-six kilogrammes de pain ; si l’on réunit le parenchyme à la fécule, cette farine donnera trois cent trente-deux kilogrammes de pain, qui ne reviendra pas à cinq centimes le kilogramme, un peu plus de deux centimes la livre ; mais dans le premier cas, il faut quatre cents kilogrammes de farine céréale qui, pour son compte, donnera cinq cents kilogrammes de pain, et les cent kilogrammes de parenchyme cent soixante-six kilogrammes ; total, six cent soixante-six kilogrammes de pain. Dans le" second cas, il faut huit cents kilogrammes de farine céréale qui donneront mille kilogrammes de pain, et les deux cents de farine de pommes de terre, trois cent trente-deux ; total, treize cent trente-deux kilogrammes de pain.

La dose de farine céréale que j’annonce dépend du goût du consommateur : il est des personnes qui n’en mettent que la moitié et même moins, et qui s’en trouvent très-bien ; d’autres la suppriment entièrement ; mais alors le pain est plus difficile à préparer, et, quoique très-nourrissant, n’est point aussi agréable.

D’après ces calculs qui, bien qu’extraordinaires en apparence, ne sont pourtant point exagérés, il est facile à concevoir que la culture des racines dont il est ici question doit sans contredit tenir le premier rang après celle des céréales, et avec d’autant plus de droit qu’en tout pays un hectare de terrain, planté en pommes de terre, en rapportera toujours, année commune, au dire de M. Dubrunfaut, au moins trente mille kilogrammes, déduction faite de la quantité employée pour la semence, et par conséquent plus du double de pain que celui sèmé du plus beau froment.

Ce n’est point encore là que doit se borner l’agriculteur ; il peut encore soumettre la pomme de terre à la distillation alcoolique, et, en suivant les procédés que nous avons indiqués, en tirer une très-bonne eau-de-vie. Il peut fabriquer, avec ce végétal, l’excellent vin blanc dont il a été fait mention, et cette bière économique si utile surtout aux ouvriers qu’emploie l’agriculture, et qui, par l’application des moyens que j’ai signalés pour l’obtenir, mérite une attention particulière de la part des économistes et des cultivateurs qui ne dédaignent pas d’améliorer le sort de cette classe intéressante.

L’on peut, en effet, se procurer facilement partout la pomme de terre et l’orge employées à cette fabrication ; le prix en est toujours très-modique, et puisqu’elles constituent naturellement une nourriture très-saine, il est évident qu’elles ne présentent rien d’insalubre aux consommateurs de cette boisson. La seule difficulté serait ici de se procurer du malt, si > par hasard, l’on se trouvait dans des contrées où il n’existât point de brasserie ; mais alors les habitans de la campagne pourraient se cotiser et faire construire à frais communs une touraille qui servirait pour tout un village, et même pour plusieurs, s’il était nécessaire. Il y aurait, d’ailleurs, possibilité d’employer l’orge crue à défaut d’orge maltée, et même au besoin le seigle, en le mélangeant avec de la courte paille de froment.

Si l’on ne tenait point à fabriquer une bière pétillante, très-limpide, enfin une bière d’agrément, telle que celle du commerce, et qu’on ne désirât qu’une boisson légère et rafraîchissante, on pourrait alors se dispenser de l’ébullition et de la concentration ; il ne serait besoin que de délayer le produit de la macération dans une quantité d’eau plus ou moins considérable, suivant le degré de spirituosité qu’on voudrait donner à la bière ; et l’on conçoit parfaitement que, quelque faible qu’on l’a fit d’ailleurs, elle serait toujours plus agréable et plus saine que les eaux froides et, dans certains lieux, quelquefois corrompues, auxquelles sont souvent obligés d’avoir recours les cultivateurs dans les chaleurs brûlantes de l’été. L’on pourrait donc, aussitôt après la macération, et sans autres préparations que celles qui en dépendent, mettre le liquide en fermentation, avec un peu de levure de bière, si l’on était à portée de pouvoir s’en procurer, ou tout simplement avec du levain de boulanger, qui serait suffisant pour la déterminer, en l’employant selon les règles qui ont été prescrites.

Quant aux moyens à mettre en usage pour obtenir le liquide, il me semble que la préférence devrait être donnée à celui que j’ai indiqué pour la saccharification de la fécule, réunie au parenchyme et seulement mise en liberté par le ràpage.

On diviserait la pomme de terre à l’aide d’une râpe économique, établie en tôle ou autrement ; une petite cuve à double fond servirait à la macération, et il ne serait point utile d’employer l’action d’une presse pour l’isolement parfait de tout le suc que pourrait retenir le parenchyme ; un faux fond, d’un diamètre moindre que celui de la cuve, et introduit dans celle-ci presque à frottement, suffirait, étant chargé de poids, pour opérer toute la pression nécessaire. On pourrait, d’ailleurs, très-bien lier cette fabrication à la préparation de la nourriture du bétail, telle qu’on la pratique dans la plupart des exploitations rurales, où l’on fait presque toujours cuire les pommes de terre avant de les donner aux animaux ; car cette condition, dont l’utilité est constatée par l’expérience, serait parfaitement remplie par la préparation de la bière dont il est ici question.

Ainsi, l’on voit que les frais que serait obligé de faire le cultivateur pour cette acquisition précieuse, seraient de bien peu d’importance ; il ne lui faudrait absolument qu’une râpe et une petite cuve à double fond, il trouverait tout le reste dans la ferme, tel que pommes de terre, grains, courte paille, tonneaux pour la fermentation, ainsi que vastes chaudrons et combustibles pour préparer l’eau bouillante.

Les pommes de terre doivent encore fixer l’attention de l’agriculteur sur un point qui ne doit pas être pour lui d’un moindre intérêt ; je veux dire, l’engraissement du bétail par les résidus de l’extraction de la fécule et ceux de la distillation, que l’on peut envisager comme une excellente nourriture pour les vaches laitières, les bœufs et les cochons. Si la quantité de ces substances excédait la consommation qu’on pourrait en faire dans la ferme, et qu’on voulût en soumettre une partie à la vente, on ne pourrait en obtenir qu’un prix excessivement vil, encore serait-il souvent impossible d’en effectuer le placement, même aux conditions les plus favorables pour l’acheteur. Il serait donc bien plus avantageux à celui qui aurait une grande quantité de pommes de terre, d’augmenter le nombre de ses bestiaux, et d’employer lui-même ces résidus à leur engraissement ; car il est reconnu que l’on peut très-bien nourrir un bœuf à l’engrais en lui donnant chaque jour de cinquante à cinquante-cinq kilogrammes de ce marc avec trois ou quatre kilogrammes de foin, et que ce bœuf, étant vendu au bout de trois mois, offrira toujours, sans être parfaitement gras, un bénéfice réel au moins de cent francs, pour ne pas dire plus considérable.

Le parenchyme des pommes terre se conserve très-bien, en le soumettant à faction d’une presse, et de là à une dessication parfaite ? comme celui que l’on destine à la panification. On l’emploie alors sous forme de bouillie, à laquelle on a soin d’ajouter un peu de son ou de farine céréale pour accélérer l’engraissement des bestiaux. Il est encore possible de le conserver, en le tapant, au sortir de la presse, dans des tonneaux que l’on ferme soigneusement après les avoir parfaitement remplis, et où il ne tarde pas à contracter une légère aigreur et à passer à l’état de choucroute. Ce moyen, que mettent en usage les Anglais et les Allemands pour la conservation des choux et des racines qu’ils destinent à la nourriture de leur bétail, trouve ici son application de la manière la plus convenable, puisqu’il exempte des frais du découpage, et que d’ailleurs il donne la facilité de se ménager des ressources précieuses pour toute l’année, et surtout pour les mois du printemps qui sont ordinairement ceux où il est très-difficile de pourvoir au manque de nourriture sèche.

Les parties épaisses qui restent dans l’alambic après la distillation, et qu’accompagne toujours une quantité de liquide assez considérable, sont aussi, dans cet état, une fort bonne nourriture pour les bestiaux.

Celui qui distille par jour trois cents kilogrammes de pommes de terre peut facilement très-bien nourrir, avec ce liquide chargé de matière, et que les Allemands nomment spiilig, douze à quinze bœufs de travail ou vaches laitières, en limitant la ration de chacun à quatre-vingts litres, et en ajoutant à cela trois ou quatre kilogrammes de foin sec pour chaque tête de bétail. Quant aux bœufs à l’engrais, il leur en faut davantage, et l’on doit leur en donner autant qu’ils peuvent en boire.

Les animaux que l’on soumet à ce régime produisent une très-grande quantité d’urine, que l’on a soin de recueillir dans des réservoirs où elle se putréfie pour fournir ensuite un amendement, à la vérité moins durable que le fumier, mais beaucoup plus énergique, surtout dans les sols légers et de mauvaise qualité. Il n’est pas un cultivateur en Allemagne, qui, ayant un alambic, n’ait aussi un lieu propre à recevoir les urines, et une voiture à tonneau pour les conduire dans les champs, où elles sont répandues sur les terres ; car l’on prétend généralement qu’il est possible d’amender, chaque année, autant de terrain avec l’urine putréfiée produite par uft certain nombre de bestiaux, qu’avec le fumier que l’on peut en obtenir pendant le même espace de temps.

Il est à observer que la graisse des bœufs et des cochons, nourris avec du spiilig, est toujours très-inférieure à celle qui provient de quelques autres alimens. On remédie toutefois à cet inconvénient en donnant à ces animaux, sur la fin de l’engraissement, un supplément de maïs, de pois, de fèverolles égrugés, et quelquefois des tourteaux d’huile, mais aux bêtes à cornes seulement.

L’on voit, d’après ce qui vient d’être dit, de quelle utilité est l’introduction de la manufacture dans une ferme, en ne l’envisageant néanmoins que sous un seul point de vue ; elle y opère des prodiges qui ne peuvent être bien connus et réellement appréciés que par celui dont elle fait la richesse, en augmentant de valeur son bétail et ses propriétés, par les engrais abondans dont elle est une source intarissable.

Mais si l’avantage de l’agriculteur manufacturier est considérable, combien le serait davantage celui du manufacturier agriculteur, qui, se livrant exclusivement à la féculerie et à l’engraissement des bestiaux, en ferait un état à part, sans néanmoins l’isoler entièrement d’une exploitation rurale !

Une féculerie où il se fabriquerait journellement cinquante kilogrammes de fécule, supposerait l’emploi de quatre mille kilogrammes de pommes de terre, qui fourniraient, outre la fécule et la perte de mille kilogrammes d’eau de cristallisation, deux mille cinq cents kilogrammes de parenchyme dans son état de fraîcheur ; le râpage s’effectuerait à l’aide d’un courant d’eau 5 dix ouvriers suffiraient pour le travail, et six hectolitres de houille seraient plus que suffisans pour entretenir un degré de’ chaleur convenable dans l’étuve déjà chauffée de la veille.

D’après cet exposé, faisons le calcul des bénéfices annuels qui pourraient résulter d’un tel établissement :

La durée du travail étant de six mois, la quantité de pommes de terre à employer devrait être de :

600,000 kilogr. à 2 fr. les 100 kil. 12,000 fr.
37,500 kilog. de parenchyme, résultant de cette quantité, nourriraient constamment, pendant une année, 25 bœufs à l’engrais, qui, à 200 fr. l’un, coûteraient 5,000
1,5oo journées d’ouvriers employés à la fabrique, à 3 francs, 4,500
900 hectolitres de houille, à 2 fr. 1,800
Gages et nourriture de deux hom
Total, 23,300 fr.
Report d’autre part, 23,300 fr.
mes de cour, pour le soin des bœufs et autres ouvrages, 1,000
Intérêt des sommes ci-dessus dé 25, 758
Total des dépenses : 25,758 fr.
L’on obtiendrait 75,000 kilog de fécule à 34 fr. les 100 kilog. 25,500
Si un bœuf à l’engrais, sans être parfaitement gras, offre néanmoins à la vente, au bout de trois mois, un bénéfice de 100 fr. ce bénéfice se renouvelant quatre fois dafts l’année, serait donc de 4<>o fr. qui, répétés 25 fois, donneraient une somme de 10,000
Laquelle, ajoutée au produit de la fécule, 25,5oo
Formerait celle de 35,5oo D’où il résulte, soustraction faite du montant des dépenses, 25,758
Un bénéfice net de 91742 fr.

Ainsi, en abandonnant le produit de la vente des engrais, formé par le bétail, ou le montant de leur valeur pour parer aux frais occasionés par l’entretien de la fabrique et le transport des marchandises, il est facile de concevoir que le bénéfice qui se présente est considérable, vu l’exiguité des fonds employés à ce genre de commerce ; encore est-il fixé à son minimum, tandis que les dépenses sont portées à leur.plus haut point d’extension possible.

N’abandonnons point encore le plus précieux des légumes ; suivons le cours de ses métamorphoses : transformé miraculeusement en miel et en sirop-sucre, nous le verrons précieusement casé dans les pharmacies et chez les confiseurs, venir, d’une part, au secours des malades, et de l’autre, parcourant sous diverses formes les maisons de luxe et les cafés, satisfaire le goût d’une heureuse Dulcinée, et chatouiller agréablement le palais délicat €es oisifs ; mais trêve à des éloges peut-être non mérités.

Déjà je crois entendre certaines personnes, esclaves des préjugés et ennemies de tout ce qui n’est point du ressort de leurs connaissances, se récrier contre le sirop économique de fécule. Il revient trop cher, disent-elles, et ne peut point d’ailleurs rivaliser avec celui dont nous avons jusqu’à ce jour fait usage, surtout à raison de son défaut de sucré.

Un pareil raisonnement me donne heu de conclure que les personnes qui le tiennent ne connaissent ni le sirop de fécule, ni le prix auquel on peut l’établir. En effet, si elles en avaient quelque connaissance, allégueraient-elles un défaut de sucré auquel il est si facile de suppléer par l’addition d’un tiers de son poids en sucre des colonies ? Elles observeront peut-être que, dans ce cas, il subirait une augmentation de prix considérable : j’en conviens ; mais cette augmentation ne refluerait point sur la masse entière ; elle ne s’étendrait que sur un tiers, et l’avantage serait toujours le même sur les deux autres.

Quant à ce qu’il peut revenir, je vais tâcher de le démontrer d’une manière très-précise, et je laisserai ensuite aux critiques le soin de faire la comparaison sur ce point avec le sirop provenant du sucre de la canne, et de porter un jugement qui ne pourra jamais être, s’ils sont de bonne foi, qu’en faveur de celui de fécule de pommes de terre.

Je suppose qu’on opérera sur cent kilogrammes de fécule ; la dose d’acide sulfurique à employer sera de quatre kilogrammes ; celle de charbon animal, de deux mille cinq cents grammes ; celle de carbonate de chaux, de six kilogrammes, et enfin celle de houille, en combustible, de deux hectolitres. La journée d’un ouvrier suffira pour cette fabrication. Ainsi :

100 kilogrammes de fécule, 34 fr. 00
4 kil. acide suif. à 3o fr. les 100 kil. 1 20
2,500 grammes charbon animal, à 40 fr. les 100 kilogrammes, 1 00
6 kilogrammes carbonate de chaux, à 15 fr. les 100 kilogrammes, 0 90
2 hectolitres houille, à 2 fr. 4 00
La journée d’un ouvrier, 3 00
Total… 44 fr. 10

voilà le prix auquel reviendront quatre-vingt-dix kilogrammes de sirop à trente-deux degrés de concentration chaud, et à trente-six étant froid.

Je ne parlerai point du produit de la saccharification de la fécule par le gluten, il marche de pair, sous tous les rapports, avec celui dont nous venons de nous occuper ; et s’il existe quelque différence, elle est peu considérable, et sans contredit toujours en sa faveur.

Pour ce qui concerne le miel factice, cette substance suit progressivement en tous points le sirop qui en est le principe ; chacun en connaît la consommation, et peut juger des bénéfices qu’elle présenterait étant livrée au commerce. Je n’en dirai donc encore rien, et passerai également sous silence le vin blanc, les liqueurs et les confitures, dont il est facile de calculer les précieux avantages.

Telle est la pomme de terre, tel est ce riche enfant de l’agriculture : roi de tous les légumes, il étale ses nombreuses richesses indistinctement sur la table la plus modeste, comme sur la plus somptueusement servie. Cependant, qui le croirait ? les propriétés de ce végétal incomparable ne sont point encore appréciées par le grand nombre de ceux auxquels il jprodigue chaque jour tant de bienfaits ; sa culture est parfois négligée, et le tubercule, abandonné après la récolte, finit souvent par être victime de cette funeste négligence et la proie de la corruption. En vain, du sein profond de la retraite qui l’emprisonne pendant la saison rigoureuse, fait-il, au retour du printemps, tous ses efforts pour donner des preuves de la vigueur de sa, végétation, en poussant des germes nombreux et même des rameaux verdoyans par les soupiraux des caves, dont il cherche à fuir l’obscurité ; on ferme l’œil à cet avertissement de fécondité que donne la nature, et l’on s’obstine, pour ainsi dire, à contempler avec une espèce de mépris un légume qui doit tenir le premier rang, et que l’on considère comme la nourriture presqu’exclusive de l’animal le plus immonde.

Revenez de cette erreur, vous surtout, agriculteurs intelligens, amis des arts industriels, faites produire vos champs, plantez la pomme de terre, soumettez-en les récoltes à l’industrie manufacturière, afin que vos voisins, stimulés par l’appât du lucre, cherchent à vous imiter, et que bientôt l’influence de l’exemple rende généralement à cette racine le culte et la considération que mérite un si précieux tubercule.

FIN